Déraillement en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises U70451-02
Point milliaire 88,75, subdivision de Ruel
Gogama (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 7 mars 2015, vers 2 h 42 (heure normale de l'Est), le train-bloc de pétrole brut U70451-02 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) circulait vers l'est à environ 43 mi/h dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit au point milliaire 88,70, près de Gogama (Ontario). Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 6 à 44 (39 wagons au total) avaient déraillé. Par suite du déraillement, environ 2,6 millions de litres de pétrole brut (UN 1267) ont été rejetés dans l'atmosphère, dans l'eau ou dans le sol. Le produit rejeté s'est enflammé et a causé des explosions, et du produit s'est écoulé dans la rivière Makami située à proximité. Le déraillement a détruit le pont du CN enjambant cette rivière (au point milliaire 88,70) et quelque 1000 pieds de voie. Il n'y a eu aucune évacuation ni aucun blessé.
1.0 Renseignements de base
Le 2 mars 2015, le train-bloc de pétrole brut U70451-02 (le train) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a quitté Redwater (Alberta) en direction est à destination de la raffinerie de la Valero Energy Incorporated (Valero) à Lévis (Québec). Le train se composait de 2 locomotives de tête et de 94 wagons-citernes chargés de pétrole brut (UN 1267). Il pesait 13 497 tonnes courtes et mesurait 5733 pieds de longueur. Ce train était désigné comme un train cléNote de bas de page 1 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 2.
Le 6 mars 2015, une relève d'équipe prévue a eu lieu à Hornepayne (Ontario), au point milliaire 296,2 de la subdivision de Ruel du CNNote de bas de page 3. L'équipe de train se composait de 1 mécanicien de locomotive, de 1 stagiaire et de 1 chef de train. Tous les membres de l'équipe répondaient aux normes d'aptitude au travail et de repos et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs. Le train a entamé son voyage vers l'est dans la subdivision de Ruel aux alentours de 22 h 30Note de bas de page 4.
La rivière Makami coule vers le sud et la ville de Gogama (Ontario; située au point milliaire 86,60) et se jette dans le lac Minisinakwa. Cette rivière contourne Gogama, puis s'étend vers le nord-est en direction de Timmins et de la Première Nation de Mattagami. Le pont ferroviaire de la voie principale du CN enjambe cette rivière au point milliaire 88,70.
1.1 L'accident
Vers 2 h 42, le 7 mars 2015, le train circulait à environ 43 mi/h lorsque la caméra vidéo orientée vers l'avant de la locomotive de tête a enregistré une légère dépression juste avant le déclenchement d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale au point milliaire 88,70, près de Gogama (figure 1). En regardant vers l'arrière, l'équipe du train a vu une grosse explosion et le début d'un incendie. Elle a suivi les procédures d'urgence et lancé le message radio requis. Après l'arrêt du train, l'équipe a inspecté le train et a constaté que les wagons-citernes derrière le 5e wagon avaient déraillé et s'étaient enflammés. L'équipe a dételé les locomotives et les 5 premiers wagons, et a avancé vers l'est jusqu'à un endroit sûr, à l'écart de l'incendie. Il n'y a eu ni blessures ni évacuation.
Tout juste à l'ouest du lieu du déraillement, la queue du train bloquait le passage à niveau de la route 144 (point milliaire 88,98). Ce passage à niveau a été finalement dégagé lorsque les locomotives du train 112 du CN circulant vers l'est ont remorqué la queue du train vers l'ouest jusqu'à Stackpool (Ontario), au point milliaire 105,4.
Au moment de l'accident, la température était de 9 °C et les vents soufflaient du nord-ouest à 11 km/h. Au cours des 7 jours suivant le déraillement, les conditions météorologiques sont demeurées semblables et près des normales saisonnières.
1.2 Examen des lieux
Les wagons 6 à 44 du train (39 wagons-citernes) ont déraillé (figure 2). Le 6e wagon (VMSX 310431) a franchi le pont et la rivière et a déraillé debout du côté sud de la voie. Par la suite, on a remis ce wagon sur les rails et retiré celui-ci des lieux du déraillement. L'extrémité menée du 7e wagon (VMSX 310442) a heurté le côté sud de la structure du pont et a dévalé le remblai du côté sud de la voie à environ 350 pieds à l'est du pont. Son robinet de vidange par le bas s'est rompu et a laissé fuir du produit. Le 8e wagon (VMSX 311916) a violemment heurté le pont et s'est immobilisé dans la rivière du côté sud du pont avec des pièces appartenant à 5 autres wagons. La plupart des wagons qui ont déraillé étaient mis en portefeuille sur l'approche ouest du pont et ont dévalé le remblai du côté sud de la voie. Les 2 derniers wagons qui ont déraillé, c'est-à-dire les 43e et 44e wagons (VMSX 310060 et VMSX 311681), se sont immobilisés debout près du point milliaire 88,75.
Des 39 wagons-citernes qui ont déraillé, 33 ont subi des brèches et ont rejeté du produit, lequel a alimenté l'incendie. Une certaine quantité de produit a aussi coulé dans la rivière. L'incendie a fait rage sur une zone d'environ 300 verges de diamètre, et son centre se trouvait près de l'extrémité ouest du pont ferroviaire (figure 3). Le déraillement a détruit le pont (figure 4) et quelque 1000 pieds de voie.
On n'a pas observé de marques d'impact sur l'infrastructure de la voie à l'approche du lieu du déraillement depuis l'ouest. À l'extrémité ouest du lieu du déraillement, on a constaté un certain nombre de sections brisées du rail sud dans les environs du point milliaire 88,75 :
- À côté de la voie, il y avait 2 sections de rail. Une mesurait 68 pouces et l'autre, 78 pouces. Les 2 présentaient une soudure en voie défectueuse qui avait été éliminée du rail sud 3 jours avant l'accident au cours d'une réparation d'un rail rompu (figure 5).
- À quelque 265 pieds à l'ouest de la culée ouest du pont, on a récupéré le joint est du rail de raccord. Des éclisses retenaient toujours une section intacte de 53 pouces de rail de raccord à une section de 20 pouces rompue du rail d'origine sud (figure 6).
- La majeure partie du champignon de la section de rail de 20 pouces avait cédé (figure 7). On n'a récupéré qu'une section de 4 pouces du champignon du rail.
- La section de 4 pouces du champignon de rail récupérée présentait une fissuration verticale longitudinale (figure 8).
- Le joint ouest du rail de raccord reliait une section de 28 pouces du rail de raccord et une section de 72 pouces du rail d'origine.
On a envoyé les composants de voie récupérés au laboratoire d'ingénierie du BST à des fins d'analyse.
Pendant le nettoyage du site, on a remis le premier wagon qui a déraillé sur les rails, puis on l'a acheminé vers Capreol (Ontario), au point milliaire 0,0 de la subdivision de Ruel. Le déraillement a détruit les wagons 7 à 43. On a remis le 44ee wagon sur les rails, puis on l'a acheminé vers sa destination de Lévis (Québec) le 13 mars 2015.
1.3 Enregistreurs vidéo de la locomotive
La locomotive de tête (CN 2913) était dotée d'une caméra orientée vers l'avant qui produisait des enregistrements vidéo et audio avec la date, l'heure et la vitesse. En visionnant les enregistrements de la caméra, on a entendu le son d'un choc et on a constaté une vibration dans la cabine de la locomotive 4 secondes avant que le train n'atteigne l'extrémité ouest du pont. Trois secondes plus tard, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est déclenché.
1.4 Marchandises dangereuses
Le transport de marchandises dangereusesNote de bas de page 5 (MD) est assujetti à une réglementation fédérale au CanadaNote de bas de page 6 et aux États-UnisNote de bas de page 7. Chaque pays fonde sa réglementation sur les Recommandations relatives au transport des marchandises dangereuses de l'Organisation des Nations Unies.
Tous les wagons-citernes de cet événement à l'étude transportaient du pétrole brut (UN 1267). Ce produit est un liquide inflammable de classe 3 faisant partie du groupe d'emballage (GE) I, lequel comprend les produits les plus dangereux de cette classe.
1.4.1 Liquides inflammables de classe 3
Les liquides inflammables de classe 3 sont des MD dont les vapeurs peuvent former avec l'air un mélange inflammable à une température égale ou inférieure à 60 °C. Ces liquides inflammables peuvent poser de graves dangers en raison de leur caractère volatil et inflammable déterminé par le point d'ébullition initialNote de bas de page 8 et le point d'éclairNote de bas de page 9.
La volatilité et l'inflammabilité sont des caractères qui varient beaucoup. Les produits de cette classe sont regroupés en fonction de ces caractères pour qu'il soit possible d'établir différentes exigences relativement à leur emballage, leur stockage, leur manutention et leur transport. Selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, les liquides inflammables de classe 3 sont répartis en 3 GE, soit du GE I (danger le plus élevé) au GE III (danger le plus faible). Les critères ci-dessous s'appliquent à ces GE :
- GE I : regroupe les liquides inflammables dont le point initial d'ébullition est inférieur ou égal à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa, quel que soit leur point d'éclair.
- GE II : regroupe les liquides inflammables dont le point initial d'ébullition est supérieur à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa et dont le point d'éclair est inférieur à 23 °C.
- GE III : regroupe les produits qui ne satisfont pas aux critères d'inclusion dans les GE I ou II.
1.4.2 Pétrole brut
Les caractéristiques d'inflammabilité et de volatilité du pétrole brut varient beaucoup. Ce produit est habituellement qualifié en fonction de sa teneur en soufre (non corrosif à corrosif) et de sa densité (léger à lourd). La densité du pétrole brut est exprimée en degrés selon les normes de l'American Petroleum InstituteNote de bas de page 10 (API); un nombre plus élevé indique une densité plus faible. Les seuils de densité du pétrole brut, soit léger, moyen et lourd, varient selon la région d'origine du produit et l'organisme qui procède à cette déterminationNote de bas de page 11.
La viscosité (ou « épaisseur » d'un liquide) du pétrole brut peut aussi varier. Les produits dont la viscosité est faible (p. ex., l'eau) s'écoulent rapidement, et les produits dont la viscosité est élevée (p. ex., la mélasse) sont plus épais et s'écoulent lentement.
1.4.3 Procédures d'intervention d'urgence en présence de pétrole brut
Dans le guide 128 du Guide des mesures d'urgence Note de bas de page 12, on définit les dangers potentiels liés aux produits de pétrole brut, lesquels comprennent aussi les distillats de pétrole. Ce guide comprend des conseils sur les mesures d'urgence et la sécurité publique.
À la section « Risques potentiels »Note de bas de page 13 du guide, on retrouve ce qui suit :
- Ces produits sont moins denses que l'eau, extrêmement inflammables et « s'enflammeront facilement sous l'action de la chaleur, d'étincelles ou de flammes ».
- « Les vapeurs de ces produits sont plus lourdes que l'air. Elles se propageront au ras du sol pour s'accumuler dans les dépressions ou les endroits clos (égouts, sous-sols, citernes). Les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air. Les vapeurs peuvent se propager vers une source d'allumage et provoquer un retour de flamme au point de fuite ».
- Les vapeurs de ces produits « posent un risque explosif à l'intérieur, à l'extérieur ou dans les égouts » et « [l]es contenants peuvent exploser lorsque chauffés. »
Aux sections « Mesures d'urgence »Note de bas de page 14 et « Sécurité publique »Note de bas de page 15 du guide, on retrouve ce qui suit :
- On peut utiliser de l'eau « pulvérisée ou en brouillard » ou de la « mousse régulière » pour combattre les incendies, mais il ne faut « pas employer de jet d'eau direct ». Comme ces produits un point d'éclair très bas, l'eau pulvérisée peut s'avérer inefficace; une « mousse antivapeur peut être utilisée pour réduire les émanations ».
- « Envisager une première évacuation d'une distance de 300 mètres [1000 pieds] sous le vent. »
- « Il faut éliminer toutes les sources d'allumage. »
- « Tout équipement utilisé pour manipuler ce produit doit être mis à la terre. »
- « Ne pas toucher ou marcher sur le produit déversé. »
- « Si sans risque, arrêter la fuite. »
- « Empêcher l'infiltration dans les cours d'eau, les égouts, les sous-sols ou les endroits clos. »
- « Absorber ou couvrir avec de la terre sèche, du sable ou tout autre produit non combustible et transférer dans des contenants. »
- « Utiliser des outils antiétincelles propres pour récupérer le matériel absorbé. »
1.5 Intervention en cas d'urgence
L'accident s'est produit à environ 2 milles à l'ouest de la ville de Gogama et à 0,25 mille à l'est de la route 144. L'accès au site était facile, ce qui a simplifié les activités d'atténuation.
Le CN et le service d'incendie de Gogama ont immédiatement mis en œuvre un système central d'opérations d'intervention. Avec la coopération de la municipalité locale, on a établi un poste de commandement des interventions (PCI) à l'hôtel de ville de Gogama, situé à environ 2 milles au nord-est du lieu du déraillement. C'est à ce PCI que les intervenants internes et externes se rendaient pour fournir des informations mises à jour sur les plans d'assainissement, la progression des activités d'atténuation relatives au site, les plans de reprise des activités et d'autres préoccupations en matière de sécurité.
Le CN a organisé des réunions périodiques pour communiquer ses plans d'assainissement à tous les intervenants et les intéressés locaux. D'autres organismes d'intervention ont mis sur pied des centres de travail dans le PCI pour coordonner leurs activités. Les intervenants et le personnel de soutien y ont trouvé refuge contre le mauvais temps et ont pu profiter de repas chauds qui y étaient servis jour et nuit.
On a établi des procédures de contrôle des arrivées et des départs de tous les intervenants, et appliqué ces procédures jour et nuit depuis le PCI. La police du CN et du personnel de sécurité ont géré l'accès au lieu du déraillement en établissant des postes de contrôle à différents endroits sur le périmètre du site.
On a remis un appareil de protection respiratoire à demi-masque ou à masque complet à chaque intervenant se rendant au site, de même que des documents sur les « essais d'ajustement » et des boîtiers filtrants appropriés. Des agents responsables des MD du CN ont testé régulièrement la qualité de l'air à différents points du lieu du déraillement pour surveiller les taux de sulfure d'hydrogène (H2S) et d'hydrocarbures explosifs. L'air a également été testé toutes les 30 minutes avec un détecteur Dräger pour évaluer les taux de benzène. Les intervenants pouvaient voir les conditions changeantes du vent et prévoir si elles feraient croître les risques d'inhalation grâce à des manches à vent installés à des endroits stratégiques.
On a affiché dans le PCI les échantillons d'eau et les résultats des analyses de l'eau du lac Minisinakwa situé à proximité et de ses affluents pour suivre la progression des activités de nettoyage du déraillement et d'assainissement de l'environnement. De même, on a affiché et régulièrement mis à jour des photos et des cartes topographiques, et on s'est assuré de toujours les mettre à la disposition des résidents et du grand public. Les incidences sur l'environnement faisaient l'objet d'évaluations constantes qui étaient discutées avec tous les intéressés. On a communiqué les engagements futurs pour l'assainissement avec la collectivité locale.
Le CN a placé un poste de commandement mobile du côté est et un autre du côté ouest du périmètre du site. À chaque poste de commandement, on retrouvait de la nourriture, de l'eau, du matériel de premiers soins et de l'équipement de sécurité de rechange distribué au personnel, au besoin; les intervenants pouvaient aussi s'y abriter des intempéries. Ces postes de commandement mobiles ont aussi été le théâtre de séances secondaires d'information sur les travaux et d'orientation portant sur les plans d'assainissement.
Quatre jours après le début des activités de nettoyage du déraillement, le CN a tenu une séance d'information exhaustive pour les responsables des gouvernements provincial et municipal, les chefs et les aînés des Premières Nations, les organismes d'intervention et les résidents de Gogama. Le CN a organisé une réunion de suivi à l'hôtel de ville de Gogama en novembre 2015 pour réitérer aux parties prenantes son engagement pour la dépollution environnementale.
1.6 Réparation de la voie et remplacement du pont
Comme l'accident a causé une interruption prolongée du trafic ferroviaire et a eu des répercussions sur ses activités, le CN a construit une voie de contournement de 1482 pieds de longueur au sud du lieu de l'accident (figure 9).
La voie de contournement enjambait la rivière Makami sur 5 ponceaux (figure 10) et est demeurée en service du 10 au 18 mars. Pendant cette période, environ 130 trains y ont roulé.
On a remplacé le pont détruit par 2 travées à poutres de réemploi de 49 pieds de longueur chacune et un tablier ballasté en acier. On a posé le nouveau pont sur les culées existantes. On a construit une nouvelle pile de pont centrale composée de 4 caissons d'acier remplis de béton et d'un nouveau chaperon de béton préfabriqué. Un premier train a traversé le nouveau pont le 18 mars 2015. Une fois le nouveau pont (figure 11) mis en service, on a retiré la voie de contournement enjambant la rivière Makami et rétabli le lit de la rivière.
1.7 Incidences environnementales
1.7.1 Description du lieu de l'événement à l'étude
Il y a de basses terres humides le long de la rive nord de la rivière. Il y a de basses terres humides et de hautes terres densément boisées le long de la rive sud.
La route Old Gogama (aussi appelée rue Hazel) se trouve au sud de la voie et est généralement parallèle à la voie et la rivière. Elle enjambe la rivière au pont Bailey à environ 250 m en aval (au sud) du pont ferroviaire.
La plupart des wagons-citernes ont déraillé le long de la rive nord de la rivière, tout juste à l'est et à l'ouest de la culée nord du pont ferroviaire. Deux wagons-citernes se sont immobilisés dans la rivière. Au départ, les traces de produit déversé étaient visibles dans la rivière et le long de sa rive nord, à l'est et à l'ouest de la voie principale.
Des plus de 4 millions de litres de pétrole brut transportés dans les wagons-citernes qui ont déraillé :
- environ 1,6 million de litres se sont consumés dans l'air;
- environ 1 million de litres ont été rejetés dans l'eau ou dans le sol;
- environ 1,4 million de litres ont été récupérés ou pompés des wagons-citernes.
1.7.2 Programme de surveillance des eaux de surface
Après la mise en œuvre des stratégies initiales de confinement et de barrage du site, on a mis sur pied un programme d'échantillonnage des eaux de surface de la rivière et du lac Minisinakwa. Il y avait, au total, 14 postes d'échantillonnage en amont du lieu du déraillement et en aval de la rivière se jetant du lac Minisinakwa. On a recueilli des échantillons chaque jour pendant plusieurs semaines, jusqu'à la stabilisation des résultats des analyses. Lorsque plusieurs rondes d'échantillons consécutives se sont avérées libres de produits pétroliers, ce qui a été confirmé par le Ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique de l'Ontario et Environnement et Changement climatique Canada, la fréquence de l'échantillonnage a été réduite à 2 fois par semaine. Cet échantillonnage réduit a eu cours le long de la rivière et dans celle-ci jusqu'en novembre 2015. À l'hiver, les postes d'échantillonnage ont fait l'objet d'une inspection mensuelle dans le cadre d'activités d'échantillonnage des eaux souterraines et de produit. La surveillance des eaux de surface fut reprise au printemps 2016 et l'on prévoyait qu'elle se fasse tous les trimestres pour une période indéfinie.
En dépit de ces efforts, des citoyens inquiets ont signalé la présence d'un mince film de pétrole à la surface de la rivière et de poissons morts pendant l'été 2016. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a répondu à ces préoccupations et a continué à échantillonner et à analyser le sol, le sédiment et l'eau dans les zones définies. On a soumis certains des poissons morts à des analyses. Au départ, une évaluation indépendante a permis de constater que les résultats des tests satisfaisaient aux normes réglementaires, et on a communiqué ces résultats aux dirigeants locaux. Cependant, au moment de la publication du rapport d'enquête du BST, Environnement et Changement climatique Canada continuait d'enquêter sur les prétendues violations des dispositions de prévention de la pollution de la Loi sur les pêches qui concernent cet accident.
1.7.3 Épuration des eaux usées
On a élaboré un plan d'épuration des eaux pour traiter toutes les eaux contaminées récupérées. On a dépêché une unité mobile d'épuration des eaux usées (UME) sur le lieu de l'accident. Toutefois, après plusieurs tentatives, on a constaté qu'il serait impossible de traiter les eaux contaminées sur place en raison des niveaux d'hydrocarbures pétroliers qu'elles contenaient. On a pris des dispositions auprès d'installations d'élimination hors site exploitées par Clean Harbours à Sarnia (Ontario) et approuvées par la province pour recevoir les eaux contaminées de pétrole.
Le mélange de pétrole et d'eau recueilli sur le lieu de l'événement à l'étude a été entreposé dans des réservoirs temporaires à essieux fixes (réservoirs de fracturation). Plusieurs d'entre eux étaient munis d'une série de déflecteurs pour concentrer le pétrole autant que possible. Le pétrole concentré dans le haut des réservoirs de fracturation a été transvasé dans des réservoirs de fracturation spéciaux comme flux de déchets. On a analysé des échantillons du pétrole concentré en vue de son recyclage potentiel ou de sa réutilisation potentielle. L'eau contaminée et les émulsions résiduelles ont été envoyées par camion-citerne aux installations d'élimination hors site. L'eau a été séparée et traitée et, lorsque l'on a déterminé qu'elles satisfaisaient aux exigences réglementaires, on l'a versée dans l'environnement.
Alors que les plus importantes activités d'épuration des eaux usées étaient terminées, une petite quantité de pétrole demeurait dans l'écosystème, ce qu'ont confirmé des analyses d'eau effectuées pendant le processus de nettoyage. Toutefois, les résultats d'analyses indépendantes ont permis de constater que la qualité de l'eau dans le sol, la rivière et le lac satisfaisait aux normes réglementaires.
1.7.4 Surveillance des eaux souterraines
Un total de 19 puits d'échantillonnage des eaux souterraines ont servi à vérifier la direction de l'écoulement et la profondeur des eaux souterraines et déterminer si le produit déversé les avait contaminées. On a installé des puits dans le périmètre du site, y compris des 2 côtés de l'emprise du CN et sur la propriété du CN et les terres de la Couronne.
Trois puits situés dans la zone de confinement et sur l'emprise/la propriété du CN en contenaient. Après l'assainissement de la zone de confinement, la concentration de produits pétroliers détectés à ces 3 puits a diminué jusqu'à un point permettant de conclure qu'il s'agissait d'incidences résiduelles mineures, et non d'une fuite du système de confinement.
En juin 2017, 2 des puits situés sur des terres de la Couronne dépassaient les normes provinciales relatives aux hydrocarbures, et il y avait une surveillance continue.
En septembre 2016, 10 autres puits d'échantillonnage ont été installés le long de la rive ouest de la rivière Makami. En juin 2017, l'un des 10 nouveaux puits dépassait les critères provinciaux pour le toluène et les hydrocarbures pétroliers, et une surveillance continue était requise.
1.7.5 Dragage du sédiment
On a dragué le sédiment du lit de la rivière avec l'approbation du Ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l'Ontario, du Ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique de l'Ontario, et Pêches et Océans Canada. Le dragage comprenait le retrait par aspiration du sédiment d'une section de la rivière commençant en amont du pont ferroviaire du CN et se terminant en aval du pont routier Bailey. Une évaluation des risques écologiques comprenant la récupération et l'analyse d'échantillons de sédiment prélevés à différents endroits de la rivière a servi à définir les points de début et de fin du retrait du sédiment. On a retiré le sédiment jusqu'à une profondeur de 15 cm à 30 cm, selon la topographie du lit de la rivière. On a transporté les échantillons contaminés jusqu'à des installations certifiées, où ils ont été éliminés.
Une unité d'épuration des eaux usées (UME) déployée sur place a servi à traiter l'effluent aqueux du dragage du sédiment. L'UME était assujettie à de la réglementation provinciale et approuvée en conséquence et détenait un certificat d'approbation mobile ou une approbation de conformité environnementale mobile portant sur les exigences relatives à l'échantillonnage et aux critères d'évacuation. On s'est assuré de respecter ces exigences à la lettre avant de rejeter les eaux traitées dans l'environnement. En octobre 2015, l'épuration des eaux a pris fin au terme des activités de dragage du sédiment.
En 2016, les résidents locaux ont signalé que le remuement du sédiment faisait surgir des films de pétrole à la surface de l'eau de la rivière. En réponse à ces préoccupations, le CN a remis sur pied à l'automne 2016 un comité de consultation composé d'experts représentant : Environnement et Changement climatique Canada; Pêches et Océans Canada; le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l'Ontario; le ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique de l'Ontario; le comité des services locaux de Gogama; la Première Nation de Mattagami; des spécialistes en assainissement des sédiments.
Toutes les parties se sont finalement entendues pour que des activités de dragage supplémentaires de la rivière soient effectuées à proximité du pont ferroviaire et à 2 endroits au sud du pont Bailey. On aspiré et dragué le lit de la rivière, et on a retiré le sédiment à ces 3 endroits. Pour rétablir la continuité du sédiment et créer de nouvelles frayères à poissons, on a remis en état le lit de la rivière en y apposant une couche de pierre de carrière propre (de taille variant du caillou au rocher) que l'on a recouverte de gravillon. On a défini la profondeur et la quantité de matière à ajouter au cas par cas, en fonction de la profondeur du lit de la rivière avant le dragage et du volume de matière retirée. L'échantillonnage de la rivière et du sol au lieu de déraillement devait recommencer au printemps 2017.
1.7.6 Nettoyage des rives
On a utilisé 2 techniques d'évaluation du nettoyage des rives pour définir les conséquences potentielles de l'événement à l'étude sur les rives de la rivière et du lac. Les équipes d'évaluation du nettoyage des rives comprenaient des représentants d'Environnement Canada, de la Première Nation de Mattagami et du comité des services locaux de Gogama, ainsi que plusieurs techniciens certifiés en évaluation du nettoyage des rives. On a effectué des inspections visuelles et physiques des rives, des eaux de surface accessibles et de la végétation connexe de l'ensemble de la rivière en aval du site du déraillement, ainsi que des rives nord, sud et insulaires du lac Minisinakwa. On a rédigé un rapport complet d'évaluation du nettoyage des rives pour documenter ces 2 évaluations.
La première évaluation du nettoyage des rives a permis de constater des traces de dépôts ou de taches de pétrole à 4 endroits le long de la rivière et à certains endroits sur la rive nord du lac Minisinakwa et sur la rive de l'île principale. La seconde évaluation du nettoyage des rives a permis de constater des taches de pétrole dans des zones relativement petites des terres humides et des hauts herbages de la rivière. Les équipes d'évaluation du nettoyage des rives ont par la suite coupé et retiré toute la végétation touchée.
1.7.7 Excavation et confinement du sol
Il y avait un volume considérable de sol contaminé à proximité de la culée nord du pont ferroviaire. Cette zone comprenait des basses terres humides naturelles où frayait historiquement le brochet. Comme cette zone était sujette aux inondations saisonnières et à de fortes crues au printemps, il était très important de retirer le sol contaminé le plus tôt possible pour réduire au minimum les dommages au stock de poissons et éliminer les risques que le sol contaminé soit emporté vers l'aval de la rivière.
Un total de 8 cellules doublées de confinement du sol ont été construites pour entreposer le sol contaminé jusqu'à ce qu'il soit possible de le transporter vers un site d'enfouissement approuvé. On y a chargé et stocké le sol contaminé jusqu'à l'achèvement de l'excavation et de l'analyse des échantillons. Chaque cellule contenait environ 2500 m3 (5000 tonnes métriques) de sol. On a recouvert les cellules à l'aide de bâches pour empêcher les précipitations d'infiltrer le sol contaminé. On a transporté environ 37 500 m3 de sol contaminé par camion jusqu'à un site d'enfouissement approuvé à Cartier (Ontario).
1.7.8 Récupération du produit sur l'emprise du CN
On a installé un revêtement imperméable et un rideau de palplanches le long des côtés est et ouest de l'emprise du CN. On a fixé ce revêtement et ce rideau de palplanches à un mur parafouille en béton lié à la culée du pont. Cette disposition a créé un bassin de confinement de tout produit résiduel susceptible de s'écouler du ballast. Chaque mois, on a retiré le produit résiduel et transporté à des installations hors site certifiées pour y être éliminé.
1.7.9 Remise en état du site
Le CN a transmis un plan de remise en état détaillé aux organismes de réglementation et à la Première Nation de Mattagami afin qu'ils l'étudient et le commentent. Au printemps 2016, on a réhabilité le site conformément à un programme de plantation des divers spécimens indigènes détruits, et ce, avec l'aide de la première nation de Mattagami. On a achevé la remise en état des rives à l'automne 2016. On a créé un lagon de frayage des poissons à proximité du pont.
Le CN a rédigé un rapport d'assainissement, qu'il a mis à la disposition des organismes de réglementation et de la Première Nation de Mattagami. On devait rédiger un rapport de suivi pour documenter les travaux de remise en état et toute mesure correctrice supplémentaire requise pour terminer la remise en état du site. Après la fin de chaque programme d'échantillonnage, on a rédigé un rapport sommaire pour le Ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique de l'Ontario. La rédaction de ces rapports sommaires devait se poursuivre jusqu'à ce que l'on constate qu'aucune surveillance ou mesure correctrice supplémentaire ne soit nécessaire. Normalement, on considère que la remise en état d'un site n'est pas complétée jusqu'à ce que le Ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique de l'Ontario approuve la fermeture du site.
1.8 Renseignements sur la voie et la subdivision
On définit toutes les lignes ferroviaires en fonction d'une catégorie de voie particulière qui indique l'état et le niveau de maintenance de la voie. Le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC), aussi connu sous le nom de Règlement sur la sécurité ferroviaire, décrit les catégories de voie et les vitesses maximales corollaires auxquelles les trains peuvent circuler. Conformément au RSV, la catégorie de voie la plus restrictive est la catégorie 1, qui limite les trains de marchandises à une vitesse maximale de 10 mi/h. La catégorie de voie la plus étendue est la catégorie 5, qui permet une vitesse maximale de 80 mi/h pour les trains de marchandises.
La subdivision de Ruel du CN se compose d'une voie principale simple qui s'étend, d'est en ouest, de Capreol (Ontario; point milliaire 0,0) à Hornepayne (Ontario; point milliaire 296,2). Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) autorisé en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Toronto (Ontario).
Dans les environs du déraillement, la voie appartenait à la catégorie 4. La vitesse limite autorisée est de 50 mi/h pour les trains de marchandises et de 55 mi/h pour les trains de voyageurs. En moyenne, 18 trains de marchandises parcouraient chaque jour la subdivision de Ruel. Un train de voyageurs de VIA Rail Inc. y circulait en direction ouest les mercredis et samedis et en direction est les mercredis et vendredis.
Au lieu du déraillement, la voie est une voie principale simple en alignement généralement orientée d'est en ouest. Elle était formée de longs rails soudés (LRS) de 136 livres fabriqués par Sydney Steel en 1993. On a mesuré une usure du rail de 8 mm, ce qui est inférieur à 75 % de la limite de réforme d'usure verticale. Le rail était posé sur des selles à double épaulement de 14 pouces, le tout soutenu sur des traverses en bois dur no 1 à intervalle de 20 pouces (entre les axes), fixé à raison de 5 crampons par traverse, et encadré d'anticheminants toutes les 2 traverses. L'état des traverses était passable. Le ballast était fait de roche concassée propre. Les banquettes mesuraient environ 12 pouces de large, les cases étaient bien remplies, et le drainage était efficace.
Le pont ferroviaire enjambant la rivière Makami était un pont à poutres à âme pleine à tablier inférieur et ajouré unique de 99 pieds construit en 1910. Le pont comprenait des contre-rails de 115 livres cramponnés à structure en bois d'œuvre du pont, et des traverses de transition à chaque extrémité. On l'inspectait chaque année. La dernière inspection remontait au 17 septembre 2014 et n'avait décelé aucun défaut.
De 2010 à 2014, le tonnage de marchandises dans la subdivision de Ruel est passé de 32,8 millions de tonnes-milles brutes par mille (MTMB/mille) à 47,1 MTMB/mille (tableau 1). Pendant la même période, le nombre de wagons complets de pétrole brut est passé de 62 à 75 186.
Année | Marchandises (MTMB/mille)* |
Marchandises TMB (milliers) |
TMB de pétrole brut (milliers) | Pétrole brut (wagons complets) | Pétrole brut (MTMB/mille) |
---|---|---|---|---|---|
2010 | 32,8 | 9 709 654 | 2263 | 68 | 0,007 |
2011 | 35,3 | 10 452 629 | 71 369 | 2843 | 0,240 |
2012 | 36,8 | 10 897 795 | 459 077 | 19 399 | 1,549 |
2013 | 37,2 | 11 013 838 | 835 271 | 34 384 | 2,819 |
2014 | 47,1 | 13 956 400 | 1 937 152 | 75 186 | 6,540 |
* Dans le secteur ferroviaire, on utilise indifféremment les termes « million de tonnes brutes » (MTB), « million de tonnes-milles brutes » (MTMB) et « million de tonnes-milles brutes par mille » (MTMB/mille).
1.9 Inspection de la voie
Les exigences réglementaires minimales sur l'inspection des voies ferrées sous réglementation fédérale sont définies dans le RSV. Lorsqu'il constate qu'une voie n'est pas conforme au RSV, « le chemin de fer doit immédiatement [...] rétablir la conformité de la voie [...] » ou « en interrompre l'exploitation »Note de bas de page 16.
1.9.1 Inspections visuelles
En vertu du RSV, les voies de catégorie 4 doivent faire l'objet d'une inspection 2 fois par semaine. Au cours de l'hiver 2015, le CN a demandé à ce que l'on effectue des inspections de la voie quotidiennes dans le nord de l'Ontario en raison de la température, de la neige et de l'état de la voie. Un superviseur adjoint de la voie (SAV) avait visuellement inspecté la voie le 4 mars 2015. Il n'avait relevé aucun défaut dans les environs du lieu de déraillement.
1.9.2 Contrôle de la géométrique de la voie
Selon le RSV, une voie de catégorie 4 dont le volume ferroviaire annuel est supérieur à 35 MTB doit faire l'objet d'une inspection de la géométrie de la voie par un véhicule lourd de contrôle au moins 2 fois par année.
Le CN effectuait chaque année de 4 à 6 contrôles de la géométrie de la voie de la subdivision de RuelNote de bas de page 17 , le plus récent ayant eu lieu le 2 novembre 2014, soit environ 3 mois avant le déraillement. Aucun défaut n'avait été détecté dans un rayon de 1 mille du lieu du déraillement.
Le tableau 2 donne un aperçu des défauts de géométrie détectés par le CN dans la subdivision de Ruel de 2011 à 2014 et nécessitant une intervention prioritaire, quasi urgente ou urgente.
Type de défaut | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
---|---|---|---|---|
Intervention prioritaire | 14 538 | 30 634 | 13 827 | 9053 |
Intervention quasi urgente | 5030 | 11 971 | 5326 | 2289 |
Intervention urgente | 390 | 892 | 308 | 302 |
Total | 19 958 | 43 497 | 19 461 | 11 644 |
La norme de la voie (NV) 7.1 des Normes de la voie – Ingénierie (NVI) du CN, intitulée « Géométrie de la voie », on indique que :
- [l]es dépassements des valeurs limites établies dans le Règlement sur la sécurité de la voie de Transports Canada [...] sur la géométrie de la voie sont définis comme étant des défauts nécessitant une INTERVENTION URGENTENote de bas de page 18.
Cette norme comprend également ce qui suit :
- Lorsque les défauts de la voie dépassent les valeurs limites au-delà desquelles une INTERVENTION URGENTE est déclenchée, on doit prendre l'une ou l'autre des mesures ci-dessous avant un nouveau passage de train sur la partie de voie où se trouve le défaut :
- corriger le défaut de façon à obtenir des valeurs en deçà des valeurs limites;
- imposer une limitation temporaire de vitesse (LTV) ne dépassant pas la vitesse maximale permise sur les voies de la catégorie pour laquelle des défauts de cette importance sont tolérés [...]; ou
- interrompre la circulation sur la partie de voie concernéeNote de bas de page 19 .
Les défauts approchant les limites de géométrie de la voie définies dans le RSV sont des défauts nécessitant une intervention « QUASI URGENTE ». À l'article 3 de la NV 7.1 du CN, on indique ce qui suit :
- Les défauts nécessitant une intervention QUASI URGENTE, qui seront repérés par le véhicule de contrôle de la géométrie de la voie, doivent être inspectés dans un délai de 72 heures et être corrigés dans un délai de 30 jours.
À l'article 4 de la NV 7.1, on indique ce qui suit :
- Les dépassements des valeurs limites d'entretien admises au CN sont définis comme étant des défauts nécessitant une INTERVENTION PRIORITAIRE. Les défauts de la voie qui dépassent les valeurs au-delà desquelles une INTERVENTION PRIORITAIRE est déclenchée doivent être surveillés jusqu'à ce qu'ils soient réparés, de façon qu'ils ne deviennent pas des défauts nécessitant une INTERVENTION URGENTENote de bas de page 20.
1.9.3 Contrôle des défauts de rail
Selon le RSV, une voie de catégorie 4 dont le tonnage annuel est supérieur à 35 MTB doit faire l'objet d'un contrôle des défauts de rail au moins 4 fois par année. L'équipement d'inspection doit pouvoir détecter les défauts de rail entre les éclisses aux endroits recouverts par les éclisses.
Le CN effectue un contrôle des défauts de rail dans la subdivision de Ruel environ tous les 20 jours en saison hivernale et tous les 37 jours pendant les autres saisonsNote de bas de page 21. L'entreprise Sperry Rail Service avait effectué les 2 derniers contrôles le 6 février 2015 et le 2 mars 2015. Aucun défaut n'avait été détecté sur le rail sud dans les environs du déraillement.
De janvier 2014 à mars 2015, les contrôles des défauts de rail effectués dans la subdivision de Ruel ont permis de cerner 570 défauts (tableau 3), dont 332 affaissements localisés de la surface de roulement, 87 écrasements des abouts de rails et 19 écrasements du champignon. On a principalement constaté ces états de la surface de roulement du rail sur des rails de 136 livres fabriqués par Sydney Steel et Algoma de 1990 à 1999; ceux-ci exigeaient une surveillance ou des réparations considérables de la part des inspecteurs et des équipes d'entretien. Les fissurations verticales longitudinales du champignon (FVLC) correspondaient à 5 % des défauts détectés.
État de la surface de roulement/défaut de rail | Nombre | Pourcentage* |
---|---|---|
Trou de boulonnage | 34 | 5 % |
Champignon écrasé | 19 | 3 % |
Soudure en voie défectueuse | 35 | 6 % |
Soudure défectueuse faite en usine | 8 | 1 % |
Rupture de fatigue | 12 | 2 % |
Fissuration horizontale de l'âme | 3 | 1 % |
Fissuration horizontale du champignon | 7 | 1 % |
Affaissement localisé de la surface de roulement | 332 | 58 % |
Écrasement des abouts de rails | 87 | 15 % |
Fissuration de l'âme | 5 | 1 % |
Fissuration verticale longitudinale du champignon | 34 | 5 % |
Total | 570 | 100 % |
* On a arrondi certaines valeurs.
1.10 États de la surface de roulement de l'écrasement des abouts de rail, de l'affaissement localisé de la surface de roulement et de l'écrasement du champignon
Un écrasement des abouts de rails se produit à un joint de rail lorsque les abouts des champignons ne correspondent pas ou qu'il y a un désaffleurement trop important entre les abouts des rails. Un écrasement des abouts de rails est un signe de dégradation du soutien du joint qui peut se traduire par un mouvement excessif du joint, lequel peut se dégrader encore plus par l'interaction mécanique causée par les charges de roue répétitives. S'il n'est pas correctement réglé sur le terrain, le problème de l'écrasement des abouts de rails peut finalement entraîner une défaillance du joint et un déraillement.
Les affaissements localisés de la surface de roulement se caractérisent par un fluage plastique du métal qui cause un aplatissement et une déformation du champignon du rail au-dessus du congé de raccord âme-champignon (figure 12). Un écrasement du champignon est similaire à un affaissement localisé de la surface de roulement, à l'exception du fait que la déformation du champignon du rail s'étend jusqu'en dessous du filet du champignon / de l'âme de rail. Les affaissements localisés de la surface de roulement et les écrasements du champignon sont généralement dus à une interaction mécanique provenant de charges de roue répétitives. Cette situation peut entraîner d'importantes contraintes de contact et causer ou accélérer le développement d'autres défauts de rail, dont les défauts de fissuration transversale (DFT) ou une fissuration verticale longitudinale du champignon (FVLC) qui peuvent entraîner une défaillance rapide et causer un déraillement.
La technologie des défauts ferroviaires pour détecter les états de la surface de roulement du rail de l'écrasement des abouts de rail, de l'affaissement localisé de la surface de roulement et de l'écrasement du champignon est relativement nouvelle. Le CN a enregistré des états de la surface de roulement tels que les écrasements des abouts de rail, les affaissements localisés de la surface de roulement et les écrasements du champignon depuis 2005. En 2010, des lignes directrices plus définies pour ces types d'états de la surface de roulement ont été mises en œuvre. Depuis, il y a eu une augmentation considérable du nombre d'états de la surface de roulement détectés. Certains chemins de fer ont élaboré des seuils comparables mais non harmonisés pour détecter et enregistrer ces états de la surface de roulement. Avant la mise en œuvre de cette technologie, ces états de la surface de roulement étaient généralement détectés par l'inspection visuelle, mais relativement peu étaient détectés. Suite à la mise en œuvre de la technologie, le nombre de ces états de surface de roulement de rail qui ont été détectés a augmenté considérablement.
Alors que le CN considérait que sa main-d'œuvre était suffisante et adéquatement équipée, le nombre accru des états de surface de roulement du rail de l'affaissement localisé de la surface de roulement, de l'écrasement des abouts de rail et de l'écrasement du champignon qui avaient été signalés augmentait considérablement sa charge de travail. Cela était particulièrement vrai au printemps, lorsque les employés s'affairaient principalement à remplacer des rails de raccord et des joints de rail qu'ils avaient installés au cours de l'hiver pour éliminer les défauts des LRS. Il fallait surveiller et mesurer chaque affaissement localisé de la surface de roulement, chaque écrasement des abouts de rails et chaque écrasement du champignon, et éliminer ces défauts s'ils dépassaient les seuils définis à la NV 1.7 des NVI du CN, intitulée « Périodicité d'inspection des rails et mesures correctives dans le cas de rails défectueux ». La norme comprend les articles suivants :
- À l'article 10a., on indique qu'il faut surveiller les affaissements localisés de la surface de roulement dont la profondeur est inférieure à 5 mm sur un rail usé à moins de 75 % de la limite de réforme de son usure verticale.
- À l'article 10b., on énonce les limites relatives aux écrasements aux abouts de rail en saison hivernale :
Durant les mois d'hiver (comme déterminés par l'ingénieur en chef régional), on doit appliquer les mesures ci-dessous aux joints de rail situés sur les voies de catégorie 3 ou de catégorie supérieure supportant annuellement un tonnage de 10 MTB ou plus.
Si l'écrasement aux abouts de rail est :
> 3.5 mm | > 4 mm | >= 5 mm |
---|---|---|
|
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|
On peut mesurer la profondeur d'un affaissement localisé de la surface de roulement ou d'un affaissement aux abouts de rail à l'aide d'une règle droite, comme on le montre à la figure 13.
Le RSV ne contient aucune orientation ni aucun critère sur les limites critiques des écrasements des abouts de rails, des affaissements localisés de la surface de roulement ou des écrasements du champignon. Au Canada, ces défauts font partie de la catégorie des problèmes de surface de roulement de rail, et non de la catégorie des défauts de rail. Ces défauts ne sont pas considérés comme étant des ruptures de rails en service, mais comme d'importants indicateurs d'une dégradation de l'état de la voie et de défauts émergents potentiels dans le rail.
Par comparaison, le DOT (c'est-à-dire la Federal Railroad Administration [FRA]) considère qu'un rail aplatiNote de bas de page 22 (l'équivalent d'un affaissement localisé de la surface de roulement aux yeux de la FRA) est un défaut lorsqu'il mesure 3/8 pouce ou plus de profondeur et 8 pouces ou plus de longueur. La mesure corrective pour un tel défaut consiste à limiter la vitesse à 50 mi/h ou à la vitesse maximale permise pour la catégorie de voie concernéeNote de bas de page 23 (selon la plus basse des deux).
1.11 Fissuration verticale longitudinale du champignon
Une FVLC est une fissure longitudinale progressive prenant naissance à peu près au milieu du champignon du rail qui se propage dans celui-ci ou le traverse complètement. Ce défaut est causé par la fissuration la ségrégation des matériaux d'alliage et de l'âme du rail qui créent une fente longitudinale interne. La fissuration et la ségrégation de l'âme indiquent que des inclusions dans l'acier se sont coalescées dans l'axe longitudinal du rail plutôt que d'être distribuées également pendant le processus de fabrication. La séparation verticale progresse longitudinalement et verticalement (parallèlement au côté du champignon) et peut graduellement tourner vers le côté intérieur ou extérieur du champignon. La croissance de ce défaut est habituellement très rapide une fois que la fente ou la séparation s'ouvre à n'importe quel point sur sa longueur.
Les rails sont généralement fabriqués par coulée-laminage en continu de billettes d'acier dans une série de laminoirs dégrossisseurs à des températures contrôlées. Un numéro de coulée est estampé à chaud sur l'âme de chaque rail. Les rails d'une même coulée peuvent avoir des caractéristiques (et des défauts) différentes, selon le contrôle de la qualité pendant la coulée-laminage. Pendant le laminage, des impuretés peuvent être piégées au centre de l'âme d'un rail. Lorsqu'elles sont soumises à un examen macroscopique, ces impuretés ont la forme d'une mince ligne dans le champignon. Dans certains cas, cette ligne se prolonge dans le champignon du rail. Cela pose problème lorsque le champignon s'use et que cette ligne est exposée aux charges dynamiques propres aux conditions de service (c.-à-d., les charges des roues qui franchissent le rail). Une fois qu'une telle ligne (qui est invisible à la détection des défauts du rail jusqu'à ce qu'elle s'ouvre) est exposée aux charges dynamiques, elle peut se détériorer rapidement et causer un bris de rail par FVLC.
Tout au long de son histoire, la Sydney Steel CompanyNote de bas de page 24 a éprouvé un certain nombre de problèmes liés à ses processus de fabrication des rails et de contrôle de la qualité. On a notamment constaté des problèmes de fissuration de l'axe longitudinal s'étendant jusqu'au champignon du rail. Une fois que le champignon du rail était suffisamment usé, l'extrémité de la fissuration de l'axe longitudinal se trouvait au point du champignon assujetti aux plus importantes charges de contact de roulement, le fragilisant davantage au développement rapide d'une FVLC et à la propagation d'une rupture.
Dans le titre 49 du Code of Federal Regulations, partie 213 (intitulée Track Safety Standards: Improving Rail Integrity: Final Rule ) de la FRA (Department of Transportation des États-Unis), en date du 24 janvier 2014, on traite du développement de défauts de rail internes et des risques de rupture. La règle finale indique qu'en réalité, le taux de croissance des défauts de rail varie grandement et est très imprévisible. Un fort volume de trafic ferroviaire soumet le rail à des charges élevées et accélère la croissance des défauts. On considère également qu'il est difficile de prédire le tonnage qui influencerait le développement des défauts. Toutefois, une fois qu'un défaut se forme, le tonnage a des répercussions sur son développement et sa croissance internesNote de bas de page 25.
S'il est difficile de détecter visuellement ces défauts, une fissure ou un filet de rouille peut se former sous le champignon, sur le congé de raccord âme-champignon. Il peut aussi y avoir des traces d'affaissement ou de dépression. Le côté du champignon peut également s'écailler.
Dans son Rail Defect Manual, l'entreprise Sperry Rail Service indique que les FVLC constituent des défauts de fatigue dangereux, car [traduction] :
- elles sont habituellement invisibles à la surface du rail jusqu'à ce qu'elles atteignent une longueur de plusieurs pieds;
- elles affaiblissent habituellement une partie considérable du champignon en s'étendant longitudinalement sur une bonne distance;
- les roues des wagons ont tendance à monter sur le rail ou à tomber entre les rails si la fissuration se trouve du côté intérieur du rail et que le rail se rompt en service, ce qui cause un déraillement;
- le rail peut se rompre en plusieurs morceaux dans l'éventualité d'une rupture en serviceNote de bas de page 26.
Les FVLC sont des défauts de fatigue communs, considérées comme dangereuses, car elles se développent rapidement et sont difficiles à détecter, et ce, même lorsque l'on a recours aux auscultations par ultrasons. En 2014, l'entreprise Sperry Rail Service a détecté 33 241 défauts dans les 134 054 milles de voie du CN qu'elle a inspectés au Canada. Les FVLC correspondaient à 1533 (4,6 %) de ces défauts. Pendant cette même période, le CN a signalé 692 ruptures de rail en service, dont 76 (11 %) ont été causées par une FVLC.
1.12 Réparation avec rail de raccord au point milliaire 88,75
Dans la subdivision de Ruel, la voie est divisée en sections (appelées « cantons ») qui sont isolées électriquement les unes des autres pour former un système de signalisation CCC. Des signaux sont placés à chaque extrémité d'un canton pour régir la circulation des trains entrant dans le canton et en sortant. Lorsqu'un train se trouve dans un canton, les signaux à chaque extrémité du canton passent au ROUGE pour afficher une indication d'ARRÊT, et l'écran du CCF lui indique que le canton est occupé. Les signaux passent aussi au ROUGE lorsqu'une rupture de rail se produit dans le canton.
Le 4 mars 2015 vers 19 h 35, les signaux régissant la circulation dans le canton de Gogama-Bethnal (du point milliaire 86,20 au point milliaire 94,70) sont subitement passés au ROUGE, ce qui empêchait les trains de s'y engager. Il était donc nécessaire de cerner rapidement le problème faisant passer les signaux au ROUGE.
Le contremaître d'entretien de la voie (CEV) attitré n'était pas disponible, car il s'affairait à remplacer un rail défectueux à l'est de Gogama. Le superviseur de la voie (SV) a demandé au contremaître des patrouilles hivernales (CPH), lequel occupait le poste de contremaître de soudage aluminothermique pendant l'été, et à un assistant restreint à des travaux légers qui ne pouvait pas accomplir de tâches physiques, de déterminer la source de l'activation des signaux ROUGES. À 20 h 21, le CPH a obtenu un permis d'occuper la voie (POV) et s'est rendu jusqu'au canton problématique à bord d'un véhicule rail-route. Un agent d'entretien des signaux suivait le CPH en vertu du même POV. Vers 20 h 50, le CPH, l'assistant et l'agent d'entretien des signaux ont repéré une soudure aluminothermique rompue dans le rail sud au point milliaire 88,75.
Le CPH a envoyé une photo du rail rompu au SV en lui demandant de lui indiquer la marche à suivre. Le SV a indiqué qu'en raison de l'écart de 4 pouces entre les 2 parties du rail brisé, celui-ci devait être remplacé avant que des trains ne puissent franchir ce tronçon de voie. Toutefois, la fin du quart de travail de l'équipe de cantonniers approchait, et il ne lui restait pas assez de temps pour utiliser le véhicule pour le redressage des rails (VRR). Le SV a donc demandé au CPH et à l'assistant de remplacer le rail. Le CPH était un contremaître de la voie certifié; on considérait donc qu'il était apte à remplacer le rail brisé.
L'agent d'entretien des signaux a mesuré l'usure du champignon du rail brisé et a avisé le CEV de Gogama qu'il avait besoin d'un rail de raccord présentant une usure de champignon de 8 mm. Le CPH s'est rendu à Gogama et y a rejoint l'équipe de cantonniers. On a chargé un rail de raccord de 157 pouces présentant une usure de champignon de 8 mm à bord du véhicule VRR. Il y avait des trous préalablement percés (pour des boulons d'éclisse) à une extrémité de ce rail de raccord. Comme le CPH n'était pas familier avec le véhicule VRR, l'équipe de cantonniers lui a expliqué comment l'opérer avant de quitter les lieux. Le CPH s'est ensuite rendu au passage à niveau de la route 144, a mis le véhicule VRR sur les rails et a circulé en direction est jusqu'à l'emplacement de la rupture de rail.
Une fois arrivé sur place, le CPH s'est préparé à installer le rail de raccord. Les employés ont d'abord déchargé et mis en place le rail de raccord, puis ont retiré la neige et la glace présentes sur le rail d'origine. Ils ont ensuite fait une marque sur le rail d'origine à 68 pouces à l'ouest et à 78 pouces à l'est de la soudure rompue pour faciliter le positionnement du rail de raccord entre les traverses. Ils ont raccourci le rail de raccord de 11 pouces. Après avoir coupé le rail d'origine, ils ont inspecté les abouts exposés du rail pour vérifier s'il y avait des fissures ou d'autres anomaliesNote de bas de page 27. Cette inspection visuelle ne leur a pas permis de constater de fissures; toutefois, ils n'ont pas effectué d'essai de ressuage pour confirmer la présence de fissures. Le CPH et le SV n'ont pas discuté de l'exigence du CN de soumettre les abouts exposés d'un rail à un essai de ressuage.
On a fait rouler le rail de raccord sur la voie, sans prévoir de jeu pour la dilatation. Comme des trous étaient déjà percés à l'extrémité est du rail de raccord pour des éclisses de 132 livresNote de bas de page 28, seule l'extrémité ouest du rail de raccord devait être percée. Toutefois, on a placé le gabarit de perçage sur le dessus du rail de raccord de telle manière que l'on a percé le trou extérieur trop près du joint. Ainsi, il a fallu percer un trou supplémentaire dans le rail de raccord. Il y avait une distance de ½ pouce entre les 2 trous. Les employés ont discuté de la situation avec le SV, lequel a approuvé la mise en service du rail réparé. Après le perçage, ils ont entièrement boulonné et cramponné le rail de raccord et y ont installé des anticheminants.
Pendant qu'il effectuait la réparation, le CPH a reçu de nombreux appels téléphoniques et radio du SV, du CCF et du directeur principal, Ingénierie (DPI), qui voulaient savoir comment les réparations évoluaient. On a avisé le CPH qu'un certain nombre de trains circulant vers l'est et vers l'ouest attendaient déjà la remise en service de la voie.
Les employés n'ont pas mesuré physiquement le rail de raccord après la réparation, mais le CPH a estimé visuellement que l'extrémité est de celui-ci dépassait le rail d'origine d'environ 2 mm. À l'aide d'une meuleuse à main, le CPH a meulé le champignon à l'extrémité est du rail de raccord sur une distance d'environ 2,5 pouces pour adoucir la transition entre les 2 surfaces. Il a utilisé une meuleuse à main, car il ne disposait pas de meuleuse de rails de plus grande taille.
Les travaux se sont terminés vers 22 h 45. Le CPH a dégagé la voie et s'est rendu à la remise à outils pour se préparer à effectuer des activités de déneigement pendant le reste de son quart de travail. Il a annulé son POV à 23 h 07 m 40 s, et le trafic ferroviaire a repris.
Le SV souhaitait aller inspecter la réparation du rail rompu pour s'assurer qu'elle avait été effectuée correctement. Toutefois, il a dû se rendre le lendemain matin au site d'un autre déraillement près de Minnipuka (Ontario), au point milliaire 243,50 de la subdivision de Ruel.
Entre le moment de la réparation de la voie (le 4 mars 2015) et l'événement à l'étude (le 7 mars 2015), 44 trains ont franchi le rail de raccord, y compris d'autres trains-blocs de pétrole brut.
1.13 Renseignements sur le contremaître des patrouilles hivernales et l'assistant
Le CPH s'était joint au CN en 1998 et travaillait comme chef soudeur aluminothermique au sein d'équipes de production pendant la saison estivale; ses tâches comprenaient principalement la soudure de rails neufs à d'autres rails neufs. À la fin de la saison de travail estivale/automnale, le CPH se joignait à la main-d'œuvre hivernale du CN. Au moment de l'événement à l'étude, le CPH était affecté à des tâches de déneigement et travaillait le quart de nuit depuis Gogama selon un cycle de 9 jours de travail et 5 jours de congé.
L'assistant occupait un poste d'opérateur de machine au CN depuis 8 ans. Le 3 mars 2015, l'assistant s'était rendu à Gogama pour travailler avec le CPH et remplacer l'opérateur de machine attitré. L'assistant était restreint à des travaux légers et possédait une expérience limitée dans le remplacement de rails rompus et la réparation avec rail de raccord.
1.14 Installation de rails de raccord
Le processus de remplacement d'un rail rompu ou défectueux et la formation sur ces tâches font l'objet de nombreux cours et documents du CN. Plus précisément, l'installation de rails de raccord faisait partie de la formation des agents d'entretien de la voie et d'un manuel de formation en cours d'emploi. On traitait de l'utilisation d'une grue pour la manutention de rails pendant la formation sur les notions de base des grues et dans le manuel sur les grues. Les normes sur les marques de montage, les essais de ressuage et la longueur des rails de raccord étaient définies dans les NVI de juin 2011 et des Méthodes recommandées (MR) du CN.
À l'article 13 de la NV 1.2 des NVI du CN, intitulée « Pose des rails – Généralités », on indique notamment ce qui suit :
À l'article 13, on indique aussi les limitations de vitesse qui doivent être définies s'il est impossible d'effectuer immédiatement les réparations requises. Cette section des NVI ne comprend toutefois aucune directive sur la longueur de meulage permettant une transition fluide entre 2 sections de rail d'une réparation avec rail de raccord. Par comparaison, au chapitre 17 du Manuel du soudeur en voie (2011) du CN, on indique notamment ce qui suit [traduction] :
- Le désaffleurement vertical entre 2 rails soudés par étincelage ne doit pas dépasser 1/8 pouce (0,125 pouce) ou 3 mm.
- Toute différence de hauteur doit être corrigée en meulant le rail supérieur sur une distance de 6 pouces pour chaque 0,01 pouce de différence, jusqu'à un maximum de 36 pouces.
À l'alinéa 1.7(2) des NVI du CN, on indique notamment ce qui suit :
En ce qui concerne les essais de ressuage, l'alinéa 1.7(3) des NVI indique notamment ce qui suit :
On doit effectuer un essai de ressuage sur les abouts de rail :
- lorsqu'il y a rupture de rail en service;
1.14.1 Essai de ressuage
Les étapes des essais de ressuage des rails figurent dans la MR 1.7.3 (janvier 2015) du CN.
Un essai de ressuage est un processus en 3 étapes qui comprend la pulvérisation d'un nettoyant, d'un pénétrant et d'un révélateur sur l'about exposé d'un rail coupé. Cet essai prend environ 15 minutes et peut être fait pendant que l'on prépare le rail de raccord en vue de son installation.
Cet essai emploie le principe de l'action capillaire; un pénétrant à faible tension superficielle est d'abord vaporisé sur l'about de rail. Après quelques minutes d'attente, on débarrasse la surface de l'excédent de pénétrant et on applique le révélateur. Le révélateur fait sortir le pénétrant du défaut ou de la fissure qui deviennent alors visibles. Un essai de ressuage peut être effectué jusqu'à une température de -32 °C. Toutefois, pour obtenir les meilleurs résultats possible, il faut s'assurer que le pénétrant et le révélateur restent chauds. Par temps froid, le pénétrant doit être vaporisé sur l'about de rail immédiatement après la coupe de celui-ci, car la chaleur produite contribue à l'ouverture de toute fissure potentielle.
1.14.2 Familiarité du contremaître des patrouilles hivernales avec les essais de ressuage
Le CPH connaissait l'essai de ressuage, mais ne l'avait jamais accompli ni observé. Dans l'exercice de ses tâches de chef soudeur aluminothermique, le CPH travaillait principalement sur des rails neufs. On soumet généralement à un essai de ressuage des rails plus vieux qui sont retirés en raison d'une rupture en service.
Le 27 janvier 2015, le CPH avait effectué l'examen en ligne sur la sécurité des activités hivernales du Service d'ingénierie du CN, lequel comprenait des questions sur l'essai de ressuage. La note de passage de cet examen était de 90 %. À sa première tentative, le CPH avait obtenu une note de 74 % en raison de 12 mauvaises réponses, dont une sur l'essai de ressuage. À sa seconde tentative, le CPH a répondu correctement à la question sur l'essai de ressuage et a obtenu une note de 96 %.
1.15 Erreurs de procédure
Il a été démontré que les erreurs d'omission, y compris l'omission d'étapes d'une procédure d'entretien, figurent parmi les erreurs les plus fréquemment commises dans le cadre d'activités d'entretien. Ces types d'erreurs sont plus susceptibles de se produire dans les situations où une étape n'est pas essentielle à la satisfaction de l'objectif principal de l'activité d'entretien ou est effectuée après la satisfaction de cet objectif, et lorsque peu d'éléments environnementaux peuvent rappeler à l'agent d'entretien de la voie qu'il doit effectuer une étape. Un agent d'entretien de la voie risque davantage de commettre des erreurs d'omission lorsque ses tâches ont récemment changé ou qu'il doit effectuer une procédure d'une manière ou dans un ordre lui étant inhabituelsNote de bas de page 29.
Dans les situations où des rappels ne peuvent pas être intégrés à la tâche d'entretien, les rappels externes constituent la mesure la plus simple pour assurer que les étapes cruciales sont bien effectuées. Pour qu'ils soient efficaces, ces rappels doivent se manifester au bon moment et être contraignants (empêcher une personne d'accomplir la tâche avant d'avoir effectué une vérification formelle). Pour incorporer ses caractéristiques à un rappel, on utilise souvent des listes de vérification ou des aide-mémoire pour les tâches d'entretien courantes et des vérifications indépendantes pour les activités d'entretien critiques préalables à la remise en service d'équipement.
1.16 Perfectionnement des employés du Service d'ingénierie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Les employés syndiqués du Service d'ingénierie étaient initialement engagés comme agents d'entretien de la voie. La formation des agents d'entretien de la voie consistait en un cours de 3 semaines au centre de formation du CN à Winnipeg. On donnait un cours de base sur le travail au CN pendant la première semaine, on consacrait la deuxième semaine aux tâches des agents d'entretien de la voie et on réservait la troisième semaine au REFC.
Pour participer à la formation sur le REFC, les candidats devaient réussir un examen sur l'entretien de la voie à la fin de la deuxième semaine. À cette étape de la formation, très peu de candidats échouaient à cet examen. On soumettait les candidats à un examen sur le règlement à la fin de la troisième semaine. Environ 75 % des candidats réussissaient cet examen à leur première tentative. Les candidats qui échouaient devaient passer l'examen à nouveau après 90 jours d'expérience pratique. Le taux de réussite de cette deuxième tentative se chiffrait à 95 %.
Une fois qu'ils étaient qualifiés comme agents d'entretien de la voie, les employés pouvaient postuler des postes de contremaîtres de la voie (CV). Les CV devaient suivre une formation de 10 jours comprenant un certain nombre de cours obligatoires, dont un sur les directives de contrôle de la voie, un sur les LRS et un sur l'utilisation de grues. Les CV devaient renouveler leur qualification sur les directives de contrôle de la voie et les LRS tous les 3 ans. Le CN assurait le suivi de ce renouvellement à l'aide de son système de gestion de la formation.
1.17 Service de l'ingénierie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada dans la subdivision de Ruel
La subdivision de Ruel du CN s'étend d'est en ouest sur une distance de 296,2 milles, entre Capreol (point milliaire 0,0) et Hornepayne (point milliaire 296,2). Pour faciliter les activités d'inspection et d'entretien de la voie, cette subdivision est divisée en 2 parties : la partie est (des point milliaire 0,0 à 183,2) et la partie ouest (des point milliaire 183,2 à 296,2).
Dans la partie est de la subdivision de Ruel, un SV et 2 SAV étaient responsables de toutes les activités d'entretien, y compris la supervision du personnel de maintenance technique. Un SAV était responsable des quelque 87 milles à l'extrémité est de la partie est, et l'autre des quelque 97 milles à l'extrémité ouest de la partie est. L'été, l'équipe d'entretien de la voie comprenait de 18 à 24 employés permanents. Environ 34 employés temporaires s'ajoutaient à cette équipe pendant l'hiver.
Le SV relevait du DPI de la zone du nord de l'Ontario. Le DPI était l'un des 4 DPI du CN en Ontario et était responsable d'un territoire comprenant des parties des subdivisions de Bala, Caramat et Newmarket, et l'ensemble des subdivisions de Ruel et Soo. Il relevait d'un des 2 ingénieurs adjoints en chef de la région de l'est du CN qui relevaient du directeur de l'Ingénierie, Région de l'est.
1.18 Défis liés à l'entretien de la voie dans la subdivision de Ruel
Selon le CN, la vélocité des trainsNote de bas de page 30 est un élément qui peut avoir des répercussions considérables sur l'utilisation des actifs et le contrôle des coûts, lesquels constituent 2 des 5 piliers de la stratégie commerciale du CNNote de bas de page 31. Le personnel du Service de l'ingénierie comprenait l'urgence d'assurer une circulation aussi rapide et sécuritaire que possible des trains.
Les retards de trains qui réduisent la vélocité peuvent produire des contraintes interfonctionnelles au sein de l'entreprise. Ces contraintes peuvent parfois créer des conflits entre les décisions prises à propos de l'entretien de la voie et l'exploitation des trains. Comme il est très important de ne pas retarder les trains, le personnel d'entretien peut avoir de la difficulté à obtenir des périodes d'occupation de la voie nécessaires aux contrôles, à l'entretien et aux réparations de la voie, particulièrement en région éloignée où l'accès routier est limité.
1.19 Surveillance réglementaire
TC promeut des systèmes de transport sûrs et sécuritaires dans les modes de transport aéronautique, maritime, ferroviaire et routier, ainsi que le transport sûr de MD. Pour ce faire, TC élabore des règlements et des normes de sécurité; dans le cas des chemins de fer, il encadre l'élaboration de règlements au sein de l'industrie ferroviaire. Une fois que les règlements sont approuvés, TC doit les mettre en application et veiller à leur respect à l'aide d'un certain nombre de programmes d'inspections. Les inspections de la voie sont fondées sur le risque. TC gère également un programme national d'inspections dans le cadre duquel, chaque année, il sélectionne au hasard des segments de voie à inspecter. Les corridors de transport principaux reçoivent généralement plus d'attention que les voies principales secondaires.
La sécurité ferroviaire est régie par la Loi sur la sécurité ferroviaire, dont les objectifs sont les suivants :
- pourvoir à la sécurité et à la sûreté du public et du personnel dans le cadre de l'exploitation ferroviaire et à la protection des biens et de l'environnement, et en faire la promotion;
- encourager la collaboration et la participation des parties intéressées à l'amélioration de la sécurité et de la sûreté ferroviaires;
- reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d'établir, par leurs systèmes de gestion de la sécurité et autres moyens à leur disposition, qu'elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité;
- favoriser la mise en place d'outils de réglementation modernes, flexibles et efficaces dans le but d'assurer l'amélioration continue de la sécurité et de la sûreté ferroviairesNote de bas de page 32.
TC a aussi élaboré le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire qui exige des compagnies ferroviaires qu'elles gèrent leurs risques de sécurité.
1.20 Inspections réglementaires de la voie de Transports Canada
Les inspecteurs en ingénierie ferroviaire de TC effectuent des contrôles de l'infrastructure ferroviaire, et ce, partout au Canada. Les subdivisions ferroviaires ne font pas nécessairement l'objet d'inspections périodiques de TC. TC utilise plutôt une approche fondée sur le risque et tient compte de différents facteurs pour définir les subdivisions ou les parties de subdivisions qui doivent faire l'objet d'inspections ciblées. TC établit la priorité des inspections en tenant compte de différents facteurs opérationnels, dont les défauts de rail ou de géométrie de la voie, les trains de voyageurs et leurs vitesses d'exploitation rapides, et le tonnage. Les états émergents de la voie, comme les écrasements des abouts de rail et les affaissements localisés de la surface de roulement, ne sont pas considérés comme étant des défauts en vertu du RSV, et l'approche fondée sur le risque n'en tient pas compte.
Le programme d'inspection de TC comprend 3 composants :
- Inspections de volet A : L'administration centrale de TC élabore un plan national d'inspection pour l'année suivante à l'aide d'un modèle statistique, détermine le nombre d'inspections et cible les chemins de fer à inspecter.
- Inspections de volet B : Les bureaux régionaux de TC se concentrent sur des questions récurrentes précises devant faire l'objet d'une surveillance plus rigoureuse et déterminent les chemins de fer devant faire l'objet d'inspections à l'aide de la planification des activités axée sur les risques.
- Inspections de volet C : TC a recours à ces inspections ponctuelles pour réagir aux nouveaux problèmes qui se présentent en cours d'année, dont les déraillements et les inspections ad hoc.
À partir du plan national d'inspection, chaque bureau régional élabore un plan opérationnel pour orienter le choix de ses inspecteurs de la sécurité ferroviaire sur les compagnies ferroviaires, les emplacements de l'infrastructure, les segments de subdivision, et les employés affectés à l'exploitation et à l'entretien devant être inspectés. Dans la région de l'Ontario de TC, chaque groupe fonctionnel effectue une évaluation du risque pour classer les subdivisions, les gares de triage et les installations d'entretien en fonction du risque. Des facteurs comme les antécédents en matière d'accidents, la conformité aux normes et aux règlements, les changements récents au niveau de l'exploitation, la quantité et le type de circulation, les heures de travail, le type de travaux effectués, les inspections antérieures de TC et du chemin de fer et l'historique d'entretien sont pris en compte. TC peut tenir compte de l'augmentation considérable du trafic ferroviaire global ou du transport de MD, mais ces facteurs ne sont pas nécessairement décisifs dans le choix des subdivisions qui seront inspectées. Comme les affaissements localisés de la surface de roulement sont considérés comme un état (et non un défaut) dans le RSV, toute augmentation du nombre d'affaissements localisés de la surface de roulement ne fait pas nécessairement l'objet d'une vérification, et ce, même s'il s'agit d'un important indicateur de la dégradation de l'état de la voie. À partir de l'évaluation du risque, on établit la priorité des inspections pour que les emplacements ou les activités ferroviaires présentant les risques les plus élevés fassent rapidement l'objet d'une inspection.
Le tableau 4 présente un résumé des inspections de la voie effectuées par TC dans la subdivision de Ruel depuis 2005.
Année | Début (point milliaire) | Fin (point milliaire) |
---|---|---|
2005 | 148,3 | 223,5 |
2006 | 87 | 183 |
2007 | 0 | 86,7 |
2008 | 0 | 87 |
2010 | 87 | 127 |
2012 | 86 | 296 |
2013 | – | – |
2014 | – | – |
2015 (jusqu'en février 2015) | – | – |
Entre 2013 et la date de l'événement à l'étude, TC n'a pas inspecté la voie de la subdivision de Ruel puisqu'il semblait y avoir une diminution au chapitre des défauts de géométrie. Après l'accident (c'est-à-dire entre le 15 et le 19 mars 2015), TC a inspecté l'ensemble de la subdivision de Ruel. Il a constaté 67 défauts non conformes nécessitant des mesures correctives et a rapporté 59 autres préoccupations et observations. Ces défauts avaient sans doute progressé depuis la dernière inspection réglementaire de TC (en 2012) et étaient présents avant l'accident, mais la compagnie ferroviaire ne les avait pas détectés malgré ses inspections périodiques.
1.21 Autres enquêtes du BST mettant en cause des inspections réglementaires
Depuis mai 2014, le BST a effectué 5 autres enquêtes sur des événements où des inspections par les compagnies ferroviaires ou TC n'ont pas permis de constater une dégradation de l'infrastructure ferroviaire, laquelle a progressé pour finalement causer un déraillement (annexe A). Dans 3 de ces 5 événements, des défaillances aux joints de rail ou des ruptures de rails sont survenues tout près d'états de surface de roulement de rail préexistants, comme des affaissements localisés de la surface de roulement ou des écrasements des abouts de rails qui, quoique non critiques, faisaient l'objet d'une surveillance à ce moment.
1.22 Enquête sur les questions de sécurité du Bureau de la sécurité des transports du Canada
En réponse à une série de déraillements dans des voies principales secondaires mettant en cause des rails brisés et survenus à l'hiver 2003-2004, le BST a effectué une enquête sur des problèmes de sécuritéNote de bas de page 33. Cette étude a permis d'établir une relation étroite entre les défauts de rail et le trafic de trains-blocs, et de constater que l'on n'avait pas assuré un suivi de l'effet de l'augmentation du trafic de trains-blocs par un entretien régulier. Ces mêmes circonstances peuvent s'appliquer aux voies principales. Cette étude a également permis de déterminer ce qui suit :
- Les compagnies ferroviaires savent que l'augmentation du volume de transport ferroviaire de trains-blocs accélère la dégradation de la voie. Toutefois, ils ne réalisent pas toujours d'équilibre approprié entre la dégradation accélérée de la voie et l'entretien/le remplacement opportuns de l'infrastructure.
- En soi, la conformité au RSV n'a pas suffi à assurer la sécurité, car le règlement ne comprend pas de moyens d'anticiper l'évolution des conditions, dont l'augmentation à long terme du trafic.
- Il faut établir des processus plus préventifs pour anticiper les conditions opérationnelles pouvant réduire les marges de sécurité à l'aide de systèmes de gestion de la sécurité (SGS).
1.23 Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
Un SGS est un « processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécurité »Note de bas de page 34. Il s'agit d'un moyen de s'assurer qu'un chemin de fer met en place les processus nécessaires pour cerner les dangers liés à leurs activités et définir des mesures d'atténuation des risques. Un SGS est fondé sur des concepts de sécurité en constante évolution qui semblent les plus susceptibles de faire croître l'efficacité de la gestion des risques. On a progressivement mis en œuvre des SGS au sein de l'industrie des transports du Canada. Ils servent à s'assurer que les entreprises mettent sur pied des processus systématiques de gestion des risques. L'on juge que cette approche de surveillance réglementaire, combinée à des inspections et à des mesures d'application de la loi, réduit considérablement les taux d'accident.
À l'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (2001) de TC, qui était en vigueur au moment de l'événement à l'étudeNote de bas de page 35, on retrouve ce qui suit :
- Toute compagnie de chemin de fer doit mettre en œuvre et conserver un système de gestion de la sécurité qui comporte au moins les composantes suivantes :
- la politique de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité ainsi que ses objectifs annuels de rendement en matière de sécurité et les initiatives connexes liées à la sécurité pour les atteindre, approuvés par un dirigeant supérieur de la compagnie et communiqués aux employés;
- les responsabilités, pouvoirs et obligations de rendre compte en matière de sécurité, exprimés clairement, à tous les paliers de la compagnie de chemin de fer;
- un système visant la participation des employés et de leurs représentants dans l'élaboration et la mise en œuvre du système de gestion de la sécurité de la compagnie de chemin de fer;
- des mécanismes visant à déterminer :
- d'une part, les règlements, règles, normes et ordres applicables en matière de sécurité ferroviaire et les procédures pour en démontrer le respect,
- d'autre part, les exemptions qui sont applicables et les procédures pour démontrer le respect, le cas échéant, des conditions fixées dans l'avis d'exemption;
- un processus qui a pour objet :
- d'une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux opérations ferroviaires,
- d'autre part, d'évaluer et de classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
- des stratégies de contrôle du risque;
- des mécanismes visant la déclaration des accidents et incidents, les analyses et les enquêtes s'y rapportant, et les mesures correctives;
- des méthodes pour faire en sorte que les employés et toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès aux biens de celle-ci disposent des compétences et de la formation appropriées et d'une supervision suffisante afin qu'ils puissent respecter toutes les exigences de sécurité;
- des procédures visant la collecte et l'analyse de données aux fins d'évaluation du rendement de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité;
- des procédures visant les vérifications internes périodiques de la sécurité, les examens effectués par la gestion, la surveillance et les évaluations du système de gestion de la sécurité;
- des mécanismes de surveillance des mesures correctives approuvées par la gestion découlant des systèmes et processus exigés en application des alinéas d) à j);
- de la documentation de synthèse qui décrit les systèmes pour chacune des composantes du système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 36.
En vertu du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, les chemins de fer doivent également :
- tenir des dossiers facilitant l'évaluation du rendement en matière de sécurité (paragr. 3[1]);
- envoyer des documents et des dossiers au ministre prouvant que le chemin de fer se conforme à la réglementation (paragr. 4[1]);
- fournir, sur demande, de la documentation sur la gestion de la sécurité (article 6).
1.24 Système de gestion de la sécurité de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Conformément au Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, le CN avait élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé. Depuis 2008, le CN apporte chaque année des améliorations à son SGS, et a intégré celui-ci à la majorité de ses activités. Dans ce SGS, on décrivait des initiatives d'entreprise satisfaisant aux exigences de l'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire .
En ce qui concerne le paragraphe 2(e) du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (qui était en vigueur au moment de l'événement), le CN avait mis en œuvre les systèmes nécessaires pour :
- déterminer les enjeux et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux activités ferroviaires;
- évaluer et classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
- définir et mettre sur pied des stratégies de contrôle du risque.
Les mesures concrètes à prendre comprenaient les suivantes :
- Le signalement des enjeux et des préoccupations en matière de sécurité à la direction du CN par l'intermédiaire de formulaires de signalement de dangers, de comités de santé et sécurité, de l'Ombudsman du CN, de la ligne PREVENT du CN (en collaboration avec la Saint Mary's University à Halifax, en Nouvelle-Écosse), de vérifications et d'analyses de tendances.
- L'utilisation du processus formel d'évaluation des risques du CN pour évaluer et classer les risques, y compris les risques liés aux modifications d'importance apportées à l'exploitation ferroviaire (comme l'ouverture de nouvelles gares de triage et installations, l'acquisition d'autres chemins de fer), la mise en œuvre de nouvelles technologies, les modifications d'importance apportées aux activités (volumes ou produit) et les changements d'équipement de protection individuel.
- La réalisation d'évaluations des risques dans des corridors spéciaux pour évaluer et réduire les risques aux endroits densément peuplés, près des cours d'eau, et à d'autres endroits présentant certaines caractéristiques environnementales ou topographiques.
- La distribution de formation aux employés effectuant des évaluations des risques.
Lorsque des facteurs humains contribuaient à un accident, le CN effectuait une enquête plus approfondie avant de mettre en œuvre des mesures correctives, et ce, en tenant compte des facteurs suivants :
- A-t-on planifié, organisé et supervisé les travaux adéquatement?
- L'employé avait-il reçu la formation requise et utilisait-il l'équipement nécessaire?
- L'employé avait-il eu l'occasion de se reposer adéquatement?
- A-t-on bien compris la règle ou la procédure de travailNote de bas de page 37Note de bas de page 38?
Bien qu'un processus formel d'évaluation des risques fût en place, le CN a considéré l'augmentation du volume de pétrole brut dans la subdivision de Ruel en 2014 comme étant un paramètre d'exploitation normal. Cette augmentation du volume n'a pas incité le CN à effectuer une nouvelle évaluation des risques ou à revoir une évaluation.
1.25 Culture de sécurité
Une culture de sécurité est [traduction] « l'interaction de valeurs partagées (ce qui est important) et de principes (déroulement des activités) avec les structures et les systèmes de contrôle d'un organisme qui aboutit à l'établissement de normes comportementales »Note de bas de page 39. Une culture de sécurité est essentielle à la gestion bien organisée de la sécurité, car les processus de gestion de la sécurité sont inefficaces lorsque la culture n'encourage pas l'échange proactif de renseignements sur la sécurité. Lorsque la gestion organisée de la sécurité est appuyée par une culture de sécurité, on cherche activement à obtenir des renseignements sur la sécurité. Les employés sont formés pour repérer les dangers, et récompensés lorsqu'ils communiquent des préoccupations liées à la sécurité. Au sein d'une telle culture, les échecs sont des occasions d'apprentissage et les nouvelles idées sont toujours bienvenuesNote de bas de page 40. Une culture de sécurité solide est essentielle aux processus d'un SGS soutenant le développement d'un organisme robuste.
Dans son document sur les SGS intitulé Systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire – Guide : Guide de mise en place et d'amélioration des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire, TC indique ce qui suit :
Dans une compagnie ferroviaire, une [solide culture de sécurité] peut réduire le nombre de morts et de blessés parmi les employés et le public, les dommages causés aux biens matériels par les accidents ferroviaires, ainsi que l'impact d'accidents sur l'environnement.
En termes simples, la culture de sécurité d'une organisation se manifeste par la façon dont les gens font leur travail – leurs décisions, leurs actions et leurs comportements définissent cette culture.
La culture de sécurité d'une organisation est le produit des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des modes de comportement individuels et collectifs qui déterminent l'engagement envers le système de gestion de la santé et de la sécurité de l'organisation, ainsi que le style et la compétence de l'organisation en cette matière.
Les organisations qui ont adopté une culture de sécurité positive se caractérisent par des communications des divers intervenants fondées sur une confiance mutuelle, des perceptions partagées de l'importance de la sécurité et une confiance dans l'efficacité des mesures de prévention Note de bas de page 41.
Les principes, attitudes et comportements de la direction d'une entreprise reflètent en partie la relation entre la culture de sécurité et la gestion de la sécurité.
Une solide culture de sécurité comprend des mesures proactives pour cerner et gérer les risques opérationnels. Elle se caractérise par une culture éclairée, par laquelle « les gens connaissent les dangers et les risques inhérents à leur activité » et par laquelle « le personnel est toujours conscient de la possibilité d'une défaillance et s'efforce constamment de relever les dangers opérationnels et d'y remédier »; par une culture juste, par laquelle « l'effectif de travail sait ce qui constitue un comportement acceptable et inacceptable et en convient »; par une culture déclarante, par laquelle « aussitôt qu'une préoccupation est exprimée, on ouvre une enquête et l'on prend les mesures qui s'imposent »; et finalement, par une culture de formation, par laquelle la sécurité est enrichie par les leçons apprisesNote de bas de page 42.
Les politiques d'une compagnie déterminent comment elle atteindra ses objectifs de sécurité comme suit : en définissant clairement les responsabilités; en développant des processus, des structures et des objectifs pour incorporer la sécurité dans toutes les facettes de ses activités; et en perfectionnant les compétences et les connaissances de son personnel. Les procédures sont des directives destinées aux employés; elles communiquent les instructions de la direction. Les pratiques correspondent à ce qui se passe réellement au travail : elles peuvent s'écarter des procédures et, dans certains cas, accroître les risques pour la sécurité.
1.26 Culture de sécurité à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Lorsqu'il a mis en œuvre son SGS, le CN a reconnu l'importance d'établir une solide culture de sécurité, la considérant comme étant une composante essentielle à tout SGS. Pour renforcer sa culture de sécurité, le CN a investi dans la formation, l'encadrement, la reconnaissance et la participation des employés.
En octobre 2014, le CN a agi en qualité d'hôte conjoint d'un colloque sur la culture de sécurité à Halifax (Nouvelle-Écosse) au cours duquel on a discuté de culture de sécurité et échangé des renseignements à ce sujet. Le CN a également tenu un certain nombre de sommets sur la sécurité dans ses différentes régions pour faire la promotion des communications bidirectionnelles et de pratiques exemplaires en sécurité.
En 2014, le CN a notamment conçu et mis en œuvre Veiller les uns sur les autres, une initiative qui fait maintenant partie intégrante de sa culture de sécurité. « La stratégie d'engagement entre pairs [...] vise les objectifs suivants :
- sensibiliser les membres du personnel aux principales causes d'incidents et de blessures;
- déterminer et passer en revue les méthodes de travail sécuritaires [...];
- former les membres du personnel de sorte qu'ils soient attentifs à ce qui se passe autour d'eux et reconnaissent les types de comportements ou de situations présentant un risque sur le terrain;
- apprendre aux membres du personnel à fournir de la rétroaction constructive à leurs collègues;
- tirer des leçons des incidents passés pour éviter qu'ils se reproduisent et veiller les uns sur les autres pour assurer la sécurité de tous »Note de bas de page 43.
1.27 Résilience : enveloppe d'exploitation sécuritaire et imagination nécessaire
On définit généralement la résilience comme la « capacité à vivre, à se développer, en surmontant les chocs traumatiques, l'adversité »Note de bas de page 44. Lorsqu'on l'applique à un organisme ou à un système, le concept de résilience est défini de la manière suivante [traduction] : « un système résilient peut s'ajuster rapidement pour reprendre le fonctionnement normal qu'il avait avant, pendant et après un changement, un imprévu important ou une perturbation, et en dépit de pressions constantes »Note de bas de page 45.
On a défini les 4 pierres angulaires que partagent tous les organismes résilients. Une entreprise qui possède une bonne capacité d'ajustement et d'adaptation sait réagir aux événements, surveiller les indicateurs clés de changement, anticiper les défis à long terme et tirer parti de son expérience. Une fois qu'il a établi ces pierres angulaires, un organisme résilient :
- sait quoi faire (comment réagir aux événements ordinaires);
- sait quoi surveiller (comment surveiller les problèmes potentiels);
- sait à quoi s'attendre (anticiper les dangers potentiels);
- sait ce qui s'est passé (disposer des bons indicateurs pour apprendre de son expérience)Note de bas de page 46.
Ces habiletés aident les organismes à établir un équilibre entre les pressions potentiellement concurrentes exercées par la sécurité, l'efficacité et la charge de travail et qui existent au sein de leur environnement opérationnel.
Un organisme qui surveille, anticipe et apprend efficacement à l'aide de processus de gestion préventive de la sécurité et d'indicateurs de sécurité éprouvés peut réagir aux pressions concurrentes et maintenir un niveau de risque acceptable. Si un organisme est mal équipé pour détecter les changements mineurs à son environnement opérationnel et en comprendre les répercussions, les risques augmentent jusqu'à ce que des indicateurs tardifs, comme des accidents ou des incidents graves, indiquent clairement que le système est déséquilibré.
L'un des défis constitue le fait que les provisions, les procédures et les pratiques de sécurité qui aident à maintenir une marge de sécurité acceptable peuvent faire l'objet de pressions en raison des priorités concurrentes dont le but est d'augmenter l'efficacité. Si l'on fait l'erreur de considérer les provisions de sécurité comme des inefficacités, cela peut nuire à l'atteinte des objectifs en sécuritéNote de bas de page 47. L'équilibre entre des demandes concurrentes est un défi, à tous les niveaux d'un organisme, car les enjeux de sécurité peuvent se manifester progressivement et il peut être difficile de les détecter. On utilise le terme « imagination nécessaire » pour parler de la capacité des personnes à saisir l'importance des renseignements et des événements et à anticiper leurs répercussions sur la sécurité.
Pour développer une imagination nécessaire, les personnes d'un organisme doivent :
- posséder de vastes connaissances leur permettant d'anticiper et de juger les anomalies;
- avoir la volonté de réfléchir de manière critique au fonctionnement du système;
- participer à des formations pragmatiques pour perfectionner leurs habiletés;
- avoir suffisamment de ressources en elles pour réagir aux événements;
- assurer une circulation fluide des renseignements dans tout l'organismeNote de bas de page 48.
Un SGS exhaustif aide un organisme à développer l'imagination nécessaire en ayant des processus appuyant les 4 pierres angulaires de la résilience, dont :
- des procédures bien conçues pour les situations normales et anormales (réaction);
- des rapports de sécurité et des analyses des tendances (surveillance);
- des procédures pour cerner et évaluer les risques (anticipation);
- des procédures d'enquêtes sur des incidents (apprentissage).
[traduction] « La gestion préventive de la sécurité permet aux organismes de remarquer les signes de changement ou d'augmentation des risques, et ce, malgré les succès passés et l'augmentation des contraintes de rendement à court termeNote de bas de page 49. » Pour tirer profit des avantages de l'imagination nécessaire, il est essentiel d'avoir une solide culture de sécurité. La culture de sécurité d'un organisme contribue largement à la définition du type et de la quantité des renseignements qu'il utilise dans le cadre de ses processus de gestion de la sécurité, et à la méthode de collecte et de traitement de ces renseignements.
1.28 Accidents graves mettant en cause les rejets des wagons-citernes de catégorie 111
Un certain nombre d'événements sont survenus au Canada et aux États-Unis au cours desquels des wagons-citernes de catégorie 111 ont rejeté du produit à la suite d'une collision, d'un choc et/ou d'un incendie (annexe B). Ces événements mettent en lumière la vulnérabilité des wagons-citernes de cette catégorie aux dommages et au rejet de produit lors d'un accident. En juin 2015, environ 270 000 wagons-citernes de catégorie 111 étaient en service en Amérique du Nord, dont environ 141 000 pour le transport de MD.
1.29 Accident à Lac-Mégantic
Le 5 juillet 2013, vers 22 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises MMA-02 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), est arrêté à Nantes (Québec) au point milliaire 7,40 de la subdivision de Sherbrooke, point de relève désigné des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, de 1 wagon VB (fourgon de queue spécial), de 1 wagon-couvert et de 72 wagons-citernes de catégorie 111 transportant des liquides inflammables (pétrole brut, UN 1267, classe 3), a été immobilisé dans une pente sur la voie principale et laissé sans surveillance.
Peu avant 1 h, le 6 juillet 2013, le train sans surveillance s'est mis en mouvement et a gagné de la vitesse en dérivant dans la pente en direction de la ville de Lac-Mégantic (Québec). Le train avait atteint une vitesse de 65 mi/h lorsque 63 wagons-citernes et le wagon couvert ont déraillé près du centre de la ville. Les wagons qui ont déraillé ont rejeté quelque 5,98 millions de litres de produit, lequel s'est enflammé presque tout de suite et provoqué un grand feu en nappe qui a brûlé durant plus d'une journée. Quarante-sept personnes ont perdu la vie.
De nombreux bâtiments et véhicules ont été détruits, de même que la voie ferrée. On a évacué quelque 2000 personnes de la zone environnante.
Dans le cadre de son enquête sur l'accident à Lac-MéganticNote de bas de page 50, le BST a souligné les vulnérabilités des wagons-citernes de catégorie 111 et a fait les recommandations suivantes :
Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.
Recommandation R14-01 du BST
1.30 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 du BST (février 2017)
En février 2017, TC a fourni une réponse mise à jour à la recommandation R14-01. TC a indiqué ce qui suit :
Le nouveau règlement TC-117 établissait les exigences pour une nouvelle norme (TC-117) sur les wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables, sur le rattrapage des wagons-citernes plus anciens en service de transport de tels liquides et sur un calendrier de mise en œuvre pour la modernisation du parc nord-américain de wagons-citernes. Les normes et les calendriers s'harmonisaient généralement avec celles et ceux des organismes de réglementation des États-Unis (PHMSA et FRA).
Le 13 juillet 2016, le ministre des Transports, conformément à la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, a émis l'ordre 38 qui accélère davantage l'élimination progressive des wagons-citernes DOT-111 existants (avec chemise et sans chemise) pour le transport de pétrole brut au Canada à compter du 1er novembre 2016.
En octobre 2016, on a tenu une séance de planification pour évaluer la faisabilité d'accélérer davantage le retrait prescrit des wagons-citernes en cause. Les responsables du transport des marchandises dangereuses cherchaient à élargir le champ d'action du ministère relativement à l'élimination progressive des wagons-citernes DOT-111 et CPC-1232. Cette étude de faisabilité comprendra l'analyse de l'état du secteur des wagons-citernes, l'évaluation du parc de wagons-citernes afin d'établir s'il existe un nombre suffisant de wagons-citernes pour répondre à la demande de transport ferroviaire de liquides inflammables, l'examen des mesures à prendre pour accélérer, si possible, le retrait progressif des types de wagons visés et la préparation d'une étude d'impact. Ces travaux se solderont par des recommandations sur la pertinence d'écourter le calendrier de retrait des wagons-citernes, qui s'étend de 2015 à 2025. L'étude de faisabilité devrait être terminée vers la fin de 2017.
Transports Canada continue de surveiller étroitement la construction des nouveaux wagons-citernes TC-117 et la modification en rattrapage des wagons-citernes plus anciens de liquides inflammables. Transports Canada continue aussi d'étudier la possibilité d'accélérer davantage le retrait prescrit des wagons-citernes en cause. Il collaborera en outre avec le ministère des Transports (DOT) des É.-U. et le secteur afin de surveiller le parc de wagons-citernes servant au transport de liquides inflammables.
1.31 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 (mars 2017)
En mars 2017, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-01 et a indiqué ce qui suit :
Cette recommandation est liée à l'enjeu « Transport de liquides inflammables par rail » de la Liste de surveillance du BST qui a été mise à jour en 2016. Le transport par rail de liquides inflammables, comme le pétrole brut, à la grandeur de l'Amérique du Nord, a fait apparaître des risques importants qu'il convient d'atténuer par des mesures efficaces. La recommandation R14-01 vise en propre les wagons-citernes de catégorie 111, nouveaux et existants, utilisés pour le transport de liquides inflammables.
Les nouveaux règlements de Transports Canada sur la modernisation du parc de wagons-citernes nord-américain ont permis l'adoption d'une norme relative aux wagons-citernes neufs (TC-117), qui comporte aussi des exigences sur le rattrapage des wagons-citernes plus anciens servant au transport de liquides inflammables ainsi que les calendriers de mise en œuvre. Les normes et les calendriers s'harmonisaient généralement avec celles et ceux des organismes de réglementation des États-Unis (PHMSA et FRA).
En juillet 2016, TC a publié l'ordre 38 qui accélère, depuis le 1er novembre 2016, l'élimination des anciens wagons-citernes DOT-111 servant à transporter du pétrole brut au Canada. En octobre 2016, on a tenu une séance de planification pour évaluer la faisabilité d'accélérer davantage l'élimination progressive prescrite des wagons-citernes DOT-111 et CPC-1232. Cette étude de faisabilité devrait être terminée vers la fin de 2017.
Le Bureau note que Transports Canada continue de surveiller étroitement la construction des nouveaux wagons-citernes TC-117 et la modification en rattrapage des wagons-citernes plus anciens de liquides inflammables. Même si aucun règlement n'exige que le secteur fournisse des données détaillées sur les progrès des travaux de rattrapage, TC collabore avec le DOT américain et le secteur pour surveiller l'état du parc de wagons-citernes servant au transport de liquides inflammables.
Le Bureau juge encourageants les progrès réalisés à ce jour quant au retrait des anciens wagons-citernes servant au transport de liquides inflammables et est impatient de connaître l'état du parc de wagons dans la foulée de la collaboration de TC avec le DOT américain et le secteur. Toutefois, le risque demeurera tant que des liquides inflammables ne seront pas transportés dans des wagons-citernes de construction suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique. En conséquence, le Bureau demande encore à Transports Canada de s'assurer que les mesures de gestion des risques sont gérées de façon efficace durant la période de transition et de retrait progressif.
Le Bureau estime que la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 dénote une intention satisfaisante.
1.32 Circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads et recommandation R14-02 du BST
En janvier 1990, par suite de recommandations formulées par l'Inter-Industry Task Force on the Safe Transportation of Hazardous Materials by Rail, l'AAR a publié la circulaire OT-55, intitulée Recommended Railroad Operating Practices for Transportation of Hazardous Materials . Cette circulaire donnait au secteur ferroviaire des consignes sur le choix des itinéraires pour le transport de certaines marchandises dangereuses (MD), tels les produits toxiques par inhalation (PIH/TIH). On a ajouté les matières radioactives à la circulaire OT-55 en août 2001. En outre, la circulaire OT-55 précisait des exigences techniques et de manutention pour les trains clés et les itinéraires clés.
Après l'accident à Lac-Mégantic, la définition de « train clé » a été élargieNote de bas de page 51 à l'intérieur de la circulaire OT-55-N pour désigner tout train constitué d'un wagon ou de plus d'un wagon de produits TIH, d'ammoniac anhydre, d'ammoniac en solution, de combustible nucléaire usé ou de déchets hautement radioactifs, ou de 20 wagons complets ou citernes intermodales portables complètes de toute combinaison d'autres matières dangereuses.
Même si la circulaire OT-55-N ne s'applique pas au Canada, le CN y a puisé des mesures pour les incorporer à ses activités canadiennes en août 2013. Dans le cadre d'une d'initiative de la compagnie, le CN a procédé à des évaluations du risque pour les subdivisions à l'intérieur de corridors désignés comme itinéraires clés.
Dans le contexte de l'enquête sur l'accident à Lac-Mégantic, le BST a indiqué qu'une approche similaire, basée sur la circulaire OT-55-N, assortie de l'obligation de procéder à la planification et à l'analyse de l'itinéraire, serait un pas dans la bonne direction en vue d'améliorer la sécurité du transport de MD par train, pour tous les chemins de fer au Canada. Le 23 janvier 2014, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports établisse des critères rigoureux pour l'exploitation des trains qui transportent des marchandises dangereuses et exige que les compagnies ferroviaires procèdent à la planification ainsi qu'à l'analyse des itinéraires et effectuent des évaluations périodiques des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces.
Recommandation R14-02 du BST
1.33 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 du BST (mars 2017)
En mars 2017, TC a fourni une réponse mise à jour à la recommandation R14-02 et a indiqué ce qui suit :
Transports Canada a adopté de nombreuses mesures pour améliorer la sécurité ferroviaire, entre autres des règles plus rigoureuses concernant les systèmes de gestion de la sécurité de la compagnie de chemin de fer, un règlement qui prévoit des amendes pour toute infraction à la Loi sur la sécurité ferroviaire et un nouveau régime de responsabilité et d'indemnisation des chemins de fer sous réglementation fédérale.
En avril 2014, Transports Canada a déposé une injonction ministérielle en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, selon laquelle les compagnies de chemin de fer transportant des marchandises dangereuses devaient mettre en œuvre des pratiques opérationnelles clés minimales, y compris des limitations de vitesse pour les trains transportant des marchandises dangereuses et des évaluations des risques pour les itinéraires de transport ferroviaire.
En février 2016, Transports Canada a approuvé le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, règlement permanent sur le transport ferroviaire sécuritaire de marchandises dangereuses. D'après ce règlement, les compagnies de chemin de fer qui exploitent des trains clés doivent limiter la vitesse de ces trains à 50 mi/h, et limiter encore à 40 mi/h la vitesse maximale de ces trains lorsqu'ils traversent des zones densément peuplées.
Dans le cas des compagnies qui exploitent des itinéraires clés, ce règlement renforce les exigences d'inspection de la voie et exige l'utilisation d'appareils de détection des défauts. Le règlement exige également que des évaluations plus rigoureuses des risques soient effectuées dans les itinéraires clés, au minimum tous les trois ans. Ces évaluations doivent tenir compte d'au moins 28 facteurs comme le volume et le type de marchandises dangereuses transportées, la densité de population le long de l'itinéraire, et la capacité d'intervention d'urgence sur cet itinéraire.
Les déclarations volontaires par les compagnies de chemin de fer ont montré que des itinéraires clés composent 95 % ou plus des réseaux principaux des compagnies de chemin de fer de classe 1 (Canadien National et Canadien Pacifique). Dans le cadre de leur évaluation des risques dans les itinéraires clés, les compagnies de chemin de fer doivent indiquer, évaluer et comparer des itinéraires de rechange que les compagnies sont autorisées à emprunter. De plus, ce règlement exige que les évaluations des risques des compagnies soient effectuées en collaboration avec les municipalités et autres gouvernements locaux.
Les activités de surveillance de Transports Canada comprennent le contrôle de la sécurité des activités des compagnies de chemin de fer et la conformité de celles-ci aux règles, à la réglementation et aux normes au moyen d'audits et d'inspections, ainsi que la prise de mesures adéquates d'application de la loi, s'il y a lieu. La surveillance des nouveaux règlements fait partie du plan de surveillance et demeure une priorité.
Les exigences de ce règlement relatives à l'évaluation des risques sont complémentaires au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) qui est entré en vigueur le 1er avril 2015. D'après le Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer doivent faire une évaluation des risques lorsqu'elles apportent à leur exploitation des modifications qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel, ou sur la protection des biens ou de l'environnement. Les cas suivants sont considérés comme des circonstances qui exigent une évaluation des risques en vertu du Règlement sur les SGS : commencer à transporter des marchandises dangereuses, transporter des marchandises dangereuses autres que celles qu'une compagnie transporte déjà, accroître le volume de marchandises dangereuses transportées, ou changer d'itinéraire servant à transporter des marchandises dangereuses. Le processus d'évaluation des risques doit décrire ces risques, indiquer les mesures correctives et évaluer l'efficacité de celles-ci.
Les inspecteurs de Transports Canada peuvent utiliser divers outils en cas de non-conformité. Le 1er avril 2015, un nouveau Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires est entré en vigueur dans le cadre de la Loi sur la sécurité ferroviaire . Depuis, Transports Canada a imposé des sanctions administratives pécuniaires (amendes) en cas de non-conformité.
Dans son évaluation de juin 2014 de la réponse de TC à la recommandation R14-02, le BST indiquait ceci :
L'injonction ministérielle exigera que des évaluations des risques soient effectuées pour les itinéraires clés le long desquels les trains clés sont exploités. Selon cette injonction, de tels itinéraires devront répondre à des exigences d'inspection et d'entretien renforcées. Toutefois, les itinéraires clés sont définis comme ceux le long desquels 10 000 wagons complets de marchandises dangereuses sont transportés annuellement. Il se pourrait que ce seuil limite le nombre d'itinéraires devant répondre à ces mesures de sécurité. Une analyse rigoureuse devrait être menée sur le seuil de 10 000 wagons afin de déterminer quels itinéraires utilisés par des trains transportant des marchandises dangereuses seront exclus et si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation R14-02 sera corrigée.
En réponse à cette évaluation, TC s'est engagé à réexaminer le seuil de 10 000 wagons complets pour définir les itinéraires clés.
TC et le Conseil national de recherches du Canada ont achevé récemment une étude qui comprenait une analyse scientifique et technique pour établir un lien entre le volume de marchandises dangereuses transporté (wagons complets) dans le contexte des facteurs de risque sur le réseau ferroviaire canadien (comme l'état des infrastructures ferroviaires, les pratiques d'exploitation et de maintenance) en corrélation avec les volumes de trafic, et les conséquences potentielles pour la sécurité de la population exposée le long de l'itinéraire, les conséquences environnementales pour les cours d'eau et les forêts-parcs, ainsi que les conséquences économiques pour le transport ferroviaire au Canada.
L'étude montrait que le risque dépend plus que du simple nombre de wagons complets de marchandises dangereuses. D'autres facteurs, comme les pratiques d'exploitation et de maintenance des compagnies de chemin de fer, l'état de l'infrastructure, ainsi que la densité de la population et les conditions environnementales le long de l'itinéraire, ont une forte incidence sur le risque.
L'étude a établi qu'au niveau actuel de marchandises dangereuses transportées, la réduction du seuil sur les itinéraires clés aurait un faible impact. Dans le cas des compagnies de chemin de fer de classe 1 (CN et CP), la plupart de leurs subdivisions de ligne principale sont déjà des itinéraires clés. En général, les chemins de fer sur de courtes distances transportent en moyenne beaucoup moins que 10 000 wagons complets de marchandises dangereuses annuellement.
De plus, les subdivisions des compagnies de chemin de fer de classe 1 analysées dans le cadre de l'étude comportent des gradients de risque pour la sécurité relativement stables. Ainsi, à partir des conditions d'exploitation actuelles, leur niveau de risque semble à peine augmenter ou diminuer avec la fluctuation des volumes de marchandises dangereuses qu'ils transportent.
Cette étude a renforcé l'approche fondée sur les risques en matière de surveillance que préconise TC en concluant qu'une surveillance ciblée et continue pour déterminer les subdivisions affichant les gradients de risque et le niveau de risque les plus élevés constituerait l'approche la plus efficace.
Tenant compte des résultats de l'étude, le ministère a décidé de maintenir le seuil de 10 000 wagons complets dans le règlement pour définir un itinéraire clé. TC incorporera donc les résultats de son étude en ce qui a trait à l'identification des subdivisions au gradient de risque et au niveau de risque les plus élevés, pour instruire et améliorer sa surveillance des compagnies de chemin de fer qui exploitent des trains clés sur des itinéraires clés.
Transports Canada a mis en œuvre un ensemble de mesures intégrées qui améliorent la sécurité et réduisent les risques liés au transport de marchandises dangereuses par rail. Ces mesures satisfont à tous les aspects de la recommandation R14-02.
1.34 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 (mars 2017)
En mars 2017, le Bureau a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-02 et a indiqué ce qui suit :
Cette recommandation est liée à l'enjeu « Transport de liquides inflammables par rail » de la Liste de surveillance du BST. Le transport par rail de liquides inflammables, comme le pétrole brut, à la grandeur de l'Amérique du Nord, a fait apparaître des risques importants qu'il convient d'atténuer par des mesures efficaces.
En février 2016, Transports Canada a approuvé le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, un règlement permanent sur le transport ferroviaire sécuritaire de marchandises dangereuses. Ce règlement exige que les compagnies de chemin de fer qui exploitent des trains clés limitent la vitesse de ces trains à 50 mi/h, et qu'elles limitent encore à 40 mi/h la vitesse maximale des trains clés lorsqu'ils traversent des zones densément peuplées. Ce règlement exige des inspections plus fréquentes pour détecter les défauts de rail et de géométrie de certaines catégories de voie sur des itinéraires clés. En outre, il comprend des exigences plus strictes pour l'inspection des éclisses sur les itinéraires clés. Le règlement exige également que les compagnies de chemin de fer installent des détecteurs de paliers défectueux en bordure de voie sur les itinéraires clés, et qu'elles s'assurent que les trains ne parcourent pas plus de 40 milles sans inspection des paliers.
Des itinéraires clés composent environ 95 % du réseau principal des compagnies de chemin de fer de classe 1. Des évaluations des risques des itinéraires clés ont été faites; elles auront lieu tous les 3 ans au moins. Ces évaluations ont tenu compte de 28 facteurs particuliers pour évaluer la sécurité et les risques de chaque itinéraire clé. Toutefois, parallèlement à ces évaluations, les compagnies de chemin de fer devraient également agir de façon proactive et prévoir l'incidence de certains facteurs de risque, comme l'augmentation du volume de transport ferroviaire, l'utilisation accrue de wagons plus lourds et l'accélération de la dégradation de l'infrastructure de la voie. Cette approche fera en sorte que l'entretien de la voie sur les itinéraires clés respectera les normes établies et que les risques de défaillance de l'infrastructure de la voie seront suffisamment atténués. Dans le cadre des examens des itinéraires clés, les évaluations des risques par les compagnies de chemin de fer doivent se faire en collaboration avec les municipalités et autres gouvernements locaux. Les compagnies de chemin de fer doivent alors indiquer, évaluer et comparer des itinéraires de rechange sur lesquels elles sont autorisées à circuler.
Les exigences relatives à l'évaluation des risques des itinéraires clés sont complémentaires au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) qui est entré en vigueur le 1er avril 2015. Les circonstances qui exigent une évaluation des risques en vertu du Règlement sur les SGS comprennent : le transport de marchandises dangereuses autres que celles qu'une compagnie transporte déjà, l'accroissement du volume de marchandises dangereuses transportées, ou un changement d'itinéraire servant à transporter des marchandises dangereuses.
TC a achevé récemment son étude pour établir le seuil de wagons complets approprié sur les itinéraires clés. L'étude indiquait que le risque dépend plus que du simple nombre de wagons complets de marchandises dangereuses. D'autres facteurs ont une incidence sur ces risques, notamment les pratiques d'exploitation et de maintenance des compagnies de chemin de fer, l'état de l'infrastructure, la densité de la population et les conditions environnementales le long de l'itinéraire. Par conséquent, TC a décidé de maintenir le seuil de 10 000 wagons complets pour définir un itinéraire clé. TC estime que le résultat de l'étude renforce son approche à la surveillance fondée sur les risques et que l'identification des subdivisions aux gradients de risque et au niveau de risque les plus élevés constitue l'approche la plus efficace. TC se servira des résultats de son étude pour déterminer les subdivisions qui affichent les niveaux de risque les plus élevés afin d'améliorer sa surveillance des compagnies de chemin de fer qui exploitent des trains clés sur des itinéraires clés.
En outre, TC a déjà indiqué que, par l'entremise de son processus de planification fondé sur les risques, il examinerait le dossier de toutes les compagnies de chemins de fer sous réglementation fédérale pour cibler celles qui assurent le transport du pétrole brut, mais qui n'ont pas atteint le seuil de 10 000 wagons complets sur leurs itinéraires. Cette approche fondée sur les risques permettrait à TC de consacrer les ressources appropriées à une surveillance accrue de ces exploitants ferroviaires. Le programme de surveillance national de TC comprend un programme d'inspection particulier pour les chemins de fer qui exploitent des trains clés, y compris ceux qui n'ont pas atteint le seuil de 10 000 wagons complets.
Le processus de planification fondé sur les risques que préconise TC devrait faire en sorte que tous les chemins de fer sur de courtes distances sous réglementation fédérale font l'objet d'une évaluation des risques et d'une surveillance appropriée en matière de planification et d'analyse de leurs itinéraires. Toutefois, ce processus doit également faire en sorte que l'on tienne compte de toute augmentation future des volumes de pétrole brut transportés par des chemins de fer sur de courtes distances, et que l'on apporte tout ajustement nécessaire à l'approche fondée sur les risques.
Le Bureau reconnaît les progrès que TC a réalisés par rapport à plusieurs mesures intégrées concernant la planification et l'analyse des itinéraires de trains transportant des marchandises dangereuses. Toutefois, certaines enquêtes du BST ont montré que les compagnies de chemin de fer n'ont pas toujours géré efficacement les risques émergents pour l'infrastructure ferroviaire associés au transport de volumes accrus de marchandises dangereuses.
Le Bureau réévalue la réponse de TC à la recommandation R14-02 comme dénotant une intention satisfaisante.
1.35 Région métropolitaine de recensement
Une région métropolitaine de recensement (RMR), selon la définition de Statistique Canada, est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'un centre de population. Une RMR a une population totale d'au moins 100 000 habitants, et son noyau doit compter au moins 50 000 habitants. L'agglomération de recensement (noyau secondaire) doit avoir une population d'au moins 10 000 habitants. La plupart des RMR sont desservies par un tronçon ferroviaire majeur.
Selon Statistique Canada :
- En 2016, la population du Canada était d'environ 36 286 400 personnes.
- La ville de Lac-Mégantic avait une population de 5932 personnes (recensement de 2011.
- La ville de Gogama avait une population de 277 personnes (recensement de 2011).
- En 2016, 33 villes d'une population totale de 25 164 200 personnes répondaient aux critères des RMR, ce qui correspond à environ 69 % de la population du Canada (annexe C).
1.36 Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés
En réponse à la recommandation R14-02 du BST, TC a publié en avril 2014 l'ordre ministériel 14-01 pour définir les critères d'identification des trains et des itinéraires clés et pour exiger des compagnies ferroviaires qu'elles se soumettent à ce qui suit :
- « établir des règles quant à la sécurité et la sûreté de l'exploitation des trains transportant certaines marchandises dangereuses et certains liquides inflammables »;
- « régir l'itinéraire et la vitesse de tout train clé à 50 milles à l'heure (mi/h) ou moindre, y compris sans s'y limiter, une autre limite de vitesse établit à 40 mi/h ou moindre pour tout train clé transportant un wagon-citerne chargé DOT-111 ou plus contenant » certaines MD, dont du pétrole brut et des distillats de pétrole, « vers les secteurs désignés comme étant à risque élevé dans le cadre du processus d'évaluation des risques »; et
- « exiger des évaluations des risques [...] et des mises à jour périodiques en fonction de changements importants pour déterminer le niveau de risque associé à chaque itinéraire clé où un train clé est exploité [...]. »
On a publié à nouveau cet ordre ministériel à quelques reprises pour prévoir du temps pour la consultation et l'élaboration de règles pour l'industrie. Après la finalisation des règles, on a levé l'ordre ministériel. TC a approuvé le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés qui est entré en vigueur en février 2016. Aux paragraphes 4.1 et 4.2 de ce règlement, on indique ce qui suit :
4.1 Les compagnies doivent limiter la vitesse des trains clés à une vitesse maximale de 50 milles à l'heure (mi/h). De plus, ceux-ci doivent être exploités à une vitesse maximale de 40 mi/h à l'intérieur du noyau et du noyau secondaire des régions métropolitaines de recensement.
4.2 Les compagnies doivent limiter la vitesse des trains clés acheminant un ou plusieurs wagons-citernes DOT-111 chargés des produits suivants : UN1170 ÉTHANOL; UN1202 CARBURANT DIESEL; UN1203 ESSENCE; UN1267 PÉTROLE BRUT; UN1268 DISTILLATS DE PÉTROLE, N.S.A.; UN1863 CARBURÉACTEUR; UN1993 LIQUIDE INFLAMMABLE, N.S.A.; UN3295 HYDROCARBURES LIQUIDES, N.S.A.; UN1987 ALCOOLS, N.S.A.; UN3494 PÉTROLE BRUT ACIDE, INFLAMMABLE, TOXIQUE, ou UN3475 MÉLANGE D'ÉTHANOL ET D'ESSENCE, à une vitesse maximale de 40 mi/h dans les secteurs désignés comme étant à risque élevé dans le cadre du processus d'évaluation des risques exigé en vertu de l'article 6 du présent règlement. Les wagons-citernes DOT-111 comprennent ceux qui sont conformes à la spécification CPC-1232Note de bas de page 52.
En ce qui concerne la limitation de vitesse à 40 mi/h des trains unitaires transportant des liquides inflammables de classe 3, on n'a pas effectué d'analyse technique détaillée pour évaluer les effets des limitations de vitesse sur la gravité d'un déraillement.
1.37 Évaluation des risques par corridor de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le 23 juin 2014, pour se conformer à l'ordre ministériel 14-01, le CN a transmis à TC une évaluation des risques liés au transport de MD entre Winnipeg et Toronto (un itinéraire clé). Dans cette évaluation des risques, on examinait chaque subdivision du territoire pour définir les zones de vulnérabilité, et ce, en fonction de ce qui suit :
- des mesures en place pour prévenir les incidents (c.-à-d. la couverture des systèmes de détection en voie);
- les conséquences potentielles liées à un incident (c.-à-d. la proximité des agglomérations et les zones écosensibles);
- les capacités d'intervention en cas d'incident (c.-à-d. l'emplacement du personnel et du matériel nécessaires à une intervention en cas de déversement).
En ce qui concerne la subdivision de Ruel, la plupart des mesures d'atténuation définies dans le cadre de l'évaluation des risques par corridor concernaient les capacités d'intervention en cas d'urgence mettant en cause des MD, dont l'ajout de réserves d'équipement d'intervention dans le territoire et l'évaluation de la présence d'intervenants d'urgence dans les environs.
De la même manière, cette évaluation des risques tenait compte des trains clés transportant des MD de classe 2.3 (gaz toxiques), ainsi que les trains comprenant au moins 20 wagons-citernes ou citernes intermodales chargés de MD.
Cette évaluation des risques par corridor ne tenait pas compte de l'état actuel et futur de la voie. De plus, dans cette évaluation des risques, on n'anticipait pas l'augmentation du transport de pétrole brut ou les répercussions de l'augmentation du volume de transport ferroviaire sur le maintien de marges de sécurité convenables sur l'infrastructure.
Le CN a mis sur pied des processus pour définir les besoins en matière d'entretien de son infrastructure ferroviaire. Par exemple, le CN se sert des volumes de trafic ferroviaire et d'analyses détaillées des défauts de voie pour déterminer s'il est nécessaire d'apporter des améliorations par l'intermédiaire d'un programme d'immobilisations. Cette évaluation était normalement entreprise par les Services d'ingénierie durant les processus de planification du CN. Toutefois, ces renseignements n'ont pas été intégrés dans l'évaluation de risques par corridor, et rien n'exigeait qu'ils le soient. Malgré ces mesures, l'état de la voie dans la subdivision de Ruel a continué à se détériorer.
1.38 Facteurs ayant une incidence sur la gravité du déraillement des wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses
Dans une étude publiée en 1992 et intitulée Hazardous Materials, Car Placement in a Train Consist, on a passé en revue un certain nombre d'enquêtes du National Transportation Safety Board (NTSB) sur des déraillements, et des données de la FRA sur les accidents ferroviaires. Au moment de cette étude, les trains unitaires de liquides inflammables de catégorie 3 étaient pratiquement inexistants, et les wagons-citernes de catégorie 111 étaient limités à un poids brut sur rail (PBR) de 263 000 livres. Cette étude ne portait sur aucun train unitaire de MD. Elle comprenait notamment les conclusions suivantes [traduction] :
- Les données sur les accidents ferroviaires confirment qu'en général, plus le train est long, plus le nombre de wagons qui déraillent augmente. Pour accroître la sécurité du transport de MD, les wagons de MD devraient faire partie de trains plus courts, et ce, même si l'on reconnaît que cela augmentera le nombre de trains et les risques d'exposition. Évidemment, l'exposition dépend de l'itinéraire et doit être évaluée en conséquence.
- Les données sur les accidents ferroviaires confirment également qu'en général, plus un train roule vite, plus le nombre de wagons qui déraillent augmente. Ainsi, les trains de MD devraient circuler à des vitesses réduites. Une réduction modeste des vitesses ne se traduira pas nécessairement par une exposition accrue. Encore une fois, tout dépend de l'itinéraireNote de bas de page 53.
Les données sur les accidents ferroviaires confirment également qu'en général, plus un train roule vite, plus le nombre de wagons qui déraillent augmente.
D'autres études plus récentes, résumées en 2014Note de bas de page 54, ont montré que le nombre de wagons qui déraillent est circonstanciel à la cause d'un accident, à la vitesse du train, à la longueur du train et au point de déraillement. Plus précisément, les rails rompus font dérailler plus de wagons que toute autre cause d'accident; les déraillements à vitesse plus élevée font dérailler plus de wagons; plus un train est long, plus il y a de wagons qui déraillent; plus le déraillement survient proche de la tête du train, plus le nombre de wagons déraillés est élevé.
1.39 Déraillement en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Gladwick (Ontario), 14 février 2015
Le 14 février 2015, vers 23 h 35 (heure normale de l'Est), le train-bloc de pétrole brut U70451-10 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) circulait vers l'est à environ 38 mi/h dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit au point milliaire 111,7, à Gladwick, près de Gogama (Ontario). Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 7 à 35 (29 wagons au total) avaient déraillé. Dix-neuf wagons-citernes ont subi des brèches, et environ 1,7 million de litres de pétrole brut ont été rejetés dans l'atmosphère ou dans le sol. Le produit rejeté s'est enflammé et a brûlé pendant 5 jours. Le déraillement a détruit quelque 900 pieds de voie principale. Il n'y a eu aucune évacuation ni aucun blessé. Des informations supplémentaires sur ce déraillement sont disponibles à l'annexe ANote de bas de page 55.
1.39.1 Préoccupation du BST liée à la sécurité concernant la vitesse des trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3
Dans le cadre de l'enquête du BST sur le déraillement à Gladwick, il a été déterminé que la vitesse du train-bloc de pétrole brut a exacerbé la gravité du déraillement. En conséquence, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité qui indique ce qui suit :
1.39.2 Recommandation du BST concernant la vitesse maximale des trains qui transportent des marchandises dangereuses
Suite à l'enquête du BST sur le déraillement à Gladwick, le Bureau a émis une recommandation portant sur les facteurs qui exacerbent la gravité des déraillements mettant en cause des MD, dont la vitesse des trains avec divers profils de risque. Le rapport indiquait ce qui suit :
TC a constaté le rôle que jouent la vitesse et le profil de risques d'un train dans la gravité d'un déraillement. Le ministère a donc mis en place certaines mesures pour limiter la vitesse des « trains clés » dans certaines conditions. Le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC limite la vitesse maximale des « trains clés » à 40 mi/h à l'intérieur du noyau (et du noyau secondaire) des régions métropolitaines de recensement (RMR). Quoique les limitations de ce règlement, au moment de son entrée en vigueur, semblaient prometteuses, l'actuelle vitesse maximale de 40 mi/h a été fixée sans être validée par des analyses d'ingénierie.
En conséquence, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports mène une étude sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements mettant en cause des marchandises dangereuses, détermine des stratégies d'atténuation appropriées, y compris les vitesses de trains propres à divers profils de risques de trains, et modifie en conséquence le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés.
Recommandation R17-01 du BST
1.39.3 Réponse de Transports Canada à la recommandation R17-01 (mai 2017)
En mai 2017, TC a répondu à la recommandation R17-01. TC a indiqué que :
Transports Canada tient compte de la recommandation et examinera les documents des études actuelles, en plus de ceux qu'il a déjà examinés. Ceci pourra fournir une analyse supplémentaire de la vitesse et des autres facteurs pouvant influer directement sur la gravite des conséquences des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses.
Les résultats de cet examen serviront à déterminer si une analyse scientifique et technique supplémentaire sera nécessaire pour que le Ministère comprenne mieux les facteurs ayant une influence sur les déraillements, afin de déterminer si des changements doivent être apportes au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés .
1.39.4 Évaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation R17-01 (juillet 2017)
En juillet 2017, le BST a évalué la réponse de TC à la recommandation R17-01 comme suit :
Transports Canada a tenu compte de cette recommandation.
[...]
Le Bureau note que même si aucun calendrier n'est proposé, TC s'est engagé à procéder à un examen des études existantes et à évaluer les résultats de cet examen. Toutefois, outre cet engagement, TC n'a aucun plan précis pour effectuer sa propre étude sur les facteurs qui contribuent à la gravité des déraillements.
Par conséquent, la réponse à la recommandation R17-01 est jugée en partie satisfaisante.
1.40 Examen en laboratoire du BST des composants de rail rompus
On a soumis les composants de rail récupérés suivants à un examen détaillé :
- Une section de rail retirée 3 jours avant l'accident pendant la réparation de la soudure aluminothermique rompue du rail sud.
- Une section de rail comprenant le joint est du rail de raccord toujours relié par des éclisses à une section rompue de 20 pouces du rail d'origine sud. La majeure partie du champignon de la section de rail de 20 pouces avait cédé. On n'a récupéré qu'une section de 4 pouces du champignon du rail.
La figure 14 est un schéma de l'emplacement normal sur la voie des sections de rail récupérées.
1.40.1 Rupture originelle de la soudure aluminothermique
Un examen de l'extrémité est de la section de rail d'origine retirée (c.-à-d. l'emplacement de la rupture originelle de la soudure aluminothermique) a permis de constater une FVLC semblable à celle observée dans le joint du rail d'origine est (figure 15).
Cette FVLC s'était propagée à travers la soudure aluminothermique, du rail d'origine est d'origine au rail d'origine ouest, et ce, avant la rupture originelle du rail et la réparation avec rail de raccord.
Pendant la réparation avec rail de raccord, on a coupé le rail d'origine, mais rien n'indique que les abouts exposés du rail ont été soumis à un essai de ressuage non destructif. Un essai de ressuage aurait probablement permis de voir les marques de la FVLC de l'about est du rail coupé, ce qui aurait justifié le retrait d'une plus grande section du rail d'origine est.
Comme une section du rail d'origine est présentant une FVLC est demeurée en service, ce défaut s'est soldé en rupture du rail.
1.40.2 Section de rail comprenant le rail d'origine est
La figure 16 montre une section de 20 pouces du rail d'origine est qui s'est rompue dans le joint et une section du rail de raccord comme elles ont été reçues.
Quoique le rail d'origine est ne portait aucune marque, on a déterminé qu'il s'agissait d'un rail de 136 livres fabriqué par Sydney Steel en 1993.
Voici les constatations :
- Toutes les mesures d'usure du champignon du rail récupéré étaient conformes aux spécifications du CN sur l'usure des rails.
- La dureté du rail d'origine retiré était conforme aux spécifications.
- Une analyse chimique d'un échantillon du rail d'origine est a permis de constater que celui-ci était conforme aux spécifications en vigueur du CN sur les rails standards.
- Le rail d'origine est présentait une zone de fissuration horizontale de l'âme entre les éclisses et une fissuration de l'âme/du patin à l'est de l'extrémité des éclisses. La surface de la fissuration de l'âme présentait des dommages par martèlement qui indiquaient que cette fissuration s'était formée avant la rupture finale du rail et était présente dans le rail depuis un certain temps avant l'événement à l'étude.
- Lorsque l'on a retiré les éclisses, le joint ne présentait aucun signe de mouvement ayant contribué à la rupture du rail.
- La section de 4 pouces récupérée du rail d'origine est correspondait avec la fissuration horizontale de l'âme. Le champignon du rail présentait une FVLC (figure 17).
- Le matériau du rail d'origine est présentait une fissuration de l'âme et une ségrégation de l'axe longitudinal (figure 18). Quoique l'étendue de la fissuration et de la ségrégation ne dépassait pas les limites acceptables, il est connu que ce type de défaut microstructurel est propice au développement d'une FVLC.
- Lorsque l'on a placé la section de 20 pouces du rail d'origine est dans le même plan que le rail de raccord, on a mesuré un désaffleurement des champignons ultérieur à l'événement de 0,27 pouce (6,75 mm) (figure 19). Le désaffleurement maximal d'usure de champignon pour les joints d'une voie de catégorie 4 est de 0,125 pouce (3 mm).
- Le rail d'origine ouest, le rail de raccord et le rail d'origine est présentaient une usure de champignon de ¼ pouce (6,35 mm), 3/16 pouce (4,8 mm) et 3/8 pouce (9,5 mm), respectivement. Cette différence préalable à l'accident de la hauteur du champignon des 3 rails s'explique par la différence d'usure de champignon de 3/16 pouce (4,8 mm) entre le rail de raccord plus haut et le rail d'origine est plus bas, et était supérieure au désaffleurement maximal pour une voie de catégorie 4.
- Lorsque l'on a installé le rail de raccord, on en a meulé l'extrémité est pour essayer de la faire correspondre à la hauteur du rail d'origine. Selon des mesures prises après l'événement à l'étude, on a meulé le champignon sur une distance d'environ 2,5 pouces (60 mm) de l'extrémité du rail; l'écrasement des abouts de rails causé par le trafic qui a franchi le joint après la réparation a réduit d'environ 3/8 pouce (9 mm) la hauteur totale de l'about de rail.
- Dans le Manuel du soudeur en voie du CN, on indique que la différence maximale admissible de la hauteur du champignon de 2 rails formant un joint est de 0,125 pouce (3 mm), et que toute différence de hauteur doit être corrigée en meulant le rail supérieur sur une distance de 6 pouces pour chaque 0,01 pouce de différence, jusqu'à un maximum de 36 pouces. Les NVI du CN ne comprennent pas d'exigences claires sur le meulage lorsque les réparations avec rail de raccord sur une voie composée de LRS créent un désaffleurement des abouts de rail.
- Bien que l'écrasement des abouts de rails et le martèlement de la fissuration horizontale de l'âme subséquent à la rupture aient sans doute contribué au désaffleurement global de 0,375 pouce (9 mm) entre les rails dans l'événement à l'étude, le désaffleurement au moment de la réparation était au moins égal à la limite maximale admissible et atteignait probablement 0,265 pouce (6,75 mm). Si des rails soudés (par soudure aluminothermique ou par étincelage) avaient présenté un tel désaffleurement, il aurait fallu meuler le rail le plus haut sur une distance d'environ 36 pouces du joint.
- Avant la réparation avec rail de raccord, l'extrémité est du rail d'origine, qui présentait une FVLC, était assujettie aux contraintes de roulement normales. Après l'installation, la charge dynamique créée par les roues franchissant le désaffleurement à l'extrémité est du joint a fait croître les contraintes locales auxquelles le rail d'origine est était assujetti.
- La zone de transition meulée de 2,5 pouces était considérablement plus courte que ce qui était requis. Le champignon du rail présentait donc un changement brusque de hauteur et, par conséquent, subissait des contraintes dynamiques plus importantes. Cette augmentation des contraintes a créé un environnement favorisant la propagation rapide de la FVLC existante dans le rail d'origine est.
1.41 Chocs roue-rail calculés sur un désaffleurement des abouts de rail
Les écarts entre les abouts de rail d'un joint créent des charges roue-rail dynamiques qui peuvent causer l'usure, la détérioration et la rupture prématurée des composants de voie. Le Volpe National Transportation Systems Center (Volpe Center) a défini des approches de complexité variée pour l'estimation des charges roue-rail dynamiques (chocs des roues sur les rails) que subissent les joints présentant des crans ou des transitions (rampes) de différentes taillesNote de bas de page 56.
Les résultats de l'étude du Volpe Center indiquent que les chocs des roues qui franchissent un cran sont proportionnels au désaffleurement de la surface de roulement. Pour un désaffleurement donné, le choc des roues sur les rails est inversement proportionnel à la longueur de la rampe. Le choc des roues augmente aussi à mesure que la vitesse augmente (si tous les autres facteurs sont constants). Le tableau 5 montre des exemples représentatifs des charges verticales calculées produites par les roues d'un wagon-trémie d'un PBR de 286 000 livres. Les paramètres utilisés dans le cadre de cette étude se basent sur le désaffleurement maximal des abouts de rail et des vitesses permises pour les différentes catégories de voie définies au paragraphe 213.115 des Track Safety Standards de la FRA, lesquels font partie du titre 49 du Code of Federal Regulations . Ces catégories de voie correspondent aux catégories de voie définies dans le RSV.
Cas | Désaffleurement vertical des abouts de rail (pouces) | Longueur de la rampe (pouces) | Vitesse (mi/h) |
Charge dynamique et verticale calculée produite par les roues (kips) |
---|---|---|---|---|
1 | 0,125 (3,2 mm) | 0 (cran) | 60 | 69,4 |
2 | 0,1875 (4,8 mm) | 0 (cran) | 40 | 83,7 |
3 | 0,25 (6,3 mm) | 0 (cran) | 25 | 97,6 |
4 | 0,25 (6,3 mm) | 6 | 40 | 69,4 |
Chaque résultat correspond à une combinaison sécuritaire maximale de hauteur de cran et de vitesse. Ainsi, à une vitesse donnée, un cran plus haut ou une rampe plus courte que ce qui est indiqué dans le tableau 5 se traduira par de dangereux chocs de roues sur les rails (le même principe s'applique à une vitesse plus élevée pour un désaffleurement donné).
Dans le cas de l'événement à l'étude, le train circulait à 43 mi/h et le joint présentait probablement un désaffleurement d'entre 3/16 pouce (4,8 mm), c'est-à-dire le désaffleurement initial, et 0,265 pouce (6,75 mm), c'est-à-dire le désaffleurement mesuré au laboratoire d'ingénierie du BST. On avait meulé une rampe de 2,5 pouces (60 mm) pour faciliter la transition entre les champignons de différente hauteur. Ainsi, le désaffleurement vertical se trouvait entre le cas 2 et le cas 4 de l'étude du Volpe Center.
En fonction d'un choc de roue calculé de 97,6 kips (cas 3) et d'une rampe nulle (cran), on a calculé le choc des roues sur les rails à une vitesse de 43 mi/h (la vitesse du train au moment du déraillement), de 50 mi/h et de 60 mi/h (la vitesse limite maximale pour une voie de catégorie 4). Le tableau 6 montre les résultats de ces calculs.
Désaffleurement vertical des abouts de rail (pouces) |
Longueur de la rampe (pouces) | Vitesse (mi/h) | Choc calculé (kips) |
---|---|---|---|
0,25 (6,3 mm) | 0 (cran) | 25 | 97,6 |
0,25 (6,3 mm) | 0 (cran) | 43 | 142,1 |
0,25 (6,3 mm) | 0 (cran) | 50 | 159,5 |
0,25 (6,3 mm) | 0 (cran) | 60 | 184,2 |
0,25 (6,3 mm) | 6 | 43 | 71,9 |
0,25 (6,3 mm) | 6 | 50 | 77,8 |
0,25 (6,3 mm) | 6 | 60 | 86,2 |
1.42 Analyse du BST des échantillons de pétrole brut
Le tableau 7 présente un résumé des renseignements d'expédition concernant les MD transportées dans les wagons-citernes du train de l'événement à l'étude.
Position du wagon- citerne dans le train | Registre d'expédition en vertu de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses | Renseignements de la fiche signalétique | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
No d'identifica-tion du produit | Appella-tion réglemen-taire | Catégo-rie de risques | Groupe d'emballage | Nom du produit | Synonymes | Fabricant | |
1 à 94 | UN 1267 | Pétrole brut | 3 | I | Pétrole brut léger non corrosif du projet Horizon | Distillats synthétiques de pétrole brut; pétrole brut léger non corrosif | Canadian Natural Resources Ltd., Calgary (AB) |
Dans la fiche signalétique du pétrole brut léger non corrosif du projet Horizon, on indique qu'il s'agit d'un mélange complexe d'hydrocarbures issus de la première distillation du pétrole brut, et dont le point initial de distillation et le point d'éclair sont inférieurs à 35 °C et -20 °C, respectivement.
On a prélevé des échantillons (figure 20) de 2 wagons-citernes représentatifs qui n'ont pas dérailléNote de bas de page 57.
On a prélevé les échantillons le 16 mars 2015 à la raffinerie de Valero à Lévis (Québec) sous la supervision d'un enquêteur du BST. Avant la collecte des échantillons, les trappes d'accès des wagons-citernes ont été ouvertes, et un essai de détection de gaz a été effectué dans l'environnement de travail autour de la trappe de chaque wagon, à l'aide d'un détecteur multigaz portable capable de détecter 6 différents gaz. Les résultats de l'essai indiquaient que l'environnement de travail était adéquat pour y travailler sans protection respiratoire.
On a prélevé tous les échantillons de pétrole brut à la pression atmosphérique. On a analysé ces échantillons pour en définir les caractéristiques de désignation du pétrole brut, ainsi que le comportement et les effets en cas de déversement et d'incendie causés par un déraillement. On a divisé les échantillons de produit et on les a envoyés à 2 laboratoires externes certifiés à des fins d'analyse. Le tableau 8 présente les tests auxquels on a assujetti chaque échantillon.
Paramètre | Méthode d'essai | Laboratoire |
---|---|---|
Température du point d'éclair | Norme D3828-12ade l'ASTM : Standard Test Methods for Flash Point by Small Scale Closed Cup Tester. Method B | AITF |
Distribution du point d'ébullition | Norme D2887-14 de l'ASTM : Standard Test Method for Boiling Range Distribution of Petroleum Fractions by Gas Chromatography | AITF |
Norme D86-12 de l'ASTM : Standard Test Method for Distillation of Petroleum Products at Atmospheric Pressure | Maxxam | |
Densité | Norme D5002-13 de l'ASTM : Standard Test Method for Density and Relative Density of Crude Oils by Digital Density Analyzer | Maxxam |
Pression de vapeur Reid | Norme D323-15a de l'ASTM : Standard Test Method for Vapor Pressure of Petroleum Products (Reid Method) | Maxxam |
Teneur en soufre | Norme D4294-10 de l'ASTM : Standard Test Method for Sulphur in Petroleum and Petroleum Products by Energy Dispersive X-ray Fluorescence Spectrometry | Maxxam |
Viscosité | Norme D7042-14 de l'ASTM : Standard Test Method for Dynamic Viscosity and Density of Liquids by Stabinger Viscometer (and the Calculation of Kinematic Viscosity) | Maxxam |
On a comparé les résultats des tests du produit de l'événement à l'étude aux produits semblables prélevés des wagons-citernes en cause dans le déraillement de Gladwick (rapport d'enquête ferroviaire R13H0013 du BST), qui s'était produit 3 semaines avant l'événement à l'étude. Le tableau 9 présente un résumé comparatif des résultats des tests.
Source | Identifiant du produit | Teneur totale en soufre (% massique) | Pression de vapeur Reid (kPa) | Densité (kg/m³) | Viscosité (cSt) à une température de | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|
20 °C | 30 °C | 40 °C | |||||
Déraillement de Gogama (R15H0021) | 22,3 à 22,4 | 0,094 | 24,6 à 24,7 | 847,8 à 848,8 | 18,42 à 18,75 | 6,010 à 6,100 | 3,580 à 3,626 |
Déraillement de Gladwick (R15H0013)* | 22,2 à 22,4 | 0,081 à 0,082 | 24,2 à 24,8 | 846,9 à 847,7 | 19,12 à 19,24 | 6,100 à 6,110 | 3,599 à 3,616 |
* Rapport LP057/2015 du laboratoire d'ingénierie du BST, Analysis of Crude Oil Samples [analyse d'échantillons de pétrole brut], échantillons des wagons-citernes VMSX 310192 et VMSX 310187.
L'analyse du produit et les comparaisons ont permis d'effectuer les constatations suivantes :
- Les échantillons du produit de l'événement à l'étude avaient une faible densité (de 847,8 à 848,8 kg/m3), une faible teneur totale en soufre (0,094 % massique) et une faible viscosité (de 3,580 à 3,626 cSt à 20 °C). Ces résultats étaient presque identiques à ceux des échantillons de pétrole brut léger non corrosif du projet Horizon analysés dans le cadre de l'enquête sur l'événement de Gladwick (R15H0013).
- Le produit de l'événement à l'étude présentait des caractéristiques correspondant aux caractéristiques des distillats synthétiques de pétrole brut léger non corrosif et une volatilité semblable à celle du pétrole brut de la formation schisteuse de Bakken en cause dans l'événement à Lac-Mégantic (rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST).
- On a mesuré des points initiaux d'ébullition d'entrée 22,3 °C et 22,4 °C pour les échantillons du produit de l'événement à l'étude à l'aide de la méthode D2887 de l'ASTM. Les échantillons du produit de l'événement à l'étude satisfaisaient aux critères réglementaires fédéraux s'appliquant aux liquides inflammables de classe 3 faisant partie du GE I.
- Les grandes quantités de produit rejeté et les caractéristiques de ce produit (grande volatilité et faible viscosité) ont contribué aux importants incendies qui ont suivi le déraillement.
1.43 Renseignements sur les wagons-citernes
La plupart des wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération ont toujours eu un PBR de 263 000 livres. Au milieu des années 1990, l'industrie a entamé une transition vers des wagons-citernes de Catégorie 111 d'un PBR de 286 000 livres.
Vers la fin des années 1990, Transports Canada (TC), le DOT et l'AAR ont établi un certain nombre d'exigences pour permettre l'augmentation du PBR des wagons-citernes à 286 000 livres. Ces exigences comprenaient une résistance accrue à la perforation des têtes et coques de citernes, des charges nominales accrues et une meilleure protection du matériel de service. Ces exigences ont en outre été incorporées aux normes de TC et de l'AAR pour les wagons-citernes de PBR de 286 000 livres. Or, ces exigences ne s'appliquaient pas à la majorité des wagons-citernes de catégorie 111 dont le PBR à cette époque était de 263 000 livres. La prochaine étape devait porter sur les wagons-citernes d'un PBR de 263 000 livres.
En 2011, l'AAR a défini la norme CPC-1232 sur les wagons-citernes. Cette norme comprend un certain nombre d'améliorations à apporter aux wagons-citernes de catégorie 111 construits après le 1er octobre 2011 et destinés au transport de pétrole brut ou d'éthanol (marchandises de classe 3, GE I ou II). Ces améliorations comprenaient la construction de wagons-citernes aux normes des wagons de 286 000 livres, la protection du matériel de service sur le dessus de la coque, l'utilisation de dispositifs de décharge de pression (DDP) à réenclenchement, l'utilisation d'acier normalisé pour la coque et les têtes de la citerne, une épaisseur minimale accrue de l'acier pour tous les wagons-citernes dépourvus de chemise extérieure et d'isolant, et des demi-boucliers protecteurs d'une épaisseur d'au moins ½ pouce.
Au Canada, les spécifications applicables aux wagons-citernes construits avant décembre 2013 figuraient dans la norme de sécurité CAN/CGSB-43.147 de TCNote de bas de page 58. Pour les wagons-citernes construits après décembre 2013, c'est la spécification TP14877 du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses qui s'appliquaitNote de bas de page 59. Les autres spécifications applicables comprenaient le Code of Federal Regulations (49 CFR, paragraphe 179.200)Note de bas de page 60 pour les États-Unis et la norme de l'industrie Casualty Prevention Circular no CPC-1232Note de bas de page 61.
TC a par la suite incorporé ces exigences au Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117), qui permettait d'utiliser les wagons-citernes de Catégorie 111 construits selon la norme CPC-1232 pour transporter des liquides inflammables jusqu'à ce que les wagons-citernes TC-117 deviennent obligatoires.
Après le déraillement à Lac-Mégantic (rapport R13D0054 du BST), le secteur ferroviaire était d'avis que les wagons-citernes de catégorie 111 construits selon la norme CPC-1232 offriraient plus de protection pour les produits de classe 3 que les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne générationNote de bas de page 62.
Les wagons-citernes ne sont pas les seuls à avoir un PBR de 286 000 livres. La plupart des types de wagons de marchandises peuvent être fabriqués selon un PBR de 286 000 livres. Divers types de wagons de marchandises avec un PBR de 286 000 livres sont en service depuis plus de 30 ans, et leur nombre augmente chaque année. Durant cette même période, les compagnies ferroviaires ont exploité des trains-blocs de produits autres que le pétrole brut, par exemple le charbon, les céréales et la potasse, principalement dans l'ouest du Canada. Bon nombre de wagons de marchandises utilisés pour transporter ces produits avaient un PBR de 286 000 livres. Toutefois, les trains-blocs de pétrole brut étaient relativement nouveaux, en particulier dans l'est du Canada, leur utilisation ayant commencé surtout en 2010. De 2010 à 2014, le trafic dans la subdivision de Ruel a augmenté de 30 %, et le transport de pétrole brut représentait 46 % de cette augmentation.
Les wagons-citernes de trains unitaires de pétrole brut transportent habituellement 286 000 livres de produit. Par comparaison, les trains de marchandises mixtes et les trains intermodaux sont généralement composés de wagons à PBR plus bas. En 2014, un train unitaire de pétrole brut moyen mesurait environ 6000 pieds et pesait environ 13 000 tonnes courtes, ce qui est lourd pour un train de cette longueur. Par comparaison, la longueur d'un train de marchandises mixtes ou d'un train intermodal de 13 000 tonnes courtes varie généralement de 9000 à 12 000 pieds.
La figure 21 présente les principaux composants d'un wagon-citerne de catégorie 111 (conforme à la norme CPC-1232).
On avait construit les 94 wagons-citernes du train en cause pour leur propriétaire actuel, Valero, et cette entreprise était également l'expéditeur et le destinataire du produit. Ces wagons-citernes ont été chargés au terminal Pembina Redwater à Redwater (Alberta) et étaient destinés à la raffinerie de Valero à Lévis (Québec). L'entreprise Trinity Tank, Car Inc. avait construit tous les wagons-citernes qui ont déraillé au cours des 3 années précédant l'événement à l'étude conformément à la norme 111A100W1 du DOT et à la norme industrielle CPC-1232.
Les têtes et la coque des wagons étaient faites d'acier normaliséNote de bas de page 63 de nuance B conformément à la norme TC128 de l'AAR. Les boucliers protecteurs étaient faits de plaques d'acier de nuance 50, de ½ pouce d'épaisseur conformément à la norme A572 de l'ASTM. Les 9e, 14e, 19e et 29e wagons-citernes qui ont déraillé étaient dotés de boucliers protecteurs complets, de chemises extérieures et d'isolant. Les autres wagons-citernes étaient dépourvus de chemises extérieures ou d'isolant, et étaient munis de demi-boucliers protecteurs trapézoïdaux.
Les wagons-citernes étaient dotés d'un robinet de vidange par le bas (RVB) de 4 pouces, de raccords supérieurs (reniflard et robinets à joint sphérique de 2 et 3 pouces) sous une enceinte protectrice de 20 pouces, d'un trou d'homme à charnières boulonné et d'un DDP. Ce DDP se trouvait aussi sous l'enceinte protectrice.
Position du wagon par rapport à la tête du train* | Numéro du wagon- citerne | Date d'approbation du certificat de construction | Épaisseur des têtes/de la coque (en pouces) | Bouclier thermique | Chemise/isolant | Dispositif de décharge de la pression (DDP) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Pression de déclenchement de la décharge (psi) | Capacité de débit réelle** (en pcsm)*** |
||||||
6 | VMSX 310431 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
7 | VMSX 310442 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
8 | VMSX 311916 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
9 | VMSX 280513 | Sept. 2014 | 7⁄16 | Bouclier complet | Chemise d'acier et isolant en laine de verre de 4 pouces d'épaisseur | 165 | 2329 |
10 | VMSX 310458 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
11 | VMSX 310238 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
12 | VMSX 310191 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
13 | VMSX 310040 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
14 | VMSX 5329 | Août 2012 | 7⁄16 | Bouclier complet | Chemise d'acier et isolant en laine de verre de 4 pouces d'épaisseur | 165 | 2329 |
15 | VMSX 310725 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
16 | VMSX 311642 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
17 | VMSX 310828 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
18 | VMSX 310701 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
19 | VMSX 280501 | Sept. 2014 | 7⁄16 | Bouclier complet | Chemise d'acier et isolant en laine de verre de 4 pouces d'épaisseur | 165 | 2329 |
20 | VMSX 310198 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
21 | VMSX 310225 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
22 | VMSX 310203 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
23 | VMSX 310285 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
24 | VMSX 311704 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
25 | VMSX 311705 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
26 | VMSX 311699 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
27 | VMSX 311652 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
28 | VMSX 310343 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
29 | VMSX 28356 | Mars 2013 | 7⁄16 | Bouclier complet | Chemise d'acier et isolant en laine de verre de 4 pouces d'épaisseur | 165 | 2329 |
30 | VMSX 310341 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
34 | VMSX 310332 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
32 | VMSX 311640 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
33 | VMSX 310111 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
34 | VMSX 310302 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
35 | VMSX 310283 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
36 | VMSX 310297 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
37 | VMSX 310291 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
38 | VMSX 310888 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
39 | VMSX 311658 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
40 | VMSX 310219 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
41 | VMSX 311673 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
42 | VMSX 311692 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
43 | VMSX 310060 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 165 | 35 608 |
44 | VMSX 311681 | Févr. 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier protecteur trapézoïdal | Aucune | 75 | 27 000 |
* Dans le présent rapport, on fait référence aux wagons-citernes en utilisant leur position dans le train.
** Remarque : La capacité de débit requise varie en fonction du type de wagon-citerne (non isolé, isolé, protégé thermiquement).
*** Pied cube standard par minute.
1.44 Examen sur les lieux des wagons-citernes qui ont déraillé
On a pris des photographies aériennes des lieux pour documenter l'incident avant l'extinction de l'incendie qui a suivi le déraillement. En conséquence, des parties de la zone de déraillement étaient obstruées par de la fumée et les photographies aériennes ne sont pas toutes très claires. Toutefois, les enquêteurs du BST ont été en mesure d'examiner le site et de photographier la plupart des wagons-citernes sur place pendant que les intervenants d'urgence combattaient l'incendie.
Une fois l'incendie éteint, on a retiré le produit restant des wagons-citernes, puis on les a déplacés vers une zone de transition pour les vidanger et les nettoyer et libérer le site en prévision de son examen. Le CN, le BST et des représentants du fabricant des wagons- citernes ont examiné les wagons-citernes.
Tous les wagons-citernes qui ont déraillé étaient conformes aux exigences de la spécification en vigueur au moment de leur approbation et de leur construction. Pendant l'examen du site, on a prélevé des échantillons du matériau de construction de certains wagons-citernes à des fins d'examen métallurgique. On a envoyé ces échantillons au laboratoire d'ingénierie du BST pour les soumettre à des examens plus poussés.
1.44.1 Brèches des wagons-citernes
Au total, 39 wagons ont déraillé. Le 6e et le 44e wagon n'ont pas subi de dommages. On les a remis sur les rails et retirés du site pendant les activités d'assainissement. Les wagons 7 à 43 qui ont déraillé ont fait l'objet d'un examen sur le lieu du déraillement.
Le tableau 11 résume les types de brèches qu'ont subies les 37 autres wagons-citernes qui ont déraillé.
Position du wagon par rapport à la tête du train | Marque du propriétaire | Type de brèche | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Tête | Coque | Raccords supérieurs et dispositifs de décharge de pression | Trou d'homme | Robinet de vidange par le bas | Rupture thermique | ||
7 | VMSX 310442 | Brèche | |||||
8 | VMSX 311916 | ||||||
9 | VMSX 280513 | ||||||
10 | VMSX 310458 | Brèche | |||||
11 | VMSX 310238 | Brèche | Brèche | ||||
12 | VMSX 310191 | Brèche | |||||
13 | VMSX 310040 | Brèche | |||||
14 | VMSX 5329 | Brèche | |||||
15 | VMSX 310725 | Brèche | |||||
16 | VMSX 311642 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
17 | VMSX 310828 | Brèche | |||||
18 | VMSX 310701 | Brèche | |||||
19 | VMSX 280501 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
20 | VMSX 310198 | Brèche | Brèche | ||||
21 | VMSX 310225 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
22 | VMSX 310203 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
23 | VMSX 310285 | Brèche | Brèche | ||||
24 | VMSX 311704 | Brèche | Brèche | Brèche | Brèche | ||
25 | VMSX 311705 | Brèche | Brèche | ||||
26 | VMSX 311699 | Brèche | |||||
27 | VMSX 311652 | Brèche | |||||
28 | VMSX 310343 | Brèche | |||||
29 | VMSX 28356 | ||||||
30 | VMSX 310341 | Brèche | Brèche | ||||
34 | VMSX 310332 | Brèche | |||||
32 | VMSX 311640 | Brèche | Brèche | ||||
33 | VMSX 310111 | Brèche | |||||
34 | VMSX 310302 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
35 | VMSX 310283 | Brèche | |||||
36 | VMSX 310297 | Brèche | |||||
37 | VMSX 310291 | Brèche | Brèche | Brèche | |||
38 | VMSX 310888 | Brèche | |||||
39 | VMSX 311658 | Brèche | |||||
40 | VMSX 310219 | Brèche | Brèche | ||||
41 | VMSX 311673 | Brèche | |||||
42 | VMSX 311692 | Brèche | |||||
43 | VMSX 310060 |
En ce qui concerne les brèches des wagons-citernes, on a déterminé ce qui suit :
- Des 39 wagons-citernes qui ont déraillé, 33 (85 %) ont subi une brèche et ont rejeté différentes quantités de produit.
- Des 33 wagons-citernes qui ont laissé fuir du produit, 14 ont subi plus d'un type de brèche.
- Des 33 wagons-citernes qui ont subi une brèche, 19 (58 %) ont perdu tout leur chargement en raison de l'incendie et/ou du rejet.
- Des 33 wagons-citernes qui ont subi une brèche, 14 (42 %) ont perdu une partie de leur chargement. On a récupéré le produit restant dans ces wagons pendant les activités d'assainissement.
- Le 24e wagon-citerne s'est complètement séparé en 2.
- Après l'extinction de l'incendie, le rejet par des brèches plus petites, bien que non instantané, a contribué à l'alimentation du feu en nappe et au déversement de produit.
1.44.2 Dommages à la coque des wagons-citernes
Un examen effectué sur le site du déraillement a permis d'établir que :
- La coque des 7e et 43e wagons-citernes ne présentait pas de déformation, de bosselure ou de rayure visibles résultant d'un choc. La coque de 35 des 37 wagons examinés présentait des dommages causés par la collision. Ces dommages variaient des bosselures et éraflures mineures aux bosselures et rainures plus importantes. Environ 10 wagons-citernes situés à l'emplacement de l'empilement principal présentaient d'importants gauchissements et écrasements transversaux, ce qui est caractéristique d'un écrasement plastique.
- La coque de 13 wagons-citernes avait subi une brèche attribuable aux chocs. Les 14e, 19e, 21e et 42e wagons-citernes présentaient de petites perforations de moins de 1 pied de diamètre. Neuf wagons-citernes ont subi des brèches de coque plus grandes variant de quelques pieds à une longueur complète d'une section de coque. La majorité des brèches de coque étaient des perforations caractéristiques de collisions avec des objets pointus de plus petite taille (p. ex., attelages, bogies, traverses danseuses); la coque de quelques wagons-citernes présentait des fissures là où il y avait des plis nets et des bosselures.
- La coque du 24e wagon-citerne s'est fissurée sur toute sa circonférence et s'est rompue en deux. Comme ce wagon-citerne s'est immobilisé sous d'autres wagons-citernes formant l'empilement principal, il a probablement subi des impacts plus puissants que les autres wagons situés en aval ou en amont de la zone du déraillement.
- Toutes les brèches de coque étaient caractéristiques d'une rupture par contraintes ductiles (surfaces de rupture obliques, déformation plastique et apparence fibreuse grossière). Il n'y avait aucune trace de rupture par fragilisation.
- La coque des 4 wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure et d'isolant (les 9e, 14e, 19e et 29e wagons-citernes) présentait différents degrés de dommages attribuables aux chocs. Les 9e et 29e wagons-citernes présentaient une déformation de La chemise relativement mineure et aucune brèche de coque. Les 14e et 19ee wagons-citernes ont subi une importante déformation, des déchirures de la chemise extérieure et des brèches de coque. Les 2 wagons-citernes qui ont subi des brèches de coque se sont immobilisés dans une partie de l'empilement où les wagons-citernes se sont mis en portefeuille de manière très dense. Ces wagons-citernes ont probablement subi des collisions plus sévères que les wagons en aval du déraillement (dont le 9e wagon) et les wagons qui se sont immobilisés dans une partie moins dense de l'empilement (dont le 29e wagon).
L'annexe D montre l'emplacement où se sont immobilisés les wagons-citernes qui ont subi des brèches de coque attribuables à un choc.
1.44.3 Dommages thermiques
Un dommage thermique se produit lorsqu'un wagon-citerne est assujetti à un incendie suivant un déraillement. Les ruptures thermiques (causées par la chaleur) se produisent généralement lorsque des wagons-citernes chargés sont exposés à un incendie et que la pression interne croissante ne peut s'échapper par le DDP ou d'autres brèches. Cela peut se traduire par la rupture énergétique d'un wagon-citerne. Lorsqu'il y a présence de liquides inflammables de classe 3, la soudaine détente de la pression accumulée entraîne généralement le rejet du chargement sous forme d'une grosse boule de feu, ainsi que l'inflammation du produit restant à l'intérieur du wagon-citerne qui souvent, se consume dans l'air. Les ruptures de wagons-citernes causées par la surchauffe sont généralement longitudinales et perpendiculaires aux contraintes circonférentielles de la coque de la citerne.
La plupart des 37 wagons-citernes inspectés par le BST présentaient des dommages caractéristiques d'une exposition à l'incendie qui a suivi le déraillement. Les dommages par le feu variaient d'entre le roussissement de la peinture à des changements de la teneur en carbone en surface et à de l'oxydation externe, ce qui correspond à une exposition au pétrole brut et à de l'air très chaud.
Cet examen a établi que :
- Quinze wagons-citernes ont subi des brèches causées par des ruptures thermiques dues à l'exposition au feu qui a suivi le déraillement.
- Des 15 wagons-citernes présentant des ruptures thermiques, 10 n'ont subi aucune autre brèche pouvant avoir contribué à la détente de la pression interne.
- Des 5 autres wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques :
- 3 ont subi une rupture du RVB
- 1 a subi une brèche de tête; et
- 1 a subi une brèche de tête et une rupture du RVB.
- En comparant l'emplacement des ruptures thermiques avec l'orientation finale des wagons, on a constaté que toutes les ruptures thermiques se trouvaient dans l'espace vapeur des wagons.
- Un examen métallurgique d'un échantillon présentant une rupture thermique a permis de constater différentes caractéristiques, dont de la striction, une surface de rupture fibreuse et des cupules allongées à côté de la surface de rupture caractéristiques d'une rupture fragile à température élevée.
- La longueur des ruptures thermiques variait de 18 à 240 pouces. Dans la plupart des cas, la tôle était considérablement amincie dans les parties déformées des ruptures thermiques. Des mesures de l'épaisseur de la lèvre indiquaient une réduction de l'épaisseurNote de bas de page 64 de 17 % à 70 %. Ces résultats correspondent généralement aux valeurs de réduction de l'épaisseur mesurées dans le cadre d'un déraillement antérieur mettant en cause des wagons-citernes CPC-1232Note de bas de page 65 et aux résultats de ductilité en traction publiés pour l'acier de nuance B conforme à la norme TC128 de l'AAR à température élevéeNote de bas de page 66.
- Tous les wagons-citernes ayant subi des ruptures thermiques ont été exposés à l'important incendie qui a suivi le déraillement et qui a été alimenté par les wagons-citernes qui avaient subi des brèches de coque et/ou de tête attribuables à un choc.
On a suggéré que les DDP dont la pression de déclenchement de la décharge est plus élevée risqueraient de créer une pression interne excessive au cours d'un incendie, entraînant ainsi des ruptures thermiques plus énergétiques (et plus grandes). On a effectué les observations suivantes en ce qui concerne les DDP et les ruptures thermiques :
- Les 15 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques étaient dotés de DDP d'une capacité de débit réelle supérieure à 27 000 pieds cubes standards par minute.
- Quatre des wagons ayant subi des ruptures thermiques (les 11e, 12e, 13e et 40e wagons) étaient dotés de DDP à pression de déclenchement de la décharge de 165 psi. Les 11 autres wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques étaient dotés de DDP de 75 psi.
- Les 4 wagons-citernes dotés d'un DDP de 165 psi ont subi des ruptures thermiques de 22 à 96 pouces de longueur.
- Les 11 wagons-citernes dotés d'un DDP de 75 psi ont subi des ruptures thermiques de 18 à 240 pouces de longueur.
Dans le cas de l'événement à l'étude, rien n'indique que les wagons-citernes dotés d'un DDP à pression de déclenchement de la décharge plus élevée ont subi des ruptures thermiques plus énergétiques (et plus grandes).
On a effectué les constatations suivantes en ce qui concerne les 4 wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure et d'isolant qui ont été exposés à l'incendie qui a suivi le déraillement :
- Deux des wagons-citernes (les 14e et 19e wagons) ont subi une brèche attribuable à un choc. Ces brèches auraient contribué à la libération de toute augmentation de pression causée par l'exposition à l'incendie qui a suivi le déraillement, ce qui a réduit les risques que ces wagons-citernes subissent des ruptures thermiques.
- Les 2 autres wagons-citernes (les 9e et 29e wagons) n'ont pas subi de brèches attribuables à un choc ni de ruptures thermiques.
- Le 29e wagon-citerne se trouvait à proximité de plusieurs wagons-citernes ayant subi une brèche attribuable à un choc et a été entièrement exposé à l'incendie qui a suivi le déraillement.
- Le 9e wagon-citerne s'est immobilisé partiellement submergé dans la rivière Makami. Cela a peut-être eu un effet de refroidissement qui a ralenti l'augmentation de la pression interne de ce wagon-citerne pendant son exposition à l'incendie qui a suivi le déraillement.
En raison du petit nombre de wagons en cause dans l'événement à l'étude dotés d'une chemise extérieure, ainsi que des conditions variées auxquelles chaque wagon-citerne a été assujetti, il n'a pas été possible de déterminer si les chemises extérieures et l'isolant ont rendu les wagons-citernes moins sujets aux ruptures thermiques.
Les trous de brûlure (perforations causées par le feu) se produisent lorsqu'un wagon-citerne est exposé à du pétrole brut et de l'air à température élevée pendant un incendie suivant un déraillement. Les processus de dégradation des matériaux qui en résultent (carburation et oxydation à température élevée) entraînent l'érosion des tôles d'acier et une perte de matériel, ce qui peut se traduire par des trous de brûlure. Dans le cas de l'événement à l'étude,
- cinq ruptures de coque (dans les 16e, 18e, 20e, 21e et 23e wagons-citernes) présentaient des bords irréguliers, une décoloration rouge et une réduction visible de l'épaisseur de la paroi de la coque caractéristiques des trous de brûlure;
- deux brèches de tête (dans les 25e et 26e wagons-citernes) présentaient des caractéristiques propres aux trous de brûlure;
- tous les wagons-citernes ayant subi des trous de brûlure faisaient partie de l'empilement principal;
- on considère que la perte de matériau causé par le feu a probablement contribué à la croissance de certaines brèches de coque et de tête attribuables à un choc.
L'annexe E montre l'emplacement où se sont immobilisés les wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques.
1.44.4 Dommages aux boucliers protecteurs et aux têtes de citernes
En vertu de la norme CPC-1232, les wagons-citernes dépourvus d'une chemise extérieure doivent être munis de demi-boucliers protecteurs, et les wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure doivent être munis de têtes d'enveloppe de ½ pouce d'épaisseur. Les exigences sur les systèmes de résistance à la perforation des têtes de citerne sont définies dans la partie 179Note de bas de page 67 du titre 79 du Code of Federal Regulations des États-Unis et dans les Specifications for Tank Cars de l'AARNote de bas de page 68. Ces exigences comprennent des conditions de conception et des essais de capacité de survie des systèmes après un impact entre un attelage et une tête de citerne à une vitesse relative de 29 km/h (18 mi/h).
Le BST a inspecté 37 wagons-citernes qui ont déraillé et a fait les constatations suivantes :
- Les boucliers protecteurs de 37 wagons-citernes (100 %) ont subi des dommages causés par une collision.
- Quinze wagons-citernes (41 %) ont perdu 1 de leurs boucliers protecteurs, et 2 wagons (5 %) ont perdu leurs 2 boucliers protecteurs. La plupart des boucliers protecteurs se sont détachés en raison du bris de leurs supports.
- Au moins 1 des 2 têtes de 26 wagons (70 %) présentait des dommages attribuables à un choc.
- La tête de 7 wagons-citernes (27 %) a subi une brèche attribuable à un choc. La plupart de ces 7 brèches de tête étaient des perforations ou des ruptures dont la taille variait de seulement quelques pouces à environ 2 pieds.
- La tête de 2 wagons-citernes (le 16e et le 20e) a subi une brèche au-dessus du demi-bouclier protecteur.
- Le demi-bouclier protecteur de 3 wagons-citernes (le 22e, le 30e et le 37e) s'est rompu, et ces wagons-citernes ont subi une brèche de la partie inférieure de la tête. Toutes les brèches de tête étaient accompagnées d'une déformation considérable, ce qui indique que les têtes ont subi de violentes collisions.
- Un wagon-citerne (le 26e wagon-citerne) a perdu son demi-bouclier protecteur de l'extrémité B et la majeure partie de sa tête d'extrémité B. Il est très probable que cette brèche de tête ait causé la libération rapide du chargement du wagon-citerne.
- Toutes les brèches de tête étaient caractéristiques d'une rupture par contraintes ductiles (surfaces de rupture obliques, déformation plastique et apparence fibreuse grossière). Il n'y avait aucune trace de rupture par fragilisation.
- Les 4 wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure, d'isolant et de boucliers protecteurs complets (les 9e, 14e, 19e et 29e wagons) ont subi différents degrés de dommages attribuables aux chocs, mais n'ont pas subi de brèches.
Les résultats de l'examen indiquent que les boucliers protecteurs complets installés sur les wagons-citernes CPC-1232 ont protégé efficacement les têtes contre les perforations dues aux chocs pendant le déraillement. L'annexe F montre l'emplacement où se sont immobilisés les wagons-citernes qui ont subi des brèches de tête attribuables à un choc.
1.44.5 Dommages aux raccords supérieurs et aux dispositifs de décharge de pression
Les 39 wagons-citernes qui ont déraillé étaient tous dotés de capots de protection conformes aux exigences de l'AAR sur la protection des raccords supérieurs des wagons non pressurisés.
Le capot de protection de 18 des 39 wagons-citernes qui ont déraillé (46 %) présentait un type de dommage attribuable aux chocs. Dans la plupart des cas, ces dommages attribuables aux chocs étaient relativement mineurs. Toutefois, le capot de protection de 4 wagons-citernes a subi d'importants dommages attribuables aux chocs :
- La paroi du capot de protection des 17e et 30e wagons-citernes était déformée, et le capot était partiellement séparé du couvercle de la buse des raccords supérieurs.
- Le capot de protection des 16e et 24e wagons-citernes était complètement séparé du couvercle de la buse des raccords supérieurs. Tous les raccords supérieurs de ces 2 wagons-citernes s'étaient rompus.
Le capot de protection et les raccords supérieurs de plusieurs wagons-citernes présentaient une décoloration ROUGE causée par le feu. Le capot de certains raccords était fait d'un matériau qui a fondu pendant l'incendie qui a suivi le déraillement, ce qui a exposé le joint sphérique du raccord.
1.44.6 Dommages aux trous d'homme
Les wagons qui ont déraillé étaient équipés d'un couvercle de trou d'homme articulé et boulonné. Le couvercle de trou d'homme de 20 des 37 wagons-citernes qui ont déraillé que le BST a examiné a été ouvert pendant les activités d'assainissement. Le couvercle de trou d'homme de 11 wagons-citernes était fermé. En ce qui concerne les 6 autres wagons-citernes :
- Un des œillets du 41e wagon-citerne s'est délogé, et on a constaté des résidus de produit, ce qui indique que le trou d'homme n'était plus étanche.
- Cinq (5) wagons-citernes ont laissé fuir du produit en raison d'un trou d'homme endommagé par un choc :
- Trois (3) wagons-citernes (les 17e, 21e et 34e wagons-citernes) n'avaient plus de couvercle de trou d'homme.
- La buse du trou d'homme du 19e wagon-citerne a subi une importante déformation, et le couvercle du trou d'homme s'était rompu.
- Le 24e wagon-citerne s'est rompu en 2, et cette rupture a traversé la buse et la semelle de renfort du trou d'homme.
1.44.7 Dommages à l'enceinte de protection contre le glissement et aux robinets de vidange par le bas
L'enceinte de protection contre le glissement du RVB de 28 des 37 wagons-citernes examinés présentait certains types de dommages attribuables aux chocs, variant d'une déformation ou de l'écrasement de l'enceinte à une rupture de l'enceinte et/ou une rupture de la soudure entre l'enceinte et la coque. La coque de la plupart des wagons-citernes dont l'enceinte de protection contre le glissement était endommagée était lourdement déformée à proximité de cette enceinte de protection, ce qui indique que ces wagons ont subi de violentes collisions. Le tableau 12 résume les dommages qu'a subis le RVB des 37 wagons-citernes qui ont déraillé et ont été examinés.
Enceinte de protection contre le glissement | Assemblage de la poignée | Adaptateur de RVB | |||
---|---|---|---|---|---|
État | Nbre de wagons touchés | État | Nbre de wagons touchés | État | Nbre de wagons touchés |
Aucun dommage attribuable aux chocs | 6 | Aucun dommage attribuable aux chocs | 6 | Aucun dommage attribuable aux chocs | 13** |
Endommagé par un choc | 28 | Déformation ou rupture | 28 | Rupture, exposition du joint sphérique du RVB | 20 |
Inconnu* | 3 | Inconnu* | 3 | Inconnu* | 3 |
* État inconnu, car cette partie du wagon-citerne n'était pas visible pendant l'inspection.
** Le chapeau de l'adaptateur du RVB du 15e wagon-citerne était brisé, mais il n'y avait aucune trace de perte de produit.
L'AAR exige que [traduction] « la poignée du robinet de vidange par le bas, sauf si elle est rangée séparément, [...] soit conçue de manière qu'à l'impact elle se déforme ou se détache, ou que, dans la position fermée, elle soit située au-dessus de la surface inférieure du patin »Note de bas de page 69. Dans le cas de l'événement à l'étude, l'assemblage de la poignée et le mécanisme de fixation du RVB de 28 wagons-citernes présentaient un type de dommage attribuable aux chocs, variant d'une déformation à une rupture complète.
L'adaptateur du RVB de 20 wagons-citernes s'est brisé à la bride de fixation (le point de rupture prévu), ce qui a mis à découvert le joint sphérique du RVB. La poignée de RVB de ces wagons (à l'exception des 31e et 41e) présentait des dommages attribuables aux chocs ou avait été arrachée.
Le joint sphérique de 13 des 20 wagons-citernes dont l'adaptateur de RVB s'est rompu (65 %; les 7e, 11e, 19e, 21e, 22e, 23e, 24e, 31e, 32e, 33e, 34e, 37e et 40e wagons-citernes) était ouvert ou partiellement ouvert, ou laissait visiblement fuir du produit. L'assemblage de la poignée de tous les wagons-citernes ayant subi une rupture du RVB a subi des dommages attribuables aux chocs.
L'annexe G montre l'emplacement où se sont immobilisés les wagons-citernes dont le RVB s'est rompu.
On avait aussi cerné cet enjeu dans le cadre d'une enquête sur un déraillement survenu en Ontario en 2013 mettant en cause des wagons-citernes de catégorie 111 construits avant l'entrée en vigueur de la norme CPC-1232 (rapport d'enquête ferroviaire R13T0060 du BST). Le BST a transmis l'Avis de sécurité ferroviaire 15/13 à TC pour l'aviser des risques liés au rejet de produit lorsque la poignée d'un RVB est endommagée pendant un déraillement. On a aussi cerné ce risque dans le cadre de l'enquête sur l'accident à Lac-Mégantic.
1.44.7.1 Recommandation du National Transportation Safety Board sur les robinets de vidange par le bas
À la suite de l'enquête réalisée en 2009 sur le déraillement d'un train de marchandises du CN à Cherry Valley (Illinois), le NTSB a conclu que [traduction] « les normes et les règlements existants pour la protection des robinets de vidange par le bas des wagons-citernes n'abordent pas les mécanismes de manœuvre des robinets, et donc, sont insuffisants pour assurer le maintien du robinet en position fermée en cas d'accident »Note de bas de page 70. Le NTSB a donc énoncé la recommandation suivante à l'attention de la PHMSA :
Note de bas de page 71En 2016, la PHMSA a émis la règle finale HM-251 pour rendre obligatoire la protection du RVB des wagons-citernes DOT-117 et définir des normes de rendement et de rattrapage (alinéa 179.202-8 et sous-alinéas 179.202-12(e) et 179.202-13(g) de la partie 179 du titre 49 du Code of Federal Regulations des États-Unis). Plus précisément, cette règle exige que la poignée de tous les RVB soit éliminée ou conçue pour prévenir toute manœuvre intempestive dans l'éventualité d'un déraillement. Comme ces dispositions répondaient à l'intention de la recommandation de sécurité R-12-6 du NTSB, on a jugé que cette règle permettait de fermer le dossier et constituait une mesure acceptable.
1.44.8 Dommages aux longrines troquées
Il est interdit de fixer les longrines tronquées directement à la coque des wagons-citernes. L'AAR exige la fixation des longrines tronquées à des plaques de renfort, lesquelles seront fixées à la coque de la citerne. L'AAR exige également que les plaques de renfort se prolongent de part et d'autre du point de fixation de la longrine et jusqu'au point de fixation des cales de tête de la citerneNote de bas de page 72Note de bas de page 73. Ces exigences visent à empêcher le rejet de produit en garantissant qu'en cas de surcharge d'une longrine tronquée, la séparation se produira entre la longrine et la semelle sans se propager au niveau de la coque de la citerne.
Au moins 1 longrine tronquée et/ou 1 attelage de 31 des 37 wagons-citernes examinés étaient endommagés, et 25 wagons-citernes étaient endommagés aux 2 extrémités.
La longrine tronquée de 6 wagons-citernes (les 15e, 16e, 23e, 25e, 37e et 39e wagons-citernes) s'est rompue, mais ces ruptures n'ont causé aucune brèche de coque.
1.44.8.1 Matériau des wagons-citernes
Le matériau des têtes et de la coque du wagon-citerne satisfaisait aux exigences de composition chimique et de résistance à la traction pour l'acier normalisé de nuance B de la norme TC128 de l'AAR.
1.45 Wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération conformes ou non à la norme CPC-1232
Le BST a effectué une étude de cas portant sur 3 accidents mettant en cause le déraillement de wagons-citernes de catégorie 111 transportant du pétrole brut. Dans ces 3 cas, le chargement des wagons-citernes a créé un grand feu en nappe. Le tableau 13 résume l'information pertinente à ces accidents.
Numéro d'événement du BST | |||
---|---|---|---|
R13D0054 | R15H0013 | R15H0021 | |
Résumé de l'accident | Train parti à la dérive et déraillement en voie principale, train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway au point milliaire 0,23 de la subdivision de Sherbrooke, Lac-Mégantic (Québec) | Déraillement en voie principale, train-bloc U70451-10 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada au point milliaire 111,6 de la subdivision de Ruel, Gladwick (Ontario) | Déraillement en voie principale, train-bloc U70451-02 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada au point milliaire 88,0 de la subdivision de Ruel, Gogama(Ontario) |
Date de l'accident | 6 juillet 2013 | 14 février 2015 | 7 mars 2015 |
Chargement | Pétrole brut (UN 1267) | Pétrole brut (UN 1267) et distillats de pétrole (UN 1268) | Pétrole brut (UN 1267) |
Nombre de wagons-citernes dans la rame | 72 | 100 | 94 |
Emplacement dans le train du premier wagon-citerne qui a déraillé | 3 | 7 | 6 |
Nombre de wagons-citernes qui ont déraillé | 63 | 29 | 39 |
Vitesse au moment du déraillement | 65 mi/h (105 km/h) | 38 mi/h (61 km/h) | 43 mi/h (69 km/h) |
Température au moment du déraillement | 21 °C | −30 °C | −9 °C |
Différents types de wagons-citernes de catégorie 111 servent à transporter des liquides inflammables, dont des wagons-citernes dotés ou non d'une chemise extérieure et d'isolant. Les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération sont ceux qui ont été commandés avant le 1er octobre 2011 et construits selon les anciennes normes de
Transports Canada (TC)/du DOT. Les wagons-citernes de catégorie 111 CPC-1232 ont été construits après 2011 et sont conformes à la norme TP14877Note de bas de page 74/CPC-1232Note de bas de page 75. Les wagons-citernes construits depuis le 1er octobre 2015 doivent se conformer à la nouvelle norme 117 de TC/du DOT. Les différentes caractéristiques de ces normes sont résumées au tableau 14.
Exigences | Catégorie 111 (ancienne génération) | Catégorie 111 (conforme à la norme CPC-1232) | Nouvelle norme 117 de TC/du DOT* | |
---|---|---|---|---|
Sans chemise extérieure et isolant | Avec chemise extérieure et isolant | |||
Boucliers thermiques | Non | Demi-boucliers | Boucliers complets | Boucliers complets |
Protection du raccord supérieur | Facultatif | Obligatoire | Obligatoire | Obligatoire |
Protection thermique et chemise extérieure | Facultatif | Facultatif | Facultatif | Obligatoire |
Acier normalisé | Facultatif | Obligatoire | Obligatoire | Obligatoire |
Épaisseur et type d'acier (minimum) | 11,1 mm (7/16 pouce) | pour TC128 nuance B, 12,7 mm (1/2 pouce) d'épaisseur ou pour ASTM A516-70, 15,9 mm (5/8 pouce) |
pour TC128 nuance B, 11,1 mm (7/16 pouce) d'épaisseur ou pour ASTM A516-70, 12,7 mm (½ pouce) |
pour TC128 nuance B, 14,3 mm (9/16 pouce) d'épaisseur |
Normes de rendement de résistance à la perforation pour la protection thermique, la tête et de coque | Non | Non | Non | Oui |
Normes de rendement accrues pour les robinets de déchargement par le bas | Non | Non | Non | Oui |
* Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC 117), C.P. 2015-486, 30 avril 2015, DORS/2015-100, Gazette du Canada, Partie II, vol. 149, no 10, 20 mai 2015, http://gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2015/2015-05-20/html/sor-dors100-fra.php (dernière consultation le 30 juin 2017).
Les dommages que subissent les wagons-citernes varient grandement en fonction de la vitesse au moment du déraillement et du nombre de wagons-citernes qui déraillent. L'étude de cas a permis de constater que l'événement R15H0013 (Gladwick) se caractérise par le plus faible pourcentage de wagons-citernes ayant subi des brèches (66 %), la plus faible vitesse au moment du déraillement et le plus petit nombre de wagons-citernes qui ont déraillé. Le pourcentage de wagons-citernes ayant subi plus d'un type de brèche augmente à mesure que la vitesse du déraillement et/ou le nombre de wagons qui déraillent augmentent.
Un pourcentage semblable de wagons-citernes ont subi une brèche dans le cas de l'événement R15H0021 (Gogama) et de l'événement R13D0054 (Lac-Mégantic), et ce, même si la vitesse du train de l'événement R13D0054 était considérablement plus élevée et qu'un plus grand nombre de wagons-citernes ont déraillé. Le tableau 15 présente un aperçu des dommages qu'ont subis les wagons-citernes dans le cas des événements.
État | R13D0054 | R15H0013 | R15H0021 | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Nbre de wagons touchés | Pourcentage de wagons touchés | Nbre de wagons touchés | Pourcentage de wagons touchés | Nbre de wagons touchés | Pourcentage de wagons touchés | |
Déraillés | 63 | – | 29 | – | 39 | – |
Aucune brèche | 4 | 6 | 10 | 34 | 6 | 15 |
Brèche (tout type) | 59 | 94 | 19 | 66 | 33 | 85 |
Plus d'un type de brèche | 33 | 52 | 6 | 21 | 14 | 36 |
Les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération mis en cause dans l'événement R13D0054 ont subi le plus grand pourcentage de brèches de coque, de tête, de raccord supérieur et de DDP. Le produit des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232, en cause dans l'événement R15H0013, fuyait principalement par les brèches de coque, puis par les ruptures thermiques. La plupart des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 en cause dans l'événement R15H0021 ont subi des ruptures thermiques, et il y a eu un nombre égal de brèches de coque et de ruptures de RVB.
La figure 22 résume les différents types de brèches ayant laissé fuir le produit lors des événements de l'étudeNote de bas de page 76.
On a effectué les observations générales suivantes lorsque l'on a comparé le rendement des wagons-citernes en cause dans ces 3 accidents :
- Dans le cas des événements R15H0013 et R15H0021, lesquels ont mis en cause des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232, il y a eu un nombre semblable de brèches de coque (environ le tiers des wagons-citernes ayant déraillé). Il y a eu presque le double de brèches de coque (59 %) dans l'événement R13D0054, lequel a mis en cause des wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération.
- Dans l'événement R13D0054, environ la moitié des wagons-citernes ayant subi d'importantes brèches de coques se trouvaient à l'arrière du train et ont formé un important empilement. Cet important empilement a probablement formé un mur, ce qui a causé un déraillement très dense. Cela s'est traduit par un écrasement plastique qui a causé un gauchissement généralisé, une importante déformation et une défaillance de la structure des wagons-citernes d'ancienne génération.
- Dans le cas de l'empilement des événements R15H0013 et R15H0021, certains wagons-citernes se sont retrouvés sous d'autres wagons-citernes ou ont été projetés sur des wagons-citernes adjacents. Ces collisions ont produit des forces suffisantes pour rompre 4 wagons-citernes en deux.
- Dans tous les cas, la plupart des brèches de coque (de 69 % à 89 %) étaient de taille moyenne à grande (variant d'environ 1 pied à la circonférence entière du wagon). Ces grandes brèches de coque ont probablement causé un rejet rapide du chargement des wagons-citernes et ont contribué aux grands feux en nappe.
L'étude de cas du BST a permis d'effectuer les constatations suivantes :
- Le produit des wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération mis en cause dans l'événement R13D0054 a fui par les brèches de coque principalement, puis par les brèches de tête. Le produit des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 mis en cause dans l'événement R15H0013 a fui par les brèches de coque principalement, puis par les ruptures thermiques. La plupart des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 en cause dans l'événement R15H0021 ont subi des ruptures thermiques, et il y a eu un nombre égal de brèches de coque et de RVB.
- Dans l'événement R15H0013, bien que les wagons fussent en acier normalisé, on a constaté des ruptures de coque par fragilisation sur certains wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232. Cela indique que les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 qui sont dépourvus de chemise extérieure et d'isolant peuvent subir des ruptures de coque par fragilisation lorsqu'ils sont assujettis à une température ambiante basse et à de violents chocs. De la même manière, il est probable que les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération faits d'acier non normalisé soient encore plus vulnérables aux ruptures de coque par fragilisation dans des conditions identiques.
- Des 6 wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 dotés d'une chemise extérieure et d'isolant, en cause dans les événements R15H0013 et R15H0021, 3 avaient subi des ruptures de coque. Cela suggère que la résistance au choc assurée par les chemises extérieures était insuffisante pour les collisions survenues pendant ces déraillements.
- Les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 étaient considérablement moins nombreux à subir des brèches de tête que les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération. Toutefois, l'étude de cas laisse entendre que les boucliers protecteurs complets sont plus efficaces que les demi-boucliers protecteurs lors de violentes collisions.
- Les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération et les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 dotés d'un dispositif de protection des raccords supérieurs ont subi considérablement moins de ruptures des raccords supérieurs et des DDP que les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération qui en étaient dépourvus.
- On a constaté un nombre semblable de cas de perte de produit par le RVB parmi les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération et les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232. Certains de ces wagons n'auraient peut-être pas rejeté de produit s'ils avaient étaient dotés d'un assemblage de poignée conçu pour empêcher toute manœuvre intempestive du joint sphérique.
- Cette étude de cas indique que les risques de brèche par rupture thermique de même ampleur sont semblables parmi les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération et les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 dépourvus de chemise extérieure et d'isolant.
- L'information était insuffisante pour déterminer si les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 munis d'une chemise extérieure et d'isolant offraient une plus grande capacité de survie aux incendies.
- Les wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 dépourvus de chemise extérieure et d'isolant et les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération que l'on a examinés dans l'événement R13D0054 semblaient offrir un rendement comparable lorsqu'ils étaient soumis à de violentes collisions, comme dans les événements étudiés.
1.46 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce :
- Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants des secteurs du transport commercial aérien et maritime à adopter des processus de gestion de la sécurité officiels et supervise efficacement ces processus;
- les entreprises de transport qui possèdent un SGS sont tenues de démontrer qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il permet de cerner les dangers et que des mesures efficaces d'atténuation des risques sont mises en œuvre;
- Transports Canada intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent assurer efficacement la gestion de la sécurité et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.
1.46.1 Gestion de la sécurité et surveillance
Il incombe aux entreprises de transport de gérer les risques de sécurité liés à leur exploitation. Un SGS fournit le cadre nécessaire pour y parvenir, et de nombreuses entreprises en appliquent un de façon formelle, volontairement ou parce que la réglementation de TC dans ce domaine les y oblige. Même les petites entreprises doivent suivre des processus de sécurité pour gérer les risques.
Certaines entreprises considèrent que leurs mesures de sécurité sont appropriées tant qu'elles sont conformes aux exigences de la réglementation. Or, la réglementation ne suffit pas, à elle seule, à prévenir tous les risques uniques à une activité particulière. C'est la raison pour laquelle le BST insiste régulièrement sur les avantages des SGS. C'est la raison pour laquelle le BST a maintes fois souligné les avantages du SGS, cadre reconnu à l'échelle internationale pour permettre aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leur exploitation plus sécuritaire.
Le passage à un SGS doit être accompagné d'une surveillance réglementaire appropriée. Puisque les organismes de réglementation devront traiter avec des entreprises ayant différentes capacités ou différents niveaux d'engagement en matière de gestion préventive des risques, cette surveillance doit être équilibrée. Elle doit inclure la vérification en amont des processus de gestion de la sécurité, une formation pratique et théorique continue et des contrôles habituels permettant d'assurer le respect de la réglementation en vigueur.
En outre, elle doit comprendre 3 éléments clés à l'avenir : un cadre réglementaire clair exigeant la mise en œuvre d'un SGS par les entreprises; des SGS permettant de cerner et de réduire les risques efficacement; et une surveillance réglementaire équilibrée.
On a constaté certains problèmes dans le cadre d'enquêtes précédentes du BST :
- Bien que les opérateurs ferroviaires du Canada aient l'obligation de se doter d'un SGS, le BST a constaté que les processus du SGS n'étaient pas toujours suivis ou étaient inefficaces. Cette lacune a empêché de cerner des dangers et de mettre en place des mesures d'atténuation des risquesNote de bas de page 77.
- En ce qui concerne la surveillance réglementaire assurée par TC, on a observé 2 problèmes : l'incapacité du Ministère à déterminer les processus inefficaces des entreprises, et le manque d'équilibre entre les processus de vérification et les contrôles habituels.
1.46.2 Transport de liquides inflammables par rail
Le transport de liquides inflammables par rail restera sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :
- les sociétés ferroviaires procèdent minutieusement à l'analyse et à la planification des itinéraires, et effectuent des évaluations des risques pour veiller à l'efficacité des mesures de contrôle des risques;
- les grandes quantités de liquides inflammables soient transportées dans des wagons-citernes plus robustes afin de réduire la probabilité de déversement de marchandises dangereuses en cas d'accident.
En novembre 2014, le BST a ajouté le transport de liquides inflammables par rail à sa Liste de surveillance. Cet enjeu est demeuré sur la Liste de surveillance du BST en 2016.
Le transport de pétrole brut par rail a augmenté de façon exponentielle partout en Amérique du Nord depuis 2009; en 2014, il a atteint un sommet de 238 000 wagons complets au CanadaNote de bas de page 78 et de 500 000 wagons complets aux États-UnisNote de bas de page 79. Pour sa part, le volume d'éthanol est demeuré relativement stable, soit en moyenne 76 250 wagons complets par année au Canada, et 331 000 wagons complets aux États-UnisNote de bas de page 80. Malgré une tendance à la baisse dernièrement, on prévoit que le volume de liquides inflammables transporté par rail demeurera important.
Le BST est préoccupé et craint que les méthodes d'exploitation actuelles des compagnies ferroviaires, combinées à la vulnérabilité des wagons-citernes d'ancienne génération utilisés pour transporter du pétrole brut et d'autres liquides inflammables, ne permettent d'atténuer efficacement le risque associé au transport de grandes quantités de telles matières dangereuses par rail.
La vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111 est connue depuis des annéesNote de bas de page 81. Le BST a recommandé des normes plus strictes pour tous les wagons-citernes de catégorie 111, et non seulement pour les nouveaux, afin de réduire la probabilité de déversement de produit en cas d'accidentNote de bas de page 82. Un certain nombre d'enquêtes du NTSB sur des accidents aux États-Unis ont, elles aussi, fait ressortir la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111Note de bas de page 83.
Le BST juge encourageant que les organismes de réglementation fédéraux du Canada et des États-Unis aient pris d'importantes mesures pour régler cette situation, y compris la promulgation d'une norme de wagon-citerne plus robuste (catégorie 117), des dispositions de rattrapage, un calendrier de mise en œuvre, ainsi que des mesures de surveillance réglementaire et d'application. Les mesures prises jusqu'à présent par les organismes de réglementation fédéraux et le secteur ferroviaire ont, depuis 2014, contribué à réduire considérablement l'utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération pour le transport du pétrole brut.
Bien que les organismes de réglementation fédéraux et le secteur ferroviaire aient pris des mesures concernant la sécurité des wagons-citernes, les règlements fédéraux autorisent néanmoins l'utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 pour transporter certains liquides inflammables jusqu'au milieu de 2025. Par conséquent, le facteur de risque demeurera élevé tant que tous les liquides inflammables à plus haut risque ne seront pas transportés dans des wagons-citernes plus robustes et à protection renforcée en Amérique du Nord.
Depuis le déraillement à Lac-Mégantic en juillet 2013 (Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST), d'autres déraillements survenus au CanadaNote de bas de page 84 ont démontré que la population, les biens et l'environnement sont exposés à un risque important en cas de déraillement de trains transportant de grands volumes de liquides inflammables.
Ces événements récents soulignent la nécessité de planifier des itinéraires stratégiques et d'assurer une exploitation plus sûre de tous les trains transportant des DG au Canada. Les chemins de fer doivent choisir soigneusement les itinéraires servant à transporter le pétrole brut et d'autres liquides inflammables et s'assurer de la sécurité d'exploitation des trains sur ces voies. Ces risques doivent être traités comme un enjeu de transport nord-américain, puisque les produits sont transportés d'un côté à l'autre de la frontière par les sociétés ferroviaires.
1.47 Rapports de laboratoire du BST
Les rapports de laboratoire du BST suivants appuient la présente enquête :
- LP 052/2015 : Examination of Tank Cars [examen des wagons-citernes] (R15H0021)
- LP 053/2015 : Analysis of Crude Oil Samples [analyse d'échantillons de pétrole brut] (R15H0021)
- LP 054/2015: Examination of Rail Joint and Pieces [examen du joint et de morceaux de rail] (R15H0021)
- LP 084/2015 : Rail Failure Examination [examen du bris de rail] (R15H0020)
- LP 051/2016 : Case Study of Derailment Damage: Legacy versus Enhanced Class 111 Tank Cars [étude de cas des dommages causés par un déraillement : comparaison entre les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération et améliorés] (R13D0054, R15H0013 et R15H0021)
2.0 Analyse
Le train était conduit en conformité avec les exigences de l'entreprise et de la réglementation. Le matériel roulant était en bon état, et on n'a observé aucun défaut pouvant être considéré comme un facteur ayant causé cet événement. L'analyse portera principalement sur les éléments suivants : les pratiques d'entretien de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) relativement à l'installation de rails de raccord; la formation du personnel d'entretien de la voie; le rendement des wagons-citernes; les propriétés du pétrole brut; la vitesse des trains clés; le système de gestion de la sécurité (SGS) et l'évaluation des risques par corridor du CN; la structure de commandement en cas d'incident et intervention d'urgence du CN; la surveillance réglementaire; les incidences environnementales.
2.1 L'accident
Le 7 mars 2015, vers 2 h 42, le train-bloc de pétrole brut U70451-02 du CN circulait vers l'est à environ 43 mi/h dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit au point milliaire 88,70, près de Gogama (Ontario). Les wagons 6 à 44 (39 wagons au total) ont déraillé. Par suite du déraillement, environ 2,6 millions de litres de pétrole brut (UN 1267) ont été rejetés à l'atmosphère, dans l'eau ou dans le sol. Le produit rejeté s'est enflammé et a causé des explosions, et du produit s'est écoulé dans la rivière Makami à proximité. Le déraillement a détruit quelque 1000 pieds de voie, et les incendies subséquents ont détruit le pont ferroviaire du CN qui enjambait la rivière.
On n'a pas observé de marques d'impact sur l'infrastructure de la voie à l'approche du lieu du déraillement depuis l'ouest. À l'extrémité ouest du lieu du déraillement, on a retrouvé un certain nombre de sections brisées du rail sud à proximité du point milliaire 88,75, dont :
- une section de rail de 146 pouces comprenant une soudure aluminothermique brisée que l'on avait retirée du rail sud et remplacée par un rail de raccord de même longueur 3 jours avant le déraillement;
- une section de 53 pouces du joint est du rail de raccord maintenue par des éclisses à une section rompue de 20 pouces du rail d'origine est; et
- une section de 4 pouces du champignon de la section rompue de 20 pouces du rail d'origine est qui présentait une fissuration verticale longitudinale.
Le rail d'origine est présentait une zone de fissuration horizontale de l'âme entre les éclisses et une fissuration de l'âme/du patin à l'est de l'extrémité des éclisses. La surface de la fissuration de l'âme présentait des dommages par martèlement qui indiquaient que cette fissuration s'était formée avant la rupture finale du rail et était présente dans le rail depuis un certain temps avant l'événement à l'étude. La section de 4 pouces récupérée qui présentait une fissuration verticale longitudinale du champignon (FVLC) correspondait avec la rupture horizontale de l'âme.
Avant l'arrivée du train, une section de 16 pouces du champignon du rail sud d'origine s'était rompue en raison d'une FVLC dans le joint est, à la hauteur d'une réparation au moyen d'un rail avec rail de raccord, ce qui a créé un écart dans le rail sud. Le déraillement s'est produit lorsque le rail sud a subi une rupture catastrophique sous le train alors que le train traversait la voie; cette rupture a causé le déraillement des wagons-citernes 6 à 44, qui étaient chargés de pétrole brut.
2.2 Réparation avec rail de raccord
Trois jours avant le déraillement, les signaux régissant la circulation dans le canton de Gogama-Bethnal (du point milliaire 86,20 au point milliaire 94,70) sont subitement passés au ROUGE, ce qui empêchait les trains de s'y engager. Comme le contremaître d'entretien de la voie (CEV) attitré n'était pas disponible (il s'affairait à remplacer un rail défectueux à l'est de Gogama), le superviseur de la voie (SV) a demandé au contremaître des patrouilles hivernales (CPH), qui était chef soudeur aluminothermique pendant l'été, et à un assistant restreint à des travaux légers, de repérer la source du problème. Environ 90 minutes plus tard, ils ont repéré une soudure aluminothermique brisée dans le rail sud au point milliaire 88,75.
2.2.1 Essai de ressuage
Comme la fin du quart de travail de l'équipe de cantonniers approchait, et celle-ci ne disposait pas d'assez de temps pour utiliser le véhicule pour le redressage des rails (VRR), le SV a demandé au CPH et à l'assistant de remplacer le rail. Une fois arrivé sur place avec le matériel requis, le CPH s'est préparé à installer le rail de raccord. Pendant la réparation avec rail de raccord, on a coupé le rail d'origine et on a inspecté visuellement les abouts de rail exposés pour y déceler des fissures. Aucune anomalie n'a été relevée. Toutefois, le CPH n'a pas soumis les abouts de rail exposés à un essai de ressuage comme l'exige la norme de la voie (NV) 1.7 des Normes de la voie – Ingénierie (NVI) du CN.
L'examen du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) de l'extrémité est de la section de rail d'origine (c.-à-d. l'emplacement de la rupture originelle de la soudure aluminothermique) a permis de constater une FVLC semblable celle observée dans le joint du rail d'origine est. Cette FVLC s'était propagée à travers la soudure aluminothermique, du rail d'origine est d'origine au rail d'origine ouest, et ce, avant la rupture originelle du rail et la réparation avec rail de raccord. Cela suggère que la FVLC était déjà présente dans le rail d'origine est, mais que l'on ne l'a pas repéré pendant la réparation avec rail de raccord. Un essai de ressuage aurait probablement permis de voir les marques de la FVLC de l'about est du rail coupé, ce qui aurait justifié le retrait d'une plus grande section du rail d'origine est.
2.2.2 Meulage des rails
Les employés ont fait rouler le rail de raccord sur la voie sans prévoir de jeu pour la dilatation, puis ont percé les trous des boulons du joint. Ensuite, ils ont boulonné et cramponné le rail de raccord, et y ont installé des anticheminants. Après la réparation, le rail de raccord était plus haut que le rail d'origine à l'extrémité est de l'installation. Le CPH n'a pas physiquement prélevé de mesures, mais a estimé visuellement que le rail de raccord dépassait le rail d'origine d'environ 2 mm, ce qui constituait une sous-estimation.
Un désaffleurement de 2 mm est inférieur à la limite de 3 mm pour une voie de catégorie 4 et n'aurait pas nécessité de meulage pour assurer une transition fluide entre les rails. Néanmoins, le CPH a décidé de meuler le champignon à l'extrémité est du rail de raccord sur une distance de 2,5 pouces à l'aide d'une meuleuse à main pour créer une petite rampe entre les surfaces de roulement du rail de raccord et du rail d'origine. Il a utilisé une meuleuse à main, car il ne disposait pas d'une meuleuse de rails de plus grande taille.
Le désaffleurement total des rails en cause dans l'événement à l'étude était d'environ 0,375 pouce (9 mm). Bien que l'écrasement des abouts de rails et le martèlement de la fissuration horizontale de l'âme subséquent à la rupture aient contribué au désaffleurement, ce dernier devait être d'environ 0,265 pouce (6,75 mm) dans les faits. Si un désaffleurement semblable s'était produit pendant la soudure par étincelage du rail, il aurait fallu meuler la transition jusqu'au rail supérieur sur une distance de 36 pouces depuis le joint, conformément au Manuel du soudeur en voie (2011) du CN. Selon la NV 1.2 des NVI du CN, lorsque les abouts présentent un désaffleurement de plus de 1/8 pouces (3 mm) soit sur le dessus, soit sur le côté intérieur du joint, il faut éliminer ce désaffleurement sans tarder, en meulant, en soudant ou en remplaçant le rail. Toutefois, aucune directive précise n'était fournie au personnel d'ingénierie du CN concernant la longueur du meulage requis lorsqu'un désaffleurement des abouts de rail survient pendant des réparations avec rail de raccord.
2.2.3 Désaffleurement des abouts de rails
Les écarts entre les abouts de rail d'un joint créent des charges roue-rail dynamiques (chocs des roues sur les rails) qui peuvent causer l'usure, la détérioration et la rupture prématurée des composants de voie. Aux États-Unis, le Volpe National Transportation Systems Center (le Volpe Center) a défini des approches de complexité variée pour l'estimation des charges roue-rail dynamiques que subissent les joints présentant des crans ou des transitions (rampes) de différentes tailles.
Dans le cas de l'événement à l'étude, le train circulait à 43 mi/h, et le joint présentait un désaffleurement vertical pouvant atteindre 0,265 pouce (6,75 mm) et une rampe de 2,5 pouces (60 mm) au moment de la rupture. Comme cette courte rampe de 2,5 pouces (60 mm) agissait davantage comme un cran, les chocs roues/rails calculés pouvaient atteindre 140 kips lorsque les roues franchissaient la transition entre le rail supérieur et le rail inférieur.
Depuis la fin de la réparation avec rail de raccord jusqu'au déraillement, 44 trains ont parcouru ce tronçon. Si chaque train comprenait environ 100 wagons, quelque 17 600 roues auraient franchi le rail sud réparé avec un rail de raccord, et chacune de ces roues aurait soumis la transition asymétrique à des chocs élevés. Cela a créé un environnement favorisant la progression rapide de la fissuration verticale longitudinale dans le champignon du rail d'origine est, jusqu'à une rupture de celui-ci.
Avant la réparation avec rail de raccord, l'extrémité est du rail d'origine, qui présentait une FVLC, était assujettie aux contraintes de roulement normales. Après la réparation, la charge dynamique créée par les roues franchissant le désaffleurement à l'extrémité est du joint a fait croître les contraintes locales auxquelles le rail d'origine est était assujetti. La zone de transition de 2,5 pouces (60 mm) créée en meulant le rail de raccord était inefficace et créait un changement brusque de la hauteur de champignon, ce qui faisait croître les charges dynamiques auxquelles le champignon du rail d'origine est était assujetti; comme celui-ci présentait une FVLC, le rail s'est finalement rompu.
Le jour de la réparation, on a terminé les travaux vers 22 h 45 et rétabli le trafic ferroviaire à 23 h 7. Le SV souhaitait aller inspecter la réparation du rail rompu pour s'assurer qu'elle avait été terminée correctement. Toutefois, le lendemain matin, le SV a dû se rendre au site d'un autre déraillement près de Minnipuka (Ontario), au point milliaire 243,50 de la subdivision de Ruel, et n'a pas vérifié la réparation avec rail de raccord. En raison de l'état de la réparation avec rail de raccord et de la courte transition entre les champignons asymétriques du joint est, une limitation de vitesse aurait dû être définie pour ce tronçon de voie.
Quoique le joint est se serait tout de même rompu en raison de la FVLC du rail d'origine est, une limitation de vitesse aurait probablement réduit la gravité du déraillement.
2.3 Formation sur les ruptures de rail du contremaître des patrouilles hivernales
Pendant que le CPH effectuait la réparation, il a reçu plusieurs appels téléphoniques et radio du SV, du contrôleur de la circulation ferroviaire CCF et du DPI, qui souhaitent obtenir des comptes rendus sur la situation. Le CPH savait que des trains circulant vers l'est et l'ouest attendaient le rétablissement de la circulation, ce qui augmentait la pression qu'il exécute la réparation rapidement. Le CPH a réparé le rail avec un raccord avec l'aide d'un assistant restreint à des travaux légers et à l'aide d'un véhicule VRR avec lequel il n'était pas familier. En même temps, il devait répondre à des demandes répétées de comptes rendus sur le moment où la circulation pourrait être rétablie.
Le CPH était un contremaître de la voie certifié; on considérait donc qu'il était apte à remplacer le rail brisé; toutefois, de telles réparations ne faisaient pas partie de ses tâches habituelles. Le CPH travaillait habituellement comme chef soudeur sur des rails neufs ne nécessitant pas d'essais de ressuage. Il croyait que les essais de ressuage étaient réservés aux rails âgés retirés de la voie. Il les connaissait, mais n'en avait jamais accompli ni observé.
Le 27 janvier 2015, le CPH avait effectué l'examen en ligne sur la sécurité des activités hivernales du Service d'ingénierie du CN, lequel comprenait des questions sur l'essai de ressuage. Il avait réussi cet examen à sa seconde tentative. Quoique chaque examen comprenait une question sur les essais de ressuage, le CPH n'avait jamais assisté à une démonstration ou à une formation sur l'exécution d'un tel essai. Dans la formation en ligne du CN sur les essais de ressuage, on ne soulignait pas particulièrement l'importance d'effectuer ces essais pendant la réparation avec rail de raccord, et le CN n'avait jamais offert d'occasion de formation pratique au CPH. Si la formation en ligne sur des tâches essentielles à la sécurité n'est pas complétée par une formation pratique, les apprenants peuvent ne pas entièrement saisir l'importance des étapes critiques de ces tâches, ce qui fait croître les risques qu'une tâche ne soit pas effectuée correctement.
2.4 Erreurs d'omission
On sait que les erreurs d'omissions se produisent plus souvent lorsque des tâches d'entretien bousculent la routine du responsable devant les exécuter. Des tâches non essentielles à la satisfaction de l'objectif d'une tâche d'entretien peuvent aussi être omises plus facilement.
Dans le cas de l'événement à l'étude, le CPH n'a pas effectué d'essai de ressuage pendant l'installation du rail de raccord comme l'exigeaient les NVI du CN. Le CPH accomplissait une tâche ne faisant pas partie de sa routine habituelle. Quoique le CPH connaissait l'essai de ressuage, cet essai ne faisait pas partie des tâches du poste de chef soudeur responsable de l'installation de nouveaux rails qu'il occupait l'été. De plus, les procédures liées d'installation et d'essai de rails de raccord ne se trouvaient pas toutes dans un même document, mais étaient dispersées dans différentes sections des NVI et différentes pratiques recommandées du CN.
Le CPH et le SV n'ont pas discuté de l'exigence du CN de soumettre les abouts exposés d'un rail à un essai de ressuage, et ils n'avaient pas l'obligation de le faire. Ainsi, il n'existait aucun mécanisme de rappel (p. ex., une liste de vérification ou une vérification indépendante) permettant de s'assurer que l'essai de ressuage (une tâche non fréquemment effectuée, mais importante) soit accompli. Si une personne accomplit des tâches essentielles à la sécurité qu'elle n'effectue pas fréquemment en se fiant seulement à sa mémoire, sans avoir recours à une liste de vérification ou une vérification indépendante, il se peut qu'elle omette des étapes importantes nécessaires à l'exécution appropriée de ces tâches, ce qui fait croître les risques que ces tâches ne soient pas correctement exécutées.
2.5 Auscultation par ultrasons de la voie
Les FVLC sont des défauts de fatigue communs, considérées comme dangereuses, car elles se développent rapidement et sont difficiles à détecter, et ce, même lorsque l'on a recours aux auscultations par ultrasons. En 2014, l'entreprise Sperry Rail Service a détecté 1533 FVLC dans les 134 054 milles de voie du CN qu'elle a inspectés au Canada. Pendant cette même période, le CN a signalé 692 ruptures de rail en service, dont 76 (11 %) ont été causées par une FVLC.
La Sydney Steel Company avait fabriqué le rail en cause dans l'événement à l'étude. Tout au long de son histoire, cette entreprise a éprouvé un certain nombre de problèmes liés à ses processus de fabrication des rails et de contrôle de la qualité. On a notamment constaté des problèmes de fissuration de l'axe longitudinal s'étendant jusqu'au champignon du rail. Dans le cas de l'événement à l'étude, une fois que le champignon du rail s'est suffisamment usé, l'extrémité de la fissuration de l'axe longitudinal se trouvait au point du champignon assujetti aux plus importantes charges de contact de roulement, le fragilisant davantage à la propagation rapide d'une rupture causée par une FVLC. Comme la plupart des rails de la Sydney Steel de la subdivision de Ruel avaient été construits à la même époque et avaient été installés dans la même période, ils commençaient tous à être de plus en plus sujets aux FVLC. Le CN connaissait ce problème et avait mis en œuvre des contrôles des défauts de rail dans la subdivision de Ruel, à intervalle d'environ 20 jours l'hiver et d'environ 37 jours le reste de l'année, pour prévenir les ruptures de rail causées par des FVLC.
Les directives de rendement du CN sur les auscultations par ultrasons sont plus rigoureuses que les normes du secteur. Toutefois, certaines FVLC passent inaperçues et progressent jusqu'à une rupture du rail. Pour qu'un défaut de rail puisse être détecté pendant une auscultation par ultrasons, sa surface doit être réfléchissante. Ainsi, les ultrasons sont réverbérés vers l'équipement de contrôle où ils sont enregistrés. Une FVLC qui se présente au départ comme une ligne ne devient visible que lorsqu'elle s'ouvre. Jusqu'à ce que cela se produise, cette ligne paraît relativement homogène dans l'acier du rail et elle n'offre pas de surface réfléchissante pour les ultrasons. Même si une ligne préexistante peut favoriser le développement d'une FVLC dans des conditions propices, une ligne préexistante ne constitue pas un défaut par FVLC, et il n'y a rien à détecter par ultrasons tant qu'il n'y a aucun défaut par FVLC présent. Le taux de croissance des défauts par fissuration verticale du champignon varie, mais ceux-ci peuvent se développer rapidement (surtout lorsqu'ils sont assujettis à une augmentation considérable du volume de transport ferroviaire) et causer une rupture entre 2 auscultations. Quoiqu'elle fût bien visible dans la soudure aluminothermique rompue, la FVLC qui a causé la rupture du rail n'existait pas encore ou était trop petite pour être détectée pendant l'auscultation par ultrasons effectuée le 2 mars 2015 (c.-à-d. 2 jours avant la rupture du rail et 5 jours avant le déraillement).
2.6 Analyse des échantillons de pétrole brut
L'analyse en laboratoire des échantillons de produits a permis de constater que les propriétés chimiques et physiques du produit étaient conformes à celles du pétrole brut léger non corrosif. Les résultats des analyses correspondaient aussi aux renseignements figurant dans la fiche signalétique de chaque produit, et le produit était adéquatement classifié. Ce pétrole brut présentait une densité, une viscosité et une volatilité conformes aux produits en cause dans l'événement de Gladwick (R15H0013) et au pétrole brut de la formation schisteuse de Bakken en cause dans l'événement à Lac-Mégantic (R13D0054).
Le point d'éclair bas du pétrole brut explique pourquoi il s'est enflammé aussi rapidement à la suite du cisaillement des wagons-citernes. Les grandes quantités de produit qui ont été rejetées et la rapidité à laquelle cela s'est produit, de pair avec la grande volatilité et la faible viscosité du pétrole, ont contribué aux importants incendies et feux en nappe qui ont suivi le déraillement.
2.7 Rendement des wagons-citernes
Historiquement, les wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération avaient un poids brut sur rail (PBR) de 263 000 livres. Au milieu des années 1990, l'industrie a entamé une transition vers des wagons-citernes de catégorie 111 d'un PBR de 286 000 livres. Ces wagons-citernes ont été conçus pour offrir une plus grande résistance à la perforation des têtes et des coques de citernes, des charges nominales accrues et une meilleure protection des raccords supérieurs et inférieurs (matériel de service).
En 2011, pour réduire davantage les risques liés au transport de marchandises dangereuses (MD) dans des wagons-citernes de plus grande capacité, l'Association of American Railroads (AAR) a mis en œuvre la norme CPC-1232 sur les wagons-citernes. Cette norme comprend un certain nombre d'améliorations, semblables à celles apportées aux wagons d'un PBR de 286 000 livres, dont doivent être dotés les wagons-citernes de Catégorie 111 commandés après le 1er octobre 2011 et destinés au transport de certains liquides inflammables de classe 3 (groupe d'emballage I ou II), dont le pétrole brut, l'éthanol et le méthanol. La norme CPC-1232 contient différentes améliorations de la sécurité, dont :
- l'ajout d'une protection des raccords supérieurs;
- l'utilisation de dispositifs de décharge de pression (DDP) qui se referment;
- l'utilisation d'acier normalisé pour la coque et les têtes des citernes;
- l'augmentation de l'épaisseur minimale du matériau (½ pouce) pour tous les wagons- citernes dépourvus de chemise extérieure et d'isolant;
- l'ajout de demi-boucliers protecteurs de ½ pouce d'épaisseur.
En avril 2014, en réponse à la recommandation R14-01 du BST, Transports Canada (TC) a annoncé le retrait du service dans un délai de 3 ans des wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération transportant du pétrole brut qui sont moins résistants aux collisions. En juillet 2014, on a adopté la norme TP 14877 par renvoi dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de TC, harmonisant ainsi la réglementation fédérale avec la norme CPC-1232 de 2011 de l'AAR. En mai 2015, TC a publié un règlement établissant les exigences pour une nouvelle norme sur les wagons-citernes transportant des liquides inflammables (TC-117)Note de bas de page 85, ainsi qu'un calendrier de retrait des wagons-citernes plus âgés utilisés pour le transport de liquides inflammables en 10 ans (2025).
Tous les wagons-citernes en cause dans l'événement à l'étude étaient conformes à la norme CPC-1232.
2.7.1 Brèches des wagons-citernes
Des 39 wagons-citernes qui ont déraillé, 33 (85 %) ont subi une brèche et ont rejeté différentes quantités de produit; 14 de ces 33 wagons-citernes ont subi de multiples brèches. Des 33 wagons-citernes qui ont subi une brèche, 19 (58 %) ont perdu tout leur chargement en raison de l'incendie et/ou du rejet et ont créé un grand feu en nappe.
Les 14 autres wagons-citernes qui ont subi une brèche (42 %) ont perdu une partie de leur chargement. On a récupéré le produit restant dans ces wagons pendant les activités d'assainissement. Le 24e wagon-citerne s'est complètement séparé en 2.
Après l'extinction de l'incendie, le rejet par des brèches plus petites, bien que non instantané, a contribué à l'alimentation du feu en nappe et au déversement de produit.
2.7.2 Brèches de coque
En raison de leur taille et du nombre de wagons touchés, les brèches de coque ont été les plus importants contributeurs au rejet de produit.
La coque de 13 des 37 wagons-citernes (35 %) inspectés par le BST s'est ébréchée sous le choc. Quatre wagons-citernes présentaient de petites perforations de moins de 1 pied de diamètre; la coque de 9 wagons-citernes a subi des brèches plus grandes variant de quelques pieds à une longueur complète d'une section de coque (dans le cas du wagon qui s'est rompu en 2). La majorité des brèches de coque étaient des perforations caractéristiques de collisions avec des objets pointus de plus petite taille (p. ex., attelages, bogies, traverses danseuses); la coque de quelques wagons-citernes présentaient des fissures là où il y avait des plis nets et des bosselures.
Toutes les brèches de coque étaient caractéristiques d'une rupture par contraintes ductiles (surfaces de rupture obliques, déformation plastique et apparence fibreuse grossière). Il n'y avait aucune trace de rupture par fragilisation.
2.7.3 Brèches causées par des ruptures thermiques
La plupart des 37 wagons-citernes inspectés par le BST présentaient des dommages caractéristiques d'une exposition à l'incendie qui a suivi le déraillement. Les dommages par le feu variaient d'un roussissement de la peinture à des changements de la teneur en carbone en surface et à de l'oxydation externe, ce qui correspond à une exposition au pétrole brut et à de l'air très chaud.
Quinze (15) des 37 wagons-citernes (41 %) examinés par le BST ont subi des ruptures thermiques de 18 à 240 pouces de longueur, caractéristiques d'une exposition à l'incendie qui a suivi le déraillement. Des 15 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, 10 n'ont subi aucune autre brèche pouvant avoir contribué à la détente de la pression interne. Des 5 autres wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, 3 ont aussi subi une brèche du robinet de vidange par le bas (RVB), 1 une brèche de tête, et 1 une brèche de RVB et une brèche de tête. Toutes les ruptures thermiques se trouvaient dans l'espace vapeur des wagons et présentaient les caractéristiques d'une rupture fragile à température élevée.
Les 15 wagons-citernes ayant subi des ruptures thermiques n'avaient pas de chemise extérieure ni de protection thermique. Cela suggère que l'absence de protection thermique a probablement fait croître l'ampleur du rejet qui a alimenté l'incendie.
Quoique les 4 wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure et d'isolant n'aient pas subi de rupture thermique, 2 de ces wagons ont subi d'autres brèches qui en ont probablement libéré la pression interne, et 1 wagon s'est retrouvé partiellement submergé dans la rivière Makami, ce qui l'a peut-être refroidi. Ainsi, il a été impossible de déterminer le niveau d'efficacité de la chemise et de l'isolant en ce qui concerne le retardement de l'augmentation de la pression interne.
On a précédemment pensé que les DDP dont la pression de déclenchement de la décharge est plus élevée pouvaient créer une pression interne excessive au cours d'un incendie, entraînant ainsi des ruptures thermiques plus énergétiques. Dans le cas de l'événement à l'étude, 11 des 15 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques étaient dotés d'un DDP de 75 psi. La taille des ruptures thermiques de ces wagons-citernes variait de 18 à 240 pouces. Par comparaison, les 4 wagons-citernes dotés d'un DDP de 165 psi ont subi des ruptures thermiques de 22 à 96 pouces de longueur. Ainsi, dans le cas des 15 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, aucune preuve ne soutenait l'hypothèse selon laquelle les DDP dont la pression de début de décharge est plus élevée produisent des ruptures thermiques plus énergétiques.
2.7.4 Dommages aux têtes et aux boucliers protecteurs
Les boucliers protecteurs des 37 wagons-citernes (100 %) qui ont déraillé que le Bureau de la sécurité des transports (BST) a examinés ont subi des dommages attribuables à une collision; au moins 1 tête de 26 wagons-citernes (70 %) présentait des dommages attribuables aux chocs. Quinze des 37 wagons-citernes (41 %) ont perdu 1 de leurs boucliers protecteurs et 2 wagons-citernes (5 %) ont perdu leurs 2 boucliers protecteurs. La plupart des boucliers protecteurs se sont détachés en raison du bris de leurs supports. Des 37 wagons-citernes (27 %), 7 ont subi une brèche de tête attribuable aux chocs.
Les têtes des 4 wagons-citernes dotés d'une chemise extérieure, d'isolant et de boucliers protecteurs complets (les 9e, 14e, 19e et 29e wagons) ont subi différents degrés de dommages attribuables aux chocs, mais n'ont pas subi de brèches. Cela suggère que les chemises extérieures, l'isolant et les boucliers protecteurs complets protègent les têtes de citerne plus efficacement contre les perforations dues aux chocs pendant un déraillement que les demi-boucliers protecteurs.
2.7.5 Dommages des trous d'homme, des raccords supérieurs et des dispositifs de décharge de pression
Les wagons qui ont déraillé étaient équipés d'un couvercle de trou d'homme articulé et boulonné. Le couvercle de trou d'homme de 20 des 37 wagons-citernes qui ont déraillé que le BST a examiné a été ouvert pendant les activités d'assainissement. Le couvercle de trou d'homme de 11 wagons-citernes était fermé. Des 6 autres wagons-citernes, 5 ont laissé fuir du produit en raison d'un trou d'homme endommagé par un choc.
Le capot de protection de 18 des 37 wagons-citernes qui ont déraillé (49 %) a subi une forme de dommage attribuable aux chocs. Dans la plupart des cas, ces dommages étaient relativement mineurs. Le capot de protection de seulement 2 wagons-citernes (les 16e et 24e wagons-citernes) a subi d'importants dommages attribuables aux chocs (il était complètement séparé du couvercle de la buse des raccords supérieurs). Tous les raccords supérieurs de ces 2 wagons-citernes s'étaient rompus, et ceux-ci ont rejeté du produit.
Le petit nombre de wagons-citernes dont les trous d'homme, les raccords supérieurs et les DDP ont subi une brèche suggère que les éléments de sécurité incorporés aux dispositifs supérieurs ont généralement réduit efficacement le rejet de produit.
2.7.6 Dommages aux robinets de vidange par le bas
Si, au cours d'un déraillement, un wagon-citerne chargé s'immobilise en position renversée et que ses raccords supérieurs sont endommagés, une fuite de produit pourrait s'ensuivre. De même, si le wagon-citerne s'immobilise à la verticale avec un robinet de vidange par le bas endommagé, le produit peut fuir par le RVB. Si les raccords supérieurs et le RVB sont endommagés, le raccord qui se retrouve à la position la plus haute peut agir comme un évent et augmenter grandement le débit à partir de l'autre accessoire endommagé. Pour réduire et prévenir les rejets de produit au cours d'un déraillement, il faut protéger les raccords supérieurs et le RVB, si nécessaire.
L'enceinte de protection contre le glissement du RVB de 28 des 37 wagons-citernes examinés présentait certains types de dommages attribuables aux chocs, variant d'une déformation ou de l'écrasement de l'enceinte à une rupture de l'enceinte et/ou une rupture de la soudure entre l'enceinte et la coque. La coque de la plupart des wagons-citernes dont l'enceinte de protection contre le glissement était endommagée était lourdement déformée à proximité de cette enceinte de protection, ce qui indique que ces wagons ont subi de violentes collisions.
On a effectué les constatations suivantes en ce qui concerne l'assemblage de la poignée et le mécanisme de fixation du RVB :
- Des 37 wagons-citernes examinés (76 %), 28 ont subi une forme de dommage attribuable aux chocs, variant d'une déformation à la rupture complète de l'assemblage de la poignée et du mécanisme de fixation.
- L'adaptateur du RVB de 20 wagons-citernes s'est brisé à la bride de fixation (le point de rupture prévu), ce qui a mis à découvert le joint sphérique du RVB. La poignée de RVB de ces wagons (à l'exception des 31e et 41e) présentait des dommages attribuables aux chocs ou avait été arrachée.
- Le joint sphérique de 13 des 20 wagons-citernes dont l'adaptateur de RVB s'est rompu (65 %; les 7e, 11e, 19e, 21e, 22e, 23e, 24e, 31e, 32e, 33e, 34e, 37e et 40e wagons-citernes) était ouvert ou partiellement ouvert, ou laissait visiblement fuir du produit. L'assemblage de la poignée de tous les wagons-citernes ayant subi une rupture du RVB a été endommagé par un choc.
Cela met en évidence la vulnérabilité des RVB lors d'un déraillement et la nécessité de concevoir de meilleures poignées pour les robinets à joint sphérique des RVB.
Le BST a souligné le problème relatif aux RVB endommagés et à la conception des poignées de ces dispositifs dans l'Avis de sécurité ferroviaire 15/13 et 3 rapports d'enquêtes précédentes (R15H0013, R13T0060 et R13D0054). Dans le cadre de l'enquête sur ces événements, on a constaté que le RVB des wagons-citernes de catégorie 111 n'offrait pas de protection adéquate contre les mouvements du joint sphérique dans les cas suivants : après la rupture ou la déformation de la poignée; lorsque le tournant sphérique est actionné involontairement pendant le déraillement ou les activités d'assainissement. Le National Transportation Safety Board (NTSB) a également cerné ce risque dans le cadre de son enquête sur le déraillement du train de marchandises du CN à Cherry Valley (Illinois), 2009.
On a souvent cerné des problèmes relatifs aux poignées des RVB dans d'autres rapports d'enquête sur des accidents. Toutefois, lorsque la norme de construction des wagons-citernes CPC-1232 est entrée en vigueur, les modifications recommandées n'avaient pas encore été mises en œuvre. Comme on n'a pas modifié les poignées des RVB, ces types de rejets continuent de se produire lors de déraillements. Dans l'événement à l'étude, même si les poignées des RVB étaient conformes aux normes de l'AAR, elles avaient été exposées et actionnées pendant l'accident ou les activités d'assainissement et ont laissé fuir du produit. La conception des poignées des RVB des wagons-citernes n'a pas fourni une protection adéquate contre le rejet de produit au cours du déraillement, et a contribué à la gravité du rejet. Si les poignées des RVB continuent d'être exposées (sans protection adéquate), les risques de rejet pendant un déraillement ou les activités d'assainissement augmenteront.
2.7.7 Dommages aux longrines tronquées
Il est interdit de fixer les longrines tronquées directement à la coque des wagons-citernes. L'AAR exige la fixation des longrines tronquées à des plaques de renfort, lesquelles seront fixées à la coque de la citerne. Ces exigences visent à s'assurer qu'en cas de surcharge d'une longrine tronquée, la séparation se produira entre la longrine et la semelle sans se propager au niveau de la coque de la citerne.
Dans le cas de l'événement à l'étude, au moins 1 longrine tronquée et/ou 1 attelage de 31 des 37 wagons-citernes examinés avaient subi des dommages attribuables aux chocs, et 25 wagons-citernes étaient endommagés aux 2 extrémités. Quoique la longrine tronquée de 6 wagons-citernes s'est rompue, aucune rupture de longrine tronquée n'a causé de brèche de coque.
2.8 Caractéristiques du matériau des wagons-citernes
Dans l'événement à l'étude, le matériau des têtes et de la coque du wagon-citerne satisfaisait aux exigences de composition chimique et de résistance à la traction pour l'acier normalisé de nuance B de la norme TC128 de l'AAR.
On a comparé les 63 wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération en cause dans l'événement à Lac-Mégantic (R13D0054) aux 68 wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 en cause dans l'événement à l'étude (R15H0021) et l'événement de Gladwick (R15H0013). Quoique la norme CPC-1232 constitue une amélioration par rapport aux wagons-citernes de catégorie 111 d'ancienne génération, les wagons-citernes conformes à cette norme ne semblent pas assez robustes pour contenir de façon sûre des produits de classe 3 (GE I et II) en cas de déraillement à grande vitesse.
La gravité des chocs et des dommages thermiques subis par les wagons-citernes, le rejet de produit et l'incendie qui ont suivi le déraillement, ainsi que les dommages causés à l'environnement notés dans l'événement à l'étude, renforcent les préoccupations actuelles du BST relativement aux trains transportant de grandes quantités de liquides inflammables. Si l'on continue de transporter les liquides inflammables dans des wagons-citernes dont la construction n'est pas suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique lorsque survient un accident, les risques de rejet de MD en cas de déraillement demeureront élevés.
2.9 Nouveaux règlements sur les wagons-citernes transportant des liquides inflammables
En mai 2015, TC a publié des modifications au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses dans la Gazette du Canada, Partie II, pour établir les exigences pour une nouvelle norme (TC-117) sur les wagons-citernes transportant des liquides inflammables, des exigences de rattrapage pour les wagons-citernes d'ancienne génération utilisés pour transporter de tels liquides, et des calendriers de mise en œuvre relativement à la modernisation du parc canadien de wagons-citernes. TC met également à jour la norme TP 14877, intitulée Contenant pour le transport de marchandises dangereuses par chemin de fer ; cette norme canadienne est citée dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses relativement à la construction des wagons-citernes conformes à la norme TC-117. On a généralement harmonisé les normes et les calendriers avec celles et ceux des organismes de réglementation des États-Unis, c'est-à-dire la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration et la Federal Railroad Administration (FRA). Avec l'entrée en vigueur de la récente loi Fixing America's Surface Transportation, les États-Unis se sont harmonisés davantage avec les exigences canadiennes.
En vertu de la nouvelle réglementation, tous les nouveaux wagons-citernes destinés au transport de liquides inflammables doivent être faits d'un acier plus épais et résistant mieux aux chocs et être munis d'une protection thermique (chemise), de boucliers protecteurs complets, d'une protection des raccords supérieurs, de RVB améliorés et de DDP appropriés. L'Association des chemins de fer du Canada et le secteur continuent d'appuyer l'amélioration des normes sur les wagons-citernes.
Toutefois, la transition aux nouveaux wagons-citernes TC-117 et l'installation sur les wagons-citernes plus âgés de dispositifs de protection améliorés qu'exige maintenant la réglementation pour le transport de certains liquides inflammables de classe 3 nécessiteront du temps. Un certain nombre de déraillements importants ont causé le rejet de liquides inflammables, des pertes de vie et des dommages à l'environnement. À la lumière de ces déraillements, on peut avancer que si les nouvelles normes sur les wagons-citernes ne sont pas mises en œuvre complètement et rapidement, les risques liés aux rejets de produit et aux conséquences de ces rejets subsisteront en cas de déraillement de wagons-citernes transportant des liquides inflammables.
En attendant que le secteur effectue la transition aux nouveaux wagons-citernes TC-117 et modifie les wagons-citernes plus âgés, il faut gérer en amont les mesures d'atténuation des risques, dont les limitations de vitesse des trains clés et les évaluations des risques dans les itinéraires clés.
2.10 Vitesse des trains clés
L'énergie cinétique est fonction de la masse et de la vitesse au carré. Lorsqu'un train quitte les rails, les forces produites par le déraillement et le ralentissement progressif du train consomment son énergie cinétique. Comparativement à un train plus léger, un train lourd (p. ex., un train-bloc de pétrole brut) a une quantité de mouvement plus élevée, nécessite plus d'énergie pour ralentir, et exige une plus grande distance pour s'immobiliser. Dans le secteur, on sait très bien que lorsque la vitesse d'un train augmente, le nombre de wagons qui quittent les rails en cas de déraillement augmente également.
Si la gravité d'un déraillement dépend principalement de la vitesse du train, le poids des wagons est aussi un important facteur : les wagons plus lourds ont une quantité de mouvement plus élevée lorsque la vitesse du train augmente et l'immobilisation de ces wagons requiert un effort supplémentaire. Lorsque des wagons-citernes plus lourds sont chargés de MD, les risques de rejet et les conséquences qui s'ensuivent en cas de déraillement s'aggravent. Par exemple, dans le cas de l'événement de Gladwick (R15H0013), le train circulait à 38 mi/h et 29 wagons ont déraillé. Dans le cas de l'événement à l'étude (R15H0021), le train circulait à 43 mi/h et 39 wagons ont déraillé. Dans les 2 cas, les trains étaient des trains-blocs de pétrole brut conduits de manière semblable sur une voie en alignement lorsque le déraillement s'est produit.
Les organismes de réglementation ont constaté le rôle que joue la vitesse dans la gravité d'un déraillement et ont mis en œuvre des mesures pour limiter la vitesse des trains clés dans certaines situations. Après l'événement à Lac-Mégantic, le 23 avril 2014, TC a publié l'ordre ministériel 14-01 pour enjoindre les compagnies ferroviaires à limiter la vitesse des trains clés à 40 mi/h dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) et à effectuer des évaluations des risques dans les itinéraires clés. On a publié à nouveau cet ordre ministériel jusqu'à l'entrée en vigueur du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC en février 2016.
En vertu du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, les compagnies ferroviaires « doivent limiter la vitesse des trains clés à une vitesse maximale de 50 [mi/h] », et les trains clés « doivent être exploités à une vitesse maximale de 40 mi/h à l'intérieur du noyau et du noyau secondaire des RMR ». De plus, selon ce règlement, les compagnies ferroviaires doivent limiter la vitesse des trains clés comportant des wagons-citernes de classe DOT-111 chargés de certains liquides inflammables de classe 4 « à une vitesse maximale de 40 mi/h dans les secteurs désignés comme étant à risque élevé dans le cadre du processus d'évaluation des risques exigé » par le règlement. Les wagons-citernes de catégorie DOT-111 comprennent aussi les wagons-citernes conformes à la norme CPC-1232, dont ceux faisant partie du train de l'événement à l'étude. Malgré cette limitation de vitesse à 40 mi/h des trains unitaires transportant des liquides inflammables de classe 3 dans les RMR, on n'a pas effectué d'analyse technique détaillée pour évaluer les effets des limitations de vitesse sur la gravité d'un déraillement.
Le train en cause dans l'événement à l'étude était désigné comme un train clé exploité sur un itinéraire clé. L'accident s'est produit alors que le train roulait à 43 mi/h, soit plus lentement que la vitesse autorisée de 50 mi/h et la vitesse maximale de 50 mi/h permise par l'ordre ministériel de Transports Canada en vigueur au moment de l'accident et dans le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés en vigueur. La vitesse du train-bloc de pétrole brut a exacerbé la gravité du déraillement.
Dans le cadre de l'enquête Gladwick (R15H0013), il a été déterminé que la vitesse du train a exacerbé la gravité du déraillement. Le Bureau était préoccupé par le fait que les limitations de vitesse définies dans le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés ne soient pas suffisant pour quelques trains clés, en particulier les trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3 qui ne sont pas conformes à la norme TC-117 et a recommandé que
le ministère des Transports mène une étude sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements mettant en cause des marchandises dangereuses, détermine des stratégies d'atténuation appropriées, y compris les vitesses de trains propres à divers profils de risques de trains, et modifie en conséquence le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés .
Recommandation R17-01 du BST
Dans l'événement à l'étude (R15H0021), 33 des 39 wagons-citernes qui ont déraillé (85 %) ont subi une brèche et ont rejeté environ 2,6 millions de litres de pétrole brut (UN 1267) à l'atmosphère, dans l'eau et dans le sol. Des 33 wagons-citernes qui ont subi une brèche, 19 (58 %) ont perdu tout leur chargement en raison de l'incendie et/ou du rejet. Le produit rejeté s'est enflammé, a causé des explosions, a créé un important feu de nappe et a contaminé la rivière Makami située à proximité. Le produit déversé s'est enflammé et a brûlé pendant 3 jours. Quoique personne n'a été blessé malgré la proximité de la ville de Gogama, l'accident a causé des dommages à l'environnement et a nécessité des travaux considérables de remise en état du site. Si l'accident s'était produit dans un village, une ville ou une RMR, les conséquences auraient pu être encore plus graves. La gravité du déraillement à 43 mi/h permet de croire que les limitations de vitesse à 50 mi/h qui étaient en vigueur au moment de l'accident n'auraient pas réduit la gravité d'un déraillement et sont lacunaires en ce qui concerne les trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3.
Les trains de marchandises générales, lesquels comportent souvent des wagons-citernes de MD, sont moins à risque en cas de déraillement, car ce dernier peut se produire dans une partie du train ne comportant pas ou peu de wagons-citernes de MD. Quant à eux, les trains-blocs de wagons-citernes de MD chargés de liquides inflammables de classe 3 ont un profil de risques différent. Lorsque tous les wagons d'un train-bloc transportent des liquides inflammables de classe 3 et que le train déraille à la vitesse maximale (ou à peu près à cette vitesse), les risques de rejet et de conséquences négatives sont élevés, et ce, peu importe la partie du train où se produit le déraillement. Si l'on ne restreint pas adéquatement la vitesse des trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3, les risques de rejet de produit et de conséquences négatives en cas de déraillement augmentent.
2.10.1 Vitesse des trains clés dans les régions métropolitaines de recensement
Selon la définition de Statistique Canada, une région métropolitaine de recensement (RMR) est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'un centre de population. Une RMR a une population totale d'au moins 100 000 habitants, et son noyau doit compter au moins 50 000 habitants. L'agglomération de recensement (noyau secondaire) doit avoir une population d'au moins 10 000 habitants.
La plupart des RMR sont desservies par un tronçon ferroviaire majeur. En 2016, 33 villes d'une population totale de 25 164 200 personnes répondaient aux critères des RMR, ce qui correspond à environ 69 % de la population du Canada.
En vertu du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, les compagnies ferroviaires « doivent limiter la vitesse des trains clés à une vitesse maximale de 50 [mi/h] », et les trains clés « doivent être exploités à une vitesse maximale de 40 mi/h à l'intérieur du noyau et du noyau secondaire des [RMR] ». Cela signifie que la vitesse des trains doit être restreinte dans les zones comprenant environ 69 % de la population du Canada. Toutefois, la plupart des villes situées le long des tronçons ferroviaires ne sont pas des RMR, et la limitation de vitesse de 40 mi/h du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés ne s'y applique pas.
2.11 Durée de vie en fatigue
Le trafic dans la subdivision de Ruel avait augmenté de 21 % depuis 2013, notamment en raison d'une grande augmentation du nombre de trains-blocs de pétrole brut. On sait que les trains-blocs lourds concentrent les forces du train sur les irrégularités de la voie, comme les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rails et les écrasements du champignon.
Le nombre d'affaissements localisés de la surface de roulement, d'écrasements des abouts de rail et d'écrasements de champignon détectés dans la subdivision de Ruel avait augmenté depuis 2013. La surveillance de ces défauts nécessite beaucoup de temps. Le remplacement des rails comportant un affaissement localisé de la surface de roulement ou un écrasement du champignon nécessite la création de joints dans les longs rails soudés (LRS), ce qui peut entraîner des écrasements des abouts de rail si ces joints ne sont pas bien entretenus. Ces états de surface de roulement se forment principalement dans les rails plus âgés fabriqués par Sydney Steel et Algoma. Dans la subdivision de Ruel, le tonnage total accumulé était inconnu et le rail n'approchait pas sa limite d'usure. Par contre, l'augmentation du tonnage, ce qui inclut la circulation de trains-blocs de pétrole brut, ont probablement contribué à un régime de fatigue. Ce dernier s'est traduit par une augmentation du nombre des états de surface de roulement de rail suivants : affaissements localisés de la surface de roulement, écrasements des abouts de rail et écrasements du champignon.
Dans l'événement à l'étude, la FVLC qui a causé le déraillement ne s'est pas développée en raison d'un affaissement localisé de la surface de roulement, mais l'écrasement des abouts de rail associé à une réparation de mauvaise qualité du rail a probablement accéléré le développement de la FVLC après que la réparation a été faite. Toutefois, la FVLC qui a causé le déraillement à Minnipuka (Ontario; événement ferroviaire R15H0020 du BST) s'est probablement développée plus rapidement en raison d'un affaissement localisé de la surface de roulement à proximité du lieu du déraillement.
Ces affaissements localisés de la surface de roulement (particulièrement dans des rails plus âgés qui ont atteint leur limite de fatigue ou s'en approchent) peuvent être assujettis à des chocs des roues sur les rails qui peuvent se traduire par des contraintes de contact accrues et contribuer au développement d'autres défauts de rail, dont des FVLC. Il faut tenir pleinement compte des états émergents de surface de roulement de rail de l'écrasement des abouts de rail, de l'affaissement localisé de la surface de roulement et de l'écrasement du champignon pendant les évaluations des risques utilisées pour prévoir les inspections réglementaires ou l'élaboration des programmes de remplacement des rails. Sinon, les risques que les sections de rail problématiques ne soient pas décelées et réparées augmentent.
2.12 Évaluation des risques dans les corridors clés de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Dans le Rapport d'enquête sur des problèmes de sécurité SII R05-01, le BST a étudié une série d'événements et a constaté un déséquilibre entre l'entretien de l'infrastructure et l'augmentation du trafic de vrac. Cette étude a permis au BST de constater que même si les compagnies ferroviaires savent que la voie se dégrade plus rapidement lorsque le trafic de trains-blocs de vrac augmente, elles n'ont pas toujours maintenu un équilibre approprié entre la dégradation accélérée de la voie et l'entretien ou le renouvellement de l'infrastructure. Dans cette étude, on a souligné que la conformité avec le Règlement concernant la sécurité de la voie ne suffit pas à elle seule à assurer la sécurité, et on a mis l'accent sur la nécessité de mettre en œuvre des processus astucieux de gestion de la sécurité pour anticiper les conditions opérationnelles pouvant réduire les marges de sécurité. Dans sa Liste de surveillance, le BST a aussi mis l'accent sur l'importance de la mise en œuvre organisée de SGS pour faciliter la détection préventive des dangers et le maintien d'un niveau acceptable de risques.
De 2010 à 2014, le volume de transport ferroviaire a augmenté de 44 % dans la subdivision de Ruel. Pendant cette même période, le transport de pétrole brut par rail a considérablement augmenté, correspondant à 46 % de cette hausse du volume de transport ferroviaire. La majorité du pétrole brut était transporté par des trains-blocs composés de wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 et d'un PBR de 286 000 livres. Quoique la voie dans les environs du lieu du déraillement fût en tout temps maintenue conformément aux normes sur les voies de catégorie 3, on n'a pas cerné les risques de dégradation accélérée de l'infrastructure de la voie causée par l'augmentation de 44 % susmentionnée du volume de transport ferroviaire.
En vertu de son SGS, le CN devait effectuer une évaluation des risques lorsque ses activités connaissaient des modifications d'importance (y compris les changements de volume de trafic ferroviaire ou de types de produits transportés); toutefois, on ne définissait pas le terme « modification d'importance » dans ce SGS. Le CN a effectué une évaluation des risques associés au transport de MD entre Winnipeg et Toronto et a constaté qu'il y avait un manque de fournitures d'intervention d'urgence dans la subdivision de Ruel. Toutefois, le CN n'a pas anticipé les répercussions de l'augmentation du trafic et du volume de transport ni sa capacité de maintenir des marges de sécurité ferroviaire acceptables dans la subdivision de Ruel. Ces augmentations n'ont pas incité le CN à effectuer un examen attentif de son évaluation des risques d'avril 2014.
De plus, cette évaluation des risques n'a pas permis d'établir des stratégies d'atténuation des risques pour gérer à la fois : l'augmentation des demandes d'entretien de la voie causée par la hausse du trafic et du volume de transport; l'évaluation des répercussions de ces demandes, particulièrement en ce qui concerne les rails plus âgés fabriqués par Sydney Steel posés dans la subdivision de Ruel qui étaient plus sujets aux FVLC (comme l'ont démontré les déraillements à Minnipuka le 5 mars 2015 et 2 jours plus tard, à Gogama).
Le CN a géré l'équilibre entre l'augmentation du trafic et les activités d'entretien en se fiant à des indicateurs tardifs, comme les inspections plus fréquentes, les contrôles de la voie, les limitations de vitesse, les incidents et les accidents. Le CN n'avait pas explicitement défini les modifications d'importance de ses activités qui justifieraient l'examen d'une évaluation des risques, comme le volume de transport ferroviaire et les produits transportés. Le SGS du CN était donc fondé sur des indicateurs réactifs, et ne lui permettait pas d'anticiper la nécessité d'augmenter l'entretien de la voie à la lumière de l'augmentation considérable des quantités de MD et du volume de transport ferroviaire.
Les wagons de marchandises sont généralement dotés de 8 roues (4 essieux montés de 2 roues chacun). Chaque roue d'un wagon d'un PBR de 263 000 livres (comme un wagon-citerne de catégorie 111 d'ancienne génération) supporte 32 875 livres. Par comparaison, chaque roue d'un wagon-citerne d'un PBR de 286 000 livres (comme un wagon-citerne de catégorie 111 conforme à la norme CPC-1232) supporte 35 750 livres, c'est-à-dire environ 2875 livres de plus qu'une roue d'un wagon d'un PBR de 263 000 livres.
La charge imposée sur le rail est un facteur, et le nombre de cycles en est un également. Par exemple, il faudrait de 110 à 113 wagons de PBR de 263 000 livres pour transporter la même quantité de produits que 100 wagons de PBR de 286 000 livres. Des wagons de PBR de 286 000 livres imposent sur les rails une charge plus élevée de 8,8 % à celle qu'imposent des wagons de PBR de 263 000 livres, mais le nombre de cycles de fatigue que ceux-ci appliqueraient à l'infrastructure de la voie augmenterait de 10 % à 13 %. Toutefois, le poids additionnel des wagons de PBR de 286 000 livres peut aussi accélérer la dégradation de l'infrastructure de la voie, et ce, en raison des chocs roues/rails accrus, mais aussi en raison du déplacement vertical accru des rails, là où il y avait des affaissements localisés de la surface de roulement ou des écrasements des abouts de rails.
Dans le cas de l'événement à l'étude, la FVLC a progressé jusqu'à une rupture par fragilisation à peine 2 jours après la réparation. La courte rampe de 2,5 pouces (60 mm) agissait davantage comme un cran, les chocs roues/rails calculés pouvaient atteindre 140 kips lorsque les roues franchissaient la transition entre le rail supérieur et le rail inférieur, laquelle comportait déjà une FVLC. Si l'on ne tient pas compte adéquatement des augmentations de transport ferroviaire, de l'utilisation de wagons plus lourds et des risques de dégradation accélérée de l'infrastructure de la voie pendant les évaluations des risques, les activités d'entretien ordinaires de la voie peuvent ne plus suffire à son maintien dans un état satisfaisant aux normes en vigueur, ce qui fait croître les risques de défaillance de l'infrastructure de la voie.
2.13 Surveillance réglementaire de la subdivision de Ruel
Dans le cadre des responsabilités de TC envers la surveillance de la conformité réglementaire, les inspecteurs en ingénierie ferroviaire du ministère effectuent des inspections de l'infrastructure ferroviaire, et ce, partout au Canada. Les subdivisions ne font pas l'objet d'inspections périodiques de TC. TC utilise plutôt une approche fondée sur le risque et tient compte de différents facteurs pour définir les endroits qui doivent faire l'objet d'inspections ciblées. Dans l'événement à l'étude, on n'a pas jugé que la subdivision de Ruel devait faire l'objet d'inspections ciblées plus fréquentes en raison de l'augmentation considérable du volume de transport ferroviaire et de MD, et ce, même s'il s'agit de l'un des principaux corridors ferroviaires du CN.
Avant l'accident, TC avait effectué ses dernières inspections visuelles de la voie dans les environs du lieu du déraillement en 2012 et en 2010. De 2013 à la date de l'événement à l'étude, TC n'a pas inspecté la voie de la subdivision de Ruel, puisqu'il semblait y avoir une diminution au chapitre des défauts de géométrie. Or, de 2010 à 2014, on a enregistré une augmentation de 30 % du trafic dans la subdivision de Ruel, et le transport de pétrole brut représentait 46 % de cette augmentation.
En mi-mars 2015, après les 3 accidents dans la subdivision de Ruel, TC a inspecté l'ensemble de la subdivision et a constaté 67 défauts non conformes nécessitant des mesures correctives et a rapporté 59 autres préoccupations et observations. Ces défauts avaient sans doute progressé depuis la dernière inspection réglementaire de TC (en 2012) et étaient présents avant l'accident, mais la compagnie ferroviaire ne les avait pas détectés malgré ses inspections périodiques.
Depuis mai 2014, le BST a enquêté sur 5 autres événements où des inspections menées par la compagnie ferroviaire ou par TC n'avaient détecté aucune dégradation de l'état des voies. La dégradation de l'infrastructure de la voie s'est poursuivie, et un déraillement a fini par se produire. Dans 3 de ces 5 événements, des défaillances aux joints de rail ou des ruptures de rails sont survenues tout près d'états de surface de roulement de rail préexistants qui, quoique non critiques, faisaient l'objet d'une surveillance par la compagnie ferroviaire à ce moment. Dans 4 de ces 5 événements, les plus récentes inspections réglementaires réalisées par TC avant l'accident remontaient à 2012. Depuis, dans sa planification des inspections réglementaires de la voie, TC n'indiquait pas que ces subdivisions devaient faire l'objet d'inspections de la voie. Dans chacun de ces événements, les pratiques d'entretien de la voie étaient inadéquates et avaient exposé l'infrastructure de la voie à des risques. La surveillance réglementaire n'a pas permis de constater l'entretien inefficace de la voie, et l'état de celle-ci a continué de se dégrader jusqu'à ce qu'un déraillement se produise. Ce n'est qu'après ces 4 accidents que TC a mis en œuvre les mesures nécessaires pour s'assurer que la voie est adéquatement remise en état.
Les programmes d'entretien doivent être mis en œuvre rapidement pour assurer une atténuation des risques adéquate. Les inspections réglementaires sont tout aussi importantes pour assurer la conformité. En vertu de la réglementation sur les SGS, les entreprises doivent effectuer des évaluations des risques lorsque leurs activités (volumes ou produits) connaissent des modifications d'importance; toutefois, ces modifications n'amènent pas nécessairement TC à effectuer des examens de l'état de l'infrastructure de la subdivision ou des inspections réglementaires supplémentaires.
Si l'approche fondée sur le risque pour prévoir les inspections réglementaires ciblées de la voie ne tient pas compte de tous les facteurs opérationnels pertinents (dont l'augmentation du volume de transport ferroviaire, l'augmentation du volume des MD de même que les indicateurs précurseurs émergents d'une dégradation potentielle de la voie, comme l'affaissement localisé de la surface de roulement, l'écrasement des abouts de rails et l'écrasement de champignon), ces inspections peuvent ne pas cibler les éléments appropriés, ce qui fait croître les risques que la dégradation de l'état de la voie passe inaperçue.
2.14 Intervention en cas d'urgence
Le déraillement s'est produit à un endroit facile d'accès, ce qui a simplifié les activités d'assainissement du site. Le CN et le service d'incendie de Gogama ont immédiatement mis en œuvre un système central d'opérations d'intervention. Avec la coopération de la municipalité locale, on a établi un poste de commandement des interventions à l'hôtel de ville de Gogama, situé à environ 2 milles au nord-est du lieu du déraillement. C'est à ce PCI que les intervenants internes et externes se rendaient pour fournir des informations mises à jour sur les plans d'assainissement du site, la progression des activités d'atténuation du risque au site, les plans de reprise des activités et d'autres préoccupations en matière de sécurité.
Le CN a organisé des réunions périodiques pour communiquer ses plans d'assainissement du site avec tous les intervenants et les intéressés locaux. D'autres organismes d'intervention ont mis sur pied des centres de travail dans le PCI pour coordonner leurs activités. Les intervenants et le personnel de soutien y ont trouvé refuge contre le mauvais temps et ont pu profiter de repas chauds qui y étaient servis jour et nuit.
Le CN a placé un poste de commandement mobile à l'extrémité est et un autre à l'extrémité ouest du périmètre du site. À chacun de ces 2 postes de commandement, on retrouvait de la nourriture, de l'eau, du matériel de premiers soins et de l'équipement de sécurité de rechange distribué au personnel, au besoin. Ces postes ont aussi été le théâtre de séances secondaires d'information sur les travaux et d'orientation.
Quatre jours après le début des activités de nettoyage du lieu de déraillement, le CN a tenu une séance d'information exhaustive pour les responsables des gouvernements provincial et municipal, les chefs et les aînés des Premières Nations, les organismes d'intervention et les résidents de Gogama. On a maintenu une bonne coordination des activités d'assainissement. En dépit des défis d'une intervention dans un important accident ferroviaire et un incendie subséquent, l'intervention d'urgence a été efficace et inclusive.
2.15 Incidences environnementales
Les parties appropriées ont enquêté sur les incidences environnementales potentielles. On a traité les eaux usées contaminées, et rien n'indique à l'heure actuelle que les eaux de surface et souterraines ont été contaminées. On a retiré le sol contaminé et on l'a expédié à des installations d'élimination hors site. On a construit un bassin de confinement le long de l'emprise du CN pour récupérer tout le produit résiduel susceptible de s'écouler du ballast. On a retiré tout le sédiment contaminé et on l'a transporté jusqu'à des installations d'élimination hors site. À l'été 2016, on a remis en état le site conformément à un programme de plantation des divers spécimens indigènes détruits, et ce, avec l'aide de la première nation de Mattagami. On a effectué la remise en état des rives de la rivière et du lac à l'automne 2016, et les efforts dans ce domaine se poursuivent.
En dépit de ces efforts, des citoyens inquiets ont signalé la présence d'un mince film de pétrole à la surface de la rivière et de poissons morts pendant l'été 2016. Le CN a répondu à ces préoccupations et a continué à échantillonner et à analyser le sol, le sédiment et l'eau dans les zones définies. On a soumis certains des poissons morts à des analyses. Au départ, une évaluation indépendante a permis de constater que les résultats des tests satisfaisaient aux normes réglementaires, et on a communiqué ces résultats aux dirigeants locaux. Cependant, au moment de la publication du rapport d'enquête du BST, Environnement et Changement climatique Canada continuait d'enquêter sur les prétendues violations des dispositions de prévention de la pollution de la Loi sur les pêches qui concernent cet accident.
À l'automne 2016, le CN a remis sur pied un comité de consultation composé d'experts pour aborder les préoccupations de la population locale. Toutes les parties se sont entendues pour que des activités de dragage supplémentaires de la rivière soient effectuées à proximité du pont ferroviaire et à 2 endroits au sud du pont routier. On aspiré et dragué le lit de la rivière, et on a complètement retiré le sédiment à ces 3 endroits. On a remis en état le lit de la rivière en y apposant une couche de pierre de carrière propre que l'on a recouverte de gravillon.
Quoique le plan d'intervention environnementale fût exhaustif et que l'on ait mis en œuvre des stratégies d'atténuation considérables, la surveillance du site se poursuit, et il y a encore de préoccupations quant à la contamination possible du bassin hydrographique.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Avant l'arrivée du train, une section de 16 pouces du champignon du rail sud d'origine s'était rompue en raison d'une fissuration verticale longitudinale du champignon dans le joint est, à la hauteur d'une réparation au moyen d'un rail avec rail de raccord, ce qui a créé un écart dans le rail sud.
- Le déraillement s'est produit lorsque le rail sud a subi une rupture catastrophique sous le train alors que le train traversait la voie; cette rupture a causé le déraillement des wagons-citernes 6 à 44, qui étaient chargés de pétrole brut.
- Pendant la réparation avec rail de raccord, 3 jours avant le déraillement, on a coupé le rail d'origine et on a inspecté visuellement les abouts de rail exposés pour y déceler des fissures; aucune anomalie n'a été constatée. Toutefois, le contremaître des patrouilles hivernales n'a pas soumis les abouts de rail exposés à un essai de ressuage comme l'exige l'article 1.7 des Normes de la voie – Ingénierie du CN.
- Aucune directive précise n'était fournie au personnel d'ingénierie du CN concernant la longueur du meulage requis lorsqu'un désaffleurement des abouts de rail survient pendant des réparations avec rail de raccord.
- La zone de transition de 2,5 pouces (60 mm) créée en meulant le rail de raccord était inefficace et créait un changement brusque de la hauteur de champignon, ce qui faisait croître les charges dynamiques auxquelles le champignon du rail d'origine est était assujetti; comme celui-ci présentait une fissuration verticale longitudinale, le rail s'est finalement rompu.
- En raison de l'état de la réparation avec rail de raccord et de la courte transition entre les champignons asymétriques du joint est, une limitation de vitesse aurait dû être définie pour ce tronçon de voie.
- Le contremaître des patrouilles hivernales connaissait l'essai de ressuage, mais ne l'avait jamais accompli ni observé.
- Dans la formation en ligne du CN sur les essais de ressuage, on ne soulignait pas particulièrement l'importance d'effectuer ces essais pendant la réparation avec rail de raccord, et cette formation n'offrait pas d'occasion de formation pratique.
- Les grandes quantités de produit qui ont été rejetées et la rapidité à laquelle cela s'est produit, de pair avec la grande volatilité et la faible viscosité du pétrole, ont contribué aux importants incendies et feux en nappe qui ont suivi le déraillement.
- L'absence de protection thermique des wagons-citernes a probablement exacerbé la gravité du rejet de produit, ce qui a alimenté l'incendie, 15 wagons-citernes ayant subi des ruptures thermiques après avoir été exposés au feu en nappe.
- La conception des poignées des robinets de vidange par le bas des wagons-citernes n'a pas fourni une protection adéquate contre le rejet de produit au cours du déraillement, et a contribué à la gravité du rejet.
- La vitesse du train-bloc de pétrole brut a exacerbé la gravité du déraillement.
- La gravité du déraillement à une vitesse de 43 mi/h suggère que les limitations de vitesse à 50 mi/h, en vigueur au moment de l'accident, n'auraient pas réduit la gravité d'un déraillement et sont lacunaires en ce qui concerne les trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Si la formation en ligne sur des tâches essentielles à la sécurité n'est pas complétée par une formation pratique, les apprenants peuvent ne pas entièrement saisir l'importance des étapes critiques de ces tâches, ce qui fait croître les risques qu'une tâche ne soit pas effectuée correctement.
- Si une personne accomplit des tâches essentielles à la sécurité qu'elle n'effectue pas fréquemment en se fiant seulement à sa mémoire, sans avoir recours à une liste de vérification ou une vérification indépendante, il se peut qu'elle omette par inadvertance des étapes importantes nécessaires à l'exécution appropriée de ces tâches, ce qui fait croître les risques que ces tâches ne soient pas correctement exécutées.
- Si les poignées des robinets de vidange par le bas continuent d'être exposées (sans protection adéquate), les risques de rejet pendant un déraillement ou pendant les activités d'assainissement du site augmentent.
- Si l'on continue de transporter les liquides inflammables dans des wagons-citernes dont la construction n'est pas suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique lorsque survient un accident, les risques de rejet de marchandises dangereuses en cas de déraillement demeureront élevés.
- Si les nouvelles normes sur les wagons-citernes ne sont pas mises en œuvre complètement et rapidement, les risques liés aux rejets de produit et aux conséquences de ces rejets subsisteront en cas de déraillement de wagons-citernes transportant des liquides inflammables.
- Si l'on ne restreint pas adéquatement la vitesse des trains-blocs transportant des liquides inflammables de classe 3, les risques de rejet de produit et de conséquences négatives en cas de déraillement augmentent.
- Si les états émergents de surface de roulement de rail de l'écrasement des abouts de rail, de l'affaissement localisé de la surface de roulement et de l'écrasement du champignon ne sont pas pleinement pris en compte pendant les évaluations des risques utilisées pour prévoir les inspections réglementaires et pendant l'élaboration des programmes de remplacement des rails, les risques que les sections de rail problématiques ne soient pas décelées et réparées augmentent.
- Si l'on ne tient pas compte adéquatement des augmentations dans le volume de transport ferroviaire, de l'utilisation de wagons plus lourds et des risques de dégradation accélérée de l'infrastructure de la voie pendant les évaluations des risques, les activités d'entretien ordinaires de la voie peuvent ne plus suffire à son maintien dans un état satisfaisant aux normes en vigueur, ce qui fait croître les risques de défaillance de l'infrastructure de la voie.
- Si l'approche fondée sur le risque utilisée pour prévoir les inspections réglementaires ciblées de la voie ne tient pas compte de tous les facteurs opérationnels pertinents (dont les augmentations du volume de transport ferroviaire, les augmentations du volume des marchandises dangereuses de même que les indicateurs précurseurs émergents d'une dégradation de la voie, comme l'affaissement localisé de la surface de roulement, l'écrasement des abouts de rails et l'écrasement de champignon), ces inspections peuvent ne pas cibler les éléments appropriés, ce qui fait croître les risques que la dégradation de l'état de la voie passe inaperçue.
3.3 Autres faits établis
- Si un essai de ressuage avait été effectué, il aurait probablement permis de voir les marques de la fissuration verticale longitudinale du champignon de l'about est du rail coupé, ce qui aurait justifié le retrait d'une plus grande section du rail d'origine est.
- Quoiqu'elle fût bien visible dans la soudure aluminothermique rompue, la fissuration verticale longitudinale du champignon qui a causé la rupture du rail n'existait pas encore ou était trop petite pour être détectée pendant l'auscultation par ultrasons effectuée le 2 mars 2015 (c.-à-d. 2 jours avant la rupture du rail et 5 jours avant le déraillement).
- Il a été impossible de déterminer le niveau d'efficacité de la chemise et de l'isolant en ce qui concerne le retardement de l'augmentation de la pression interne.
- Dans le cas des 15 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, aucune preuve ne soutenait l'hypothèse selon laquelle les dispositifs de décharge de la pression dont la pression de début de décharge est plus élevée produisent des ruptures thermiques plus énergétiques (plus grandes).
- Les chemises extérieures, l'isolant et les boucliers protecteurs complets dont étaient dotés 4 wagons-citernes conformes à la norme CPC-1232 ont protégé les têtes de citerne plus efficacement contre les perforations dues aux chocs pendant le déraillement que les demi-boucliers protecteurs.
- Le petit nombre de wagons-citernes dont les trous d'homme, les raccords supérieurs et les dispositifs de décharge de la pression ont subi une brèche suggère que les éléments de sécurité incorporés aux dispositifs supérieurs ont généralement réduit efficacement le rejet de produit.
- Quoique la longrine tronquée de 6 wagons-citernes s'est rompue, aucune rupture de longrine tronquée n'a causé de brèche de coque.
- La plupart des villes situées le long des tronçons ferroviaires ne sont pas des régions métropolitaines de recensement, et la limitation de vitesse à 40 mi/h du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés ne s'y applique pas.
- Le système de gestion de la sécurité du CN était fondé sur des indicateurs réactifs, et ne lui permettait pas d'anticiper la nécessité d'augmenter l'entretien de la voie à la lumière de l'augmentation considérable des quantités de marchandises dangereuses et du volume de transport ferroviaire.
- En dépit des défis d'une intervention dans un important accident ferroviaire et un incendie subséquent, l'intervention d'urgence a été efficace et inclusive.
- Quoique le plan d'intervention environnementale fût exhaustif et que l'on ait mis en œuvre des stratégies d'atténuation considérables, la surveillance du site se poursuit, et il y a encore des préoccupations quant à la contamination possible du bassin hydrographique.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 17 mars 2015, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a publié l'Avis de sécurité ferroviaire (ASF) 04/15 sur l'état de l'infrastructure de la voie dans la subdivision de Ruel de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN).
Dans cet ASF, on suggérait qu'étant donné « les dommages et les conséquences potentiels d'un déraillement de train, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de trains-blocs de pétrole brut, Transports Canada devrait examiner les évaluations des risques de la subdivision de Ruel, évaluer l'état de l'infrastructure de la voie et déterminer si des mesures additionnelles de contrôle des risques s'imposent pour exploiter un "train clé" sur cet "itinéraire clé" ».
4.1.2 Transports Canada
Transports Canada (TC) a pris les mesures suivantes :
- Le 12 mars 2015, TC a transmis un avis au CN, conformément aux exigences de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, pour lui faire part de préoccupations concernant l'état de la voie dans la subdivision de Ruel.
- En ce qui concerne l'infrastructure de la voie, après un troisième déraillement, le Bureau régional de l'Ontario de TC a demandé au CN de lui fournir des rapports d'inspection de la voie et a aussi inspecté l'ensemble de la subdivision de Ruel entre les 15 et 19 mars 2015. TC a fait parvenir au CN un résumé de ses constations. Pendant cette inspection, TC a constaté 67 états non conformes qui requéraient une réparation, et a rapporté 59 autres préoccupations et observations.
- Le 30 mars 2015, le CN a répondu à l'avis de TC en lui transmettant une description du plan d'action qu'il a mis en œuvre. Ce plan prévoyait ce qui suit : la réduction de la vitesse des trains circulant dans la subdivision de Ruel; l'exécution d'inspections supplémentaires; l'exécution d'une analyse additionnelle effectuée par des experts indépendants de la compagnie sur la réduction potentielle de la gravité des déraillements par l'utilisation de la traction répartie; l'exécution d'une évaluation des forces entre le train et la voie liées aux trains-blocs de pétrole brut.
- Le 7 mai 2015, TC a envoyé au CN une lettre sur l'inadéquation des mesures prises. Dans cette lettre, TC signifiait au CN qu'après avoir examiné et évalué les mesures correctrices définies dans la correspondance du 30 mars 2015, il était d'avis qu'elles n'éliminaient pas les dangers et les conditions constituant des risques pour la sécurité de l'exploitation ferroviaire. TC a demandé des mises à jour et des renseignements supplémentaires sur les constatations et les plans du CN relativement aux déraillements récents.
- Le 21 mai 2015, le CN a répondu à la lettre de TC sur l'inadéquation des mesures prises et lui a fourni les renseignements demandés, notamment : les résultats de son travail pour déterminer les causes fondamentales des déraillements; les conclusions de l'analyse sur les avantages de la traction répartie; les mesures prises pour éliminer les préoccupations sur l'entretien des branchements; les résultats de son analyse sur l'adéquation des périodes d'occupation de la voie accordées aux employés chargés de l'entretien et des inspections dans la subdivision de Ruel. Le CN a également inclus l'état d'avancement des mesures d'atténuation des risques, des mesures supplémentaires et des résultats des analyses connexes.
- Le 22 mai 2015, le CN a avisé TC que la limitation temporaire de vitesse de 35 mi/h dans les subdivisions de Redditt, Allanwater, Carmat et Ruel (c.-à-d. le couloir ferroviaire entre Winnipeg et Capreol) qu'il avait définie immédiatement après les déraillements serait éliminée le 23 mai 2015. Le CN a indiqué que cette limitation n'était plus nécessaire en raison des mesures qu'il avait prises dans les 60 jours suivant le déraillement.
- Le 2 juin 2015, TC a envoyé une lettre au CN pour lui indiquer qu'il enverrait des représentants de TC rencontrer des représentants du CN pour inspecter la subdivision de Ruel et évaluer la mise en œuvre, l'efficacité et la validité de la réponse du CN à la lettre de TC sur l'inadéquation des mesures prises.
- Du 27 juillet au 30 juillet 2015, une inspection mixte de la voie a été faite avec le CN, et 15 lacunes ont été constatées. Le 13 août 2016, le CN a répondu en décrivant les mesures correctives qu'il comptait prendre.
- En novembre 2015, TC a mis en place un programme d'inspection hivernale des voies pour surveiller les activités d'entretien de la voie durant l'hiver. Dans le cadre de ce programme, des inspecteurs de la sécurité ferroviaire ont examiné la documentation d'inspection des compagnies ferroviaires relative à certains segments de voie. Le but était d'y relever des éléments comme : les réparations de longs rails soudés; les dossiers de mesure d'usure du champignon des rails; les dossiers d'états de surface de roulement de rail, y compris l'affaissement localisé de la surface de roulement, l'écrasement de champignon et l'écrasement des abouts de rails; les limitations de vitesse à cause du temps froid. Les renseignements recueillis ont servi à évaluer la conformité des compagnies ferroviaires aux exigences réglementaires et à leurs propres normes et meilleures pratiques.
- Le 14 décembre 2015, l'avis de l'article 31 a été abrogé, et une lettre sur l'adéquation des mesures prises au CN a été envoyée.
- En 2016, TC a mis au point une méthodologie pour superposer diverses sources de données (comme des données sur les défauts de rail et de géométrie, et sur la densité du trafic [volume]) qui lui permettait de classer de façon cohérente des sections de voie à partir de données quantitatives qui contribuent à l'accroissement des risques d'exploitation dans chaque région. Au moyen de leurs connaissances qualitatives, les régions ont pu examiner ces renseignements de base pour complémenter et guider leurs programmes régionaux d'inspection contre les risques.
4.1.3 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Peu de temps avant le déraillement, 2 autres déraillements importants liés à des états de la voie ont eu lieu dans la subdivision de Ruel du CN. Après l'événement à l'étude (survenu le 7 mars 2015), le CN a immédiatement mis en œuvre les mesures ci-dessous :
Restrictions opérationnelles
- Une limitation de vitesse à 35 mi/h a été établie dans tout le réseau pour les trains clés circulant dans des régions métropolitaines de recensement.
- Une limitation temporaire (60 jours) de vitesse à 35 mi/h pour les trains clés circulant entre Winnipeg et Capreol a été établie, et ultérieurement levée.
Mesures mécaniques
- Réalisation, par du personnel qualifié du service de mécanique, d'inspections au défilé de trains de pétrole brut chargés à Hornepayne (Ontario) au cours des 60 jours suivant l'événement à l'étude.
Mesures techniques
- Réduction de l'intervalle des auscultations par ultrasons des défauts de rail dans la subdivision de Ruel de 20 à 14 jours pendant la saison hivernale. Un examen subséquent des résultats des contrôles a permis de constater que le nombre de défauts par mille contrôlé de la subdivision de Ruel était semblable aux autres subdivisions du tronçon Winnipeg-Toronto. En conséquence, l'intervalle des contrôles a été rétabli à 20 jours.
- Réalisation par le CN et Sperry Rail Service d'un examen des rubans du détecteur de défauts de rail (DDR) produits lors de contrôles effectués immédiatement après le déraillement. On a testé manuellement 37 emplacements relevés sur plusieurs rubans du DDR. Les résultats de ces tests ont confirmé que le DDR fonctionnait conformément aux attentes.
- Remplacement des critères de dénivellations locales de la surface de roulement et d'écrasements des abouts de rails figurant aux articles 10a et 10b de la section NV 1.7 des Normes de la voie – Ingénierie du CN par les critères plus stricts du plan d'action fusionné du CN pour la subdivision de Ruel (en date du 12 mars 2015).
- Affectation de cadres supplémentaires d'ingénierie d'autres régions du CN dans la zone du nord de l'Ontario à l'évaluation du territoire afin de définir les occasions de perfectionner les compétences du personnel d'entretien de la voie chargé des inspections.
- Augmentation des investissements en rails, en traverses et en nivellement de 10 à 20 millions de dollars pour 2015. Au printemps et à l'été 2015, le CN a entrepris les programmes d'immobilisations en entretien de la voie suivants : l'installation de 2 branchements complets en voie principale et le remplacement de 17 aiguilles et contre-aiguilles et de 27 cœurs de croisement en voie principale; la pose d'environ 44 milles de nouveaux rails et le nivellement d'environ 216 milles de voie; la remise à l'écartement d'environ 30 milles de voie à l'aide de chevilles en bois ou d'isolateurs en béton; la réalisation de 773 soudures en bout pour éliminer des joints; l'installation d'environ 37 000 traverses en béton ou en bois.
- En 2015, le CN a ajouté un nouveau cours de 40 heures intitulé « Advanced Track Inspection » [Inspection approfondie de la voie] au programme de formation des superviseurs adjoints de la voie. Ce cours comprend des outils d'analyse, et porte sur les causes profondes des défauts, y compris des causes propres aux joints de rail. Ce cours comprend également des éléments de surveillance et d'encadrement amélioré sur le terrain.
- Le CN a modifié sa formation d'agent d'entretien de la voie par l'ajout d'une formation pratique sur les essais de ressuage comme élément du processus de tronçonnage des rails. En outre, des vidéos qui soulignent l'importance des essais de ressuage et la bonne technique pour les réaliser ont été intégrées dans plusieurs programmes de formation, et tous les employés du CN peuvent les visionner.
- Il est désormais obligatoire de confirmer les essais par ressuage, qui font partie d'une norme du CN, pour s'assurer qu'ils ont bel et bien eu lieu. Si l'on n'effectue pas d'essai de ressuage durant le remplacement d'un rail rompu, on doit imposer une limitation de vitesse.
- Le CN a dressé et mis en œuvre 5 listes de vérification de tâches critiques pour les plus importantes tâches d'ingénierie liées à la sécurité, y compris le remplacement de rails brisés et la réalisation d'essais par ressuage. Ces listes de vérification ont été mises au point pour aider le personnel sur le terrain à s'assurer que les bonnes étapes sont suivies lorsqu'on répare la voie. Il faut signer ces listes pour confirmer que les travaux ont été faits conformément aux normes du CN.
4.2 Mesure de sécurité requise
4.2.1 Utilisation d'indicateurs précurseurs durant la planification d'inspections réglementaires de la voie
Les compagnies ferroviaires sont responsables de la sécurité de leurs activités et doivent se conformer à toutes les exigences réglementaires. Souvent, en matière d'inspection de la voie, les compagnies ferroviaires ont des normes additionnelles qui complètent ou dépassent le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). TC a pour responsabilité d'assurer la conformité réglementaire par la surveillance de la conformité, les inspections et les audits.
Les subdivisions ferroviaires individuelles ne font pas nécessairement l'objet d'inspections périodiques prévues de TC. TC utilise plutôt une approche fondée sur le risque et tient compte de différents facteurs pour déterminer les subdivisions ou les parties de subdivisions qui doivent faire l'objet d'inspections ciblées. TC établit la priorité des inspections en tenant compte de différents facteurs opérationnels, y compris, mais sans s'y limiter, les défauts de rail ou de géométrie de la voie, les trains de voyageurs et leurs vitesses d'exploitation rapides et le tonnage. L'approche fondée sur le risque qu'utilise TC comprend 3 éléments :
- L'administration centrale de TC élabore un plan national d'inspection pour l'année suivante à l'aide d'un modèle statistique, détermine le nombre d'inspections et cible les chemins de fer à inspecter.
- Les bureaux régionaux de TC se concentrent sur des questions récurrentes précises devant faire l'objet d'une surveillance plus rigoureuse et déterminent les chemins de fer visés par les inspections à l'aide de la planification des activités axée sur les risques.
- TC effectue des inspections imprévues en réponse à des enjeux émergents comme les accidents ferroviaires.
Pour le plan national d'inspection, des groupes fonctionnels régionaux classent les subdivisions, les gares de triage et les installations d'entretien en fonction du risque. Des facteurs comme les antécédents en matière d'accidents, la conformité aux normes et aux règlements, les changements au niveau de l'exploitation, la quantité et le type de circulation, les heures de travail, le type de travaux effectués, les inspections antérieures de TC et du chemin de fer et l'historique d'entretien sont pris en compte. TC tient compte de toute augmentation considérable du trafic ferroviaire global ou du transport de MD ou d'autres indicateurs, mais ces facteurs ne sont pas nécessairement décisifs dans le choix des subdivisions que l'on prévoit inspecter. Toutefois, malgré le processus de planification, il semble qu'il y ait des lacunes dans le type de données que l'on utilise pour prévoir des inspections réglementaires ciblées.
Depuis mai 2014, 5 autres enquêtes du BST ont fait état soit d'une défaillance de joint de rail, soit d'une rupture de rail tout près d'un affaissement localisé de la surface de roulement préexistant ou d'écrasements des abouts de rails et/ou d'inspection réglementaire de la voie qui n'avait pas été faite depuis plus de 2 ans. En particulier :
- Dans 3 de ces 5 événements, des défaillances aux joints de rail ou des ruptures de rails sont survenues tout près d'états de surface de roulement de rail préexistants, c'est-à-dire des affaissements localisés de la surface de roulement ou des écrasements des abouts de rails, lesquels, quoique non critiques, faisaient l'objet d'une surveillance par la compagnie ferroviaire à ce moment.
- Dans 4 de ces 5 événements, les plus récentes inspections réglementaires réalisées par TC avant l'accident remontaient à 2012. Depuis, dans sa planification des inspections réglementaires de la voie, TC n'indiquait pas que ces subdivisions devaient faire l'objet d'inspections de la voie planifiées. Dans chacun de ces événements, les pratiques d'entretien de la voie étaient inadéquates et avaient exposé l'infrastructure de la voie à des risques. La surveillance réglementaire n'a pas permis de constater l'entretien inefficace de la voie, et l'état de celle-ci a continué de se dégrader jusqu'à ce qu'un déraillement se produise.
La technologie d'auscultation des rails pour détecter les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon est relativement nouvelle. Pour détecter et enregistrer ces états, certaines compagnies de chemin de fer ont développé des seuils comparables, mais non harmonisés. Avant la mise en œuvre de cette technologie, on détectait habituellement ces états par des inspections visuelles, mais l'on en détectait relativement peu. Après la mise en œuvre de cette technologie, le nombre d'états de surface de roulement de rail détectés a considérablement augmenté. Dans la subdivision de Ruel, de janvier 2014 à mars 2015, les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon ont représenté environ 76 % des 570 défauts et états de rail qu'ont permis de déterminer des contrôles des défauts de rail. Ces états représentaient également une forte augmentation de la charge de travail, car ils nécessitaient une surveillance additionnelle ou des réparations par les compagnies de chemin de fer.
Les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon sont des états de surface de roulement du rail qui sont des indicateurs précurseurs de la dégradation des rails, mais le RSV ne comprend aucune directive et aucun seuil critique à leur égard. S'ils ne sont pas traités adéquatement sur le terrain, les écrasements des abouts de rail peuvent entraîner la défaillance d'un joint de rail ou un déraillement. Les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon peuvent entraîner d'importantes contraintes de contact et causer ou accélérer le développement d'autres défauts de rail, comme les défauts de fatigue transversaux ou une fissuration verticale longitudinale du champignon, qui peut rapidement mener à une défaillance et à un déraillement.
Or, les renseignements sur ces états de surface de roulement de rail émergents ne sont ni fournis à TC, en général, ni considérés comme faisant tout particulièrement partie de l'approche fondée sur le risque qu'utilise TC, ni examinés par TC aux fins de détection de toute hausse de la fréquence de ces états.
Au moyen de données plus complètes sur les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon, l'approche fondée sur le risque qu'utilise TC pour prévoir les inspections réglementaires ciblées peut être améliorée, grâce à ces renseignements utiles sur les indicateurs précurseurs des états de dégradation de la voie. L'absence de ces renseignements représente donc une lacune dans le processus de planification de TC, ce qui peut mener à des inspections mal ciblées. Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports acquiert des données sur les états de surface de roulement du rail, y compris les renseignements sur les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon, et qu'il les intègre dans son approche de planification fondée sur le risque pour ses inspections réglementaires ciblées de la voie.
Recommandation R17-02 du BST
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Autres enquêtes du BST
R14W0137 – Déraillement d'un train du CN dans la subdivision de Fort Frances (23 mai 2014)
Le 23 mai 2014, à environ 14 h 8 (heure avancée du Centre), 35 wagons du train de marchandises M34641-23 du CN circulant vers l'est à 46 mi/h ont déraillé au point milliaire 93,38 de la subdivision de Fort Frances, près de Fort Frances (Ontario). Parmi les wagons qui ont déraillé, 2 d'entre eux étaient chargés de soufre liquide (UN 2448), et l'un de ces 2 a subi une perforation et rejeté du produit. Le produit a allumé un petit feu de broussaille qui s'est éteint de lui-même. L'incident n'a fait aucun blessé.Note de bas de page 86
Depuis 2008, le volume de trafic empruntant la subdivision de Fort Frances avait constamment augmenté et, en 2013, avait dépassé les 60 millions de tonnes milles brutes par mille de voie ferrée. La structure de la voie dans les environs du déraillement s'était rapidement dégradée au cours des 2 années précédant l'événement à l'étude. Depuis 2012, la section de voie entre les points milliaires 90,2 et 94,0 faisait l'objet de défauts récurrents, dont des problèmes d'inclinaison excessive et de sous-écartement généralement liés à la détérioration des traverses.
Avant l'événement à l'étude, TC avait effectué sa dernière inspection visuelle de la voie dans les environs du lieu du déraillement le 28 août 2012. On avait détecté des traverses présentant des défauts entre les points milliaires 87,5 et 87,7, mais aucun défaut de voie entre les points milliaires 87,7 et 102,0.
Le CN savait que l'état des traverses se détériorait dans l'ensemble de la subdivision et avait prévu des programmes de remplacement des traverses en 2013 et 2014. Il est donc probable que la voie présentait des signes de détérioration au moment de l'inspection de TC en 2012. Le CN avait avisé TC qu'il mettrait en œuvre un certain nombre de programmes de remplacement de traverses pour améliorer l'état de la voie. Toutefois, le CN n'avait pas encore terminé ces programmes avant l'accident.
L'enquête du BST a permis de constater que l'état de la subdivision de Fort Frances s'était dégradé jusqu'à un niveau correspondant à la catégorie 2, et ce, sans que le CN réduise la vitesse limite ou veille à appliquer la réglementation. Après l'événement à l'étude, le 28 mai, TC a transmis un avis et un ordre au CN pour restreindre à 25 mi/h la vitesse des trains entre les points milliaires 90,2 et 142,8.
En ce qui concerne l'entretien de la voie et la surveillance réglementaire, l'enquête a notamment permis de constater ce qui suit :
- L'accident s'est produit lorsqu'un désalignement de la voie au point milliaire 93,38 a fortement flambé sous le train, ce qui a causé le déraillement des wagons 31 à 65.
- En dépit d'une augmentation du trafic ferroviaire et du tonnage, on avait retardé les programmes d'entretien de la voie, et ce, même si la voie montrait déjà des signes de détérioration, et on n'avait pas mis en œuvre de stratégie d'atténuation des risques.
- Les Normes de la voie – Ingénierie du CN n'étaient pas appliquées de manière uniforme. Comme les activités d'entretien et de rétablissement nécessaires n'avaient pas eu lieu, l'état de la voie au point milliaire 93,38 s'était dégradé au point où la voie n'était plus capable de retenir les forces normales causées par les freins des trains et les contraintes de compression liées à la température qui s'étaient accumulées dans les rails.
- En dépit de l'entretien effectué par le CN et des inspections réglementaires effectuées par TC avant l'événement à l'étude, on n'avait pas adéquatement réparé la structure affaiblie de la voie ni imposé de limitations de vitesse.
- Si les inspections et les activités d'application de la réglementation de TC ne permettent pas l'exécution rapide des activités d'entretien nécessaires lorsqu'il est évident que l'infrastructure ferroviaire se détériore, les risques que cette détérioration aboutisse à un déraillement augmentent.
- Si les évaluations des risques dans les corridors clés ne tiennent pas compte des programmes d'immobilisations retardés ou reportés, l'état de la voie peut continuer de se détériorer rapidement, ce qui fait croître les risques de déraillements causés par des problèmes liés à la voie.
R14W0256 – Déraillement, Compagnie des chemins de fer nationaux, subdivision de Margo (7 octobre 2014)
Le 7 octobre 2014 vers 11 h 35, heure normale du Centre, le train de marchandises A40541-05 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) roulait vers l'ouest sur la subdivision de Margo du CN quand 26 de ses wagons ont déraillé, dont 6 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses, au point milliaire 74,58, près de Clair (Saskatchewan). Deux des wagons, qui étaient chargés de distillats de pétrole (UN 1268), ont déversé leur produit, qui a pris feu par la suite. Par mesure de précaution, on a évacué une cinquantaine de résidents dans un rayon de 2 milles et fermé la route provinciale 5. La voie a été détruite sur quelque 650 pieds. Il n'y a eu aucun blesséNote de bas de page 87.
Un défaut de fissuration transversale (DFT) s'était amorcé à partir de criques du champignon au congé de roulement supérieur du champignon du rail. Avec le temps, la fissure avait connu une croissance normale jusqu'à occuper environ 20 % de la section transversale du champignon. La croissance récente de la fissure avait porté ce pourcentage à environ 85 % de la section transversale du champignon. Dès qu'il n'a plus été en mesure de supporter les charges de service, le reste du profil du rail a alors lâché sous la contrainte excessive.
Ce défaut s'était développé dans un affaissement localisé de la surface de roulement qui avait déjà été détecté. Toutefois, le mauvais état de la surface du rail à cet endroit a empêché la transmission des signaux ultrasoniques dans le champignon et a probablement masqué la présence d'un DFT pendant l'auscultation par ultrasons.
R15H0092 – Déraillement dans la subdivision de Webbwood du HCRY (1er novembre 2015)
Le 1er novembre 2015, vers 22 h 50, heure normale de l'Est, le train de marchandises SUSM-01 du chemin de fer Huron Central (HCRY) faisait route vers l'ouest à 25 mi/h sur la subdivision de Webbwood quand il fut l'objet d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale au point milliaire 72,08, près de Spanish (Ontario). Deux groupes séparés de matériels roulants ont déraillé : 3 locomotives et 8 wagons en tête, et 5 wagons près du milieu du train. Quelque 225 pieds de plateforme ont été détruits. Il n'y a eu aucun déversement de produit ni aucune blessureNote de bas de page 88.
Le HCRY est un chemin de fer d'intérêt local sous réglementation provinciale exploitant la subdivision de Webbwood, laquelle s'étend d'est en ouest de Sudbury (Ontario; point milliaire 4,8) à Sault Ste. Marie (Ontario; point milliaire 180,7). Le ministère des Transports de l'Ontario (MTO) était chargé de délivrer les permis des chemins de fer provinciaux et d'assurer la surveillance de ces chemins de fer, mais ne possédait pas la structure organisationnelle et l'expertise ferroviaire nécessaires pour assurer une surveillance réglementaire complète de ces chemins de fer. En vertu d'un protocole d'entente entre le MTO et TC, ce dernier avait pris en charge les inspections de sécurité ferroviaire et les fonctions réglementaires connexes pour les chemins de fer provinciaux. En ce qui concerne les inspections de la voie, TC utilisait la même approche fondée sur le risque pour ces chemins de fer provinciaux d'intérêt local que pour les chemins de fer de compétence fédérale.
Par comparaison avec les chemins de fer fédéraux, les chemins de fer provinciaux en Ontario exercent généralement leurs activités sur une catégorie de voie inférieure où les vitesses et le trafic sont réduits. Comme tels, les chemins de fer provinciaux ne comportent pas normalement un profil de risque exigeant des inspections réglementaires fréquentes de la voie. Ainsi, les chemins de fer provinciaux de l'Ontario étaient généralement soumis à un calendrier d'inspections de 3 à 5 ans.
Les chemins de fer de compétence fédérale mettent à la disposition de TC les données sur l'état géométrique de la voie et les résultats des contrôles par ultrasons, permettant ainsi à TC de tenir compte de ces informations pour déterminer le niveau de risque en vue des inspections du volet B. Par comparaison, le MTO aurait eu à demander l'information aux chemins de fer de compétence provinciale pour les transmettre à TC. Cependant, il n'existait aucun processus en place pour obtenir cette information. Par conséquent, les données sur l'état géométrique de la voie et les résultats des contrôles par ultrasons n'ont pas été fournis à TC ni pris en considération.
Avant l'accident, TC a inspecté la voie du point milliaire 4,8 au point milliaire 177,0 de la subdivision de Webbwood en septembre 2012 et a constaté 66 défauts de géométrie de la voie nécessitant une intervention urgente. TC n'a pas effectué d'autres inspections réglementaires de la voie avant que l'accident ne se produise.
Peu après l'accident, au début de novembre 2015, TC a effectué une inspection de la voie planifiée sur la subdivision de Webbwood entre les points milliaires 77,03 et 175,0. Cette inspection a permis de constater 244 conditions non conformes, dont 221 joints avec boulons manquants et 21 autres anomalies préoccupantes et commentées.
En ce qui concerne l'entretien de la voie et la surveillance réglementaire, l'enquête a notamment permis de constater ce qui suit :
- Les pratiques d'entretien de la voie du HCRY n'étaient pas efficaces et compromettaient la sécurité en assujettissant l'infrastructure de la voie à des risques accrus.
- Quoique l'on avait effectué des contrôles de l'état géométrique de la voie et des auscultations par ultrasons dans la subdivision de Webbwood, le MTO n'a pas demandé au HCRY de lui fournir cette information. Comme cette information n'a pas été mise à la disposition de TC, le ministère n'en a pas tenu compte pendant son évaluation annuelle fondée sur le risque lui permettant de cerner les subdivisions qu'il doit inspecter l'année suivante.
- Si l'information qu'utilise TC pour évaluer les risques est inexacte ou indisponible, le profil de risque d'un chemin de fer peut être inexact, ce qui fait croître les risques que les inspections réglementaires ne suffiront pas à évaluer la sécurité ferroviaire en raison de leur type et de leur fréquence.
R15H0013 – Déraillement d'un train du CN à Gladwick (Ontario; 14 février 2015)
Le 14 février 2015, vers 23 h 35 (heure normale de l'Est), le train-bloc de pétrole brut U70451-10 du CN circulait vers l'est à environ 38 mi/h dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit au point milliaire 111,7, près de Gogama (Ontario). Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 7 à 35 (29 wagons au total) avaient déraillé. Dix-neuf wagons-citernes ont subi des brèches, et environ 1,7 million de litres de pétrole brut ont été rejetés à l'atmosphère ou dans le sol. Le produit rejeté s'est enflammé et a brûlé pendant 5 jours. Le déraillement a détruit quelque 900 pieds de voie principale. Il n'y a eu aucune évacuation ni aucune blessureNote de bas de page 89.
À l'extrémité ouest du lieu du déraillement, on a trouvé un joint isolant brisé sur le rail sud, près du mât du signal au point milliaire 111,7. Le dessus des parties restantes des éclisses présentait des ondulations de fatigue, lesquelles constituent un signe de défaillance par fatigue.
Un creux de surface de 1 pouce avait été détecté dans un joint isolant, qui affichait également un problème d'écrasement des abouts de rail. On a conclu que le soutien du joint était toujours conforme aux normes, mais qu'il se dégradait. Puisque le problème d'écrasement des abouts de rail et le creux de surface qui l'accompagnait ne dépassaient pas les limites définies dans le RSV ou les Normes de la voie – Ingénierie (NV) du CN, aucune mesure immédiate n'était requise et il n'était pas urgent d'effectuer cette réparation. Par la suite, le déraillement s'est produit lorsque les deux éclissent isolantes au point milliaire 111,7 se sont rompus sous la tête du train. La roue L4 du bogie arrière du 8e wagon est alors tombée entre les rails, ce qui a causé un surécartement des rails et le déraillement des wagons suivants.
En ce qui concerne l'entretien de la voie et la surveillance réglementaire, l'enquête a notamment permis de constater ce qui suit :
- Comme les fissures de fatigue des éclisses s'étendaient jusqu'à la surface extérieure de chaque éclisse, juste en dessous du champignon du rail, elles étaient probablement visibles depuis un certain temps avant la rupture des éclisses, mais le CN ne les a pas détectées en dépit de ses nombreux contrôles.
- Le superviseur adjoint de la voie (SAV) ne possédait pas l'expérience nécessaire pour : reconnaître que le creux de 1 pouce était un signe de dégradation du soutien du joint; reconnaître les effets des chocs répétés des roues sur ce joint; savoir qu'il fallait inspecter les éclisses pour y déceler des fissures pendant la surveillance de l'écrasement des abouts de rails.
- La formation des superviseurs adjoints de la voie (SAV) du CN sur les écrasements des abouts de rails, les fissures de fatigue des éclisses, les fissures des trous de boulonnage et les ruptures de joints ne permettait pas au SAV de comprendre la relation entre un joint mal soutenu et le développement de défauts de joint.
- Si l'on ne tient pas compte du volume de transport ferroviaire, de l'utilisation de wagons plus lourds et des risques de dégradation accélérée de l'infrastructure de la voie pendant les évaluations des risques, l'entretien ordinaire de la voie peut ne plus suffire à son maintien dans un état satisfaisant aux normes en vigueur, ce qui fait croître les risques de défaillance de l'infrastructure de la voie.
- Si l'approche fondée sur le risque que TC utilise pour prévoir les inspections réglementaires ciblées ne tient pas compte de tous les facteurs opérationnels pertinents (dont l'augmentation du volume de transport ferroviaire et de marchandises dangereuses dans les principaux corridors ferroviaires), les inspections de la voie peuvent ne pas cibler les éléments appropriés, ce qui fait croître les risques que TC ne constate pas la dégradation de l'état de la voie.
R15H0020 – Déraillement d'un train du CN à Minnipuka (Ontario; 5 mars 2015)
Le 5 mars, le train de marchandises X30131-04 du CN circulait vers l'est dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit près de Minnipuka (Ontario). Une inspection subséquente a révélé que 16 wagons-citernes de catégorie 111 contenant des résidus de marchandises dangereuses avaient déraillé au point milliaire 242,29. Parmi le matériel roulant qui a déraillé se trouvaient 13 wagons-citernes contenant des résidus de pétrole brut (UN 1267) et 3 wagons-citernes contenant des résidus d'essence (UN 1203). Il n'y a eu ni blessures ni évacuation. Au moment du déraillement, la température était de -27 °CNote de bas de page 90.
Quoique le BST n'ait pas mené d'enquête complète sur cet événement, le laboratoire d'ingénierie du BST a effectué un examen dont les résultats sont résumés ci-dessous.
Le 16 février 2015, l'entreprise Sperry Rail Service a détecté un affaissement localisé de la surface de roulement de 1,3 mm à une distance de 6 pouces à l'ouest du point du déraillement. On a récupéré une section du rail nord rompu comprenant une fissuration verticale longitudinale du champignon (FVLC) sur le lieu du déraillement, puis on l'a envoyée au laboratoire d'ingénierie du BST pour y être examinée. Voici les constatations :
- Sydney Steel a fabriqué le rail de 136 livres en 1994. Le rail présentait une usure verticale du champignon de 5/16 pouce, sans usure significative du champignon sur les côtés intérieur et extérieur. Ce rail ne dépassait pas les limites d'usure du CN.
- La dureté du rail nord était conforme aux spécifications.
- Les surfaces exposées des rails rompus présentaient les caractéristiques d'une rupture récente par contraintes excessives. Il n'y avait pas de décoloration ni d'autres signes de fissure existante ou de rupture progressive.
- Le rail nord s'est rompu à proximité d'un affaissement localisé cerné de la surface de roulement causé par le développement et la propagation d'une FVLC. Cette dernière était occasionnée par une faiblesse préexistante du rail due à une fissuration de l'âme (c.-à-d. une ségrégation de l'axe longitudinal) (figure A1).
- L'attaque macrographique d'une coupe transversale du rail a permis de constater une fissuration de l'âme dépassant les limites définies. La fissuration de l'âme (ségrégation de l'axe longitudinal) est connue pour créer des défauts par FVLC (figure A2).
- On a jugé qu'il n'aurait pas été possible de prévenir cette rupture du rail, car elle s'est produite instantanément au passage du train et qu'aucune fissure n'était visible avant le déraillement.
La détérioration de la surface de roulement à proximité d'une soudure aluminothermique a peut-être fait croître les contraintes dynamiques dans cette partie du rail. Cette augmentation des contraintes, la basse température ambiante et les chocs roues-rails répétés causés par l'affaissement localisé de la surface de roulement ont probablement tous contribué à la rupture du rail.
Annexe B – Rapports d'enquête ferroviaire du National Transportation Safety Board sur des trains transportant du pétrole brut
Compte rendu sur un accident ferroviaire, à Lynchburg (Virginie), du National Transportation Safety Board : déraillement d'un train CSX Transportation chargé de pétrole brut et rejet de marchandises dangereuses [traduction]Note de bas de page 91
Le 30 avril 2014, le train-bloc de pétrole brut K08227 de CSX Transportation (CSXT) circulait vers l'est. Au point milliaire 146,45 de la voie principale 2 de la subdivision James River de CSXT à Lynchburg (Virginie), un rail défectueux a causé le déraillement de 17 wagons-citernes de catégorie 111. Ce train comptait 2 locomotives, 1 wagon tampon et 104 wagons-citernes chargés de pétrole brut. Il mesurait 6426 pieds de longueur et pesait 14 107 tonnes courtes. Étant donné les voies courbes dans ce secteur, une vitesse maximale autorisée de 25 mi/h était en place en permanence. Au moment de l'accident, le train en cause roulait à 24 mi/h.
Trois des wagons qui ont déraillé ont été partiellement submergés dans la rivière James. L'un d'eux a subi une brèche et a rejeté 29 868 gallons de pétrole brut dans une rivière. Une partie du produit a pris feu. Il n'y a eu aucun blessé parmi l'équipe de train ou le public. Au moment de l'événement, le ciel était couvert et il pleuvait légèrement. La température était de 53 °F.
Rapport factuel du National Transportation Safety Board sur le déraillement de CSX Transportation à Mount Carbon (Virginie-R15H0021entale) [traduction]Note de bas de page 92
Le 16 février 2015, 27 wagons-citernes chargés du train-bloc de pétrole brut K08014 de CSX Transportation (CSXT) circulant vers l'est ont déraillé à Mount Carbon (Virginie- R15H0021entale) à cause d'un rail défectueux. Ce train était composé de 2 locomotives, de 1 wagon tampon, de 107 wagons-citernes et de 1 wagon tampon en queue de train. Ce train mesurait 6721 pieds de long et pesait 15 261 tonnes courtes. Il transportait environ 3,1 millions de gallons de pétrole brut (UN 1267, classe 3, groupe d'emballage I) en provenance du champ pétrolifère Bakken de Manitou (Dakota du Nord). Sa destination était Yorktown (Virginie). Au moment de l'accident, le CSXT avait établi une limitation temporaire de vitesse de 40 mi/h dans ce territoire en raison de la température froide. Au moment de l'accident, le train roulait à 33 mi/h. La température était de 15 °F, et il y avait 8 pouces de nouvelle neige au sol.
Des 27 wagons-citernes qui ont déraillé, 19 se sont empilés et ont contribué à un feu en nappe qui a suivi le déraillement. Deux wagons-citernes ont été perforés durant le déraillement et ont rejeté du produit, et 4 autres ont rejeté du produit par les raccords supérieurs ou inférieurs. Le feu en nappe a causé des ruptures thermiques de la coque de 13 wagons-citernes qui étaient demeurés intacts pendant le déraillement. Au total, environ 378 000 gallons US (1,43 million de litres) de produit ont été rejetés.
Tous les wagons-citernes en cause dans cet accident étaient de catégorie DOT-111A100W1 et étaient conformes à la norme sectorielle CPC-1232 de l'Association of American Railroads (AAR). Au moment de l'accident, il n'était pas requis que les wagons-citernes de catégorie DOT-111 et les wagons-citernes conformes à la norme CPC-1232 de l'AAR soient dotés de systèmes de protection thermique protégeant les citernes contre l'exposition aux feux en nappe ou de torche qui peuvent s'allumer pendant un accidentNote de bas de page 93.
Aucun des wagons-citernes en cause n'était doté de systèmes de protection thermique. Pendant le déraillement, 2 wagons-citernes se sont rompus et ont rejeté plus de 50 000 gallons de pétrole brut. Dix-neuf des 27 wagons-citernes qui ont déraillé se sont empilés et ont contribué au feu en nappe qui a suivi le déraillement. Le feu en nappe a causé des ruptures thermiques de la coque de 13 wagons-citernes qui étaient demeurés intacts pendant le déraillement. Un seul des wagons-citernes se trouvant sur le front du feu en nappe n'a pas rejeté de produit. Les 8 autres wagons-citernes qui ont déraillé et qui se sont immobilisés d'un côté ou de l'autre du feu en nappe n'ont pas été considérablement endommagés et n'ont pas rejeté de produit.
Le 12 avril 2015, le National Transportation Safety Board a transmis 4 recommandations de sécurité urgentes à la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration concernant l'installation de systèmes de protection thermique sur les wagons-citernes de catégorie DOT-111 utilisés pour le transport de liquides inflammables de classe 3. Ces recommandations comprenaient les suivantes [traduction] :
Exiger que tous les wagons-citernes nouvellement construits et existants destinés au transport de liquides inflammables de classe 3 soient dotés de systèmes de protection thermique remplissant ou dépassant les normes de rendement thermique définies à l'article 179.18(a) du titre 49 du Code of Federal Regulations ; que ces wagons-citernes soient adéquatement classifiés en fonction de leur configuration et du produit qu'ils transportentNote de bas de page 94.
Outre les systèmes de protection thermique définis dans la recommandation de sécurité R -15-14 : exiger que tous les wagons-citernes nouvellement construits ou existants destinés au transport de liquides inflammables de classe 3 soient dotés de dispositifs de décharge de la pression de taille appropriée. Ces dispositifs devront assurer la détente de la pression en cas d'incendie, et ce, pour que les wagons-citernes remplissent ou dépassent les exigences de l'article 179.18(a) du titre 49 du Code of Federal Regulations et que les risques de ruptures thermiques énergétiques soient réduitsNote de bas de page 95.
Exiger un calendrier d'exécution à étapes déterminées agressif (p. ex., une exigence annuelle de 20 % sur une période de mise en œuvre de 5 ans) pour le remplacement ou le rattrapage des wagons-citernes DOT-111 d'ancienne génération et CPC-1232, comprenant l'installation de chemises extérieures, de systèmes de protection thermique et de dispositifs de décharge de la pression de taille conforme, pour garantir que ces wagons-citernes satisfassent aux normes de rendement appropriéesNote de bas de page 96.
Établir un mécanisme public de création de rapports annuels (ou plus fréquents) sur le rattrapage et le remplacement des wagons-citernes assujettis aux normes de rendement des systèmes de protection thermique, comme défini dans la recommandation de sécurité R-15-16Note de bas de page 97.
Annexe C – Régions métropolitaines de recensement
RMR | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | |
---|---|---|---|---|---|
1 | St. John's (T.-N.-L.) | 205,9 | 209,1 | 212,3 | 214,3 |
2 | Halifax (N.-É.) | 406,7 | 410 | 413,6 | 417,8 |
3 | Moncton (N.-B.) | 142,8 | 144,4 | 146,1 | 148 |
4 | Saint John (N.-B.) | 128,5 | 128 | 127,5 | 126,9 |
5 | Saguenay (Qc) | 160 | 160,3 | 160,4 | 160 |
6 | Québec (Qc) | 785,2 | 793,6 | 800,9 | 806,4 |
7 | Sherbrooke (Qc) | 207,5 | 210,1 | 212,6 | 214,5 |
8 | Trois-Rivières (Qc) | 154,4 | 155,1 | 156 | 156,4 |
9 | Montréal (Qc) | 3937,4 | 3985,1 | 4028 | 4060,7 |
10 | Ottawa-Gatineau (Ont.-Qc) | 1288,5 | 1302,9 | 1316,5 | 1332 |
11 | Kingston (Ont.) | 165,9 | 167,1 | 168,5 | 169,9 |
12 | Peterborough (Ont.) | 122,7 | 123,1 | 122,8 | 122,6 |
13 | Oshawa (Ont.) | 373,8 | 379,1 | 384 | 389 |
14 | Toronto (Ont.) | 5868,7 | 5966,4 | 6053,4 | 6129,9 |
15 | Hamilton (Ont.) | 750,7 | 758,3 | 765,2 | 771,7 |
16 | St. Catharines-Niagara (Ont.) | 404 | 405,2 | 406,8 | 408,2 |
17 | Kitchener-Cambridge-Waterloo (Ont.) | 498,8 | 503,1 | 507,3 | 511,3 |
18 | Brantford (Ont.) | 140,4 | 141,8 | 142,8 | 143,9 |
19 | Guelph (Ont.) | 148 | 149,5 | 151,3 | 153 |
20 | London (Ont.) | 494,4 | 498,7 | 502,7 | 506,4 |
21 | Windsor (Ont.) | 330,8 | 332,5 | 334,3 | 335,8 |
22 | Barrie (Ont.) | 195,4 | 198 | 200,3 | 202,7 |
23 | Grand Sudbury (Ont.) | 165,5 | 165,7 | 165,3 | 164,8 |
24 | Thunder Bay (Ont.) | 125,1 | 125,2 | 124,9 | 124,7 |
25 | Winnipeg (Man.) | 759,6 | 770,3 | 782,6 | 793,4 |
26 | Regina (Sask.) | 225 | 231,3 | 237 | 241,4 |
27 | Saskatoon (Sask.) | 281,4 | 291 | 298,9 | 305 |
28 | Calgary (Alb.) | 1307,5 | 1357,8 | 1406 | 1439,8 |
29 | Edmonton (Alb.) | 1241,8 | 1286 | 1331,6 | 1363,3 |
30 | Kelowna (C.-B.) | 185,6 | 187,8 | 191,2 | 197,3 |
34 | Abbotsford-Mission (C.-B.) | 176,7 | 178,5 | 181 | 183,5 |
32 | Vancouver (C.-B.) | 2408,1 | 2438,7 | 2475,7 | 2504,3 |
33 | Victoria (C.-B.) | 355,2 | 357,6 | 361,4 | 365,3 |
Source : Statistique Canada, CANSIM, tableau 051-0056 (10 février 2016)