Collision à un passage à niveau
Train de voyageurs no 1
exploité par VIA Rail Canada Inc.
au point milliaire 10,76 de la subdivision Edson
Winterburn (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 4 mai 2010, à 8 h 32, heure avancée des Rocheuses, le train de voyageurs no 1 vers l'ouest de VIA Rail Canada Inc. a heurté une camionnette à 4 portes au passage à niveau du chemin Winterburn au point milliaire 10,76 de la subdivision Edson. La collision a entraîné la mort des 3 occupants de la camionnette; l'équipe et les voyageurs à bord du train s'en sont tirés indemnes.
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Autres renseignements de base
L'accident
Le 4 mai 2010, vers 8 h 11 Note de bas de page 1, le train de voyageurs no 1 vers l'ouest (le train) de VIA Rail Canada Inc. (VIA) quitte la gare d'Edmonton (Alberta) et entre dans la subdivision Edson du CN à West Junction à destination de Vancouver, en Colombie-Britannique (Figure 1). Le train a pour point d'origine Toronto, et il quitte normalement Edmonton à 7 h 37 après un arrêt d'une heure pour entretien courant; cependant, en raison de son arrivée tardive à 6 h 55 en provenance de l'Est, son départ réel a eu lieu à 8 h 11. Selon les rapports de VIA, environ 90 % des départs d'Edmonton du train no 1 respectent l'horaire.
Vers 8 h 32, le train arrive au passage à niveau du chemin Winterburn au point miliaire 10,76 et percute une camionnette roulant vers le sud qui s'était engagée dans le passage. L'impact de la collision projette la camionnette vers l'ouest sur une distance approximative de 150 pieds; la camionnette s'immobilise dans le fossé au nord-ouest du passage. Les freins du train passèrent en mode d'urgence tout juste après l'impact et le train s'immobilisa quelque 40 secondes après, 700 pieds à l'ouest du passage à niveau. La camionnette a été détruite et ses 3 occupants, le conducteur et 2 enfants, blessés mortellement. Les membres de l'équipe de VIA, le personnel de bord et les voyageurs n'ont pas été blessés. La locomotive de tête (VIA 6407) n'a subi que des dommages mineurs.
Le passage à niveau était protégé par des feux clignotants à incandescence, une sonnerie et des barrières. Juste avant l'accident, les signaux du passage fonctionnaient et le trafic se dirigeant vers le nord sur le chemin Winterburn était arrêté au passage. La camionnette, le seul véhicule à rouler vers le sud à ce moment-là, est arrivée au passage et s'y est engagée en même temps que le train.
Lors de l'examen qui a suivi l'accident, des marques d'éraflures étaient visibles sur la chaussée, au sud de la barrière nord, côté ouest du chemin. Une inspection du matériel de signalisation du passage, y compris la barrière nord pour les véhicules se dirigeant vers le sud, n'a révélé aucun dommage visible. Les croix de Saint-André côté nord ainsi que les feux de signalisation sur les mâts et les faces nord des barrières du passage étaient couverts de neige (photo 1, photo 2 et photo 3). Ces photos, prises dans les 2 heures qui ont suivi l'accident, montrent les effets de la tempête, mais n'illustrent pas les conditions de voile blanc presque complet qui sévissaient au moment de l'accident.
Conditions météorologiques
Au moment de l'accident, la température était tout juste sous le point de congélation, des vents forts d'environ 40 km/h, avec des rafales jusqu'à 68 km/h, soufflaient du nord vers le nord-ouest; il y avait de la poudrerie et des chutes de neige. De la pluie était tombée toute la nuit, pour se changer en pluie verglaçante, puis en neige au petit matin. Les conditions routières et la visibilité étaient mauvaises; la chaussée était humide, glissante et recouverte de neige fraîche (photo 4). L'équipe a signalé que la vitre droite de la locomotive, du côté nord, était glacée et couverte de neige, tandis que les essuie-glaces ne réussissaient pas à dégager la fenêtre avant. La mauvaise visibilité empêchait de voir clairement le côté nord du passage à niveau.
Renseignements sur l'équipe et le train
L'équipe de train était formée de 2 mécaniciens de locomotive, dont l'un agissait comme chef de train; tous deux étaient qualifiés pour leur poste respectif, répondaient aux normes en vigueur en matière de condition physique et de repos et connaissaient bien le territoire. Le train comprenait 3 locomotives et 20 wagons, et comptait 26 agents de bord et 219 voyageurs.
Le train disposait d'un système de freinage à air comprimé 26LU-L qui fonctionnait de concert avec des freins à disque fixés à chaque roue. La dernière inspection « C »
à être effectuée sur la locomotive VIA 6407 a eu lieu le 27 avril 2010; les dossiers de réparation indiquent que la locomotive était en bon état. L'essai de frein à air selon l'annexe « B »
avait été effectué conformément aux exigences, au début du parcours à Toronto le 1er mai 2010. Avant le départ d'Edmonton le jour de l'accident, on avait remplacé l'équipe du train et effectué l'essai de continuité de la conduite générale.
Information consignée
L'information téléchargée du consignateur d'événements de locomotive (CEL) a été examinée. Comme le passage à niveau du chemin Winterburn faisait l'objet d'une interdiction de sifflement Note de bas de page 2, le klaxon de la locomotive n'a pas été actionné à son approche. Par contre, la cloche de la locomotive a sonné plusieurs fois entre 8 h 26 min 49 s et le moment de l'impact, à 8 h 32 min 35 s. Au moment de l'accident, le train roulait à 69 mi/h, manipulateur à la position 6. Les freins du train ont été placés en mode d'urgence une seconde plus tard. Le phare avant et les phares de fossé de la locomotive 6407 étaient allumés en continu, à leur pleine intensité. Bien que des caméras aient été installées à bord des locomotives du parc de traction de VIA Rail, cette locomotive en particulier, la 6407, n'en avait pas encore été équipée.
