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Réévaluation de la réponse à la recommandation A 17-01 du BST

 Recommandation A17-01
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Système avertisseur de décrochage – DHC-2

Contexte

Le de Havilland DHC-2 Mk. 1 Beaver équipé de flotteurs (immatriculé C-FKRJ, numéro de série 1210), exploité par Air Saguenay (1980) inc., effectuait un vol touristique dans la région de Tadoussac (Québec) selon les règles de vol à vue. À 11 h 4, heure avancée de l’Est, l’appareil a décollé de sa base située au lac Long (Québec) pour effectuer un vol de 20 minutes, avec 1 pilote et 5 passagers à son bord. À 11 h 27, sur le trajet du retour, à quelque 2,5 milles marins au nord-nord-ouest de sa destination (7 milles marins au nord de Tadoussac), l’appareil a décroché dans un virage à grande inclinaison. L’hydravion, en descente verticale, a percuté un affleurement rocheux. L’appareil a subi des dommages importants dans la collision avec le sol et a été consumé par l’incendie qui s’est déclaré après l’impact. Les 6 occupants ont perdu la vie dans l’accident. Aucun signal de la radiobalise de repérage d’urgence n’a été capté.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport A15Q0120 le 7 septembre 2017.

Recommandation A17-01 du BST (août 2017)

Le pilote en cause dans cet événement menait régulièrement des exercices de décrochage dans des conditions contrôlées à titre d’instructeur. Il était également au courant des caractéristiques de décrochage plus abruptes du DHC-2 dans les virages à forte inclinaison. Pourtant, malgré son expérience, il n’a pas su détecter le décrochage imminent avant qu’il perde la maîtrise de l’aéronef.

Lorsque le DHC-2 a été certifié en 1948, l’installation d’un système avertisseur de décrochage n’était pas exigée puisqu’on estimait que le tremblement aérodynamique qui survient juste avant un décrochage constituait un avertissement clair et distinct. Par conséquent, le Règlement de l’aviation canadien n’exige pas l’installation d’un système avertisseur de décrochage dans les DHC-2. Les normes de certification ont évolué depuis cette époque; de nos jours, un nouvel aéronef ne peut être certifié sans être muni d’un système avertisseur de décrochage.

Dans les conditions contrôlées de la certification, on a jugé que le décrochage du DHC-2 se faisait en douceur. Toutefois, comme c’est le cas pour bien d’autres aéronefs, un décrochage qui survient lors d’un virage à forte inclinaison avec moteur en marche déclenche une amorce de vrille; il y a alors peu ou pas de signes annonciateurs d’un décrochage imminent tandis que la trajectoire de vol passe de l’horizontale à la verticale. Lors d’un vol à basse altitude, un décrochage suivi d’une amorce de vrille, même de très courte durée, empêche le pilote de reprendre la maîtrise de l’aéronef avant de percuter le relief.

Dans la conclusion du rapport d’enquête aéronautique A12O0071 en octobre 2013, le BST avait inclus une préoccupation liée à la sécurité pour souligner que le tremblement aérodynamique d’un DHC-2 ne constitue pas un avertissement adéquat de décrochage imminent pour les pilotes. Le BST faisait également remarquer la fréquence élevée des accidents causés par un décrochage aérodynamique, de même que les conséquences catastrophiques de ces accidents lorsqu’ils surviennent à basse altitude et durant les phases critiques de vol.

Depuis cette date, 2 autres accidents liés au décrochage d’un DHC-2 se sont produits : 1 en 2014 et celui à l’étude, survenu en 2015. Au total, il y a eu 13 accidents après décrochage aérodynamique d’un DHC‑2 au Canada depuis 1998.

Pour réduire les risques de perte de maîtrise de l’aéronef, le pilote doit recevoir une indication claire et immédiate d’un décrochage imminent : immédiate étant donné l’urgence, et claire pour prévenir toute possibilité de prendre le décrochage imminent pour un autre type d’événement. En cas de décrochage imminent, les systèmes avertisseurs de décrochage émettent une alerte sonore et parfois visuelle. Cette alerte est l’un des derniers mécanismes de défense contre les décrochages accidentels.

En 2014, Transports Canada et le constructeur, Viking Air Limited, ont recommandé l’installation de systèmes avertisseurs de décrochage à bord des DHC-2. Or, seulement 4 de ces systèmes ont été installés à bord de DHC-2 immatriculés au Canada. À l’heure actuelle, 382 appareils DHC-2 sont immatriculés au Canada. De ce nombre, 223 sont utilisés à des fins commerciales.

La probabilité de conséquences négatives et leur gravité servent à établir le niveau de risque. Étant donné le nombre de DHC-2 en exploitation commerciale dépourvus d’un système avertisseur de décrochage et la fréquence des manœuvres à basse altitude de l’aviation de brousse, on peut raisonnablement conclure à la probabilité élevée que d’autres décrochages à basse altitude surviendront. En raison des conséquences très graves des décrochages à basse altitude, on attribue à ce type d’accident un niveau de risque élevé.

Tant qu’il ne sera pas obligatoire, à tout le moins, d’équiper les DHC-2 en exploitation commerciale et immatriculés au Canada d’un système avertisseur de décrochage, les pilotes et les passagers qui voyagent à bord de ces aéronefs continueront d’être exposés à un risque élevé de blessures ou de mort comme suite à un décrochage à basse altitude.

En conséquence, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs de type DHC-2 en exploitation commerciale au Canada soient équipés d’un système avertisseur de décrochage.
Recommandation A17-01 du BST

Réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (décembre 2017)

Transports Canada (TC) est d’accord en principe avec cette recommandation.

TC convient que les décrochages se produisant durant des phases critiques de vol ont souvent des conséquences désastreuses. Les taux d’accidents passés ne présagent pas de problème particulier de décrochage avec le DHC-2 Beaver lorsqu’il est utilisé dans le domaine de vol pour lequel il est certifié. Toutefois, l’installation d’un système avertisseur de décrochage artificiel peut renforcer la sécurité opérationnelle. TC a d’ailleurs reconnu ce fait en publiant l’Alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC) No 2014-02, qui recommandait l’installation du système avertisseur de décrochage artificiel de Viking Air.

Avant d’exiger l’installation d’un système avertisseur de décrochage sur tous les aéronefs DHC-2 en exploitation commerciale au Canada, TC devra étudier, évaluer et éclaircir la question davantage. En 2018, le ministère amorcera un examen exhaustif de cette question, pour notamment déterminer le nombre d’accidents qui auraient pu être évités grâce à un système avertisseur de décrochage artificiel fonctionnel. Après cette évaluation, le ministère déterminera la manière la plus appropriée de pallier le risque qui a donné lieu à cette recommandation, puis décrire son plan et consulter les intervenants du secteur.

TC continuera de prendre part et d’apporter son soutien aux efforts internationaux en vue d’améliorer la sécurité des passagers, en particulier ceux du groupe de travail sur la sécurité des passagers de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et les activités subséquentes, dans le but de concerter avec ses partenaires internationaux.

Évaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (mars 2018)

Dans sa réponse, Transports Canada (TC) reconnaît que l’installation d’un système avertisseur de décrochage sur tous les aéronefs DHC-2 en exploitation commerciale au Canada peut renforcer la sécurité opérationnelle.

TC dit avoir publié en 2014 une Alerte à la sécurité de l’Aviation civile (ASAC 2014-02) qui recommandait l’installation d’un système avertisseur de décrochage sur tous les avions de la série DHC-2 et en expliquait les avantages pour la sécurité. Les données indiquent que jusqu’à maintenant, seuls 4 des 223 aéronefs DHC-2 en exploitation commerciale au Canada ont été équipés d’un système avertisseur de décrochage.

TC a fait savoir qu’il amorcera un examen exhaustif de cette question pour déterminer la manière la plus appropriée de pallier le risque associé à la lacune de sécurité qui a donné lieu à la recommandation A17-01. À cette fin, il entend consulter les intervenants du secteur et continuer de prendre part et d’apporter son soutien aux efforts internationaux en vue d’améliorer la sécurité des passagers, en particulier ceux du groupe de travail sur la sécurité des passagers de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et les activités subséquentes.

Le Bureau se réjouit que TC reconnaisse les avantages pour la sécurité des systèmes avertisseurs de décrochage. Cependant, d’ici à ce que TC formule des conclusions quant à la manière la plus appropriée de pallier le risque qui a donné lieu à cette recommandation et indique au BST le plan d’action découlant de ces conclusions, on ignore quand et comment la lacune de sécurité soulevée par la recommandation A17-01 sera corrigée.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A17-01 dénote une intention satisfaisante.

Réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (mars 2019)

Transports Canada est d’accord en principe avec la recommandation.

En 2018, le ministère a amorcé un examen exhaustif des effets de l’utilisation des systèmes avertisseurs de décrochage, plus particulièrement pour déterminer combien d’accidents auraient pu être évités grâce à un système avertisseur de décrochage artificiel fonctionnel.

Des recherches dans la base de données d’Aviation Safety Analysis ont permis d’établir que 120 accidents mettant en cause des appareils Beaver DHC-2 ont été enregistrés dans le système d’information sur la sécurité aérienne (SISA) du BST entre 2001 et 2016. De ce nombre, 101 se sont produits au pays et 19 à l’étranger. Il y a eu un décrochage dans 13 de ces accidents. Il existe des rapports d’enquête (catégorie 2 ou 3) pour 30 de ces accidents, y compris 11 des 13 accidents liés à un décrochage. Aucun des événements qui se sont produits à l’étranger n’est associé à un décrochage.

À court terme, d’ici juin 2019, un groupe d’experts sera formé pour évaluer les résultats de l’examen exhaustif et leurs conclusions serviront à établir dans quelle mesure l’adoption de la recommandation 17-01 réduira le risque pour le public lors des vols. Nous pourrons ensuite procéder à une analyse des coûts-avantages de la modification du règlement que recommande le BST.

Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (mai 2019)

À ce jour, Transports Canada (TC) a prévu ou pris les mesures suivantes pour corriger la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A17-01, soit que tous les aéronefs de type DHC-2 en exploitation commerciale au Canada soient équipés d’un système avertisseur de décrochage.

Le Bureau sait gré à TC de ses efforts continus pour donner suite à cette recommandation. Toutefois, tant que TC n’aura pas fourni au BST son plan d’action pour donner suite aux conclusions de l’examen exhaustif des effets de l’utilisation d’un système avertisseur de décrochage, il ne sera pas possible de déterminer si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A17-01 sera corrigée.

Par conséquent, à l’égard de la réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01, le Bureau estime que son évaluation est impossible.

Réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (décembre 2019)

Transports Canada (TC) est d’accord en principe avec cette recommandation.

Dans sa dernière mise à jour, en mars 2019, TC s’est engagé à réaliser une étude approfondie pour déterminer la façon la plus efficace d’atténuer le risque associé aux accidents d’avion DHC-2 liés au décrochage.

Cette étude a été achevéeNote de bas de page 1. En août 2019, TC a réuni un groupe d’experts en exploitation aérienne et en essais en vol pour examiner les rapports d’accident d’avion DHC-2. Ce groupe a examiné 13 accidents d’avion DHC-2 liés au décrochage, de 2001 à 2016. De ces 13 accidents, le groupe n’a cerné que 4 accidents où un système avertisseur de décrochage artificiel aurait pu aider à prévenir l’accident.

L’analyse des accidents a permis d’établir qu’un système d’avertissement de décrochage artificiel n’aurait probablement pas aidé à prévenir l’accident dans les autres cas, puisque les avions en question étaient exploités soit dans des conditions se situant en dehors de leur domaine de vol certifié (p. ex. masse et centrage), soit dans un environnement où un décrochage était inévitable (p. ex. un canyon fermé).

Toutefois, l’étude a permis d’établir que dans certaines configurations, le DHC-2 offre naturellement peu d’avertissement en cas de décrochage imminent. Dans de tels cas, même si un système d’avertissement de décrochage est installé, un décrochage se produit néanmoins et laisse au pilote peu ou pas de temps pour réagir et reprendre la maîtrise de l’avion.

Le groupe d’experts a fait remarquer que dans plusieurs cas, à une planification inadéquate qui avait placé l’avion dans une situation où le risque de décrochage était très probable s’ajoutait une altitude insuffisante pour reprendre la maîtrise de l’avion lorsque le décrochage s’est produit.

D’après les faits établis, TC a conclu qu’il n’y avait pas de justification suffisante pour exiger l’installation d’un système d’avertissement de décrochage sur tous les avions DHC-2 exploités à titre commercial au Canada.

TC poursuivra ses efforts pour réduire le nombre d’accidents d’avion DHC-2 liés à un décrochage en recommandant l’installation volontaire de systèmes d’avertissement de décrochage sur les avions DHC-2, conformément à son Alerte à la sécurité de l’Aviation civile 2014-02Note de bas de page 2.

Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (mars 2020)

Dans sa réponse de mars 2019, Transports Canada (TC) s’est engagé à réaliser une étude approfondie pour déterminer la façon la plus efficace d’atténuer le risque associé aux accidents d’avion DHC-2 liés au décrochage. Cette étude a été réalisée, et TC a conclu qu’il n’exigera pas l’installation d’un système d’avertissement de décrochage sur tous les avions DHC-2 exploités à titre commercial au Canada.

Le BST n’est pas d’accord avec la déclaration de TC selon laquelle « [...] même si un système d’avertissement de décrochage est installé, un décrochage se produit néanmoins et laisse au pilote peu ou pas de temps pour réagir et reprendre la maîtrise de l’avion ».

Comme TC n’entend prendre aucune nouvelle mesure pour atténuer le risque associé aux accidents d’avion DHC-2 liés au décrochage, le Bureau estime que le risque lié à la lacune de sécurité définie dans la recommandation A17-01 persiste.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une attention non satisfaisante.

Réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (décembre 2020)

Transports Canada (TC) est d’accord en principe avec la recommandation.

Comme cela a été indiqué dans la dernière mise à jour de décembre 2019, TC a déterminé, d’après les résultats de recherches fournis au BST, que l’obligation d’installer un système avertisseur de décrochage à bord des aéronefs DHC-2 n’est pas justifiée. Au lieu de cela, TC continue de promouvoir l’installation volontaire d’avertisseurs de décrochage à bord des aéronefs DHC-2 immatriculés au Canada, conformément à l’Alerte à la sécurité de l’Aviation civile 2014-02.

TC n’envisage de prendre aucune autre mesure à l’égard de cette recommandation.Note de bas de page 3

Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation A17-01 (mars 2022)

Dans sa réponse, Transports Canada (TC) a réaffirmé qu’il est d’accord en principe avec cette recommandation.

Bien que TC ait déclaré qu’il continuerait de promouvoir l’installation volontaire d’avertisseurs de décrochage à bord des aéronefs DHC-2 immatriculés au Canada, conformément à l’Alerte à la sécurité de l’Aviation civile 2014-02, il a déterminé que l’obligation d’installer un système avertisseur de décrochage à bord des aéronefs DHC-2 n’est pas justifiée.

Bien que l’installation d’un système avertisseur de décrochage n’aurait probablement pas pu prévenir un accident dans tous les cas examinés par TC, une indication claire de décrochage imminent accroît la conscience situationnelle du pilote et réduit la probabilité d’une perte de maîtrise en vol. L’étude de TC a permis d’établir que dans certaines configurations, le DHC-2 offre naturellement peu d’avertissement en cas de décrochage imminent, ce qui, en soi, témoigne de la nécessité d’un système avertisseur de décrochage qui alertera le pilote. Toutefois, TC a conclu que, « dans de tels cas, même si un système d’avertissement de décrochage est installé, un décrochage se produit néanmoins et laisse au pilote peu ou pas de temps pour réagir et reprendre la maîtrise de l’avion ». Le BST n’est pas d’accord avec cette déclaration.

Pour réduire les risques de perte de maîtrise d’un aéronef, le pilote doit recevoir une indication immédiate et claire d’un décrochage imminent : immédiate étant donné l’urgence, et claire pour prévenir toute possibilité de confondre le décrochage imminent avec un autre type d’événement. L’alerte sonore, et parfois visuelle, d’un décrochage imminent émise par ces systèmes avertisseurs est l’un des derniers mécanismes de défense contre les décrochages accidentels.

La probabilité de conséquences négatives et leur gravité servent à établir le niveau de risque. Étant donné le nombre de DHC-2 en exploitation commerciale dépourvus d’un système avertisseur de décrochage et la fréquence des manœuvres à basse altitude de l’aviation de brousse, on peut raisonnablement conclure qu’il est très probable que d’autres décrochages à basse altitude surviendront. En raison des conséquences très graves des décrochages à basse altitude, on attribue à ce type d’accident un niveau de risque élevé.

Les normes de certification ont évolué depuis 1948; de nos jours, un nouvel aéronef ne peut être certifié sans être muni d’un système avertisseur de décrochage, en tant que dernier mécanisme de défense contre les décrochages accidentels.

Par conséquent, jusqu’à ce que TC prenne de nouvelles mesures pour atténuer les risques associés aux accidents d’aéronefs DHC-2 liés au décrochage, le Bureau estime que les risques liés à la lacune de sécurité décrite dans la recommandation A17-01 persisteront.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A17-01 dénote une attention non satisfaisante.

Suivi exercé par le BST

Le Bureau a déterminé que, comme les risques résiduels liés à la lacune décrite dans la recommandation A17-01 persistent et que TC n’envisage aucune autre mesure, des réévaluations continues ne donneront probablement pas de nouveaux résultats.

Le présent dossier est en veilleuse.