Rapport d'enquête ferroviaire R09D0053

Collision hors d'une voie principale
de la locomotive 6425 de VIA Rail Canada Inc.
au Centre de maintenance de Montréal
de VIA Rail Canada Inc.
à Montréal (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 9 septembre 2009 vers 1 h 30, heure avancée de l'Est, pendant des manœuvres de triage qu'on effectuait au Centre de maintenance de Montréal, à Montréal (Québec), la locomotive 6425 de VIA Rail Canada Inc. a heurté une rame de voitures vides sur la voie de service S2W. La locomotive et trois voitures ont été endommagées. Personne n'a été blessé.

    This report is also available in English.

    Autres renseignements de base

    L'accident

    Le 9 septembre 2009, une équipe de manœuvre (l'équipe) de VIA Rail Canada Inc. (VIA) utilise la locomotive VIA 6425 pour exécuter des manœuvres de triage à l'extrémité est du Centre de maintenance de Montréal (CMM), à Montréal (Québec). L'équipe est composée d'un mécanicien de manœuvre de contrôle (MMC), qui a 8 mois d'expérience, et d'un mécanicien de manœuvre responsable (MMR), qui compte 18 mois d'expérience. Un mécanicien de manœuvre au CMM est un employé qui est chargé de déplacer le matériel de traction et les wagons sur les voies de triage dans les limites du CMM entre les points où l'on fait leur entretien et les endroits où on les retire du service ou les remet en service. Les deux membres de l'équipe connaissent bien le triage, se conforment aux normes en matière de condition physique et de repos et possèdent les qualifications voulues pour occuper leurs postes respectifs.

    À 0 h 18Note de bas de page 1, le contrôleur du triage appelle l'équipe et lui donne des instructions de remplacer la locomotive VIA 6425 par la locomotive VIA 6445 dans le train de voyageurs 635, stationné à l'intérieur du bâtiment de l'atelier, sur la voie S2W (voir la figure 1). À 1 h 23, après avoir terminé ses activités de triage à l'extrémité est du CMM, l'équipe arrête la locomotive VIA 6425 sur la voie H3 adjacente à l'atelier, et le MMC descend de la locomotive. Il dételle ensuite la locomotive VIA 6445 du train 635, roule vers l'ouest et dépasse le branchement des voies S1 et H3. La locomotive VIA 6425, conduite par le MMR, suit sur la voie H3, et s'arrête à une quarantaine de pieds derrière. Le MMR serre les freins de la locomotive VIA 6425, quitte la locomotive et donne au MMC des instructions pour atteler les locomotives.

    Figure 1. Diagramme montrant le lieu de l'accident
    Image
    Figure 1. Diagramme montrant le lieu de l'accident

    Après que les locomotives sont entrées en contact et se sont arrêtées, le MMR désactive les freins de la locomotive VIA 6425. Le MMR monte les marches avant de la locomotive VIA 6425 et demande au MMC de rouler en direction de l'atelier pour s'atteler aux voitures du train 635.

    Vers 1 h 31, tandis qu'ils approchent de l'atelier et que le MMC commence à faire ralentir le mouvement, les locomotives se séparent. La locomotive VIA 6445 s'immobilise à une centaine de pieds de l'entrée de l'atelier, tandis que la locomotive VIA 6425 part à la dérive et entre en collision avec les voitures du train 635. Le MMR saute de la locomotive VIA 6425 un peu avant que celle-ci entre dans l'atelier. Il n'y a aucun travailleur du CMM à bord ou près des voitures au moment de l'accident. Personne n'est blessé.

    Examen sur place

    La locomotive VIA 6425 est entrée en collision avec la voiture VIA 3458, laquelle était à une centaine de pieds à l'intérieur du bâtiment de l'atelier. Le matériel roulant en cause dans la collision est resté sur les rails. L'examen des deux locomotives et des voitures n'a mis en évidence aucun défaut préexistant. Toutefois, on a observé que les freins de la locomotive VIA 6425 étaient désactivés. Les mâchoires d'attelage de la locomotive VIA 6425 et de la voiture VIA 3458 ont été endommagées. L'intérieur des voitures VIA 3458, 3342 et 3316 a aussi subi des dommages mineurs. Ni les installations ni les voies n'ont été endommagées.

    Renseignements sur la cour de triage

    Le bâtiment de l'atelier est situé au milieu du triage. La voie S2W part du bâtiment de l'atelier et va vers l'ouest sur une distance d'environ 450 pieds pour se terminer à l'aiguillage S1/S2. La voie S1 continue sur une distance additionnelle de 450 pieds, jusqu'à l'aiguillage S1/H3. La voie H3, parallèle à la voie S2W, passe au nord de cette dernière et se poursuit en direction ouest sur une distance de quelque 900 pieds, jusqu'à l'aiguillage S1/H3. La voie H3 se poursuit ensuite sur une distance additionnelle de 400 pieds avant de rejoindre la voie principale du Canadien National (CN).

    Renseignements consignés

    Les données du consignateur d'événements de la locomotive VIA 6445 ont indiqué que la locomotive a tourné au ralenti pendant 3 heures et 42 minutes. Puis, à 1 h 28, elle a avancé de 900 pieds après quoi elle s'est arrêtée. À 1 h 31, la locomotive a fait marche arrière sur une distance de 40 pieds et s'est arrêtée pendant 13 secondes, après quoi elle a continué de rouler en marche arrière sur une distance de 700 pieds et s'est ensuite arrêtée.

    Le consignateur d'événements de la locomotive VIA 6425 indique que la locomotive s'est arrêtée à 1 h 25 et qu'elle a ensuite roulé en marche avant sur une distance de 900 pieds. Après l'arrêt de la locomotive, la pression au cylindre de frein direct a diminué jusqu'à 1 lb/po², et la pression dans la conduite générale a commencé à diminuer jusqu'à zéro tandis que la locomotive roulait en marche arrière en direction de l'atelier.

    Opérations du Centre de maintenance de Montréal et formation des mécaniciens de manœuvre

    Le CMM assure l'entretien et le service courant d'environ les deux tiers du parc de voitures de VIA. Le travail d'entretien est effectué par des employés d'atelier spécialisés qui constituent la majorité de l'effectif de 620 personnes du CMM. Les mouvements du matériel roulant sont exécutés par 38 mécaniciens de manœuvre. Les mécaniciens de manœuvre travaillent en équipes de deux (MMC et MMR) que l'on établit en vertu du processus de postulation défini par les conventions collectives. Il y a trois quarts de travail (le quart de nuit, le quart de jour et le quart d'après-midi). Le quart de nuit est constitué en grande partie de mécaniciens de manœuvre moins expérimentés et il affiche un taux élevé de roulement du personnel. Le nombre d'équipes de manœuvre qu'on attribue à chaque quart de travail dépend des prévisions quant au nombre de tâches qu'on doit exécuter régulièrement. Le travail à exécuter pendant un quart est planifié et réparti en blocs de tâches au début du quart de travail. Une fois que les mécaniciens de manœuvre ont terminé les tâches de leur bloc, ils ne reçoivent normalement pas d'autres tâches, à moins que le contrôleur du triage n'assigne des tâches imprévues.

    Les candidats peuvent venir de l'extérieur et de l'interne et peuvent avoir des connaissances et une expérience pratique limitées (sinon inexistantes) des chemins de fer. Pour répondre aux exigences du poste de mécanicien de manœuvre, les employés doivent suivre un programme de formation de six semaines. Au terme du programme, les employés qui passent avec succès l'évaluation finale sont considérés comme étant qualifiés pour exécuter les tâches d'un mécanicien de manœuvre.

    Le programme consiste en trois semaines de formation officielle portant sur les sections pertinentes du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), sur les instructions spéciales du CMM et sur ses activités. Durant les trois dernières semaines du programme, les stagiaires reçoivent une formation en cours d'emploi et sont encadrés par des mécaniciens de manœuvre. Les encadreurs sont sélectionnés sur la base de l'ancienneté à même un bassin de mécaniciens de manœuvre expérimentés qui ont donné leur nom. Le processus de sélection des encadreurs ne prévoit pas une vérification de leurs aptitudes ou de leur capacité d'enseigner.