Subdivision Edson
La subdivision Edson fait partie du réseau transcontinental de base du CN. Elle s'étend d'Edmonton à Jasper en Alberta (point milliaire 235,7). La circulation des trains y est régie par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), autorisée par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et surveillée par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Edmonton. La vitesse maximale autorisée dans le secteur de l'accident est de 70 mi/h Note de bas de page 3 pour les trains de voyageurs, et de 60 mi/h pour les trains de marchandises. Chaque jour, environ 6 trains de marchandises y circulent dans les deux sens. Trois trains de VIA par semaine, dans les deux sens, assurent le service voyageurs sur la subdivision Edson.
Selon le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), la voie est de catégorie 4; elle constitue une double voie principale en alignement droit. Quand on approche de l'endroit de l'accident par le côté est, la voie présente une légère rampe, dont la déclivité varie entre 0,10 % et 0,40 %.
Renseignements sur le passage à niveau
Le chemin Winterburn est une artère nord-sud à 2 voies et à chaussée unique qui franchit les voies ferrées à niveau à un angle approximatif de 70 ° (Photo 5).
Le chemin relie directement la route 16 au nord et la route 16A (chemin Stony Plain) au sud. Les lignes de visibilité pour le trafic se dirigeant vers le sud et approchant du passage à niveau sont grandement limitées dans le quadrant nord-est par des arbres, des broussailles et un périmètre industriel, ainsi que dans le quadrant nord-ouest par un bâtiment et un groupe d'immeubles. Elles le sont tout autant dans le quadrant sud-ouest pour le trafic direction nord, à cause d'un périmètre industriel et de la présence de conteneurs, ainsi que dans le quadrant sud-est par des broussailles et des bâtiments. En 2008, les décomptes du trafic sur le chemin Winterburn indiquaient une moyenne de 10 629 véhicules chaque jour. La vitesse maximale admissible est de 60 km/h.
Le passage à niveau où s'est produit l'accident est situé à environ 3 milles à l'ouest du triage Bissell du CN. Un aiguillage à manœuvre manuelle donnant accès à un embranchement se greffe sur la voie sud à quelque 2100 pieds à l'est du passage à niveau.
Lignes de visibilité aux passages à niveau et exigences relatives à la distance de visibilité
Le premier impératif qui s'impose aux conducteurs approchant d'un passage à niveau est de bien voir son système d'avertissement. Quand celui-ci comporte des barrières, la réglementation n'exige pas des lignes de visibilité permettant aux conducteurs de bien voir les trains qui approchent.
Selon le projet de lignes directrices RTD 10 de Transports Canada (TC), la distance de visibilité d'arrêt (Stopping Sight Distance, SSD) est égale à la somme de la distance parcourue pendant le temps de perception et de réaction du conducteur, et de la distance qu'il faut pour arrêter le véhicule une fois les freins appliqués Note de bas de page 4. La SSD représente la distance minimale, à partir de la position d'arrêt devant le passage à niveau, à l'intérieur de laquelle le conducteur d'un véhicule qui s'approche d'un passage à niveau à la vitesse maximale admissible peut voir, sans obstruction, le signal d'avertissement de ce passage. Dans le cas du passage à niveau du chemin Winterburn Road, la SSD est de 85 mètres Note de bas de page 5.
En ce qui concerne le délai d'avertissement minimal pour les conducteurs de véhicules approchant d'un passage à niveau actif, la ligne directrice RTD 10 est conforme aux exigences du Communications and Signals Manual of Recommended Practice Note de bas de page 6de l'American Railway Engineering and Maintenance of Way Association (AREMA). Les normes de l'AREMA prévoient un délai d'avertissement minimum de 20 secondes, mais aucun délai maximum n'y est précisé Note de bas de page 7. Par comparaison, la RTD 10 recommande un temps d'annonce d'approche minimum de 20 secondes, ainsi qu'un délai maximum de 35 secondes pour les passages à niveau dépourvus de barrières, et de 55 secondes pour ceux qui en sont équipés Note de bas de page 8.
Au passage à niveau du chemin Winterburn, les trains roulant à la vitesse maximale de 70 km/h, le système d'avertissement en place au moment de l'accident était conçu pour se déclencher 23 secondes (20 secondes pour le délai minimum RTD + 2 secondes pour le temps de réaction des relais + 1 seconde pour le délai de dégagement) avant l'occupation du passage par le train. Un véhicule approchant du passage à niveau à une vitesse constante de 60 km/h se trouverait à environ 1200 pieds (365 m) du passage au moment du déclenchement du système d'avertissement.
Selon les événements qui ont été signalés au BST, le passage à niveau considéré a été l'objet de 2 accidents antérieurs, l'un en 1986 (aucun blessé), l'autre en 2001 (un mort).
Protection au passage à niveau du chemin Winterburn
Le système de signalisation au passage à niveau du chemin Winterburn consistait en 2 poteaux de signalisation à feux clignotants, d'une sonnerie sur le mât nord-ouest et de 3 feux sur les barrières, celui d'extrémité étant allumé en continu, les 2 autres clignotant en alternance à l'unisson avec les feux clignotants fixés aux mâts. Au moment de l'accident, le système de protection du passage comportait des circuits de voie parallèles à relais et à courant continu (c.c.). L'installation d'origine pour la voie simple a eu lieu en 1970, puis on a ajouté le second système lors de la construction de la deuxième voie en 1978. Au moment de l'installation, l'équipement de protection du passage à niveau était de conception et d'une technologie appropriées. Chaque poteau de signalisation présentait deux ensembles de feux de signalisation à incandescence et un ensemble de croix de Saint-André standards. Des panneaux indicateurs avancés d'avertissement passif étaient implantés 633 pieds au nord du passage et 471 pieds au sud.
Le système de protection du passage à niveau était conçu pour des trains roulant à 70 km/h de façon à assurer un délai d'avertissement minimum de 23 secondes et un délai de descente des barrières Note de bas de page 9 de 4 secondes. La signalisation du passage se déclenche quand un train ou un véhicule ferroviaire en approche occupe le circuit de voie. Au chemin Winterburn, la signalisation du passage à niveau se mettait en marche quand les trains se trouvaient à quelque 2434 pieds à l'ouest du passage, ou 2427 pieds à l'est, peu importe la vitesse du train. Plusieurs facteurs étaient à l'origine d'écarts considérables dans la vitesse des trains au voisinage du passage à niveau : les différents types de trains passant à cet endroit, la déclivité des approches à proximité du passage, la longueur et le poids des trains, la proximité du triage Bissell, et les activités de manœuvre visant l'embranchement situé à l'est du passage à niveau. Des trains de marchandises plus lents et plus lourds (tels ceux vers l'ouest en montée sur la rampe) faisaient fonctionner la signalisation plus longtemps, comparativement aux trains de voyageurs, plus rapides.
L'embranchement, situé à environ 2100 pieds à l'est du passage à niveau, se trouvait à l'intérieur du circuit de voie du passage. Les activités de manœuvre se déroulant à la hauteur de cet embranchement (environ 3 fois par semaine) actionnaient souvent la signalisation au passage à niveau du chemin Winterburn, peu importe qu'il y ait ou non un train en approche. La signalisation se désactivait après 150 secondes (2,5 minutes) si un train ou un matériel roulant s'arrêtait à l'intérieur du circuit de voie du passage à niveau ou s'y déplaçait à moins de 10 mi/h. Dans le cas où un train se serait déplacé à moins de 10 mi/h, un circuit supplémentaire permettait de réactiver le système d'avertissement pour assurer le délai d'avertissement minimum avant l'arrivée du train au passage à niveau. Des instructions spéciales dans l'indicateur précisent que les trains sur la voie sud roulant à moins de 10 mi/h ne doivent pas dépasser la vitesse de 10 mi/h quand ils s'approchent à moins de 2400 pieds du passage, et jusqu'à ce que celui-ci soit entièrement occupé, de façon à s'assurer que les délais d'avertissement minimums sont fournis.
Fonctionnement perturbateur de la signalisation au passage à niveau du chemin Winterburn
Après l'accident, les médias et des témoins ont rapporté de nombreuses occasions où les dispositifs d'avertissement automatique avaient eu un fonctionnement perturbateur Note de bas de page 10 et des délais d'annonce irréguliers, entraînant ainsi des retards importants pour les automobilistes au passage à niveau du chemin Winterburn. Selon certains rapports, des véhicules contournaient les barrières à ce passage, même peu après l'accident.
Le CN dispose d'un système d'inspection et de réparation en vertu duquel des billets de service sont créés pour consigner les besoins d'entretien des passages à niveau. Les dossiers du CN indiquent que 16 billets de service pour le passage à niveau considéré ont été ainsi créés en 2009, soit le nombre le plus élevé pour les passages à niveau de la subdivision Edson. Onze de ces billets concernaient les barrières. D'ailleurs, entre 2006 et 2009, 70 % des billets de service émis pour ce passage visaient des barrières déformées ou cassées Note de bas de page 11. Le nombre de barrières cassées au passage à niveau du chemin Winterburn n'a pas été jugé anormal par le CN ni par Transports Canada (TC); cependant, on y a installé des barrières à ressort pour réduire le nombre de celles qui seraient endommagées et exigeraient d'être remplacées.
Depuis 2008, le bureau d'appel du CN au numéro 1-800-Call-Desk Note de bas de page 12 a reçu 3 plaintes du public au sujet de ce passage à niveau. Transports Canada (TC) ne dispose d'aucun document attestant de retards qui s'y seraient réellement produits, mais, selon les données des fiches de dérangement du CN, celles-ci auraient été au nombre de 18 en 2009 pour le passage à niveau considéré. Un tel nombre, combiné au trafic quotidien moyen de 10 629 véhicules (d'après le décompte de 2008), indique que des retards importants s'y sont produits.
Au CN, selon un processus établi, les agents d'entretien et les superviseurs examinent chaque plainte qui entraîne la création d'un billet de service. Des avis supplémentaires sont fournis quand un passage à niveau particulier fait l'objet d'au moins 3 billets de service dans une période de 30 jours. Toutefois, rien n'indique que les plaintes pour le passage à niveau du chemin Winterburn aient été examinées, puisqu'aucun rapport d'anomalie à ce sujet n'a été rempli par les agents d'entretien et les superviseurs du groupe Signalisation et Communications (S et C) du CN.
Pour réduire les cas de fonctionnement perturbateur du système d'avertissement et de comportement dangereux qui en résulte chez les conducteurs, on peut installer, en remplacement d'un système de protection de passage à niveau à courant continu, un système de protection avec dispositif d'annonce à temps constant équipé de feux à DEL pour améliorer la visibilité des signaux. Un tel système, connu aussi sous le nom de système 4000 à calculateur d'annonce de passage à niveau (en abrégé : GCP 4000), détecte la présence de trains quand le circuit d'approche est occupé et détermine la vitesse du train avant d'actionner le système d'avertissement de façon à assurer un délai d'avertissement minimum. Selon cette façon de procéder, le système fournit un délai d'annonce à temps constant, peu importe la vitesse du train. Cependant, il peut y avoir des écarts quand un train accélère ou ralentit à l'approche du passage à niveau; dans le premier cas, le délai d'avertissement est réduit et, dans le second, il augmente. Si un train s'arrête sur les circuits d'approche, le système se désactive après une courte période, généralement 30 à 45 secondes. Si un train repart en direction du passage à niveau, le système se réactive. Par contre, si un train s'éloigne du passage à niveau, il ne réactive pas le système. Le GCP 4000 fournit un temps d'annonce minimum de 27 secondes, avec délai de descente des barrières de 11 secondes pour empêcher les camions plus longs de heurter et d'endommager les barrières.
Processus d'amélioration des passages à niveau
On recense près de 43 000 passages à niveau publics et privés de compétence fédérale et provinciale dans les collectivités de tout le Canada et leur sécurité constitue un problème épineux pour les compagnies ferroviaires, le gouvernement fédéral, les provinces, les municipalités, la population et les autres parties prenantes. Au Canada, comme aux États-Unis, les accidents aux passages à niveau ou découlant d'intrusions représentent de loin (87 % en 2006) la plus grande source de morts et de blessures graves sur les chemins de fer. Devant l'expansion des villes, le nombre croissant de véhicules et d'automobilistes, et en raison de trains plus longs, plus lourds et qui passent plus fréquemment, les risques de graves accidents aux passages à niveau ne cessent d'augmenter. Le BST a publié en mars 2010 sa Liste de surveillance où il définit les 9 problèmes de sécurité qui constituent le plus grand risque pour les Canadiens; un de ces problèmes concerne le risque élevé que des trains de voyageurs entrent en collision avec des véhicules dans des corridors achalandés.
Le Programme d'amélioration des passages à niveau (PAPN) de Transports Canada contribue pour beaucoup à la sécurité des passages à niveau existants et a investi plus de 100 millions de dollars dans l'amélioration de la sécurité aux passages à niveau depuis 15 ans. Aux termes de l'article 12 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, le PAPN verse des contributions qui peuvent atteindre jusqu'à 80 % des coûts d'amélioration de la sécurité ferroviaire aux passages à niveau publics au Canada. Le solde du financement est réparti entre les administrations routières (12,5 %) et les compagnies de chemin de fer (7,5 %).
Plus de 50 % des accidents de passage à niveau se produisent à des installations équipées de systèmes d'avertissement actifs Note de bas de page 13. En vertu du PAPN, la modernisation et l'amélioration des systèmes sont admissibles à un financement. Cependant, les améliorations apportées à un passage à niveau peuvent être coûteuses et la plupart des provinces ont des projets en attente d'approbation. Un projet d'amélioration peut être entrepris et payé soit par le chemin de fer, soit par l'administration routière. Les passages à niveau sont une responsabilité partagée. D'habitude, le chemin de fer demande à Transports Canada l'autorisation nécessaire et une subvention en vertu du PAPN pour les travaux concernant les systèmes d'avertissement. En général, l'administration routière présente une demande pour des modifications à faire aux approches routières et à l'interconnexion des feux de circulation et des signaux de passage à niveau.
À l'origine, le passage à niveau du chemin Winterburn était situé en périphérie d'Edmonton, mais, au fil des ans, la circulation routière a augmenté avec l'urbanisation. Le trafic ferroviaire a également progressé et les trains sont devenus plus longs et plus lourds. Outre les améliorations apportées aux passages à niveau en collaboration avec les administrations routières et TC, le CN désigne chaque année 2 passages à niveau à améliorer à ses propres frais, en fonction des trafics routier et ferroviaire, de l'historique des accidents à ces passages et de l'entretien qu'ils exigent. En 2010, le passage à niveau dont il est ici question ne se trouvait pas sur la liste du CN pour l'amélioration des passages à niveau ni sur la liste des priorités de TC.
Examen après accident du système de protection du passage à niveau
Peu de temps après l'accident, le CN et le BST ont étudié le caractère fonctionnel du système de protection du passage à niveau du chemin Winterburn. Au cours de cet examen :
- l'armoire au passage à niveau a été mise sous tente de façon à protéger l'équipement contre les intempéries;
- la position des contacts des relais a été consignée, sans qu'aucune anomalie ne soit observée;
- l'interrupteur d'essai dans l'armoire de signalisation a été ouvert, et les feux du passage se sont actionnés et les barrières complètement et normalement abaissées des deux côtés du passage à niveau;
- on a remarqué que la présence de glace et de neige étouffait la sonnerie du passage à niveau;
- les feux de signalisation et matériaux réfléchissants orientés vers le sud étaient visibles aux véhicules se dirigeant vers le nord;
- dans le cas des véhicules se déplaçant vers le sud, on a remarqué, côté nord, la présence de glace et de neige sur les feux de signalisation, feux de barrière et matériaux réfléchissants; pendant le fonctionnement du système de protection du passage, il était difficile de voir la lumière émise par les signaux orientés ves le nord Note de bas de page 14;
- une inspection de la barrière nord n'a révélé aucune indication d'un dommage récent ou d'un contact avec un véhicule;
- à la fin de l'inspection du fonctionnement du système de protection, on a fermé l'interrupteur d'essai et les essais de fonctionnement restants ont été effectués en conformité avec les procédures d'entretien de la compagnie, à savoir les documents GI-301(Q) et SCP-701 du groupe S et C, ainsi qu'avec les Procédures d'essai de fonctionnement S et C pour l'ouest du Canada;
- les tests sur le consignateur d'événements du passage à niveau ont été effectués en conformité avec les procédures d'entretien de la compagnie (GI-307, Inspection et vérification des appareils enregistreurs). Les données ont été téléchargées et l'horodateur remis à zéro.
- Les essais de fonctionnement du CN n'ont révélé aucun dérangement technique et ont permis de conclure que tout l'équipement était conforme.
Consignateur d'événements de passage à niveau
Bien que de conception et de technologie plus anciennes, les systèmes de protection de passage à courant continu et relais sont conformes aux normes de l'AREMA et considérés par Transports Canada comme assurant une protection suffisante ainsi qu'un niveau de sécurité acceptable. Ils fonctionnent en mode de sécurité intégrée, c'est-à-dire que toute défaillance du dispositif de détection des trains entraîne l'activation du système. En cas de panne de courant, une batterie de secours alimente le système pendant plusieurs heures, selon le nombre de trains.
Dans le cas du système de protection au passage à niveau du chemin Winterburn, un examen du dossier des essais de fonctionnement exigés par l'Instruction générale GI-310 du CN et effectués sur une période de 3 ans n'a révélé aucune anomalie.
Le passage à niveau était doté d'un prototype de consignateur d'événements Note de bas de page 15 installé à titre expérimental en 2006. Il n'existe aucune obligation réglementaire pour de tels appareils, et comme le consignateur en question n'avait pas été inventorié dans le système de repérage du matériel de signalisation du CN (SETS), il n'était pas surveillé, inspecté, vérifié ni téléchargé régulièrement en vertu de la GI-307. Peu après l'accident, on avait téléchargé les données enregistrées par le consignateur d'événements et remis à zéro l'horodateur. Comme il n'y avait pas d'horodateur utilisable pour l'information ainsi téléchargée, il n'a pas été possible d'identifier les événements de signalisation survenus le matin de l'accident.
Avant l'accident, on avait examiné un échantillon de 10 jours de données utilisables enregistrées par le consignateur d'événements; des registres des événements de signalisation enregistrés pour plus de 200 trains ont alors été passés en revue. D'après cet échantillonnage, 63 % des trains vers l'ouest avaient généré des délais d'avertissement de plus d'une minute au passage à niveau du chemin Winterburn, contre moins de 13 % pour les trains vers l'est.
Une fois le consignateur d'événements remis à l'état initial après l'accident, on en a aussi examiné les registres pour la période du 4 au 18 mai. Cet examen a permis de déterminer que, sur la base d'environ 370 trains, 61 % des convois vers l'ouest avaient généré des temps d'annonce de plus de 1 minute, comparativement à 10 % pour les convois vers l'est.
Crédibilité du système de protection à un passage à niveau
Le système de protection à un passage à niveau avertit les conducteurs de l'arrivée prochaine d'un train ou d'un matériel roulant, de façon qu'ils puissent arrêter leur véhicule à l'écart des voies. Un des indicateurs de la crédibilité d'un tel système est le degré de confiance que lui prêtent les conducteurs. Des délais d'avertissement irréguliers et des alarmes perturbatrices affectent la crédibilité du système, particulièrement chez les usagers habituels d'un passage à niveau donné. De récentes études sur le temps d'annonce présenté aux conducteurs de véhicule ont fait les constatations suivantes (en traduction) :
« Les conducteurs commencent à perdre confiance dans le système de contrôle de la circulation si le délai d'avertissement est supérieur à quelque 40 secondes aux passages à niveau dotés de feux clignotants, et à 60 secondes aux passages avec barrières. »
Note de bas de page 16« Le problème le plus important du point de vue de la crédibilité des dispositifs est créé par des délais d'avertissement excessifs à de nombreux passages à niveau dotés d'un contrôle actif du trafic ferroviaire, en raison du type de matériel de détection des trains utilisé et de la présence de trains à vitesse variable[…] les délais d'avertissement excessifs sont l'une des principales raisons de la non-conformité aux systèmes d'avertissement actifs. »
Note de bas de page 17« … le remplacement des systèmes à distance fixe par des systèmes d'annonce à temps constant (ATC) a permis d'accroître de 26 % l'efficacité du système […] en présence de longs délais d'avertissement, les conducteurs impatients sont tentés de contourner les dispositifs actifs […] pour les systèmes ATC, l'efficacité s'améliorait avec l'augmentation de la variation de la vitesse des trains. »
Note de bas de page 18
Renseignements sur le conducteur et son véhicule
Le véhicule était une camionnette à 4 roues motrices et freins ABS, chaussée des pneus 4-saisons d'origine, avec semelles de 7 à 8 mm de profondeur usées uniformément. Un examen des segments de frein à l'avant et des plaquettes à l'arrière a révélé une usure de 10 % à 20 % des freins, mais pas de contamination. Le camion était considéré comme étant en bon état mécanique. Note de bas de page 19
Le conducteur détenait un permis de conduire valide de l'Alberta pour sa catégorie de véhicule. C'était un conducteur expérimenté qui ne portait pas de lunettes. Dans la nuit qui a précédé l'accident, il s'est couché vers 3 h; son sommeil a été interrompu et, en au moins une occasion, il s'est levé pour une période indéterminée. Il s'est réveillé vers 7 h 30, plus tard qu'à l'habitude. Par conséquent, ce matin-là, le conducteur et ses 2 enfants ont quitté le domicile plus tard que normalement. Vers 8 h 31, ils ont tourné vers le sud sur le chemin Winterburn, 1 km au nord du passage à niveau, à destination de l'école de Winterburn fréquentée par les 2 enfants; l'école est située à environ 2,6 km au sud du passage à niveau et les cours commençaient à 8 h 40.
Le conducteur franchissait fréquemment ce passage à niveau, en particulier pour conduire ses enfants à l'école et les en ramener, donc 2 fois le matin et 2 autres fois l'après-midi les jours d'école. Le conducteur traversait aussi le passage à niveau à d'autres moments de la journée.
Le conducteur avait subi une opération le 20 avril 2010; la chirurgie avait pour but notamment de confirmer le diagnostic d'abcès du cerveau. Après l'opération, le patient (le conducteur) a été traité avec des antibiotiques. Au cours d'un examen neurologique 3 jours plus tard, le 23 avril, le patient a démontré une amélioration importante et ne présentait aucun signe de déficience neurologique. Le conducteur a reçu son congé de l'hôpital le 27 avril 2010. Aucune restriction de conduite n'a été jugée nécessaire.
Le rapport du médecin légiste pour cet accident rapporte les constatations suivantes :
- En dépit de l'absence d'une infiltration sanguine importante dans les tissus blessés, et selon la prépondérance des probabilités, le décès a été attribué à des traumatismes contondants multiples.
- Des analyses du fluide pleural, de l'humeur vitrée et de l'urine ont établi les niveaux d'alcool respectivement à 0,3 g/l, 0,6 g/l et 0,6 g/l.
- L'abcès de cerveau pourrait avoir joué un rôle dans l'accident en provoquant une activité convulsive. La consommation d'alcool dans la nuit qui a précédé l'accident ainsi qu'un sommeil court et interrompu ont pu contribuer à une telle activité.
Selon l'interprétation toxicologique qu'en a faite le bureau du médecin légiste, l'alcool présent dans les échantillons de tissus indiquait un taux d'alcoolémie de 0,03 % à 0,05 % au moment de l'accident; la limite légale pour les automobilistes de l'Alberta est de 0,08 %.
Anti-sifflement
Pour les collectivités en bordure de voies ferrées, une plainte courante liée au bruit concerne l'utilisation du sifflet par les trains qui approchent d'un passage à niveau. Les exigences en la matière sont définies à la règle 14, Signaux par sifflet de locomotive, du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF). Le paragraphe (l) exige de siffler 2 coups longs, 1 coup bref et 1 coup long. Extrait du paragraphe (i) de cette règle :
Les trains circulant à plus de 44 mi/h doivent signaler par sifflet de locomotive ¼ de mille avant le passage à niveau, à prolonger ou à répéter, jusqu'à ce que le passage à niveau soit entièrement occupé.
En vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, les municipalités peuvent adopter une résolution ou un règlement interdisant le sifflement des trains dans certaines zones à l'intérieur de leurs limites, pourvu que les passages à niveau concernés respectent les exigences réglementaires en matière de sécurité. Avant d'adopter une telle résolution, les municipalités doivent consulter le chemin de fer et obtenir son accord, notifier chaque association ou organisation intéressée et publier un avis public de ses intentions. Le sifflet de locomotive peut toujours être utilisé en cas d'urgence si les règles d'exploitation ferroviaire l'exigent, ou si un inspecteur de la sécurité de Transports Canada l'ordonne.
La subdivision Edson compte 4 passages à niveau entre les points milliaires 8,58 et 11,81 (soit une distance de 3,23 milles). La ville d'Edmonton a adopté un règlement anti-sifflement pour ces 4 passages à niveau et présenté à Transports Canada une demande d'ordonnance en ce sens, qui a été accordée en 1989.
Rapport du laboratoire du BST
Le laboratoire du BST a analysé Note de bas de page 20 les données téléchargées du module de détection et de diagnostic (SDM) des coussins gonflables de la camionnette. Le SDM détermine si les coussins gonflables du véhicule devraient être déployés au cours d'une collision et fonctionne également comme consignateur d'événements. Cependant, ce module n'enregistre que 2,5 secondes de données dans le tampon de la mémoire vive (RAM) à recirculation.
Bien que l'enregistreur de données ait été dépourvu de tampon dateur ou d'horodateur, l'analyse a confirmé que les données récupérées avaient été enregistrées au cours des 2,5 secondes précédant l'accident. Le SDM a consigné les données ci-après toutes les 0,5 secondes :
Paramètre | −2,5 s | −2,0 s | −1,5 s | −1,0 s | −0,5 s |
---|---|---|---|---|---|
* |
|||||
Position de la pédale d'accélérateur (%) | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Vitesse du véhicule * (mi/h) | 36 | 30 | 30 | 28 | 28 |
Régime moteur (tr/min) | 1216 | 1024 | 960 | 896 | 832 |
Pourcentage d'ouverture du papillon des gaz | 15 | 15 | 14 | 12 | 10 |
Situation de l'interrupteur de freinage** | MARCHE | MARCHE | MARCHE | MARCHE | ARRÊT |
Couple moteur (lb-pi) | - | - | - | 18,07 | 12,54 |
Les données recueillies ont permis de faire les constatations suivantes :
- Le consignateur d'événements du véhicule accidenté indique que le conducteur et le passager avant n'avaient pas bouclé leur ceinture de sécurité.
- Les coussins gonflables ne se sont pas déployés.
- La position de la pédale d'accélérateur était de 0 % jusqu'à 2,5 secondes avant l'impact, ce qui signifie que le conducteur n'avait pas le pied sur la pédale au cours de cette période.
- Le paramètre
« vitesse du véhicule »
montre un ralentissement de la rotation des roues de 36 à 28 mi/h respectivement 2,5 secondes et 0,5 seconde avant l'impact, ce qui donne à entendre que le véhicule ralentissait quand il est entré en collision avec le train. - Le paramètre
« régime moteur »
montre que celui-ci passe de 1216 à 832 tr/min respectivement 2,5 secondes et 0,5 seconde avant l'impact, ce qui indique que le moteur du véhicule tournait au ralenti. - Le paramètre
« pourcentage d'ouverture du papillon des gaz »
montre une baisse de ce pourcentage, qui est passé de 15 % à 10 % respectivement 2,5 secondes et 0,5 seconde avant l'impact, ce qui indique également que le moteur du véhicule tournait au ralenti. - La
« situation de l'interrupteur de freinage »
montre que celui-ci était fermé (ON) et ouvert (OFF) respectivement 2,5 secondes et 0,5 seconde avant l'impact, données qui suggèrent que les freins étaient en cours de serrage de 2,5 secondes à 1 seconde avant la collision.
Il a été impossible d'utiliser les paramètres disponibles pour déterminer l'intensité du freinage (la pression exercée sur la pédale de frein) avant l'impact.
Le Laboratoire du BST a terminé le rapport suivant :
LP122/2010 – Recorder Download Analysis
Analyse
Ni les conditions en voie ni l'état mécanique du train n'ont été considérés comme des facteurs contributifs de l'accident. Rien n'indique non plus que l'état mécanique de la camionnette ait pu contribuer à l'accident. L'analyse se concentrera sur le caractère fonctionnel du système d'avertissement du passage à niveau, sur les conditions atmosphériques et sur le comportement du conducteur.
L'accident
La collision s'est produite quand le véhicule roulant ves le sud s'est engagé sur le passage à niveau immédiatement devant le train VIA no 1 qui approchait.
Le temps était très mauvais au cours du matin de l'accident. Il neigeait abondamment, la visibilité était mauvaise et le côté nord de la plupart des objets et des éléments du paysage dans le voisinage du site de l'accident étaient couverts de neige. Une neige lourde et humide s'était accumulée sur les lentilles de la face nord des signaux, ainsi que sur les barrières, leurs feux et les matériaux réfléchissants. Les éléments du système d'avertissement du passage à niveau, côté nord, se confondaient avec le décor ambiant blanc. Le jour, les feux sont moins visibles que dans l'obscurité et une couche de neige qui disperse le faisceau lumineux rend leur indication encore moins évidente. Les essuie-glaces de la camionnette fonctionnaient sans doute et de la neige ou des gouttelettes d'eau ruisselaient probablement sur le pare-brise et les fenêtres du véhicule. La visibilité des dispositifs de protection actifs du passage à niveau était grandement limitée et le temps particulièrement mauvais rendait la chaussée glissante.
Le conducteur utilisait souvent le passage à niveau, à peu près à la même heure du jour; sans doute connaissait-il donc bien ce passage et la fréquence des trains qui le franchissaient. Ce matin-là, il avait quitté son domicile plus tard qu'à l'habitude et il a pu se presser pour éviter que ses enfants arrivent en retard à l'école. Les témoins de freinage allumés, le ralentissement de la vitesse de rotation des roues et la réduction du régime moteur, selon l'information fournie par l'enregistreur de données du véhicule, indiquent que le conducteur appliquait les freins dans les secondes qui ont précédé l'accident. Il est probable qu'il n'ait pris conscience du système de protection actif du passage à niveau et de la position de la barrière qu'au moment où son véhicule était rendu trop près pour pouvoir s'arrêter, compte tenu de la vitesse de la camionnette et des conditions routières.
Physiologie du conducteur
Le médecin légiste a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le décès était attribuable à des traumatismes contondants multiples compatibles avec la collision.
Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, l'abcès de cerveau dont souffrait le conducteur a contribué à la collision. Cet abcès a pu jouer un rôle en provoquant chez le conducteur une activité convulsive, favorisée par la présence d'alcool dans son organisme ainsi que par un sommeil court et interrompu la nuit précédant l'accident.
Une telle présence d'alcool dans le sang du conducteur au moment de la collision indique qu'il en avait consommé la veille en soirée ou tôt le matin. Il s'est écoulé environ 8 heures entre 3 h (heure à laquelle le conducteur s'est couché) et 8 h 32 (heure de l'accident). Compte tenu de cet intervalle d'au moins 8 heures, il est probable que le conducteur avait, au moment d'aller au lit, un taux d'alcoolémie supérieur à celui de 0,03 % à 0,05 %.
Un sommeil nocturne interrompu conjugué à la présence d'alcool peuvent entraîner des troubles aigus du sommeil. Il s'agit là de facteurs de risque liés à la fatigue reconnus. La fatigue, combinée à de faibles niveaux d'alcool dans l'organisme, peut affecter la performance du conducteur au volant et la perception des risques Note de bas de page 21 à un degré comparable à la situation d'un conducteur aux facultés affaiblies selon la loi Note de bas de page 22.
Système d'avertissement de passage à niveau
Le passage à niveau présentait des feux clignotants à incandescence, une sonnerie et des barrières. Les nouvelles installations de signaux aux passages à niveau font appel à la technologie des diodes électroluminescentes (DEL), qui augmentent la visibilité des feux de signalisation actifs. De plus, les ampoules à incandescence produisent plus de chaleur que les DEL. L'utilisation de ces deux technologies continue d'être acceptable pour les systèmes de protection de passage à niveau.
La camionnette, qui roulait vers le sud, s'était engagée sur le passage à niveau, mais la barrière du côté nord n'a pas été endommagée. Ce fait, associé à un historique de déclenchements perturbateurs des signaux à cet endroit, a suscité des doutes au départ quant au caractère fonctionnel du système de signalisation. Au cours des tests effectués après l'accident, le système a fonctionné normalement et aucun dérangement électrique ou mécanique n'a été constaté. L'examen de l'historique des données de fonctionnement téléchargées indique que, dans le passé, le système de protection à courant continu et à base de relais avait fonctionné comme prévu. Les tests effectués immédiatement après l'accident, l'examen de l'historique des données de fonctionnement et les observations du système de protection au passage à niveau ont indiqué que celui-ci fonctionnait comme prévu le matin de l'accident.
La plupart des passages à niveau protégés au Canada sont dotés d'un système de protection à courant continu et à base de relais. Bien que de conception et de technologie plus anciennes, un tel système, simple et robuste, assure un niveau acceptable de protection. Cependant, dans la mesure où changent la densité et les trames du trafic routier et ferroviaire, son utilisation à des passages à niveau quand la vitesse des trains est variable n'est pas toujours appropriée. L'examen des données du consignateur d'événements a confirmé en effet que les trains vers l'ouest produisaient des temps d'annonce plus longs que les trains vers l'est. Des temps d'annonce irréguliers et des déclenchements perturbateurs du système de protection au passage à niveau du chemin Winterburn ont pu désensibiliser certains automobilistes locaux à la présence des signaux.
Module de détection et de diagnostic du véhicule (SDM)
De plus en plus, on équipe les nouveaux véhicules de consignateurs d'événements. Dans le cas présent, le module de détection et de diagnostic de la camionnette agissait comme consignateur d'événements. Cependant, le SDM n'a enregistré que 2,5 secondes (environ 33 mètres) avant l'impact. Malgré ce court enregistrement, les données téléchargées ont révélé qu'aucune pression n'était exercée sur la pédale d'accélérateur (autrement dit, le moteur tournait au ralenti pendant ce temps), le véhicule était en mode de freinage jusqu'à une seconde avant l'impact et la vitesse de rotation des roues ralentissait, ce qui indique probablement que le conducteur tentait de ralentir son véhicule et de s'arrêter avant de heurter la barrière et d'obstruer le passage à niveau. En raison de la chaussée enneigée et glissante, le conducteur a sans doute rabattu son véhicule dans la voie direction nord, dégagé la barrière, mais obstrué le passage à niveau, où il a été heurté par le train.
On n'a pu déterminer quand et avec quelle intensité les freins ont été serrés. De plus, il n'a pas été possible de confirmer quelle était la vitesse de la camionnette avant la période de 2,5 secondes et si le conducteur avait eu recours à des mesures évasives. Pour permettre une reconstitution plus complète de l'accident, il faudrait que les délais d'enregistrement des consignateurs d'événements soient plus longs, que le taux d'échantillonnage soit plus élevé et que d'autres paramètres soient enregistrés.
Ordonnances anti-sifflement aux passages à niveau
Les klaxons de train fournissent aux automobiles des avertissements sonores, mais un règlement anti-sifflement était en vigueur au passage à niveau considéré. Bien que de tels règlements réduisent les niveaux sonores perturbateurs, surtout dans les zones urbaines comportant plusieurs passages à niveau, ils privent les automobilistes d'un avertissement sonore leur indiquant l'arrivée imminente d'un train, ce qui augmente le risque de collision en cas de panne des autres défenses.
Surveillance de la tenue du système de protection au passage à niveau
Les nombreux remplacements de barrière au passage à niveau du chemin Winterburn ne sont pas vus par la compagnie ferroviaire comme une lacune possible dans le système de protection du passage, mais seulement comme une question de comportement de la part des conducteurs. Le remplacement de barrières est devenu une tâche d'entretien à ce point courante que, en certains endroits, des mécanismes à ressort ont été installés pour les empêcher d'être cassées. Les billets de service et l'entretien relatifs aux systèmes de protection de passage à niveau ont rarement fait l'objet de discussions parmi les agents d'entretien ou été portés à l'attention des superviseurs pour discussion et résolution. De plus, en ne faisant pas l'entretien du consignateur d'événements du passage à niveau, on ne disposait plus d'un des outils clés pour enquêter sur les accidents et sur les plaintes du public concernant les activités perturbatrices ainsi que pour surveiller la tenue du système de protection à ce passage.
La Liste de surveillance du BST et le projet de document RTD 10 de TC réclament tous les deux des évaluations de la sécurité pour reconnaître les passages à niveau à haut risque le long des itinéraires fréquemment parcourus par des trains de voyageurs et faire les améliorations nécessaires en matière de sécurité. Une évaluation de la sécurité pourrait consister notamment à élaborer un processus pour l'examen des billets d'entretien et de service des passages à niveau, de concert avec un examen régulier, en collaboration avec les administrations routières, des données du consignateur d'événements de ces passages et des trames de trafic. Le passage à niveau du chemin Winterburn n'avait fait l'objet d'aucune évaluation régulière de la sécurité à ce chapitre. À cause de l'absence d'une telle évaluation avant l'accident, on a manqué une occasion de cerner les problèmes de sécurité latents associés à son système de protection à courant continu et à base de relais.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La collision s'est produite quand le véhicule roulant vers le sud s'est engagé sur le passage à niveau immédiatement devant le train VIA no 1 qui approchait.
- Au moment de l'accident, la visibilité des dispositifs de protection actifs du passage à niveau était grandement limitée et le temps particulièrement mauvais rendait la chaussée glissante.
- Selon toute probabilité, le conducteur n'a pris conscience du système de protection actif du passage à niveau et de la position de la barrière qu'au moment où son véhicule était rendu trop près pour pouvoir s'arrêter, compte tenu de la vitesse de la camionnette et des conditions routières.
- Le véhicule était en mode de freinage jusqu'à 1 seconde avant l'impact et la vitesse de rotation de ses roues ralentissait, ce qui indique que le conducteur tentait de ralentir son véhicule et de s'arrêter avant de heurter la barrière et d'obstruer le passage à niveau. En raison de la chaussée enneigée et glissante, il a sans doute rabattu son véhicule dans la voie direction nord, dégagé la barrière, mais obstrué le passage à niveau, où il a été percuté par le train.
Faits établis quant aux risques
- Là où la vitesse des trains est variable, les systèmes de protection de passage à niveau à courant continu et à base de relais entraînent des délais d'annonce irréguliers et des avertissements perturbateurs qui peuvent désensibiliser les automobilistes aux signaux du passage, augmentant ainsi le risque de comportement dangereux au volant.
- Les ordonnances anti-sifflement privent les automobilistes d'un avertissement sonore leur indiquant l'arrivée imminente d'un train, ce qui augmente le risque de collision en cas de panne des autres défenses.
- En l'absence d'une évaluation de sécurité régulière au passage à niveau du chemin Winterburn avant l'accident, on a manqué une occasion de cerner les problèmes de sécurité latents associés à son système de protection à courant continu et à base de relais.
- La fatigue, combinée à de faibles niveaux d'alcool dans l'organisme, peut affecter la performance du conducteur au volant et la perception des risques à un degré comparable à la situation d'un conducteur aux facultés affaiblies selon la loi.
Autres faits établis
- Les tests effectués immédiatement après l'accident, l'examen de l'historique des données de fonctionnement et les observations du système de protection au passage à niveau ont indiqué que celui-ci fonctionnait comme prévu le matin de l'accident.
- Pour permettre une reconstitution plus complète de l'accident, il faudrait que le consignateur d'événements du véhicule ait des délais d'enregistrement plus longs, un taux d'échantillonnage plus élevé et qu'il enregistre d'autres paramètres.
- Comme le consignateur d'événements du passage à niveau n'était pas entretenu, on ne disposait plus d'un des outils clés pour enquêter sur les accidents et sur les plaintes du public concernant les activités perturbatrices ainsi que pour surveiller la tenue du système de protection à ce passage.
- Des temps d'annonce irréguliers et des déclenchements perturbateurs du système de protection au passage à niveau du chemin Winterburn ont pu désensibiliser certains automobilistes locaux à la présence des signaux.
- Le médecin légiste a conclu que le conducteur était décédé de traumatismes contondants multiples subis dans l'accident. Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, l'abcès de cerveau dont souffrait le conducteur a contribué à la collision.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Dans le sillage de l'accident, le CN a émis des instructions pour la tenue, dans la base de données SETS, d'un inventaire précis des consignateurs d'événements de passage à niveau, pour la vérification de l'exactitude des horodateurs ainsi que pour l'inspection et le téléchargement des consignateurs en conformité avec le document GI-307.
Le 12 mai 2010, Transports Canada et le CN ont procédé conjointement à une inspection du passage à niveau du chemin Winterburn. Après l'inspection, le CN a présenté à TC une demande de subvention en vertu du paragraphe 12(1) (a) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. 1985, ch. 32 (4e supplément) en vue de la modernisation du système de protection de ce passage. Après discussions avec TC et le CN, la ville d'Edmonton a accepté à son tour d'appuyer les améliorations proposées pour le passage à niveau.
Le 18 mai 2010, le CN a remplacé le système de protection à courant continu du passage à niveau du chemin Winterburn par un système d'annonce à temps constant avec feux à DEL. Un examen des données provenant de ce nouveau système a permis de constater une réduction importante des activités perturbatrices à ce passage à niveau, les délais d'avertissement enregistrés sur une période de 2 semaines n'ayant jamais été supérieurs à 1 minute. Par comparaison, avant l'installation du nouveau système, environ 36 % des délais d'avertissement étaient supérieurs à 1 minute.
Au cours de l'installation du nouveau système de protection du passage à niveau, on a déplacé les mâts des signaux pour permettre l'élargissement de l'accotement de la route.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .