Rapport d'enquête ferroviaire R05E0008

Accident à un passage à niveau
mettant en cause le train de voyageurs numéro 1
exploité par VIA Rail Canada Inc.
au point milliaire 92,26 de la subdivision Edson
à MacKay (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 31 janvier 2005 à 13 h 10, heure normale des Rocheuses, le train de voyageurs no 1 de VIA Rail Canada Inc., alors qu'il roulait vers l'ouest, a été heurté par un camion grumier qui roulait vers le sud sur la route secondaire 751, au passage à niveau public situé au point milliaire 92,26 de la subdivision Edson du Canadien National. Le passage à niveau était protégé par des feux clignotants, des signaux et des cloches, et par des signaux d'avertissement avancés qui étaient placés à environ 104 m du passage à niveau. La collision a causé le déraillement des deux locomotives et des neuf voitures du train. Le conducteur du camion a subi des blessures graves et a été transporté à l'hôpital. Les 86 voyageurs et les 16 membres de l'équipe du train ont été évacués vers le centre communautaire local. Un voyageur et un membre de l'équipe des services de bord ont été légèrement blessés. Quelque 6500 litres de carburant se sont déversés de la locomotive de tête.

    This report is also available in English.

    Renseignements de base

    Le train de voyageurs no 1 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), comptant deux locomotives et neuf voitures, part d'Edmonton (Alberta) à destination de Vancouver (Colombie-Britannique) et roule dans la subdivision Edson du Canadien National (CN). À bord du train se trouvent 16 membres du personnel de VIA et 86 voyageurs. La figure 1 montre l'endroit où l'accident est survenu.

    Figure 1. Carte montrant l'endroit où l'accident est survenu
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    Carte montrant l'endroit où l'accident est survenu

    Le parcours se déroule normalement jusqu'à ce que le train approche du passage à niveau public de la route secondaire 751 près de MacKay (Alberta). Comme le train approche du poteau commandant de sifflerNote de bas de page 1, le mécanicien aperçoit sur la route un camion grumier chargé qui s'approche du passage à niveau en provenance du nord. Le train roule à 70 mi/h, c'est-à-dire la vitesse autorisée dans la subdivision pour les trains de voyageurs. Le camion ne semble pas ralentir tandis qu'il approche du passage à niveau. Le mécanicien actionne de façon répétée le sifflet du train afin d'alerter le conducteur du véhicule. À la dernière seconde, au moment où le train s'engage sur le passage à niveau, le camion fait un écart vers l'ouest pour essayer d'éviter la collision. Le camion heurte le côté nord de la cabine de la locomotive de tête, faisant dérailler le train de voyageurs au complet du côté sud de la voie ferrée.

    Le camion s'immobilise dans le fossé nord de la voie. On n'a relevé sur la chaussée aucune marque indiquant que le camion grumier a freiné avant l'impact.

    Après que le train s'est immobilisé, l'équipe fait évacuer les voyageurs, non sans s'être assurée qu'elle peut le faire en toute sécurité. Les voyageurs et les membres de l'équipe de VIA sont transportés jusqu'à la salle communautaire de MacKay, située non loin des lieux de l'accident, où un refuge d'urgence a été préparé. Des équipes d'ambulanciers se rendent sur les lieux de l'accident, mettent en place un poste de premiers soins dans la salle communautaire, et prennent soin des voyageurs qui arrivent. Lors de la collision, deux personnes ont été légèrement blessées. Un voyageur a subi une écorchure mineure à la figure lorsqu'un bagage est tombé d'un rangement supérieur qui n'était pas fermé ou qui n'avait pas de filet de retenue. Un employé de VIA a subi une blessure mineure après avoir heurté le coin d'un comptoir au moment du déraillement. VIA a pris des dispositions pour faire transporter les voyageurs jusqu'à leur destination.

    Un membre d'une équipe locale d'intervention d'urgence qui habitait près de l'emprise ferroviaire signale immédiatement le déraillement aux services d'urgence. La Gendarmerie royale du Canada (GRC), la police du CN, le service des incendies d'Edson, des équipes d'ambulanciers venant d'Edson, de Drayton Valley et de Mayerthorpe et des ambulances aériennes sont immédiatement dépêchés sur les lieux. Les résidants de MacKay ouvrent la salle communautaire de MacKay pour y aménager un refuge d'urgence et fournissent de la nourriture et des boissons aux personnes touchées par le déraillement. L'unité des services de secours aux sinistrés du détachement de la GRC de Mayerthorpe envoie aussi sur place des spécialistes des traumatismes qui doivent s'entretenir avec toute personne touchée par l'accident.

    Le camion et sa remorque ont été lourdement endommagés. Les grumes du chargement sont passées par-dessus le train, retombant dans le fossé du côté sud de la voie principale. Le conducteur est resté prisonnier de son camion et a subi de graves blessures. Après qu'on l'a extrait du camion à l'aide de mâchoires de survie, il a été transporté à l'hôpital d'Edmonton par une ambulance aérienne.

    Il faisait environ −5 °C, et le ciel était dégagé et ensoleillé. La surface de la route était asphaltée et sèche. Le soleil était haut dans le ciel et n'était pas dans une position où il aurait empêché le conducteur de bien voir le train, la signalisation routière et les signaux pendant qu'il approchait du passage à niveau public.

    Voitures en cause dans l'événement

    De l'avant vers l'arrière, les neuf voitures du train portaient les numéros suivants :

    • 8610 - Fourgon à bagages
    • 8136 - Voiture-coach
    • 8504 - Voiture panoramique Skyline
    • 8335 - Voiture Mackenzie Manor avec couchettes
    • 8408 - Wagon-restaurant Empress
    • 8307 - Voiture Blair
    • 8340 - Voiture Stuart Manor avec couchettes
    • 8319 - Voiture Dawson Manor avec couchettes
    • 8717 - Voiture panoramique Waterton Park avec quelques couchettes

    Enregistrement des données relatives aux locomotives

    Les renseignements consignés indiquent qu'immédiatement avant l'accident, le train roulait à une vitesse de 70 mi/h et la manette des gaz était à la position 8. Conformément à la règle 14 l) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, le mécanicien a fait retentir le sifflet de locomotive pendant une quinzaine de secondes avant que le train ne s'engage sur le passage à niveau. La cloche se faisait aussi entendre. Le mécanicien a commandé un freinage d'urgence lorsqu'il est devenu évident que le camion n'allait pas s'arrêter. Il a fallu environ 12 secondes pour que le train décélère de 70 mi/h à 0 mi/h. La tête du train s'est immobilisée à quelque 255 m à l'ouest du passage à niveau.

    Dommages subis par la voie ferrée et le matériel roulant

    Les deux locomotives ont dû être retirées du service, ayant subi des dommages considérables. Les trois premières voitures qui suivaient les locomotives se sont arrêtées dans différents angles et ont subi des dommages considérables. Les six autres voitures sont restées sur leurs roues mais elles ont déraillé à côté de la voie; elles ont toutes été endommagées à des degrés divers (voir les photos 1, 2 et 3).

