Collision à un passage à niveau
du train de marchandises 118 19 du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée
au point milliaire 50,61 de la subdivision Brooks
à Tilley (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 19 janvier 2013, à 15 h 23, heure normale des Rocheuses, le train de marchandises 118-19 du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, roulant vers l’est, a heurté un véhicule au passage à niveau du point milliaire 50,61 de la subdivision Brooks. Par suite de la collision, le véhicule, un camion-citerne chargé de pétrole brut (UN 1267), et la locomotive de tête ont tous les deux pris feu. Le conducteur du camion-citerne et les deux membres de l’équipe de train ont subi des blessures mineures.
Renseignements de base
L’accident
Le 19 janvier 2013, vers 8 h 30Note de bas de page 1, le train de marchandises 118-19 du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (CP) voyageant vers l’est (le train) quitte Calgary (Alberta) au point milliaire 174,5 de la subdivision Brooks à destination de Medicine Hat (Alberta) au point milliaire 0,0 de la même subdivision (figure 1). À 15 h 23, alors que le train approche du passage à niveau sur le chemin de canton 172 (point milliaire 50,61), un camion-citerne (ensemble routier formé d’un tracteur et d’une semi-remorque) se dirigeant vers le nordNote de bas de page 2 et chargé de pétrole brut (UN 1267) arrive également à proximité du même passage. Le passage à niveau était protégé par des panneaux indicateurs de passage à niveau réflectorisés de modèle standard.
Le klaxon et la cloche de la locomotive avaient été actionnés, comme l’exige le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REFC), règle 14(l).Note de bas de page 3 Le phare avant et les phares de fossé de la locomotive étaient allumés à leur pleine puissance.
Constatant que le tracteur semi-remorque ne s’arrêtait pas, l’équipe de train a déclenché un freinage d’urgence. Le conducteur du tracteur semi-remorque s’est aperçu de la présence du train à peine quelques instants avant l’impact. Le véhicule s’est engagé sur le passage et a été percuté par le train juste derrière la cabine, du côté du conducteur, près du raccordement avec la sellette d’attelage. Sous la force de l’impact, le tracteur s’est désengagé de la semi-remorque chargée. La cabine du tracteur a été propulsée vers le nord de la voie de ligne principale et la semi-remorque, vers le sud. Le pétrole brut dans la semi-remorque s’est enflammé et les flammes se sont propagées à l’ensemble routier, qui a été lourdement endommagé par le feu. Le conducteur du tracteur semi-remorque a subi des blessures mineures et a été conduit à l’hôpital pour y être examiné.
Le train s’est immobilisé à 2578 pieds à l’est du passage à niveau; il n’a pas déraillé. La locomotive de tête (CP 8713) a subi des dommages importants à l’avant et a été recouverte de pétrole brut en combustion. Dès qu’ils ont estimé pouvoir le faire sans danger, les 2 membres de l’équipe de train sont sortis de la cabine par la porte arrière. La collision avait également causé des dommages aux mains courantes arrière, bloquant le chemin à l’arrière de la locomotive. Les membres de l’équipe ont dû sauter depuis la plate-forme latérale de la locomotive, d’une hauteur d’environ 6 pieds jusqu’au sol, s’infligeant alors de légères blessures.
Au moment de l’accident, il faisait -6 °C sous un ciel couvert; la visibilité était bonne.
Subdivision Brooks
La subdivision Brooks s’étend de Medicine Hat, sur une distance de 175,8 milles vers l’ouest, jusqu’à Calgary. Le mouvement des trains dans cette subdivision est régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), autorisé par le REFC et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) à Calgary. La vitesse maximale est de 55 mi/h. De 25 à 28 trains passent tous les jours sur cette subdivision.
Renseignements sur l’équipe et le train
L’équipe de train se composait d’un mécanicien de locomotive et d’un chef de train. Les 2 membres de l’équipe étaient qualifiés pour leurs postes respectifs, répondaient aux normes d’aptitude au travail et de repos, et connaissaient bien la subdivision.
Le train était formé de 2 locomotives de 4400 hp en tête qui remorquaient 57 wagons chargés et 2 wagons vides. Le train mesurait 7411 pieds et pesait 6463 tonnes. Un examen des dossiers de maintenance et de réparation des locomotives et des wagons a permis de constater que tout ce matériel était en bon état de fonctionnement.
Renseignements sur le conducteur et le véhicule
Le conducteur du véhicule dans l’événement en cause a pris son service à 6 h 30 à Foremost (Alberta). Sa première affectation était de ramasser un chargement de pétrole brut et de le livrer à Milk River (Alberta). À 11 h, l’opération était terminée. L’affectation suivante consistait à ramasser un autre chargement de pétrole brut à la batterie de réservoirs de DeeThree Exploration Ltd. près de Warner (Alberta) et de le livrer à l’installation de transbordement de TORQ Transloading Inc. (TORQ) à 2,5 milles à l’est de Tilley (Alberta). Le conducteur a quitté Warner à 13 h. Il croyait qu’il devait arriver à l’installation de transbordement de Tilley à temps pour que son chargement de pétrole brut y soit déchargé avant 17 h 30. Le conducteur avait beaucoup travaillé dans le sud de l’Alberta, mais il n’était pas familier avec l’emplacement précis de ce terminal de transbordement.
Le conducteur du tracteur semi-remorque avait de l’expérience et détenait un permis de conduire commercial valide de l’Alberta. Il possédait une certification à jour pour le transport de marchandises dangereuses (TMD), le Système d’information sur les matières dangereuses en milieu de travail (SIMDUT) et le programme « Fundamentals and Sulphide H2S Alive ». Un examen de son historique de travail et de repos n’a fourni aucune information suggérant que la fatigue ait été un facteur.
L’ensemble routier était constitué d’un tracteur W900 2011 de Kenworth tirant une semi-remorque Heil Tridem 2005 de 40 pieds de long et d’une capacité de 30 000 litres (L). Bien que le tracteur fût équipé d’un enregistreur de données, les dommages importants dus à la collision et au feu n’ont pas permis d’en récupérer des informations. Les dossiers de maintenance et de réparation du tracteur et de sa semi-remorque indiquent qu’ils étaient en bon état de fonctionnement avant l’accident.
Le propriétaire-exploitant du tracteur était Ridgeview Transport (1990) Ltd. La semi-remorque et son contenu appartenaient à Plains Midstream. Le compteur kilométrique d’essieuNote de bas de page 4 à bord du tracteur indiquait 178 020 km au moment de sa dernière inspection le 5 mars 2012. Les employés de Ridgeview Transport reçoivent une formation de Plains Midstream et participent à des réunions de sécurité s’ils sont appelés à transporter des produits de Plains Midstream. Le conducteur avait assisté à au moins 4 réunions de sécurité chaque année depuis 2009, la dernière ayant eu lieu 2 jours avant l’accident.
Itinéraire du camion jusqu’à l’installation de transbordement de Tilley
La municipalité rurale de Tilley est située dans le comté de Newell, à quelque 22 km au sud-est de la ville de Brooks et 78 km au nord-ouest de la ville de Medicine Hat. L’installation de transbordement se trouve dans Tilley, près de la 1ère Avenue, chemin de canton 173A à l’intérieur de la municipalité. Ce chemin devient le chemin de canton 172A au passage à niveau où s’est produit l’accident. Les deux chemins de canton 173A et 172A sont connus communément sous le nom de « Old Highway 1 ».
L’itinéraire préféré pour les camions se rendant à l’installation de transbordement de Tilley implique de quitter la route transcanadienne pour se diriger vers le sud sur le chemin de concession 123, de tourner à l’ouest sur le chemin de canton 172 et de se diriger au nord-ouest sur « Old Highway 1 » (c.-à-d. sur les chemins de canton 172A, 171 A et 173 A). Les camions entrent alors dans l’installation de transbordement de Tilley à partir du chemin de canton 173A. Une fois les camions déchargés, ils sortent de l’installation à l’angle nord-ouest du site, puis se dirigent vers le sud-est sur « Old Highway 1 » pour retourner sur la route transcanadienne par le même itinéraire, mais à l’inverse.
L’itinéraire préféré avait été déterminé par la municipalité, le CP et l’installation de transbordement. Il visait à dissuader les conducteurs de camions transportant des marchandises dangereuses de passer par les zones résidentielles de Tilley (Annexe A). À l’octroi des contrats, les compagnies livrant des produits à l’installation de transbordement sont informées de cet itinéraire par les directeurs de l’établissement.
Dans l’événement en cause, le conducteur avait été avisé verbalement de l’itinéraire préféré. On lui avait demandé d’éviter les zones résidentielles, mais sans lui fournir de renseignements détaillés sur l’itinéraire en question. À l’approche de Tilley, le conducteur a quitté la route 36 et poursuivi son chemin en direction nord par la route 875, puis il a emprunté le chemin de canton 172 qui mène à l’installation de transbordement, mais en évitant tout de même la localité de Tilley.
Renseignements sur la voie
La voie dans le voisinage du site de l’accident était armée en longs rails soudés de 136 lb fabriqués par NKK en 2001. Les rails reposaient sur des traverses en bois dur, fixées à des selles à double épaulement de 14 pouces au moyen de 3 crampons par selle. Le ballast était en bon état et bien drainé.
La plus récente inspection de la voie avant le déraillement avait été effectuée par le chemin de fer le 18 janvier 2013; elle n’avait relevé aucune anomalie dans le voisinage du passage à niveau. Le dernier contrôle de détection des défauts de rail avait eu lieu le 28 novembre 2012. Là encore, aucun défaut n’avait été relevé dans le voisinage du passage.
Renseignements sur le passage à niveau
Le chemin de canton 172 est une route rurale à 2 voies, en gravier, qui franchit la voie ferrée à un angle de près de 40 degrés. Le passage à niveau public est protégé par des panneaux indicateurs de traversée de voies à niveau de modèle standard appelés couramment croix de Saint-André. La vitesse limite affichée sur le chemin de canton 172 est de 80 km/h.
Environ à 264 pieds au nord du passage, la route « Old Highway 1A » (chemin de canton 172A) longe en parallèle la subdivision Brooks. il s’agit d’une route rurale à 2 voies reliant Brooks à Suffield en Alberta; elle est utilisée comme route secondaire entre les 2 localités. Comme la route « Old Highway 1A » croise le chemin de canton 172 à un angle de 40°, il peut être difficile pour les véhicules roulant vers le nord de virer à gauche sur la route. Des panneaux d’arrêt sont implantés de manière à arrêter le trafic routier dans les 2 sens sur la route « Old Highway 1 », ce qui donne la priorité aux véhicules se déplaçant sur le chemin de canton 172 (figure 2).
La dernière inspection du passage par Transports Canada (TC) a eu lieu le 3 novembre 1992. À cette époque, le volume de trafic journalier au passage à niveau était évalué à 50 véhicules routiers et à 28 trains, d’où un produit vectorielNote de bas de page 5 de 1400.
Le chemin de fer et l’autorité routière sont les premiers responsables de la conception et de l’entretien du passage à niveau : le chemin de fer est responsable de son entretien, tandis que l’autorité routière procède à des inspections visuelles des passages et de leurs panneaux indicateurs, inspections qui se déroulent normalement au cours de travaux comme le nivellement et le déneigement.
Des relevés de trafic ont été effectués par des représentants locaux du comté à l’intersection du chemin de canton 172 et de la route « Old highway 1 » (chemin de canton 172A) les 31 janvier et 1er février 2013. Les relevés de trafic en date de 2013 étaient de 113 véhicules et 28 trains par jour, soit un produit vectoriel de 3164.
Le passage à niveau de l’événement en cause a été le théâtre d’au moins 3 collisions antérieures entre des véhicules et des trains, dont 2 impliquaient des tracteurs semi-remorques. Les collisions se sont produites en 1983 (entre un train et un tracteur semi-remorque), en 1989 (entre un train et un véhicule) et en 2004 (entre un train et un tracteur semi-remorque).
Renseignements consignés
L’examen des données téléchargées de l’enregistreur d’événements a permis de faire les constatations suivantes :
- À 15 h 23 min 16 s, alors que le train approchait du poteau commandant de siffler, le manipulateur se trouvait sur le cran 8 (position maximale) et le train roulait à 53,8 mi/h.
- À 15 h 23 min 17 s, à quelque 1378 pieds du passage à niveau, le klaxon de la locomotive a été actionné. Il y a eu 3 autres sonneries de klaxon (c.-à-d. à 15 h 23 min 24 s, 15 h 23 min 31 s et 15 h 23 min 33 s).
- À 15 h 23 min 33 s, le mécanicien de locomotive a déclenché un freinage d’urgence, ce qui a rétrogradé automatiquement le manipulateur du cran 8 au cran 0.
- À 15 h 23 min 35 s, avec la réduction presque instantanée de la vitesse de 53,1 à 51,6 m/h, le train est entré en collision avec le tracteur semi-remorque.
- Alors que le train approchait du passage à niveau, le phare avant et les phares de fossé sur la locomotive de tête étaient allumés en continu.
Caméra de locomotive
La locomotive de tête était dotée d’une caméra vidéo orientée vers l’avant (LocoCamNote de bas de page 6). L’examen de la séquence vidéo a fourni l’information suivante :
- À environ 400 pieds du passage à niveau, le tracteur semi-remorque a commencé à ralentir.
- Il ne s’est pas arrêté complètement avant de s’engager sur le passage.
Exigences relatives aux arrêts aux passages à niveau non contrôlés
Le guide de Ridgeview Transport pour ses conducteurs exige que tout véhicule transportant des produits dangereux s’immobilise complètement à chaque passage à niveau non contrôlé.
Le 5 août 1991, un tracteur semi-remorque chargé de pétrole brut est entré en collision avec un train de marchandises du CN au point milliaire 172,25 de la subdivision Wainwright près de Kinsella (Alberta) (rapport d’enquête ferroviaire R91E0072 du BST). La collision a provoqué une explosion et un incendie ainsi que la mort de 4 personnes. Le tracteur semi-remorque ne s’est pas arrêté à l’écart du passage à niveau pour laisser passer le train en approche, même si les feux clignotants et la sonnerie fonctionnaient. Dans le cadre de cette enquête, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports collabore avec les autorités provinciales compétentes en vue d’obliger les camions-citernes portant des plaques-étiquettes pour le transport des marchandises dangereuses à s’arrêter à tous les passages à niveau publics avant de s’y engager.
Recommandation R93-11 du BST
En février 2012, TC a fourni au BST des données indiquant dans quelle mesure chaque province ou territoire avait corrigé les lacunes dans sa législation routière respective (8 des 11 instances avaient donné suite à la recommandation) et a fait savoir qu’il ne poursuivrait plus avant dans cette voie. Cependant, tant que l’Ontario et la Nouvelle-Écosse n’auront pas agi en la matière, le Bureau estime que la réponse à la recommandation R93-11 ne demeure qu’en partie satisfaisante. Le BST continue de suivre les progrès accomplis en matière de sécurité aux passages à niveau.
En Alberta, la Loi et le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (SOR/2001-286) du gouvernement fédéral s’applique par l’intermédiaire de la loi provinciale intitulée Dangerous Goods Transportation and Handling Act.
La disposition provinciale régissant les véhicules qui transportent des produits dangereux et approchent de passages à niveau est la partie 42 du règlement intitulé Use of Highway and Rules of the Road Regulation (AR 304/2002). L’article 42(5) stipule que les véhicules transportant des liquides ou gaz inflammables (chargés ou vides) doivent s’arrêter à au moins 5 mètres et à au plus 15 mètres du rail de chemin de fer le plus proche.
Normes canadiennes relatives aux passages à niveau rail-route
Le projet de normes techniques de TC intitulée Passages à niveau (Normes techniques et exigences concernant l’inspection, les essais et l’entretien (norme proposée RTD 10)Note de bas de page 7 est disponible depuis 2002 à des fins de commentaires. On y définit les normes de sécurité minimales pour la construction, la modification et l’entretien (y compris l’inspection et l’essai) des passages à niveau et de leurs approches routières. Les normes proposées dans le document RTD 10 n’ont pas force exécutoire, mais TC, l’industrie ferroviaire et les autorités routières les utilisent comme lignes directrices lors de l’examen de la sécurité aux passages à niveau.
Selon le document RTD 10 (Chapitre B, Section 8), la distance de visibilité exigée aux passages à niveau est fonction du type de véhicule pour lequel le passage est conçu, du temps qu’il faut au véhicule type pour franchir complètement le passage à partir d’une position arrêtée (temps de passage) et de la vitesse maximale du train.
Selon les normes proposées, l’installation d’un système d’avertissement automatique à un passage à niveau est justifiée quand le produit vectoriel est de 1000 ou plus.Note de bas de page 8 De plus, des barrières se justifient quand la vitesse maximale des trains est supérieure à 50 mi/h ou lorsqu’il y a 2 voies ou plus au passage à niveau considéré.
Le document RTD 10 indique également que les lignes de visibilité minimales à un passage à niveau (dépourvu de système d’avertissement de passage à niveau) doivent être conformes à un triangle de visibilité dégagé. Ce triangle est basé sur la vitesse maximale des trains pour la voie ferrée et sur la vitesse maximale admissible pour le trafic routier. Les lignes de visibilité sont mesurées à une hauteur de 1,0 m (3,3 pieds) au-dessus de la surface de la route, au centre de la chaussée, et de 1,2 m (4 pieds) au-dessus du sommet de la voie, au centre du rail (figure 3).
En vertu du Règlement sur les passages à niveau (RPN) proposé, publié le 8 février 2014 dans la Partie 1 de la Gazette du Canada, « les autorités responsables du service de voirie, les autorités privées et les compagnies de chemin de fer seraient tenues de maintenir des lignes de visibilité dégagées au passage à niveau ».Note de bas de page 9
Évaluations de la sécurité des passages à niveau
Selon Transports Canada, il incombe aux compagnies ferroviaires et aux administrations routières d’effectuer des évaluations de sécurité à leurs passages à niveau. Le RPN proposé exigerait que les chemins de fer et les autorités routières partagent par écrit des renseignements détaillés sur chaque passage à niveau avant l’expiration des 5 ans suivant la date d’entrée en vigueur du règlement. Le RPN n’exigerait pas d’évaluations de la sécurité des passages à niveau, mais Transports Canada estime que ces communications détaillées permettraient aux chemins de fer et aux autorités routières d’effectuer de telles évaluations plus facilement sur une base volontaire.
Transports Canada a publié le Guide pratique canadien pour l’évaluation détaillée de la sécurité des passages rail-route en avril 2005Note de bas de page 10 pour aider les compagnies de chemin de fer et les autorités routières avec leurs évaluations de la sécurité; le document comprend les instructions suivantes :
- Il conviendrait, au cours de l’inspection de sécurité, de consulter les normes de conception prescrites dans le RTD 10 pour déterminer si les conditions justifient d’améliorer le système de protection aux passages à niveau en en faisant un système d’avertissement automatique.
- Des données comme le nombre quotidien de trains, le comptage du trafic journalier moyen et la vitesse de marche maximale pour les trains sont des éléments essentiels à l’évaluation.
- [Pour les passages à niveau] « Il est possible d’établir les priorités en fonction de l’historique de sécurité et des problèmes connus, comme les véhicules forçant le passage alors que les feux d’avertissement sont allumés ou les incidents récurrents de véhicules immobilisés sur un passage à niveau ».
En outre, les compagnies de chemin de fer et les autorités responsables du service de voirie devraient s’échanger des renseignements sur les passages à niveau lorsqu’un nouveau passage à niveau est construit ou qu’un passage à niveau existant fait l’objet d’une modification ou d’un changement opérationnel. Les compagnies de chemin de fer devraient conserver les plus récents renseignements qui ont été échangés.
Attention des conducteurs face aux stimuli visuels
Les conducteurs doivent procéder sans cesse à des balayages visuels pour surveiller l’environnement extérieur. Le champ de vision comprend la fovéa et les champs périphériques. Le champ de vision de la fovéa peut être décrit comme un cône étroit de 30 degrés au centre, là où l’acuité visuelle (c.-à-c. l’aptitude à voir les détails) est la plus grande. La vision périphérique est orientée vers l’avant à un angle d’environ 180 degrés et excelle à détecter les mouvements.Note de bas de page 11 Les yeux seront orientés dans la direction jugée la plus importante. Dans le cas des conducteurs roulant sur une route, l’attention visuelle est dirigée vers la partie de route en face d’eux. La distance à laquelle porte l’attention vers l’avant dépend de plusieurs facteurs, dont le nombre de véhicules, l’heure de la journée, les conditions atmosphériques, la vitesse et la géométrie de la route. Les conducteurs déplacent périodiquement leur attention visuelle pour voir encore plus loin devant ou plus près de leur véhicule, toujours en fonction du débit de trafic, de la présence de véhicules devant le leur, etc. Les conducteurs aussi déplaceront leur attention périodiquement vers la gauche et la droite, expressément pour surveiller les panneaux routiers. En général, il faut environ 0,5 seconde pour terminer ces déplacements, c.-à-d. pour recentrer son attention visuelle.
Dans l’événement en cause, l’angle d’intersection de la voie au passage à niveau selon les directions suivies (c.-à-d. pour un train se dirigeant vers l’est et un véhicule faisant route vers le nord) était supérieur à 90 degrés et se trouvait à l’extérieur du champ de vision périphérique du conducteur. Le rétroviseur latéral du camion et les montants latéraux n’obstruaient pas la vue du conducteur à sa gauche. Cependant, pour qu’un conducteur se dirigeant vers le nord puisse bien voir un train circulant vers l’est qui approche de ce passage à niveau, il lui faut se pencher vers l’avant et tourner la tête vers la gauche.
Comportement des conducteurs aux passages à niveau
À l’approche d’un passage à niveau, le comportement des conducteurs dépend en grande partie de ce qu’ils s’attendent à voir (présence ou absence d’un train). Si les conducteurs ne rencontrent généralement pas de trains aux passages à niveau, leur attente de l’arrivée peu probable d’un train s’en trouve renforcée. Une revue de la littérature de M. Yeh et J. MulterNote de bas de page 12 a conclu que les conducteurs qui connaissent bien un passage à niveau seront moins enclins à vérifier si un train arrive ou à réduire leur vitesse à l’approche de ce passage que les conducteurs qui ne sont pas familiers avec le passage en question. La même revue a conclu aussi qu’un peu plus du tiers des conducteurs en approche d’un passage à niveau dépourvu de dispositifs de signalisation automatiques et près des 2/3 approchant de passages dotés de ces dispositifs ne faisaient aucun mouvement de la tête pour savoir si un train arrivait.
Le jour de l’événement en cause, le conducteur avait traversé 9 passages à niveau publics avant l’accident. Quatre de ces passages étaient protégés par des systèmes d’avertissement automatiques et 5 étaient équipés de panneaux indicateurs de traversée de voies à niveau de modèle standard. Le conducteur n’avait rencontré aucun train à ces passages.
Transport et transbordement d’hydrocarbures liquides
Divers modes de transport, dont les pipelines, les tracteurs semi-remorques (c.-à-d. transport routier) et le rail sont mis à contribution pour le transport d’hydrocarbures liquides. Un seul mode ou une combinaison des 3 peuvent être utilisés (p. ex., pétrole brut transféré d’un pipeline à un réservoir de stockage, ensuite à un tracteur semi-remorque qui empruntera le réseau routier jusqu’à une installation de transbordement, puis à un wagon pour son expédition jusqu’à une raffinerie).
Ce transport d’hydrocarbures liquides a augmenté de façon exponentielle depuis le milieu des années 2000 et on prévoit que cette tendance se maintiendra au cours des années à venir. Le volume de pétrole brut expédié par rail a connu ces dernières années une croissance spectaculaire en Amérique du Nord. Par exemple, au Canada en 2009, quelque 500 wagons de pétrole brut ont été acheminés par rail; en 2013, ce chiffre avait augmenté à plus de 160 000 wagons. En Amérique du Nord, environ 1 million de barils de pétrole brut sont déplacés par rail tous les jours — un volume qui devrait atteindre les 4,5 millions de barils par jour dans les 10 prochaines années. Le CP dispose actuellement de 3 installations de transbordement adjacentes à ses lignes ferroviaires en Alberta.
TORQ est un fournisseur de services pour champs pétrolifères qui s’affaire surtout à transborder à des wagons des fluides et matières provenant de camions et de pipelines. TORQ exploite actuellement l’installation de transbordement de Tilley et 5 autres installations en Alberta et en Saskatchewan.
La zone de chargement à l’installation de Tilley mesure environ 320 mètres de long sur 50 mètres de large et est située entre la voie d’évitement du chemin de fer et le chemin de canton 173A. Cette zone de chargement est conçue pour permettre aux camions de transborder le pétrole brut par l’entremise d’un débitmètre massique relié au robinet inférieur d’un wagon-citerne.
L’installation de Tilley a ouvert ses portes en avril 2012. Sa conception lui confère un caractère évolutif qui permet de charger de 15 à 20 wagons par jour. La capacité maximale de chaque wagon était d’environ 597 barils (94 915 L). La capacité de stockage de l’installation équivaut au contenu d’environ 42 wagons-citernes. À l’ouverture de l’installation, on y chargeait une moyenne de 4 ou 5 wagons par jour; on prévoyait que les volumes augmenteraient en 2012 pour se situer entre 8 et 10 wagons par jour. Au moment de l’accident, l’installation chargeait en moyenne 8 wagons par jour.
TORQ est à mettre en œuvre à Kerrobert, en Saskatchewan, une installation de grande envergure pour trains-blocs de pétrole; à partir du troisième trimestre de 2014, cette installation pourra recevoir tous les jours 2 trains-blocs de 120 wagons, ou jusqu’à 168 000 barils de pétrole. L’installation est conçue pour une capacité de stockage de 500 000 barils.
Audibilité du klaxon de train
Selon l’article 11.2 du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer de Transports Canada, les locomotives doivent être équipées d’un « avertisseur capable de produire un niveau sonore minimal de 96 dB(A) en tout point d’un arc de 30 mètres (100 pieds) de rayon sous-tendu devant la locomotive par des angles de 45 degrés à gauche et à droite de l’axe de la voie dans le sens du déplacement ». Les locomotives de l’événement en cause étaient tout à fait conformes aux exigences réglementaires du Canada.
Un certain nombre d’enquêtes du BST ont décelé des lacunes dans l’efficacité des klaxons de train montés sur locomotive à alerter les conducteurs de véhicules et les piétons à la présence d’un train. Dans l’enquête sur une collision entre un camion et un train de voyageurs de VIA Rail à un passage à niveau dépourvu de dispositifs de signalisation automatiques près de Munster en Ontario (rapport R04H0009), le Bureau a constaté que l’installation d’un klaxon au milieu de la locomotive compromet une propagation sonore maximale, ce qui augmente le risque que les conducteurs de véhicules aux passages à niveau n’entendent pas le klaxon.
Des enquêtes subséquentesNote de bas de page 13 ont également conclu que l’efficacité du klaxon peut être compromise à la fois par sa position sur la locomotive et les niveaux de bruit ambiant à l’intérieur du véhicule routier (surtout les gros camions et les autocars).
Se reportant à des études menées aux États-Unis concernant l’incidence des klaxons sur la sécurité des passages à niveau, Yeh et MulterNote de bas de page 14 ont montré que le klaxon du train, en dépit de ses limites, avait un effet positif sur la sécurité. Il a été constaté que les passages à niveau où il y a interdiction de siffler présentent des taux d’accident plus élevés que ceux où il n’y aucune interdiction de siffler.
Une étude de Transports Canada en 2003Note de bas de page 15 a analysé les données de mesure du son provenant de divers types de locomotives se déplaçant à différentes vitesses et munies de différentes configurations de klaxon. L’étude a conclu que les klaxons installés en arrière et à proximité du capot d’échappement du moteur (c.-à-d. au milieu de la locomotive) avaient une performance bien pire que celle des klaxons montés en d’autres endroits. L’étude proposait que l’on déplace à l’avant le klaxon des locomotives de ligne principale placé en arrière et à proximité du capot d’échappement du moteur, ou qu’on ajoute à l’avant de la locomotive un deuxième klaxon à utiliser en cas d’urgence. Si ce deuxième klaxon n’est destiné qu’à une utilisation d’urgence, le klaxon dit normal devrait alors être placé sur la locomotive à un endroit tel qu’il produise un niveau sonore équivalant d’au moins 100 dB(A) à 30,5 m (100 pieds) à des angles de 25 à 45 degrés par rapport à l’avant de la locomotive, niveau mesuré à la pleine vitesse de marche de la locomotive.Note de bas de page 16
L’utilisation du klaxon de la locomotive à l’approche d’un passage à niveau donne un avertissement sonore aux conducteurs et aux piétons à proximité ou à la hauteur du passage. L’efficacité du klaxon est diminuée par l’atténuation des niveaux de pression sonore. Les facteurs ci-après réduisent les niveaux de pression sonore qui se propagent vers l’avant :
- l’augmentation de la distance parcourue par les ondes sonores;
- l’augmentation des vitesses de marche de la locomotive;
- l’éloignement relatif du klaxon par rapport à l’avant de la locomotive;
- la proximité accrue de tout obstacle à l’avant des cornets, tels que les évents d’échappement, ou la présence de bâtiments et de végétation dans le voisinage.
De plus, à l’intérieur d’un véhicule automobile, l’efficacité du klaxon de locomotive peut être affectée par des fenêtres fermées, les bruits du moteur, de la route, de la radio et du ventilateur. Néanmoins, certaines fréquences du klaxon peuvent malgré tout être perçues par l’oreille humaine à l’intérieur d’un véhicule si elles ne sont pas masquées par d’autres sons de la même fréquence et des niveaux de pression sonore plus élevés.
Dans l’événement en cause, le klaxon de la locomotive du train de marchandises était positionné sur le toit et au milieu de la locomotive dans un renfoncement (photo 1).
Par comparaison, pour les locomotives en service voyageurs, TC a publié une version modifiée (février 2010) du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de ferNote de bas de page 17 qui prescrivait l’installation d’un nouveau klaxon pour le 1er janvier 2012 sur les locomotives utilisées en position de tête et roulant à une vitesse de plus de 65 mi/h. Le nouveau klaxon doit être capable de produire 2 niveaux sonores : un niveau à haute intensité pour les situations d’urgence et un niveau à basse intensité pour la conduite normale des trains. Le klaxon doit être placé près de l’avant du toit, à au plus 5 pieds derrière l’arrière de la cabine, sans aucune obstruction ni sorties d’échappement sur le devant ou les côtés.
Recherche sur la sécurité des passages à niveau passifss
En 1998, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a publié une étudeNote de bas de page 18 identifiant les causes courantes des accidents aux passages à niveau passifs et les moyens d’améliorer la sécurité à ces passages. Voici quelques-unes des questions de sécurité abordées :
- la capacité des systèmes d’avertissement à alerter les conducteurs de l’emplacement d’un passage à niveau passif;
- les facteurs liés au comportement qui peuvent compromettre la capacité d’un conducteur à détecter un train et à réagir en conséquence;
- l’adéquation de la formation du conducteur sur les dangers présents aux passages à niveau passifs;
- le nombre suffisant de panneaux aux passages à niveau passifs.
L’étude concluait que, bien que l’installation et la mise en application de panneaux d’arrêt aux passages à niveau passifs puissent fournir constamment aux automobilistes l’information nécessaire, leur donner les instructions voulues et les mettre au fait des règlements pertinents, les panneaux d’arrêt ne devaient tenir lieu que de mesures temporaires. L’étude note que des solutions temporaires provenant du secteur des systèmes de transports intelligents étaient possibles, par exemple des panneaux ou des signaux pouvant alerter les automobilistes de la présence d’un train sans qu’il soit nécessaire d’installer de coûteux circuits de voie. Bien que l’installation de panneaux d’arrêt puisse être efficace dans certains cas, le recours à des dispositifs d’avertissement actifs peu coûteux est la méthode la plus sûre pour faire progresser la sécurité aux passages à niveau publics passifs, c.-à-d. des dispositifs pour avertir les conducteurs de la présence d’un train en approche.
En 2010, la Federal Railroad Administration des États-Unis publiait une évaluation technologique des dispositifs d’avertissement actifs peu coûteux à utiliser aux passages à niveau rail-route passifs.Note de bas de page 19 La recherche a démontré que les systèmes de panneaux indicateurs actifs à faible coût pouvaient avertir de manière précise les conducteurs de l’approche d’un train, et ce, dans un délai adéquat.
Des technologies prometteuses de détection des trains qui peuvent actionner des panneaux indicateurs actifs utilisent les systèmes de localisation GPS, le flux magnétique (p. ex., les capteurs de roues) et les radars. Comme ces technologies ne reposent pas sur des circuits de voie, elles peuvent être installées, entretenues ou remplacées sans que cela entraîne un coût important ou ait une incidence sur l’exploitation ferroviaire. De tels systèmes peuvent être autonomes ou tirer parti de systèmes intelligents déjà installés dans les véhicules, les locomotives ou les systèmes modernes de signalisation en voie pour avertir les conducteurs de la présence d’un passage à niveau passif et d’un train. Bien que les panneaux indicateurs actifs montrent du potentiel, leur utilisation n’est pas répandue.
Au Canada, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de TC travaille avec le Centre de développement des transports (CDT) à la mise en œuvre d’un projet de recherche visant l’élaboration de systèmes d’avertissement hybrides pour les passages à niveau rail-route au Canada. L’objectif principal de ce projet est d’élaborer un système d’avertissement de passage à niveau intermédiaire se situant entre les systèmes d’avertissement passifs conventionnels (c.-à-d. seulement passifs) et les systèmes d’avertissement actifs complets (c.-à-d. signaux, feux clignotants, sonnerie, barrières).
Après l’enquête du BST (R12W0182) sur l’accident de 2012 à un passage à niveau passif près de Broadview (Saskatchewan), le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité qui exprimait sa crainte que le risque d’accident aux passages à niveau passifs se maintienne si on ne met pas rapidement en œuvre des systèmes d’alerte peu coûteux.
Analyse
L’état de la voie, l’état mécanique du train et la manière dont ce dernier était conduit n’ont pas contribué à l’accident, non plus, selon les indications, que l’état mécanique du tracteur semi-remorque. L’analyse se concentrera sur le comportement du conducteur, la configuration de la cabine du tracteur et l’audibilité du klaxon de la locomotive.
L’accident
À son approche du passage à niveau en direction nord sur le chemin de canton 172, le tracteur semi-remorque a ralenti, mais sans s’arrêter. La compagnie de camionnage exige que tout camion transportant des produits dangereux s’immobilise complètement à chaque passage à niveau non contrôlé. La collision s’est produite quand le véhicule, poursuivant sa route, s’est engagé sur le passage à niveau, entravant la voie du train qui roulait vers l’est; le tracteur semi-remorque a été percuté juste derrière sa cabine.
Le conducteur ne connaissait pas l’emplacement exact de l’installation de transbordement. Il avait été informé verbalement de l’itinéraire préféré et on lui avait demandé d’éviter les zones résidentielles dans la mesure du possible. Cependant, on ne lui a fourni aucun renseignement détaillé sur l’itinéraire préféré ni demandé d’éviter des passages à niveau particuliers.
Comme le conducteur voulait atteindre l’installation de transbordement à temps pour y décharger le pétrole brut, il a choisi un itinéraire qui, selon lui, le conduirait plus rapidement à cette installation tout en lui évitant de traverser la localité. L’itinéraire choisi obligeait le tracteur semi-remorque à négocier un virage à gauche prononcé (40 degrés) pour entrer sur le chemin de canton 172 A presque immédiatement après avoir franchi le passage à niveau. Alors qu’il approchait du passage à niveau, le conducteur était préoccupé par l’idée d’arriver à temps à l’installation de transbordement pour y décharger son produit, et par le virage à gauche au-delà du passage. Par conséquent, il ne s’est pas arrêté au passage à niveau.
Le chemin de canton 172 croise la subdivision Brooks à un angle de 40 degrés. Pour le tracteur semi-remorque se dirigeant vers le nord, l’angle d’intersection au passage à niveau signifiait que la vue de son conducteur vers l’ouest (pour voir si un train roulant vers l’est approchait) se trouvait à l’extérieur de sa vision périphérique. Qu’il approche du passage à niveau ou s’y arrête, le conducteur devait se pencher vers l’avant pour regarder à sa gauche par la fenêtre. L’angle prononcé du passage faisait entrave au champ de vision que le conducteur avait depuis l’intérieur de sa cabine pour voir le train qui arrivait de l’ouest.
Attentes et stimuli visuels
Les systèmes de protection aux passages à niveau fournissent des stimuli visuels et auditifs pour avertir les conducteurs du danger à l’approche de tels passages. Ces systèmes comprennent des avertissements actifs comme des feux, des sonneries et des barrières ou, dans l’événement en cause, des avertissements passifs tels des croix de Saint-André et des panneaux indicateurs avancés de passage à niveau. Pour la sécurité à un passage à niveau, les stimuli fournis par le système d’avertissement doivent être suffisamment impérieux pour que le conducteur d’un véhicule devienne conscient des dangers imminents et prenne les mesures qui s’imposent. Le jour de l’événement en cause, le conducteur avait traversé 9 passages à niveau publics avant l’accident. Il n’avait rencontré aucun train, ce qui a sans doute renforcé chez lui la perception qu’il en serait de même dans le cas présent. En l’absence de stimuli auditifs ou visuels impérieux aux passages à niveau, et si les conducteurs de véhicules ne s’attendent pas à rencontrer un train, il est possible que les conducteurs ne s’arrêtent pas.
Audibilité du klaxon de train
Alors que le train approchait du passage à niveau, le klaxon de la locomotive a été actionné, comme le prescrit le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada. Cependant, le klaxon n’est devenu audible pour le conducteur du tracteur semi-remorque que quelques instants à peine avant la collision. Le klaxon était situé à mi-chemin vers l’arrière sur le toit de la locomotive et dans un renfoncement, devant la cheminée d’échappement. Pour les locomotives marchandises, cette façon de placer le klaxon de la locomotive est conforme aux exigences réglementaires actuelles.
Cependant, d’autres enquêtes du BST ont déterminé que ce positionnement particulier du klaxon de locomotive était sous optimal. De plus, les recherches de Transports Canada indiquent que les klaxons montés à l’arrière et près du capot d’échappement de la locomotive (c.-à-d. au milieu de celle-ci) étaient beaucoup moins efficaces que ceux montés à d’autres endroits de la locomotive.
Selon une partie des exigences réglementaires révisées pour les locomotives voyageurs, le klaxon doit être placé près de l’avant du toit, à au plus 5 pieds derrière l’arrière de la cabine, sans aucune obstruction ni sortie d’échappement sur le devant ou les côtés.
Les niveaux de pression sonore du klaxon des locomotives sont conçus pour avertir les usagers d’un passage à niveau de l’approche d’un train. Si, en raison de la configuration et de la position du klaxon de locomotive, ces niveaux de pression sonore sont insuffisants dans le voisinage du passage à niveau, le klaxon donnera un avertissement insuffisant et, de ce fait, augmentera le risque d’accident à ce passage.
Transport et transbordement des hydrocarbures liquides
Le transport d’hydrocarbures liquides a augmenté de façon exponentielle depuis le milieu des années 2000 et on prévoit que la tendance se maintiendra au cours des années à venir. Au Canada en 2009, quelque 500 wagons de pétrole brut ont été acheminés par rail; ce chiffre a augmenté à plus de 160 000 wagons en 2013. Cette croissance spectaculaire dans l’expédition d’hydrocarbures par rail s’est traduite par une augmentation du nombre de camions desservant des installations de transbordement. Quand le produit vectoriel entre véhicules routiers et trains d’un passage à niveau augmente, il faut souvent mettre en place des systèmes de protection plus éprouvés aux passages à niveau pour s’assurer que l’interface entre le trafic véhiculaire et les trains demeure sécuritaire. Si une augmentation dans le transport d’hydrocarbures liquides entraîne un produit vectoriel plus élevé entre véhicules routiers et trains aux passages à niveau, le risque d’accident à ces passages s’en trouvera accru.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La collision s’est produite quand le véhicule, poursuivant sa route, s’est engagé sur le passage à niveau et a été percuté par le train qui se dirigeait vers l’est.
- Alors qu’il approchait du passage à niveau, le conducteur était préoccupé par l’idée d’arriver à temps à l’installation de transbordement pour y décharger son produit, et par le virage à gauche au-delà du passage. Par conséquent, il ne s’est pas arrêté au passage à niveau.
- L’angle prononcé du passage faisait entrave au champ de vision que le conducteur avait depuis l’intérieur de sa cabine pour voir le train qui arrivait de l’ouest.
Faits établis quant aux risques
- S’il n’y a pas de stimuli auditifs ou visuels impérieux aux passages à niveau, et si les conducteurs de véhicules ne s’attendent pas à rencontrer un train, le risque que les conducteurs ne s’arrêtent pas augmente.
- Si, en raison de la configuration et de la position du klaxon de locomotive, les niveaux de pression sonore sont insuffisants dans le voisinage du passage à niveau, le klaxon donnera un avertissement insuffisant et, de ce fait, augmentera le risque d’accident à ce passage.
- Si une augmentation dans le transport d’hydrocarbures liquides entraîne un produit vectoriel plus élevé entre véhicules routiers et trains aux passages à niveau, le risque d’accident à ces passages s’en trouvera accru.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Après l’accident, Ridgeview Transport Ltd. a suspendu toutes ses activités de camionnage. Avant la reprise des activités :
- tous les conducteurs ont suivi un cours pour conducteurs professionnels de l’Alberta Motor Transport Association;
- les conducteurs au participé aussi à 2 ateliers sur la sécurité aux passages à niveau organisés par Plains Midstream.
Deux bulletins sur la sécurité aux passages à niveau ont été rédigés, puis distribués aux employés chez Plains Midstream (Annexe B). Ces bulletins ont été présentés et discutés dans un certain nombre de réunions sur la sécurité chez Plains Midstream.
Transports Canada a fait savoir qu’il avait demandé au Centre de développement des transports (CDT) d’entreprendre une recherche sur l’audibilité des klaxons. Le but de ce projet de recherche est d’analyser l’efficacité des klaxons quand le « capot long est en tête ».
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le
Annexes
Annexe A – Itinéraires préféré et emprunté
Annexe B – Bulletin nº 1 sur la sécurité aux passages à niveau diffusé par Plains Midstream Canada
Fac similé du courriel diffusé par Plains Midstream Canada. Il n’existe qu’en anglais.
Annexe C – Bulletin nº 2 sur la sécurité aux passages à niveau diffusé par Plains Midstream Canada
Fac similé du courriel diffusé par Plains Midstream Canada. Il n’existe qu’en anglais.