    Instructions concernant l'attelage et le déplacement du matériel roulant

    Tous les mouvements à l'intérieur du CMM sont régis par le REF et par le Règlement d'exploitation pour mécaniciens de manœuvre de VIA qui inclut les règles pertinentes du REF. Dans les deux documents, la règle 113 (e) du REF stipule : « Lorsque, pour quelle que raison que ce soit, on s'attelle à du matériel roulant, sauf lors du buttage ou des manœuvres en palier alors que les wagons sont dételés en mouvement intentionnellement, le matériel roulant attelé doit être étiré pour s'assurer qu'il est bien attelé. »

    Voici un extrait des articles (c) et (d) des Instructions générales d'exploitation de VIA concernant le CMM, qui portent sur le mouvement du matériel roulant :

    (c) Les freins à air doivent être opérationnels sur chaque pièce d'équipement durant les manœuvres. Un équipement avec des freins à air défectueux ne peut pas être déplacé avant d'en avoir reçu la permission du Contrôleur.

    Avant d'autoriser le mouvement, le contrôleur vérifie s'il y a des mouvements incompatibles dans le triage et exige, par mesure de précaution, qu'on insère une goupille de sûreté dans la mâchoire d'attelage afin de prévenir un dételage intempestif.

    (d) Avant de déplacer une locomotive, le Mécanicien de manœuvre doit s'assurer que les contrôles pour les freins à air sont correctement positionnés, que le compresseur à air fonctionne normalement et que les « gauges » à air indiquent les pressions d'air requises pour le service. (De plus, l'essai de freins à air approprié doit être exécuté.)

    L'article (e) des Instructions générales d'exploitation de VIA concernant le CMM décrit l'essai de freins à air qu'on doit exécuter lorsqu'on attelle deux locomotives ensemble.

    Attelage et déplacement du matériel roulant au Centre de maintenance de Montréal

    Lors de cet événement, on a amorcé le mouvement sans avoir au préalable étiré les attelages pour confirmer que les locomotives étaient bien attelées ensemble. L'équipe avait l'habitude non pas d'étirer les attelages, mais de regarder les trous des goupilles de sécurité. Un alignement approprié des trous indique que les axes des bras d'attelage peuvent se verrouiller en place et que l'attelage devrait être sûr. L'équipe a désactivé les freins en les isolant et ne s'est pas assurée du bon positionnement des dispositifs de contrôle des freins à air. En outre, on n'a pas raccordé les conduites d'air entre les locomotives et on n'a pas exécuté les essais de frein requis. Cette pratique permet d'abréger de 5 à 10 minutes le délai d'exécution du mouvement.

    De nombreuses équipes du CMM procédaient à de telles adaptationsNote de bas de page 2 de la règle 113 (e) et des articles (c), (d) et (e) des Instructions spéciales générales concernant le CMM. Toutefois, les mécaniciens de manœuvre les plus expérimentés ajoutaient certaines mesures de sécurité afin d'atténuer les risques. Par exemple, ils inséraient la goupille de sécurité dans les trous pour confirmer que ceux-ci étaient bien alignés et pour prévenir une séparation des mâchoires d'attelage. Les mécaniciens de manœuvre étaient au fait des règles et procédures applicables, mais ils avaient recours à des adaptations pour faciliter leur travail et en accélérer l'exécution.

    Supervision des mécaniciens de manœuvre au Centre de maintenance de Montréal

    Au CMM, ce sont le gestionnaire et le contrôleur du triage qui doivent assurer la supervision des mécaniciens de manœuvre. Ils ont la responsabilité de faire en sorte que les opérations du triage soient sûres et efficientes, et notamment de faire chaque année l'évaluation de la compétence de chaque mécanicien de manœuvre. Bien qu'il soit directement responsable de la supervision des mécaniciens de manœuvre, le gestionnaire du triage délègue dans les faits cette responsabilité aux contrôleurs du triage, pour pouvoir s'occuper de priorités concurrentes. Durant les quarts de nuit, quand le gestionnaire du triage n'est pas présent, le contrôleur du triage est responsable de la supervision.

    Les contrôleurs du triage ont la responsabilité de planifier, d'organiser et de surveiller les mouvements d'aiguillage au CMM. Ils rédigent divers rapports, répondent au téléphone et acheminent les communications radio. De plus, ils surveillent les employés pour s'assurer que ceux-ci se conforment aux règles d'exploitation et aux consignes de sécurité.

    Le contrôleur du triage surveille les équipes de manœuvre à partir de la tour qui est située à l'extrémité est du bâtiment de l'atelier et qui fait face à l'opposé du lieu de l'événement. Un grand nombre des tâches du contrôleur du triage, par exemple répondre aux appels téléphoniques et radio, exigent une attention immédiate et sont plus pressantes que la surveillance du triage. Le contrôleur du triage peut faire une surveillance visuelle de l'extrémité est du triage en regardant par les fenêtres, et il peut voir d'autres secteurs à l'aide des caméras de sécurité placées à différents endroits du triage. La nuit, il y a certains secteurs du triage qu'on peut difficilement surveiller à partir de la tour, à cause des reflets causés par les fenêtres et du manque d'éclairage adéquat. Le contrôleur du triage est aussi à l'écoute des communications radio entre les mécaniciens de manœuvre. Au moment de l'événement, le contrôleur du triage remplissait de la paperasserie et ne faisait pas une surveillance active des mécaniciens de manœuvre.

    Évaluations des compétences

    La politique de sécurité dans le CMM de VIANote de bas de page 3 exige qu'on procède régulièrement à des évaluations des compétences, qu'on analyse les cas de non-conformité pour en découvrir les causes profondes et qu'on travaille sans relâche à la recherche de solutions. Les responsabilités relevant de la politique sont déléguées aux gestionnaires des triages. Les dossiers de VIA indiquent qu‘on a procédé à l'évaluation des compétences de quatre équipes de manœuvre au cours de l'année qui a précédé l'accident. Ces évaluations ont consisté à observer les équipes à distance et à écouter les communications radio.

    De plus, même si cela ne faisait pas partie de l'évaluation des compétences, le gestionnaire du triage exerçait chaque année des activités de surveillance et de mentorat auprès de chaque mécanicien de manœuvre afin de déceler et de corriger les erreurs d'interprétation des règles. Normalement, les cas de non-conformité étaient traités sans formalités spéciales par le gestionnaire du triage et les contrôleurs du triage et ils n'étaient pas consignés dans la base de données AUDIT de VIA.

    Lorsque des infractions aux règles entraînent des dommages au matériel roulant, le processus d'application des mesures correctives du CMMNote de bas de page 4 exige qu'on procède à une analyse systématique afin de trouver la cause profonde (« déficience du processus ou des moyens de contrôle »), qu'on élabore un plan de mesures correctives qui permettra d'éliminer la lacune. Le rapport d'accident/d'incident qu'on remplit après un événement comprend une section d'analyse des causes profondes et une section des mesures correctives. Un examen des rapports portant sur des accidents survenus au CMM entre 2004 et 2009 a indiqué que les analyses effectuées ne permettaient pas toujours de déterminer la cause et les facteurs contributifs des accidents, mais qu'elles étaient normalement axées sur l'identification de cas de non-conformité aux règles. Les mesures correctives mises en œuvre après un accident n'étaient pas consignées systématiquement, sauf si elles comprenaient des mesures disciplinaires ou un examen de l'accident, fait de concert avec le mécanicien de manœuvre concerné.

    Transports Canada a effectué une vérification du système de gestion de la sécurité de VIA du 18 février au 4 avril 2008. L'étape initiale, celle de l'examen de la documentation, a été entreprise aux installations de VIA, à Montréal. L'étape de vérification sur place, qui comprenait des entrevues, des contrôles de dossiers et des inspections, a été entreprise à différents endroits du réseau de la compagnie ferroviaire. La vérification de Transports Canada a permis de constater que, dans les faits, les superviseurs du service des transports ne faisaient pas des évaluations des compétences conformes au processus relatif au profil des compétences des employés, et n'avaient pas saisi adéquatement les données dans le système de la compagnie. La vérification a aussi révélé que l'analyse des incidents et accidents ferroviaires n'était pas adéquate et que, par conséquent, on ne semblait pas élaborer des objectifs de sécurité et des initiatives connexes pertinents en réaction aux accidents. Bien que les mécaniciens de manœuvre ne relèvent pas du service des transports, les enquêteurs du BST ont signalé des conditions similaires au CMM, où l'on emploie des mécaniciens de manœuvre.

    Analyse

    On estime que ni l'état du matériel roulant ni l'état de la voie n'ont été des facteurs contributifs dans cet accident. L'analyse portera sur les adaptations auxquelles l'équipe de manœuvre a eu recours et sur les mesures que la gestion a prises pour identifier et corriger ces adaptations.

    L'accident

    Pendant qu'elle était poussée en direction des ateliers, la locomotive VIA 6425 s'est dételée de la locomotive VIA 6445, est partie à la dérive et a heurté les voitures du train de voyageurs 635. Les mâchoires d'attelage ne se sont pas enclenchées de façon appropriée lorsque les deux locomotives sont entrées en contact. En outre, on n'a pas étiré les attelages pour s'assurer que les locomotives étaient bien attelées ensemble, les conduites d'air entre les locomotives n'ont pas été raccordées et les freins de la locomotive VIA 6425 ont été désactivés.

    L'alignement et l'état des attelages, le poids et la vitesse des wagons et d'autres facteurs ont des effets sur l'efficacité des manœuvres d'attelage de wagons. Comme il arrive que des attelages mal enclenchés causent des dérives de matériel roulant pendant le triage, on a élaboré des mesures administratives de défense, comme la règle 113 (e) du REF et les articles (c), (d) et (e) des Instructions spéciales générales de VIA, afin d'atténuer les risques. Ces consignes ont été conçues pour assurer que les équipes confirment que les attelages sont bien enclenchés et que les freins sont opérationnels.

    Les mécaniciens de manœuvre du CMM de VIA connaissaient les procédures et les règles pertinentes, mais ils les adaptaient de façon à faciliter leur travail et à gagner du temps. Étant donné que la répartition des tâches se faisait normalement par blocs de tâches au début du quart de travail, le fait de travailler rapidement permettait aux équipes de manœuvre de faire des pauses plus longues entre les tâches ou de prendre une pause à la fin de leur quart de travail si tout le travail nécessaire était terminé. La répartition du travail a incité les travailleurs à adapter les méthodes de travail, étant donné qu'il était à l'avantage des équipes de manœuvre de se dépêcher de terminer les tâches qui leur étaient assignées.

    Bien que les règles et les procédures uniformisées d'exploitation visent à établir des limites qui assurent la sécurité des opérations, il arrive que, dans certaines situations, les travailleurs adaptent ces règles, ce qui peut occasionner des pratiques peu sûres. En l'absence d'une supervision régulière, de formation et d'une application des limites prévues, les personnes ont tendance à adapter les procédures jusqu'à ce qu'ils excèdent la limite de sécurité, et qu'un accident se produise. À moins qu'on assure une supervision adéquate, les travailleurs s'informent mutuellement des adaptations qui ont eu du succès, de sorte que ces adaptations se généralisent à l'échelle de l'organisation.

    Adaptation des procédures de travail par les équipes de manœuvre

    Au CMM, les adaptations étaient rarement signalées par les contrôleurs du triage ou le gestionnaire du triage, étant donné que ces derniers n'avaient pas beaucoup d'occasions d'observer les mécaniciens de manœuvre, particulièrement pendant les quarts de nuit, pendant lesquels il était difficile d'assurer une supervision en raison des tâches multiples qui incombaient aux surveillants et du fait qu'il était difficile d'observer les lieux de travail. En l'absence d'une surveillance fréquente et directe, visant à former les employés et à corriger leur comportement, les mécaniciens de manœuvre relativement peu expérimentés en sont venus à adopter des pratiques de travail non standard quant à l'application de la règle 113 (e) du REF et des articles (c), (d) et (e) des Instructions spéciales générales de VIA, ce qui occasionne une augmentation des risques d'accident.

    Analyse des causes profondes de la non-conformité

    La politique de sécurité de VIA exigeait qu'on procède régulièrement à l'évaluation des compétences, à la recherche des cas de non-conformité, à la recherche des causes profondes de la non-conformité et à la recherche de solutions. Toutefois, des manquements dans ces domaines ont été relevés par Transports Canada au sein du service des transports, durant la vérification menée en 2008, et ont aussi été observés au CMM durant la présente enquête.

    Les dossiers de VIA ont indiqué que, pendant l'année qui a précédé l'accident, on a évalué les compétences de seulement quatre équipes de manœuvre. Ces évaluations ont été complétées par des activités de surveillance et de mentorat dont on avait confié la responsabilité au gestionnaire du triage. Toutefois, les cas de non-conformité étaient traités sans formalités spéciales et n'étaient pas consignés dans la base de données AUDIT de VIA. Les quelques analyses qu'on a réalisées n'ont pas identifié les causes et les facteurs contributifs des accidents, mais ont plutôt indiqué qu'il y avait eu une infraction aux règles d'exploitation. L'absence de dossiers de sécurité et le fait qu'on ait fait une analyse inadéquate des causes profondes de la non-conformité ont eu pour effet de dissimuler des causes systémiques sous-jacentes. Il s'ensuit que la gestion n'a pas été alertée de la fréquence et de la gravité des cas de non-conformité, et qu'on n'a pris aucune mesure pour corriger les problèmes sous-jacents, notamment le manque de surveillance et de supervision. Faute d'un processus convenable d'analyse et de consignation des causes profondes de la non-conformité, des problèmes sous-jacents tels que l'adaptation des pratiques de sécurité passent inaperçus, d'où une augmentation des risques d'accident.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Pendant qu'elle était poussée en direction des ateliers, la locomotive VIA 6425 s'est dételée de la locomotive VIA 6445, est partie à la dérive et a heurté les voitures du train de voyageurs 635.
    2. Étant donné qu'on n'a pas étiré les attelages, l'équipe ne s'est pas aperçue que les attelages n'étaient pas enclenchés.
    3. Comme le circuit de freinage de la locomotive VIA 6425 était désactivé, la séparation des locomotives n'a pas déclenché un freinage d'urgence qui aurait causé l'immobilisation de la locomotive avant que celle-ci heurte les voitures.
    4. La répartition du travail a incité à l'adaptation des méthodes de travail, étant donné qu'il était à l'avantage des équipes de manœuvre de se dépêcher de terminer les tâches qui leur étaient assignées.
    5. Les adaptations étaient rarement signalées par les contrôleurs du triage ou le gestionnaire du triage, étant donné que ces derniers n'avaient pas beaucoup d'occasions d'observer les mécaniciens de manœuvre, surtout pendant les quarts de nuit, pendant lesquels il était difficile d'assurer une supervision en raison des tâches multiples qui incombaient aux surveillants et du fait qu'il était difficile d'observer les lieux de travail.

    Faits établis quant aux risques

    1. En l'absence d'une surveillance fréquente et directe visant à former les employés et à corriger leur comportement, des employés relativement moins expérimentés peuvent adopter des pratiques de travail non standard qui augmentent les risques d'accident.
    2. Faute d'un processus convenable d'analyse et de consignation des causes profondes de la non-conformité, des problèmes sous-jacents tels que l'adaptation des pratiques de sécurité continueront de passer inaperçus, d'où une augmentation des risques d'accident.

    Mesures de sécurité

    Le Bureau n'est pas au courant de mesures prises par des personnes ayant un intérêt direct ou par d'autres à ce moment-ci à la suite de cet accident.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .