Rapport d'enquête ferroviaire R06Q0096

Déraillement en voie principale
Canadien National
Train de marchandises no M-36231-25
Point milliaire 153,2 de la subdivision Lac-Saint-Jean
Chambord (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 27 août 2006 à 13 h 45, heure avancée de l'Est, 12 wagons du train de marchandises no M-36231-25 du Canadien National ont déraillé au point milliaire 153,2 de la subdivision Lac-Saint-Jean, près de Chambord (Québec). Un des wagons déraillés contenait des liquides inflammables de classe 3, no ONU 1202. L'accident n'a fait aucune victime et n'a pas causé de déversement de produits dangereux.

    This report is also available in English.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 27 août 2006, le train de marchandises no M-36231-25 (le train) du Canadien National (CN) part de Garneau (Québec), et roule en direction Nord dans la subdivision Lac-Saint-Jean, à destination de Chambord (Québec). L'équipe est constituée d'un mécanicien et d'un chef de train, lesquels sont tous deux qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et se conforment aux normes établies en matière de repos et de condition physique. Le train compte 2 locomotives et 93 wagons (20 wagons chargés et 73 vides), il pèse approximativement 4 980 tonnes et mesure environ 6 140 pieds.

    À 13 h 45, heure avancée de l'EstNote de bas de page 1, tandis que le train approche de Chambord, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale se déclenche au point milliaire 153,2 de la subdivision Lac-Saint-Jean (voir la figure 1). À ce moment, le train roule à 25 mi/h, la commande des gaz est à la position de ralenti et la conduite générale est à la pression de régime (87 livres par pouce carré [lb/po²]). La locomotive de tête s'immobilise au point milliaire 153,4. L'équipe du train applique les consignes d'urgence, inspecte le train et constate que cinq wagons chargés et sept wagons vides (du 6e au 17e wagons à partir de la tête du train) viennent de dérailler. Le matériel déraillé comprend quatre wagons-tombereaux chargés de copeaux de bois, un wagon-citerne chargé d'un liquide inflammable (classe 3, no ONU 1202), quatre wagons couverts vides, et trois wagons-tombereaux vides. La voie ferrée a été endommagée sur une distance d'environ 1 400 pieds. Personne n'a été blessé.

    Figure 1. Secteur du déraillement, Chambord (Québec) (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
    Image
    Secteur du déraillement, Chambord (Québec)

    Lors de l'accident, la température était d'environ 16°C et le ciel était nuageux. Des faibles averses de pluie (précipitations de 7 à 9 mm) avaient été enregistrées dans le secteur au cours de la journée.

    Renseignements sur la voie

    La subdivision Lac-Saint-Jean est constituée d'une voie principale simple qui part du triage Garneau (point milliaire 0,0) et continue vers le Nord jusqu'à Arvida (Québec) (point milliaire 203,5). La circulation ferroviaire est régie grâce au système de régulation de l'occupation de la voie (ROV), en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et elle est supervisée par un contrôleur de la circulation ferroviaire posté à Montréal (Québec). La voie est une voie de catégorie 3, d'après le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), approuvé par Transports Canada (TC). Entre le point milliaire 95,3 et le point milliaire 165,6, la vitesse de zone est de 40 mi/h pour les trains de voyageurs et les trains de marchandises; toutefois, dans les courbes situées entre le point milliaire 139,9 et le point milliaire 156,5, les vitesses sont limitées à 35 mi/h pour les trains de voyageurs et à 25 mi/h pour les trains de marchandises. Le trafic ferroviaire consiste en 24 trains de marchandises et 6 trains de voyageurs par semaine, ce qui représente un tonnage annuel de 8 millions de tonnes environ.

    Dans le secteur du déraillement, la voie est faite de rails de 136 livres (rails de profil RE fournis par Sydney Steel), fabriqués en 1991, qui reposaient sur des selles de rail de 14 pouces à double épaulement. Dans les courbes, les rails sont retenus aux traverses par cinq crampons et sont encadrés par des anticheminants à toutes les deux traverses. Dans les tronçons en alignement droit, les rails sont retenus aux traverses par deux crampons et sont encadrés par des anticheminants à toutes les trois traverses. Les traverses sont posées à raison d'environ 3 200 traverses par mille de voie. Le ballast est constitué surtout de pierre concassée de 1 à 2 ¼ pouces de diamètre.