    Photo 1. Vue des dommages du côté nord du fourgon à bagages 8610
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    Vue des dommages du côté nord du fourgon à bagages 8610
    Photo 2. Vue en direction est, à partir du passage à niveau, du déraillement et des dommages causés à la voie ferrée
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     Vue en direction est, à partir du passage à niveau, du déraillement et des dommages causés à la voie ferrée
    Photo 3. Vue des dommages causés au côté nord des deux locomotives
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    Vue des dommages causés au côté nord des deux locomotives

    La voie ferrée a dû être refaite sur une distance de quelque 245 m à l'ouest du passage à niveau.

    Accidents antérieurs

    Les dossiers du BST montrent que deux autres accidents sont survenus à ce passage à niveau : un en 1990 (R90E0286) mettant en cause un camion lourd et un en 1993 (R93E0015) mettant en cause un camion grumier. Dans l'événement R93E0015, un camion grumier a heurté le train de marchandises 404-XM-10 du CN qui roulait en direction est entre la seconde locomotive et le premier wagon. La collision a causé des dommages mineurs à la locomotive diesel 9497 et aux deux wagons qui la suivaient. Personne n'a été blessé.

    Conception du passage à niveau et dispositifs d'avertissement

    Aux abords du passage à niveau, la route est en courbe dans les deux directions. La voie ferrée croise la route à un angle de 90 degrés. En 2005, il y avait en moyenne 480 véhicules par jour, dont 50 véhicules lourds, qui franchissaient le passage à niveau. Le passage à niveau était muni de feux clignotants et d'une cloche, qui sont conçus pour avertir les automobilistes pendant environ 23 secondes avant qu'un train s'engage sur le passage à niveau. Sur les abords routiers du passage à niveau, des zones de vitesse réduite, des panneaux avancés de passage à niveau et des signaux d'avertissement avancés montés sur cantilever avertissaient les automobilistes de la présence du passage à niveau.

    La vitesse maximale autorisée sur la route était de 100 km/h. À 384 m du passage à niveau, on avait limité la vitesse à un maximum de 50 km/h afin d'assurer la sécurité des gens de MacKay. Cette distance correspond à environ 3,2 fois la distance d'arrêt d'un véhicule lourd, comme un camion grumier chargé, qui roulerait à la limite de vitesse.

    À quelque 286 m du passage à niveau, un panneau recommandant une vitesse de 30 km/h était placé en bordure de la route. La distance à laquelle le panneau était placé correspond à environ 4,8 fois la distance d'arrêt d'un véhicule lourd qui roulerait à la vitesse recommandée.

    Les signaux d'avertissement avancés étaient placés à 103 m du passage à niveau, conformément aux normes de conception recommandéesNote de bas de page 2. Les feux étaient orientés tangentiellement par rapport à un point de la courbe. Le plan de positionnement du signal exigeait qu'il soit placé vers l'intérieur, face à la route. Le signal était donc tourné légèrement vers la gauche pour les véhicules qui approchaient.

    Les lignes directrices concernant le positionnement et l'orientation des panneaux d'avertissement avancés, qui figurent dans le Manuel canadien de la signalisation routière (MCSR), se lisent comme il suit :

    Les panneaux devraient être installés à un endroit bien visible en bordure des voies de circulation ou au-dessus des voies de circulation à une distance par rapport à l'intersection mesurée en fonction de la configuration géométrique de la route, des catégories de véhicules et de la limite de vitesse.

    On y lit aussi

    Le panneau « Préparez-vous à arrêter à un passage à niveau » indique à l'avance aux conducteurs la proximité d'un passage à niveau et avise les conducteurs qu'ils devront très probablement s'arrêter.

    . . . Le panneau « Préparez-vous à arrêter à un passage à niveau » peut être installé à des passages à niveau où l'une ou plusieurs des conditions suivantes sont réunies :

    • la limite de vitesse est égale ou supérieure à 90 km/h;
    • la visibilité est réduite;
    • au bas d'une très longue pente;
    • la visibilité est souvent réduite par les conditions environnementales.

    Le MCSR indique qu'on peut utiliser un panonceau (WB-5S) « Préparez-vous à arrêter » en plus du panneau WB-5 annonçant une intersection routière, et qu'on pourrait aussi l'utiliser en plus du panneau WB-6, annonçant un passage à niveau.

    Le MCSR ne donne pas d'instructions détaillées sur le positionnement des panneaux dans une courbe ou près d'une courbe, mais il précise que les panneaux devraient être placés face aux véhicules qui approchent, presque perpendiculairement à la chaussée. Le panneau d'avertissement avancé était visible à travers les arbres, vers l'intérieur de la courbe, à environ 480 m du passage à niveau, et il devenait bien visible à une distance d'environ 280 m du passage à niveau.

    Des essais des signaux d'avertissement du passage à niveau qui ont eu lieu après l'accident ont révélé que les signaux en question étaient en bon état de fonctionnement. Les signaux d'avertissement avancés étaient synchronisés pour s'activer en même temps que les feux clignotants et la cloche du passage à niveau.

    Les circuits de passage à niveau sont à sécurité intégrée, c'est-à-dire qu'en cas de mauvais fonctionnement, ils sont conçus de façon à actionner le système de protection du passage à niveau. Au cours des deux semaines qui ont précédé l'accident, on a relevé deux pannes des circuits qui ont entraîné le fonctionnement continu des dispositifs d'avertissement du passage à niveau.

    Après l'accident, des enquêteurs du BST ont observé une automobiliste qui roulait à environ 50 km/h et qui a franchi le passage à niveau, dont les signaux d'avertissement étaient activés, à peine trois ou quatre secondes avant le passage d'un train de marchandises. La conductrice a déclaré qu'après avoir observé que les feux clignotants du passage à niveau fonctionnaient alors qu'il n'y avait pas de train, elle avait fait moins confiance au système d'avertissement. Lors d'une étude ultérieure portant sur le passage à niveau, pendant laquelle on a actionné les feux clignotants du passage à niveau de façon ponctuelle pour simuler un fonctionnement intempestif du dispositif d'avertissement, plusieurs automobilistes ont franchi le passage à niveau sans s'arrêter.

    Camion et remorque de transport de grumes

    Le camion était un Freightliner de l'année-modèle 1994, à cabine conventionnelle et essieux arrière en tandem. En plus du système de freinage normal, le camion était muni d'un frein-moteur Jacobs. Le frein-moteur Jacobs est un dispositif hydromécanique monté sous le couvre-culasse d'un moteur. Quand le conducteur l'actionne à partir de la cabine, le frein-moteur Jacobs modifie le calage des soupapes d'échappement du moteur et fait en sorte que le moteur devienne un compresseur d'air. L'effort retardateur qui se produit alors est proportionnel au régime du moteur. Ce frein-moteur est généralement utilisé pour des véhicules commerciaux lourds et permet de contrôler la vitesse des véhicules avec plus de sécurité dans différentes conditions de conduite, que le camion circule en terrain plat ou descende une forte pente. Ce dispositif utilise le moteur pour faire ralentir le véhicule sans avoir à solliciter indument les freins des roues.

