Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21C0038

Collision avec le relief
Great Slave Helicopters 2018 Ltd.
Airbus Helicopters AS350 B2 (hélicoptère), C-FYDA
Île Griffith (Nunavut)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Vers 15 h 48, heure avancée du Centre, le 25 avril 2021, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 (immatriculation C-FYDA, numéro de série 4157), exploité par Great Slave Helicopters 2018 Ltd., a quitté un camp éloigné sur l’île Russell (Nunavut) pour un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut), situé à 87 milles marins au nord-est. À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après avoir passé 12 jours à mener des recherches sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pour les prochains jours.

    Vers 16 h 33, heure avancée du Centre, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief enneigé de l’île Griffith (Nunavut), à environ 12 milles marins au sud-ouest de l’aéroport de Resolute Bay, sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue. L’hélicoptère a été détruit, et un incendie après impact a consumé une grande partie du fuselage. La radiobalise de repérage d’urgence a été détruite lors de l’impact et n’a émis aucun signal de détresse. Il n’y a eu aucun survivant.

    Outre les circonstances qui ont vraisemblablement mené à la collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, l’enquête a porté sur les facteurs qui ont probablement influencé le processus décisionnel du pilote, sur les moyens de défense organisationnels en place chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd. et sur l’environnement réglementaire.

    Prise de décisions du pilote

    L’enquête a permis de constater que le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada fournit très peu de directives aux exploitants et aux pilotes en ce qui a trait aux stratégies à adopter pour reconnaître les conditions de lumière plate et de voile blanc et y faire face. Par conséquent, les pilotes peuvent ne pas disposer de certains renseignements essentiels leur permettant soit d’éviter le vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (inadvertent flight into instrument meteorological conditions, IIMC), soit d’y faire face; ce manque de renseignements accroît le risque de collision avec le relief. Dans l’événement à l’étude, l’expérience limitée du pilote en matière de vol au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps a probablement eu pour effet de diminuer sa perception du risque, ce qui a influencé sa décision de poursuivre le vol au-dessus d’un relief enneigé sans caractéristiques marquées sous un ciel couvert et par faible visibilité, des conditions propices à la présence de lumière plate et de voile blanc.

    En outre, lorsque les entreprises mènent des opérations dans des régions éloignées, il est important qu’elles mettent en œuvre des mesures pour assurer un niveau de supervision adéquat et qu’elles s’assurent que des ressources sont en place pour appuyer la prise de décisions du pilote. Le jour de l’événement à l’étude, le pilote a probablement accordé beaucoup d’importance à l’évaluation faite par le client selon laquelle les conditions météorologiques étaient propices au vol de retour vers l’aéroport de Resolute Bay, ce qui l’a amené à penser qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir des renseignements météorologiques supplémentaires ou un exposé météorologique officiel de la part d’une source comme NAV CANADA. En conséquence, les marges de sécurité ont été réduites par inadvertance. Si les exploitants s’en remettent officieusement aux clients pour les activités de suivi des vols ou encouragent les pilotes à se fier à eux à cet égard, il y a un risque accru que les pilotes ne bénéficient pas d’une supervision suffisante ni du soutien nécessaire à la prise de décisions, par exemple en ce qui concerne la transmission des renseignements météorologiques.

    Moyens de défense contre les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    L’enquête a permis de déterminer que lorsque l’hélicoptère, qui était piloté selon les règles de vol à vue (VFR) de jour, s’est approché de la plus haute élévation de l’île Griffith, il est probable que le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, le ciel couvert et les bourrasques de neige ont créé des conditions de lumière plate et de voile blanc correspondant à des conditions météorologiques de vol aux instruments. Ensuite, alors que le pilote tentait vraisemblablement de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réaction à un IIMC, une descente non intentionnelle a fait en sorte que l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    Formation

    Pour prendre des décisions optimales, les pilotes s’appuient sur leur expérience et leur formation pour acquérir une conscience de la situation en cherchant activement des indices pertinents, en comprenant ces indices et en anticipant la façon dont ces indices pourraient avoir une incidence sur le vol. Toutefois, dans l’événement à l’étude, la décision du pilote de décoller était fondée sur une compréhension incomplète des prévisions météorologiques le long de la route prévue. Par conséquent, il est probable que son modèle mental inexact ait eu pour effet de diminuer la perception de l’importance de la planification de mesures d’urgence en cas de conditions météorologiques défavorables.

    La réglementation en vigueur relative aux vols de jour en hélicoptère selon les règles de vol à vue est principalement axée sur des moyens de défense destinés à éviter les IIMC. Le pilote de l’événement à l’étude n’était donc pas tenu d’avoir reçu une formation lui permettant de sortir d’un IIMC.

    Étant donné que rien n’oblige les exploitants d’hélicoptères commerciaux à s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol selon les règles de vol à vue sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

    Le BST a déjà demandé que les pilotes professionnels d’hélicoptère soient tenus de subir, au cours de leur contrôle annuel de la compétence du pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Cependant, Transports Canada n’a pas encore pris suffisamment de mesures à cet égard. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-01 du BST

    Technologie

    Non seulement la réglementation en vigueur relative aux vols de jour en hélicoptère selon les règles de vol à vue n’exige-t-elle pas que les pilotes aient reçu une formation en matière de sortie d’IIMC, mais elle n’exige pas non plus que les aéronefs utilisés pour ces vols soient équipés d’une technologie pouvant aider à éviter les IIMC et à en sortir. Les instruments de vol constituent l’un des exemples les plus élémentaires de cette technologie. En outre, plusieurs avancées technologiques ont été réalisées qui peuvent améliorer la conscience de la situation des pilotes et, par conséquent, contribuer à la réduction du nombre d’accidents attribuables à un IIMC.

    Le BST a déjà tenté de résoudre les problèmes de sécurité liés aux accidents d’hélicoptères de collision avec le relief, en demandant un renforcement des exigences en matière d’instruments de vol et d’autres systèmes tels que les altimètres radar. À ce jour, Transports Canada n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite à ces recommandations, qui ont été émises il y a plus de 30 ans. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux mettent en œuvre une technologie qui aidera les pilotes à éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et à en sortir.
    Recommandation A24-02 du BST

    Environnement réglementaire

    Procédures d’exploitation normalisées

    L’enquête a permis d’établir que Great Slave Helicopters 2018 Ltd. avait adopté une approche conforme à la réglementation en vigueur, qui mise sur la capacité d’un pilote à éviter un IIMC. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude n’avait pas les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) sont largement reconnues comme outil de renforcement de la sécurité dans les opérations en équipage multiple, et bon nombre de ces avantages s’appliquent également aux opérations à un seul pilote. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation donnée; une ligne de conduite qui n’est pas idéale pourrait réduire les marges de sécurité. Toutefois, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien sont autorisées sans qu’il y ait de SOP.

    Si des SOP ne sont pas exigées pour les opérations à un seul pilote des exploitants régis par les sous-parties 604, 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien, il se peut que ces pilotes ne bénéficient pas du soutien essentiel à la prise de décisions, ce qui accroît la possibilité qu’ils effectuent des vols comportant des niveaux de risque inutilement élevés. Les pilotes et les passagers de ces aéronefs sont par conséquent exposés à un risque accru d’accident résultant d’une prise de décisions inefficace et de la charge de travail cognitive en réponse à des situations nouvelles ou inattendues. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants qui effectuent des opérations à un seul pilote en vertu de la sous-partie 604 et de la partie VII du Règlement de l’aviation canadien élaborent des procédures d’exploitation normalisées fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur afin de soutenir la prise de décisions du pilote.
    Recommandation A24-03 du BST

    Exigences relatives aux hélicoptères pour les opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé

    De plus, un grand nombre d’exploitants d’hélicoptères et d’avions en vol selon les règles de vol à vue sont autorisés par Transports Canada à effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé. L’approbation, accordée à titre de spécification d’exploitation, décrit les exigences auxquelles les exploitants doivent satisfaire pour effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé. Certaines de ces exigences sont les mêmes pour les hélicoptères et les avions; toutefois, les exigences relatives aux limites de visibilité, à l’équipement de bord et à la formation des pilotes sont moins rigoureuses pour les hélicoptères que pour les avions. Pourtant, le BST a établi que les accidents d’hélicoptères sont plus de deux fois plus susceptibles d’être liés à une perte de repères visuels que les accidents d’avions.

    Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant de la spécification d’exploitation pertinente à effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre et avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un risque accru de collision avec le relief en cas de perte de repères visuels. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports renforce les exigences imposées aux exploitants d’hélicoptères qui effectuent des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé, afin de s’assurer que les pilotes bénéficient d’un degré de protection acceptable contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-04 du BST

    Gestion de la sécurité

    Bien que la réglementation ne l’exige pas, Great Slave Helicopters 2018 Ltd. a mis en place un système destiné à gérer la sécurité, semblable à un système de gestion de la sécurité. Un système de gestion de la sécurité permet aux entreprises de gérer la sécurité de façon proactive, en cernant rapidement les dangers susceptibles de diminuer les marges de sécurité et en mettant en œuvre des moyens de défense pour réduire ces risques. L’enquête a permis d’établir que le processus de gestion des risques de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. avait surestimé l’état de préparation opérationnelle du pilote de l’événement à l’étude et la capacité des moyens de défense en place à atténuer le risque posé par des conditions de lumière plate et de voile blanc. Par conséquent, le pilote en question a été chargé d’effectuer des opérations en région éloignée, au-delà de la limite forestière, sans que des mesures de protection suffisantes soient prises pour assurer le maintien de marges de sécurité adéquates. Si Transports Canada n’exige pas que tous les exploitants régis par la partie VII du Règlement de l’aviation canadien disposent d’un système de gestion de la sécurité et n’évalue pas l’efficacité de ces systèmes, il y a un risque que les exploitants s’appuient sur des processus inadéquats pour gérer la sécurité.

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de l’accident, Great Slave Helicopters 2018 Ltd. a pris plusieurs mesures de sécurité. Parmi celles-ci figurent notamment une pause-sécurité à l’échelle de l’entreprise pour s’assurer que l’ensemble du personnel était apte à poursuivre ses activités en toute sécurité; des modifications apportées aux SOP à la suite de discussions avec les pilotes au sujet du pilotage « dans le blanc »; une formation améliorée et des documents de référence révisés concernant les procédures relatives aux aéronefs en retard; une formation périodique des pilotes accrue mettant l’accent sur la prise de décisions du pilote; plusieurs modifications apportées à son système utilisé pour gérer la sécurité; la mise en place de réunions trimestrielles de gestion de la sécurité; et la mise sur pied d’un sous-comité où les pilotes et les techniciens d’entretien d’aéronef participent au processus d’examen des rapports issus du système utilisé pour gérer la sécurité.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    1.1.1 Contexte

    Le 13 avril 2021, un hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 (AS350 B2), exploité par Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (GSH), a quitté l’aéroport de Resolute Bay (CYRB) (Nunavut) pour se rendre à un camp éloignéNote de bas de page 1 (camp 1 – figure 1) sur l’île Russell (Nunavut), à environ 87 milles marins (NM) au sud-ouest. L’hélicoptère a été exploité à partir du camp 1 pendant les 12 jours suivants afin de mener des recherches sur les ours polaires dans le cadre d’un contrat avec le Programme du plateau continental polaire (PPCP).

    Figure 1. Photo de l’hélicoptère de l’événement à l’étude au camp 1 sur l’île Russell (Source : Hosia Kadloo)
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    Photo de l’hélicoptère de l’événement à l’étude au camp 1 sur l’île Russell (Source : Hosia Kadloo)

    Vers 7 h 15Note de bas de page 2 le 25 avril 2021, le personnel du PPCP à Resolute Bay a examiné les conditions météorologiques réelles et prévues pour la régionNote de bas de page 3. Bien que les conditions météorologiques au camp étaient bonnes, un système dépressionnaire en provenance du sud-est avançait en direction de Resolute Bay. Vers 9 h, le personnel du PPCP a communiqué par téléphone satellite avec le biologiste (en chef) sur place. Le biologiste s’est d’abord renseigné sur la possibilité de se déplacer à la baie Creswell (Nunavut) (à environ 120 NM au sud-est de l’île Russell); toutefois, étant donné que le système en approche risquait de donner lieu à plusieurs jours d’interdiction de vol en raison des conditions de blizzard, toutes les parties ont convenu qu’il serait préférable de démonter le camp et de retourner à CYRB avant que le système dépressionnaire n’atteigne la région plus tard dans la journée. Le personnel du PPCP a estimé qu’il faudrait de 8 à 10 heures avant que les conditions météorologiques dans la région commencent à se détériorer. Le biologiste a indiqué qu’il faudrait environ 4 heures pour démonter le camp, qui serait ensuite transporté à CYRB au moyen d’un aéronef de Havilland DHC-6 (Twin Otter). Par conséquent, le personnel du PPCP croyait que l’hélicoptère serait de retour à Resolute Bay avant que le système météorologique n’atteigne la région. Le pilote d’hélicoptère qui était le pilote de l’événement à l’étude n’a pas participé directement aux discussions avec le PPCP.

    Peu après la décision de démonter le camp 1, le biologiste en chef a envoyé un message à un autre biologiste travaillant dans un camp (camp 2) situé à environ 100 NM au nord-nord-est (66 NM au nord-ouest de CYRB). Le biologiste en chef a indiqué qu’il faisait beau et qu’il était possible qu’ils effectuent des vols jusqu’à ce que le démontage soit terminé. L’autre biologiste a déclaré qu’il neigeait à son camp, que le ciel était couvert et qu’il régnait des conditions de lumière « complètement plate » rendant la marche difficile en raison du faible contraste (voir la section 1.18.2 Conditions de lumière plate et de voile blanc).

    À 10 h 21, le pilote de l’événement à l’étude a envoyé un message satellite au personnel du PPCP pour demander les prévisions de zone graphique (GFA) entre le camp et la baie Creswell. Environ 20 minutes plus tard, avant que le personnel du PPCP n’ait répondu à son message envoyé à 10 h 21, le pilote a envoyé un nouveau message au personnel du PPCP pour lui dire qu’il retournerait à CYRB ce jour-là. Environ 1 minute plus tard, le personnel du PPCP a répondu que la baie Creswell était sous un couvert nuageux et qu’il était prévu de rapatrier le camp de l’île Russell à Resolute Bay. Le pilote a accusé réception du message. Aucun autre renseignement sur les conditions météorologiques n’a été échangé entre le personnel du PPCP et le pilote. À 11 h 11, le pilote a avisé le répartiteur de GSH qu’il serait de retour à CYRB à 16 h.

    Vers 11 h 30, le biologiste en chef a informé le personnel du PPCP, par téléphone satellite, que les conditions météorologiques au camp étaient encore bonnes. Le personnel du PPCP a indiqué que les conditions météorologiques à CYRB étaient toujours adéquates pour les opérations aériennes.

    À 12 h 45, un aéronef Twin Otter est arrivé au camp 1 sur l’île Russell. Le pilote du Twin Otter a eu une brève discussion sur les conditions météorologiques avec quelqu’un au camp, mais il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agissait du biologiste en chef ou du pilote de l’événement à l’étude. L’échange d’information s’est limité à dire que le temps était convenable à CYRB, mais qu’il ne faisait pas aussi beau qu’au camp. L’aéronef Twin Otter a ensuite été chargé d’équipement du camp et a décollé à destination de CYRB à 13 h 15. Le plan consistait à décharger l’équipement à CYRB et à retourner au camp, à transporter 3 guides locaux à Arctic Bay (Nunavut), puis à ramener le reste de l’équipement du camp à CYRB.

    Vers 13 h 30, le biologiste en chef a envoyé un message à l’autre biologiste du camp 2, indiquant qu’il démontait le camp 1 et qu’il retournait à CYRB. Le biologiste du camp 2 a déclaré que les conditions de luminosité actuelles étaient « plates, plates, plates » et que la visibilité était « terrible ».

    À 15 h 20, l’aéronef Twin Otter est revenu au camp 1, en provenance de Resolute Bay. Le reste de l’équipement a été chargé et les guides locaux sont montés à bord de l’avion, qui a décollé à 15 h 41 à destination d’Arctic Bay.

    1.1.2 Vol à l’étude

    À 15 h 48, l’hélicoptère de l’événement à l’étude a quitté le camp 1 pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de CYRB (figure 2)Note de bas de page 4. La route du vol de l’événement vers CYRB a mené l’hélicoptère au-dessus d’un mélange de glace solide et de morceaux de glace (c.-à-d., des radeaux de glace) entre l’île Russell et l’île Griffith (Nunavut)Note de bas de page 5. À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et le biologiste en chef. Environ 3 minutes après le décollage, un message provenant du dispositif de messagerie par satellite du pilote a été envoyé au répartiteur de GSH et au personnel du PPCP indiquant que l’hélicoptère avait décollé et qu’il arriverait à CYRB vers 16 h 45.

    Figure 2. Route de vol de l’événement à l’étude, avec agrandissement en médaillon du lieu de l’événement et de la route prévue (Source des deux images : Google Earth, avec annotations du BST basées sur les données de position du système de suivi des vols par satellite de l’aéronef)
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    Route de vol de l’événement à l’étude, avec agrandissement en médaillon du lieu de l’événement et de la route prévue (Source des deux images : Google Earth, avec annotations du BST basées sur les données de position du système de suivi des vols par satellite de l’aéronef)

    Pendant les 25 premières minutes du vol, l’hélicoptère a volé de manière générale à une vitesse de 110 nœuds et à une altitude se situant entre 250 pieds et 1000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Du camp jusqu’au bord est de l’île Russell, la trajectoire de l’hélicoptère correspondait à une route directe entre le camp et CYRB. Pendant la première moitié de la portion du vol entre l’île Russell et l’île Griffith, l’hélicoptère a dévié de 1,0 à 1,5 NM à gauche de la route directe. Environ mi-chemin entre l’île Russell et l’île Griffith, l’hélicoptère a modifié sa trajectoire vers la droite, jusqu’à ce qu’il se trouve à environ 1 NM à droite de la route directe, à 15 NM à l’ouest de l’île Griffith. À partir de ce moment, l’hélicoptère, qui volait à une vitesse oscillant entre 90 et 100 nœuds et descendait de façon constante, a commencé à converger vers la route directe. Juste avant d’atteindre le bord ouest de l’île Griffith, à une altitude d’environ 250 pieds ASL, l’hélicoptère suivait la route directe entre le camp et CYRB.

    À 16 h 26, l’hélicoptère se trouvait à environ 20 NM au sud-ouest de CYRB et à 4 NM du bord ouest de l’île Griffith. À ce moment-là, le pilote a transmis un compte rendu de position sur la fréquence 126,7 MHz, indiquant que l’hélicoptère se trouvait à 20 NM de l’aéroport et qu’il prévoyait arriver à CYRB dans 14 minutes. Quelques instants après cette transmission radio, le biologiste en chef a commencé à utiliser son dispositif de messagerie par satellite pour coordonner les besoins logistiques avec le PPCP.

    À 16 h 31, l’hélicoptère se trouvait à environ 2 NM à l’intérieur du bord sud-ouest de l’île Griffith. Il s’agit de la dernière position enregistrée de l’hélicoptère. À ce moment-là, l’hélicoptère volait à une vitesse de 94 nœuds et à une altitude d’environ 850 pieds ASL. La route de l’hélicoptère vers CYRB entraînerait le survol d’une ligne de crête perpendiculaire d’une hauteur de 530 pieds ASL, qui coïncidait avec les élévations les plus hautes de l’île Griffith. D’après les renseignements tirés du système de suivi des vols par satellite de l’aéronef, le pilote avait suivi une route semblable (directe), dans la direction opposée, en traversant l’île Griffith le 13 avril 2021, alors qu’il effectuait un vol de CYRB au camp 1.

    Environ 2 minutes plus tard, avant d’atteindre la ligne de crête, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief enneigé de l’île Griffith, à une altitude d’environ 370 pieds ASL (annexe A). L’épave de l’hélicoptère a été localisée à environ 2 NM au-delà de la dernière position enregistrée et à 12 NM au sud-ouest de CYRB, à environ 0,33 NM au sud de la route directe vers CYRB, orientée sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    1.1.3 Opération de recherche et sauvetage

    Vers 16 h 55, le membre du personnel du PPCP qui surveillait le système de suivi des vols par satellite sur le Web a remarqué que l’icône d’état du vol à l’étude était passée du jaune au violet. Le membre du personnel du PPCP a d’abord interprété ce changement comme un passage de l’état « en vol » à l’état « au sol et en mission ». En l’absence de toute autre communication ou de tout autre rapport faisant état d’un signal de radiobalise de repérage d’urgence (ELT)Note de bas de page 6, il croyait que le pilote avait probablement atterri en raison de la dégradation des conditions météorologiques. À peu près au même moment, un autre membre du personnel du PPCP, en quittant les locaux à la fin de sa journée de travail, a remarqué que le temps s’était considérablement dégradé en direction de l’île Griffith. Une neige légère tombait à Resolute Bay, le ciel était couvert et une grosse bourrasque de neige était visible entre Resolute Bay et l’île Griffith. La zone était dans des conditions de lumière plate, ce qui se traduisait par un faible contraste. Inquiet au sujet de l’hélicoptère, ce membre du personnel du PPCP est retourné à l’intérieur et, à 16 h 57, le personnel du PPCP a envoyé un message au pilote indiquant que la visibilité était limitée à CYRB en ce moment en raison d’une bourrasque de neige. Il n’a reçu aucune réponse.

    À 17 h 26, le personnel du PPCP a tenté de communiquer avec le biologiste à bord de l’hélicoptère de l’événement à l’étude, également au moyen de la messagerie par satellite, mais il n’a reçu aucune réponse. À peu près au même moment, les préposés au suivi des vols de GSH, qui avaient également remarqué le changement d’état du système de suivi par satellite, ont tenté de communiquer avec le pilote de l’événement en utilisant la messagerie par satellite. Le personnel de GSH et du PPCP a alors commencé à coordonner ses efforts pour retrouver l’hélicoptère de l’événement. Peu après, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le personnel local de recherche et sauvetage (SAR) et le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Trenton (Ontario) ont été informés de la situation.

    Le PPCP a envoyé un aéronef local Twin Otter à la dernière position connue et, à 19 h 12, le pilote du Twin Otter a communiqué par radio avec le PPCP pour lui signaler qu’un lieu d’écrasement avait été localisé sur l’île Griffith. Quelques heures plus tard, le personnel de SAR local a quitté CYRB en motoneige. Le personnel de SAR au sol a eu de la difficulté à localiser l’épave en raison des mauvaises conditions météorologiques à proximité du lieu de l’accident. Vers 1 h le 26 avril 2021, le personnel de SAR au sol a localisé le lieu de l’écrasement et a confirmé qu’il n’y avait aucun survivant.

    1.2 Personnes blessées

    Il y avait 1 membre d’équipage de conduite et 2 passagers à bord. Le tableau 1 ci-dessous indique les blessures subies.

    Tableau 1. Personnes blessées
    Gravité des blessures Membres d’équipage Passagers Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef Total
    Mortelles 1 2 3
    Graves 0 0 0
    Légères 0 0 0
    Total des personnes blessées 1 2 3

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’hélicoptère a été détruit par les forces de l’impact et l’incendie qui a suivi.

    1.4 Autres dommages

    Il n’y a pas eu d’autres dommages.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    1.5.1 Généralités

    Tableau 2. Renseignements sur le personnel
    Licence de pilote Licence de pilote professionnel (hélicoptère)
    Date d’expiration du certificat médical 1er mai 2022
    Nombre total d’heures de vol Environ 4050
    Nombre d’heures de vol sur type Environ 1700
    Nombre d’heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement Environ 0,75
    Nombre d’heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 6,5
    Nombre d’heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 50,3
    Nombre d’heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 123,3
    Nombre d’heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement 123,3
    Nombre d’heures de service avant l’événement 9
    Nombre d’heures de repos avant la période de travail 12+

    Le pilote de l’événement à l’étude était titulaire d’une licence canadienne de pilote professionnel – hélicoptère valide et annotée pour le vol VFR de jour seulement. Le pilote possédait des qualifications de type sur les hélicoptères Bell 206, AS350 et Robinson R44. Le pilote s’était joint à GSH en mars 2019 et avait effectué des vols avec l’entreprise, à court terme en raison de la demande saisonnière, jusqu’en décembre 2019. En mars 2020, il est revenu à GSH et y est resté jusqu’au moment de l’événement. L’enquête a permis de déterminer que la majorité des vols du pilote de l’événement à l’étude étaient des missions quotidiennes effectuées pendant les mois d’été qui commençaient et se terminaient à l’aéroport de Yellowknife (CYZF) (Territoires du Nord-Ouest) ou à d’autres aéroports régionaux. Son emploi antérieur de pilote d’hélicoptère ne comprenait aucun vol au-delà de la limite forestièreNote de bas de page 7.

    Depuis 2008, le pilote de l’événement à l’étude avait suivi 16,4 heures d’entraînement au vol aux instruments à bord d’aéronefs et sur simulateurs. Environ 10 de ces heures ont été effectuées en 2015 dans le cadre d’une formation au pilotage d’hélicoptères. Les autres heures ont été réalisées pendant la formation au pilotage d’aéronefs à voilure fixe en 2008-2009 (2,8 heures), en 2017 (2,3 heures) et en 2021 (1,2 heure).

    Le plus récent contrôle de la compétence du pilote avait eu lieu le 27 octobre 2020 à bord de l’hélicoptère de l’événement à l’étude. Les dossiers indiquent que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

    1.5.2 Aperçu du dossier de formation du pilote de l’événement à l’étude

    En octobre 2020, le pilote de l’événement à l’étude a suivi la formation annuelle au sol de l’entreprise, qui comprenait des volets de formation sur la prise de décisions du pilote (PDP), la gestion des ressources de l’équipage (CRM) et les opérations par faible visibilité. La formation répondait aux exigences réglementaires applicables.

    Le 26 octobre 2020, le pilote de l’événement à l’étude a suivi la partie en vol de la formation annuelle aux opérations par faible visibilité de l’entreprise. La formation a duré 0,3 heure et comportait des manœuvres à basse vitesse ainsi qu’un demi-tour de 180° à basse vitesse.

    1.5.3 Expérience antérieure du pilote de l’événement à l’étude au-delà de la limite forestière

    Avant avril 2021, l’expérience du pilote en matière de vol au-delà de la limite forestière au printemps ou en hiver, alors que le sol est enneigéNote de bas de page 8, a été acquise principalement comme suit :

    • Les 28 et 29 avril 2019 (environ 20 heures de vol au total) : Vols de capture d’animaux effectués à partir de l’aéroport d’Arviat (CYEK) (Nunavut). Aux fins de formation, le pilote de l’événement à l’étude était accompagné d’un autre pilote de GSH possédant une vaste expérience en matière de vol au-delà de la limite forestière.
    • Le 18 avril 2020 (4,4 heures de vol) : Le pilote de l’événement à l’étude a effectué un vol en compagnie d’un agent d’application de la loi sur la faune de CYZF jusqu’à un lac au-delà de la limite forestière, puis il est revenu à CYZF.
    • Du 21 avril 2020 au 12 mai 2020 (environ 76 heures de vol au total) : Deux hélicoptères de GSH ont effectué des vols locaux de capture et d’abattage d’animaux à partir de CYZF. À certains moments, ces vols ont franchi la limite forestière. Le deuxième hélicoptère était piloté par la personne qui accompagnait le pilote de l’événement à l’étude lors des vols de capture d’animaux en 2019.

    Les renseignements météorologiques historiques ont révélé que la plupart des vols indiqués ci-dessus ont été effectués dans des conditions partiellement ensoleillées à ensoleillées. À 2 reprises, au cours des vols de capture et d’abattage de 2020, le pilote de l’événement à l’étude et le pilote du deuxième hélicoptère ont décidé de retourner à CYZF en raison de conditions météorologiques défavorables. Un autre jour, le mauvais temps a donné lieu à une journée d’interdiction de vol.

    En plus des travaux décrites ci-dessus, le pilote de l’événement à l’étude a cumulé environ 5 semaines de vols au-delà de la limite forestière au cours des étés de 2019 et de 2020. Il a séjourné dans divers camps, certains constitués de tentes et certains, de structures à parois rigides.

    L’opération de recherche sur les ours polaires marquait la première fois que le pilote de l’événement à l’étude travaillait à partir d’un endroit éloigné pendant une période prolongée, mais également la première fois qu’il effectuait des vols à partir d’un endroit éloigné situé au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver ou de printemps.

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    1.6.1 Généralités

    Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef
    Constructeur Airbus Helicopters
    Type, modèle et immatriculation AS350 B2, C-FYDA
    Année de construction 2006
    Numéro de série 4157
    Date d’émission du certificat de navigabilité 16 mars 2007
    Total d’heures de vol cellule 8250,5 heures
    Type de moteur (nombre) Turbine libre Arriel 1D1 de Safran, turbomoteur (1)
    Type de rotor (nombre de pales) Rotor Starflex semi-rigide (3)
    Masse maximale autorisée au décollage 2250,27 kg
    Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
    Type de carburant utilisé Jet A

    L’AS350 B2 d’Airbus Helicopters est un hélicoptère monoturbine à 6 places à 1 seul pilote (figure 3). Il est doté d’un rotor principal à 3 pales tournant dans le sens antihoraire. Le pilote est assis sur le siège de droite. L’hélicoptère de l’événement à l’étude était muni d’un panier à fret externe installé sur le côté gauche.

    Figure 3. Photo de l’hélicoptère de l’événement à l’étude (le panier à fret était installé sur le côté droit au moment de la photo) (Source : Marc Witolla)
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    Photo de l’hélicoptère de l’événement à l’étude (le panier à fret était installé sur le côté droit au moment de la photo) (Source : Marc Witolla)

    D’après les renseignements disponibles sur l’équipement et le personnel à bord de l’hélicoptère, la masse et le centre de gravité de l’hélicoptère se trouvaient dans les limites prescrites.

    Au moment de l’événement, le carnet de route de l’hélicoptère, récupéré dans l’épave, ne faisait état d’aucune anomalie. La dernière entrée dans le carnet de route, datée du 12 avril 2021, concernait une inspection d’entretien réalisée par le technicien d’entretien d’aéronef qui se trouvait à bord de l’aéronef lors du vol à l’étude.

    1.6.2 Instruments de vol

    L’hélicoptère était certifié et équipé pour les vols VFR de jour, conformément à l’article 605.14 du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Parmi les instruments de vol figuraient un anémomètre, un horizon artificiel qui comprenait un indicateur de glissade-dérapage à bille, un altimètre barométrique Note de bas de page 9, un récepteur et un écran d’affichage de radiophare omnidirectionnel très haute fréquence et de système d’atterrissage aux instruments, un indicateur gyroscopique de direction et un indicateur de vitesse verticale.

    L’hélicoptère n’était équipé d’aucun type de pilote automatique, de système d’augmentation de la stabilité ou d’altimètre radar, et la réglementation n’en exigeait pas pour les vols VFR.

    1.6.3 Voyant d’avertissement de pression carburant

    Le jour de l’événement à l’étude, le pilote a effectué un vol VFR local avec les guides qui apportaient de l’aide au camp 1 (voir la section 1.18.10 Vidéos prises le jour de l’événement à l’étude).

    Des vidéos prises par les passagers montrent que le voyant d’avertissement de pression carburant était allumé pendant le vol. Ce voyant d’avertissement jaune indique que la pression de carburant est inférieure à 0,2 bar à l’une des 2 pompes de suralimentation en carburant de l’hélicoptère ou aux deux Note de bas de page 10. La pression de carburant de l’hélicoptère était normale, ce qui, selon la procédure en situation d’urgence, signifie que 1 pompe de suralimentation est défectueuse Note de bas de page 11. Le vol peut se poursuivre malgré cette situation. Si la pression de carburant était nulle, cela indiquerait que les 2 pompes sont défectueuses; toutefois, le vol peut se poursuivre à une altitude inférieure à 5000 pieds Note de bas de page 12. Le problème de pression carburant n’a pas été consigné dans le carnet de route de l’hélicoptère et n’a pas été signalé à GSH.

    Au vu de l’examen du moteur effectué après l’événement, de l’analyse du lieu de l’écrasement et du fait que les indications de pression de carburant étaient normales pendant le vol précédent, on a estimé que l’illumination du voyant d’avertissement de basse pression carburant n’a joué aucun rôle dans le présent événement.

    1.7 Renseignements météorologiques

    1.7.1 Généralités

    L’Arctique présente certaines des conditions météorologiques les plus rigoureuses et les plus changeantes au Canada. Cela est particulièrement vrai pendant la saison printanière arctique, qui se caractérise souvent par des changements météorologiques imprévisibles ainsi que par des tempêtes de neige et des blizzards fréquents qui peuvent durer plusieurs joursNote de bas de page 13.

    1.7.2 Sources de météorologie à l’aviation pour les opérations dans l’Arctique

    En raison de sa faible densité de population, le Nunavut dispose de peu d’installations d’observation météorologique. Par conséquent, les pilotes qui effectuent des vols au Nunavut doivent consulter diverses sources de renseignements météorologiques, qui peuvent se trouver à des centaines de milles marins de distance, et en faire la synthèse. Parmi ces sources de renseignements météorologiques, figurent :

    • les GFA, qui peuvent couvrir des centaines de milles marins;
    • l’imagerie satellitaire visible et infrarouge, qui peut fournir des indications de la couverture nuageuse et/ou des systèmes météorologiques qui approchent;
    • les prévisions et les rapports météorologiques pour l’aviation émis pour des aéroports pouvant se trouver à des centaines de milles marins;
    • les rapports d’autres pilotes;
    • les rapports d’autres membres du personnel;
    • les conditions météorologiques observées par le pilote.

    Dans bien des cas, les pilotes obtiennent des renseignements météorologiques en consultant un service Internet, tel que le site Web de planification de vol de NAV CANADANote de bas de page 14. Si les pilotes n’ont pas accès à Internet ou s’ils souhaitent recevoir un exposé météorologique d’un spécialiste qualifié, ils peuvent composer le numéro de téléphone sans frais des services de planification de vol de NAV CANADANote de bas de page 15. Au camp 1, le pilote de l’événement à l’étude n’avait pas accès à Internet, mais il disposait d’un téléphone satellite. Selon NAV CANADA, il n’y a eu aucune communication avec le pilote entre le 13 et le 25 avril 2021.

    Lorsque les pilotes se fient à des membres du personnel n’appartenant pas à NAV CANADA (c.-à-d., d’autres pilotes ou toute autre personne) pour obtenir des renseignements météorologiques qui les aideront à prendre des décisions, il est important de tenir compte de facteurs tels que l’expérience et la formation de l’autre personne et le type d’opérations aériennes auquel elle est habituée (c.-à-d., par avion ou par hélicoptère). Par exemple, un pilote d’avion qualifié pour le vol selon les règles du vol aux instruments (IFR), qui est capable de piloter par mauvais temps en se fiant uniquement aux instruments de vol, n’aura pas les mêmes préoccupations qu’un pilote d’hélicoptère qualifié seulement pour le vol VFR. Il en va de même lorsque les renseignements météorologiques proviennent de personnes qui ne sont pas des observateurs météorologiques qualifiés ou des préposés au suivi des vols formés par l’entreprise. L’information reçue d’autres membres du personnel peut aider à la PDP, mais les pilotes doivent veiller à disposer de tous les renseignements nécessaires pour se faire une idée précise des conditions météorologiques.

    Les conditions météorologiques observées par les pilotes avant et pendant un vol VFR jouent un rôle important dans la PDP. Au cours d’un vol VFR, les pilotes doivent constamment évaluer les conditions météorologiques et modifier leur plan, au besoin, en cas de dégradation des conditions.

    1.7.3 Renseignements météorologiques de NAV CANADA

    1.7.3.1 Généralités

    D’après Le temps au Nunavut et dans l’Arctique – Prévision de zone graphique 36 et 37, pendant les mois d’hiver, des vents du nord peuvent pousser du brouillard et des nuages bas dans la région de Resolute Bay. S’il y a un fort écoulement du nord-ouest « il peut se former de la poudrerie et, tout dépendant de la quantité de neige en amont et de la force des vents, la poudrerie peut devenir un blizzardNote de bas de page 16 ». Au printemps, lorsque la glace commence à se briser ou à fondre, il se crée des zones d’eau libre. Cette eau libre entraîne un apport d’humidité aux niveaux les plus bas de l’atmosphère, ce qui peut créer des zones de nuages bas et de brouillard. Lorsque l’air froid passe au-dessus de l’eau libre, la masse d’air devient instable et peut produire par endroits des nuages convectifs et des bourrasques de neige susceptibles de créer des zones où la visibilité est extrêmement réduite.

    La station d’observation météorologique la plus proche du camp 1 était CYRB, située à 87 NM au nord-est. Elle émet des prévisions d’aérodrome (TAF)Note de bas de page 17 et des messages d’observation météorologique régulière d’aéroport (METAR). Les 3 prochaines stations d’observation météorologique pour l’aviation les plus proches, en l’occurrence des aéroports, se trouvaient à plus de 250 NM du camp 1Note de bas de page 18. Par conséquent, les GFA, émises par NAV CANADA toutes les 6 heures, constituaient la principale source d’information sur les prévisions météorologiques pour l’aviation pour l’emplacement du camp.

    D’après l’enquête, rien n’indique que, le jour de l’événement à l’étude, le pilote ait reçu un exposé météorologique comprenant des renseignements figurant dans les GFA, les TAF ou les METAR de CYRB.

    1.7.3.2 Prévisions de zone graphique

    La carte Nuages et temps de la GFA valide à 7 h le jour de l’événement à l’étude, qui a été consultée par le personnel du PPCP lorsque la décision de démonter le camp a été prise, montrait l’approche d’un système dépressionnaire en provenance du sud-est. La GFA indiquait 3 zones de conditions météorologiques entre le camp et CYRB (annexe B, figure B1). Le tableau 4 présente un aperçu général des prévisions météorologiques entre CYRB et le camp 1.

    Tableau 4. Prévisions météorologiques le long de l’itinéraire de l’événement à l’étude (Source : NAV CANADA, prévision de zone graphique GFACN36, valide le 25 avril 2021 à 7 h, heure avancée du Centre)
    Région Prévisions météorologiques
    Zone 1 – Camp 1
    • Couche de nuages épars à partir de 3000 pieds ASL; plafonds locaux à 800 pieds au-dessus du sol (AGL)
    • Visibilité supérieure à 6 milles terrestres (SM); visibilités locales de 2 SM dans de la neige légère et de la brume.
    Zone 2 – Du bord est de l’île Russell jusqu’à juste à l’ouest de CYRB
    • Couche de nuages fragmentés de 3000 pieds ASL à 6000 pieds ASL; plafonds à 1500 pieds AGL par endroits
    • Visibilité généralement supérieure à 6 SM, avec des visibilités de 5 SM à plus de 6 SM par endroits dans de la neige légère
    Zone 3 – CYRB
    • Sous l’influence d’un front quasi stationnaire associé au système dépressionnaire, qui se déplace en provenance du sud-est
    • Couvert nuageux de 3000 pieds ASL à 12 000 pieds ASL; plafonds entre 600 pieds AGL et 1200 pieds AGL par endroits
    • Visibilités intermittentes entre 2 SM et 6 SM dans de la neige légère et nuages altocumulus castellanus isolés donnant des visibilités de 1 SM dans des averses de neige légère

    La carte Nuages et temps de la GFA valide à 13 h le jour de l’événement à l’étude (annexe B, figure B2) montrait que le système dépressionnaire avait progressé plus à l’ouest en direction du camp 1. La première et la seconde moitié de la route du vol à l’étude se trouvaient alors respectivement sous l’influence générale des conditions météorologiques associées aux zones 2 et 3 définies dans le tableau 4 ci-dessus, mais avec de légères améliorations par rapport aux prévisions météorologiques dans la zone 3. Plus particulièrement, la zone 3 présentait une augmentation de la visibilité prévue (c.-à-d., généralement supérieure à 6 SM et des visibilités de 3 SM à 6 SM par endroits) ainsi que des plafonds nuageux par endroits dont la base se situait entre 800 pieds AGL et 1500 pieds AGL.

    1.7.3.3 Prévision d’aérodrome pour l’aéroport de Resolute Bay
    Tableau 5. Résumé des prévisions météorologiques à l’aéroport de Resolute Bay de 7 h, heure avancée du Centre, jusqu’à l’heure de l’événement
    Heure De 7 h à 13 h* De 13 h jusqu’après l’accident**
    Vents 8 nœuds (kt) de l’est 10 kt de l’est
    Visibilité 3 SM dans de la neige légère et de la brume 5 SM dans de la neige légère
    État du ciel Plafond couvert à partir de 700 pieds AGL Plafond de nuages fragmentés à partir de 1200 pieds AGL et couvert nuageux à partir de 3000 pieds AGL
    Conditions temporaires Visibilité supérieure à 6 SM dans de la neige légère, nuages épars à partir de 800 pieds AGL et ciel couvert à partir de 2000 pieds AGL Visibilité supérieure à 6 SM dans de la neige légère, nuages épars à partir de 1200 pieds AGL et ciel couvert à partir de 3000 pieds AGL

    * Information tirée de la TAF de CYRB émise à 7 h 15, heure avancée du Centre.
    ** Information tirée de la TAF de CYRB émise à 12 h 38, heure avancée du Centre.

    1.7.3.4 Conditions météorologiques signalées à l’aéroport de Resolute Bay

    Le 25 avril 2021, les conditions météorologiques signalées à CYRB sont demeurées relativement stables pendant la majeure partie de la journée (tableau 6) :

    Tableau 6. Aperçu des conditions météorologiques signalées à CYRB de 7 h, heure avancée du Centre, jusqu’au moment de l’événement selon les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome
    Vents (direction/vitesse) Visibilité (SM) État du ciel Température (°C) Point de rosée (°C) Altimètre (inHg) / Remarques
    De l’est à 7-10 kt De 10 à 12 SM dans de la neige légère Plusieurs couches de nuages fragmentés ou ciel couvert entre 800 pieds AGL et 3400 pieds AGL De −4 °C à −7 °C De 2 à 3 °C en dessous de la température indiquée 30,05 à 7 h; augmentation d’environ 0,01 inHg par heure jusqu’à l’événement

    1.7.4 Incidence des conditions météorologiques sur les opérations de vol au camp 1

    Tableau 7. Incidence des conditions météorologiques sur les opérations de vol
    Date(s) Activité
    Du 14 au 17 avril 2021 Conditions météorologiques favorables – vols locaux
    Du 18 au 21 avril 2021 Conditions de lumière plate et de blizzard – aucun vol
    22 avril 2021 Mauvaise visibilité – jour de vol partiel
    23 avril 2021 Conditions météorologiques favorables – vols locaux
    24 avril 2021 Blizzard – aucun vol
    25 avril 2021 Conditions météorologiques favorables – Le pilote a effectué un court vol local environ 1 heure avant le départ pour le vol à l’étude.

    Une vidéo filmée le matin de l’événement, au camp 1, montre une fine couche de nuages épars à fragmentés de moyenne à haute altitude. Quelques rayons de soleil sont visibles à travers les nuages, et la visibilité semble être supérieure à 6 SM.

    Au camp 2, l’hélicoptère n’avait pas volé depuis près de 10 jours avant l’événement. Selon l’entreprise, la cause en était la présence de neige, d’un ciel couvert, de vents et de conditions de voile blanc (voir la section 1.18.2 Conditions de lumière plate et de voile blanc).

    1.7.5 Conditions météorologiques observées à proximité de l’île Griffith et de Resolute Bay le jour de l’événement

    Lors des entrevues menées après l’événement, les pilotes qui avaient effectué des vols dans les zones de Resolute Bay et de Griffith Island et aux alentours dans l’après-midi du 25 avril 2021 ont indiqué que les conditions météorologiques avaient changé rapidement tout au long de la journée et qu’elles étaient généralement pires que celles annoncées dans les METAR horaires de CYRB. Ils ont également signalé des visibilités allant de 2 SM à 10 SM dans de la neige légère à modérée, un ennuagement allant de couches de nuages fragmentés à un couvert nuageux dont la base se situait entre 1000 pieds et 3000 pieds AGL, ainsi que des conditions de lumière plate se traduisant par un faible contraste. Dans certains cas, les pilotes ont dû dévier à gauche et à droite de leur route pour contourner ou éviter des zones de visibilité réduite, des plafonds bas et des chutes de neige. Vers 16 h 20, un pilote est passé juste au sud de l’île Griffith, en route vers CYRB. La visibilité était alors de 2 à 3 SM, dans de la neige légère à modérée, accompagnée de plafonds fragmentés à partir de 1500 pieds ASL. Cela concorde avec les conditions météorologiques observées par le personnel du PPCP à peu près au moment de l’événement, ainsi qu’aux prévisions météorologiques de la GFA pour cette région.

    Environ 3,5 heures après l’événement, le pilote de l’aéronef Twin Otter dépêché à la dernière position connue de l’hélicoptère sur l’île Griffith a signalé que le contraste des surfaces était très faible en raison de conditions de lumière plate. Le pilote du Twin Otter a décidé de monter à 2000 pieds AGL afin de mieux voir les contours de l’île Griffith.

    1.8 Aides à la navigation

    L’hélicoptère était équipé d’un appareil GPS (système de positionnement mondial) GNS 430 de Garmin et d’un appareil portatif GPSMAP 196 de Garmin, tous deux dotés d’une capacité de défilement cartographique permettant d’obtenir des renseignements sur la position en temps réel par rapport au relief environnant. Aucun des GPS de l’aéronef n’était muni d’un système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS), ce qui n’était d’ailleurs pas exigé par la réglementation. Une vidéo prise lors d’un vol effectué peu avant le vol à l’étude montrait l’appareil 430 de Garmin allumé et l’appareil GPSMAP 196 de Garmin éteint. L’appareil GPSMAP 196 de Garmin permet de stocker les routes des vols précédents, mais les dernières données enregistrées dataient du 6 avril 2021.

    1.9 Communications

    Le pilote de l’événement à l’étude et le biologiste en chef utilisaient un dispositif de communication par satellite inReach de Garmin quand ils étaient au camp 1. Les messages par satellite de ces dispositifs ont aidé à établir une chronologie des événements et à comprendre les défis opérationnels (p. ex., conditions météorologiques défavorables) rencontrés au camp. Le dispositif du pilote présentait des périodes d’inactivité de 9 à 12 heures pendant la nuit, ce qui est cohérent avec une période de repos ou de sommeil.

    Le pilote de l’événement à l’étude disposait d’un téléphone satellite portable. Celui-ci n’a pas été utilisé pendant le déploiement.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    Sans objet.

    1.11 Enregistreurs de bord

    1.11.1 Généralités

    L’hélicoptère n’était pas doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) ni d’un enregistreur de données de vol (FDR), et la réglementation ne l’exigeait pas.

    1.11.2 Système de suivi des vols par satellite

    L’hélicoptère était équipé d’un système de suivi des vols par satellite SkyNode S100 (SkyNode S100) de Latitude Technologies Corporation, ce qui n’est pas exigé par la réglementation. Le SkyNode S100 saisit et transmet toutes les 2 minutes de l’information de vol, basée sur les données GPS disponibles, à un service offert sur le Web. Le système a été détruit, mais les renseignements suivants ont été extraits du service offert sur le Web :

    • heure – au moment du signalement de chaque position;
    • position (latitude et longitude) – à intervalles de 2 minutes;
    • vitesse sol (en nœuds) – la vitesse moyenne entre des points successifs;
    • cap (°) – la route vraie, exprimée en cap, entre des points successifs;
    • altitude (en pieds ASL) – généralement avec une précision de ± 30 pieds.

    Le service offert sur le Web peut être utilisé pour suivre un vol ou pour récupérer des renseignements sur des vols précédents.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    1.12.1 Île Griffith

    L’île Griffith mesure environ 11 NM sur 6,75 NM. Lorsqu’on approche de l’île à partir de l’emplacement du camp 1, il y a une ligne de crête, perpendiculaire à la route enregistrée de l’hélicoptère, qui atteint une altitude légèrement inférieure à 300 pieds ASL. Au-delà de cette ligne de crête se trouve un passage, suivi d’un relief s’élevant graduellement qui forme une autre ligne de crête, perpendiculaire à la route, atteignant une hauteur maximale d’environ 500 pieds ASL, d’après la carte aéronautique de navigation VFRNote de bas de page 19. Au-delà du sommet de la ligne de crête, le relief descend jusqu’à l’eau.

    1.12.2 Retards de déploiement attribuables à la COVID-19

    En raison de l’endroit où s’est produit l’accident et des difficultés liées à la pandémie mondiale de COVID-19, les enquêteurs se sont rendus sur le lieu de l’écrasement le 1er mai 2021. Cependant, des photos ont été prises par le personnel de SAR plusieurs heures après l’accident, ce qui a permis aux enquêteurs d’obtenir des renseignements utiles sur la séquence d’impact (figures 4 et 5).

    Figure 4. Photo du lieu de l'événement prise le jour où les enquêteurs sont arrivés sur les lieux (Source : BST)
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    Photo du lieu de l'événement prise le jour où les enquêteurs sont arrivés sur les lieux (Source: BST)
    Figure 5. Photo du lieu de l'écrasement prise le jour de l'événement (Source : GRC)
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    Photo du lieu de l'écrasement prise le jour de l'événement (Source: GRC)

    1.12.3 Lieu de l’événement

    Au moment de l’événement, le sol était recouvert de plus de 2 pieds de neige. Lorsque le personnel de SAR au sol est arrivé sur le lieu de l’accident, la plupart des débris étaient recouverts d’une couche de neige tombée depuis l’écrasement. Le lieu de l’écrasement, en forme d’éventail, mesurait environ 175 pieds de longueur et se composait de 4 sections principales. Le champ de débris était orienté sur une trajectoire à près de 180° par rapport à la route du vol à l’étude vers CYRB. Tous les débris ont été retrouvés au-delà du cratère d’impact initial dans la neige.

    Le personnel de SAR au sol qui est intervenu a relevé la présence de neige intacte sur les côtés et en amont de la marque de l’impact initial. Le laboratoire du BST a utilisé les données disponibles et a déterminé que l’assiette en tangage de l’hélicoptère aurait dû être inférieure à 35° et l’angle de roulis, inférieur à 22° pour ne pas laisser de marques de pale dans la neige, en supposant que les pales du rotor principal étaient droites et qu’elles ne présentaient pas de conicitéNote de bas de page 20 (figure 6). L’étendue des dommages et la longueur du champ de débris laissent croire que l’hélicoptère a percuté le relief à une vitesse horizontale et verticale relativement élevée. Ces caractéristiques d’impact sont le plus souvent associées à un impact sans perte de contrôle (CFIT) plutôt qu’à un accident avec perte de maîtrise (qui est généralement associé à une vitesse horizontale moindre en raison d’une descente verticale plus prononcée)Note de bas de page 21.

    Figure 6. Illustration des angles de tangage et de roulis maximums possibles de l’hélicoptère de l’événement à l’étude au moment de l’impact (Source : BST)
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    Illustration des angles de tangage et de roulis maximums possibles de l’hélicoptère de l’événement à l’étude au moment de l’impact (Source : BST)

    Le moteur de l’hélicoptère ainsi que plusieurs autres composants de l’aéronef, dont la boîte de transmission du rotor de queue et les pales du rotor de queue, plusieurs instruments de vol et le panneau annonciateur d’alarme, ont été récupérés et transportés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour un examen approfondi. Aucune anomalie avant l’impact ayant pu nuire au bon fonctionnement n’a été décelée. Les examens ont permis de déterminer que le moteur fonctionnait et produisait une puissance importante, et que l’hélicoptère était exploité à un régime du rotor principal de 100 % au moment de l’impact. Les dommages subis par les pales du rotor principal étaient également cohérents avec la production d’une puissance importante au point d’impact.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou pathologiques ou la fatigue ont nui au rendement du pilote.

    1.14 Incendie

    L’aéronef a été détruit par les forces de l’impact et l’incendie qui a suivi.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    L’accident n’offrait aucune chance de survie.

    1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence

    L’aéronef de l’événement à l’étude était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) automatique fixe d’hélicoptère (AF-H) Kannad de 406 MHz (numéro de pièce S1822502-02, numéro de série LX11003329026). L’ELT était certifiée conforme aux anciennes exigences du Technical Standard Order TSO-C126 de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, publié en 1992. L’ELT a été détruite lors de l’impact et de l’incendie qui a suivi avant de pouvoir transmettre un signal de détresse au système de recherche et de sauvetage par satellite.

    1.15.1.1 Recommandation antérieure du BST sur les normes de résistance à l’impact des radiobalises de repérage d’urgence

    En réponse aux problèmes de résistance à l’impact des ELT relevés lors de l’enquête sur l’accident d’un hélicoptère Sikorsky S-76 survenu le 31 mai 2013 à Moosonee (CYMO) (Ontario)Note de bas de page 22, le BST a recommandé que :

    le ministère des Transports établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu’un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d’impact subies durant un événement aéronautique.
    Recommandation A16-05 du BST

    En réponse, Transports Canada (TC) a modifié le RAC pour exiger qu’à compter du 7 septembre 2020, les nouvelles demandes d’approbation de conception d’une ELT satisfassent à la spécification technique canadienne CAN -TSO-C126c la plus récente.

    Dans sa réévaluation de mars 2021 de la réponse de TC, le Bureau a estimé que les mesures prises par TC réduiront considérablement les risques associés à la lacune de sécurité indiquée dans la recommandation A16-05. Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A16-05 dénotait une attention entièrement satisfaisanteNote de bas de page 23 . Toutefois, le BST a noté que ces nouvelles normes ne s’appliquent pas aux anciennes ELT.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP054/2021 – NVM Data Recovery [récupération des données de la mémoire non volatile]
    • LP061/2021 – Instruments Analysis [analyse des instruments]
    • LP062/2021 – Warning and caution annunciators analysis [analyse des voyants d’avertissement et d’alarme]
    • LP067/2021 – Helmet Examination [examen des casques]
    • LP110/2021 – Engine Examination [examen du moteur]

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Généralités

    Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (GSH) a été créée en 2018 à partir des actifs de l’entreprise d’origine Great Slave HelicoptersNote de bas de page 24.

    Le bureau principal de GSH est situé à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest). L’entreprise possède des bases d’exploitation dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 25.

    Au moment de l’événement à l’étude, GSH était titulaire de certificats d’exploitation pour mener des opérations en vertu des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du RAC. GSH offre un soutien par hélicoptère en vol VFR de jour pour les opérations de forage, les activités sismiques, les opérations de classe D (charge externe), les activités forestières, les levés géophysiques et d’autres opérations liées aux services publics. Le vol à l’étude était effectué en vertu de la sous-partie 702 du RAC.

    Depuis sa création, GSH réalisait en moyenne environ 4500 heures de vol par an. L’entreprise n’effectue aucun vol VFR ou IFR de nuit.

    Au moment de l’événement à l’étude, GSH comptait 35 pilotes, 27 employés de maintenance, 21 employés de soutien et 9 cadres.

    1.17.2 Équipe de direction

    En ce qui concerne l’aspect opérationnel de GSH, un chef de l’exploitation relève directement du chef de la direction / gestionnaire supérieur responsable (figure 7). Le chef de l’exploitation est responsable du fonctionnement quotidien de l’entreprise. Il avait travaillé au sein de l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters, de 2013 jusqu’au changement de propriétaire en novembre 2018. Au cours des 3 années qui ont précédé le changement de propriétaire, le chef de l’exploitation avait occupé le poste de gestionnaire régional pour le Nord, où il était essentiellement responsable des activités de l’entreprise dans le Nord. Après le changement de propriétaire, il a pris ses fonctions actuelles au sein de GSH. Il est issu du secteur de la logistique et a travaillé pendant plus de 20 ans dans le domaine de l’aviation, où il a exercé différentes fonctions au sol.

    Figure 7. Organigramme de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. montrant les postes liés aux opérations (Source : BST, d’après l’organigramme de l’entreprise)
    Image
    Organigramme de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. montrant les postes liés aux opérations (Source : BST, d’après l’organigramme de l’entreprise)

    Les pilotes faisant partie de l’équipe de direction de GSH sont des pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR de jour. Le gestionnaire des opérations, qui relève directement du chef de l’exploitation, a commencé sa carrière dans le domaine des hélicoptères en 2007 en tant que pilote d’hélicoptère au sein de l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters. Il a exercé différentes fonctions pour l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters ou pour une de ses filiales, notamment celles de pilote de ligne, de gestionnaire de base et de gestionnaire régional pour le Nord. Lorsque l’entreprise a changé de propriétaire en novembre 2018, il a assumé son rôle actuel au sein de GSH. Au moment de l’événement, il comptabilisait environ 3000 heures de vol.

    GSH avait également un gestionnaire adjoint des opérations, qui était entré en fonction en mars 2021, soit 1 mois avant l’accident. Tout comme le gestionnaire des opérations, le gestionnaire adjoint des opérations a commencé sa carrière dans le domaine des hélicoptères au sein de l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters, où il a travaillé de 2004 jusqu’à ce que l’entreprise change de propriétaire. Au sein de l’entreprise précédente, il a occupé le poste de gestionnaire adjoint des opérations de 2011 à février 2016, quand il a assumé le poste de gestionnaire des opérations jusqu’au changement de propriétaire. Avant le changement, il a recommandé aux nouveaux propriétaires l’actuel gestionnaire des opérations de GSH pour ce poste. Après le changement, il a travaillé ailleurs comme pilote d’hélicoptère avant de revenir à GSH en tant que gestionnaire adjoint des opérations. Au moment de l’événement, il avait accumulé environ 5500 heures de vol en tout. En septembre 2021, il a assumé le rôle de chef pilote par intérim, puis est devenu officiellement chef pilote au début de 2022.

    Le chef pilote de l’entreprise au moment de l’événement s’était joint à GSH en janvier 2019 et y est demeuré jusqu’en septembre 2021. Au moment de l’événement, il avait accumulé environ 14 000 heures de vol dans diverses fonctions depuis qu’il était devenu pilote d’hélicoptère qualifié pour le vol VFR en 1989. À l’instar du gestionnaire des opérations et du gestionnaire adjoint des opérations, le chef pilote avait déjà effectué des vols pour l’entreprise précédente, où il avait travaillé en tant que pilote de ligne et pilote instructeur.

