Recommandation M24-01 du BST

Formation sur la gestion de la sécurité des passagers pour tous les navires à passagers

le ministère des Transports mette en place une exigence selon laquelle les membres d’équipage de tous les navires à passagers, y compris ceux qui effectuent des voyages en eaux abritées, doivent suivre une formation appropriée en matière de gestion de la sécurité des passagers.

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime
Date à laquelle la recommandation a été émise
Date de la dernière réponse
Novembre 2024
Date de la dernière évaluation
Mars 2025
Évaluation de la réponse à la recommandation
Attention en partie satisfaisante
État du dossier
Actif

Résumé de l’événement

Le 20 août 2022, vers 17 h, heure avancée de l’Est, le traversier à passagers Sam McBride, qui transportait 6 membres d’équipage et environ 910 passagers à bord, a heurté le quai alors qu’il accostait à la gare maritime Jack-Layton à Toronto (Ontario). On a signalé que 20 passagers avaient été blessés. Les services d’urgence sont intervenus sur les lieux de l’accident, et 6 des passagers blessés ont été transportés à l’hôpital. Le navire et le quai ont été endommagés.Aucune pollution n’a été signalée.

Le Sam McBride est un traversier amphidrome, c’est-à-dire qu’il a des hélices à l’avant et à l’arrière. L’analyse par le BST des images de sécurité du voyage à l’étude a permis d’établir que le navire se déplaçait à 5 nœuds lorsqu’il a franchi le premier duc-d’Albe en route vers le quai, alors que la vitesse d’approche lors des autres traversées effectuées ce jour-là avait été d’environ 3 nœuds. Les images ont aussi montré que seule l’hélice arrière tournait lorsque le Sam McBride s’est approché du quai. L’hélice arrière n’a pas été suffisante pour empêcher, à elle seule, le Sam McBride de heurter le quai, compte tenu de la vitesse du navire et de la distance qui le séparait du quai.

Les essais en mer du navire après l’événement ont indiqué que les moteurs avant et arrière et leurs systèmes de commande étaient en bon état de fonctionnement. De plus, les modules de commande des moteurs avant et arrière n’affichaient aucun code ni événement de défaillance pour le jour de l’événement. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi le moteur avant et l’hélice ne se s’étaient pas embrayés pour ralentir le navire lors du voyage à l’étude.

Le jour de l’événement, le Sam McBride avait effectué 8 traversées, dont 6 au maximum de sa capacité, et il était en retard par rapport à son horaire publié. Lorsque de nombreuses personnes attendaient le traversier et que celui-ci était en retard, comme dans l’événement à l’étude, les équipages des traversiers de la Ville de Toronto accéléraient les traversées pour répondre à la forte demande en se déplaçant plus rapidement et/ou en réduisant le temps d’accostage en s’approchant à des vitesses plus élevées et en ralentissant plus rapidement. La Ville de Toronto ne disposait pas de procédures écrites définissant une vitesse d’approche sécuritaire pendant l’accostage, ce qui signifie que les décisions relatives à la vitesse d’accostage étaient à la discrétion des capitaines et pouvaient être influencées par la pression opérationnelle. La Ville de Toronto a depuis mis en place des procédures écrites pour l’accostage.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport M22C0231 le 19 août 2024.

Justification de la recommandation

La nécessité pour les membres d’équipage de réagir rapidement et efficacement à une situation d’urgence à bord d’un navire à passagers est la même pour tous les navires et toutes les classes de voyage. Face à une situation d’urgence, les membres d’équipage doivent avoir des connaissances et des compétences liées à la gestion des foules et au comportement humain en situation d’urgence.

Bien que le Règlement sur le personnel maritime exige que les membres d’équipage des navires à passagers d’une jauge brute de plus de 500 effectuant des voyages illimités, des voyages à proximité du littoral, classe 1, ou des voyages à proximité du littoral, classe 2, soient titulaires d’un brevet ou d’un visa de gestion spécialisée de la sécurité des passagers, il n’y a pas de telle exigence dans le cas de l’équipage des navires effectuant des voyages en eaux abritées ou des navires d’une jauge brute de 500 ou moins. Le brevet de gestion spécialisée de la sécurité des passagers dispense une formation sur la gestion des foules, la gestion des crises et le comportement humain en situation d’urgence, la sécurité des passagers et la sécurité du personnel fournissant des services directs aux passagers. Il procure également une formation de familiarisation.

Bien que les navires à passagers effectuant des voyages en eaux abritées soient plus proches de la côte et des intervenants d’urgence basés à terre que les navires effectuant d’autres types de voyages, plusieurs types d’urgences nécessitent une intervention immédiate, pour lesquelles on ne peut attendre l’arrivée des intervenants basés à terre.

À l’heure actuelle au Canada, il n’y a que 46 navires à passagers dont la jauge brute est supérieure à 500, tandis qu’il y a 5025 navires à passagers d’une jauge brute de 500 ou moinsLes chiffres concernant les navires à passagers ont été obtenus à partir d’une requête du Registre d’immatriculation des bâtiments de Transports Canada le 17 mai 2024, en utilisant le type de navire « passagers ». Les navires peuvent disposer de documents sur l’effectif minimal de sécurité qui les autorisent à effectuer différentes catégories de voyage; il est donc difficile d’attribuer un nombre précis de navires à chaque catégorie de voyage.. Le nombre maximal de personnes à bord pour un navire à passagers dépend d’autres facteurs que sa jauge brute seulement; ainsi, il se peut que des navires à passagers d’une jauge brute de 500 ou moins transportent plus de passagers que ceux dont la jauge brute est supérieure à 500. Le fait d’exiger une formation uniquement pour les navires d’une jauge brute de plus de 500 exclut la majeure partie des navires à passagers.

Le Sam McBride a une jauge brute inférieure à 500 et effectuait un voyage en eaux abritées. Aucun des membres d’équipage n’avait reçu cette formation ni n’était tenu de le faire. À la suite d’un événement survenu à bord du navire à passagers Island Queen III en 2017, le BST a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant l’absence d’une exigence relative à la formation sur la gestion de la sécurité des passagers à l’intention des membres d’équipage des navires transportant plus de 12 passagers et effectuant des voyages en eaux abritées. Toutefois, Transports Canada (TC) n’a pas encore mis en œuvre les exigences en matière de formation sur la gestion des passagers pour répondre pleinement à cette préoccupation. Si tous les membres d’équipage de navires à passagers ne sont pas formés à la gestion de la sécurité des passagers, il y a un risque qu’ils ne soient pas préparés à gérer les passagers en cas d’urgence.

Par conséquent, le BST a recommandé que

le ministère des Transports mette en place une exigence selon laquelle les membres d’équipage de tous les navires à passagers, y compris ceux qui effectuent des voyages en eaux abritées, doivent suivre une formation appropriée en matière de gestion de la sécurité des passagers.

Recommandation M24-01 du BST

Réponses et évaluations antérieures

S.O.

Réponse et évaluation les plus récentes

Novembre 2024 : réponse de Transports Canada

Transports Canada (TC) est d’accord avec la recommandation M24-01. Le Ministère reconnaît que, dans une situation d’urgence, il est essentiel que les membres d’équipage aient recu une formation appropriée sur la gestion de la sécurité des passagers afin qu’ils soient prêts à assurer de façon adéquate la sécurité des passagers tout au long de l’événement.

Le Ministère travaille sur un règlement qui remplacera le Règlement sur le personnel maritime (RPM) existant. Le nouveau règlement abolira le critère actuel d’une jauge brute minimale de 500 pour les navires visés par l’exigence d’offrir une formation sur la gestion de la sécurité des passagers à leur effectif. Ainsi, les représentants autorisés devront offrir de la formation sur la sécurité des passagers aux membres d’équipage (p. ex., le capitaine, les officiers mécaniciens en chef, les premiers officiers de pont, les seconds officiers mécaniciens et toute personne désignée sur le rôle d’appel comme responsable de la sécurité des passagers) à bord des navires de toutes tailles transportant des passagers, à l’exception de ceux qui sont exploités exclusivement en eaux abritées. Le règlement modifié proposé devrait faire l’objet d’une publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada au printemps 2025.

Ces exigences sont tirées de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW), qui ne s’applique pas aux navires qui naviguent « exclusivement dans les eaux intérieures ou dans des eaux situées à l’intérieur ou au proche voisinage d’eaux abritées ou de zones où s’appliquent les règlements portuaires ». Par conséquent, aucune exigence internationale n’oblige les navires canadiens exploités en eaux abritées ou lors d’un voyage à proximité du littoral, classe 2 à respecter ces dispositions.

Pour aborder ces préoccupations liées à la sécurité en ce qui concerne les navires à passagers exploités en eaux abritées, TC procédera à un examen de la formation de familiarisation à bord des navires pour tous les navires transportant des passagers en eaux abritées. L’examen permettra de determiner si le contenu du matériel de formation à l’intention des membres d’équipage ayant des responsabilités relatives à la sécurité des passagers est à jour et approprié pour qu’ils puissent intervenir en situations d’urgence. Si des lacunes de sécurité sont relevées lors de l’examen, le matériel sera mis à jour en conséquence.

TC mettra également à jour sa publication de transports (TP) 4957 : Cours de formation aux fonctions d’urgence en mer, qui décrit les cours de formation et la formation de familiarisation en matière de sécurité requis par les gens de mer pour gérer les dangers du milieu marin, y compris les dangers propres à leurs navires, à un niveau approprié selon leurs fonctions à bord. Le TP mis à jour indiquera clairement que les représentants autorisés de navires à passagers, y compris ceux qui effectuent des voyages en eaux abritées, devront offrir de la formation à leurs effectifs sur la gestion de la sécurité des passagers en situation d’urgence.

En réponse à une demande de renseignements supplémentaires du BST, TC a envoyé l'information qui suit le 20 décembre 2024.

À court terme, TC insistera sur le fait que la formation de familiarisation à bord des navires à passagers doit inclure de la formation appropriée pour les membres d’équipage ayant des responsabilités de sécurité liées aux passagers.

De plus, en 2025, TC prendra les mesures suivantes, qui n’exigent pas de changement à la réglementation :

  • Réviser et publier une version à jour du TP 4957 : Cours de formation aux fonctions d’urgence en mer. Le TP 4957 décrit les cours de formation et la formation de familiarisation en matière de sécurité que les gens de mer doivent acquérir afin de faire face aux dangers associés au milieu marin et à leur navire à un niveau approprié à leurs fonctions à bord. Plus particulièrement, des ajouts mineurs au chapitre 4, qui porte sur la formation de familiarisation sur la sécurité, aborderont la question de la sécurité des passagers. Ces ajouts indiqueront plus clairement que le capitaine et le représentant autorisé de navires doivent offrir de la formation à l’effectif du navire sur la gestion de la sécurité des passagers en situation d’urgence.
  • Réviser et publier une version à jour du TP 2293 : Qualifications pour les brevets et certificats des navigants pour indiquer que l’examen oral sur la connaissance et la compréhension de la gestion de la sécurité des passagers dans le cadre de la certification de premier officier de pont et de capitaine est clairement expliqué.
Mars 2025 : évaluation par le BST de la réponse (attention en partie satisfaisante)

Le Bureau reconnaît que Transports Canada (TC) mettra à jour le Règlement sur le personnel maritime pour abolir le seuil minimal d’une jauge brute de 500 pour la formation sur la gestion de la sécurité des passagers; la mise à jour est prévue au printemps 2025. Le Bureau prend note que TC entreprendra également un examen de la familiarisation à bord et qu’il rappellera aux exploitants de navires à passagers qu’une telle familiarisation doit inclure une formation appropriée à l’intention des membres d’équipage ayant des responsabilités de sécurité liées aux passagers. Toutefois, le Bureau prend également note que TC s’appuie sur l’application de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW) pour justifier qu’il n’exigera pas de formation appropriée sur la gestion de la sécurité des passagers pour tous les navires qui effectuent des voyages en eaux abritées. La Convention STCW s’applique seulement aux navires qui effectuent des voyages internationaux, autres que sur les Grands Lacs; elle n’était pas censée énoncer des exigences pour les voyages en eaux abritées, qui relèvent de la compétence canadienne.

Dans sa justification de la recommandation, le Bureau a souligné que la nécessité pour les membres d’équipage de réagir rapidement et efficacement à une situation d’urgence s'applique à tous les navires et à tous les voyages. Bien que les navires à passagers effectuant des voyages en eaux abritées soient plus proches de la côte et des intervenants d’urgence basés à terre que les navires effectuant d’autres types de voyages, il existe des urgences nécessitant une intervention immédiate. Face à ce type d’urgence, les membres d’équipage doivent avoir des connaissances et des compétences liées à la gestion des foules et au comportement humain en situation d’urgence, qu'ils se trouvent en eaux abritées ou plus loin de la côte.

La modification du règlement, la mise à jour des exigences liées à la formation aux fonctions d’urgence en mer et une nouvelle vérification des connaissances liées à la gestion de la sécurité des passagers lors des examens sont de bonnes mesures pour s’assurer que les équipages à bord de navires à passagers savent comment intervenir en cas d’urgence. Toutefois, ces mesures s’appliqueront uniquement aux gens de mer qui reçoivent leur premier brevet ou leur premier certificat; il n’y a aucune exigence, actuelle ou future, qui oblige les gens de mer canadiens naviguant à bord de navires domestiques à renouveler leur formation sur les fonctions d’urgence en mer ou à reprendre leur examen; par conséquent, plusieurs années seront encore nécessaires avant de corriger la lacune de sécurité sous-jacente.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse de TC à la recommandation M24-01 dénote une attention en partie satisfaisante.

État du dossier

Le présent dossier est actif.