Exigence d’immatriculation des navires auprès de Transports Canada avant l’émission d’un permis de pêche par Pêches et Océans Canada
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada recommande que le ministère des Pêches et des Océans exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada.
Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime
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Date à laquelle la recommandation a été émise |
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Date de la dernière réponse |
Novembre 2024
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Date de la dernière évaluation |
Mars 2025
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Évaluation de la réponse à la recommandation |
Attention en partie satisfaisante
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État du dossier |
Actif
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Résumé de l’événement
Le 25 mai 2020 peu après minuit, le bateau de pêche Sarah Anne a quitté St. Lawrence (Terre‑Neuve‑et Labrador) pour effectuer une sortie de pêche au crabe des neiges dans la baie Placentia, avec 4 personnes à bord. À 19 h 45 le même jour, le centre des Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Placentia (Terre Neuve et Labrador) a reçu un rapport de retard. Une recherche a été lancée à l’aide de plusieurs navires et aéronefs. Les corps de 3 membres d’équipage ont été retrouvés le jour suivant. Le corps du 4e membre d’équipage a été retrouvé sur le rivage le 6 juin 2020. Le bateau n’a pas été retrouvé.
Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport M20A0160 le 18 mai 2022.
Justification de la recommandation
Un certain nombre de facteurs ont contribué aux pertes de vie : aucun appel de détresse n’a été reçu, aucun radeau de sauvetage n’était à la disposition de l’équipage, des vêtements de flottaison individuels (VFI) n’étaient pas portés, le bateau n’était pas surveillé par une tierce partie et n’était pas équipé d’une radiobalise de localisation des sinistres (RLS), et les limites de stabilité du bateau n’étaient pas connues de l’équipage.
L’enquête a aussi révélé que des milliers de navires de pêche commerciale de plus étaient immatriculés auprès de Pêches et Océans Canada (MPO) qu’auprès de Transports Canada (TC) dans la région de l’Atlantique. Ainsi, le MPO délivrait des permis pour récolter les ressources marines commercialement sans vérifier que les navires étaient immatriculés correctement auprès de TC, qui est le ministère responsable de la surveillance des exigences de sécurité.
Les navires commerciaux doivent être immatriculés auprès de TC, même ceux qui ne sont pas inspectés aux fins de certification. Non seulement l’immatriculation des navires auprès de TC est une exigence de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, mais en outre elle permet à TC d’assurer une surveillance de la sécurité et d’offrir aux propriétaires de navires une orientation concernant leur responsabilité en matière de conformité. De plus, le fait d’avoir des données d’immatriculation à jour signifie que de l’information exacte est disponible pour les autorités de recherche et sauvetage, et que des données fiables sont disponibles pour les organismes de réglementation en matière de sécurité et d’autres organisations du système de sécurité maritime.
Les pêcheurs sont plus susceptibles de respecter les exigences réglementaires ayant trait à la récolte de ressources, entre autres parce que le MPO s’acquitte vigoureusement de son mandat au moyen de conditions de permis et de mesures d’application de la loi en cas de non-conformité. Par contraste, le régime d’application de la loi moins rigoureux de TC fait qu’il n’y a pas de tels incitatifs directs à s’immatriculer auprès de TC ni à garder l’information d’immatriculation à jour. De plus, l’enquête a permis de déterminer que la communication avec les pêcheurs au sujet de l’exigence d’immatriculation auprès de TC est irrégulière et n’est pas toujours bien comprise.
À l’échelle internationale, l’importance d’une immatriculation en règle et exacte auprès d’un organisme de réglementation en matière de sécurité est reconnue, et de nombreux pays établissent un lien entre le permis de navire de pêche et l’immatriculation ainsi d’ailleurs que l’inspection. Au Canada, le lien entre les considérations de sécurité et l’octroi de permis de pêche est reconnu depuis longtemps, mais n’a pas été adéquatement pris en compte. Grâce essentiellement à des initiatives réées par le personnel régional, des efforts sont en cours à TC et au MPO pour s’attaquer à cette question. À l’échelle nationale, TC et le MPO rapportent qu’ils changent les structures de leurs bases de données pour inclure le numéro d’immatriculation unique de l’autre ministère. Toutefois, sans exigences exécutoires, ces initiatives restent un arrangement officieux et ne sont pas une solution permanente. Le MPO peut continuer de délivrer des permis de récolte de ressources marines à des navires qui n’ont pas une immatriculation à jour et exacte auprès de TC. Puisque le MPO fait partie du gouvernement du Canada, le fait qu’il leur délivre un permis peut donner aux pêcheurs l’impression qu’ils satisfont à toutes les exigences du gouvernement avant d’effectuer leurs opérations commerciales.
Dans de nombreux pays, y compris le Canada, une solution qui est retenue pour coordonner la prestation de services lorsqu’un enjeu relève de la responsabilité d’un ou de plusieurs ministères est une approche « pangouvernementale » ou « de gouvernement horizontal ». Cette approche a été élaborée en réponse aux situations où les enjeux sont interdépendants, comme la sécurité de l’industrie des pêches, et où les objectifs du gouvernement ne peuvent pas être atteints sans que 2 ou plusieurs ministères travaillent ensemble. Pour l’industrie canadienne des pêches, cela signifie que TC et le MPO doivent travailler ensemble pour s’assurer que les pêcheurs respectent toutes les exigences avant d’entreprendre des activités commerciales. Puisque les pêcheurs sont plus fréquemment en contact avec le gouvernement du Canada par l’entremise du MPO, une étape clé pour faire avancer la sécurité de la pêche commerciale sera d’utiliser cette relation pour promouvoir la conformité réglementaire aux exigences de sécurité de TC.
Si les navires de pêche ne sont pas inscrits à un registre de TC et s’il n’y a pas de mécanisme en place pour assurer l’exactitude des renseignements d’immatriculation, il est possible que les pêcheurs ne connaissent pas, ne comprennent pas ou ne respectent pas les règlements visant à accroître la sécurité de la pêche.
Puisque l’immatriculation à jour et exacte auprès de TC est la première étape de la surveillance de la sécurité pour les navires de pêche commerciale, le Bureau a recommandé que
le ministère des Pêches et des Océans exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada.
Recommandation M22-01 du BST
Réponses et évaluations antérieures
Septembre 2022 : réponse de Pêches et Océans Canada
Le Ministère prend acte de la recommandation M22-01 comprise dans le rapport et poursuit ses efforts de collaboration avec TC au moyen d’activités mensuelles de partage de données entre les ministères, d’un outil d’analyse des lacunes faisant actuellement l’objet d’un projet pilote et d’activités de sensibilisation proactive auprès des pêcheurs. Le Ministère étudie la possibilité de mettre en place une attestation de connaissance des exigences en matière d’immatriculation auprès de TC au moyen du Système national d’émission de permis en ligne d’ici le 1er janvier 2023 et se penche également sur d’autres options telles que l’obligation pour les titulaires de permis de s’immatriculer auprès de TC comme condition liée à leur permis de pêche, ce qui constituerait une exigence exécutoire.
Nous sommes impatients d’examiner de telles options afin de déterminer la meilleure façon pour le Ministère de soutenir la réduction des risques sur l’eau sans ajouter des coûts ou une complexité inutile aux activités des petits navires de pêche et de trouver des moyens de tirer davantage parti de l’utilisation et du partage des données à l’avenir en faveur de la sécurité de la pêche. Ces initiatives permettent également d’accroître de façon durable la sensibilisation des pêcheurs et des propriétaires de navires à l’importance des deux immatriculations et aux avantages qu’elles procurent en matière de sécurité.
Novembre 2022 : évaluation de la réponse par le BST (attention en partie satisfaisante)
Le MPO indique que cette lacune en matière de sécurité est corrigée activement grâce à des activités mensuelles de partage de données avec TC, à un projet pilote d’outil d’analyse des lacunes et à des activités de sensibilisation proactive auprès des pêcheurs. Le Ministère étudie également d’autres options, telles que la mise en place d’une attestation relative à l’immatriculation auprès de TC par l’entremise de son Système national d’émission de permis en ligne et l’obligation pour les titulaires de permis de s’immatriculer auprès de TC comme condition de l’obtention de permis. Le Bureau prend note que le MPO reconnaît les avantages en matière de sécurité qui peuvent découler de l’immatriculation des navires de pêche auprès des deux ministères. Toutefois, en recommandant des mesures de sécurité à la suite de cette enquête, le Bureau a souligné que la confirmation de l’immatriculation à jour et exacte auprès de TC devrait constituer une exigence pour la pêche commerciale des ressources marines.
Le Bureau constate que le MPO et TC poursuivent leurs efforts pour corriger cette lacune en matière de sécurité. Toutefois, les initiatives du MPO se limitent actuellement à l’éducation et à la sensibilisation.
Par conséquent, le Bureau estime que la réponse du MPO à la recommandation M22-01 dénote une attention en partie satisfaisante.
Novembre 2023 : réponse de Pêches et Océans Canada
[Contenu retiré pour assurer la pertinence]Les réponses présentées sont celles des intervenants du BST dans le cadre de communications écrites et sont reproduites intégralement. Le BST corrige sans indiquer les erreurs typographiques dans le contenu qu’il reproduit, mais utilise des crochets [ ] pour indiquer d’autres changements ou montrer qu’une partie de la réponse a été omise parce qu’elle n’était pas pertinente.
En ce qui concerne la recommandation M22-01, le MPO a échangé et continue d’échanger activement des données avec TC afin de cerner et de combler les lacunes en matière d’immatriculation entre les deux ministères.
Le MPO continue de mener de nombreuses initiatives de sensibilisation auprès de l’industrie de la pêche afin de communiquer la nécessité pour les pêcheurs d’immatriculer leurs navires auprès des deux ministères. En 2022, le MPO a effectué un envoi postal ciblé à Terre-Neuve-et-Labrador, la zone régionale du MPO où le taux de non-conformité avec les exigences d’immatriculation des navires de TC est le plus élevé, à 5200 titulaires de permis pour les aviser de leurs obligations en matière d’immatriculation. Depuis la dernière mise à jour du MPO, nous avons ajouté un avis à notre Système national d’émission de permis en ligne (SNEPL) en janvier 2023, avisant les titulaires de permis de leur obligation d’immatriculer leur navire auprès de TC.
Bien que le MPO reconnaisse l’importance des exigences réglementaires de TC en matière d’immatriculation, il doit rester conscient du fait que les pouvoirs de délivrance de permis en vertu de la Loi sur les pêches doivent être exercés avec prudence, en n’intervenant que dans la mesure où sa mission est concernée.
À cette fin, nos efforts généraux de sensibilisation se poursuivent, et nous rédigeons actuellement un plan de communication visant à utiliser les médias sociaux, en particulier X et Facebook, et éventuellement à faire des annonces dans les publications de l’industrie de la pêche, pour communiquer les exigences d’immatriculation des navires de pêche de TC, ainsi que des messages en rotation sur la sécurité de la pêche liés à la formation, à la stabilité et à l’équipement de sauvetage. Le MPO continue de collaborer avec TC à la recherche de solutions potentielles à cet enjeu important.
Compte tenu des renseignements ci-dessus, nous demandons respectueusement au BST de réexaminer son évaluation de la réponse du MPO à cette recommandation.
Nous demeurons prêts à discuter de l’une ou l’autre de ces questions et nous nous réjouissons à l’idée de collaborer avec le BST dans l’avenir.
Réponse et évaluation les plus récentes
Décembre 2024 : réponse de Pêches et Océans Canada
En ce qui concerne la recommandation M22-01, le MPO comprend qu’il existe une exigence réglementaire relative à l’immatriculation des navires auprès de Transports Canada (TC); toutefois, selon un avis du ministère de la Justice, la Loi sur les pêches, qui régit nos activités d’émission de permis et d’application de la loi, n’accorde pas au MPO l’autorité pour veiller au respect la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Ainsi, le MPO ne peut exiger l’immatriculation obligatoire auprès de TC avant l’émission de permis de pêche.
Le MPO reconnaît que les obligations réglementaires pour les pêcheurs sont importantes et que l’immatriculation auprès de TC peut contribuer à la sécurité en mer. Dans cette optique, le MPO a échangé et continue d’échanger activement des données avec TC afin de cerner et de corriger les lacunes en matière d’immatriculation entre les deux ministères, ce qui aide TC dans ses propres efforts pour faire respecter et appliquer la loi.
Depuis la dernière mise à jour du MPO, les efforts de communication et de sensibilisation en matière de sécurité en mer se poursuivent au moyen d’un plan de communications stratégiques, de l’utilisation de diverses exigences liées à l’immatriculation ainsi que de multiples messages portant sur la sécurité de la pêche par rotation et liés à la formation, à la stabilité et à l’équipement de sauvetage. À compter du début 2025, des annonces sur la sécurité en mer paraîtront dans les publications de l’industrie de la pêche Journal Pêche Impact et The Navigator, notamment dans un numéro spécial en mai sur la sécurité maritime qui bénéficie d’une grande visibilité.
Vous mentionnez que les travaux effectués par le MPO se limitent à l’éducation et à la sensibilisation. Selon des commentaires de l’industrie, il est clair que davantage de communication et de sensibilisation sont nécessaires. L’industrie a déterminé qu’elle a un rôle plus direct à jouer dans la sécurité, et qu’un meilleur accès aux ressources était nécessaire. Pour y parvenir, le gouvernement doit faire de l’éducation et de la sensibilisation. Les commentaires ont été relayés par l’industrie par l’entremise du dernier Conseil consultatif maritime canadien (CCMC).
Compte tenu des renseignements ci-dessus, nous demandons respectueusement au BST de reconsidérer son évaluation de la réponse du MPO à cette recommandation.
Mars 2025 : évaluation par le BST de la réponse (attention en partie satisfaisante)
Dans sa réponse, le ministère des Pêches et Océans (MPO) indique qu’il continue à collaborer étroitement avec Transports Canada (TC) afin de corriger les lacunes en matière d’immatriculation, par exemple en échangeant des données sur l’immatriculation et les permis. Le MPO prévoit également de poursuivre ses initiatives de sensibilisation, comme faire paraître des annonces dans les publications de l’industrie de la pêche pour communiquer les exigences en matière d’immatriculation des navires auprès de TC et diffuser des messages portant sur la sécurité de la pêche et liés à la formation, à la stabilité et à l’équipement de sauvetage.
Bien que le Bureau trouve encourageant le travail accompli par le MPO, il demeure préoccupé par le fait que ce travail ne corrige pas la lacune de sécurité sous-jacente. En l’absence d’un mécanisme pour valider que tous les navires de pêche commerciale soient immatriculés auprès de TC, de nombreux pêcheurs pourraient, sans le savoir, continuer à exercer leurs activités commerciales sans respecter toutes les exigences de sécurité. Considérant l’augmentation du nombre d’immatriculations de navires depuis que le MPO a commencé à donner suite à la présente recommandation, le BST surveillera le nombre de navires qui sont immatriculés auprès de TC et qui ont un permis du MPO pour déterminer si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation est atténuée.
Par conséquent, le Bureau estime que la réponse du MPO à la recommandation M22-01 dénote une attention en partie satisfaisante.
État du dossier
Le BST continuera à suivre l’évolution des mesures prises par le ministère des Pêches et des Océans.
Le présent dossier est actif.