Rapport d'enquête aéronautique A14W0046

Incursion sur piste
Air Georgian Limited
Beech 1900D, C-GWGA
Aéroport international de Calgary (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 29 mars 2014, des membres du personnel de maintenance d'Air Georgian Limited ont fait circuler l'aéronef Beech 1900D (immatriculé C-GWGA, numéro de série UE-309) de l'entreprise jusqu'à la plateforme d'attente de circulation de la piste 29 à l'aéroport international de Calgary (Alberta) alors qu'il faisait noir. Les instructions initiales de circulation au sol du contrôleur de la tour consistaient à partir de l'aire de trafic V et à passer par la voie de circulation N et la piste 26, puis à attendre à l'écart de la voie de circulation Y. À 0 h 24, heure avancée des Rocheuses, une incursion sur piste s'est produite lorsque l'aéronef C-GWGA est entré sur la piste en service (piste 17R) au seuil de la piste 35L. Un Boeing 737-700 au départ venait de décoller au moment où le C-GWGA est entré sur la piste.

    Renseignements de base

    Chronologie des faits

    Le 29 mars 2014, un technicien d’entretien d’aéronef (TEA) d’Air Georgian Limited devait procéder à un point fixe au sol après des travaux de maintenance sur le moteur d’un aéronef Beech 1900D (C-GWGA). Vers 0 hNote de bas de page 1, le TEA a demandé l’autorisation de faire un point fixe au sol au directeur délégué d’aéroport de la Calgary Airport Authority (CAA), comme l’exige la politique localeNote de bas de page 2. Le TEA a été autorisé à exécuter le point fixe au sol à la plateforme d’attente de circulation de la piste 29 au cours des 30 minutes suivantes. C’était la première fois que le TEA était envoyé à cet endroit pour procéder à un point fixe au sol. Le TEA a exécuté les préparatifs du point fixe au sol avec l’aide d’un apprenti, a pris connaissance du schéma Jeppesen de l’aéroport, puis a mis l’aéronef en marche.

    À 0 h 20 min 39 s, le TEA a communiqué avec le contrôleur de la tour de NAV CANADA à l’aéroport international de Calgary (CYYC) sur la fréquence sol pour demander l’autorisation de rouler jusqu’à la plateforme d’attente de circulation de la piste 29. Le contrôleur s’attendait à recevoir cet appel puisque le directeur délégué d’aéroport avait informé la tour de contrôle de l’approbation de la demande. Le contrôleur a autorisé le C-GWGA à rouler sur la voie de circulation N et la piste 26, puis à attendre à l’écart de la voie de circulation Y (annexe A). Le TEA a accusé réception de l’autorisation et l’a répétée correctement. Le TEA n’a pas activé le transpondeur. Aucun code de transpondeur n’a été attribué par le contrôleur.

    Environ 1 minute plus tard, le C-GWGA a quitté sa position devant le hangar d’Air Georgian Limited sur l’aire de trafic V. Le contrôleur offrait des services de circulation aérienne à des aéronefs à l’arrivée et au départ lorsque le C-GWGA a commencé à circuler. Selon l’expérience du contrôleur, le personnel de maintenance prend habituellement plus de temps à commencer à circuler que les équipages de conduite en service après avoir reçu les instructions. Le contrôleur ne s’attendait donc pas à ce que le C-GWGA commence à circuler si peu de temps après en avoir reçu l’autorisation.

    Le C-GWGA est sorti de l’aire de trafic V par le nord, puis a viré à gauche sur la voie de circulation M pour se diriger vers l’ouest. Il a ensuite poursuivi son chemin de la voie de circulation M à la voie de circulation Y, puis a viré à gauche pour se diriger vers le sud en direction de la voie de circulation C. À 0 h 22 min 12 s, l’équipage d’un Boeing 737-700 (B737) a appelé le contrôleur de la tour pour demander l’autorisation de décoller de la piste 17R. Le contrôleur a balayé la piste des yeux du sud au nord, puis a confirmé son information visuelle en regardant l’affichage du radar de surveillance des mouvements de surface (ASDE) du nord au sud (annexe B). Le contrôleur a remarqué une cible primaire sur la voie de circulation Y, près de l’intersection avec la voie de circulation M, mais a conclu qu’il s’agissait d’un véhicule se dirigeant vers le chemin d’accès passant au sud du seuil de la piste 35L. À 0 h 22 min 22 s, le contrôleur a autorisé le B737 à décoller de la piste 17R.

    Le C-GWGA a continué de rouler sur la voie de circulation C, puis à 0 h 24 min 10 s, a franchi la ligne d’attente au seuil de la piste 35L tandis que le B737 le survolait, en montée à 500 pieds au-dessus du sol (agl). Le C-GWGA a poursuivi son chemin sur la piste 35L, puis à 0 h 24 min 49 s, un appel a été fait au contrôleur sur la fréquence sol pour lui faire savoir que le C-GWGA se trouvait sur la piste 35L. Le contrôleur a confirmé visuellement que l’aéronef se trouvait sur la piste et lui a immédiatement ordonné de faire demi-tour pour libérer la piste et se rendre sur la voie de circulation C pour attendre à l’écart de la piste 26. Le C-GWGA a ensuite roulé jusqu’à la plateforme d’attente de circulation de la piste 29; le point fixe au sol a été fait, puis l’aéronef est retourné à l’aire de trafic V sans autre incident.

    Conditions météorologiques

    Selon le message d’observation météorologique régulière pour l’aviation (METAR) de 0 h, les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent de 190° vrai à 6 nœuds, visibilité de 5 milles terrestres dans des conditions de brume, couvert, plafond à 700 pieds agl, température de −6 °C et point de rosée de −7 °C.

    Air Georgian Limited

    Généralités

    Air Georgian Limited est une filiale de Georgian International créée en 1984. L’entreprise exploite des aéronefs Beechcraft 1900Note de bas de page 3, Cessna 680 et Bombardier CL600-2B19 de la série CRJ200. Elle offre des vols de passagers réguliers et des vols nolisés d’affaires, ainsi que des services de maintenance d’aéronef, de gestion et de formation à de grandes sociétés aériennes, des entreprises et des particuliers. Son siège social se trouve à Toronto (Ontario).

    Air Georgian Limited est un organisme de maintenance agréé (OMA) par Transports Canada. Elle a une base de maintenance principale à Toronto (Ontario) [CYYZ] et des bases secondaires à Calgary (Alberta) [CYYC] et Kingston (Ontario) [CYGK]. L’entreprise emploie environ 200 personnes, y compris des pilotes, des spécialistes de la maintenance et du personnel de bureau et de directionNote de bas de page 4, répartis entre les différentes bases.

    Systèmes de gestion de la sécurité

    Au moment de l’événement, l’OMA avait un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé. Le manuel SGS de l’exploitant explique comment il se conforme aux exigences de Transports Canada en matière de SGS.

    Une vérification interne d’assurance qualité (AQ) de l’entreprise menée le 18 décembre 2013 a révélé que 62 personnes n’avaient pas suivi une formation à jour sur le SGS. L’examen des dossiers de formation de 6 TEA à la base de Calgary réalisé par le BST a révélé que 5 d’entre eux n’avaient pas reçu de formation sur le SGS d’Air Georgian Limited au moment de l’événement. La section 8.3(a) du manuel SGS d’Air Georgian Limited stipule que : [traduction] « Tous les autres employés qui n’ont pas reçu la formation devront suivre un programme de formation au cours des 30 (trente) premiers jours d’emploi. Dans la mesure du possible, cette formation devrait faire partie du processus initial d’embauche. »

    Programme et dossiers de formation sur la maintenance des aéronefs

    Le programme de formation sur la maintenance des aéronefs d’Air Georgian Limited est consigné dans son manuel des politiques de maintenance, conformément aux règlements en vigueurNote de bas de page 5. Cette réglementation de nature générale oblige les entreprises à établir leur propre programme de formation afin que leur personnel de maintenance soit qualifié pour effectuer les tâches qui lui sont attribuées. Sauf pour la formation sur les facteurs humains, la réglementation et les normes pertinentes ne précisent pas les exigences que doit respecter le plan de cours. Le programme de formation comprend une formation initiale ainsi que des formations périodiques et d’appoint, lesquelles traitent des facteurs humains et de la réglementation. Selon le manuel des politiques de maintenance, le plan de cours de chaque programme de formation précise le temps alloué et la matière abordée. L’enquête n’a permis de découvrir aucun exemple de plan de cours dans les manuels de l’entreprise.

    Les dossiers de formation des 6 TEA à la base de Calgary comportaient des incohérences sur le plan du format et du contenu. Le format des dossiers de formation n’était pas normalisé. Seuls 2 des TEA avaient dans leur dossier un rapport informatisé d’avancement de la formation d’Air Georgian Limited. Il manquait de l’information dans de nombreux champs de ces deux rapports, qui montraient en outre un retard dans les cours de formation. La vérification d’AQ menée par l’entreprise en décembre 2013 avait trouvé de nombreux exemples d’employés n’ayant pas suivi une formation à jour sur les facteurs humains, le manuel des politiques de maintenance, le SGS et le Règlement de l’aviation canadien (RAC). Aucune pièce justificative liée à cette formation ne figurait dans la majorité des 6 dossiers de formation examinés au moment de l’événement.

    Technicien d’entretien d’aéronef

    Le TEA en cause dans l’événement possédait les brevets et les qualifications exigés par la réglementation en vigueur. Le TEA était breveté depuis février 2011. Il avait acquis cette expérience notamment à Air Georgian Limited pendant ses 11 mois en tant que chef d’équipe. Le TEA travaillait des quarts de 12 heures, soit de 18 h 30 à 6 h 30. Son horaire prévoyait 7 jours de travail consécutifs, suivis de 7 jours de congé. Il s’agissait du 4e jour d’un cycle de 7 jours. La fatigue n’est pas considérée comme un facteur contributif au moment de l’événement.

    Les dossiers indiquent que le TEA avait un pouvoir de certification – aéronefNote de bas de page 6 pour les séries d’aéronefs suivantes : C208, BE90 (King Air 200), BE02 (Beech 1900C/D) et DASH 8 100/200/300. Selon la documentation du pouvoir de certification – aéronef, l’autorisation de point fixe au sol et de circulation avait été octroyée pour le Beech 1900 après une formation suivie les 7 et 8 mai 2013. La formation est notée sur le formulaire d’autorisation et liste de contrôle de point fixe / circulation. Ce formulaire et le manuel des politiques de maintenance de l’exploitant ne précisent pas les exercices requis ou effectués dans le cadre de la formation sur le point fixe et la circulation. Air Georgian Limited n’a pas de programme de formation à la circulation sur simulateur conçu pour les TEA. Il n’est pas obligatoire de suivre ce programme pour obtenir l’autorisation initiale de faire circuler un aéronef, mais on s’attend à ce qu’il soit suivi au cours de la première année d’emploi. Le TEA, qui était autorisé à faire circuler des aéronefs depuis près de 11 mois, n’avait pas encore reçu cette portion de la formation et elle n’était pas prévue à son horaire. La formation donnée au TEA portait uniquement sur les procédures de base pour mettre l’aéronef en marche et le manœuvrer.

    Un examen des dossiers de formation du TEA en cause dans l’événement a révélé que le TEA n’avait pas reçu de formation initiale ni périodique d’Air Georgian Limited sur les politiques et procédures de l’entreprise, en matière technique et réglementaire ainsi que sur les facteurs humains relativement à ses domaines de responsabilité.

    Surveillance réglementaire

    Depuis 2011, Transports Canada (TC) a mené 2 inspections de validation de programme d’Air Georgian Limited. La première a eu lieu du 28 février au 4 mars 2011. Cette inspection de validation de programme a révélé que le programme d’AQ de l’entreprise ne permettait pas de vérifier adéquatement le respect des exigences de formation du personnel de maintenance. Le plan de mesures correctives de l’entreprise a été accepté, un suivi a eu lieu, puis TC a clos l’inspection de validation de programme le 11 juillet 2011.

    La deuxième inspection de validation de programme a eu lieu du 4 au 14 février 2014. Cette inspection de validation de programme a, elle aussi, trouvé des lacunes dans le programme d’AQ de l’entreprise. Le programme d’AQ ne respectait pas les échéances requises pour mettre en œuvre les plans de mesures correctives; il ne faisait pas les vérifications requises de l’utilisation des tolérances appliquées à la maintenance programmée ni des qualifications du personnel de maintenance appliquant ces tolérances.

    Aéroport international de Calgary

    L’aéroport CYYC détient un certificat d’aéroport délivré par TC. L’aéroport comprend 3 pistes, de nombreuses voies de circulation et 8 aires de trafic. En 2013, il était le troisième aéroport le plus achalandé au Canada, avec 244 913 mouvements d’aéronefsNote de bas de page 7 et environ 14,3 millions de passagersNote de bas de page 8. L’aéroport est un environnement complexe en raison des nombreuses pistes qui se croisent. Les autres aéroports d’importance au Canada ayant des achalandages similaires (Vancouver, Toronto et Montréal) ont des pistes parallèles.

    L’aéroport CYYC se démarque de ces aéroports par le traitement des véhicules dans les aires de manœuvre de l’aéroport. Les aires de manœuvre sont les parties d’un aérodrome prévues aux fins du décollage et de l’atterrissage des aéronefs de même que du déplacement afférent, à l’exception des aires de trafic. Les véhicules approuvés pour utilisation sur les aires de manœuvre de l’aéroport CYYC n’ont pas besoin d’obtenir une autorisation des services de la circulation aérienne (ATS) à moins d’avoir besoin de traverser une piste ou à moins que l’aéroport n’applique un plan opérationnel pour le vol par visibilité réduite ou faible visibilité (RVOP/LVOP). Un plan RVOP encadre les opérations lorsque la visibilité se situe dans la fourchette de portées visuelles de piste (RVR) de 2600 pieds à 1200 pieds, tandis que le plan LVOP s’applique aux opérations lorsque la RVR est inférieure à 1200 piedsNote de bas de page 9. Habituellement, dans les aéroports, les ATS contrôlent directement les véhicules dans l’aire de manœuvre. La CAA exerce un contrôle strict sur ces approbations et les accorde en suivant les procédures décrites dans ses directives de circulation côté pisteNote de bas de page 10. Pour réduire la circulation des véhicules dans l’aire de manœuvre, les aéroports peuvent mettre en place des voies de service réservées aux véhicules. Les infrastructures de l’aéroport CYYC réservées aux véhicules sont limitées.

    Tous les panneaux illuminés pour les routes de circulation prévue et réellement suivie étaient fonctionnels au moment de l’événement (annexe C).

    L’enquête a aussi comporté une analyse du contenu du Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation civile (SCRQEAC). Cette analyse a porté sur les comptes rendus des 10 dernières années de l’aéroport CYYC et de 5 autres aéroports canadiens semblablesNote de bas de page 11. Parmi les 6 aéroports étudiés, l’aéroport CYYC avait le plus faible nombre d’incidents signalés mettant en cause des véhicules dans les aires de manœuvre.

    Équipe de sécurité des pistes de l’aéroport

    L’équipe de sécurité des pistes de l’aéroport CYYC a été formée en décembre 2011. Son but est de promouvoir la discussion entre NAV CANADA, la CAA et les utilisateurs de l’aéroport CYYC à propos des dangers propres à l’aménagement de l’aéroport. L’équipe de sécurité des pistes est coprésidée par le gestionnaire de tour de contrôle de NAV CANADA et le directeur de la conformité du terrain d’aviation de la CAA. Des réunions sont organisées deux fois par année, et les exploitants qui ont régulièrement recours aux services de l’aéroport CYYC sont invités à y participer.

    L’équipe a les objectifs suivants :

    • améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion des données sur la sécurité des pistes;
    • recommander des améliorations afin de réduire le risque d’incursion sur piste à l’aéroport international de Calgary;
    • favoriser les échanges sur les questions de sécurité des pistes au sein de tous les groupes d’utilisateurs de l’aéroport international de Calgary.

    NAV CANADA

    Exploitation de la tour de contrôle

    À l’aéroport CYYC, les services de circulation aérienne (ATS) sont assurés 24 heures sur 24 par NAV CANADA. La tour de contrôle fournit des ATS dans la zone de contrôleNote de bas de page 12.

    Pendant le quart de nuit (23 h 15 à 7 h 45), il y a normalement 2 contrôleurs en service dans la tour de contrôleNote de bas de page 13. Ces 2 contrôleurs se chargent des 5 postes de la tour (aéroport, terrain nord, terrain sud, octroi des autorisations et coordination de la tour). Ce niveau de dotation permet normalement à 1 des contrôleurs de prendre une courte pause sans perturber les opérations. Les 2 contrôleurs évaluent la situation du trafic, puis décident ensemble du moment des pauses. Un des contrôleurs a pris une pause à 23 h 45, laissant le contrôleur en cause dans l’événement seul pour s’occuper de tous les postes pendant les 39 minutes qui ont précédé l’événement. Ils avaient évalué que le volume de trafic était faible et sa complexité, moyenne.

    Contrôleur de la tour

    Le contrôleur de la tour détenait une licence et avait les qualifications requises par la réglementation au moment de l’événement. Le contrôleur cumulait 5,5 années d’expérience du contrôle de la circulation aérienne, dont 2 à la tour de contrôle de Calgary. Le tableau 1 donne un aperçu de l’horaire de travail du contrôleur pour les 3 semaines précédant l’événement. Le jour de l’événement était le dernier de 6 jours de travail consécutifs. Au cours des 3 derniers jours, il avait commencé des débuts de quart devancés de plus en plus tôt chaque jour. À la date de l’événement, le contrôleur avait travaillé de jour jusqu’à 14 h 13, puis était revenu au travail le même jour à 23 h 15 pour prendre son service de nuit à 23 h 45. Bien que le BST ait conclu précédemment qu’il y a un risque de fatigue au cours des quarts de nuit avec ce type de rotation des quartsNote de bas de page 14, la fatigue n’est pas considérée comme un facteur contributif à cet événement.

    Tableau 1. Horaire du contrôleur pour mars 2014
    Image
    Horaire du contrôleur pour mars 2014

    Radar de surveillance des mouvements de surface

    L’aéroport CYYC est équipé d’un radar de surveillance des mouvements de surface (ASDE) qui permet de voir dans la tour un affichage en temps réel des aéronefs et autres véhicules circulant dans les aires de manœuvre de l’aéroport. Le type d’ASDE utilisé à l’aéroport CYYC, le NOVA 9000, est conçu pour un fonctionnement continu et nécessite très peu d’interventions du personnel de contrôle. Le Manuel d’exploitation (MANOPS) de NAV CANADANote de bas de page 15 considère l’exploration visuelle comme la principale technique à utiliser pour confirmer le trafic dans l’aéroport avant de donner des autorisations et instructions. Il dit aux contrôleurs qu’ils peuvent utiliser l’ASDE en complément de l’observation visuelle du trafic dans l’aéroport la nuit, lorsque la visibilité est restreinte ou lorsque cela peut avoir des avantages pour l’exploitationNote de bas de page 16.

    Pour plus de sécurité lorsque la visibilité est limitée, la configuration de l’ASDE comprend des barres d’arrêt virtuelles situées à proximité des lignes d’attente physiques; ces barres d’arrêt ne sont visibles qu’à l’écran de l’ASDE. Les équipages des aéronefs et conducteurs de véhicules n’ont aucune indication que les ATS utilisent cette fonction. Les barres d’arrêt virtuelles réduisent le risque d’incursion sur piste, car elles font retentir une alarme lorsqu’une cible entre sur une piste (ou la traverse) si elles n’ont pas été désactivées au préalable. C’est au contrôleur de la tour qu’il incombe de désactiver les barres d’arrêt pour tous les aéronefs ou véhicules qui avancent sur une piste en service (ou la traversent). Les aéronefs qui ont atterri (ou se trouvent sur la piste) et en sortent ne déclenchent pas d’alarme. Pour réduire le nombre de fausses alarmes, les barres d’arrêt virtuelles sont placées juste après les lignes d’attente. Le contrôleur a le choix entre quatre options lorsqu’il sélectionne un groupe de barres d’arrêt virtuelles : RVOP 17R, RVOP 35L, RVOP 29 et RVOP DEP 11. Elles n’activent que les barres d’arrêt virtuelles pertinentes pour la piste sélectionnée.

    L’utilisation des barres d’arrêt virtuelles est obligatoire en conditions RVOP, mais on peut aussi les utiliser dans d’autres circonstances pour plus de sécurité. Aucune des barres d’arrêt virtuelles n’était activée au moment de l’événement.

    Système de multilatération

    L’aéroport CYYC est l’un des 3 aéroports canadiensNote de bas de page 17 à avoir installé un système de multilatération (MLAT) pour la surveillance des mouvements de surface. Le système de MLAT utilise un réseau de détecteurs au sol pour recevoir les signaux des transpondeurs. Il fournit une surveillance accrue au sol et calcule la position d’un véhicule ou d’un aéronef en interrogeant ses transpondeurs depuis plusieurs antennes. L’utilisation de ce réseau de détecteurs permet une couverture complète du terrain d’aviation. Les données de MLAT sont combinées à celles du radar de surveillance des mouvements de surface pour créer une image que voit le contrôleur sur l’affichage ASDE.

    Selon le manuel d’exploitation d’unité de la tour de contrôle de CalgaryNote de bas de page 18, tous les aéronefs sont censés laisser leur transpondeur activé lors des manœuvres sur les aires de trafic, les voies de circulation et les pistes. On demande aux aéronefs qui n’ont pas reçu de code de transpondeur des ATS d’utiliser le code de transpondeur 1000 afin que leur immatriculation civile soit visible sur l’affichage ASDE s’ils sont équipés d’un transpondeur en mode S.

    Les directives sur l’utilisation des transpondeurs se trouvent dans les documents Supplément de vol – CanadaNote de bas de page 19 et Canada Air PilotNote de bas de page 20 de NAV CANADA. Dans les publications de Jeppesen, les directives d’utilisation des transpondeurs ne sont notées que dans la section d’information sur l’aéroport pour l’aéroport CYYC. Le TEA n’était pas au courant des exigences d’utilisation du transpondeur pendant la circulation. Le contrôleur ne lui a pas attribué de code discret ni ordonné d’utiliser le code de transpondeur 1000. Selon l’expérience du contrôleur, contrairement aux aéronefs au départ, les aéronefs déplacés au sol par le personnel de maintenance ne recevaient pas systématiquement de code de transpondeur.

    Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST rend publics les enjeux qui font courir les risques les plus grands au système de transport du Canada.

    Le risque de collision sur les pistes figure sur la Liste de surveillance depuis 2010. Le Bureau demeure préoccupé du fait que tant que l’on n’aura pas mis en place de meilleurs moyens de protection, comme de meilleures façons de procéder et des systèmes anticollision améliorés, ce risque persistera.

    Analyse

    Généralités

    La visibilité était de 5 milles terrestres dans des conditions de brume au moment de l’événement. L’incursion est survenue pendant qu’il faisait noir, mais les panneaux illuminés pour les routes de circulation prévue et réellement suivie étaient fonctionnels au moment de l’événement. Le technicien d’entretien d’aéronef (TEA) possédait les brevets et les qualifications exigés par la réglementation en vigueur. Le contrôleur de la tour détenait une licence et avait les qualifications requises par la réglementation au moment de l’événement. L’analyse s’efforce principalement de déterminer pourquoi le TEA n’a pas suivi la route de circulation prévue, pourquoi le contrôleur ne s’en est pas aperçu et pourquoi l’aéronef a pénétré sur une piste en service sans autorisation.

    Formation du technicien d’entretien d’aéronef

    La formation sur la circulation au sol donnée au TEA portait uniquement sur les procédures de base pour mettre l’aéronef en marche et le manœuvrer. Le TEA n’avait pas reçu de formation sur la circulation sur l’aire de manœuvre. Par conséquent, le TEA n’a pas suivi la route de circulation prévue même s’il a croisé de nombreux panneaux indicateurs de voie de circulation, balises lumineuses et points de repère lui indiquant qu’il ne se trouvait pas où il était censé être. Le fait que le TEA ignorait l’obligation d’activer le transpondeur lors de la circulation témoigne aussi des lacunes de sa formation. La formation de l’entreprise que le TEA avait reçue ne l’avait pas bien préparé à toute la complexité de la circulation au sol avec un aéronef dans un grand aéroport pendant la nuit, ce qui a causé l’incursion sur piste.

    Programme et dossiers de formation sur la maintenance des aéronefs

    La réglementation et les normes qui s’appliquent à la formation sur la maintenance sont de nature générale. Il est d’autant plus important que l’entreprise établisse un programme afin que ses employés aient la formation voulue pour les tâches qui leur sont confiées. Le programme d’assurance qualité (AQ) exigé par la réglementation en vigueur vise à permettre à une entreprise de détecter les problèmes de ses programmes, comme les dossiers de formation, et de tenter de s’améliorer continuellement.

    Les dossiers de formation du personnel de maintenance d’Air Georgian Limited n’étaient ni complets ni uniformes. Malgré le programme d’AQ de l’exploitant, plusieurs de ces problèmes sont passés inaperçus, et les problèmes cernés n’ont pas été corrigés efficacement. C’est ainsi que des tâches ont pu être exécutées par des personnes qui n’avaient pas nécessairement les compétences requises.

    Si une entreprise n’a pas de système efficace pour contrôler et consigner les exigences de formation, il y a un risque que des employés se voient confier des tâches pour lesquelles ils ne sont pas formés.

    Utilisation de la multilatération à l’aéroport international de Calgary

    Le contrôleur en cause dans l’événement était habitué à ce que les aéronefs conduits par le personnel de maintenance ne se mettent pas en mouvement aussi rapidement après la réception des instructions de circulation que lors des opérations normales. C’est pourquoi il n’a pas surveillé l’endroit où le C-GWGA se trouvait en s’occupant d’autres mouvements. Le contrôleur n’avait pas attribué de code discret ni ordonné au TEA d’utiliser le code de transpondeur 1000. Sans affichage de données de transpondeur, il était plus difficile pour le contrôleur de voir que l’aéronef circulait dans la mauvaise direction. Lorsque le contrôleur a regardé l’affichage de l’ASDE (radar de surveillance des mouvements de surface), il a vu la cible primaire produite par le C-GWGA qui approchait de la piste 35L, mais comme elle n’était pas accompagnée de données, il a supposé qu’il s’agissait d’un véhicule et l’a ignorée. Le C-GWGA n’avait pas reçu de code de transpondeur comme le prévoit le manuel d’exploitation d’unité de la tour de contrôle de Calgary. En conséquence, le contrôleur ne voyait pas clairement où l’aéronef circulait et n’a donc pas pu intervenir avant que l’aéronef franchisse la ligne d’attente.

    Circulation de véhicules côté piste à l’aéroport international de Calgary

    Avant de donner l’autorisation de décoller au B737, le contrôleur a consulté l’affichage de l’ASDE pour confirmer que la piste était libre. Lorsqu’il a vu une cible primaire se dirigeant vers le sud à l’intersection entre les voies de circulation Y et C, il a présumé qu’il s’agissait d’un véhicule. Il en est arrivé à cette conclusion, étant donné qu’il avait observé des véhicules se comportant de cette manière par le passé. Cette supposition a été renforcée par le fait que les contrôleurs ont l’habitude de voir des cibles ASDE non corrélées (produites par les véhicules qui ne communiquent pas avec les ATS) sur les voies de circulation de l’aéroport CYYC. Le nombre d’incursions sur piste de véhicules à l’aéroport CYYC est faible même si les ATS ne contrôlent pas la circulation de tous les véhicules. C’est pourquoi les contrôleurs peuvent présumer qu’une cible non corrélée est fort probablement un véhicule.

    Sauf lorsque la visibilité est faible ou réduite, la Calgary Airport Authority n’exige pas de contrôle intégral des véhicules en service sur une voie de circulation. C’est pourquoi le contrôleur a supposé, à tort, que le C-GWGA était un véhicule.

    Radar de surveillance des mouvements de surface et barres d’arrêt virtuelles

    L’ASDE installé à l’aéroport CYYC fonctionnait comme prévu. Au moment de l’événement, le contrôleur se fiait principalement à l’exploration visuelle, ce qui était approprié étant donné les conditions météorologiques et la visibilité. Le contrôleur utilisait l’ASDE comme outil complémentaire d’observation du trafic dans les aires de manœuvre. La fonction de barre d’arrêt virtuelle était disponible, mais pas utilisée, car elle n’était pas requise dans ces conditions de visibilité. Comme le contrôleur travaillait seul à la noirceur avec une visibilité de 5 milles terrestres dans des conditions de brume, cet outil supplémentaire aurait pu être utile. Si la fonction de barre d’arrêt virtuelle de l’ASDE n’est pas activée, il y a un risque accru que le contrôleur ne s’aperçoive pas d’un franchissement non autorisé de la ligne d’attente de piste.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La formation de l’entreprise que le technicien d’entretien d’aéronef (TEA) a reçue ne l’avait pas bien préparé à toute la complexité de la circulation au sol avec un aéronef dans un grand aéroport pendant la nuit, ce qui a causé l’incursion sur piste.
    2. Le C-GWGA n’avait pas reçu de code de transpondeur comme le prévoit le manuel d’exploitation d’unité de la tour de contrôle de Calgary. En conséquence, le contrôleur ne voyait pas clairement où l’aéronef circulait et n’a donc pas pu intervenir avant que l’aéronef franchisse la ligne d’attente.
    3. Sauf lorsque la visibilité est faible ou réduite, la Calgary Airport Authority n’exige pas de contrôle intégral des véhicules en service sur une voie de circulation. C’est pourquoi le contrôleur a supposé, à tort, que le C-GWGA était un véhicule.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si la fonction de barre d’arrêt virtuelle de l’ASDE (radar de surveillance des mouvements de surface) n’est pas activée, il y a un risque accru que le contrôleur ne s’aperçoive pas d’un franchissement non autorisé de la ligne d’attente de piste.
    2. Si une entreprise n’a pas de système efficace pour contrôler et consigner les exigences de formation, il y a un risque que des employés se voient confier des tâches pour lesquelles ils ne sont pas formés.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Calgary Airport Authority

    Le 14 avril 2014, la Calgary Airport Authority (CAA) a envoyé une lettre à tous les exploitants à l’aéroport international de Calgary (CYYC) pour les informer de changements apportés aux directives de circulation côté piste. Cette lettre indiquait notamment que les changements suivants entreraient en vigueur immédiatement :

    [traduction] Dorénavant, la Calgary Airport Authority ne considérera plus un brevet de technicien d’entretien d’aéronef (TEA) comme une autorisation suffisante pour remorquer ou faire circuler un aéronef sur le terrain d’aviation YYC. Tous les TEA qui remorquent ou font circuler des aéronefs devront avoir un permis d’exploitation de véhicules côté piste.

    La CAA contrôle la formation et la délivrance des permis d’exploitation de véhicules côté piste au moyen de ses directives de circulation côté piste.

    En outre, la CAA a décidé d’équiper tous ses véhicules côté piste de transpondeurs de manière qu’ils puissent être identifiés par des codes discrets sur le système de multilatération (MLAT). Le 1er janvier 2015, une directive de la CAA obligeant tous les véhicules exploités dans l’aire de manœuvre à avoir un transpondeur unique compatible MLAT est entrée en vigueur.

    Air Georgian Limited

    L’entreprise a mené une enquête interne du système de gestion de la sécurité (SGS) sur l’événement et a produit un rapport préliminaire dans le cadre du SGS. L’enquête de l’entreprise a identifié les causes profondes de l’événement et des mesures correctives à court et à long termes ont été recommandées.

    Par suite de cette enquête interne, Air Georgian Limited a établi de nouvelles politiques et procédures, ainsi qu’un programme formation pour guider les activités de maintenance afférentes à la circulation au sol d’aéronefs. Ces changements sont exposés dans une révision du manuel des procédures de maintenance de l’entreprise intitulée Maintenance Taxi Procedures. Cette révision, datée du 30 décembre 2014, comprend les changements suivants :

    • politique définissant les qualifications nécessaires pour faire circuler un aéronef;
    • directives sur les tâches et responsabilités du personnel de maintenance qui participe aux activités de circulation, ainsi que l’équipement et les cartes nécessaires;
    • établissement de conditions météorologiques, de piste et de voie de circulation minimales pour les activités de circulation;
    • création de listes de contrôle et de procédures d’exploitation normalisées pour le personnel de maintenance qui participe aux manœuvres au sol d’un aéronef;
    • programme de formation initial et périodique composé de cours en classe et sur simulateur.

    En janvier 2015, environ 70 % du personnel de maintenance de l’entreprise avait terminé cette formation. Les membres du personnel ne seront pas autorisés à participer aux activités de circulation avant d’avoir suivi la formation appropriée.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Schéma et routes de circulation de l’aéroport international de Calgary

    Annexe B – Affichage du radar de surveillance des mouvements de surface (ASDE) à 0 h 22 lorsque le Boeing 737 a été autorisé à décoller

    Annexe C – Panneaux illuminés de l’aéroport – côté sud