    La remorque de transport de grumes de 40 pieds était une remorque de modèle Peerless Page HRL Tri-Dem d'une capacité de charge de 75 000 livres, munie de trois essieux d'une capacité de 22 500 livres. Le système de freinage du véhicule avait été équipé à l'origine de dispositifs automatiques de rattrapage d'usure des garnitures, mais on avait remplacé ultérieurement les dispositifs en question par des dispositifs à réglage manuel du jeu. La tare (le poids à vide) de la remorque était d'environ 15 000 livres.

    Inspections mécaniques, permis et exigences quant à l'inspection des véhicules

    Des certificats d'inspection valides avaient été délivrés pour le camion et la remorque, conformément aux dispositions du programme d'inspection des véhicules commerciaux du ministère des Transports de l'Alberta. Les dernières inspections annuelles du camion et de la remorque remontaient au 6 juillet 2004 et au 30 novembre 2004 respectivement. Après l'inspection du camion, on a dû faire des réparations au régleur de timonerie de frein de l'essieu no 2, du côté droit. Quant à l'inspection de la remorque, elle n'a révélé aucune défectuosité.

    Un agent des transports de la Direction de la sécurité des véhicules du ministère des Transports de l'Alberta a procédé à des inspections mécaniques du camion et de la remorque après l'accident. L'inspection du camion a révélé que la boîte de vitesses à 10 rapports du camion était restée en sixième vitesse après la collision, ce qui correspond à une vitesse de 50 km/h à 60 km/h au moment de la collision. Une inspection mécanique plus poussée du camion n'a mis en évidence aucune anomalie mécanique ou anomalie des freins.

    Le système de freinage de la remorque a fait l'objet de deux inspections mécaniques, lesquelles ont révélé la présence des problèmes suivants :

    • Aucun réglage du jeu n'était possible dans la timonerie de réglage du frein droit de l'essieu no 1, ce qui signifie que les segments de freins ne pouvaient appliquer aucune pression sur le tambour de frein.
    • Le cylindre du frein gauche de l'essieu no 3 était inopérant en raison d'une défectuosité du diaphragme de frein. L'essieu no 1 (droit) et l'essieu no 3 (gauche) étaient dépourvus de frein à ressort.
    • L'absence d'obturateur sur l'ouverture du boîtier du frein à ressort faisait en sorte que des contaminants pouvaient bloquer la cavité du frein à ressort.
    • Il y avait une fuite d'air dans le circuit de freinage de service gauche de l'essieu no 3, ce qui signifie qu'un serrage à fond des freins de service de la remorque aurait été impossible.
    • On a relevé un mauvais fonctionnement des dispositifs de réglage du jeu, ce qui a dû réduire l'efficacité des freins de la remorque.

    La Direction de la sécurité des véhicules du ministère des Transports de l'Alberta a conclu que la pression d'air n'aurait pas été suffisante pour permettre un serrage adéquat des freins de service de la remorque. On a aussi conclu qu'au moment du serrage des freins de service, ceux-ci auraient eu peu d'effet sur la remorque chargée, étant donné que deux roues ne fournissaient aucun effort de freinage, de sorte que l'effort de freinage des quatre roues restantes aurait été inefficace.

    Les conducteurs sont responsables de la sécurité et de l'entretien de leur matériel, et les exploitants doivent mettre en place un programme proactif de sécurité et d'entretien. La réglementation exige qu'avant qu'on prenne la route avec un camion, on fasse une inspection avant départ qui inclut des vérifications sous le capot, dans la cabine et une inspection à pied autour du véhicule. Quand les conducteurs s'arrêtent périodiquement dans les relais routiers pour faire une pause, ils devraient en profiter pour faire une brève inspection afin de s'assurer que leur véhicule est toujours en bon état et que leur chargement est toujours bien arrimé. Dans le site Web intitulé Traffic Safety in Alberta, portant sur la sécurité routière en Alberta, on lit que le conducteur doit s'assurer que le délai de montée en pression des freins à air est adéquat et que la réduction de la pression est acceptable quand on serre les freins. De plus, dans le document AR 118/89s2; 115/2003, intitulé « Inspections », on lit :

    [Traduction]

    3(1) Le conducteur d'un véhicule commercial doit inspecter le véhicule avant d'en prendre les commandes au début de son quart de travail, et après qu'il a fini de s'en servir à la fin d'un quart de travail. (2) L'inspection exigée au paragraphe (1) doit porter notamment sur les équipements suivants :

    … (e) le frein de service, y compris les raccords du circuit de freinage de la remorque.

    Bien que les transporteurs soient tenus de mettre en œuvre des plans de contrôle de la sécurité et de l'entretien, aucun plan de ce genre n'était en vigueur. Actuellement, le ministère de l'Infrastructure et des Transports de l'Alberta se charge de contrôler ces programmes en procédant à des vérifications au hasard et à des enquêtes sur les causes.

    Au Canada, lors de la campagne Road Check 2005Note de bas de page 3, en l'occurrence une campagne de trois jours pendant laquelle on fait l'inspection de camions et d'autobus, 17,4 % des véhicules inspectés ont dû être retirés du service. On a relevé des ennuis du circuit de freinage sur 55 % de ces véhicules.

    Enregistreurs de données de conduite du camion

    Le camion Freightliner de l'année-modèle 1994 était équipé d'un module de commande électronique (ECM), appelé aussi enregistreur de données de conduite ou « boîte noire ». L'ECM du camion était un appareil de modèle DDEC III, qui était branché sur le moteur Detroit Diesel de la série 60. L'enregistreur consigne des données sur une période de trois mois. Il est aussi muni d'un fichier temporaire qu'on peut remettre à zéro après en avoir extrait l'information voulue. Il y a aussi une horloge / un calendrier interne alimenté par pile, qui tient compte du temps qui passe et permet de situer dans le temps (documents horodatés) les événements qui sont consignés comme les codes de défectuosité, les freinages énergiques et le moment du dernier arrêt. Les renseignements de ce genre sont très utiles pendant les enquêtes sur des accidents.

    L'enregistreur de données de conduite peut fournir des renseignements sur

    • l'activité journalière;
    • l'activité du mois pour le mois en cours et les deux mois précédents
    • la vitesse par rapport au régime du moteur
    • la charge par rapport au régime du moteur
    • les excès de vitesse par rapport au régime du moteur
    • l'entretien périodique - trois tâches d'entretien périodique
    • les incidents de freinage énergique - les deux derniers incidents
    • le dernier arrêt
    • les dossiers de diagnostic - les trois derniers codes de défectuosité
    • l'utilisation quotidienne du moteur pendant les 30 derniers jours
    • la vie du moteur à ce jour

    Les enregistreurs de données de conduite sont programmés pour consigner les événements qui ont précédé un accident et ceux qui se sont produits au moment de l'accident. Grâce à ces enregistreurs, les enquêteurs disposent de données exactes et objectives relatives à l'accident. Au Canada, le secteur du transport routier par véhicules commerciaux est le seul mode de transport de marchandises qui n'est pas régi par une norme ou une réglementation relative aux enregistreurs de données de conduite.

