Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R23Q0022

Mouvement dépassant les limites d’autorisation
Chemin de fer QNS&L
Train de minerai W039
Point milliaire 128,3, subdivision de Wacouna
Mai (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 22 février 2023, vers 21 h 33, heure normale de l’Est, le train de minerai vide W039 de Tacora Resources Inc., exploité par le Chemin de fer QNS&L, circulait en direction nord sur la subdivision de Wacouna du Chemin de fer QNS&L lorsqu’il a franchi sans autorisation un signal d’arrêt absolu à la gare de Mai (Québec) au point milliaire 128,3. Il n’y a pas eu de collision ni de déraillement et personne n’a été blessé.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L’événement

    Le 22 février 2023, le train de minerai W039 de Tacora Resources Inc., exploité par le Chemin de fer QNS&L (QNS&L), a quitté Sept-Îles (Québec) vers 16 h 07 en direction nord. Le train était composé de 2 locomotives et de 127 wagons de minerai vides. Il était exploité par un seul mécanicien de locomotive (ML)Note de bas de page 1. Un changement d’équipe était prévu à la gare de Mai (Québec) située au point milliaire 128,3, soit environ à mi-chemin entre Sept-Îles et Wabush Lake (Terre-Neuve-et-Labrador) (figure 1).

    Figure 1. Carte montrant le lieu de l’événement, la voie du Chemin de fer QNS&L (ligne solide) et la voie de Transport ferroviaire Tshiuetin (ligne pointillée) (Source : d-maps.com, avec annotations du BST)
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    Carte montrant le lieu de l’événement, la voie du Chemin de fer QNS&L (ligne solide) et la voie de Transport ferroviaire Tshiuetin (ligne pointillée) (Source : d-maps.com, avec annotations du BST)

    À l’approche de l’emplacement contrôléNote de bas de page 2 sud-est Mai, alors que le train roulait à environ 37 mi/h, le ML a transmis sur la radio ferroviaire l’indication de vitesse normale à arrêtNote de bas de page 3 du signal 1257. Après avoir franchi ce signal, le ML a fermé le manipulateur de traction et activé le freinage rhéostatique, entraînant la diminution de la vitesse du train à environ 12 mi/h. Le ML a alors momentanément réduit le freinage rhéostatique au minimum. Le signal suivant—signal 1283 qui présentait une indication d’arrêt absoluNote de bas de page 4—est alors entré dans le champ de vision du ML. Au moment où le ML a réalisé que ce signal présentait une indication d’arrêt absolu, le train roulait à 9 mi/h. À environ 50 pieds de ce signal, le ML a rapidement augmenté l’intensité du freinage rhéostatique au maximum et serré les freins d’urgence. La locomotive de tête a franchi le signal et s’est immobilisée 73 pieds plus loin, causant une interruption du circuit de voie dans le canton et entraînant l’annulation de l’itinéraire d’un train de travaux (WK315) qui circulait en direction sud. Ce train se trouvait à environ 4 milles de la gare de Mai. Il n’y a pas eu de collision ni de déraillement et personne n’a été blessé.

    Au moment de l’événement, le ciel était nuageux, la visibilité était bonne et la température était d’environ −27 °C.

    1.2 Renseignements sur le mécanicien de locomotive

    Le ML du train W039 était à l’emploi du QNS&L depuis le 12 octobre 2021. Il avait obtenu sa qualification de ML le 8 septembre 2022.

    Il a été appelé pour son affectation à 15 h 30 le 22 février 2023 après un repos de 75 heures à son terminal d’attache de Sept-Îles. Il se conformait aux normes de condition physique et de repos et répondait aux exigences de son poste. Il était familier avec le territoire et la disposition des signaux à Mai.

    Lorsque le signal 1283 était permissif et que le canton qu’il contrôlait était libre, le ML avait pris l’habitude d’immobiliser la locomotive de tête de son train juste après ce signal, devant le bâtiment du campement (figure 2) de la gare de Mai, puisqu’il était ainsi plus facile d’effectuer le changement d’équipe.

    1.3 Renseignements sur le contrôleur de la circulation ferroviaire

    Le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en devoir au moment de l’événement était à l’emploi du QNS&L depuis le mois de juillet 2022. Il avait obtenu sa qualification en février 2023 et en était à son 6e quart de travail depuis sa qualification.

    1.4 Train de minerai W039

    Le train W039 de Tacora Resources Inc., un train-blocNote de bas de page 5, comprenait 126 wagons-trémies cylindriques de type tri-pak destinés au transport de mineraiNote de bas de page 6 et un wagon-trémie autonome placé à la queue du train (position 127)Note de bas de page 7. Il pesait 3729 tonnesNote de bas de page 8 et mesurait 5600 pieds. Deux locomotives équipées de moteurs de traction à courant alternatif étaient attelées à l’avant du train, qui était exploité en mode conventionnelNote de bas de page 9. Les trains de Tacora Resources Inc. sont interchangés entre le QNS&L et la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire au triage Arnaud à Sept-Îles. Avant de partir de Sept-Îles, les wagonniers de QNS&L avaient effectué un essai de freins à air no 1 et aucune défectuosité n’avait été relevée.

    1.5 Renseignements sur la subdivision

    La subdivision de Wacouna est constituée d’une voie principale simple qui relie Sept-Îles (point milliaire 8,9) à Emeril Junction (Terre-Neuve-et-Labrador) (point milliaire 225,30). Le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), sous la supervision de 2 CCF postés à Sept-Îles qui se partagent le territoire.

    Il s’agit d’une voie de catégorie 3, au sens du Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada. La vitesse maximale permise pour les trains de marchandises est de 40 mi/hNote de bas de page 10. Le trafic ferroviaire dans cette subdivision est constitué de 9 trains par jour (minerai, marchandises et voyageurs), pour un tonnage annuel de près de 28 millions de tonnes brutes.

    Le point de relève des équipes de train se trouve au campement de Mai, situé au point milliaire 128.

    1.5.1 Configuration des voies à Mai

    La gare de Mai s’étend sur une longueur d’environ 4,5 milles. Elle est composée d’une voie principale simple et de 2 voies d’évitement, disposées de part et d’autre de la voie principale et munies chacune d’un embranchement (figure 2).

    Figure 2. Configuration des voies à Mai (Source : BST)
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    Configuration des voies à Mai (Source : BST)

    1.6 Renseignements consignés

    Le BST a recueilli et examiné les données des consignateurs d’événements des locomotives en cause, les enregistrements des canaux de la radio ferroviaire ainsi que les indications de l’écran de contrôle du CCF.

    L’examen des données recueillies a permis d’établir les faits suivants :

    • À l’approche de Mai, le ML a reçu des alarmes provenant de l’appareil de détection de proximitéNote de bas de page 11. Les alarmes signalaient la présence d’un train de travaux (WK315) qui se dirigeait en direction sud vers Mai ainsi que d’un autre train de minerai (PH167) stationné dans la voie d’évitement ouest.
    • À l’approche de l’emplacement contrôlé sud-est Mai (signal 1257), le ML a transmis sur la radio ferroviaire l’indication de vitesse normale à arrêt de ce signal.
    • Le ML a ajusté la vitesse de son train dans le but de l’immobiliser devant le campement situé au-delà du signal 1283, comme il le faisait habituellement.
    • En réalisant que le signal 1283 présentait une indication d’arrêt absolu, le ML a déplacé le levier du freinage rhéostatique à la position maximale et, quelques secondes plus tard, a serré les freins d’urgence.
    • La locomotive de tête s’est immobilisée environ 73 pieds après avoir franchi le signal d’arrêt absolu.
    • Le train circulait à environ 9 mi/h avant de franchir le signal 1283.

    Lorsque le train s’est immobilisé au-delà du signal 1283, le circuit de voie dans le canton contrôléNote de bas de page 12 suivant a été interrompu, entraînant l’annulation des signaux 1304 et 1286 régissant l’itinéraire du train de travaux WK315 (figure 3).

    Figure 3. Vue du circuit de commande centralisée de la circulation montrant l’emplacement et l’itinéraire des 3 trains aux gares de Mai et d’Éric au moment de l’événement (Source : BST)
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    Vue du circuit de commande centralisée de la circulation montrant l’emplacement et l’itinéraire des 3 trains aux gares de Mai et d’Éric au moment de l’événement (Source : BST)

    1.6.1 Enregistreur audio-vidéo de locomotive

    Après évaluation de l’événement par le BST Note de bas de page 13, soit environ 15 heures après qu’il s’est produit, le BST a transmis une demande au QNS&L afin que les données pertinentes à l’événement de l’enregistreur audio-vidéo de locomotive (EAVL) soient préservées dans le but de les recueillir ultérieurement.

    Sur réception de cette requête, le QNS&L a déclenché son processus interne afin de préserver les données des 48 heures Note de bas de page 14 les plus récentes emmagasinées sur les modules de mémoire du système EAVL de la locomotive de tête en cause dans l’événement, conformément à la réglementation en vigueur.

    Lors des suivis effectués par le BST dans les heures et jours suivant la requête, le QNS&L a indiqué qu’il éprouvait des difficultés techniques à accéder au système EAVL. Lorsque le QNS&L a pu finalement accéder au système EAVL de la locomotive en cause dans l’événement, les données couvrant la période pertinente avaient déjà été supprimées de façon permanente et automatique des modules de mémoire.

    1.7 Transmission de l’indication des signaux sur la radio ferroviaire

    La règle 578 du REFNote de bas de page 15 requiert des membres d’une équipe de train qu’ils transmettent, sur le canal d’attente de la radio ferroviaire, l’indication donnée par les signaux avancés de chaque emplacement contrôlé. Au QNS&L, pour les trains exploités par un seul employé, cette règle est assortie d’une instruction spéciale exigeant de transmettre aussi l’indication de tous les signaux réglant la marche du train.

    La règle 578 stipule notamment ce qui suit :

    (a) En voie simple, un membre de l’équipe de chaque train et transfert doit transmettre un message radio sur les ondes du canal d’attente désigné précisant l’indication donnée par le signal avancé du prochain emplacement contrôlé, point contrôlé ou enclenchement. [...]Note de bas de page 16

    Au QNS&L, l’instruction spéciale relative à la règle 578Note de bas de page 17 requiert certaines procédures additionnelles concernant la transmission des messages radios en cours de route. Ces instructions précisent notamment ce qui suit :

    • Un membre de l’équipe doit, lors de la transmission du message radio, identifier le nom de la compagnie, le numéro de la locomotive et la direction du mouvement en plus de l’indication des signaux.
    • Le message radio doit être transmis à chaque emplacement contrôlé, sans exception.
    • Lors de l’exploitation de mouvements par un seul employé, le message radio doit aussi être transmis pour les signaux intermédiaires.
    • Sur les trains équipés d’un appareil de détection de proximité, le ML devra aussi entrer en liaison phonique avec les autres trains, transferts et véhicules d’entretien aux environs, sur le canal d’attente désigné, sur réception de la première alarme.

    À l’approche de Mai, le ML a transmis sur la radio ferroviaire l’indication présentée par le signal sud-est Mai (signal 1257)Note de bas de page 18, mais n’a pas transmis de message radio relatif à l’indication d’arrêt absolu au signal sud-ouest Mai (signal 1283).

    1.8 Règles relatives à l’occupation de la voie principale

    Selon la règle 80 du REF, lorsqu’un mouvement franchit sans autorisation un signal d’arrêt absolu, le mouvement doit s’arrêter et le CCF doit être prévenu dans les plus brefs délais. De plus, plusieurs mesures relatives aux règles d’occupation de la voie principale doivent être prises, notamment (annexe A) :

    • Un signaleur doit se positionner afin d’avertir et d’arrêter les autres mouvements, et ce jusqu’à dispense de cette obligation (règle 35);
    • Un appel d’urgence doit être effectué par tout employé découvrant la situation dangereuse (règle 125).

    Le CCF transmettra alors ses instructions au besoin. Ces instructions incluent la transmission de l’autorisation requise pour autoriser le mouvement dans le canton contrôlé (règle 564). Le CCF pourrait aussi émettre d’autres instructions permettant au train d’avancer ou de faire marche arrière.

    1.9 Actions prises après l’événement

    1.9.1 Actions prises par le mécanicien de locomotive

    Lorsque le train s’est immobilisé après avoir franchi le signal d’arrêt absolu (signal 1283), le ML a communiqué avec le CCF par radio et l’a informé de la situation. Aucun appel d’urgence n’a été placé sur la radio ferroviaire et aucune protection n’a été immédiatement mise en place sur la voie principale.

    1.9.2 Actions prises par le contrôleur de la circulation ferroviaire

    Après avoir reçu l’appel du ML l’informant que le train venait de franchir le signal d’arrêt absolu (signal 1283), le CCF n’a pas, dans les plus brefs délais, émis d’autorisation permettant au train de franchir ce signal, tel que prévu par la règle 564Note de bas de page 19. De plus, il n’a pas informé l’équipe du train de travaux WK315Note de bas de page 20 de la situation.

    1.10 Reconstitution de l’événement par les enquêteurs du BST

    Dans la soirée du 14 mars 2023, des enquêteurs du BST et une équipe du QNS&L ont effectué une reconstitution ainsi qu’un essai de visibilité avec un train identique à celui en cause dans l’événement. Cette démarche avait pour but d’établir la distance de visibilité des signaux depuis la cabine d’une locomotive en mouvement et de confirmer la méthode de conduite du train. L’itinéraire du train avait été programmé de façon que les signaux présentent les mêmes indications que celles présentées au train en cause dans l’événement. Au moment de cet essai, la voie ferrée était dégagée, la neige couvrait le sol adjacent à la voie, le ciel était nuageux et la visibilité était bonne. Les observations suivantes ont été retenues :

    • Le signal 1257 au sud-est de Mai, qui donnait une indication de vitesse normale à arrêt, était visible à une distance d’environ 1 mille, à la sortie d’une courbe à gauche de 1 degré au point milliaire 124,73.
    • Le signal 1283 au sud-ouest de Mai était visible à une distance d’environ 0,75 mille, à la sortie d’une courbe à gauche de 1 degré au point milliaire 127,63.
    • La voie ferrée présente une déclivité légère de 0,34 % en direction nord avant le signal 1283; à la vitesse de 9 mi/h, il était possible d’effectuer un arrêt contrôlé du train avant ce signal en ayant recours exclusivement au freinage rhéostatique.

    1.11 Utilisation du freinage

    1.11.1 Utilisation du freinage rhéostatique

    L’utilisation du freinage rhéostatique génère des forces de compression dans les attelages du train. L’intensité du freinage rhéostatique doit être modulée de façon adéquate pour permettre au jeu des attelages du train de s’ajuster graduellement afin que les forces le long du train soient réparties de façon progressive.

    En particulier, si les forces de compression dans les attelages ne sont pas réparties de façon progressive, il pourrait y avoir un déraillement à la suite d’une mise en portefeuille des wagons du train.

    1.11.2 Instructions du Chemin de fer QNS&L encadrant l’utilisation du freinage rhéostatique

    Le 6 décembre 2022, le QNS&L a émis une circulaireNote de bas de page 21 à l’intention de ses équipes de train afin d’encadrer l’utilisation du freinage rhéostatique, notamment sur les trains dont le groupe de traction est composé de locomotives à courant alternatifNote de bas de page 22, comme celui en cause dans l’événement à l’étude.

    Afin d’éviter de provoquer un déraillement à la suite d’une mise en portefeuille des wagons, cette circulaire souligne l’importance de moduler adéquatement l’intensité du freinage rhéostatique afin de limiter les forces de compression excessives générées dans les attelages du train.

    Dans l’événement à l’étude, l’utilisation du freinage rhéostatique par le ML ne se conformait pas aux instructions de la circulaire; le ML a déplacé le levier du freinage rhéostatique de la position 2 à la position maximale (position 8) en l’espace d’une seconde.

    1.11.3 Utilisation du freinage d’urgence

    Le serrage des freins d’urgence entraîne le serrage maximal des freins à air d’un train, lorsque la pression d’air dans la conduite générale est rapidement réduite à 0. Lors d’un freinage d’urgence, les forces de compression générées dans le train sont beaucoup plus élevées que pendant un freinage gradué normal, ce qui peut augmenter les risques de mise en portefeuille et de déraillement, notamment dans les courbes et les pentes.

    1.12 Forces exercées le long du train et distance de freinage

    À l’aide du logiciel Train Energy and Dynamics Simulator (TEDS), le laboratoire du BST a effectué des simulations et des analyses de la dynamique du train afin de déterminer les forces exercées le long du train provoquées par l’utilisation combinée du freinage rhéostatique maximal et du freinage d’urgence.

    Ces forces incluent notamment les forces de compression et l’effet de ces forces sur le rapport entre la force latérale et la force verticale (rapport L/V)Note de bas de page 23, qui représente une indication de la probabilité de déraillement d’une roue.

    Selon les simulations et analyses de la dynamique du train :

    • L’utilisation improvisée du freinage rhéostatique, combinée au freinage d’urgence, a provoqué des forces de compression le long du train de l’ordre de 200 à 220 kips entre le 50e et le 80e wagon.
    • Les forces de compression de 200 à 220 kips augmentent les probabilités de mise en portefeuille, notamment lorsque les wagons sont vides et équipés d’attelage de type FNote de bas de page 24.
    • La présence de barres de traction permanentes entre les compartiments des wagons tri-pak a contribué à limiter les forces latérales.
    • L’utilisation exclusive du frein d’urgence n’aurait pas changé significativement la distance d’arrêt et les forces de compression exercées le long du train.

    1.13 Expérience des employés d’exploitation ferroviaire

    Dans les situations souvent répétées, l’attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l’on se fait de la situation, puisque l’expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment la situation se dérouleraNote de bas de page 25. L’évaluation inexacte d’une situation peut entraîner des erreurs quant à la manière dont les renseignements sont perçus, ce qui réduit la probabilité qu’une personne réexamine son évaluation initiale et la mette à jour avec de nouveaux renseignements, tout en rejetant ou en ne détectant pas les renseignements contraires à ce qui est attenduNote de bas de page 26.

    Dans l’événement à l’étude, le ML et le CCF en devoir avaient tous les deux une expérience de travail limitée. Ils n’avaient pas eu l’occasion de mettre en pratique les procédures et règles à appliquer dans certaines situations d’urgence.

    1.14 Supervision des employés d’exploitation ferroviaire

    La supervision des ML au QNS&L est effectuée principalement par les superviseurs Transport et Trafic de la compagnie. Ces derniers effectuent des audits aléatoires lors des parcours de train afin d’évaluer la performance des ML, incluant l’observation des règles et des instructions en vigueur. De plus, les méthodes de conduite des ML sont évaluées tous les 2 mois en examinant les données provenant des consignateurs d’événements des locomotives. Tous les 8 mois, un superviseur accompagne chaque ML lors d’un parcours sur le circuit de train entre Sept-Îles et Labrador City (Terre-Neuve-et-Labrador) afin d’évaluer leurs aptitudes et de leur donner de la rétroaction en temps réel.

    La supervision des CCF au QNS&L est effectuée par un chef contrôleur de la circulation ferroviaire (CCCF). Le CCCF vérifie et surveille la performance des CCF et leur porte assistance au besoin lors de situations exceptionnelles. Le CCCF n’est pas toujours sur place, mais peut être appelé au besoin. Le soir de l’événement, il n’y avait pas de CCCF sur place pour fournir une supervision directe. Tout de suite après avoir été informé de l’événement, le CCF est entré en contact avec le CCCF par téléphone pour l’aviser de la situation.

    Au cours des 3 dernières années, le QNS&L a procédé à l’embauche d’un nombre considérable de nouveaux employés. L’approche de supervision est demeurée la même pour tous les employés d’exploitation ferroviaire, qu’ils soient nouvellement qualifiés ou non.

    1.15 Autres événements similaires au Chemin de fer QNS&L

    Au cours des 10 dernières années, il s’est produit 12 événements, dont celui à l’étude, au cours desquels des trains du QNS&L ont franchi des signaux d’arrêt absolu. La performance humaine a été considérée comme étant un facteur dans tous ces événements. Des ML qualifiés depuis 1 an ou moins comptaient parmi les équipes de train de 4 de ces événements tandis que des ML qui avaient obtenu leur qualification depuis moins de 4 ans mais plus d’un an faisaient partie des équipes de 4 autres événements.

    Un de ces événements est survenu le 20 juillet 2023 à Sept-Îles Jonction (R23Q0060), lors de l’enquête sur l’événement à l’étude.

    On dénombre aussi au moins 2 événements au cours desquels des ML ont eu recours au freinage d’urgence pour immobiliser leur train avant un signal d’arrêt absolu ou devant du matériel roulant à l’arrêt en voie principale.

    Le 9 novembre 2022, le BST a émis l’avis de sécurité du transport ferroviaire 04/22 qui portait sur 2 événements au cours desquels des déraillements sont survenus lorsque des ML ont utilisé le freinage rhéostatique maximal dans un court délai. Le BST demandait à Transports Canada de considérer l’examen des procédures et des lignes directrices du QNS&L relatives à l’utilisation du freinage rhéostatique, particulièrement lors de la conduite des trains composés de locomotives équipées de moteurs de traction à courant alternatif.

    Le 6 décembre 2022, en réaction à l’avis de sécurité du transport ferroviaire 04/22 et aux inspections de Transports Canada, le QNS&L a émis 2 circulaires s’adressant aux équipes de train afin d’expliquer aux ML les différences entre l’intensité du freinage rhéostatique des groupes de traction à courant alternatif et ceux à courant direct ainsi que les risques liés aux forces générées par le freinage rhéostatique. Les circulaires contiennent aussi les procédures encadrant l’utilisation du freinage rhéostatique.

    1.16 Modèle mental et adaptation

    Un modèle mental est une structure interne organisée qui permet à une personne de prédire, décrire et expliquer les événements dans leur environnement et construire des attentes de ce qui surviendra dans le futur. Note de bas de page 27 Quand un modèle mental est adopté, il est résistant au changement. Des informations nouvelles, saillantes et convaincantes doivent être perçues et assimilées afin de modifier un modèle mental. Un modèle mental peut être affecté par des intrusions d’habitude. Le système cognitif humain garde en mémoire des schémas de réponses et les réapplique quand les conditions familières de rappel se présentent. Note de bas de page 28 L’intrusion d’habitude a comme conséquence qu’une séquence d’actions habituelle est exécutée au lieu de celle souhaitée.

    Dans l’événement à l’étude, le ML avait pour habitude d’effectuer l’arrêt du train de manière à positionner la locomotive de tête devant le campement de la gare de Mai, situé après le signal 1283, afin de faciliter la prise en charge du train par un ML de relève.

    Les adaptations sont des dérogations intentionnelles aux règles ou aux procédures. Les adaptations routinières sont des écarts répétés. Elles peuvent avoir vu le jour parce que la procédure est jugée inutile, redondante ou simplement parce qu’elle n’est pas appliquée. Lorsque des adaptations sont effectuées sans conséquences négatives, elles peuvent persister et devenir pratique courante. Cette façon de travailler devient normalisée et peut éroder les marges de sécurité que les règles et les procédures étaient censées fournir. La surveillance organisationnelle de conformité aux procédures peut permettre d’identifier certaines adaptations, comme celles à l’égard de l’appel des signaux sur la radio. Cette surveillance consiste en des écoutes aléatoires des communications radios, de l’accompagnement des équipes de train durant les conduites, de l’entraînement et des certifications périodiques.

    Le ML, qui était nouvellement qualifié, avait pris l’habitude de ne pas toujours transmettre de message radio relatif à l’indication des signaux d’arrêt absolu sur le canal d’attente de la radio ferroviaire. Le ML percevait qu’en s’arrêtant avant le signal d’arrêt absolu, il se conformait aux règles en vigueur.

    1.17 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    Le respect des indications des signaux ferroviaires figure sur la Liste de surveillance 2022. Comme l’événement à l’étude l’a démontré, les signaux ferroviaires ne sont pas reconnus et respectés de façon uniforme, ce qui crée un risque de collisions ou de déraillements graves.

    MESURES À PRENDRE

    L’enjeu du respect des indications des signaux ferroviaires demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que Transports Canada exige des compagnies de chemin de fer qu’elles mettent en place des moyens de défense physiques supplémentaires pour veiller à ce que les signaux ferroviaires gouvernant la vitesse et les limites de fonctionnement des trains soient reconnus et respectés de façon uniforme.

    1.18 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP049/2023 – Train dynamics analysis [Analyse de la dynamique du train]

    2.0 Analyse

    Le système de freinage pneumatique du train était en bon état. Avant son départ de Sept-Îles (Québec), le train avait été inspecté et aucune défectuosité liée au système de freinage n’avait été décelée. Le mécanicien de locomotive (ML) satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique et répondait aux exigences de son poste. Par conséquent, l’analyse portera sur la conduite du train à l’approche de Mai, les forces exercées le long du train, les actions prises après l’événement, la supervision des ML nouvellement formés et le modèle mental et l’adaptation de la part du ML dans l’événement à l’étude.

    2.1 L’événement

    Le 22 février 2023, le train de minerai W039 de Tacora Resources Inc., exploité par le Chemin de fer QNS&L (QNS&L), roulait en direction nord sur la subdivision de Wacouna avec un seul ML aux commandes. Un changement d’équipe était prévu à la gare de Mai (Québec), située au point milliaire 128,3. À l’approche de la gare, environ 50 pieds avant le signal 1283, alors que le train roulait à 9 mi/h, le ML a réalisé que le signal présentait une indication d’arrêt absolu et qu’il n’arriverait pas à s’arrêter avant ce signal. La réaction immédiate du ML a été d’augmenter l’intensité du freinage rhéostatique au maximum et de serrer les freins d’urgence. La locomotive de tête s’est immobilisée 73 pieds au-delà du signal 1283.

    Afin de permettre un arrêt contrôlé du train avant le signal 1283, l’effort de freinage rhéostatique aurait dû être augmenté de façon graduelle beaucoup plus tôt.

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    Le train de minerai W039, exploité par le QNS&L, qui roulait en direction nord sur la subdivision de Wacouna, a franchi le signal 1283 qui présentait une indication d’arrêt absolu.

    La locomotive de tête s’est immobilisée 73 pieds au-delà du signal 1283, après que le ML eut placé le freinage rhéostatique au maximum et serré les freins d’urgence.

    L’indication d’arrêt absolu présentée par le signal 1283 était visible à partir d’environ 0,75 mille du signal. Toutefois, le ML n’a pas effectué les manœuvres de freinage requises pour permettre l’arrêt du train avant ce signal.

    2.2 Forces exercées le long du train

    Dans l’événement à l’étude, lorsque le ML a réalisé que le signal 1283 présentait une indication d’arrêt absolu, il a rapidement augmenté l’intensité du freinage rhéostatique au maximum et serré les freins d’urgence pour tenter d’éviter de franchir ce signal.

    L’effet combiné du freinage rhéostatique maximal et du freinage d’urgence a engendré des forces de compression le long du train de l’ordre de 200 à 220 kips entre le 50e et le 80e wagon. Ces forces peuvent se traduire par une augmentation du rapport entre la force latérale et la force verticale (rapport L/V), principalement lorsque les wagons sont vides et équipés d’attelage de type F, comme dans le train de minerai W039.

    Lorsque les forces latérales sont élevées (par exemple, dans les courbes prononcées) et que les forces verticales sont faibles (par exemple, lorsque les wagons sont vides), les boudins de roue ont tendance à être poussés vers le haut et par-dessus le côté intérieur du rail, ce qui entraîne un déraillement par chevauchement du rail. À l’inverse, lorsque les forces verticales sont modérées ou élevées, le soulèvement de roue est moins probable. Toutefois, une force latérale élevée et constante peut incliner le rail vers l’extérieur et provoquer le renversement du rail, causant un déraillement.

    Dans l’événement à l’étude, malgré l’intensité des forces de compression générées par l’effort de freinage combiné, il n’y a pas eu de déraillement étant donné que le train circulait sur une section de voie droite à faible déclivité. De plus, la présence de barres de traction permanentes entre les compartiments des wagons tri-pak a permis de répartir les forces de compression, limitant ainsi les forces latérales.

    Fait établi : Autre

    L’utilisation improvisée du freinage rhéostatique, combinée au freinage d’urgence, a entraîné des forces de compression élevées sur les attelages du train.

    2.3 Actions prises après l’événement

    Une fois le train immobilisé au-delà du signal d’arrêt absolu (signal 1283), le ML a informé le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) de la situation, mais n’a pas placé d’appel d’urgence par radio ni mis en place de protection du train sur la voie principale, tel que requis par la règle 80 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF). Pour sa part, le CCF n’a pas, dans les plus brefs délais, émis d’autorisation permettant au train de franchir le signal 1283 et d’occuper le canton contrôlé par ce signal.

    Le ML possédait une expérience de travail limitée; il avait obtenu sa qualification en avril 2022, soit moins d’un an avant l’événement.

    Le CCF avait obtenu sa qualification en février 2023, soit 2 semaines avant l’événement, et en était à son 6e quart de travail depuis sa qualification.

    Fait établi : Autre

    En raison de l’expérience de travail limitée du ML et du CCF, les mesures requises afin d’assurer la protection sur la voie principale n’ont pas été déployées en temps opportun.

    2.4 Supervision des mécaniciens de locomotive nouvellement formés

    Au QNS&L, les superviseurs Transport et Trafic de la compagnie effectuent des audits aléatoires lors des parcours de train afin d’évaluer la performance des ML. Ces évaluations incluent l’observation des règles et des instructions en vigueur, ainsi que les méthodes de conduite des ML.

    Les nouveaux employés qui ont terminé le programme de formation de ML du QNS&L ne font pas l’objet d’une supervision systématique distincte et continue à la suite de leur qualification. Le programme de supervision et d’évaluation de la performance des ML du QNS&L s’applique uniformément à tous les ML, qu’ils soient nouvellement qualifiés ou non.

    Comme les nouveaux employés possèdent moins d’expérience pratique dans l’application des règles et des procédures nouvellement apprises, une supervision plus étroite pendant une certaine période suivant leur qualification permettrait de corriger les lacunes ou déviations observées.

    Dans l’événement à l’étude, bien que le ML ait terminé sa formation et obtenu sa qualification, son niveau d’expérience était limité. Il était à l’emploi du QNS&L depuis le 12 octobre 2021 et avait obtenu sa qualification de ML le 8 septembre 2022.

    Fait établi quant aux risques

    Si les employés nouvellement formés ne font pas l’objet d’une supervision adéquate, les éventuelles déviations aux procédures opérationnelles pourraient ne pas être corrigées en temps opportun, augmentant le risque d’accident.

    2.5 Modèle mental et adaptation

    Dans l’événement à l’étude, à l’approche de la gare de Mai, le ML a ajusté la vitesse de son train de manière à pouvoir immobiliser la locomotive de tête devant le campement de la gare, qui est situé après le signal 1283. Il avait l’habitude de franchir un signal permissif à cet endroit. Cela suggère que le ML a vraisemblablement développé un modèle mental généré par une intrusion d’habitude.

    Bien que le signal 1283 ait été dans le champ de vision du ML sur une distance d’environ 0,75 mille, ce n’est qu’à environ 50 pieds de ce signal que le ML a réalisé qu’il présentait une indication d’arrêt absolu. Il a ainsi corrigé son modèle mental et a immédiatement réagi en augmentant l’intensité du freinage rhéostatique au maximum et en serrant les freins d’urgence. Toutefois, ces actions ont été initiées alors qu’il n’était plus possible d’arrêter le train avant le signal.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le modèle mental du ML était vraisemblablement affecté par une intrusion d’habitude selon laquelle il immobilisait habituellement la locomotive de tête de son train devant le campement situé après le signal 1283.

    Dans l’événement à l’étude, le ML a appelé l’indication du signal 1257 (vitesse normale à arrêt) sur la radio tel que prescrit par le REF. À l’approche du signal 1283, le ML n’a pas appelé l’indication d’arrêt absolu sur la radio. Le ML a manqué l’occasion de se rappeler qu’il devait être prêt à arrêter le train à ce signal étant donné que le signal précédent (signal 1257) présentait une indication de vitesse normale à arrêt.

    Par ailleurs, le ML avait pris l’habitude de ne pas toujours transmettre l’indication des signaux d’arrêt absolu sur le canal d’attente de la radio ferroviaire, tel qu’exigé par les règles en vigueur. Pour le ML, le fait d’arrêter le train avant les signaux d’arrêt absolu ne nécessitait pas de transmettre l’indication des signaux d’arrêt absolu par radio. Cette adaptation de la part du ML a eu pour conséquence de diminuer sa vigilance, atténuant les mesures de sécurité prévues par ces règles.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La vigilance du ML était affectée par une adaptation en raison de l’habitude qu’il avait prise d’omettre la transmission par radio de l’indication des signaux d’arrêt absolu.

    2.6 Enregistreur audio-vidéo de locomotive

    Les données consignées par les enregistreurs audio-vidéo de locomotive (EAVL) permettent aux enquêteurs du BST de pouvoir déterminer, de façon objective et fiable, l’éventuel rôle des facteurs humains dans un événement ferroviaire.

    Après évaluation de l’événement, le BST a transmis une demande au QNS&L afin que les données EAVL pertinentes à l’événement soient préservées dans le but de les recueillir ultérieurement.

    Des difficultés techniques éprouvées par le QNS&L ont entraîné des délais imprévus lors du traitement de cette requête. Par conséquent, les données EAVL couvrant la période de l’événement avaient été supprimées en raison de l’expiration de la période de garde de 48 heures des données dans le système.

    Fait établi : Autre

    L’absence de données provenant du système EAVL n’a pas permis au BST de confirmer toutes les activités qui sont survenues à bord de la locomotive dans les minutes précédant l’événement.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Le train de minerai W039, exploité par le Chemin de fer QNS&L, qui roulait en direction nord sur la subdivision de Wacouna, a franchi le signal 1283 qui présentait une indication d’arrêt absolu.
    2. La locomotive de tête s’est immobilisée 73 pieds au-delà du signal 1283, après que le mécanicien de locomotive eut placé le freinage rhéostatique au maximum et serré les freins d’urgence.
    3. L’indication d’arrêt absolu présentée par le signal 1283 était visible à partir d’environ 0,75 mille du signal. Toutefois, le mécanicien de locomotive n’a pas effectué les manœuvres de freinage requises pour permettre l’arrêt du train avant ce signal.
    4. Le modèle mental du mécanicien de locomotive était vraisemblablement affecté par une intrusion d’habitude selon laquelle il immobilisait habituellement la locomotive de tête de son train devant le campement situé après le signal 1283.
    5. La vigilance du mécanicien de locomotive était affectée par une adaptation en raison de l’habitude qu’il avait prise d’omettre la transmission par radio de l’indication des signaux d’arrêt absolu.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements. 

    1. Si les employés nouvellement formés ne font pas l’objet d’une supervision adéquate, les éventuelles déviations aux procédures opérationnelles pourraient ne pas être corrigées en temps opportun, augmentant le risque d’accident.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. L’utilisation improvisée du freinage rhéostatique, combinée au freinage d’urgence, a entraîné des forces de compression élevées sur les attelages du train.
    2. En raison de l’expérience de travail limitée du mécanicien de locomotive et du contrôleur de la circulation ferroviaire, les mesures requises afin d’assurer la protection sur la voie principale n’ont pas été déployées en temps opportun.
    3. L’absence de données provenant du système d’enregistreur audio-vidéo de locomotive n’a pas permis au BST de confirmer toutes les activités qui sont survenues à bord de la locomotive dans les minutes précédant l’événement.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Le 7 septembre 2023, le BST a fait parvenir au Chemin de fer QNS&L (QNS&L) la lettre d’information sur la sécurité du transport ferroviaire 04/23 portant sur la supervision des mécaniciens de locomotive (ML) nouvellement qualifiés. Le BST suggérait alors au QNS&L de considérer l’examen de son programme de formation des ML afin de s’assurer qu’une supervision systématique continue des nouveaux employés soit effectuée dans la période suivant leur qualification.

    4.1.2 Transports Canada

    Le 16 février 2023, dans sa réponse à l’avis de sécurité du transport ferroviaire 04/22, Transports Canada a indiqué avoir effectué des inspections réglementaires afin de vérifier quelles mesures avaient été prises par le QNS&L afin de prévenir d’autres événements semblables. Transports Canada a confirmé que le QNS&L n’avait pas d’instructions précises au moment de l’événement pour encadrer l’utilisation du freinage rhéostatique, notamment sur les locomotives équipées de moteurs de traction à courant alternatif.

    4.1.3 Chemin de fer QNS&L

    À la suite de l’événement, le QNS&L a effectué des modifications à son programme d’évaluation des apprentis ML. Les évaluations par les superviseurs sur le terrain sont dorénavant effectuées toutes les 200 heures au lieu de toutes les 300 heures. Pour les ML qualifiés ayant moins de 2 ans d’expérience, les évaluations par les superviseurs sur le terrain sont effectuées tous les 4 mois au lieu de tous les 8 mois.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 10 avril 2024. Le rapport a été officiellement publié le 9 mai 2024.

    Annexes

    Annexe A – Règles 35, 80 et 125 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada et instructions spéciales du Chemin de fer QNS&L

    Les règles 35, 80 et 125 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) s’appliquent lorsqu’un mouvement franchit sans autorisation un signal d’arrêt absolu. Voici le libellé de ces règlesNote de bas de page 29 :

    35. SIGNALEMENT DES SITUATIONS D’URGENCE

    Cette règle n’autorise pas l’occupation de voie principale ni les travaux en voie.

    1. Tout employé découvrant une situation qui peut être dangereuse pour la circulation d’un mouvement doit, au moyen de drapeaux, feux, torches, ou par radio, par téléphone ou tout autre moyen, faire tout son possible pour arrêter les mouvements susceptibles d’être concernés et (ou) leur fournir les instructions nécessaires. Il faut assurer la protection par signaleur sur la voie principale, à moins ou jusqu’à ce que l’on soit dispensé de cette obligation.
    2. Dans chaque direction si c’est possible, un signaleur doit se rendre à la distance prescrite du point dangereux afin de s’assurer qu’un mouvement qui approche aura le temps et l’espace nécessaires pour s’arrêter avant d’atteindre ce point. Sauf disposition contraire, un signaleur doit se rendre à au moins 2 milles du point dangereux, jusqu’à un endroit d’où il pourra être vu distinctement par un mouvement qui approche.

    Lorsqu’il voit un mouvement approcher, le signaleur doit lui présenter un signal d’arrêt au moyen d’un drapeau rouge le jour ou d’une torche allumée à flamme rouge la nuit, ou quand les signaux de jour ne peuvent être vus distinctement. Le signaleur doit présenter le signal d’arrêt jusqu’à ce que le mouvement auquel il s’adresse :

    Chemin de Fer QNS&L – Instruction Spéciale

    Opération avec un employé par train ou transfert

    RÈGLE 35 (b) – SIGNALEMENT DES SITUATIONS D’URGENCE

    Le mécanicien de locomotive doit assurer la protection par signaleur de l’avant du train ou transfert. La protection de l’arrière sera assurée par le CCF [contrôleur de la circulation ferroviaire] qui n’autorisera pas un train ou transfert à en dépasser un autre par l’arrière, advenant que le train ou transfert faisant l’objet du dépassement circule sur une voie d’évitement.

    Le CCF bloquera en position d’ARRÊT ABSOLU les signaux appropriés à l’arrière du train ou transfert, jusqu’à ce que le train ou transfert circulant sur la voie d’évitement confirme qu’il est arrêté et qu’il ne se remettra pas en marche tant que le train ou transfert circulant sur la voie principale ne l’aura pas dépassé.

    1. ait accusé réception du signal d’arrêt en faisant entendre le signal par sifflet de locomotive prescrit à la règle 14(b) (deux coups brefs);
    2. se soit arrêté; ou
    3. ait atteint la position du signaleur.

    (c) Un mouvement arrêté par un signaleur ne doit pas repartir avant d’avoir reçu ses instructions.

    (d) Le signaleur doit avoir avec lui un drapeau rouge et huit torches rouges. La présence d’un sceau intact atteste que la trousse de signalisation est bien approvisionnée.

    80. AUTORISATION RELATIVE À LA VOIE PRINCIPALE

    (a) Un mouvement ne doit pas obstruer la voie principale, ni y entrer, sans autorisation. Les mouvements seront autorisés comme suit :

    CCC Indication de signal, permission du CCF ou autorisation écrite.

    Chemin de Fer QNS&L – Instruction Spéciale Division de Moisie

    RÈGLE 80 – AUTORISATION RELATIVE À LA VOIE PRINCIPALE

    Dans l’application de cette règle, un train ne doit pas obstruer la voie principale, ni y entrer, sans permission. La permission sera accordée par écrit par le CCF.

    La règle 80 du REFC s’applique avant de quitter les endroits suivants :

    Sept-Îles Jct., Ross-Bay Jct., Emeril Jct., Wabush Lake Jct.

    Un transfert peut obstruer la voie principale à ces endroits sans permission écrite après avoir obtenu une permission verbale du CCF.

    Nota : Une permission écrite est nécessaire si un ou des BM [bulletin de marche] de moins de 15 mi/h sont en vigueur sur la partie de voie principale sur laquelle le transfert va circuler.

    Exception : Les trains traversant (vers ou venant de) la subdivision de Northernland peuvent franchir sud ou ouest Ross-Bay jct. sans obtenir une nouvelle permission.

    Les trains de travaux ou autres mouvements garés obtiendront une permission écrite du CCF là où ils étaient garés, ceci avant le départ.

    Les numéros de tous les BM qui sont en vigueur au moment de la transmission écrite seront indiqués sur toutes les permissions écrites remises au mécanicien de locomotive. S’il n’y a pas de BM pour ce mouvement, le mot « aucun » sera inscrit.

    Le mécanicien de locomotive doit avoir avec lui les BM dont les numéros apparaissent sur sa permission écrite. Lors de transmission par MCE [méthode de communication électronique], il devra s’assurer de la lisibilité de chaque exemplaire avant d’y donner suite.

    Le téléphone conventionnel, le téléphone par satellite, la radio ferroviaire ou MCE peut être utilisé pour obtenir une permission écrite, un POV [permis d’occuper la voie], BM ou toute autre autorisation du CCF.

    ROV Feuille de libération 
    Zone de marche prudente Règle 94 (Ne s’applique pas au QNS&L)
    SSR Instructions spéciales

    (b) Si un mouvement occupe ou obstrue sans autorisation une voie principale ou une voie dans un territoire de voies d’évitement contrôlées, ou franchit sans autorisation un signal de canton ou d’enclenchement donnant l’indication Arrêt absolu, il faut l’arrêter et mettre en place la protection prévue par les règles 35 et 125. On doit alors prévenir le CCF ou le préposé aux signaux dans les plus brefs délais.

    1. Le CCF ou le préposé aux signaux émettra des instructions au besoin.
    2. Si ces instructions comprennent une autorisation pour avancer ou pour inverser la marche, le mouvement devra, à moins d’en être dispensé par le CCF ou le préposé aux signaux :
    • examiner tout aiguillage à double commande ou à manœuvre électrique qu’il occupe, pour s’assurer que les aiguilles sont bien orientées pour l’itinéraire à suivre, et qu’aucune partie de l’aiguillage n’est endommagée ou brisée.
    • se conformer à la règle 104.2 (b) aux aiguillages à double commande. Aux fins de l’application de cette règle, le mouvement peut se déplacer avant que l’aiguillage à double commande soit manœuvré à la main, mais seulement sur une distance suffisante pour que les roues puissent dégager les aiguilles.

    125. APPELS D’URGENCE

    1. L’employé répétera le mot « urgence » trois fois au début de sa transmission pour signaler :
      1. un accident qui a causé des blessures à des employés ou à d’autres personnes;
      2. toute situation éventuellement dangereuse pour les employés ou autres personnes;
      3. toute situation risquant de compromettre la sécurité du passage des mouvements; ou
      4. tout déraillement qui s’est produit sur une voie principale ou en a provoqué l’obstruction.
    2. Lorsqu’un appel d’urgence destiné à une personne ou à un mouvement en particulier n’a fait l’objet d’aucun accusé de réception, tout autre employé à l’écoute doit, si c’est possible, relayer le message par n’importe quel moyen disponible. Les autres employés ne doivent gêner d’aucune manière cette communication.
    3. Tous les appels d’urgence ont priorité absolue sur les autres transmissions.