Rapport d'enquête ferroviaire R05H0011

Wagons à la dérive et collision en voie principale
du train de marchandises numéro 441
exploité par l'Ottawa Central Railway
au point milliaire 34,69 de la subdivision Alexandria
à Maxville (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 2 mai 2005 à 1 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises no 441 de l'Ottawa Central Railway a laissé 74 wagons sur la voie principale au point milliaire 34,65 de la subdivision Alexandria, à Maxville (Ontario), pendant que la tête du train faisait entrer 2 wagons dans l'embranchement d'un client. Tandis que le mouvement entrait dans l'embranchement, les 74 wagons sont partis à la dérive et sont entrés en collision avec le mouvement. À la suite de la collision, un wagon-citerne à basse pression chargé d'alcool dénaturé a été perforé et a perdu environ 98 000 litres de produit. Quelque 200 personnes ont dû être évacuées pendant huit heures. Il n'y a pas eu de déraillement et personne n'a été blessé.

    This report is also available in English.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 2 mai 2005 à 0 h 31, heure avancée de l'EstNote de bas de page 1, le train de marchandises no 441 (le train) de l'Ottawa Central Railway (OCR) part de Coteau (Québec) dans la subdivision Alexandria de VIA Rail Canada Inc. (VIA), à destination d'Ottawa (Ontario). L'équipe du train se compose d'un mécanicien et d'un chef de train. Les membres de l'équipe répondent tous deux aux exigences de leurs postes respectifs et satisfont aux exigences en matière de repos et de condition physique. Le train compte 3 locomotives et 78 wagons (19 wagons chargés et 59 wagons vides), il pèse 4528 tonnes et mesure 4818 pieds. En cours de route, le train s'arrête au point milliaire 7,63 pour laisser un wagon à De Beaujeu (Québec). Pendant qu'elle gare le wagon, l'équipe laisse à l'arrêt sur la voie principale une rame de 77 wagons dont la conduite générale est sous pression. Le dételage est exécuté sans incident, le train se reforme et repart.

    Ultérieurement, le train s'arrête à Maxville (Ontario) (voir la figure 1) et laisse sur la voie principale 74 wagons qui occupent les passages à niveau de la rue Main (point milliaire 34,23) et de la rue Prince (point milliaire 34,48). La tête du train se dirige vers l'ouest pour aller placer deux wagons dans l'embranchement MacEwen servant au transport de grain, et s'arrête à l'écart de l'aiguillage situé au point milliaire 34,69, qui donne accès à l'embranchement. Le chef de train oriente l'aiguillage pour l'embranchement et monte à bord du wagon de tête du mouvement. Tandis que le mouvement entre dans l'embranchement, le chef de train s'aperçoit que les 74 wagons qu'on vient de laisser sur la voie principale roulent vers le mouvement de tête. Il avertit le mécanicien, et ce dernier serre immédiatement d'urgence les freins du mouvement de tête. Le chef de train saute du wagon tout juste avant l'impact. Le wagon de tête de la rame de 74 wagons, le wagon couvert CN 557596, heurte le premier wagon du mouvement de tête qui roule en marche arrière, soit le wagon-citerne ADMX 29571, chargé d'alcool dénaturé (ONU 1987). À la suite de la collision, la tête de la citerne du wagon est perforée et laisse échapper le chargement de la citerne.

    Figure 1. Maxville, en Ontario (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
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    Maxville, en Ontario

    Le Guide des mesures d'urgence 2004 décrit l'alcool dénaturé (éthanol mélangé à de l'essence dans une proportion de 3 à 5 %) comme étant un liquide très inflammable qui prend feu facilement en présence d'étincelles ou de flammes. C'est un liquide clair et incolore dont l'odeur est caractéristique et dont le point d'éclair est d'environ −20 °C (−5 °F). Ses vapeurs sont plus lourdes que l'air et peuvent devenir explosives. Sous forme liquide, ce produit est soluble dans l'eau. Le guide conseille d'éliminer les sources d'inflammation aux alentours, d'ériger des digues afin d'empêcher le produit d'entrer dans les réseaux d'adduction d'eau et d'envisager une évacuation sur une distance de 300 mètres sous le vent en cas de déversement d'une grande quantité du produit. La zone évacuée peut être agrandie suivant les circonstances.

    Lors de l'accident, il faisait environ 3 °C et le ciel était dégagé. Le taux d'humidité relative était de 85 %, le vent soufflait de l'ouest à 22 km/h et la visibilité était de 24 km.

    Examen sur place

    Les deux wagons qui se sont heurtés, le wagon couvert CN 557596 et le wagon-citerne ADMX 29571, ont été endommagés lors de l'impact. Le bogie du bout B du wagon couvert a été déplacé et repoussé vers l'intérieur sur environ 20 pieds. La tête de citerne du wagon-citerne a été enfoncée et a subi une perforation de six pouces de longueur sur deux pouces de largeur (voir la photo 1), causée par l'attelage du wagon couvert.

    Photo 1. Attelage du wagon couvert CN 557596 et perforation subie par le wagon-citerne ADMX 29571
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    Attelage du wagon couvert CN 557596 et perforation subie par le wagon-citerne ADMX 2957

    Les enquêteurs n'ont pas relevé de dommages antérieurs au déraillement sur le matériel roulant et n'ont pas relevé de dommages à la voie ferrée. Ils ont noté que le robinet d'arrêt situé au bout B du wagon couvert était fermé complètement (voir la photo 2).

    Photo 2. Robinet d'arrêt fermé du wagon couvert CN 557596
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    Robinet d'arrêt fermé du wagon couvert CN 557596

    Renseignements sur la voie

    Dans la subdivision, la circulation ferroviaire est régie par le système de commande centralisée de la circulation, en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et est surveillée par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal (Québec). Chaque jour, 10 trains de voyageurs de VIA et 2 trains de marchandises de l'OCR passent dans ce secteur.

    Dans le secteur où l'accident s'est produit, la voie descend une pente dont l'inclinaison moyenne est de 0,5 % entre le point milliaire 33,0 et l'aiguillage de l'embranchement MacEwen, point milliaire 34,69. À l'ouest de l'aiguillage, la voie revient en palier sur une distance d'environ 280 pieds. Une voie d'évitement à signalisation automatique longe la voie au nord de celle-ci, entre le point milliaire 34,43 et le point milliaire 35,73. Un fossé de drainage de huit pieds de profondeur se trouve au sud de la voie ferrée (voir la figure 2).

    Figure 2. Lieux de l'accident
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    Lieux de l'accident

    La voie ferrée était en bon état et elle avait été inspectée et entretenue conformément au Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada.

    Consignateur d'événements de locomotive

    L'examen des données du consignateur d'événements de locomotive a révélé qu'un serrage normal à fond des freins à air du train a débuté à 1 h 48 min 6 s et que le train s'est arrêté normalement. Les freins à air du train ont été desserrés 58 secondes plus tard, à 1 h 49 min 4 s. Le mouvement de tête est parti en marche avant à 1 h 49 min 13 s. Le mécanicien a serré d'urgence les freins à 1 h 50 min 23 s. Le mouvement de tête s'est immobilisé à 1 h 50 min 44 s. Les calculs du BST, basés sur les données chronologiques enregistrées par le consignateur d'événements de locomotive et sur les caractéristiques du circuit de freinage, ont permis de déterminer que le délai minimum nécessaire pour un serrage normal à fond des freins du train en cause dans l'accident, soit à partir du serrage initial jusqu'à ce que les freins soient serrés à fond et que la pression soit stabilisée dans la conduite générale du dernier wagon, aurait été d'au moins 68 secondes.

    Les consignateurs d'événements de locomotive de l'OCR n'enregistrent pas la pression dans la conduite générale en queue de train, et ne sont pas tenus de le faire en vertu du Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer. Toutefois, cette information est disponible dans la plupart des consignateurs d'événements et elle est enregistrée par certaines compagnies ferroviaires.

    Immobilisation de wagons laissés sans surveillance pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route

    Pendant qu'il garait les wagons à Maxville, le chef de train a fermé les robinets d'arrêt des bouts contigus des wagons qu'il fallait séparer et il n'a pas purgé la conduite de l'air qu'elle contenait, ce qui fait que la conduite générale des 74 wagons laissés sans surveillance sur la voie principale est restée sous pression. Cette pratique est désignée dans l'industrie par l'expression « mise en bouteille de l'air ». Au moment d'un serrage normal des freins, on réduit la pression dans la conduite de freinage de l'avant du train de façon qu'elle soit inférieure à celle de la conduite en queue de train, créant une différence de pression. Quand le robinet d'arrêt d'un wagon est fermé avant que la pression de l'air se soit égalisée dans la conduite générale, une onde de pression se forme. Cette onde peut déclencher le desserrage des freins du wagon, ce qui entraîne ensuite le desserrage des freins des wagons suivants.

    Comme le train était équipé d'un système de contrôle et de freinage en queue (TIBS), la pression dans la conduite générale s'est affichée à l'écran de l'unité d'entrée et d'affichage (UEA) dans la cabine de la locomotive. Il n'y a pas eu de chute de pression et la conduite des 74 wagons laissés à l'arrêt est restée sous pression. Plusieurs équipes de locomotive de l'OCR, dont celle qui a été en cause dans l'événement, croyaient que le détecteur de mouvement de l'unité de détection et de freinage (UDF), placé à la queue du train, activerait l'alarme de détection de mouvement de l'UEA si les wagons se déplaçaient. Toutefois, quand les enquêteurs du BST ont contrôlé les mouvements de trains dans le triage Walkley de l'OCR, à Ottawa, ils ont observé un retard dans l'activation de l'alarme lorsque des wagons se mettaient en mouvement sous l'effet d'une accélération lente et régulière. Le fabricant du TIBS a indiqué que le dispositif de détection des mouvements est conçu pour indiquer les forces de traction ou de compression qui s'exercent sur les wagons en queue de train. Il n'est pas conçu pour protéger contre les dérives du matériel roulant.

    L'article 7.2 (d), Généralités, des Instructions générales d'exploitation (IGE) du Canadien National (CN), que l'OCR utilise, précise notamment que le mécanicien doit s'assurer que la lecture de pression de l'UEA est nulle (0 lb/po²) après qu'on a dételé une locomotive du matériel roulant. Si l'UEA n'indique pas une lecture nulle, le mécanicien doit prendre immédiatement des mesures correctives, notamment informer la personne qui procède au dételage que la queue du train est encore alimentée en air ou déclencher un freinage d'urgence à partir de l'UEA pour immobiliser la rame de wagons.

    Dans les instructions spéciales pour le réseau du CN concernant la règle 112 du REF et dans les IGE du CN, on permet de procéder de deux façons quand il s'agit d'immobiliser des wagons à l'arrêt dont le frein à main est desserré pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route : serrage normal à fond ou serrage d'urgence des freins.

    À l'alinéa (v) des instructions spéciales pour le réseau du CN concernant la règle 112 du REF, on lit notamment :

    Lors des manœuvres, des dételages ou des prises en charge de wagons effectués en cours de route, la partie du train qui n'est pas touchée peut demeurer stationnée sur la voie principale ou sur une voie d'évitement sans frein à main serré, si les conditions suivantes sont réunies :

    1. la partie du train laissée en stationnement compte au moins 10 wagons;
    2. le frein à air a fait l'objet d'un serrage à fond ou d'urgence sur ces wagons;
    3. le robinet d'arrêt est ouvert à fond;
    4. la voie ne présente pas une déclivité de plus de 1,5%;
    5. les wagons ne sont pas laissés en stationnement plus de 2 heures.

    Le sous alinéa 7.4 (b)(i) des IGE du CN précise notamment que, lorsqu'une locomotive est dételée du matériel roulant, le robinet d'arrêt de ce matériel roulant doit être complètement ouvert et un serrage normal à fond ou un serrage d'urgence des freins doit être effectué. Dans le cas d'un serrage normal à fond, il ne faut pas fermer le robinet d'arrêt tant que le serrage normal à fond n'a pas été complètement effectué. Par la suite, il faut ouvrir lentement le robinet d'arrêt et le laisser complètement ouvert. Cette marche à suivre permet de purger l'air contenu dans la conduite générale, mais elle n'affecte pas l'air qui reste dans les portions freinage auxiliaire et freinage d'urgence du réservoir d'air de chaque wagon. Elle fait en sorte que les freins sont serrés à fond et qu'il n'y aura pas d'autre changement d'état des freins à air. Cette procédure peut prendre de 30 secondes à 1 minute. Un serrage normal à fond prend moins de temps qu'un serrage d'urgence, étant donné qu'on n'a qu'à réalimenter la conduite générale une fois que le train est attelé de nouveau.

    Quand le serrage d'urgence est utilisé, on immobilise les wagons laissés sur la voie en activant la fonction de serrage d'urgence du TIBS à partir de l'UEA de la locomotive, ou on sépare le train. L'air contenu dans la conduite générale et les réservoirs s'échappe automatiquement et le robinet d'arrêt reste en position d'ouverture complète. Bien qu'il reste un peu d'air dans le réservoir de chaque wagon, il faut réalimenter la grande partie du circuit de freinage après qu'on a attelé le train de nouveau.

    Les dossiers du programme de surveillance de l'exploitation des trains de Transports Canada indiquent que l'OCR a été contrôlée à 17 reprises depuis 2000. La surveillance est assurée en observant à distance les équipes de train au sol; la surveillance effectuée dans les cabines se fait à bord des trains. Les superviseurs des transports de l'OCR procèdent à 15 contrôles de conformité chaque mois. Aucun contrôle n'est effectué dans les cabines, les observations étant toutes faites au sol et à distance. Les équipes de train sont au courant des heures et des endroits où elles pourraient être observées, étant donné que la plupart des observations se font pendant le jour ou en début de soirée et qu'elles ont lieu près des terminaux de départ ou d'arrivée. En plus de procéder à des contrôles de conformité mensuels, l'OCR évalue chaque mois deux enregistrements de consignateurs d'événements de locomotive choisis au hasard pour déterminer la mesure dans laquelle les équipes se conforment aux règles et aux méthodes de conduite des trains.

    Les instructions spéciales pour le réseau du CN concernant la règle 112 du REF et les IGE du CN interdisent la mise en bouteille de l'air parce que cette pratique peut donner lieu à un desserrage intempestif des freins à air et, à la limite, la dérive de matériel roulant. Toutefois, les équipes continuent d'y recourir à l'occasion pendant les manœuvres de triage. Les dossiers relatifs à des événements antérieurs sur lesquels le BST a mené des enquêtes (rapports R95M0072 et R96D0029) et à quatre événements qui n'ont pas fait l'objet d'une enquête ont mis en évidence des problèmes liés à la mise à l'atmosphère de l'air de conduites de frein pendant des manœuvres faites sur la voie principale. De plus, les dossiers d'inspection de Transports Canada pour l'Ontario montrent que, depuis 2000, on a relevé deux incidents dus à la mise en bouteille de l'air et deux incidents lors desquels on a laissé un robinet d'arrêt partiellement ouvert (alors qu'on exigeait que le robinet en question soit complètement ouvert quand on immobilise des wagons laissés sans surveillance). Aucun de ces événements ne s'est produit dans des compagnies qui enregistrent la pression dans la conduite générale en queue de train et qui exigent qu'on utilise la méthode du freinage d'urgence pour immobiliser des wagons laissés sans surveillance pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route.

    Renseignements sur le wagon-citerne

    Le wagon-citerne ADMX 29571 était un wagon-citerne non isolé et non pressurisé qui a été construit en 1985 et qui répondait aux exigences de la spécification DOT 111A100W1 (catégorie 111A). La paroi de la citerne était faite d'acier TC-128 de l'Association of American Railroads (AAR) de nuance B, mesurant 7/16 de pouce d'épaisseur, alors que les têtes de citerne étaient faites d'acier A-515 de l'American Society for Testing and Materials (ASTM) de nuance 70, mesurant 15/32 de pouce d'épaisseur. Le wagon n'avait pas de bouclier protecteur. Sa capacité était de 114 229 litres et son poids total en charge était de 263 000 livres.

    Le BST a enquêté sur un accident similaire (rapport R99D0159) en août 1999. Lors de cet événement, une équipe du CN faisait des manœuvres à Cornwall (Ontario) quand six wagons-citernes sont partis à la dérive sur la voie CB17. Les wagons ont roulé vers l'est sur une distance de 475 pieds et ont heurté le butoir placé au bout de la voie. Au moment de l'impact, le butoir a perforé la tête de citerne, laissant un orifice d'environ 30 pouces carrés. Quelque 22 500 litres de produit se sont déversés, obligeant les autorités à évacuer un centre commercial voisin. Le Bureau a conclu que, « vu la faible épaisseur de la paroi de la citerne et l'absence d'un bouclier protecteur, les wagons-citernes de catégorie 111A ne disposent pas en général d'une protection adéquate contre la perforation, même lors d'impacts à faible vitesse. »

    Dans ses rapports d'enquête sur les événements R94C0137 et R95D0016, le BST a également signalé que les wagons de ce type étaient particulièrement susceptibles d'être perforés et de laisser fuir leur contenu en cas d'accident. Dans son rapport d'enquête sur l'événement R94C0137, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports prenne immédiatement les mesures qui s'imposent pour réduire davantage la possibilité d'un déversement accidentel des marchandises dangereuses les plus toxiques et les plus volatiles qui sont transportées dans les wagons-citernes de catégorie 111A - par exemple, exiger que la conception des wagons-citernes soit modifiée afin d'améliorer leur intégrité structurale lors d'accidents ou limiter davantage les produits qui peuvent être transportés dans ces wagons.
    Recommandation R96-13 du BST

    Transports Canada s'est dit d'accord avec la recommandation et a supervisé l'amélioration de la conception des wagons neufs, dont les vannes sont maintenant mieux protégées en cas de renversement. De plus, on a modifié le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de façon à limiter le nombre de produits qui peuvent être transportés par les wagons-citernes de catégorie 111A. À ce jour, la conception des wagons n'a pas fait l'objet d'améliorations visant à accroître la résistance à la perforation des wagons-citernes de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 263 000 livres.

    La réglementation actuelle de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis et le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses canadien actuel limitent à 263 000 livres le poids total en charge des wagons-citernes; toutefois, on peut construire des wagons-citernes de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 286 000 livres, sous réserve de l'obtention de permis spéciaux délivrés par Transports Canada. En 1999, on a édicté des normes régissant la construction des wagons-citernes de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 286 000 livres. Ces normes prévoient une meilleure résistance à la perforation grâce à la sélection de meilleurs matériaux et à l'ajout de demi-boucliers protecteurs. Les nouvelles normes ne s'appliquent pas aux wagons-citernes de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 263 000 livres, et ce même si ces wagons constituent la majorité des wagons de construction récente et des wagons en service.

    Intervention d'urgence

    Le mécanicien a communiqué avec le CCF à 1 h 57 et l'a informé que le wagon-citerne ADMX 29571 perdait son chargement à raison de cinq gallons à la minute. Le CCF a alors fait une série d'appels téléphoniques pour aviser la compagnie ferroviaire et l'organisme de réglementation, après quoi il a communiqué avec la Police provinciale de l'Ontario. La Police provinciale de l'Ontario a appelé le poste de contrôle des véhicules d'incendie de Hawkesbury, lequel a ensuite communiqué avec le chef des pompiers de Maxville à 2 h 34. Le chef des pompiers est arrivé sur les lieux vers 2 h 50 et a déterminé que la citerne perforée perdait son contenu à raison de 45 à 50 gallons à la minute. Le produit déversé s'était infiltré dans la plate-forme et avait migré en bonne partie vers le fossé situé au sud de la voie. Les intervenants ont érigé des digues afin de confiner le déversement dans le fossé. Environ 98 000 litres du produit se sont déversés, et 11 000 litres ont été récupérés.

    Le chef des pompiers a ordonné l'évacuation de quelque 200 résidants du secteur, dont 120 personnes qui habitaient dans une résidence pour personnes âgées. L'ordre d'évacuation a été levé à 13 h le même jour. Les autorités ont émis une interdiction de boire l'eau du réseau local à l'intention des résidants. L'interdiction a été levée le 5 mai 2005 après que des tests ont révélé l'absence de contamination.

    Analyse

    L'état du matériel roulant ou de l'infrastructure n'a joué aucun rôle dans cet accident. L'analyse portera sur les méthodes employées pour immobiliser des wagons laissés sans surveillance pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route et sur la surveillance des équipes exercée par la compagnie et l'organisme de réglementation. La résistance aux impacts des wagons-citernes de catégorie 111A et l'intervention d'urgence consécutive au déversement de marchandises dangereuses seront aussi examinées.

    L'accident

    L'équipe du train a laissé sans surveillance une rame de 74 wagons dans une pente de 0,5 %, après avoir procédé à une mise en bouteille de l'air du circuit de freinage. Ces gestes n'étaient conformes ni aux instructions spéciales pour le réseau du CN concernant la règle 112 du REF ni aux IGE de la compagnie. Bien que la mise en bouteille de l'air n'ait pas toujours des conséquences fâcheuses, cette pratique accroît le risque d'un desserrage prématuré des freins et d'une dérive des wagons.

    D'après les données du consignateur d'événements de locomotive, il s'est passé 58 secondes entre le moment où les freins du train ont été serrés en vue de l'arrêt à Maxville et le moment où la partie avant du train a desserré les freins pour partir en direction ouest afin d'aller dételer les wagons dans l'embranchement MacEwen servant au transport de grain. Or, les calculs du BST, basés sur les données chronologiques enregistrées par le consignateur d'événements de locomotive et sur les caractéristiques du circuit de freinage, ont permis de déterminer que le délai minimum nécessaire pour un serrage normal à fond des freins du train en cause dans l'accident a dû être d'au moins 68 secondes. Donc, le robinet d'arrêt a dû être fermé sur la rame de wagons avant que la pression d'air se soit égalisée dans la conduite générale et que les freins soient serrés à fond. Cela a occasionné une onde de pression qui a entraîné un desserrage intempestif de tous les freins de la rame de wagons à l'arrêt. Les freins à air étant desserrés, les wagons se sont mis à rouler vers le bas de la pente et sont entrés en collision avec le mouvement de tête qui roulait en marche arrière. À la suite de la collision, la citerne du wagon-citerne ADMX 29571 a été perforée et a laissé fuir de l'alcool dénaturé.

    Surveillance par l'Ottawa Central Railway et l'organisme de réglementation

    Lors de deux enquêtes antérieures, le BST a conclu que la pratique appelée mise en bouteille de l'air avait été un facteur déterminant lors d'un certain nombre de dérives de matériel roulant. L'alinéa (v) des instructions spéciales pour le réseau du CN concernant la règle 112 du REF et l'article 7.4 des IGE du CN constituent les principaux moyens de défense contre le recours à cette pratique. Comme ces mesures sont de nature administrative (c'est-à-dire que leur application ne peut pas faire appel à des moyens matériels ou mécaniques), elles ne sont efficaces que dans la mesure où les équipes s'y conforment volontairement. Pour cette raison, la surveillance de la conformité assurée par les compagnies et les organismes de réglementation revêt une importance critique.

    La surveillance de la conformité assurée par les compagnies et les organismes de réglementation se fait par l'observation des équipes de train à partir de l'intérieur des trains ou du sol, ou par des évaluations des données des consignateurs d'événements de locomotive. Les observations à distance et les observations faites à l'intérieur des trains ne permettent pas de détecter les cas de mise en bouteille de l'air, étant donné que les équipes sont peu portées à utiliser la mise en bouteille de l'air quand elles se savent observées. En outre, il est difficile de déterminer la position du robinet d'arrêt quand on se trouve à une certaine distance. Les consignateurs d'événements de locomotive de l'OCR n'enregistrent pas la pression dans la conduite générale en queue de train, et l'OCR ne contrôle pas la pression dans la conduite générale à l'aide d'UEA portables. Il est donc impossible de savoir si les équipes procèdent à la mise en bouteille de l'air. Par conséquent, les équipes peuvent continuer d'utiliser la mise en bouteille de l'air pendant les manœuvres de triage faites sur la voie principale en cours de route, et ce en dépit de la surveillance exercée par les compagnies et les organismes de réglementation.

    Immobilisation de wagons laissés sans surveillance pendant les manœuvres de triage effectuées en cours de route

    Les IGE du CN, dont l'OCR se sert, permettent d'utiliser le serrage normal à fond ou le serrage d'urgence des freins du train pour immobiliser des wagons laissés sans surveillance au cours de manœuvres de triage effectuées en cours de route. Quand elles ont le choix, les équipes ont tendance à préférer la méthode qui leur semble la plus avantageuse. Comme l'utilisation du serrage normal à fond des freins raccourcit le délai de réalimentation du circuit de freinage quand on refait l'attelage du train, les équipes ont tendance à privilégier cette méthode. On peut gagner plus de temps encore grâce à la mise en bouteille de l'air des wagons à l'arrêt. Toutefois, cette pratique a été à l'origine de plusieurs accidents causés par du matériel roulant à la dérive. La méthode faisant appel au serrage d'urgence des freins exige un peu plus de temps, mais elle n'est pas propice à la mise en bouteille de l'air puisque la conduite de freinage et le réservoir se purgent alors automatiquement de l'air qu'ils contiennent. En outre, cette procédure est moins complexe puisqu'elle n'oblige pas à manipuler le robinet d'arrêt de la rame de wagons à l'arrêt, ce robinet restant ouvert complètement. Quoi qu'il en soit, les deux méthodes d'immobilisation des wagons peuvent être utilisées sans danger pourvu que l'on respecte en tout temps les consignes de sécurité appropriées.

    Le BST n'a pas de dossiers concernant des dérives dues à la mise en bouteille de l'air qui auraient affecté des trains de compagnies qui préconisent le recours au serrage d'urgence des freins pour immobiliser des wagons pendant des manœuvres effectuées en cours de route. Cela peut être dû au fait que cette méthode n'est pas propice à la mise en bouteille de l'air et qu'elle est moins complexe que la méthode faisant appel au serrage normal à fond des freins. Toutefois, les compagnies ferroviaires qui ont recours à la méthode du serrage d'urgence enregistrent aussi la pression dans la conduite générale en queue de train. Ces compagnies peuvent faire une surveillance plus efficace des équipes en utilisant les données des consignateurs d'événements de locomotive, et peuvent savoir ainsi à quel moment on a procédé à la mise en bouteille de l'air. Les équipes sont moins portées à se servir de la mise en bouteille de l'air quand elles savent que l'information pertinente est enregistrée. Par conséquent, il est vraisemblable que l'enregistrement de la pression dans la conduite générale en queue de train peut, jusqu'à un certain point, dissuader les équipes de recourir à la mise en bouteille de l'air.

    Plusieurs équipes de l'OCR croyaient qu'en procédant à la mise en bouteille de l'air dans une rame de wagons à l'arrêt, l'alarme de détection de mouvement de l'UEA se déclencherait et les avertirait si les wagons se déplaçaient, et qu'en entendant l'alarme, elles pourraient utiliser la fonction de freinage d'urgence de l'UEA pour commander à distance l'immobilisation des wagons. Toutefois, le détecteur de mouvement de l'UDF n'a pas été conçu à cette fin, et les essais sur le terrain effectués par le BST ont démontré que des wagons peuvent se mettre en mouvement sans que le détecteur de mouvement de l'UDF soit activé immédiatement. Le fait de s'attendre à ce que le détecteur de mouvement de l'UDF et l'alarme de l'UEA jouent un rôle pour lequel ils n'ont pas été conçus a pour effet d'accroître le risque de dérive de wagons.

    Résistance aux impacts des wagons-citernes de catégorie 111A

    Bien que l'attelage du wagon couvert ait heurté le wagon-citerne ADMX 29571 à faible vitesse, la tête de citerne de ce dernier n'a pas résisté à l'impact et elle a été perforée. Des wagons de ce type ont déjà été en cause dans des accidents sur lesquels le BST a fait enquête, et leurs faiblesses sont connues des organismes de réglementation et de l'industrie. On a modifié le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de façon qu'il limite le nombre de produits que ces wagons peuvent transporter, et on a amélioré la conception des wagons neufs, dont les vannes sont maintenant mieux protégées en cas de renversement.

    D'après les normes de construction des wagons-citernes, les wagons-citernes neufs de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 286 000 livres doivent répondre à des critères plus stricts qui prévoient une meilleure résistance à la perforation grâce à la sélection de meilleurs matériaux et à l'ajout de demi-boucliers protecteurs. Toutefois, ces critères ne s'appliquent pas aux wagons-citernes de catégorie 111A dont le poids total en charge est de 263 000 livres, et ce même si ces wagons constituent la majorité des wagons de construction récente et si ces wagons transportent les mêmes produits. Il s'ensuit que la majorité du parc de wagons-citernes de catégorie 111A seront toujours vulnérables aux risques de perforation et continueront de présenter des risques, même à la suite d'impacts à faible vitesse.

    Intervention d'urgence

    Le chef des pompiers de Maxville a été alerté 44 minutes après l'incident. Une fois arrivés sur les lieux, les intervenants d'urgence ont constaté que le déversement était plus considérable que ce qui avait été signalé initialement. Bien que ce délai ne semble pas avoir eu de conséquences fâcheuses, il reste que les intervenants, quand ils sont en présence de marchandises dangereuses, doivent absolument obtenir des renseignements exacts en provenance des lieux de l'événement pour pouvoir intervenir avec efficacité. Une fois avisé, le service des incendies de Maxville est intervenu rapidement et s'est acquitté de ses fonctions en toute sécurité. Grâce à l'évacuation des résidants des environs, les risques d'exposition aux marchandises dangereuses ont été réduits au minimum.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Les 74 wagons, laissés sans surveillance après qu'on a procédé à la mise en bouteille de l'air, se sont mis à rouler vers le bas de la pente et sont entrés en collision avec le mouvement de tête qui roulait en marche arrière. À la suite de la collision, la citerne du wagon-citerne ADMX 29571 a été perforée et a laissé fuir 98 000 litres d'alcool dénaturé.
    2. Le robinet d'arrêt a été fermé avant que la pression d'air se soit égalisée dans la conduite générale et que les freins soient serrés à fond en queue de train. Cela a occasionné une onde de pression dans la conduite générale, qui a entraîné le desserrage intempestif des freins à air.
    3. Étant donné que les équipes sont peu portées à utiliser la mise en bouteille de l'air quand elles se savent observées et que la pression dans la conduite générale n'est pas enregistrée, la surveillance exercée par la compagnie et l'organisme de réglementation n'a pas permis de dissuader les équipes de recourir à la mise en bouteille de l'air.

    Faits établis quant aux risques

    1. Comme le recours au serrage normal des freins pour immobiliser des wagons à l'arrêt incite davantage les équipes à recourir à la mise en bouteille de l'air, il présente un risque accru de dérive du matériel roulant.
    2. L'utilisation de la méthode faisant appel au serrage d'urgence des freins et l'enregistrement de la pression dans la conduite générale en queue de train semblent être des façons efficaces de dissuader les équipes de recourir à la mise en bouteille de l'air, et d'atténuer les risques de dérive du matériel roulant.
    3. Le fait que les équipes de train s'attendent à ce que le détecteur de mouvement de l'unité de détection et de freinage et l'alarme de l'unité d'entrée et d'affichage jouent un rôle pour lequel ils n'ont pas été conçus a pour effet d'accroître le risque de dérive de wagons.
    4. Comme les critères plus stricts de résistance à la perforation qui visent les normes de construction des wagons-citernes neufs de catégorie 111A ne s'appliquent pas aux wagons neufs dont le poids total en charge est de 263 000 livres, lesquels représentent une proportion appréciable du parc de wagons-citernes, la majorité du parc de wagons-citernes de catégorie 111A seront toujours vulnérables aux risques de perforation et continueront de présenter des risques, même à la suite d'impacts à faible vitesse.

    Autre fait établi

    1. Bien que le délai avec lequel on a avisé les intervenants d'urgence ne semble pas avoir eu de conséquences fâcheuses, il reste que les intervenants doivent absolument obtenir des renseignements exacts en provenance des lieux de l'événement pour pouvoir intervenir avec efficacité.

    Mesures de sécurité prises

    Le 11 mai 2005, l'Ottawa Central Railway (OCR) a convoqué une réunion de sécurité à laquelle tous les employés ont assisté. On y a discuté des événements entourant l'accident afin de sensibiliser les employés aux risques associés à la pratique appelée mise en bouteille de l'air.

    Pendant les deux mois qui ont suivi l'accident, l'OCR a doublé le nombre d'observations des équipes de train, demandant de surveiller particulièrement l'immobilisation de wagons qui sont laissés sans surveillance pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route. Le nombre de vérifications de sécurité a été doublé pour 2005.

    L'OCR a fait l'achat d'une unité d'entrée et d'affichage (UEA) portable qu'elle installera dans un véhicule à l'intention des superviseurs des transports. L'UEA permettra de surveiller à distance la pression dans la conduite générale en queue de train lorsque les superviseurs des transports observeront l'exécution des manœuvres de triage effectuées en cours de route.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .