Rapport d'enquête ferroviaire R15V0183

Collision de trains en voie principale
Chemin de fer Canadien Pacifique
Trains de marchandises 602-242 et 113-01
Point milliaire 62,0, subdivision de Mountain
Beavermouth (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 6 septembre 2015, vers 2 h 23, heure avancée du Pacifique, le train 602-242 du Chemin de fer Canadien Pacifique, circulant vers l’est sur la voie principale de la subdivision de Mountain, est entré en collision avec le train 113-01 du Chemin de fer Canadien Pacifique circulant vers l’ouest qui s’engageait dans une voie d’évitement à proximité de Beavermouth (Colombie-Britannique). La collision a fait dérailler les 2 locomotives et le premier wagon du train 602-242 et un bogie du 64e wagon du train 113-01. Le chef du train 602-242 a subi des blessures graves. Aucune marchandise dangereuse ne s’est déversée.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'accident

    Le 5 septembre 2015, le train 602-242 (train 602) du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a quitté Revelstoke (Colombie-Britannique) vers 23 h 30Note de bas de page 1. Le train, à destination de Sutherland (Saskatchewan), circulait vers l'est dans la subdivision de Mountain.

    Le 6 septembre 2015, le train 113-01 (train 113) du CP a quitté Field (Colombie-Britannique) vers 0 h 30. Ce train à destination de Vancouver (Colombie-Britannique) circulait vers l'ouest dans la subdivision de Mountain.

    Les 2 trains se sont croisés à la voie d'évitement de Beavermouth (Colombie-Britannique), au point milliaire 62 de la subdivision de Mountain (figure 1).

    Figure 1. Carte du lieu de la collision (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
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    Carte du lieu de la collision

    Vers 2 h 17, la tête du train 602 a franchi le signal 642 (signal avancé de Beavermouth), qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt différé, conformément à la règle 415Note de bas de page 2 (figure 2) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF). À ce moment, le train 602 circulait à environ 22 mi/h. L'équipe n'a pas annoncé à haute voix l'indication du signal 642 dans la cabine de la locomotive de tête, comme l'exige la règle 34Note de bas de page 3 du REF. L'équipe n'a pas diffusé l'indication de ce signal par radio, comme l'exige la règle 578Note de bas de page 4 du REF.

    Figure 2. Indications des signaux franchis par les trains 113 et 602
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    Indications des signaux franchis par les trains 113 et 602

    Vers 2 h 18, la tête du train 113 a franchi le signal 609, qui affichait une indication de vitesse moyenne à arrêt, conformément à la règle 427Note de bas de page 5 du REF, et a poursuivi sa route vers l'ouest en empruntant la voie d'évitement de Beavermouth à l'aiguillage est de celle-ci.

    Vers 2 h 20, la tête du train 602 a franchi le signal 630, qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt, conformément à la règle 411Note de bas de page 6 du REF, et a poursuivi sa route vers l'est sur la voie principale au-delà de l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Beavermouth. L'équipe du train 602 n'a pas annoncé à haute voix dans la cabine et n'a pas diffusé par radio l'indication du signal, comme l'exigent les règles 34 et 578 du REF, respectivement.

    Environ au même moment, le canal radio d'attenteNote de bas de page 7 était occupé; le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) communiquait avec plusieurs contremaîtres travaillant dans la subdivision de Mountain pour discuter des dispositions prises avec le train 113 pour lui permettre de franchir différentes zones de travaux protégées en vertu de la règle 42.

    À environ 1000 pieds à l'est de l'aiguillage ouest de la voie d'évitement, le mécanicien de locomotive (ML) du train 602 a réduit l'intensité des phares et a éteint les phares de fossé lorsque la locomotive de tête a croisé la tête du train 113 qui circulait sur la voie d'évitement adjacente.

    Le train 602 a poursuivi sa route vers l'est sur la voie principale à environ 22 mi/h. Les membres de l'équipe n'ont plus discuté de l'indication du signal de vitesse normale à arrêt qu'ils avaient franchi. Au moment où le train 602 approchait du signal 610 à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth, la vue de ce signal était initialement obstruée par le train 113 en raison de la hauteur des wagons porte-conteneurs à double niveau (20 pieds et 3 pouces), de la courbe de la voie d'évitement adjacente et de la hauteur du signal (20 pieds). À environ 450 pieds de l'aiguillage est de la voie d'évitement, soit quelque 10 secondes du signal, l'équipe du train 602 a aperçu l'indication d'arrêt du signal 610 et la queue du train 113 qui s'étendait sur la voie principale, au-delà de l'aiguillage est de la voie d'évitement.

    Le ML du train 602 a serré les freins d'urgence du train à 2 h 23 min 8,9 s, a actionné le freinage rhéostatique et a serré le frein direct des locomotives (annexe A). Le train 602 a été incapable de s'arrêter avant le signal 610 et a heurté le côté du train 113. Au moment de la collision, le train 602 circulait à environ 16 mi/h. La locomotive de tête du train 602 a heurté la paroi rocheuse bordant le sud de la voie. Après le serrage initial des freins (à environ 22 mi/h), le train 602 s'est immobilisé rapidement en environ 450 pieds.

    Selon la séquence vidéo de la caméra vidéo orientée vers l'avant de la locomotive de tête, l'équipe du train 602 aurait pu partiellement apercevoir le signal 610 à 2 occasions. En ces 2 occasions, le signal aurait été visible pendant moins d'une seconde dans l'espace entre des conteneurs doubles et simples qui se trouvaient sur les wagons intermodaux du train 113. Ces aperçus du signal se trouvaient à un certain angle du côté gauche du champ de vision central. Ils se sont produits à environ 17 et 13 secondes avant que l'équipe n'obtienne une vue non obstruée du signal. Les freins d'urgence du train ont été serrés environ 2 secondes après que le signal 610 est apparu dans le champ de vision.

    Figure 3. Diagramme du lieu de la collision
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    Diagramme du lieu de la collision

    Par suite de la collision, les 2 locomotives de tête du train 602 (CP 9815 et UP 5528) se sont immobilisées contre la paroi rocheuse à un angle de 45° vers le sud, juste à côté de l'aiguillage est de la voie d'évitement (photo 1). Le premier wagon (CITX 151053) derrière les 2 locomotives a déraillé à la verticale et était aussi incliné vers le sud. Un bogie du 64e wagon du train 113 (DTTX 759813) a déraillé (figure 3). Le chef du train 602 a subi des blessures graves. Aucune marchandise dangereuse ne s'est déversée.

    Photo 1. Les deux locomotives du train 602 qui ont déraillé à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth (vue vers l'ouest)
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    Les deux locomotives du train 602 qui ont déraillé à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth

    1.2 Train 113

    Le train 113 se composait de 2 locomotives (1 locomotive de tête de 4365 hp et 1 locomotive de 4400 hp située au milieu du train) et de 80 wagons-plats intermodaux chargés. Ce train pesait environ 11 000 tonnes et mesurait quelque 12 000 pieds de long. Un examen des dossiers mécaniques des wagons et des locomotives n'a pas permis de constater de problèmes non résolus. Avant d'atteindre Beavermouth, le train 113 avait franchi les détecteurs de boîtes chaudes (DBC) des points milliaires 74,8 et 95,1. Ces DBC n'avaient émis aucun avertissement concernant ce train.

    L'équipe de train se composait d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Les 2 membres de l'équipe connaissaient bien la subdivision, répondaient aux normes d'aptitude au travail et de repos et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs. L'équipe devait conduire le train 113 de Field à Revelstoke (Colombie-Britannique).

    1.3 Train 602

    Le train 602 se composait de 3 locomotives (2 locomotives de tête de 4400 hp et 1 locomotive de 4400 hp située à la queue du train) et de 170 wagons-trémies couverts vides. Ce train pesait environ 5000 tonnes et mesurait quelque 8000 pieds de long. Un examen des dossiers mécaniques des wagons et des locomotives n'a pas permis de constater de problèmes non résolus. Avant d'atteindre Beavermouth, le train 602 avait franchi les DBC des points milliaires 54,4 et 44,9 et un détecteur de défauts de roues (DDR) au point milliaire 47,8. Ces détecteurs n'avaient émis aucun avertissement concernant ce train.

    L'équipe du train 602 se composait d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Les 2 membres de l'équipe connaissaient bien la subdivision, répondaient aux normes d'aptitude au travail et de repos et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs. L'équipe devait conduire le train 602 de Revelstoke à Field.

    1.4 Zones de travaux et de limitation de vitesse dans la subdivision de Mountain

    À plusieurs endroits de la subdivision de Mountain, on effectuait des activités d'entretien de la voie dans le cadre d'un important programme de remise en état de la voie. Par conséquent, l'équipe du train 602 devait obtenir la permission de franchir plusieurs zones de travaux protégées en vertu de la règle 42 du REF. L'équipe avait en sa possession un bulletin de marche tabulaire (BMT) propre au train qui présentait les zones de travaux et de limitation de vitesse sous forme de bulletins détaillés. Le BMT contenait aussi d'autres bulletins sur la conduite du train dans le territoire désigné. Les limites des zones de travaux protégées en vertu de la règle 42 étaient comme suit :

    • du point milliaire 125 au point milliaire 120 (le train 602 a été autorisé à franchir cette zone à 23 h 48 le 5 septembre 2015);
    • du point milliaire 108 au point milliaire 95 (le train 602 a été autorisé à franchir cette zone à 0 h 9 le 6 septembre 2015);
    • du point milliaire 76 au point milliaire 67 (le train 602 a été autorisé à franchir cette zone à 1 h 32 le 6 septembre 2015).

    Le train 602 a également franchi plusieurs zones limitation de vitesse établies en vertu de la règle 43Note de bas de page 8 du REF, dont :

    • du point milliaire 86,5 au point milliaire 86,4, où les mouvements devaient réduire leur vitesse à 25 mi/h;
    • du point milliaire 85,01 au point milliaire 84,6, où la vitesse était limitée à 25 mi/h;
    • à l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Griffith (Colombie-Britannique), où la vitesse était limitée à 10 mi/h pour franchir l'aiguillage.

    Dans la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 commençant au point milliaire 76, le train 602 a franchi 4 autres zones limitation de vitesse de la règle 43, dont :

    • du point milliaire 70,4 au point milliaire 70,1, où la vitesse était limitée à 10 mi/h;
    • du point milliaire 69,4 au point milliaire 69,2, où la vitesse était limitée à 10 mi/h;
    • du point milliaire 68,4 au point milliaire 68,1, où la vitesse était limitée à 25 mi/h;
    • du point milliaire 67,1 au point milliaire 66,6, où la vitesse était limitée à 25 mi/h.

    Au moment de l'événement, les signaux exigés par la règle 43 pour signaler les limitations de vitesse et avertir les équipes de la présence de ces limitations (soit 2 milles à l'avance) n'étaient pas encore en placeNote de bas de page 9.

    Selon l'information consignée, le train 602 a franchi la limitation de vitesse au point milliaire 70,4 à environ 18 mi/h et la limitation de vitesse au point milliaire 69,4 à environ 26 mi/h.

    Au moment où le train approchait de Beavermouth, les membres de l'équipe se sont rendu compte qu'ils n'avaient pas respecté les 2 limitations de vitesse de 10 mi/h se trouvant dans la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42. Ils n'ont pas avisé le CCF de cette non-conformité avant la collision. Les 2 membres de l'équipe savaient que d'autres équipes avaient fait l'objet de mesures disciplinaires par de passé pour des infractions semblables.

    1.5 Renseignements sur la subdivision et la voie

    La subdivision de Mountain s'étend de Field (point milliaire 0,0) à Revelstoke (point milliaire 125,70) et comprend une voie principale simple et des voies principales doubles. Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), autorisé par le REF et supervisé par un CCF situé à Calgary (Alberta).

    Dans les environs de la voie d'évitement de Beavermouth, la voie est de catégorie 3, selon le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée par l'indicateur pour les trains de marchandises circulant dans la subdivision de Mountain est de 35 mi/h sur la voie principale et de 30 mi/h sur la voie d'évitement.

    La voie se composait d'une voie principale simple orientée d'est en ouest. Elle était formée de longs rails soudés, et le ballast était principalement constitué de pierre concassée. Les cases étaient garnies et les épaulements dépassaient d'environ 18 pouces le bout des traverses. La plus récente inspection, effectuée le 4 septembre 2015, n'avait décelé aucun défaut de rail considérable. La voie était en bon état.

    Dans les environs de l'événement, la voie était composée de rails de 136 livres fabriqués par Nippon Steel en 1987. Ils étaient posés sur des selles laminées à double épaulement de 16 pouces, lesquelles étaient en bon état et fixées selon un plan de cramponnage 2/2. Les rails étaient fixés à l'aide d'attaches élastiques, et il n'y avait pas d'anticheminants.

    1.6 Règle 42 – Protection prévue

    La règle 42(a) stipule que, pour une protection prévue, « [l]es signaux de la règle 42 ne doivent pas être en place plus de 30 minutes avant ou après les heures indiquées dans le BM [bulletin de marche] à moins que ce ne soit prévu dans le BM ».

    Selon la règle 42 (b) :

    Un mouvement en possession du modèle Y ne doit pas poursuivre sa route au-delà du signal rouge situé au point repérable indiqué dans le BM, ni entrer dans la zone protégée indiquée dans le BM, ni inverser son mouvement à l'intérieur de cette zone avant d'avoir reçu des instructions du contremaître nommé dans le BM.

    Ces instructions doivent être reçues par écrit. Avant de transmettre ses instructions, le contremaître doit indiquer à l'équipe du train la position des sous-contremaîtres dont il assure la protection. Avant de copier les instructions, l'équipe du train doit répéter au contremaître la position des sous-contremaîtres.

    La règle 42 comprend également les exigences suivantes :

    (c) Avant de donner suite à ces instructions, il faut les répéter au contremaître nommé dans le BM, et celui-ci doit en accuser réception.

    (d) Lorsqu'il y a un branchement signalisé à moins de deux (2) milles d'une protection-règle 42 qui ne s'applique pas à toutes les voies, tous les mouvements doivent s'en approcher prêts à observer les exigences de la règle 42, jusqu'à ce que leur itinéraire soit confirmé.

    Lorsqu'il faut utiliser une voie en particulier, les instructions du contremaître doivent préciser la voie à laquelle les instructions s'appliquent.

    1.7 Règle 43 – Protection d'une voie exigeant une limitation de vitesse

    En ce qui concerne la mise en place des signaux (figure 4), la règle 43 du REF indique notamment ce qui suit :

    La protection d'une voie exigeant une limitation de vitesse, en vertu d'un BM de modèle V, sera signalée sur le terrain de la façon suivante :

    • par un signal jaune placé à la droite de la voie du point de vue d'un mouvement qui approche, au moins deux milles dans chaque direction à partir de la zone la plus éloignée spécifiée dans le BM; et
    • par un signal vert placé à la droite de la voie du point de vue d'un mouvement qui approche, dans chaque direction, immédiatement au-delà du défaut.
      [...]

    Lorsque la mise en place des signaux de la règle 43 est retardée, la mention suivante sera ajoutée au modèle V : « Les signaux peuvent ne pas être en place ».

    1. Un mouvement ne doit pas dépasser la vitesse indiquée par le BM à la hauteur d'un signal vert ou entre des signaux verts opposés.
    Figure 4. Instructions de mise en place des signaux de la règle 43 (Source : Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada)
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    Instructions de mise en place des signaux de la règle 43

    1.8 Conditions météorologiques

    Au moment de l'événement, le ciel était dégagé et la température était de 10 °C.

    1.9 Commande centralisée de la circulation

    La CCC est une méthode de contrôle de la circulation qui emploie sur le terrain des circuits de voie et signaux interconnectés pour contrôler les mouvements. Des écrans d'ordinateur et des commandes sont installés dans le bureau de contrôle de la circulation ferroviaire. Les signaux sont actionnés par la présence d'un circuit ouvert. Sur le terrain, les indications des signaux autorisent les mouvements à occuper la voie principale. Ces indications offrent aussi

    • de l'information aux équipes de train sur la vitesse à laquelle elles peuvent circuler et jusqu'où elles peuvent se rendre;
    • une protection contre certaines conditions (p. ex., le canton suivant est occupé, un rail est brisé ou un aiguillage de voie principale est laissé ouvert).

    La CCC ne peut pas faire ralentir ou immobiliser un train automatiquement avant qu'il ne dépasse un signal d'arrêt absolu ou tout autre point d'application d'une restriction. Les équipes de train doivent connaître les indications des signaux définies dans le REF et sont tenues de régler la marche de leur train en conséquence.

    Dans le bureau de contrôle de la circulation ferroviaire, le CCF voit les occupations de voie à l'écran de son ordinateur. Une occupation de voie correspond généralement à la présence d'un train. Cependant, elle peut aussi signaler un circuit de voie interrompu (par exemple, un rail brisé ou un aiguillage laissé ouvert). Le CCF peut contrôler certains signaux (signaux contrôlés) en les réglant à l'indication d'arrêt absolu ou en sollicitant l'affichage d'indications permissives des signaux.

    Lorsqu'un CCF sollicite des signaux pour un train, le système de signalisation détermine le degré de permissivité qu'ils afficheront en fonction de l'occupation des autres voies et du nombre de signaux consécutifs sollicités.

    1.10 Planification des croisements et communications des contrôleurs de la circulation ferroviaire

    En général, lorsqu'ils prévoient des croisements, les CCF du CP tiennent compte de plusieurs facteurs, dont

    • les passages à niveau au croisement proposé qui pourraient être bloqués pendant le croisement;
    • la présence de trains clésNote de bas de page 10 puisque ces trains doivent occuper la voie principale pendant les croisements, conformément au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés de TC, en vigueur depuis le 19 février 2016Note de bas de page 11;
    • les chargements exceptionnels (p. ex., dimensions hors normes) à qui il peut être interdit d'utiliser les voies d'évitement pendant un croisement.

    Lorsque de longs trains doivent se croiser, les CCF doivent s'assurer qu'au moins un des trains peut dégager la voie (sur la voie principale ou la voie d'évitement). Les CCF doivent employer différentes stratégies pour bien organiser les croisements. Si les 2 trains qui se croisent ne font pas l'objet de restrictions, les CCF du CP acheminent généralement vers la voie d'évitement le premier train qui arrive au point de croisement, même si cela n'est pas requis. Dans la subdivision de Mountain, moins de 5 % des trains (environ 1 ou 2 trains par jour) étaient des trains excédant la capacité des voies d'évitementNote de bas de page 12.

    Dans l'événement à l'étude, les trains 602 et 113 n'étaient pas des « trains clés » et ne transportaient pas de chargements exceptionnels qui les auraient empêchés de prendre une voie d'évitement. De plus, il n'y avait pas de possibilité d'obstruction de passages à niveau à Beavermouth. La voie d'évitement de Beavermouth mesure 9980 pieds de long tandis que le train 113 mesurait environ 12 000 pieds de long. Aucune voie d'évitement de la subdivision de Mountain n'était assez longue pour le train 113.

    Pour éviter le croisement, le CCF aurait pu faire attendre le train 113 à Donald (Colombie-Britannique), au point milliaire 52,2, jusqu'à l'arrivée du train 602. Donald se trouve à la fin du tronçon à voies multiples de la subdivision pour les trains circulant vers l'ouest depuis KC Junction. Le CCF aurait aussi pu faire attendre le train 602 à Rogers (point milliaire 68,2) jusqu'à l'arrivée du train 113. Rogers se trouve à la fin du tronçon à voies multiples de la subdivision pour les trains circulant vers l'est depuis les tunnels Connaught et Mount Macdonald. Le croisement était prévu à Beavermouth pour éviter les retards de trains qu'auraient occasionnés ces options. Le jour de l'événement, les trains circulant vers l'est ne pouvaient pas emprunter l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Beavermouth. Le BM M144 portait sur cette restriction et indiquait ce qui suit :

    [Traduction]
    Les mouvements en direction est ne doivent pas emprunter l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Beavermouth en raison d'une aiguille défectueuse.

    Le train 113 est arrivé à Beavermouth environ 2 minutes avant le train 602. Le CCF n'a pas avisé l'équipe du train 602 que le train 113 excédait la capacité de la voie d'évitement et n'était pas tenu de le faire. Le CP ne donne normalement pas d'information précise sur les croisements, y compris la présence de trains excédant la capacité des voies d'évitement, car le CP croit qu'en disposant d'une telle information, l'équipe d'un train pourrait mal interpréter les indications des signaux et s'attendre à des indications plus permissives qu'elles ne le sont vraiment.

    Le bulletin 2391 destiné aux CCF du CP (en vigueur le 7 août 2015) stipule notamment ce qui suit :

    [Traduction]
    Conformément aux pratiques exemplaires de conduite des trains, nous ne transmettrons plus d'information précise aux équipes sur les croisements; nous leur dirons plutôt d'adapter la conduite de leur train en fonction de l'emplacement des croisements. Autrement dit, nous ne devons pas leur transmettre d'information précise pouvant leur laisser croire que les indications des signaux ou les itinéraires pourraient être moins restrictifs qu'en réalité. Ainsi, ne donnez jamais d'information précise sur les croisements, les trains qui se suivent ou les indications de signaux, qui pourrait amener le mécanicien de locomotive à mal interpréter les indications du système de signalisation.

    Le CP a fourni l'exemple suivant :

    [Traduction]
    Si le CCF indiquait que le train empruntant la voie d'évitement est assez court pour dégager la voie principale entre 2 aiguillages, l'équipe du train approchant pourrait établir un modèle mental selon lequel il y aura un signal permissif à l'extrémité de la voie d'évitement. Toutefois, il serait toujours possible que le train ne rentre pas complètement sur la voie d'évitement, ce qui pourrait se traduire par un signal d'arrêt pour le train approchant.

    L'équipe d'un train peut, dans la mesure du possible, communiquer avec les trains circulant en sens inverse pour les aviser que leur train excède la capacité des voies d'évitement. Dans l'événement à l'étude, cette communication n'a pas eu lieu, car le canal radio était très achalandé ce jour-là en raison des demandes opérationnelles liées aux travaux effectués dans la subdivision.

    1.11 Signalement des infractions aux règles par les équipes de train

    Si l'équipe d'un train se rend compte qu'elle n'a pas respecté les exigences du REF, la compagnie ferroviaire s'attend à ce qu'elle signale cette non-conformité le plus rapidement possible aux autorités compétentes. Habituellement, cette autorité compétente serait le CCF ou le superviseur immédiat de l'équipe.

    Les chemins de fer de catégorie 1 du Canada prévoient des mesures disciplinaires strictes en cas de non-conformité aux principales règles d'exploitation. La gestion des chemins de fer enquête habituellement sur ces infractions et peut appliquer des mesures disciplinaires si elle juge la non-conformité grave. Les mesures disciplinaires consistent en des points d'inaptitude ou en une suspension sans solde. Le nombre de points d'inaptitude et/ou la durée d'une suspension correspondent généralement à la gravité de la non-conformité selon la perception de la compagnie ferroviaire. Toutefois, les employés qui signalent une non-conformité de leur plein gré peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires plus clémentes que les employés qui ne le font pas.

    Les employés de chemins de fer peuvent être congédiés ou suspendus indéfiniment sans solde après avoir cumulé des points d'inaptitude (habituellement 60). Les points d'inaptitude accumulés peuvent être éliminés ou rétablis lorsque les employés ont travaillé pendant un certain nombre de mois consécutifs sans commettre d'infraction (p. ex., 20 points pour une période de 1 an sans non-conformité, pourvu que la compagnie ferroviaire ne juge pas que l'employé soit inapte à occuper son poste).

    1.12 Modèles mentaux pendant la conduite d'un train

    Les équipes de train élaborent continuellement des modèles mentaux du monde qui les entoure. Les modèles mentaux sont des structures internes qui permettent aux personnes de décrire, d'expliquer et de prévoir des événements et des situations qui surviennent dans leur environnementNote de bas de page 13. Les personnes développent des modèles mentaux en fonction de plusieurs facteurs, dont leur expérience, leurs connaissances, leur perception et leur compréhension des indices externes dans leur environnement de travail. Une fois qu'un modèle mental a été établi, il est difficile de le modifier. Pour que les personnes modifient leurs modèles mentaux, de nouveaux modèles doivent les remplacer, et ces nouveaux modèles doivent être corroborés par de nouveaux renseignements suffisamment convaincants qui justifient la mise à jour des modèles mentaux. Comme la capacité de la mémoire de travail des humains est limitée, il est impossible de retenir tous les indices offerts par un environnement de travail. Cela se traduit par le développement interne de modèles mentaux simples et incomplets que les personnes utilisent pour comprendre et interpréter un environnement de travail dynamique et complexeNote de bas de page 14.

    1.13 Moyens de défense pour les indications des signaux

    Le degré de sécurité qu'offrent les systèmes de signalisation en bordure de la voie a évolué depuis leur conception initiale, il y a plus de 100 ans, grâce à l'installation de signaux avancés. Toutefois, ces systèmes requièrent une conformité rigoureuse aux règles puisque l'on s'attend à ce que les équipes de train réagissent aux indications progressives des signaux en voie.

    Dans un système complexe comme celui du transport ferroviaire, même l'ensemble de règles le plus rigoureux peut ne pas couvrir tous les imprévus et toutes les interprétations des personnes. En outre, même les employés motivés et expérimentés sont sujets aux méprises, oublis et erreurs normaux qui caractérisent le comportement humain. La philosophie de défense en profondeur préconisée par les spécialistes de la sécurité pour les réseaux complexes consiste à mettre en place des lignes de défense diverses et multiples afin d'atténuer les risques d'erreur humaine normale.

    À la suite de son enquête sur la collision entre 2 trains du CP en 1998 près de Notch Hill (Colombie-Britannique)Note de bas de page 15, le Bureau a déterminé que les mesures de sécurité supplémentaires à l'égard des indications des signaux étaient insuffisantes. Le Bureau a donc recommandé que

    Le ministère des Transports et l'industrie ferroviaire mettent en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s'assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s'y conforment de façon uniforme.
    Recommandation R00-04 du BST

    À la suite de son enquête sur le déraillement et la collision d'un train de voyageurs de VIA Rail Canada Inc. (VIA) près de Burlington (Ontario)Note de bas de page 16, le Bureau a recommandé que

    Le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens de voyageurs et de marchandises mettent en œuvre des méthodes de contrôle des trains à sécurité intrinsèque, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.
    Recommandation R13-01 du BST

    Dans sa réévaluation de mars 2016 des réponses de TC à ces recommandations, le Bureau a indiqué que ces 2 recommandations étaient liées à l'enjeu « Respecter les indications des signaux ferroviaires » de la Liste de surveillance du BST, qui porte sur les risques de collision ou de déraillement graves mettant en cause des trains si les signaux ferroviaires ne sont pas reconnus ni respectés de façon uniforme. Le Bureau a évalué cette réponse de la manière suivante :

    Le groupe de travail du CCSF (Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire) remettra à TC un rapport écrit sur des options et des recommandations concernant cette question. Selon les prévisions actuelles, ce travail devrait être terminé au printemps 2016. Même si des mesures visant à analyser la lacune constatée ont été prises et pourraient produire une solution appropriée à long terme, il n'existe toujours pas de plans à court terme pour s'attaquer au risque d'une collision ou d'un déraillement grave en l'absence de mesures de sécurité supplémentaires.

    L'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) indique que les enregistreurs [audio-vidéo] à bord des locomotives constitueront un moyen de protection face à ce problème. Malgré les avantages de ces enregistreurs sur le plan de la sécurité, le Bureau met en garde que des couches supplémentaires de surveillance des équipes ne peuvent à elles seules satisfaire à la notion de défense en profondeur inhérente à la conception de la sécurité d'un système. Des couches supplémentaires de moyens de défense physiques sont encore nécessaires pour que l'on puisse atténuer efficacement les risques de collisions ou de déraillements graves.

    Comme il est trop tôt pour évaluer les résultats de l'étude du groupe de travail sur des options et des recommandations, le Bureau estime que la réponse à la recommandation est en partie satisfaisante.

    1.14 Technologies visant le respect des signaux

    L'industrie ferroviaire a mis au point diverses technologies qui visent à réduire les risques liés à la mauvaise interprétation ou à la non-conformité des indications des signaux. Les États-Unis utilisent des systèmes de signalisation en cabine depuis plus de 90 ans et élaborent et testent le système de commande intégrale des trains (de l'anglais, positive train control, ou PTC).

    1.14.1 Systèmes de signalisation en cabine

    La signalisation en cabine est un système de communications qui fournit de l'information sur l'état d'occupation des voies à un dispositif d'affichage installé dans la cabine de la locomotive. Les systèmes les plus simples affichent l'indication des signaux en bordure de la voie, tandis que les systèmes plus perfectionnés indiquent aussi les vitesses maximales permises. La signalisation en cabine peut être combinée à un système de contrôle automatique des trains pour avertir les équipes d'exploitation de l'approche de points de restriction et pour déclencher l'exécution forcée du ralentissement ou de l'arrêt d'un trainNote de bas de page 17. La signalisation en cabine peut réduire le risque d'erreurs de reconnaissance des signaux.

    En 1922, l'Interstate Commerce Commission des États-Unis a rendu une décision exigeant que tous les chemins de fer américains installent avant 1925 une forme quelconque de contrôle automatique des trains sur la totalité d'une division pour transport de voyageurs. C'est dans la foulée de cette décision que les premiers systèmes de signalisation en cabine ont été mis au point et mis en service aux États-UnisNote de bas de page 18. Ces systèmes ont évolué et demeurent en usage dans certains corridors de trains de voyageurs aux États-Unis. Au Canada, aucun système de signalisation en cabine n'est utilisé par les compagnies ferroviaires de transport de voyageurs ou de marchandises.

    1.14.2 Système de commande intégrale des trains

    Le PTC est une technologie émergente de contrôle des trains dont les principales fonctions consistent à prévenir

    • les collisions entre les trains,
    • les déraillements dus à une vitesse excessive,
    • les incursions dans les limites des zones de travaux,
    • le passage d'un train sur un aiguillage laissé dans la mauvaise position.

    Si l'équipe d'exploitation ne réagit pas de façon adéquate, le PTC se déclenche pour ralentir ou arrêter le train automatiquement. Aux États-Unis, on travaille à développer la technologie du PTC depuis de nombreuses années.

    La collision entre un train de voyageurs de Metrolink et un train de marchandises de l'Union Pacific à Chatsworth (Californie) en septembre 2008 a entraîné l'adoption de la Rail Safety Improvement Act of 2008. Cette loi exigeait l'installation, d'ici 2015, du PTC sur les lignes ferroviaires à risque plus élevé des États-Unis. Cependant, en raison d'un certain nombre de difficultés techniques, on a remis au 31 décembre 2018 la date butoir du 31 décembre 2015 pour la mise en application du PTC aux États-Unis, et il se pourrait que certains chemins de fer bénéficient d'une extension supplémentaire de 2 ans.

    Au Canada, il n'existe aucun PTC en usage sur les chemins de fer de transport de marchandises ou de voyageurs, et aucune installation d'un tel système n'est prévue. La technologie PTC ne sera vraisemblablement mise en œuvre au Canada que plusieurs années après la fin de sa mise en œuvre aux États-Unis. Cependant, afin de répondre aux exigences relatives à leurs activités aux États-Unis, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et le CP ont tous les deux des plans pour la mise en place du PTC :

    • Le plan du CP prévoit l'installation des systèmes de bord requis sur 505 locomotives. Le CP installera le PTC sur quelque 2112 milles de parcours aux États-Unis.
    • Dans le cadre de son plan de mise en œuvre du PTC, le CN équipera 586 locomotives des systèmes de bord requis. Le CN installera le PTC sur quelque 3563 milles de parcours aux États-Unis.

    Tant au CN qu'au CP, le système PTC sera basé sur le système interfonctionnel de gestion électronique des trains (de l'anglais, Interoperable Electronic Train Management System, ou I-ETMS). Le CN l'installera dans 39 subdivisions, et le CP dans 22, soit, respectivement, sur 62 % et 89 % de la totalité de leurs milles de parcours aux États-Unis (à l'exclusion des zones de triage). L'I-ETMS est un système de contrôle des trains axé sur la locomotive et exploitant une combinaison de données des locomotives, du bureau et de la voie intégrées au moyen d'un réseau de radiocommunication. Le système remplira les fonctions suivantes :

    • alerter les équipes de train de l'imminence d'infractions aux limites de vitesse et aux autorisations de circuler, y compris le franchissement d'un signal d'arrêt absolu;
    • arrêter les trains avant qu'ils ne dépassent leur zone de circulation autorisée et leur limite de vitesse permise, y compris des signaux donnant l'indication d'arrêt absolu;
    • interroger les prochains signaux en bordure de la voie et les aiguillages sur l'itinéraire du train quand celui-ci roule dans une zone munie de l'I-ETMS;
    • protéger les zones de travaux en faisant respecter les restrictions qui s'y appliquent.

    Ce système est en développement et n'est pas encore homologué par la Federal Railroad Administration pour utilisation en service commercial.

    1.15 Autres événements mettant en cause la mauvaise interprétation et la mauvaise perception des signaux en voie

    Depuis 2007, le BST a mené 8 enquêtes sur des collisions, des déraillements et des mouvements dépassant leurs limites d'autorisation dont la mauvaise interprétation et/ou perception des indications des signaux en voie par l'équipe d'exploitation ont constitué une cause ou un facteur contributif.

    R14T0294 (Newtonville)Note de bas de page 19 – Le 28 octobre 2014, le train de voyageurs nº 62 de VIA (VIA 62) roulait vers l'est de Toronto (Ontario) à Montréal (Québec) sur la voie sud de la subdivision de Kingston du CN près de Newtonville (Ontario). À 10 h 15, heure avancée de l'Est, le VIA 62 a franchi à environ 68 mi/h le signal 2784S présentant l'indication d'arrêt absolu. Le train a été immobilisé et un appel d'urgence a été lancé à la radio. La locomotive de tête a dépassé le signal d'arrêt absolu d'environ 900 pieds. L'incident n'a fait aucun blessé et n'a pas causé de déraillement ni de dommages à la voie.

    R13C0049 (Dunmore)Note de bas de page 20 – Le 18 mai 2013, vers 13 h 30, heure avancée des Rocheuses, le train 351 du CP roulait vers l'ouest sur la voie principale nord de la subdivision de Maple Creek à l'approche de Dunmore (Alberta) quand il a heurté le côté du train 100 du CP quittant Dunmore en direction de l'est alors qu'il franchissait la liaison de la voie principale nord à la voie du dépôt 1. La collision a causé le déraillement des 2 locomotives de tête et des 2 wagons suivants du train 351. Quant au train 100, 2 de ses wagons ont déraillé et plusieurs autres ont été endommagés. Le chef du train 351 a subi des blessures mineures et a été conduit à l'hôpital.

    R12T0038 (Aldershot)Note de bas de page 21 – Le 26 février 2012, le train de voyageurs no 92 de VIA (VIA 92) roulait vers l'est de Niagara Falls (Ontario) à Toronto (Ontario), sur la voie 2 de la subdivision d'Oakville du CN, près de Burlington (Ontario). Après un arrêt à la gare d'Aldershot (point milliaire 34,30), le train est reparti sur la voie 2. Les aiguillages de cette voie étaient orientés de manière à rediriger le train de la voie 2 vers la voie 3 par la liaison nº 5 au point milliaire 33,23, où la vitesse autorisée était de 15 mi/h. Le VIA 92 a franchi la liaison nº 5 à une vitesse d'environ 67 mi/h. La locomotive et les 5 voitures à voyageurs ont déraillé. Les membres de l'équipe d'exploitation ont subi des blessures mortelles, et 45 personnes (44 voyageurs et le directeur des services de bord) ont subi diverses blessures.

    R11E0063 (Edmonton)Note de bas de page 22 – Le 23 juin 2011, vers 6 h 25, heure avancée des Rocheuses, le train de marchandises Q10131-21 du CN, qui roulait vers l'ouest à 25 mi/h dans la subdivision de Wainwright, est entré en collision avec la queue du train de marchandises A41751-23 du CN, au point milliaire 262,76. La collision a causé le déraillement de 2 wagons plats intermodaux (3 châssis) et des dommages à la locomotive CN 2234.

    R10Q0011 (Saint-Charles-de-Bellechasse)Note de bas de page 23 – Le 25 février 2010, le train nº 15 de VIA, faisait route vers l'ouest depuis Halifax (Nouvelle-Écosse) jusqu'à Montréal (Québec). Vers 4 h 25, heure normale de l'Est, près de Saint-Charles-de-Bellechasse (Québec) au point milliaire 100,78 de la subdivision de Montmagny du CN, le train est entré sur une voie d'évitement à une vitesse d'environ 64 mi/h par un aiguillage où la vitesse autorisée était de 15 mi/h. Deux locomotives et 6 voitures à voyageurs ont déraillé. Deux mécaniciens de locomotive et 5 voyageurs ont été blessés.

    R10V0038 (KC Junction)Note de bas de page 24 – Le 3 mars 2010, vers 14 h 10, heure normale du Pacifique, le train 300 du CP roulant vers l'est sur la voie nord de la subdivision de Mountain et approchant de KC Junction (Colombie-Britannique), a pris en écharpe le train 671 du CP qui quittait Golden (Colombie-Britannique) en direction ouest depuis la voie nord et qui, par des liaisons, s'engageait sur la voie sud. Par suite de la collision, 3 locomotives et 26 wagons ont déraillé.

    R09V0230 (Redgrave)Note de bas de page 25 – Le 30 octobre 2009, vers 22 h 25, heure avancée du Pacifique, le train 355 du CP qui roulait vers l'ouest sur la voie d'évitement signalisée à Redgrave (Colombie-Britannique), dans la subdivision de Mountain, a pris en écharpe le train 110 du CP, circulant vers l'est, qui était immobilisé sur la voie principale. La collision a causé le déraillement de 2 locomotives et de 6 wagons.

    R07E0129 (Peers)Note de bas de page 26 – Le 27 octobre 2007, à 5 h 5, heure avancée des Rocheuses, l'équipe du train 417 du CN, qui roulait vers l'ouest sur la voie principale de la subdivision d'Edson, a déclenché un freinage d'urgence à environ 475 pieds d'un signal d'arrêt absolu situé à l'extrémité ouest de Peers (Alberta). Le train a dépassé le signal sans pouvoir s'arrêter et est entré en collision avec le train 342 du CN, circulant vers l'est, qui entrait dans la voie d'évitement. La collision a fait dérailler les locomotives et 22 wagons du train 417 et 5 wagons du train 342.

    1.16 Interactions entre les membres de l'équipe d'un train

    Il est impossible d'examiner rigoureusement de nombreux aspects de la dynamique et des interactions entre les membres d'une équipe, car les enregistrements audio-vidéo de locomotives ne sont généralement pas disponibles. Les interactions suivantes de l'équipe qui pourraient être pertinentes lors de l'examen de la conduite d'un train en toute sécurité comprennent les questions suivantes :

    • Les signaux ont-ils tous été bien identifiés?
    • Les signaux ont-ils tous été annoncés comme il se doit?
    • A-t-on accusé réception de tous les signaux?
    • Y avait-il des distractions dans la cabine?

    Les données objectives sont extrêmement utiles pour les enquêteurs afin de comprendre le déroulement des événements ayant mené à un accident et de cerner les problèmes opérationnels où interviennent des facteurs humains et le rendement de l'équipe. Les enregistrements audio permettraient aux enquêteurs du BST de confirmer la nature des communications entre les membres de l'équipe ainsi que leurs actions et interactions. Grâce à cette information, les enquêteurs d'accidents pourraient éliminer plus rapidement les facteurs non pertinents qui n'ont joué aucun rôle dans l'accident. La technologie est omniprésente dans le domaine de l'information enregistrée, et ce, depuis quelque temps. D'ailleurs, l'industrie aéronautique utilise depuis plus de 30 ans des enregistrements des conversations dans les postes de pilotage.

    Un certain nombre d'enquêtes sur des accidents ferroviaires en Amérique du Nord ont mené à des constatations, à des recommandations et à d'autres communications de sécurité où on a établi que des facteurs humains constituaient une condition sous-jacente. Bon nombre de ces enquêtes auraient bénéficié d'un enregistrement des communications d'équipe immédiatement avant l'accident.

    Après son enquête sur le déraillement et la collision du train VIA 92 à proximité de Burlington (Ontario)Note de bas de page 27 en 2012, le Bureau a déclaré ce qui suit :

    Afin d'améliorer la sécurité, les organismes d'enquête sur les accidents se fient sur une collecte, une assimilation et une analyse plus efficientes, plus opportunes et plus précises des renseignements afin de communiquer plus rapidement les lacunes de sécurité et les rapports d'enquête à l'industrie, aux organismes de réglementation et au public. En outre, les compagnies pourraient possiblement utiliser les enregistrements vidéo et de la parole proactivement, de manière non punitive, afin d'améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité, ce qui pourrait réduire les risques et améliorer la sécurité pour éviter les accidents. Cela revêt une importance particulière dans un environnement qui est tributaire exclusivement de moyens de défense d'ordre administratif pour assurer la sécurité et dans lequel il n'existe pas de moyens de défense physiques à sécurité intrinsèque pour le contrôle des trains. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que toutes les locomotives de commande utilisées en voie principale soient pourvues de caméras vidéo dans la cabine.
    Recommandation R13-02 du BST

    Dans sa plus récente réévaluation de la réponse à la recommandation R13-02 (mars 2016), le Bureau a indiqué ce qui suit :

    La présente recommandation est liée à l'enjeu « Enregistreurs vidéo ou de la parole à bord » de la Liste de surveillance du BST. Comme aucune disposition n'exige la présence d'enregistreurs [audio-vidéo] à bord des locomotives, des renseignements cruciaux pour améliorer la sécurité ferroviaire pourraient ne pas être toujours disponibles. La recommandation R13-02 est également liée à la recommandation R03-02, par laquelle le Bureau recommande que le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie ferroviaire, établisse des normes nationales exhaustives en matière d'enregistreurs de données de locomotive qui comprennent l'exigence d'un enregistreur de conversation en cabine combiné aux systèmes de communication de bord.

    Les points de vue des chemins de fer et de Transports Canada n'ont pas changé depuis l'an dernier. Cependant, VIA et GO Transit ont commencé à équiper leurs parcs de locomotives d'enregistreurs à bord. De plus, Transports Canada et les intervenants de l'industrie travaillent en collaboration avec le BST à l'étude conjointe sur les LVVR [enregistreurs audio-vidéo de locomotives]. Cette étude fournira de précieuses informations en vue de l'examen du cadre législatif et réglementaire régissant les enregistreurs embarqués. L'étude sur les LVVR progresse bien et un projet de rapport sera terminé au printemps 2016.

    Cependant, en l'absence d'engagements et de plans fermes concernant l'installation à grande échelle d'enregistreurs [audio-vidéo] en cabine, le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une intention en partie satisfaisante.

    Aux États-Unis, les cabines des locomotives des trains Acela d'Amtrak sont équipées d'un enregistreur audio relié au consignateur d'événements de locomotive. Le 4 décembre 2015, la Fixing America's Surface Transportation Act (FAST Act, P.L. 114-94) a été adoptée. En vertu de la FAST Act, toutes les compagnies ferroviaires de voyageurs doivent installer dans leurs locomotives des caméras orientées vers l'intérieur (pour mieux surveiller les équipes de train et contribuer aux enquêtes sur les accidents) et des caméras orientées vers l'extérieur (pour mieux surveiller l'état de la voie).

    Bien que certaines compagnies ferroviaires envisagent d'installer dans les cabines des enregistreurs audio-vidéo en vue d'une utilisation de tous les jours dans leurs systèmes de gestion de la sécurité, la loi canadienne, en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, protège ces enregistrements et n'en permet pas actuellement l'utilisation, sauf dans le cadre d'une enquête du BST.

    2.0 Analyse

    L'analyse portera sur les distractions, les modèles mentaux, les moyens de défense du système de commande centralisée de la circulation (CCC), la mise en place de signaux définissant les zones de limitation de vitesse, et la planification des croisements et les communications des contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF).

    2.1 L'accident

    La collision s'est produite lorsque le train 602 a franchi le signal d'arrêt absolu à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth et a heurté le côté du train 113.

    Dans la subdivision de Mountain, 1 ou 2 trains par jour excédaient la capacité de la voie d'évitement, dont le train 113. Même si ce train était immobilisé au signal de l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Beavermouth, sa queue s'étendait sur environ 2510 pieds sur la voie principale, au-delà de l'aiguillage est de la voie d'évitement. 

    L'équipe du train 602 ne savait pas que le train 113 excédait la capacité de la voie d'évitement et avait probablement établi un modèle mental selon lequel la queue du train 113 ne bloquerait pas l'aiguillage est de la voie d'évitement. Par conséquent, l'équipe a exploité le train 602 en s'attendant à recevoir une indication permissive au signal 610, en dépit de l'indication précédente exigeant l'arrêt du train.

    L'identification et la communication des signaux dans la cabine de la locomotive et l'annonce de l'indication de signaux spécifiques par radio sont des tâches opérationnelles clés dont l'objectif est d'assurer que les membres des équipes comprennent les signaux et leurs exigences de la même façon. Le jour de l'événement à l'étude, d'importants travaux de la voie étaient en cours, ce qui a engendré un achalandage plus élevé qu'à la normale sur le canal radio d'attente.

    En raison de cette activité radio accrue, l'équipe du train 602 a choisi de ne pas annoncer par radio l'indication des signaux avancés pour éviter de bloquer d'autres transmissions radio essentielles à la sécurité. L'équipe du train 602 ne s'est pas prévalue de l'occasion d'établir une compréhension commune des signaux d'approche de Beavermouth et à l'aiguillage ouest de la voie d'évitement.

    Lorsqu'un train s'apprête à croiser un autre train à une voie d'évitement, la charge cognitive nécessaire à la conduite du train en toute sécurité augmente. À ces endroits, les équipes de train bénéficieraient d'une réduction au minimum des distractions. Dans l'événement à l'étude, dans les environs de la voie d'évitement de Beavermouth, l'équipe du train 602 s'est rendu compte qu'elle n'avait pas respecté 2 limitations de vitesse plus tôt au cours du trajet. Comme l'équipe du train 602 était préoccupée par les conséquences potentielles de ne pas avoir respecté 2 limitations de vitesse, elle était probablement distraite à l'approche de l'aiguillage est de la voie d'évitement de Beavermouth.

    Au moment où le train 602 approchait du signal 610 à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth, la vue du signal (d'une hauteur d'environ 20 pieds) était initialement obstruée par les wagons porte-conteneurs à double niveau du train 113 (d'une hauteur de 20 pieds et 3 pouces) sur la voie d'évitement adjacente. Toutefois, l'équipe a manqué 2 occasions d'identifier le signal et d'y réagir (c.-à-d. environ 17 et 13 secondes avant qu'elle n'obtienne une bonne vue du signal). Comme la nuit était claire, les signaux rouges brillants auraient créé un contraste et auraient été visibles dans l'obscurité. L'obstruction visuelle causée par les wagons porte-conteneurs à double niveau a réduit la durée de visibilité de l'aspect du signal. À environ 450 pieds du signal, lorsque l'aspect du signal est devenu visible, l'équipe a aperçu le signal d'arrêt absolu et a immédiatement déclenché un freinage d'urgence, mais a été incapable d'immobiliser le train avant la collision avec le train 113.

    2.2 Planification des croisements et communications des contrôleurs de la circulation ferroviaire

    Aucun règlement n'oblige les équipes de train et les contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF) d'aviser les équipes de train de la présence de trains excédant la capacité des voies d'évitement. Toutefois, les membres de l'équipe d'un train peuvent, dans la mesure du possible, communiquer avec les trains circulant en sens inverse pour les aviser que leur train excède la capacité d'une voie d'évitement. Dans l'événement à l'étude, cette communication n'a pas eu lieu, car le canal radio était très achalandé. 

    En l'absence d'autres restrictions liées aux trains, comme les chargements exceptionnels, les trains clés, les passages à niveau bloqués ou d'autres restrictions opérationnelles, les CCF du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) acheminent généralement vers la voie d'évitement le premier train qui arrive à l'emplacement d'un croisement.

    Il était impossible d'utiliser l'aiguillage ouest de la voie d'évitement de Beavermouth pour acheminer un train roulant vers l'est sur la voie d'évitement. Le train 113 excédait d'environ 2000 pieds la capacité de la voie d'évitement. L'équipe du train 602 ne savait pas que le train 113 excédait la capacité de la voie d'évitement. Le CP dissuade explicitement ses CCF de partager cette information, car il croit qu'en disposant d'une telle information, l'équipe d'un train pourrait mal interpréter les indications des signaux. Le CP s'attend à ce que les équipes de train suivent les indications des signaux en CCC afin de garantir la sécurité des activités en toutes circonstances.

    La justesse des modèles mentaux dépend de l'accès à des renseignements concis et précis. Les équipes utilisent l'information qu'elles ont à leur portée et formulent invariablement des suppositions pour combler les trous. En raison de la fréquence relativement faible des croisements de trains excédant la capacité des voies d'évitement, il est peu probable que les équipes s'attendent à ce que les trains qu'elles croisent s'étendent au-delà de l'aiguillage de la voie d'évitement. Comme le CP dissuadait ses CCF d'informer les équipes de train qu'elles s'apprêtaient à croiser des trains excédant la capacité des voies d'évitement, l'équipe du train manquait de renseignements importants qui auraient pu l'aider à ajuster son modèle mental du croisement. Si l'équipe d'un train n'est pas avisée d'un croisement avec un train excédant la capacité de la voie d'évitement, elle peut élaborer un modèle mental inexact du croisement, ce qui augmente les risques de collision.

    2.3 Mise en place de signaux délimitant les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43

    Au moment de la collision, on effectuait d'importants travaux de remise en état de la voie dans la subdivision de Mountain. Le train 602 avait franchi 3 zones de travaux distinctes protégées en vertu de la règle 42 et de nombreuses zones de limitation de vitesse définies en vertu de la règle 43.

    Certaines zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43 n'étaient pas protégées par des signaux. Même si le bulletin de marche tabulaire (BMT) définissait ces zones de limitation de vitesse, l'absence de signaux compliquait l'identification et le respect des limitations de vitesse par les équipes de train. Si les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43 ne sont pas identifiées à l'aide de signaux en bordure de voie, les risques que les équipes de train enfreignent ces limitations de vitesse par inadvertance et franchissent ces zones à des vitesses trop élevées augmentent.

    2.4 Moyens de défense contre les erreurs de reconnaissance des signaux

    La subdivision de Mountain compte plusieurs moyens de défense afin de prévenir ce genre d'accidents. Certains sont associés à un système de contrôle de marche des trains (p. ex., la CCC), alors que d'autres ont trait au Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et aux instructions générales d'exploitation (IGE) du chemin de fer (c.-à-d., d'ordre administratif).

    Les signaux en bordure de la voie comprennent des installations physiques de signaux proprement dites combinées à une exigence administrative de respecter les indications des signaux. Ce moyen de défense repose sur la capacité de l'équipe à observer le signal, à reconnaître son indication, puis à prendre les mesures qui s'imposent. Les règles d'exploitation et les IGE de la compagnie exigent que tous les signaux soient identifiés et annoncés à l'intérieur de la cabine de la locomotive, et que d'autres signaux (p. ex., le signal avancé du prochain emplacement contrôlé) soient annoncés sur le système de radiocommunication ferroviaire.

    En plus des installations physiques de CCC et des moyens de défense administratifs, diverses technologies peuvent assurer une protection contre les erreurs de reconnaissance des signaux. Par exemple, les systèmes de signalisation en cabine peuvent appuyer la CCC en affichant constamment les indications des signaux à l'intérieur de la cabine de la locomotive. Des systèmes de signalisation en cabine ont été mis au point aux États-Unis il y a environ 85 ans. Cette technologie a évolué depuis cette époque et peut maintenant être combinée au système de CCC.

    La technologie de commande intégrale des trains (PTC), qui est en cours d'élaboration et utilisée à une échelle restreinte en Amérique du Nord, peut constituer des moyens de défense supplémentaires dans certaines circonstances. Par exemple, si une équipe d'exploitation ne réagit pas adéquatement à un signal ou à une autre restriction, le système PTC est censé l'aviser qu'elle ne réagit pas comme prévu. Si l'équipe ne prend pas d'autres mesures, le système devrait intervenir pour ralentir le train ou l'arrêter en serrant les freins.

    Depuis 2007, le BST a mené 8 autres enquêtes sur des collisions, des déraillements et des mouvements dépassant leurs limites d'autorisation dont la mauvaise interprétation et/ou perception des indications des signaux en voie par l'équipe d'exploitation ont constitué une cause ou un facteur contributif. Après l'enquête sur l'accident survenu à AldershotNote de bas de page 28, le Bureau a émis la recommandation R13-01 qui préconisait la mise en œuvre de moyens de défense physiques à sécurité intrinsèque pour le contrôle des trains.

    Des couches supplémentaires de moyens de défense physiques sont encore nécessaires pour que l'on puisse atténuer efficacement les risques de collisions ou de déraillements graves. De plus, il n'existe toujours pas de plans à court terme pour s'assurer du respect des indications des signaux en tout temps en l'absence de mesures de sécurité supplémentaires. Si les systèmes de signalisation existants ne sont pas améliorés afin d'y ajouter des protections physiques à sécurité intrinsèque, les non-conformités aux indications des signaux continueront et les risques de collision et de déraillement persisteront.

    2.5 Enregistreurs audio-vidéo de locomotives

    Il est impossible d'examiner rigoureusement de nombreux aspects de la dynamique et des interactions entre les membres d'une équipe, car les enregistrements audio-vidéo de locomotives ne sont généralement pas disponibles. Les interactions suivantes de l'équipe qui pourraient être pertinentes lors de l'examen de la conduite d'un train en toute sécurité comprennent les questions suivantes :

    • Les signaux ont-ils tous été bien identifiés?
    • Les signaux ont-ils tous été annoncés comme il se doit?
    • A-t-on accusé réception de tous les signaux?
    • Y avait-il des distractions dans la cabine?

    Les enregistrements de bord s'avèrent utiles dans le cadre d'enquêtes sur des accidents et pourraient aussi permettre une gestion préventive de la sécurité.

    En ce qui concerne les enquêtes sur des accidents, l'information tirée des enregistreurs audio-vidéo de bord peut rapidement diriger l'attention des enquêteurs en montrant les dangers évidents ou les causes, et éliminer les facteurs non pertinents qui se révèlent comme n'étant pas en cause dans l'accident. Les bureaux d'enquête sur les accidents tirent profit d'une collecte, d'une assimilation et d'une analyse plus efficientes, plus opportunes et plus précises des informations. Elles peuvent ainsi faire connaître plus rapidement les lacunes de sécurité.

    En plus de tirer profit aux enquêteurs au point de vue de la sécurité, les enregistrements de bord pourraient permettre aux compagnies ferroviaires d'identifier de manière proactive les écarts opérationnels des procédures et de la formation. Plus précisément, les compagnies ferroviaires pourraient utiliser les enregistrements audio-vidéo de manière proactive et non punitive afin d'améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité, ce qui pourrait contribuer à la réduction des risques et à l'amélioration de la sécurité avant qu'un accident se produise. Toutefois, dans sa plus récente évaluation de la réponse à la recommandation R13-01, le Bureau a mis en garde que des couches supplémentaires de surveillance des équipes ne peuvent à elles seules satisfaire à la notion de défense en profondeur inhérente à la conception de la sécurité d'un système.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La collision s'est produite lorsque le train 602 a franchi le signal d'arrêt absolu à l'extrémité est de la voie d'évitement de Beavermouth et a heurté le côté du train 113.
    2. L'équipe du train 602 ne savait pas que le train 113 excédait la capacité de la voie d'évitement et avait probablement établi un modèle mental selon lequel la queue du train 113 ne bloquerait pas l'aiguillage est de la voie d'évitement. Par conséquent, l'équipe a exploité le train 602 en s'attendant à recevoir une indication permissive au signal 610, en dépit de l'indication précédente exigeant l'arrêt du train.
    3. L'équipe du train 602 ne s'est pas prévalue de l'occasion d'établir une compréhension commune des signaux d'approche de Beavermouth et à l'aiguillage ouest de la voie d'évitement.
    4. Dans les environs de la voie d'évitement de Beavermouth, l'équipe du train 602 s'est rendu compte qu'elle n'avait pas respecté 2 limitations de vitesse plus tôt au cours du trajet.
    5. Comme l'équipe du train 602 était préoccupée par les conséquences potentielles de ne pas avoir respecté 2 limitations de vitesse, elle était probablement distraite à l'approche de l'aiguillage est de la voie d'évitement de Beavermouth.
    6. L'obstruction visuelle causée par les wagons porte-conteneurs à double niveau du train 113 circulant sur la voie d'évitement adjacente a réduit la durée de visibilité de l'aspect du signal.
    7. Comme le Chemin de fer Canadien Pacifique dissuadait ses contrôleurs de la circulation ferroviaire d'informer les équipes de train qu'elles s'apprêtaient à croiser des trains excédant la capacité des voies d'évitement, l'équipe du train manquait de renseignements importants qui auraient pu l'aider à ajuster son modèle mental du croisement.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si l'équipe d'un train n'est pas avisée d'un croisement avec un train excédant la capacité de la voie d'évitement, elle peut élaborer un modèle mental inexact du croisement, ce qui augmente les risques de collision.
    2. Si les zones de limitation de vitesse ne sont pas identifiées à l'aide de signaux en bordure de voie, les risques que les équipes de train enfreignent ces limitations de vitesse par inadvertance et franchissent ces zones à des vitesses trop élevées augmentent.
    3. Si les systèmes de signalisation existants ne sont pas améliorés afin d'y ajouter des protections physiques à sécurité intrinsèque, les non-conformités aux indications des signaux continueront et les risques de collision et de déraillement persisteront.

    3.3 Autres faits établis

    1. Les compagnies ferroviaires pourraient utiliser les enregistrements audio-vidéo de manière proactive et non punitive afin d'améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité, ce qui pourrait contribuer à la réduction des risques et à l'amélioration de la sécurité.
    2. Dans l'événement à l'étude, l'achalandage accru d'un canal radio essentiel au bon déroulement des activités a empêché l'équipe du train 113 de partager l'information voulant que le train 113 excédait la capacité de la voie d'évitement.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    Le 9 septembre 2015, Transports Canada (TC) a émis un avis et un ordre en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur la sécurité ferroviaire au Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) sur les retards déraisonnables dans la mise en place des signaux délimitant les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) dans la subdivision de Mountain. TC a demandé au CP

    • de s'assurer que les signaux fixes indiquant les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43 sont mis en place dans les 24 heures;
    • de combiner les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43 se trouvant à 1 mille ou moins les unes des autres;
    • d'accorder la priorité à l'émission de permis d'occuper la voie principale aux employés chargés de mettre en place les signaux fixes indiquant les zones de limitation de vitesse en vertu de la règle 43.

    Le 30 septembre 2015, une lettre de non-conformité a été envoyée au CP concernant 17 cas de non-conformité à la règle 44(g) du REF sur la mise en place des signaux dans les 24 heures dans la subdivision de Mountain.

    Le CP a répondu à cette lettre en indiquant que son service d'ingénierie avait évalué les exigences sur la gestion des limitations de vitesse et la mise en place des signaux en vertu de la règle 44(g), et avait mis sur pied un processus lui permettant d'assurer la conformité éventuelle à toutes les exigences connexes du REF.

    Le 15 juin 2016, le CP a publié la Règle de la semaine 018 afin de souligner ses attentes sur la conformité aux exigences de mise en place de signaux. Plus précisément, cette Règle de la semaine renferme des exemples décrivant des situations où la mise en place des signaux délimitant les zones de limitation de vitesse peut être retardée et des situations où elle ne doit pas l'être. La règle stipule notamment ce qui suit :

    [Traduction]
    Les signaux doivent toujours être mis en place dans les 24 heures. Seules des situations exceptionnelles permettent de ne pas installer des drapeaux, p. ex., si des signaux ne sont pas physiquement disponibles.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Données du consignateur d’événements de la locomotive CP 9815 – 6 septembre 2015

    Date Heure Point milliaire Vitesse (mi/h) Pression dans la conduite générale (livres au pouce carré) Position du manipulateur Frein rhéostatique Pression au cylindre de frein (livres au pouce carré)
    2015-09-06 2 h 23 min 4,1 s 61,254 21,8 89 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 4,4 s 61,252 21,8 87 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 5,3 s 61,247 21,8 85 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 6,5 s 61,240 21,8 83 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 8,9 s
    Déclenche-ment du freinage d'urgence par le mécanicien
    61,225 21,8 66 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9 s 61,225 21,8 50 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,1 s 61,224 21,8 35 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,2 s 61,224 21,8 25 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,3 s 61,224 21,8 18 0 0 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,4 s 61,223 21,8 13 0 3 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,5 s 61,223 21,8 9 0 6 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,6 s 61,222 21,8 7 0 7,4 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,7 s 61,222 21,8 5 0 7,4 0
    2015-09-06 2 h 23 min 9,9 s 61,220 21,8 2 0 7,4 0
    2015-09-06 2 h 23 min 10,7 s 61,216 21,8 0 0 7,4 0
    2015-09-06 2 h 23 min 11,7 s 61,209 21,8 0 0 7,4 6
    2015-09-06 2 h 23 min 12,2 s 61,207 21,8 0 0 7,4 13
    2015-09-06 2 h 23 min 12,5 s 61,205 21,8 0 0 7,4 21
    2015-09-06 2 h 23 min 12,7 s 61,204 21,8 0 0 7,4 28
    2015-09-06 2 h 23 min 12,9 s 61,202 21,8 0 0 7,4 36
    2015-09-06 2 h 23 min 13,1 s 61,201 21,8 0 0 7,4 43
    2015-09-06 2 h 23 min 13,2 s 61,201 20 0 0 7,4 43
    2015-09-06 2 h 23 min 13,3 s 61,200 20 0 0 7,4 49
    2015-09-06 2 h 23 min 13,5 s 61,199 20 0 0 7,4 54
    2015-09-06 2 h 23 min 13,6 s 61,199 20 0 0 7,4 54
    2015-09-06 2 h 23 min 13,8 s 61,198 20 0 0 7,4 60
    2015-09-06 2 h 23 min 14 s 61,196 20 0 0 7,4 60
    2015-09-06 2 h 23 min 14,2 s 61,195 17,6 0 0 7,4 66
    2015-09-06 2 h 23 min 14,5 s 61,194 17,6 0 0 7,4 66
    2015-09-06 2 h 23 min 14,6 s 61,193 17,6 0 0 7,4 66
    2015-09-06 2 h 23 min 14,7 s 61,193 17,6 0 0 7,4 71
    2015-09-06 2 h 23 min 15,2 s 61,190 15,9 0 0 7,4 71
    2015-09-06 2 h 23 min 16,8 s 61,183 15,9 0 0 7,4 64
    2015-09-06 2 h 23 min 17 s 61,182 15,9 0 0 7,4 58
    2015-09-06 2 h 23 min 17,8 s 61,179 15,9 0 0 7,4 58
    2015-09-06 2 h 23 min 17,9 s 61,179 15,9 0 0 7,4 53
    2015-09-06 2 h 23 min 18,2 s 61,177 12 0 0 7,4 53
    2015-09-06 2 h 23 min 18,6 s 61,176 12 0 0 7,4 61
    2015-09-06 2 h 23 min 18,7 s 61,176 12 0 0 7,4 54
    2015-09-06 2 h 23 min 18,8 s 61,176 12 0 0 7,4 61
    2015-09-06 2 h 23 min 18,9 s 61,176 12 0 0 7,4 51
    2015-09-06 2 h 23 min 19,2 s 61,175 8,9 0 0 7,4 51
    2015-09-06 2 h 23 min 19,4 s 61,174 8,9 0 0 7,4 56
    2015-09-06 2 h 23 min 19,5 s 61,174 8,9 0 0 7,4 62
    2015-09-06 2 h 23 min 19,6 s 61,174 8,9 0 0 7,4 50
    2015-09-06 2 h 23 min 20,2 s 61,172 3,4 0 0 7,4 50
    2015-09-06 2 h 23 min 20,6 s 61,172 3,4 0 0 7,4 43
    2015-09-06 2 h 23 min 20,9 s 61,171 3,4 0 0 7,4 49
    2015-09-06 2 h 23 min 22 s 61,170 3,4 0 0 7,4 54
    2015-09-06 2 h 23 min 23,2 s 61,169 0 0 0 7,4 61