    La voie décrit une contre-courbe et descend en direction Nord (dans le sens de l'avancement du train) une pente dont l'inclinaison va de 0,0 à 1,0 p. 100. La contre-courbe consiste en une courbe de deux degrés vers la gauche, suivie d'une courbe de six degrés vers la droite. Dans le secteur du déraillement, il y a un passage à niveau public qui croise la voie dans la courbe vers la gauche, et sur une distance d'un quart de mille, il y a quatre passages à niveau privés ou passages à niveau de ferme qui croisent la voie dans la courbe vers la droite (voir la figure 2).

    Figure 2. Lieu du déraillement
    Image
    Lieu du déraillement

    Il y avait deux joints de rail, un sur chaque rail de la courbe vers la droite, qui étaient décalés à 10 pieds l'un de l'autre. On a relevé des indices d'un mouvement vertical de la structure de la voie sous 12 traverses, du côté extérieur du rail bas, causé par le pompage des traverses. En raison du pompage, l'âme et le patin du rail étaient boueux à cet endroit. On a aussi relevé des petits espaces vides aux extrémités des traverses du rail haut, ce qui indiquait que la voie s'était déplacée légèrement vers l'intérieur. Les premières marques trouvées sur le champignon du rail haut se trouvaient au point milliaire 153,2, soit à environ 11 pieds au Nord d'une dépression située sous le rail bas, à l'endroit où les traverses pompaient (voir les photos 1 à 3). Les marques se trouvaient du côté extérieur du rail haut et couvraient une distance de 65 pieds.

    Photo 1. Surface du rail bas de la courbe de six degrés, vue du Sud
    Image
    Surface du rail bas de la courbe de six degrés, vue du Sud
    Photo 2. Vue de l'état des traverses sous le rail bas de la courbe de six degrés
    Image
    Vue de l'état des traverses sous le rail bas de la courbe de six degrés
    Photo 3. Positions des joints de rail vus du Sud
    Image
    Positions des joints de rail vus du Sud

    Des mesurages sans charge de l'écartement et du nivellement transversal ont été faits en pleine courbe et à la sortie du raccordement de la courbe de six degrés vers la droite. On a alors pu faire les observations ci-après :

    • Le dévers en pleine courbe variait entre 4 ½ pouces et 5 7/8 pouces. Dans la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) du CN, on précisait dans la méthode recommandée (RM) no 1305-0 que le dévers maximal autorisé dans une courbe correspond à la plus petite des valeurs suivantes : le dévers équilibré ou 5 pouces, sauf si l'ingénieur en chef donne une autorisation spéciale. Le dévers équilibré pour une vitesse de 35 mi/h dans une courbe de six degrés est de 5 1/8 pouces. Indépendamment de la vitesse, la valeur maximale autorisée dans le RSV est de 6 pouces.
    • On a relevé deux endroits adjacents sur le rail bas, où l'écart de nivellement transversal était de 5 5/8 et de 5 7/8 pouces. De plus, on a relevé un mouvement vertical de ¾ de pouce sous les traverses, mouvement qui était attribuable au pompage décrit précédemment.

    Dans le secteur du déraillement, la voie était inspectée régulièrement, conformément aux dispositions du RSV. L'inspection la plus récente de la voie, faite par une voiture rail-route, remontait au 27 août 2006 et n'avait signalé aucune anomalie. Une voiture d'évaluation de la voie a réalisé un contrôle de la géométrie de la voie le 8 juin 2006; cette inspection a révélé la présence de deux défauts nécessitant une intervention urgente (un surécartement sur une distance de 3 pieds et un défaut du nivellement transversal sur une distance de 18 pieds) et cinq défauts nécessitant une intervention prioritaire (défauts touchant l'écartement, le nivellement transversal et le dévers, et gauchissement) entre le point milliaire 153,1 et le point milliaire 153,3, dont un tronçon de 14 pieds dont le dévers était excessif (5 7/8 pouces), au point milliaire 153,2.

    Renseignements sur les wagons

    Il y avait des similitudes entre les trois premiers wagons qui ont déraillé, en ce qui a trait à leur conception et à leur chargement. Il s'agissait de wagons-tombereaux à ridelles hautes chargés de copeaux de bois, qui mesuraient 65 pieds de longueur et avaient un empattement de 48 pieds, et qui avaient été construits en 1982. Leurs caractéristiques étaient les suivantes : ils mesuraient 14 pieds et 9 pouces de hauteur, avaient une capacité de transport de 6 700 pieds cubes, une tare d'environ 56 300 livres et une limite de charge de 220 000 livres. Les wagons ont fait l'objet d'une inspection de sécurité le 24 août, et d'un essai de freins no 1 le 27 août 2006, au triage Garneau. Ces inspections n'ont révélé aucun défaut.

    On a remarqué que, pour un essieu monté déraillé, la hauteur des boudins de roues était supérieure à 1 ½ pouce, ce qui excédait les limites énoncées dans le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises, approuvé par TC (concernant les boudins trop hauts, voir la photo 4).

    Photo 4. Boudin de roue trop haut sur un essieu monté
    Image
    Boudin de roue trop haut sur un essieu monté

    Les crapaudines des deuxième et troisième wagons de copeaux qui ont déraillé ont été examinées. On a remarqué que les crapaudines et les pivots de caisse montraient de l'usure au-delà des surfaces verticales situées sur les rayons extérieurs des crapaudines et pivots de caisse (voir les photos 5 et 6). Il aurait été difficile de détecter l'état des crapaudines et pivots de caisse pendant des inspections de sécurité des wagons placés dans un train, étant donné que ces pièces sont cachées sous le châssis des wagons.

    Photo 5. Pivot de caisse (bout B). Les flèches pointent vers le secteur affecté par l'usure
    Image
    Pivot de caisse (bout B)
    Photo 6. Rebord de la crapaudine montrant une lèvre en relief qui a été marquée par l'usure de contact
    Image
    Rebord de la crapaudine montrant une lèvre en relief qui a été marquée par l'usure de contact

    La traverse danseuse et les crapaudines et pivots de caisse du bout B du troisième wagon à dérailler (no CN 878220) ont été envoyés au laboratoire technique du BST pour des examens et des analyses plus poussés (rapport no LP 092/2006 du BST). On a aussi fait des calculs relativement au moment de résistance à la rotation des bogies et au soulèvement des roues causé par un contact entre les rebords des crapaudines et des pivots de caisse. L'examen a permis de faire les observations suivantes :

    • Les surfaces des pivots de caisse et des crapaudines qui étaient affectées par l'usure étaient relativement égales et symétriques, ce qui suggère que l'usure a résulté du mouvement de ballant-roulis, lequel est assez courant dans le cas des wagons à ridelles hautes.
    • Le rebord de la crapaudine faisait contact depuis longtemps avec la base du pivot de caisse, un état qui n'est pas conforme aux règles de l'Association of American Railroad (AAR).
    • Un contact décalé du rebord de la crapaudine, aussi léger soit-il, peut entraîner un soulèvement supplémentaire des roues et accroître le moment de résistance à la rotation du bogie.

    On a observé une répartition inégale du chargement de copeaux, lesquels avaient été chargés par le souffleur à copeaux dans les wagons découverts au moment du chargement. Les poids des quatre premiers wagons de copeaux qui ont déraillé, qui avaient été pesés au dernier poste d'inspection en voie, à Saint-Tite (Québec), indiquaient une répartition asymétrique du chargement (voir le tableau 1). Les roues les plus chargées se trouvaient du côté du rail Est, ce qui revient à dire qu'elles exerçaient un poids accru sur le rail bas de la courbe de six degrés.

    Tableau 1. Poids des wagons (en milliers de livres) mesuré à Saint-Tite (Québec) le 25 août 2006
    Numéro du wagon Rail Est Rail Ouest Position dans le train Ordre des wagons déraillés Bout placé à l'avant Position de la roue la plus chargée
    CN 878080 92,69 84,15 6e 1er B L-1, 40,4
    CN 878232 98,52 81,15 7e 2e B L-1, 50,4
    CN 878220 92,18 89,3 8e 3e A R-3, 35,1
    CN 879372 101,12 84,21 9e 4e A R-1, 57,9

    On a fait des calculs plus poussés pour connaître l'effet possible du déséquilibre existant sur les performances d'un wagon donné avec différentes valeurs de dévers, soit 1 5/8, 2 5/8, 5 5/8 et 6 5/8 pouces. À partir des poids obtenus lors de l'inspection faite à Saint-Tite, ces calculs ont montré que le ratio de déséquilibre était de l'ordre de 2 à 10 p. 100 sur les voies en alignement droit, mais que ce ratio pouvait augmenter et être de l'ordre de 24 à 32 p. 100 dans les courbes.

    Association of American Railroads – Déséquilibre maximal

    En 2006, le Transportation Technology Center, Inc. (TTCI), établi à Pueblo au Colorado (États-Unis), a mis en œuvre une initiative de recherche stratégique qui visait à définir un taux acceptable de déséquilibre pour les wagons affectés au service d'échange. Une partie de l'initiative consistait à utiliser une modélisation NUCARS® pour déterminer les limites d'un déséquilibre extrêmeNote de bas de page 2 ou les limites critiques de notification de l'AAR. On a généré des modèles représentant une matrice de déséquilibre pour trois types différents de wagons (wagons à cuvettes transversales pour le transport de rouleaux de tôle, wagons-tombereaux allongés, et wagons-trémies découverts). Les résultats obtenus étaient utilisables pour n'importe quel wagon ayant des paramètres similaires (empattement, centre de gravité, masse et suspension). On a utilisé les modèles avec une série de conditions de géométrie de la voie qui correspondaient aux perturbations énoncées dans la chapitre XI de l'AARNote de bas de page 3, travaux spéciaux en voie, approches de ponts et variation de la courbure de la voie. Les constatations préliminaires de cette initiative ont été les suivantes :

    • un déséquilibre latéral de 21 p. 100 en roulis et en torsion entraîne un soulèvement des roues.
    • un déséquilibre longitudinal de 16 p. 100 entraîne un soulèvement des roues dans un mouvement de tangage et de rebondissement.
    • Une surcharge de 14 p. 100 cause une charge dynamique de roue qui excède de 150 p. 100 la charge dynamique normale d'un même matériel roulant dont la charge est équilibrée.

    Le TTCI considère que le déséquilibre des charges est un problème qui intéresse l'ensemble de l'industrie et qui a des implications d'ordre économique. En date de mars 2007, le TTCI a indiqué que le projet de recherche relatif au déséquilibre des charges permettra à terme d'établir une valeur maximale de déséquilibre tolérable, et proposera des lignes directrices à partir de ses constatations. Les étapes ultérieures de l'initiative de recherche stratégique commanditée par l'AAR comprendront l'élaboration de critères permettant d'établir des seuils critiques d'intervention. Ces limites se fonderont sur des modèles économiques qui représentent les coûts associés aux charges déséquilibrées. Les considérations d'ordre économique incluront les effets des charges déséquilibrées sur les ponts, sur la voie ferrée, sur la consommation de carburant et sur les composants mécaniques.

    Analyse

    La conduite du train s'est avérée conforme aux exigences de la réglementation et à celles de la compagnie de chemin de fer. On considère que les conditions d'exploitation n'ont pas été un facteur déterminant lors de cet accident. Les dommages causés à la voie remontaient jusqu'au point milliaire 153,2, où des marques laissées par les boudins de roues ont été observées sur le champignon du rail haut de la courbe de six degrés vers la droite. L'absence de marques sur la face intérieure du rail indique que le déraillement a résulté du soulèvement des roues sur le rail haut, qui s'est produit pendant que le train descendait la pente et que les wagons roulaient dans la courbe vers la droite. L'analyse s'intéressera surtout aux conditions qui ont contribué au soulèvement des roues (c'est-à-dire l'état de la voie dans le secteur où le déraillement s'est produit et l'état mécanique des premiers wagons à dérailler).

    Dans certaines parties de la courbe où le déraillement s'est produit, le dévers atteignait des valeurs de plus de six pouces, si l'on tient compte du mouvement dû au pompage; cette valeur excède les valeurs maximales tolérées par le RSV. Comme on avait signalé le dévers excessif comme étant un défaut nécessitant une intervention prioritaire, et non pas une intervention urgente, lors du passage précédent de la voiture de contrôle de la géométrie de la voie, le défaut en question n'a pas été corrigé puisque les efforts d'entretien de la voie portaient avant tout sur les secteurs où des interventions urgentes étaient nécessaires. À cause du dévers excessif, les charges par roue qui s'exerçaient sur le rail bas ont augmenté, et celles qui s'exerçaient sur le rail haut ont diminué.

    Le mouvement de ballant-roulis qui affecte naturellement les wagons à ridelles hautes chargés de copeaux de bois a dont été amplifié par le pompage des traverses et par l'espacement de 10 pieds qui séparait les joints de rail, en l'occurrence un espacement légèrement supérieur à la longueur d'un bogie de wagon de marchandises. Au moment où les wagons s'engageaient dans la sortie du raccordement de la courbe de six degrés vers la droite, l'effet combiné du dévers excessif et du pompage des traverses et la présence des joints de rail décalés ont entraîné le soulèvement des roues et le déraillement subséquent du wagon chargé de copeaux du côté extérieur du rail haut. Puis, comme le wagon a continué d'avancer après avoir déraillé, il a endommagé la voie et a fait dérailler 11 autres wagons à sa suite.

    L'examen des crapaudines et pivots de caisse des wagons de copeaux de bois a révélé que le mouvement de ballant-roulis des wagons était tel qu'il y a eu contact entre les crapaudines et les pivots de caisse sur le pourtour de la cuvette centrale. Cela a eu pour effet de modifier la répartition de la charge au point d'interface entre la caisse du wagon et le bogie et, par conséquent, a affecté la résistance des wagons au mouvement de ballant-roulis et leur comportement dans les courbes. En outre, comme la répartition asymétrique du chargement des wagons faisait porter le gros du poids sur le rail bas, les roues du côté opposé se sont soulevées et ont perdu le contact avec le rail haut.

    L'initiative de recherche stratégique de l'AAR a permis de constater que le déséquilibre latéral en roulis et en torsion doit atteindre une valeur de quelque 21 p. 100 avant qu'il ne cause le soulèvement des roues. Lors de cet événement, comme le dévers n'était excessif qu'à deux endroits localisés, il est peu probable que le chargement asymétrique ait causé à lui seul le soulèvement des roues. Toutefois, la combinaison de ce chargement asymétrique et de la présence des deux dépressions du terrain a été un autre des facteurs qui ont contribué à la diminution des charges exercées sur le rail haut.

    Bien que l'enquête ait révélé qu'un des essieux montés déraillés était affecté par des roues dont les boudins étaient trop hauts, on considère que ce défaut n'a pas été un facteur contributif de l'accident, étant donné que les roues dont le boudin est trop haut ne sont pas susceptibles d'être affectées par le soulèvement des roues. Les boudins trop hauts et l'état du pourtour de l'interface entre les crapaudines et les pivots de châssis, du fait qu'il était caché, n'ont pas été détectés lors de l'inspection de sécurité que des inspecteurs qualifiés ont effectuée au triage Garneau, ce qui fait ressortir les limitations des inspections visuelles qu'on fait dans les triages, lorsqu'il s'agit de détecter des défauts de ce genre.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. En raison du soulèvement de ses roues sur le rail haut d'une courbe, un wagon chargé de copeaux de bois a déraillé pendant qu'il roulait dans une courbe de six degrés vers la droite. Comme le wagon a continué d'avancer après avoir déraillé, il a endommagé la voie et a fait dérailler 11 autres wagons à sa suite.
    2. L'effet combiné du dévers excessif et du pompage des traverses et la présence des joints de rail décalés sur les lieux de l'accident ont contribué à la réduction des charges verticales exercées sur le rail haut de la courbe.
    3. Une répartition asymétrique du chargement des wagons, faisant porter une bonne partie du poids sur le rail bas de la courbe, combinée au contact des pièces sur le pourtour de la cuvette de l'interface entre les crapaudines et les pivots de caisse des wagons, a causé une augmentation du soulèvement des roues sur le rail haut.
    4. Comme on avait signalé le dévers excessif comme étant un défaut nécessitant une intervention prioritaire, et non pas une intervention urgente, lors du passage précédent de la voiture de contrôle de la géométrie de la voie, le défaut en question n'a pas été corrigé, vu que les efforts d'entretien de la voie portaient avant tout sur les secteurs où des interventions urgentes étaient nécessaires.

    Faits établis quant aux risques

    1. Bien que les inspecteurs de wagons autorisés aient procédé à une inspection de sécurité des wagons au triage Garneau, les boudins trop hauts et l'état du pourtour de l'interface entre les crapaudines et les pivots de châssis, du fait qu'il était caché, n'ont pas été détectés lors de cette inspection, ce qui fait ressortir les limitations des inspections visuelles qu'on fait dans les triages, lorsqu'il s'agit de détecter des défauts de ce genre.

    Mesures de sécurité prises

    Pour corriger les défauts du dévers dans la subdivision Lac-Saint-Jean, le Canadien National (CN) a procédé à des travaux de rabotage et de nivellement et à des travaux d'entretien localisés. La compagnie a procédé au rabotage des rails sur un tronçon de 22 milles en 2005, et sur un autre tronçon de 40 milles en 2006. Avant le passage de la dégarnisseuse, on a posé environ 10 000 traverses en 2005, et plus de 15 000 traverses en 2006. De plus, à l'automne de 2006, le CN a fait savoir que, pour accroître les activités d'inspection de la voie dans la subdivision Lac-Saint-Jean, il avait augmenté la fréquence des passages de la voiture de contrôle de la géométrie de la voie.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A – Liste des rapports pertinents

    Dans le cadre de l'enquête, le laboratoire technique du BST a rédigé le rapport suivant :

    LP 092/2006 – Centre Plate Wear Evaluation (portant sur l'évaluation de l'usure des crapaudines et des pivots de caisse).

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.