Place du Centre
200 Promenade du Portage, 4e étage
Gatineau QC K1A 1K8
31 juillet 2019
Lettre adressée à :
Directeur général, Aviation civile
Transports Canada
Objet :
Avis de sécurité aérienne A19C0026-D1-A1
Consigne de navigabilité 2015-08-04 de la Federal Aviation Administration – Fiabilité de l’inspection de l’ensemble de mâts de voilure du longeron principal – Méthode d’essai de perforation
Monsieur,
Le 30 mars 2019, un Piper J3C-65 privé monté sur skis (immatriculation C-FLDQ, numéro de série 16839) quittait le lac Pistol (Ontario) pour se rendre au lac Snowshoe (Ontario), à environ 53 milles marins au nord-ouest de Kenora (Ontario), avec le pilote et 1 passager à bord. Le but de ce vol était de transporter le passager à un camp de chasse et de pêche éloigné pour y faire des travaux de rénovation. Le passager était un employé du pilote, lui-même propriétaire de l'avion et du camp.
À l'arrivée au lac Snowshoe, le pilote a fait un passage à basse altitude en provenance du nord-nord-ouest, près du camp, pour attirer l'attention des occupants du camp sur leur arrivée. Durant le passage, le pilote a perdu la maîtrise de l'avion et a percuté la surface glacée du lac. Les occupants du camp ont immédiatement réagi et appelé les services d'urgence. Le pilote a été mortellement blessé. Le passager a été grièvement blessé et a succombé à ses blessures six jours plus tard. L'aéronef a été détruit.
Une inspection de la cellule sur les lieux de l'accident a révélé que l'ensemble de mâts de voilure du longeron principal gauche (ensemble de mâts) s'était séparé près de la chape inférieure de l'attache (figure 1). Un examen visuel de l'ensemble de mâts a révélé une corrosion excessive dans les environs de la séparation.
L'ensemble de mâts rompu a été envoyé au Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'analyse. Cette dernière a révélé que la défaillance de l'ensemble de mâts était attribuable à une corrosion et à un amincissement excessifs de la surface intérieure portante du mât. Cet état a provoqué une fatigue et finalement, une rupture en surcharge.
La Federal Aviation Administration des États-Unis a publié une consigne de navigabilité (AD 2015-08-04), le 3 juin 2015, exigeant l'inspection ou le remplacement d'ensembles de mâts potentiellement corrodés sur plusieurs modèles d'avions Piper différents. L'avion à l'étude devait être conforme à cette consigne; or, les dossiers de maintenance ne contenaient aucune indication que cette consigne avait été exécutée.
Cette consigne requiert l'inspection de l'ensemble de mâts de voilure à intervalles d'au plus 24 mois. La consigne indique deux méthodes admissibles d'inspection des ensembles de mâts de voilure : l'essai de perforation, décrit dans le bulletin de service obligatoire (BSO) 528D publié par Piper; ou l'inspection aux ultrasons décrite dans la consigne de navigabilité même. Si l'un ou l'autre de ces essais révèle une importante corrosion, la consigne exige le remplacement de l'ensemble de mâts de voilure. La consigne donne aussi le choix de remplacer l'ensemble de mâts au lieu d'effectuer l'une des deux méthodes d'inspection admissibles.
Le Laboratoire du BST à Ottawa a réalisé des examens plus approfondis de l'ensemble de mâts rompu ainsi que l'essai de perforation prescrit dans le bulletin MSB 528D. D'après ce bulletin, si l'essai de perforation produit un enfoncement apparent Dans le contexte du bulletin MSB 528D publié par Piper, un « enfoncement apparent » est un enfoncement (c'est-à-dire une déformation matérielle) dans le métal visible à l'œil nu dans des conditions d'éclairage normales. au moyen d'un pointeauUn pointeau comprend une petite pointe arrondie sous pression au bout d'un cylindre à ressort gradué, et sert normalement à tester la résistance de l'entoilage d'un avion., le métal de l'ensemble de mâts est corrodé au-delà de la limite spécifiée, et l'ensemble doit être remplacé avant que l'avion puisse voler de nouveau. Si aucun enfoncement n'est apparent, l'ensemble de mâts peut demeurer en service. Des représentants de Piper Aircraft Inc. et Transports Canada (TC) ont observé les essais. Plusieurs essais de perforation ont été faits tout près et plus loin de la zone de rupture, sur les surfaces supérieure et inférieure du mât à l'étude.
L'autre méthode décrite dans la consigne de la FAA consiste en une inspection aux ultrasons. L'épaisseur type de la paroi d'un mât de voilure de référence est d'entre 0,034 et 0,041 pouce. D'après la procédure d'inspection aux ultrasons, si l'épaisseur d'une paroi de mât est de 0,024 pouce ou moins, l'ensemble de mâts doit être remplacé avant que l'avion puisse voler de nouveau. Aucune inspection aux ultrasons n'a été faite sur l'ensemble de mâts à l'étude. Toutefois, on a réalisé un examen de la pièce au microscope électronique à balayage pour mesurer avec exactitude l'épaisseur de la paroi. Cet examen a permis de déterminer ce qui suit :
- Dans la zone très corrodée de la partie inférieure du mât de voilure rompu, l'épaisseur de la paroi n'était plus que de 0,002 à 0,019 pouce, soit largement inférieure au minimum requis. Des essais de perforation effectués dans cette zone ont produit un enfoncement apparent.
- Dans la zone corrodée de la partie supérieure du mât de voilure rompu, l'épaisseur de la paroi était de 0,021 à 0,031 pouce; ainsi, l'épaisseur à certains endroits était inférieure au minimum requis. Des essais de perforation effectués dans cette zone n'ont produit aucun enfoncement apparent.
Le contraste entre les résultats de ces deux essais distincts montre que l'essai de perforation, proposé comme l'une des méthodes d'inspection admissibles dans la consigne AD 2015-08-04, peut ne pas être concluant et, par conséquent, est peu fiable pour déterminer l'ampleur de la corrosion dans un mât de voilure. C'est pourquoi nous informons TC, par la présente, que les méthodes d'inspection courantes décrites dans la consigne de navigabilité doivent être révisées pour s'assurer que les méthodes proposées permettent bel et bien de cerner une condition dangereuse.
Le BST souhaite connaître le point de vue de TC sur cette lacune de sécurité et être informé de toute mesure mise en œuvre à cet égard, s'il y a lieu. Le Bureau publiera un rapport au terme de son enquête sur l'événement A19C0026.
Je vous prie d'accepter, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Original signé par
Natacha Van Themsche
Directrice, Enquêtes – Air
Bureau de la sécurité des transports du Canada
cc:
Directeur intérimaire, Politiques et services de réglementation, Transports Canada
Directrice, Office of Aviation Safety, National Transportation Safety Board
Directeur, Office of Accident Investigation and Prevention, Federal Aviation Administration
Directeur principal, Certification et affaires techniques, Piper Aircraft Inc.
Renseignements de base
No d’événement : A19C0026
No de communication de sécurité : A19C0026-D1-A1