Image
Watchlist 2020

Sorties en bout de piste

Les sorties en bout de piste continuent de poser des risques aux individus, aux biens et à l’environnement.

Contexte

Chaque année au Canada, malgré les millions de mouvements sans incident sur les pistes d’aéroports, des aéronefs dépassent parfois l’extrémité de la piste au moment de l’atterrissage ou d’un décollage interrompu. Ces situations, appelées « sorties en bout de piste », peuvent causer des dommages aux aéronefs, des blessures et même des pertes de vie, et les conséquences peuvent être particulièrement néfastes en l’absence d’une aire de sécurité adéquate à l’extrémité de la piste ou d’un dispositif d’arrêt approprié destiné à immobiliser les aéronefs.

Transcription

Chaque année, des millions de décollages et d’atterrissages aux aéroports canadiens sont réussis...mais il arrive parfois qu’un aéronef quitte l’extrémité de la piste pendant un atterrissage ou un décollage interrompu.

Et les conséquences peuvent être très graves en l’absence d’une aire de sécurité d’extrémité de piste adéquate ou d’un système d’arrêt d’aéronef adéquat permettant d’atténuer les conséquences de ces sorties en bout de piste

Ces événements peuvent entraîner des dommages aux aéronefs, des blessures, voire des pertes de vie.

Depuis 2005, il y a eu en moyenne 9,7 sorties en bout de piste par année aux aéroports canadiens.

Malgré les mesures adoptées par certains exploitants d’aéroports et par Transports Canada, le BST demeure préoccupé par le fait que ces sorties en bout de piste continuent de se produire.

L’enjeu des sorties en bout de piste restera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que Transports Canada exige au minimum l’adoption de la norme internationale pour les aires de sécurité d’extrémité de piste ou l’adoption d’un système d’arrêt adéquat afin d’atténuer les risques que ces événements posent sur les gens, les biens et l’environnement.

Pour en savoir plus sur la Liste de surveillance 2020, consultez le site bst.gc.ca/surveillance

Depuis 2010, la Liste de surveillance du BST aborde les risques que posent les sorties en bout de piste sur la sécurité et ce qui est nécessaire pour en réduire la fréquence. Bien que des mesures aient été prises par certains exploitants d’aéroports et par Transports Canada (TC), des sorties en bout de piste continuent de se produire aux aéroports canadiens.

Nombre d’événements au Canada

Depuis 2005, on enregistre en moyenne 9,7 sorties en bout de piste par année aux aéroports canadiens (tableau 1), dont 7,5 surviennent au cours de l’atterrissage. De plus, de 2005 à 2019, le BST a enquêté sur 19 événements de ce genre et a émis quatre recommandations auprès des autorités canadiennes. Trois de ces recommandations sont toujours activesNote de bas de page 1 et, pour l’une d’entre elles, le dossier a été ferméNote de bas de page 2.

Dans la recommandation A07-06 à l’intention de TC, le Bureau recommande que

le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4Note de bas de page 3 soient pourvues d’une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d’un autre moyen d’immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
Recommandation A07-06 du BST

Tableau 1. Accidents et incidents mettant en cause une sortie en bout de piste au Canada, de 2005 à 2019
  2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Moyenne sur 15 ans
Nbre total de sorties en bout de piste 11 11 9 13 4 15 8 11 5 9 11 11 7 9 12 9,7
Sortie en bout de piste à l’atterrissage 10 9 7 9 3 13 7 8 3 7 6 8 5 7 10 7,5
Sortie en bout de piste au décollage 1 2 2 4 1 2 1 3 2 2 5 3 2 2 2 2,3
Tableau 2. Conditions présentes au moment des accidents et incidents mettant en cause une sortie en bout de piste au Canada, de 2005 à 2019
Condition 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Moyenne sur 15 ans
Atterrissage instable ou long 3 2 3 5 0 3 3 4 0 3 4 1 2 2 4 2,6
Conditions météo inférieures aux recommandations d’approche publiées 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 1 1 0 0,3
Piste contaminée ou état de la surface 6 4 5 5 0 6 1 1 1 2 1 4 2 3 2 2,9
Problème mécanique 0 4 1 1 0 2 1 3 1 2 2 2 0 0 0 1,3
Vent ou intempéries 4 2 2 2 0 2 0 1 0 0 0 0 0 1 1 1,0

Risques pour les personnes, les biens et l’environnement

Lorsqu’un aéronef dépasse l’extrémité de la piste, le relief et les obstacles peuvent causer des dommages à l’appareil, des blessures et même des pertes en vies humaines. Dans cette optique, les aires de sécurité d’extrémité de piste (RESA) doivent être d’une longueur suffisante ou être conçues de manière à immobiliser un avion en toute sécurité, si une sortie en bout de piste devait survenir.

Au cours des dernières années, les acteurs de l’industrie de l’aviation ont principalement pris des mesures préventives dans le but de réduire les risques d’une sortie en bout de piste avant qu’elle ne se produise. Toutefois, là où la prévention échoue, il faut réduire au minimum la gravité des dommages et les risques de blessures et de morts.

Bien que certains grands aéroports canadiensNote de bas de page 4 ont mis en place des RESA de 300 m, beaucoup d’autres ne l’ont pas encore fait. Tous les grands aéroports doivent emboîter le pas ou installer des dispositifs d’arrêt appropriés qui sont conçus pour immobiliser les aéronefs, sinon les risques seront toujours présents.

Mesures prises

En 2017, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes a recommandé la mise en place de RESA de 300 m, mesure déjà appuyée par le BST et l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)Note de bas de page 5.

En mars 2020, TC a proposé certaines dispositions qui :

  • exigent une RESA de 150 m aux aéroports qui reçoivent annuellement plus de 325 000 passagers de vols commerciaux;
  • exigent l’installation d’un dispositif d’arrêt sur les pistes où une RESA de 150 m ne peut pas être mise en place;
  • visent uniquement les pistes qui servent aux services commerciaux pour passagers.

D’après TC, une fois ces dispositions mises en œuvre, la protection des passagers contre les sorties en bout de piste pourrait s’étendre à 95 % des passagers d’ici 2038, comparativement à 75 % en 2017. Toutefois, la réglementation ne porte que sur le risque pour la majorité des passagers, et non pour tous les passagers. De plus, elle ne tient pas compte du trafic aérien sans passagers ni du relief à l’extrémité de toutes les pistes. De plus, les dispositions proposées ne respectent pas la norme de l’OACI, qui exige une RESA de 150 m pour toutes les pistes d’une longueur de 1200 m et de plus, et des dispositions pour d’autres types de pistesNote de bas de page 6. Par conséquent, le BST demeure préoccupé par le fait que, sans autre mesure, des risques subsistent pour les personnes, les biens et l’environnement.

On prévoit l’adoption d’une autre mesure qui permettra de réduire la fréquence des sorties en bout de piste. En effet, à compter de 2021, TC exigera l’utilisation du Global Reporting Format (GRF)Note de bas de page 7, un document harmonisé d’évaluation et de déclaration de l’état de la surface de piste, mis au point par l’OACI. On s’attend à ce que l’utilisation du GRF réduise les risques de sorties en bout de piste en fournissant aux équipages de conduite de meilleurs renseignements sur la méthode de freinage attendue lorsqu’ils déterminent les performances d’atterrissage.

Les mécanismes de défense technologiques dans le poste de pilotage ont également connu des avancées. Les dispositifs de connaissance et d’alerte en cas de sortie en bout de piste (ROAAS) sont désormais largement utilisés dans de nombreuses flottes d’Airbus et de Boeing, et ils peuvent être intégrés à d’autres types d’aéronefs. Avant que l’aéronef ne touche le sol, le ROAAS surveille de nombreux paramètres en vol et transmet des alertes aux pilotes si un atterrissage ne peut pas être effectué sur la distance d’atterrissage disponible sur une piste. Après le poser des roues, le ROAAS surveille l’efficacité du freinage et transmet des alertes aux pilotes si l’aéronef ne peut pas s’immobiliser dans le segment de piste restant.

D’ici la fin de 2020, l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) devrait se prononcer sur les exigences en matière de ROAASNote de bas de page 8. Ces dispositifs n’ont pas été adoptés à grande échelle par les exploitants canadiens. Cependant, certains d’entre eux ont informé le BST qu’ils prévoient en installer au cours des prochaines années. À l’heure actuelle, il n’existe aucune exigence réglementaire au Canada en ce qui a trait aux ROAAS.

Plusieurs pistes ont des contraintes géographiques qui limitent la conception et la construction de RESA adéquates. Dans de pareils cas, on pourrait adopter des solutions techniques, comme un dispositif d’arrêt à matériau absorbant. Par exemple, selon la Federal Aviation Administration, en 2020, on compte 115 dispositifs d’arrêt à matériau absorbant installés dans 66 aéroports aux États-Unis. Aucun dispositif d’arrêt à matériau absorbant n’a été installé au Canada à ce jour.

Mesures à prendre

Malgré les mesures prises jusqu’à présent, le nombre de sorties en bout de piste au Canada est demeuré constant depuis 2005. Afin de réduire ce nombre, un effort concerté est de mise.

Les exploitants d’aéroports ayant des pistes d’une longueur de plus de 1800 m doivent mener une évaluation des risques pour chaque piste et prendre les mesures nécessaires pour atténuer les risques que les sorties en bout de piste comportent pour les personnes, les biens et l’environnement.

TC doit, au minimum, adopter la norme de l’OACI concernant les RESA, ou un dispositif d’arrêt adéquat pour immobiliser les aéronefs.