    On a retiré l'ECM du camion et on l'a apporté chez un concessionnaire Detroit Diesel autorisé d'Edmonton pour le faire inspecter et en faire extraire les données. Cependant, étant donné que les pages de donnéesNote de bas de page 4 de l'ECM n'avaient pas été activées, aucune donnée n'était disponible.

    Conducteur du camion

    Le conducteur parcourait régulièrement cet itinéraire depuis décembre 2004. Il savait où se trouvaient les signaux et les feux clignotants du passage à niveau, et il savait à quoi ces signaux servaient. Il était aussi au courant des dangers relatifs aux passages à niveau et à la circulation ferroviaire. Quand le conducteur s'est aperçu de la présence du train, il n'était plus qu'à une centaine de mètres du passage à niveau, soit un peu plus loin que la position du signal d'avertissement avancé. Il n'a pas freiné avant de faire un écart pour éviter la collision.

    Fatigue et déshydratation du conducteur

    Au cours de la nuit qui a précédé l'accident, le conducteur ne se sentait pas bien, et il avait peu et mal dormi. Tout au plus, il a dormi normalement pendant trois heures, après quoi des ennuis gastro-intestinaux l'ont empêché de dormir. Quand il s'est recouché, il a dormi tout au plus trois heures avant d'être tiré du lit par son réveil. Il a téléphoné à un collègue pour l'aviser qu'il ne ferait pas le premier voyage de la journée, puis il s'est recouché avec l'intention de faire ses deuxième et troisième voyages de la journée. Trois heures plus tard, le conducteur a reçu un appel de son superviseur, qui lui demandait pourquoi il n'était pas encore au travail. Le conducteur a alors informé son superviseur de son état et s'est engagé à être à son poste pour les deuxième et troisième voyages de la journée.

    Les effets typiques de la fatigue peuvent inclureNote de bas de page 5 :

    • une diminution de la capacité de maintenir sa vigilance psychomotrice
    • une diminution des capacités de traitement de l'information
    • une augmentation des délais de réaction

    On sait que la déshydratation due à des symptômes pseudo-grippaux a des effets sur la capacité cognitive et sur l'acuité visuelle. Elle peut donner lieu à une dégradation du rendement cognitifNote de bas de page 6. Rien n'indique que le conducteur ait compensé sa perte liquidienne par un apport accru de liquides. Le seul liquide qu'il a absorbé était une boisson gazeuse qu'il a bue en mangeant son goûter quelque temps avant l'événement.

    Diabète du conducteur

    Le conducteur a appris qu'il soufrait de diabète sucréNote de bas de page 7 en 1992. Son médecin lui avait prescrit des médicaments administrés par voie orale et lui avait conseillé de suivre un régime destiné à stabiliser sa glycémie. Les dossiers médicaux indiquent que le conducteur ne prenait pas ses médicaments régulièrement et négligeait de vérifier régulièrement sa glycémie, et qu'il avait souvent une glycémie élevée. Il n'avait pas pris ses médicaments au cours de la semaine précédant l'accident; il semble d'ailleurs qu'il ne les prenait pas depuis six mois.

    Le jour de l'accident, le conducteur n'a pas mangé de petit déjeuner et il a mangé un goûter riche en glucides environ une heure avant l'accident. L'équipe de l'ambulance aérienne a effectué un prélèvement sanguin immédiatement après l'accident, prélèvement qu'on a examiné à l'arrivée à l'hôpital. Le test a révélé une glycémie élevée. Le conducteur a eu une glycémie élevée et non normalisée pendant tout le temps qu'il a passé à l'hôpital.

    Les symptômes les plus manifestes de l'hyperglycémie sont une vision trouble, un rendement cognitif réduitNote de bas de page 8, la fatigue et la déshydratation. L'altération de la vision peut modifier la distance à laquelle une personne peut focaliser par un facteur atteignant trois (dioptries)Note de bas de page 9. N'importe laquelle de ces déficiences peut causer une diminution du rendement d'un conducteur.

    Les documents de sensibilisation du public portant sur les risques que représente le diabète dans le contexte de la conduite automobile insistent surtout sur les risques liés à l'hypoglycémie (taux peu élevé de sucre dans le sang). Les études en laboratoire récentes portant sur les effets de l'hyperglycémie sur le rendement cognitif ne sont pas encore mentionnées dans les documents de sensibilisation relatifs au diabète.

    Un spécialiste dont le BST a retenu les services pour faire analyser les données médicales relatives à l'événement a conclu que la capacité du conducteur de conduire en toute sécurité un véhicule automobile était vraisemblablement réduite. Le spécialiste a aussi conclu que l'un ou l'autre ou une combinaison des facteurs susmentionnés avait pu empêcher le conducteur de percevoir les signes qui l'avertissaient du passage imminent du train au passage à niveau et de réagir en conséquence. Le spécialiste a aussi conclu que :

    • Le conducteur du camion souffrait d'ennuis de santé (diabète sucré) qui étaient susceptibles d'affecter sa capacité de conduire un véhicule automobile en toute sécurité.
    • Son diabète était instable au moment de l'incident.
    • Les symptômes résultant de son diabète ont pu affecter son rendement pendant la conduite de son véhicule.
    • Le conducteur s'est conformé à la réglementation pertinente et il a fait connaître son état de santé au médecin qui l'a examiné en vue de la délivrance de son permis de conduire.
    • Les exigences médicales qui sont en vigueur actuellement en Alberta concernant la conduite des véhicules commerciaux ne traitent pas en profondeur de la question de la stabilisation de l'état des conducteurs souffrant de diabète.

    Le conducteur était titulaire d'un permis de conduire valide de classe 1 de l'Alberta. Une condition de son permis exigeait qu'il se soumette périodiquement à des examens médicaux effectués par un médecin. Il avait déclaré qu'il souffrait de diabète, qu'il prenait des médicaments administrés par voie orale et qu'il n'avait pas souffert d'épisodes hyperglycémiques importants. Le conducteur et les médecins qui lui faisaient passer l'examen pour l'obtention du permis de conduire se sont conformés à la réglementation provinciale. Dans le formulaire d'examen médical des conducteurs de l'Alberta (Alberta Medical Examination for Motor Vehicle Operators), on n'est tenu de signaler que les symptômes liés à des épisodes hyperglycémiques. Les formulaires n'exigeaient pas non plus que le conducteur ou le médecin fasse quelque déclaration concernant le fait que le diabète du conducteur était instable, notamment du fait d'épisodes hypoglycémiques.

    Les examens médicaux auxquels les conducteurs sont soumis visent à convaincre l'autorité de délivrance des permis et, en bout de ligne, le public, que la personne examinée est médicalement apte à exercer les tâches requises au moment de l'examen, et qu'il est fort probable que la personne en question sera apte pendant toute la période de validité visée par l'examen.

    Pour les troubles médicaux dont il est question dans le formulaire d'examen médical des conducteurs de l'Alberta, le degré de stabilité des symptômes est le critère sur lequel on doit se fonder pour déterminer si la personne examinée peut obtenir le permis de conduire, si son permis doit faire l'objet de restrictions, ou s'il faut interdire à cette personne de conduire un véhicule automobile.

    Le guide de l'Association médicale canadienne intitulé Détermination de l'aptitude médicale à conduireNote de bas de page 10 traite aussi de la question de la stabilisation de la maladie. Dans ce guide, on lit :

    Les patients qui réussissent à bien contrôler leur diabète par le seul régime alimentaire ou par une combinaison régime et médication orale courent très peu de risques d'être affectés par un coma diabétique ou une réaction hyperglycémique grave. Par conséquent, ils peuvent habituellement conduire à peu près sans danger tout type de véhicule automobile, à condition :

    • de bien connaître leur état,
    • de suivre les instructions de leur médecin en matière d'alimentation, de médication et de prévention des complications, notamment l'hyperglycémie,
    • de demeurer sous surveillance médicale régulière afin que toute détérioration de leur état ou autre complication ne passe pas inaperçue.

    Dans le cas du diabète, le risque le plus courant tient au fait que des gens puissent souffrir, pendant qu'ils conduisent un véhicule, d'un épisode hyperglycémique susceptible d'altérer leur rendement ou même de leur faire perdre conscience.

    Le formulaire d'examen médical des conducteurs de l'Alberta (no ATU 3050 (99/11)) traite de l'hyperglycémie en posant la question suivante :« Date du dernier épisode hyperglycémique _________ ». [Traduction]

    Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM) est un organisme sans but lucratif formé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada qui, de par un processus consultatif collectif, prend des décisions au sujet des aspects administratifs et opérationnels relatifs à la délivrance de permis, à l'immatriculation, à la conduite des véhicules automobiles et à la sécurité routière. Se basant sur le guide de l'Association médicale canadienne intitulé Détermination de l'aptitude médicale à conduire, le CCATM produit des normes médicales applicables aux conducteursNote de bas de page 11 qui guident les organismes de réglementation du Canada au sujet des aspects juridiques de l'évaluation de la condition physique des conducteurs.

    Le document du CCATM souligne les risques d'hypoglycémie, surtout dans les cas où le conducteur n'est pas conscient de l'apparition des symptômes, et mentionne l'obligation pour les conducteurs non-insulinodépendants de suivre un régime approprié et de passer les tests voulus. Cependant, il n'insiste pas sur la nécessité de stabiliser le diabète, comme le fait le document de l'Association médicale canadienne, et il ne fait aucune mention des risques associés à l'hyperglycémie.

    L'organisme de réglementation de chaque province et territoire du Canada crée son propre formulaire dont les médecins se servent pour documenter les résultats de l'évaluation de l'aptitude à conduire un véhicule. L'examen des formulaires utilisés à l'échelle du Canada a montré que ni l'un ni l'autre des formulaires ne précise qu'on doit recourir à des informations médicales valides, par exemple les résultats des tests d'hémoglobine A1C (HgbA1C) ou des tests de tolérance au glucose, pour déterminer la stabilité du diabète, et qu'il ne faut pas se fier uniquement à l'auto-évaluation des conducteurs. Dans certains formulaires, il y a simplement une case que l'on coche pour indiquer si l'on souffre de diabète. Quelques formulaires seulement demandent de préciser si le diabète est stabilisé, et aucun des formulaires n'exige que l'on consigne les épisodes hyperglycémiques. Par contre, le formulaire équivalent qu'on utilise à l'Île-du-Prince-Édouard pose des questions détaillées sur chaque facteur de risque aux fins de la collecte de données.

    Bien que les épisodes hypoglycémiques soient un des indicateurs d'un diabète labile, l'absence d'épisodes hypoglycémiques, comme dans le cas qui nous intéresse, ne signifie pas nécessairement que le diabète d'une personne est stabilisé.

    Les risques associés à un diabète labile dû à l'hyperglycémie se classent dans trois catégories :

    • effets subaigus à court terme qui causent une dégradation du rendement;
    • risque accru de complications qui peuvent être présentes pendant la durée de validité du permis;
    • effets aigus qui mettent en danger la vie du patient.

    On peut utiliser des tests en laboratoire pour déterminer si la glycémie d'un patient a été instable pendant une période prolongéeNote de bas de page 12. Le formulaire médical de délivrance des permis de conduire de l'Alberta n'exigeait pas que ces tests soient effectués et il n'exigeait pas non plus que les résultats des tests antérieurs soient indiqués. Toutefois, ces tests ont été faits après l'accident, et leurs résultats ont démontré que le diabète du conducteur n'était pas stabilisé adéquatement.

    Compréhension du conducteur quant à son état

    Le conducteur savait qu'il devait suivre un régime et prendre des médicaments pour stabiliser son diabète, et qu'il devait aussi se soumettre à des tests périodiques. Même s'il savait que sa glycémie était régulièrement au-dessus de la normale, il ne trouvait pas que son état était préoccupant, que ce soit du point de vue de la stabilisation de son diabète ou de sa capacité de conduire un véhicule automobile sans danger. Au cours des six mois qui ont précédé l'accident, à cause de raisons personnelles, le conducteur n'a pas pu se soumettre à des tests quotidiens et n'a pas eu accès à ses médicaments. Auparavant, il avait l'habitude de ne prendre des médicaments que s'il en ressentait le besoin.

    Distraction du conducteur

    La distraction du conducteur est une cause relativement courante des accidents qui surviennent à des passages à niveauNote de bas de page 13. Une étude portant sur 100 conducteurs, qu'on a menée pendant 12 à 13 mois à l'aide de matériel spécialisé d'observation, a permis de constater que, lors de près de 80 % des collisions et de 65 % des quasi-collisions, le conducteur a été distrait dans les trois secondes qui ont précédé les événementsNote de bas de page 14.

    Lors de l'événement, il y avait des sources de distraction potentielles dans la cabine du camion. Par exemple, le conducteur a choisi de manger son goûter pendant qu'il était au volant. En outre, il avait fait monter son chien dans la cabine du camion, même si le manuel de la compagnie précisait qu'il était interdit de faire monter des animaux dans le véhicule.

    Sécurité des occupants

    Au cours des 11 dernières années, il y a eu cinq déraillements auxquels ont été mêlées des voitures HEP 1 en acier inoxydable de VIA. À la suite de ces déraillements, 27 personnes ont subi des blessures graves et une personne a perdu la vie. Le BST a enquêté sur chacun de ces événements :

    Endroit Numéro de rapport
    Blue River R95V0089
    Biggar R97H0009
    Hornepayne R99H0009
    Stewiacke R01M0024
    MacKay (la présente enquête) R05E0008

    Les enquêtes consécutives à ces déraillements ont permis d'améliorer la sécurité des occupants. Même si ce matériel roulant a démontré sa robustesse, et même si l'événement à l'étude n'a pas eu de conséquences graves au point de vue de la sécurité, la présente enquête représente une autre occasion de se pencher sur la sécurité des occupants, afin de l'améliorer.

    Grâce aux données recueillies sur les lieux de l'accident, aux entrevues et aux réponses que les voyageurs ont données à un questionnaire portant sur la sécurité, on a pu dégager un certain nombre de préoccupations relatives à la sécurité des occupants :

    • sortie des couchettes lorsque les portes sont bloquées;
    • fauteuils lourds pouvant bloquer les issues;
    • mobilier non arrimé pouvant être projeté au moment d'un déraillement ou d'une collision, ou même pendant un freinage d'urgence;
    • signalisation d'urgence inefficace;
    • distribution insuffisante des dépliants d'information aux voyageurs;
    • communications entre les membres de l'équipe et avec les voyageurs;
    • risque de blessures dues à des impacts secondaires.

    Le BST a traité de la plupart de ces questions dans l'avis de sécurité ferroviaire 05/06 qu'il a fait parvenir en juillet 2006 à l'organisme de réglementation, et dont l'industrie a obtenu copie. L'information qui n'avait pas été signalée précédemment est exposée en détail dans le présent rapport.

    Accessibilité des fenêtres d'issue de secours

    Pour quitter la voiture en cas d'urgence, les occupants peuvent passer soit par les portes situées aux bouts de la voiture, soit par des fenêtres d'issue de secours conçues spécialement à cette fin. Les fenêtres d'issue de secours sont censées être accessibles en tout temps. Or, en raison de la conception des fauteuils, on ne pouvait pas accéder en tout temps aux fenêtres d'issue de secours. En effet, les fauteuils pliants en question, pesant plus de 66 livres, n'étaient pas fixés au plancher et ont été projetés à l'intérieur des couchettes des voitures 8717, 8340 et 8319. Ces fauteuils auraient pu empêcher les portes de s'ouvrir, étant donné que ces portes s'ouvrent vers l'intérieur, et auraient pu gêner l'accès aux fenêtres d'issue de secours qu'on trouve dans certaines des couchettes des voitures (voir la photo 4).

    Photo 4. Couchette avec fauteuils pliants
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    Couchette avec fauteuils pliants

    De plus, les couchettes n'étaient pas toutes munies de fenêtres d'issue de secours. Les compartiments A à F sont des couchettes dont la porte se ferme et qui n'ont pas de fenêtres d'issue de secours (voir la figure 2).

    Figure 2 Matériel et sorties d'urgence
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    Matériel et sorties d'urgence

    Analyse

    Il a été déterminé que la conduite du train n'a pas été un facteur de causalité de l'accident et que le système d'avertissement du passage à niveau fonctionnait comme il se devait. L'accident est survenu dans les conditions suivantes : la visibilité était maximale; le soleil était bien au-dessus de l'horizon; la route était en bon état; les systèmes d'avertissement du passage à niveau étaient bien conçus et fonctionnaient bien; le train était bien visible à partir du camion sur le dernier quart de mille (13 secondes) qui a précédé l'arrivée du train sur le passage à niveau. Le sifflet du train a été actionné pendant que le train parcourait la distance d'un quart de mille qui précédait le passage à niveau. En outre, le conducteur circulait régulièrement sur la route et comprenait les dangers associés au passage à niveau ainsi que la signification des signaux.

    Même si tous les systèmes d'avertissement du passage à niveau fonctionnaient bien et même si le train qui approchait était bien visible, le camion a heurté le côté du train, le conducteur ne semblant pas avoir freiné et ayant tenté d'éviter la collision au dernier moment seulement. Par conséquent, l'analyse traitera surtout des questions suivantes :

    • comportement du conducteur
    • état de santé et délivrance des permis de conduire
    • intervention d'urgence
    • dommages subis par le matériel roulant
    • enregistreurs de données de conduite
    • systèmes d'avertissement du passage à niveau
    • état des freins du camion grumier et de la remorque
    • sécurité des occupants

    Comportement du conducteur

    L'accident s'est produit parce que le conducteur n'aurait apparemment pas remarqué les signaux d'avertissement et n'aurait pas vu le train qui approchait, jusqu'au moment où il a été trop tard pour éviter la collision.

    Comme rien n'indique que le conducteur ait freiné ou ait tenté une manœuvre pour éviter l'accident jusqu'à ce que la collision soit imminente, l'analyse portera surtout sur la raison pour laquelle le conducteur n'a pas réagi à temps en présence d'un danger manifeste. Plus particulièrement, l'état du conducteur et les distractions dont il a pu faire l'objet dans la cabine seront examinés pour avoir une idée de ses actions. Les facteurs qui seront examinés aux fins de l'analyse de l'état du conducteur sont sa glycémie, la fatigue et la déshydratation.

    Le conducteur avait reçu un diagnostic de diabète sucré de type 2, une affection qui oblige qu'on surveille son mode de vie et parfois à prendre des médicaments régulièrement. On a déterminé que la glycémie du conducteur était souvent élevée et qu'elle était instable. Il ne surveillait pas son régime alimentaire, ne mesurait pas sa glycémie et ne prenait pas les médicaments dont il avait besoin. Quand on a mesuré sa glycémie, immédiatement après l'accident, on a constaté qu'elle était élevée. Même s'il estimait que son état n'était pas préoccupant, et même si les critères d'attribution des permis de conduire aux conducteurs diabétiques ne reconnaissent pas l'hyperglycémie comme étant un facteur de risque, on sait que l'hyperglycémie peut avoir des conséquences, comme par exemple une diminution du rendement pendant l'exécution de tâches mentales et une diminution de l'acuité visuelle.

    Du fait que le conducteur ne soignait pas son diabète, il était dans un état physi que et mental qui a vraisemblablement altéré sa capacité de conduire un véhicule.

    Même si le conducteur a essayé de se reposer pendant une période de neuf heures avant de prendre son service, il n'a profité d'un sommeil réparateur que pendant les trois premières heures de cette période. Pendant les trois heures suivantes, il a mal dormi parce qu'il souffrait de troubles gastro-intestinaux. Puis, après qu'il s'est levé brièvement pour faire un téléphone, la période suivante de trois heures a correspondu à une période pendant laquelle il serait normalement éveillé. Il est fort probable que le conducteur était fatigué au moment de l'accident.

    Non seulement il était fatigué, mais en plus le conducteur était probablement déshydraté en raison de ses troubles gastro-intestinaux. Il est vraisemblable que l'effet combiné ou isolé d'une hyperglycémie, de la fatigue et de la déshydratation a nui au rendement du conducteur. L'état physiologique du conducteur du camion (hyperglycémie, fatigue et déshydratation) l'a vraisemblablement empêché de reconnaître les signaux d'avertissement et le train qui approchait, et de réagir en conséquence.

    De plus, compte tenu des possibilités de distraction qui étaient présentes à l'intérieur de la cabine du camion, il est vraisemblable qu'un manque d'attention a aussi joué un rôle dans cet accident.

    État de santé et délivrance des permis de conduire

    Le conducteur se conformait à la réglementation sur la délivrance des permis de conduire et il avait parlé de son diabète au médecin qui lui a fait passer l'examen médical. Le médecin a rempli les formulaires d'examen qui étaient exigés par le règlement en vigueur. Toutefois, le formulaire d'examen médical des conducteurs de l'Alberta n'oblige pas le médecin à signaler les cas de diabète non stabilisé; il exige seulement que l'on signale les épisodes hypoglycémiques. Le formulaire n'exige pas non plus que le médecin de famille se charge de l'examen ou qu'il soit consulté au sujet du patient qui passe l'examen. De plus, rien n'exige que les déclarations faites pendant un examen soient validées par la profession médicale. Les exigences médicales actuelles, y compris le formulaire de rapport, qui traitent de la conduite des véhicules commerciaux en Alberta, ne traitent pas en détail de la stabilisation des symptômes chez les conducteurs souffrant de diabète, de sorte que les conducteurs dont le diabète n'est pas stabilisé peuvent quand même obtenir le permis qui les autorise à conduire des véhicules automobiles en Alberta.

    L'évaluation médicale faite par le BST a permis de déterminer que le diabète du conducteur n'était pas stabilisé et qu'il ne respectait pas les conditions recommandées par l'Association médicale canadienne. Il ne suivait pas les instructions de son médecin de prendre ses médicaments, de mesurer régulièrement sa glycémie et de surveiller son régime alimentaire.

    Les documents de sensibilisation du public portant sur les risques que représente le diabète dans le contexte de la conduite automobile traitent couramment des risques liés à l'hypoglycémie, mais des études récentes en laboratoire montrent que l'hyperglycémie peut causer une diminution du rendement cognitif et de la fonction visuelle. En l'absence d'information publique quant aux dangers que représente l'hyperglycémie pour la conduite automobile, le risque d'accidents dus à une diminution de l'aptitude à conduire est accru. Le fait de sensibiliser davantage le public à ce risque devrait permettre d'améliorer la sécurité.

    Bien que l'Association médicale canadienne fournisse des lignes directrices qui doivent aider les médecins à déterminer si les conducteurs sont médicalement aptes à conduire, il appartient à chaque province de créer le formulaire sur lequel cette information sera saisie. Dans le formulaire d'examen médical des conducteurs de l'Alberta, il n'y a pas de case dans laquelle on peut définir les facteurs de risque liés à un diabète non stabilisé causé par l'hyperglycémie. De plus, comme il n'est pas obligatoire de faire valider par un médecin le degré de stabilité du diabète du conducteur, il y a un risque que des gens continuent d'obtenir un permis de conduire alors qu'ils ne sont pas toujours médicalement aptes à conduire.

    Les personnes qui souffrent de diabète doivent bien connaître et comprendre leur état de façon à ce qu'elles puissent bien gérer leur mode de vie, les traitements et les risques associés au diabète. La distribution de documents d'information au public constitue une des méthodes importantes auxquelles on a recours pour éduquer les patients sur la maladie. La recherche récente sur les effets de l'hyperglycémie sur le rendement cognitif par suite de tests en laboratoire n'est pas encore mentionnée dans les documents de sensibilisation sur le diabète. Une large diffusion de ces premières conclusions pourrait sensibiliser davantage les diabétiques sur les dangers de conduire lorsqu'ils souffrent d'hyperglycémie, ce qui permettrait de réduire les risques d'accidents causés par des conducteurs dont le rendement est affecté par la maladie.

    Intervention d'urgence

    L'évacuation à laquelle ont procédé le personnel de VIA, les représentants des services d'urgence de la collectivité et les premiers intervenants a été faite avec efficacité et de façon professionnelle. On a ainsi pu limiter le nombre de blessures subséquentes et réconforter les voyageurs.

    Dommages subis par le matériel roulant

    Du fait que le train ait décéléré de façon relativement régulière après avoir déraillé, et en raison de la robustesse du matériel roulant fait d'acier inoxydable, les blessures subies par les voyageurs et les membres de l'équipe ont été réduites au minimum, de même que les dommages subis par le matériel roulant.

    Enregistreur des données de conduite

    Il a été impossible d'avoir une idée exacte du freinage du camion, de la variation de sa vitesse et des changements de vitesses et d'autres aspects critiques de la conduite du camion, étant donné que l'enregistreur des données de conduite n'a pas consigné ces renseignements.

    D'après l'Alberta Motor AssociationNote de bas de page 15,

    [Traduction]

    . . . les rapports des enquêteurs sont encore fondés sur des données limitées, qui sont recueillies pour la plupart après l'accident et dont la préparation est fort coûteuse. Non seulement les enregistreurs des données de conduite fournissent des données plus exactes que celles qu'on obtient par des moyens conventionnels, mais encore ils enregistrent avant et pendant l'accident, et ce à un coût beaucoup moindre, un nombre beaucoup plus grand de données exactes et objectives dont les enquêteurs pourront disposer après coup. Non seulement les données recueillies par les enregistreurs des données de conduite s'ajoutent aux informations qu'on observe actuellement sur les lieux des accidents, mais elles fournissent aussi des renseignements supplémentaires qui n'étaient pas disponibles par le passé.

    En fin de compte, l'utilisation d'enregistreurs des données de conduite dans les camions améliorerait la sécurité du public. Le BST fait une promotion active en faveur de l'amélioration des enregistreurs des données de conduite dans tous les modes de transport, afin de faire progresser les connaissances et d'améliorer la sécurité dans le domaine des transports.

    Systèmes d'avertissement du passage à niveau

    La conception générale du système d'avertissement et de la signalisation du passage à niveau était très bien adaptée à la géométrie des abords du passage à niveau. Les signaux d'avertissement avancés sont reconnus comme étant efficaces aux passages à niveau comme celui de MacKay.

    Bien que ces systèmes soient très efficaces, leur utilité diminue en cas de fonctionnement intempestif ou excessif. Même si le fonctionnement excessif du système n'a pas été un facteur critique lors de cet accident, le fait que des conducteurs soient exposés au fonctionnement intempestif des signaux peut faire en sorte de réduire l'efficacité des signaux.

    État des freins du camion grumier et de la remorque

    L'autorité provinciale avait délivré les certificats d'inspection et les permis voulus relativement au camion et à la remorque, et avait procédé aux inspections mécaniques requises. Toutefois, une inspection mécanique faite après l'accident a révélé que le circuit de freinage de la remorque était défectueux.

    Le conducteur du camion a déclaré qu'il n'avait pas freiné avant de heurter le train. Il est probable que, s'il avait essayé de freiner, il n'aurait eu d'autre choix que de faire un écart pour éviter la collision, puisque la capacité de freinage de la remorque se serait avérée insuffisante.

    Le règlement provincial exigeait la mise en place d'un programme d'inspection et d'entretien périodique. Cependant, rien n'indique que le propriétaire avait en place un programme officiel et proactif d'inspection de sécurité et d'entretien de son matériel. Si le conducteur du camion avait reçu les instructions voulues du propriétaire, si les inspections avant le départ et à l'arrivée avaient été exécutées correctement et si les inspections et l'entretien périodiques avaient été faits avec efficience, les défaillances du circuit de freinage auraient dû être détectées et corrigées. L'absence d'un programme efficace d'entretien et d'inspection des véhicules a fait augmenter les risques que la conduite du camion devienne dangereuse.

    Les résultats de la campagne Road Check 2005 indiquent qu'il existe peut-être un problème systémique quant à l'entretien des freins au Canada.

    Sécurité des occupants des trains

    Les questions relatives à la sécurité des occupants des trains au Canada ont été traitées précédemment dans les documents suivants :

    • 20 juillet 2001, avis de sécurité ferroviaire 05/01, dans lequel le BST formule des observations sur la sécurité des voyageurs au Canada;
    • 10 septembre 2001, réponse de Transports Canada à l'avis de sécurité ferroviaire 05/01;
    • 15 octobre 2003, mise à jour de Transports Canada au sujet de l'avis de sécurité ferroviaire 05/01.

    Aux États-Unis, il a été question de la sécurité des occupants des trains dans le rapport d'accident suivant :

    • 18 avril 2002, rapport d'enquête ferroviaire NTSB/RAR-03/02 (Washington, DC : National Transportation Safety Board, 2003), 15 août 2003, National Transportation Safety Board, recommandations de sécurité R-03-09 à R-03-11 (en anglais seulement).

    Plusieurs problèmes ont été relevés au cours de la présente enquête, mais la plupart de ces problèmes sont traités en détail dans l'avis de sécurité ferroviaire 05/06 qui a été adressé à l'organisme de réglementation et dont l'industrie a obtenu copie. L'analyse qui suit portera sur les problèmes de sécurité des occupants qui ont été signalés pendant la présente enquête et qui n'avaient pas été traités dans les documents énumérés précédemment.

    L'accès aux fenêtres d'issue de secours peut être bloqué lorsque des fauteuils non assujettis sont poussés devant les portes des couchettes sous l'effet des forces générées au cours d'un déraillement ou d'une collision. Si la couchette est inoccupée ou si l'occupant n'est pas en mesure d'intervenir, les fauteuils, et plus particulièrement les fauteuils de 60 livres non assujettis, peuvent bloquer la sortie de la couchette, ce qui empêchera les personnes de sortir par les fenêtres d'issue de secours.

    De plus, dans cette situation, les équipes d'intervention d'urgence ne pourraient pas secourir un occupant blessé ou handicapé parce qu'on ne peut pas ouvrir facilement de l'extérieur les fenêtres d'issue de secours des voitures de VIA, contrairement à celles des voitures d'Amtrak.

    En outre, un grand nombre de couchettes étaient dépourvues de fenêtres d'issue de secours. En raison de la présence de fauteuils non assujettis et de l'absence de fenêtres d'issue de secours, les voyageurs sont exposés à des risques qui pourraient être évités.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'accident s'est produit parce que le conducteur n'aurait apparemment pas remarqué les signaux d'avertissement ni identifié le train qui approchait, jusqu'au moment où il est devenu impossible d'éviter la collision.
    2. L'état physiologique du conducteur du camion (il était affecté par l'hyperglycémie, la fatigue et la déshydratation) a vraisemblablement altéré sa capacité de reconnaître les signaux d'avertissement et le train qui approchait, et de réagir en conséquence.
    3. Du fait que le conducteur ne prenait pas de mesures pour soigner son diabète, il devait être dans un état physique et mental qui le rendait inapte à conduire un véhicule.
    4. En plus de l'état physiologique du conducteur, il y avait dans la cabine un certain nombre de sources de distraction qui l'empêchaient probablement de se concentrer entièrement sur la route.

    Faits établis quant aux risques

    1. Les exigences médicales actuelles relativement à la conduite de véhicules commerciaux en Alberta, y compris le formulaire de rapport, ne règlent pas la question de la stabilisation des symptômes chez les conducteurs souffrant de diabète. Rien n'empêche que les conducteurs dont les symptômes du diabète ne sont pas stabilisés soient autorisés à conduire des véhicules automobiles en Alberta.
    2. En l'absence d'information publique quant aux dangers que représente l'hyperglycémie pour la conduite automobile, le risque d'accidents dus à une diminution de l'aptitude à conduire est accru.
    3. Le fait que des conducteurs soient exposés au fonctionnement intempestif des signaux peut faire en sorte de réduire l'efficacité des signaux.
    4. Vu l'absence de programmes efficaces d'entretien préventif et d'inspection des véhicules aux fins de la sécurité, les risques associés à la conduite de camions sont accrus.
    5. La présence de fauteuils non assujettis dans certaines couchettes des voitures et le fait que ces couchettes ne soient pas toutes munies de fenêtres d'issue de secours présentent des risques latents pour la sécurité des voyageurs.

    Autres faits établis

    1. Des renseignements précieux, portant sur les paramètres de fonctionnement du véhicule avant la collision, n'étaient pas disponibles parce que l'enregistreur des données de conduite du camion n'était pas activé.
    2. L'installation d'enregistreurs de données de conduite dans les véhicules routiers commerciaux permettrait d'accroître sensiblement le nombre des renseignements relatifs aux accidents et, à terme, d'améliorer la sécurité du public.
    3. L'état des freins de la remorque indique que la puissance de freinage du véhicule n'aurait pas été suffisante pour immobiliser le véhicule chargé en cas d'urgence.
    4. Du fait que le train ait décéléré de façon relativement régulière après avoir déraillé, et en raison de la robustesse du matériel roulant fait d'acier inoxydable, les blessures subies par les voyageurs ont été réduites au minimum, de même que les dommages subis par le matériel roulant.
    5. L'évacuation à laquelle le personnel de VIA Rail Canada Inc., les représentants des services d'urgence de la collectivité et les premiers intervenants ont procédé a été faite avec efficacité et de façon professionnelle. On a ainsi pu limiter le nombre de blessures subséquentes et réconforter les voyageurs.

    Mesures de sécurité

    L'enquête a fait ressortir trois questions de sécurité particulièrement importantes : l'éducation qui doit être faite auprès des conducteurs diabétiques, l'absence d'exigences quant à l'installation d'enregistreurs de données de conduite dans les véhicules commerciaux et l'absence d'un système robuste d'inspection visant les véhicules commerciaux. Dans chacun de ces trois domaines, rien n'indique que les agents de changement, qu'il s'agisse d'organismes fédéraux ou provinciaux, font des efforts notables pour corriger les lacunes en question. Le Bureau est préoccupé par le fait que, tant qu'on ne prendra pas des mesures pour régler ces problèmes, le public voyageur sera exposé à des risques considérables.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .