Effondrement de la plateforme et déraillement
VIA Rail Canada Inc.
Train P69341 28
Point milliaire 83,55 Subdivision Togo, Togo (Saskatchewan)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 28 avril 2013, vers 18 h 40, heure normale du Centre, le train de voyageurs P69341-28 de VIA Rail qui circulait vers le nord s’est retrouvé devant un affaissement de la plateforme au point milliaire 83,55 de la subdivision Togo du Canadien National, près de Togo, en Saskatchewan. Les deux locomotives et les deux wagons de tête ont déraillé. Il y a eu rupture des réservoirs de carburant des deux locomotives et des fuites de diesel qui s’est enflammé et qui a brûlé jusqu’à son absorption par le sol de la plateforme. Il n’y a pas eu de blessés.
Renseignements de base
Le 28 avril 2013, le train de voyageurs P69341-28 (le train) de VIA Rail Canada Inc. (VIA) circulait vers le nord entre Winnipeg et Churchill (Manitoba) sur la subdivision Togo (Figure 1) du Canadien National (CN). Le train comptait deux locomotives (VIA 6405 et VIA 6458), un fourgon à bagages et quatre voitures de voyageurs. Il était conduit par deux mécaniciens de locomotive (l’équipe) et transportait deux employés des services de bord de VIA, un mécanicien de VIA et sept passagers. Les membres de l’équipe étaient qualifiés pour leurs postes respectifs, connaissaient bien le territoire et satisfaisaient aux normes en matière de repos.
L’accident
Vers 18 h 40,Note de bas de page 1 le train circulait vers l’ouest à une vitesse de 38 mi/h sur un tronçon élevé de la voie près du point milliaire (PM) 83,55 lorsque l’équipe a constaté que du ballast manquait sur une longueur de voie d’environ 10 pieds. L’équipe a effectué un freinage d’urgence, mais n’a pas pu arrêter le train avant de franchir la dépression dans la plateforme. Le remblai s’est affaissé au passage du train et les deux locomotives, le fourgon à bagages et la première voiture de voyageurs ont déraillé sans se renverser.
La voiture de voyageurs s’est arrêtée à cheval sur l’affaissement qui s’était créé sous le train (Photo 1). Les réservoirs de carburant des deux locomotives se sont fissurés et perforés près des plaques de bout arrière et, à la suite du contact avec les rails, le carburant qui s’en échappait s’est enflammé. Les deux locomotives ont pris feu et ont subi des dommages importants (Photo 2 et Photo 3). Tous les employés de VIA et tous les voyageurs à bord ont pu évacuer le train de façon sécuritaire et il n’y a eu aucun blessé.
Conditions météorologiques
Au moment de l’accident, la température était d’environ 5 °C, et les vents soufflaient du nord-ouest à 30 km/h. Dans les cinq jours précédant l’accident, la neige avait fondu rapidement et il ne restait presque plus rien de la couche de neige compacte de 50 cm à proximité du lieu de l’accident.
Les températures quotidiennes maximales suivantes avaient été enregistrées par Environnement Canada près de Roblin, au Manitoba :
Date | Température |
---|---|
24 avril 2013 | 0,1 °C |
25 avril 2013 | 2,3 °C |
26 avril 2013 | 7,9 °C |
27 avril 2013 | 13,1 °C |
28 avril 2013 | 6,1 °C |
Examen des lieux
L’affaissement de la plateforme puis l’effondrement du remblai se sont produits dans une courbe vers la gauche de 2,17 ° sur une pente descendante de 0,5 %. Une section d’environ 60 pieds de largeur du remblai qui traverse un petit ravin a glissé. Le pied du glissement se trouvait près de la sortie d’un ponceau de 48 po prévu pour assurer le drainage entre le côté nord et le côté sud de la voie.
Le ponceau installé au point milliaire 83,55 était de conception mixteNote de bas de page 2. Du côté nord, un tuyau d’entrée en tôle d’acier ondulée de 48 po était raccordé à un puits vertical carré en bois doublé de métal d’environ 45 pieds de profondeur qui servait de trou d’homme et qui était raccordé au tuyau de sortie au bas du remblai. (Figure 2).
L’examen des lieux effectué peu après l’accident a permis de constater les faits suivants :
- le ponceau n’a pas été déplacé par le glissement de terrain;
- la sortie du ponceau était bloquée par de la glace (Photo 4), empêchant le drainage et permettant à l’eau de s’accumuler dans le fossé amont;
- la couronne de l’encaissement en bois était partiellement effondrée et les côtés métalliques déformés vers l’intérieur, exposant du sol sablonneux saturé au-dessus de la chute;
- le côté nord du remblai était recouvert de végétation phréatophyte,Note de bas de page 3 qui pousse dans les zones où le sol est saturé ainsi que dans les décharges d’eau souterraine;
- le remblai était saturé et il y avait des fuites d’eau dans la structure en bois du puits vertical en raison d’une pression d’eau interstitielleNote de bas de page 4 excessive dans le sol environnant;
- de l’eau jaillissait des trous de rivet du ponceau en raison de la pression excessive dans le corps du tuyau;
- des lamelles de glace étaient présentes dans la face exposée du glissement de terrain;
- la présence de blocs glissés produits par un glissement de terrain régressifNote de bas de page 5 a été constatée partout sur le glissement de terrain; l’inclinaison arrière minimale des blocs glissés indiquait principalement un mouvement de translation vers le bas;
- le pied du glissement se trouvait au-dessus du ponceau, au sommet d’une fragile couche d’argile qui formait une barrière naturelle contre la pénétration de l’eau; des matériaux de remblayage se sont déversés puis répandus au-delà du pied du remblai et par-dessus le ponceau, qui n’a pas été déplacé par le glissement de terrain;
- une résurgence d’eau additionnelle a été observée à différents endroits sur le glissement de terrain, le long du pied du remblai et sur le côté ouest de la sortie du ponceau.
Renseignements sur la subdivision et la voie
Le train part de Winnipeg à destination de Churchill (Manitoba) deux fois par semaine, soit le mardi et le dimanche.
Sur la subdivision Togo, les mouvements de train sont contrôlés par le système de régulation de l’occupation de la voie dans le respect du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REFC), et sous la supervision d’un contrôleur de la circulation ferroviaire basé à Edmonton (Alberta). Dans la zone du déraillement, la vitesse maximale des trains de marchandises et des trains de voyageurs est de 35 mi/h et 40 mi/h respectivement. La voie est classée comme une voie de catégorie 3 en vertu du Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada.
La voie était constituée de longs rails soudés (LRS) de 115 livres posés sur des selles à double épaulement de 14 po fixées à des traverses en bois mou au moyen de cinq crampons par selle. Le ballast était un mélange de gravier et de pierres, d’une épaisseur approximative de 12 po avec des épaulements de 1 pi de largeur. La voie était généralement en bon état.
Des inspections de la voie étaient effectuées avant chaque passage de train au cours de la période de dégel printanier. Le jour de l’accident, la voie avait été inspectée avec un véhicule rail-route, entre 14 h et 14 h 30, et aucune anomalie n’avait été observée. Une vérification de la géométrie de la voie avait été effectuée le 11 avril 2013, de même qu’un essai de détection des défauts de rail par ultrasons le 26 mars 2013 et le 26 avril 2013. Aucune des vérifications n’a détecté de défauts.
Les plus récents travaux d’entretien de la voie avaient été réalisés le 7 mars 2013 pour remplacer un joint mixte brisé dans un rail.
Drainage
Le drainage superficiel est assuré par la topographie et l’eau s’écoule dans des affluents vers le chenal d’eau de fonte. Le drainage superficiel est concentré dans ces affluents et le flux d’eau circule au travers de l’emprise du chemin de fer par des ponceaux installés dans ces terres basses.
À proximité du lieu de l’accident, la voie traverse quelques sections de creusement et remplissage (déblais et remblais) près du bord de la paroi de vallée. Cette vallée était un chenal d’eau de fonte glaciaire qui s’était formé au cours du dernier recul glaciaire il y a approximativement 12 000 ans. Les sections de remplissage longent les trajets de drainage naturels qui s’étendent de la plaine au nord de la vallée jusque sous le niveau de la voie.
Pour construire la plateforme ferroviaire au travers du ravin, on a d’abord utilisé des matériaux de remblayage locaux (c.-à-d., principalement du sable perméable et du gravier) déposés sur le sol naturel. La zone entre les points milliaires 84 et 88 a déjà connu des problèmes d’instabilité, notamment des ruptures de remblai supérieures et inférieures, un affaissement de surface et des flaches.Note de bas de page 6 Il n’y avait toutefois aucun rapport d’instabilité de la pente à l’endroit en cause (PM 83,55) avant l’accident.
Programme d’inspection des ponceaux au Canadien National
Le programme d’inspection des ponts du CN (Bridge Condition System ou BCS) est utilisé pour gérer les données d’inspection des ponts, ponceaux et autres structures (tunnels, abris, murs de soutènement, etc.). Le BCS est hébergé dans deux bases de données distinctes (SAPNote de bas de page 7 et Lotus Notes) qui échangent des renseignements pour produire les formulaires d’inspection BCS.
Le système SAP met à jour les renseignements sur les inspections dans la liste des services techniques (Engineering Plant Inventory ou EPI). Les renseignements de l’EPI sont utilisés pour déterminer les imprimés requis pour l’inspection d’un pont, d’un ponceau ou autre structure en particulier. Lotus Notes génère l’imprimé d’inspection approprié qui sera rempli par l’inspecteur et revu par l’ingénieur en planification et inspection.
L’imprimé d’inspection des ponceaux du BCS est utilisé pour vérifier l’information rapportée et consigner l’état actuel des ouvrages visés. Au cours de l’inspection, une cote, ou note, est donnée à chacun des éléments, composants ou caractéristiques d’un ponceau, notamment les têtes (murs de tête, murs en aile), le perré, l’érosion, l’affouillement, les débris et blocages, les remblais, la végétation, le plafond, les murs, le plancher, les joints transversaux et les joints longitudinaux (annexe A).
- Au CN, les ponceaux font l’objet d’inspections détaillées tous les cinq ans. Au cours de l’inspection de 2003, on a noté que le ponceau en cause dans l’événement était en bon état. La lecture de l’imprimé d’inspection de 2008 de ce ponceau a révélé les faits suivants :
- l’inspection ne mentionne pas qu’il s’agit d’une conception mixte; et
- le tuyau, l’érosion, l’affouillement, le plafond, les murs, les joints transversaux et longitudinaux ainsi que le remblai ont obtenu la cote « 7 », ce qui signifie qu’aucune réparation n’était requise dans un avenir prévisible.
L’accident s’est produit avant l’inspection 2013 du ponceau.
Formation sur les risques géologiques
Le CN et le Canadien Pacifique offrent une formation sur les risques géologiques à leurs employés de l’entretien de la voie et de l’exploitation afin qu’ils puissent déceler les signes de dangers naturels comme les éboulements, les glissements de terrain et les emportements par les eaux. La formation porte principalement sur les questions géotechniques comme les éboulements et les revers instables, ainsi que sur le drainage, la stabilité des épaulements et des remblais et l’affaissement de la plateforme.
Les inspecteurs de la voie du CN responsables du territoire où s’est produit l’accident n’avaient pas suivi de formation pertinente sur les risques géologiques. Certains employés assignés à des inspections n’avaient pas reçu de formation sur les questions géotechniques, y compris les conditions de drainage.
Examen géotechnique
Le CN a engagé un expert-conseil en géotechnique pour examiner l’effondrement de la plateforme. Cet examen sur le terrain, mené environ deux mois après l’accident, visait à établir la stratigraphie des lieux et l’état des eaux souterraines. On a percé six trous de forage, tous pourvus de piézomètres,Note de bas de page 8 pour établir la relation entre les couches de sol des hautes terres et le remblai. En particulier, on a procédé à une évaluation pour établir si les eaux souterraines des hautes terres coulaient dans le remblai ferroviaire au point milliaire 83,55 et à une évaluation identique au point milliaire 83,40 à titre de comparaison. Les données obtenues grâce aux trous de forage ont aussi servi à établir les caractéristiques des matériaux de remblayage et de la fondation sous le remblai de chemin de fer.
L’examen a permis de faire les constats suivants :
- Le remblai au point milliaire 83,40 présentait une forte résistance au cisaillement et un glissement était peu probable en présence d’un drainage adéquat.
- Les trous de forage dans la paroi de vallée au point milliaire 83,55 ont permis d’établir qu’un mélange de sable, de boue et d’argile atteignait une profondeur de 30,5 mètres.
- Les lectures des piézomètres, les mesures des niveaux d’eau et de crue des eaux printanières ainsi que les analyses des pertes par infiltration ont indiqué que la nappe phréatique était gonflée et, selon les estimations, atteignait environ la mi-hauteur du remblai.
- Une « poche de ballast » Note de bas de page 9 était probablement présente au point milliaire 83,55 entraînant la suspension de la nappe phréatique dans le remblai de la voie, la saturation des matériaux de remblayage et la formation des lamelles de glace observées.
- Le ponceau gelé bloquait la surface de drainage causant des accumulations d’eau dans le fossé amont ainsi qu’une charge hydraulique excessive dans le corps du ponceau et la structure du puits vertical en bois.
- La charge hydraulique excessive sur la chute et les trous de rivet du ponceau qui présentaient des fuites a entraîné une élévation de la surface piézométrique dans le remblai.
- La fonte rapide de la couche de neige, qui a commencé environ une semaine avant le déraillement, a fait augmenter rapidement le niveau des eaux souterraines.
- La fragile couche de base en argile a remonté pour atteindre la quasi-hauteur de la couronne du tuyau et s’est déplacée vers le haut, dans le remblai, pour former la base du glissement de terrain.
Exigences en matière de résistance à l’impact des réservoirs de carburant des locomotives
En 1997, Transports Canada (TC) a approuvé la première version du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer (aussi appelé Règlement de sécurité des locomotives) qui décrivait les critères minimaux pour la conception et la résistance aux chocs des locomotives et prescrivait des normes de construction améliorées des réservoirs de carburant sur les nouvelles locomotives. La section 19.1 de la Partie II du Règlement indiquait (notamment) :
Sur les locomotives neuves achetées après la date d’approbation du présent règlement, les réservoirs de carburant doivent être d’une conception leur assurant une résistance élevée aux chocs, égale ou supérieure à celle prévue par la Recommended Practice–506 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads.Note de bas de page 10
La pratique recommandée RP-506 est ensuite entrée en vigueur à titre de norme S-5506, Performance Requirements For Diesel Electric Locomotive Fuel Tanks, du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads. La norme S-5506 décrit les exigences en matière de résistance aux impacts des réservoirs de carburant des locomotives et indique notamment que :
- L’épaisseur minimale des côtés, de la tôle inférieure et des tôles de bout du réservoir de carburant devrait équivaloir à celle d’une tôle d’acier de 5/16 pouce à une limite d’élasticité de 25 000 lb/po2 (l’épaisseur varie de façon inversement proportionnelle à la racine carrée de la limite d’élasticité).
- Le tiers inférieur des tôles de bout doit présenter une résistance à la pénétration équivalente, calculée selon la méthode décrite ci-dessus, à celle d’une tôle d’acier de 3/4 pouce à une limite d’élasticité de 25 000 lb/po2. Pour obtenir cette résistance, on peut employer n’importe quelle combinaison de matériaux ou d’autres moyens de protection mécaniques.Note de bas de page 11
En janvier 2006, le Règlement de sécurité des locomotives a été modifié pour ajouter les exigences de la norme S-5506 aux critères visant les nouvelles locomotives. Ces exigences n’ont pas été modifiées dans la version de février 2010 du Règlement.
Locomotives VIA 6405 et VIA 6458
Les locomotives VIA 6405 et VIA 6458 sont des locomotives à quatre essieux à moteurs diesel électriques de 3000 hp qui ont été construites pour le service voyageurs en 1989 et qui font partie d’un parc de 53 locomotives F40PH-2D qui ont été fabriquées par General Motors (GM) pour VIA entre 1986 et 1990. Ces locomotives VIA ont été construites selon la norme en vigueur dans les années 1980 qui ne comprenait aucune exigence sur la résistance aux impacts des réservoirs de carburant des locomotives.
En 2007, VIA a passé un contrat avec CAD Industries de Montréal (Québec) et entrepris un programme de remise à neuf de son parc de locomotives GM F40PH-2D, au cours duquel chaque locomotive a été démontée jusqu’à son châssis et remise à neuf. Le programme de remise à neuf comprenait des améliorations techniques destinées à accroître les efficiences et la fiabilité d’exploitation et l’installation d’un nouveau consignateur d’événements de locomotive résistant aux chocs. Toutefois, comme démontré dans un rapport d’enquête précédent du BST (R12T0038) qui portait notamment sur la rupture du réservoir de carburant de la locomotive VIA 6444 remise à neuf, ce qui avait entrainé un déversement de carburant diesel, les réservoirs de carburant n’ont pas été modifiés pour respecter les exigences de résistance aux impacts des réservoirs de carburant indiquées dans la norme S-5506.
Des échantillons des réservoirs de carburant percés et fissurés des locomotives VIA 6405 et VIA 6458 ont été envoyés au laboratoire technique du BST aux fins d’examen. Cet examen a établi que :
- L’épaisseur de la tôle inférieure des réservoirs de carburant était d’environ 3/16 po (acier), alors que l’épaisseur mesurée du tiers inférieur des tôles de bout était d’environ 5/16 po; ces valeurs étaient inférieures aux exigences de la norme S-5506 qui sont de 5/16 po et ¾ po respectivement.
- L’épaisseur mesurée et la limite d’élasticité estimée étaient très inférieures aux exigences minimales de la norme S-5506.
Recommandation en suspens sur la résistance aux impacts des locomotives
Le rapport d’enquête du BST sur le déraillement qui s’est produit à Burlington (R12T0038) mentionne ce qui suit à propos des locomotives VIA construites par GM :
Les locomotives GM F40PH-2D de VIA ont été initialement construites avant l’établissement des normes en matière de résistance aux impacts des locomotives et du Règlement de sécurité des locomotives. Comme le Règlement de sécurité des locomotives ne s’applique qu’aux nouvelles locomotives, la réglementation n’exigeait pas de VIA qu’elle reconstruise les locomotives conformément aux normes actuelles en matière de résistance aux impacts. Malgré les occasions dont VIA aurait pu profiter pour améliorer la charpente des cabines, les réservoirs de carburant et les systèmes d’attache des bogies durant le programme de remise à neuf, les locomotives ont été reconstruites conformément aux normes minimales du Règlement de sécurité des locomotives.
L’absence de règlements exigeant l’amélioration de la résistance aux impacts des locomotives au cours d’une remise à neuf majeure a accru le risque que les locomotives ainsi reconstruites deviennent au moment d’un déraillement, sujettes à une défaillance de la charpente de leur cabine, du réservoir de carburant et du système d’attache des bogies, comme il s’est produit durant l’accident en cause. Le Bureau a donc recommandé que :
Le ministère des Transports exige que les normes en matière de résistance aux chocs visant les nouvelles locomotives s’appliquent également aux locomotives de trains de voyageurs et de marchandises reconstruites.
Recommandation R13-03 du BST
En septembre 2013, TC a répondu qu’il acceptait la recommandation et qu’il prévoyait lancer un processus d’élaboration des règles afin de combler cette lacune. En avril 2014, Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R13-03 dénotait une intention satisfaisante.
Analyse
Le train était exploité en conformité avec les exigences de l’entreprise et de la réglementation. L’état mécanique du matériel roulant n’a pas contribué à l’accident. L’analyse portera principalement sur l’inspection de la voie et du ponceau, sur le drainage et l’instabilité de la pente à proximité du lieu de l’accident, ainsi que sur la résistance aux impacts des réservoirs de carburant des locomotives.
L’accident
L’équipe a constaté que du ballast manquait sur une longueur de voie d’environ 10 pieds, juste en avant du train, près du PM 83,55 et a procédé à un freinage d’urgence. Malgré la prise de mesures immédiates, la distance de visibilité de l’équipe n’a pas permis l’arrêt du train avant qu’il atteigne la zone dégarnie. Lorsque le train a franchi la partie non soutenue de la voie, le remblai s’est effondré sous le poids du train, ce qui a mené au déraillement.
Examen géotechnique
L’eau souterraine a été un facteur contributif important au glissement de terrain. La compréhension des conditions existantes de l’eau souterraine au moment du glissement de terrain est essentielle pour analyser l’effondrement de la plateforme. De plus, l’examen des matériaux utilisés pour construire le remblai au point milliaire 83,40 a révélé que le remblai présentait une résistance au cisaillement élevée et qu’un glissement de terrain était peu probable en présence d’un drainage adéquat.
L’effondrement du remblai a été causé par la saturation et l’accumulation d’une pression d’eau interstitielle excessive dans les matériaux de remblayage hydrosensibles, conséquences d’une fonte des neiges rapide et d’un drainage inadéquat en raison de la présence d’un bouchon de glace à la sortie du ponceau. Le ponceau gelé bloquait la surface de drainage causant des accumulations d’eau dans le fossé en amont. Cette accumulation d’eau a créé une charge hydraulique excessive dans le corps du ponceau et la structure du puits vertical en bois. La charge hydraulique excessive sur la chute et les trous de rivet du ponceau qui présentaient des fuites a entraîné une élévation de la surface piézométrique dans le remblai, le rendant plus vulnérable aux glissements de terrain. La combinaison de tous les éléments répertoriés dans l’étude géotechnique a causé le glissement de terrain.
Inspections de la voie et du ponceau
Au Canadien National (CN), les ponceaux sont normalement inspectés en tous points tous les cinq ans.L’inspection la plus récente (2008) ne faisait pas mention de la conception mixte et indiquait qu’aucune réparation n’était requise dans un avenir prévisible. L’accident s’est produit avant l’inspection 2013 du ponceau.
La voie avait été inspectée environ 4,5 heures avant le glissement de terrain. À ce moment, aucun élément apparent n’indiquait un glissement de terrain imminent. Le premier affaissement de la plateforme s’est probablement produit entre l’inspection et l’arrivée du train.
Le système de drainage à ponceau et puits vertical était de conception unique. La plus grande partie du ponceau était sous terre et par le fait même non visible à partir de la voie au cours des inspections de la voie. Des signes d’autres problèmes sous-jacents étaient toutefois présents. La rapidité du redoux et de la fonte des neiges au cours des cinq jours précédents a entrainé une accumulation d’eau dans le fossé amont. Le bouchon de glace à la sortie du ponceau était un facteur à considérer, mais pour le voir, les inspecteurs de la voie devaient s’arrêter et descendre sur le remblai. Dans le présent événement, les inspections de routine de la voie n’ont pas permis de déceler le blocage du système de drainage.
Les inspecteurs de la voie du CN n’avaient pas suivi une formation pertinente sur les éléments précurseurs de risques géologiques. Certains employés assignés à des inspections n’avaient pas reçu de formation sur les questions géotechniques, y compris les conditions de drainage. Sans formation régulière sur la détection des éléments précurseurs de risques géologiques , notamment un mauvais drainage, il est possible que des inspecteurs de la voie ne détectent pas les signes d’instabilité du sol de façon opportune, ce qui augmente le risque de déraillement.
Exigences en matière de résistance à l’impact des réservoirs de carburant des locomotives
Les réservoirs de carburant des deux locomotives de VIA Rail se sont perforés en entrant en contact avec les rails au cours du déraillement et ont supporté le poids des locomotives. Cet événement a causé un incendie alimenté par le carburant diesel qui a endommagé les deux locomotives. Les perforations des réservoirs de carburant se sont produites à des endroits qui auraient dû être renforcés pour respecter les exigences de résistances aux impacts des réservoirs de carburant de la norme S-5506. Ces locomotives avaient été reconstruites dans le cadre du programme de remise à neuf des locomotives mis en œuvre par VIA en 2007. Les réservoirs de carburant des locomotives remises à neuf n’étaient toutefois pas visés par ce programme.
Dans le cadre d’un programme de remise à neuf des locomotives, rien n’empêche une entreprise d’améliorer les réservoirs de carburant afin de réduire les risques de perforation en cas d’accident. Malgré les occasions d’apporter ces améliorations, la remise à neuf des locomotives VIA a été réalisée selon les exigences minimales du Règlement de sécurité des locomotives. Puisque les locomotives ont été construites avant l’établissement des normes sur la résistance aux impacts des réservoirs de carburant, et puisque le Règlement de sécurité des locomotives porte seulement sur les locomotives neuves, aucune exigence réglementaire n’obligeait la modification des réservoirs de carburant sur locomotives de VIA Rail au cours du programme de remise à neuf. Sans cette obligation de remettre les locomotives à neuf en vertu des exigences sur la résistance aux impacts les plus récentes, le risque de perforation des réservoirs de carburant durant un déraillement augmente.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Lorsque le train a traversé la partie non soutenue de la voie, le remblai s’est effondré sous le poids du train, ce qui a mené au déraillement.
- L’effondrement du remblai a été causé par la saturation et l’accumulation d’une pression d’eau interstitielle excessive dans les matériaux de remblayage hydrosensibles qui ont suivi une fonte des neiges rapide et un drainage inadéquat en raison de la formation d’un bouchon de glace à la sortie du ponceau.
- Le ponceau gelé bloquait la surface de drainage, causant des accumulations d’eau dans le fossé amont et créant une charge hydraulique excessive dans le corps du ponceau et la structure du puits vertical en bois.
- La charge hydraulique excessive sur la chute et les trous de rivet du ponceau qui présentaient des fuites a entraîné une élévation de la surface piézométrique dans le remblai, le rendant plus vulnérable aux glissements de terrain.
- Les inspections de routine de la voie n’ont pas permis de déceler le blocage du système de drainage.
Faits établis quant aux risques
- Sans formation régulière sur la détection des éléments précurseurs de risques géologiques, notamment un mauvais drainage, il est possible que des inspecteurs de la voie ne détectent pas les signes d’instabilité du sol de façon opportune, ce qui augmente le risque de déraillement.
- Sans une obligation de remettre les locomotives à neuf en vertu des exigences sur la résistance aux impacts les plus récentes, le risque de perforation des réservoirs de carburant durant un déraillement augmente.
Autres faits établis
- Le remblai au point milliaire 83,40 présentait une forte résistance au cisaillement et un glissement était peu probable en présence d’un drainage adéquat.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Bureau de la sécurité des transports
Le 22 juillet 2013, le BST a émis un avis de sécurité ferroviaire (RSA-10/13) à Transports Canada (TC) qui décrit les risques de rupture et de perforation des réservoirs de carburant ainsi que les risques de déversement de carburant diesel en cas de collisions et de déraillements. L’avis suggère à TC de revoir le Règlement de sécurité des locomotives afin qu’il comprenne des exigences claires et harmonisées sur la résistance aux impacts des réservoirs de carburant des locomotives neuves et remises à neuf.
Transports Canada
Le 21 août 2013, TC a répondu que sa Direction générale de la sécurité ferroviaire discutait avec l’Association des chemins de fer du Canada et ses chemins de fer membres afin qu’ils présentent des exigences modifiées avant mars 2014. Cette mesure vise à garantir que les normes de l’Association of American Railways (AAR) sur la résistance aux impacts des réservoirs de carburant ne s’appliquent pas seulement aux nouvelles locomotives, mais aussi aux locomotives de voyageurs et de marchandises remises à neuf.
Chemin de fer Canadien National
Le Canadien National a réalisé une vidéo sur les inspections printanières et a publié deux documents afférents qui fournissent des renseignements plus détaillés sur les signes d’instabilité possible des remblais qui sont associés aux écarts de pression hydrostatique, aux pertes par infiltration sous les voies et aux rabattements de nappe rapides. La vidéo et les documents ont été remis à tous les inspecteurs de la voie, et aux superviseurs, à titre de formation d’appoint.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le
Annexes
Annexe A : Classement de l’état des ponceaux du CN après inspection
Classement | Commentaire | |
---|---|---|
9 | Très bon | État neuf. Pas de réparation dans un avenir prévisible. |
8 | État presque neuf. Pas de réparation dans un avenir prévisible. | |
7 | Bon | Pourrait être remis à l’état neuf avec très peu de travaux. |
6 | Bon état général. Bon état sans signe de danger grave ou de détérioration. | |
5 | Adéquat | État acceptable et fonctionnement correct. Aucune réparation requise en ce moment. |
4 | Inférieur à l’état minimal accepté. Réparations à faible priorité. | |
3 | Mauvais état | Présence de danger grave ou de détérioration. Fonctionnement incorrect. Restriction, réparation ou remplacement de priorité moyenne. |
2 | Peut demander une surveillance continue jusqu’à la fin des travaux. Restriction, réparation ou remplacement de priorité haute. | |
1 | Mesure immédiate | Risque d’effondrement et/ou danger pour les utilisateurs. Fermeture de la voie et remplacement, réparation et/ou restriction requis dans les meilleurs délais. |
N | Non accessible | Non accessible pour l’inspection ou non observé au cours de la présente inspection. |
X | Sans objet |
Source : Canadien National (CN) (Traduction libre)