    Le service de formation de GSH était composé du chef pilote et de 3 autres pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR, qui avaient tous également travaillé au sein de l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters. À eux 4, ils auraient cumulé plus de 38 000 heures de vol.

    Aucun des pilotes-cadres de GSH n’était qualifié pour le vol aux instruments ou le vol de nuit, ce qui n’était d’ailleurs pas exigé par la réglementation.

    1.17.3 Flotte

    Au moment de l’événement, GSH exploitait une flotte de 22 hélicoptères monomoteurs. Les hélicoptères de l’entreprise étaient équipés d’instruments de vol qui respectaient ou surpassaient les exigences réglementaires pour le vol VFR de jourNote de bas de page 26. Selon l’équipe de direction et les pilotes, il n’était pas rare que des hélicoptères de l’entreprise soient exploités sans instruments de vol non exigés par la réglementation pour les vols VFR de jour, tels qu’un horizon artificiel ou un gyroscope directionnel. La direction de GSH a indiqué que certains pilotes de l’entreprise avaient exprimé le souhait de disposer d’instruments de vol supplémentaires qui allaient au-delà des exigences réglementaires minimales; toutefois, la direction était d’avis que ces instruments n’étaient pas requis pour les vols VFR, car les pilotes se fient à des repères visuels externes. La direction a également indiqué que les pilotes de l’entreprise ne possédaient pas les compétences nécessaires pour utiliser ces instruments en cas de vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC)Note de bas de page 27 (voir la section 1.18.3 Vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments).

    Quelques-uns des hélicoptères de GSH sont dotés d’altimètres radar, mais ces appareils ne font pas partie de l’équipement standard, et l’hélicoptère de l’événement à l’étude n’en était pas équipé. Les altimètres radar utilisent des signaux radio réfléchis par la surface pour calculer la hauteur AGL de l’aéronef, qui est ensuite indiquée sur l’instrument. D’après la direction, les altimètres radar sont utilisés lorsque le client le demande. Dans certains cas, le client fournira l’altimètre radar ou l’entreprise affectera un hélicoptère qui en est équipé. GSH ne dispose pas de procédures documentées pour l’utilisation de l’altimètre radar, et n’est pas tenu par la réglementation de disposer de telles procédures (voir la section 1.18.3.10.2 Altimètres radar).

    1.17.4 Contrôle d’exploitation

    1.17.4.1 Généralités

    GSH utilise un système de contrôle d’exploitation de Type D aux termes duquel les pilotes assurent eux-mêmes la régulation des vols. Cela signifie que « [l]e gestionnaire des opérations peut déléguer au commandant de bord le contrôle d’exploitation d’un vol, mais il demeure responsable de l’exploitation de l’ensemble des volsNote de bas de page 28 ». Selon le paragraphe 723.16(2) des Normes de service aérien commercial (NSAC), norme 723 (Exploitation d’un taxi aérien : Hélicoptères), dans un système de type D, le suivi des vols consiste à « surveiller la progression d’un vol, et à aviser l’exploitant aérien en cause ainsi que les autorités de recherches et de sauvetage si le vol est en retard ou porté manquantNote de bas de page 29 ». Une disposition des NSAC permet à un autre organisme d’être chargé à contrat d’exercer le contrôle d’exploitation au nom de l’exploitant aérienNote de bas de page 30. Selon les NSAC, « [u]ne personne qualifiée qui connaît les procédures d’alerte en vol de la compagnie doit être en service ou disponible pendant le déroulement des vols IFR ou VFR de nuitNote de bas de page 31 ». Il n’est pas nécessaire qu’une personne « qualifiée qui connaît les procédures » soit en service ou disponible pendant des opérations VFR de jour.

    1.17.4.2 Suivi des vols

    GSH emploie des pilotes ayant peu d’heures de vol à titre de coordonnateurs des opérations par hélicoptère (Helicopter Operations Coordinator, HOC)Note de bas de page 32 dans son centre de contrôle des opérations à Yellowknife. Ces personnes suivent une formation pour comprendre les opérations aériennes et les procédures d’alerte. Les HOC s’acquittent de leurs tâches de surveillance des vols en suivant l’aéronef par satellite et en communiquant par radio, par téléphone cellulaire ou par téléphone satelliteNote de bas de page 33.

    D’après le manuel d’exploitation de l’entreprise (company operations manual, COM), les HOC doivent être disponibles pendant toute la durée du vol VFR surveillé et être en mesure, le cas échéant, de répondre aux demandes d’information du pilote concernant le vol. Les HOC peuvent fournir des renseignements météorologiques lorsqu’un pilote en fait la demande ou lorsqu’ils estiment que le pilote en a besoin; toutefois, les renseignements météorologiques doivent être fournis sans analyse ni interprétationNote de bas de page 34.

    1.17.4.3 Communication pour le contrôle d’exploitation

    Chez GSH, les pilotes qui travaillent en région éloignée sont dispensés des contacts de vérification quotidiens (au début et à la fin de la journée) avec les HOC si le client dispose d’une capacité de suivi des vols, comme c’est le cas pour le PPCPNote de bas de page 35. Selon l’entreprise, les pilotes ont toujours la possibilité de communiquer avec les HOC s’ils ont besoin d’aide.

    D’après les registres de la messagerie par satellite, pendant son déploiement sur le projet de l’événement à l’étude, le pilote de l’événement à l’étude a communiqué avec le HOC en service tel qu’il est indiqué dans le tableau 8 ci-dessous.

    Tableau 8. Résumé des contacts de vérification quotidiens entre le pilote de l’événement et le coordonnateur des opérations par hélicoptère en service de Great Slave Helicopters 2018 Ltd.
    Date Activité
    Du 13 au 17 avril 2021 Le pilote a procédé à des contacts de vérification quotidiens, ouvrant et fermant la surveillance du vol, comme il se doit.
    Du 18 au 21 avril 2021 Aucun dossier n’indique que le pilote a communiqué avec le HOC en service (aucun vol en raison des conditions météorologiques).
    Les 22 et 23 avril 2021 Le pilote a procédé à des contacts de vérification quotidiens, ouvrant et fermant la surveillance du vol, comme il se doit.
    Le 24 avril 2021 Aucun dossier n’indique que le pilote a communiqué avec le HOC en service (aucun vol en raison des conditions météorologiques).
    Le 25 avril 2021 Le pilote a ouvert la surveillance du vol et a indiqué vouloir retourner à CYRB, prévoyant arriver à 16 h 45.

    Les 14 et 16 avril 2021, le pilote a demandé au HOC des renseignements relatifs aux prévisions d’aérodrome (TAF) et aux prévisions de zone graphique (GFA).

    Le 16 avril 2021, le pilote a envoyé des messages par satellite au gestionnaire des opérations et au chef de l’exploitation, indiquant que les travaux avaient débuté et qu’il faudrait encore de 12 à 14 jours de beau temps pour mener à bien le projet. Le 19 avril 2021, le pilote a envoyé un autre message au gestionnaire des opérations et au chef de l’exploitation, indiquant que les conditions météorologiques étaient « mauvaises » et que « tout est blanc ». Ce message indiquait également que les conditions météorologiques devaient perdurer pendant la plus grande partie de la semaine et qu’elles entraîneraient probablement la suspension des vols pendant toute la semaine. D’après les registres des messages par satellite, ni le gestionnaire des opérations ni le chef de l’exploitation n’ont répondu à ces messages. Le seul message reçu par le dispositif inReach du pilote de la part du gestionnaire des opérations ou du chef de l’exploitation pendant l’opération en région éloignée a été celui envoyé une fois que les opérations de recherche eurent commencé le 25 avril 2021.

    1.17.4.4 Évaluation personnelle des risques – plan de vol exploitation

    Bien que ce ne soit pas mentionné dans les publications de l’entreprise, le plan de vol exploitation de GSH, qui se présente sous la forme d’un tableur électronique, comprend une section d’évaluation personnelle des risques que le pilote doit remplir avant de soumettre le plan de vol exploitation au HOC. L’objectif est d’aider le pilote à déterminer les facteurs de risque présents le jour du départ. L’évaluation des risques est constituée d’une série de questions auxquelles il faut répondre par « Oui » ou par « Non », dans les catégories suivantes : facteurs humains, aéronef et environnement. Chaque réponse du pilote génère une note numérique prédéterminée par l’entreprise et utilisée pour calculer les notes globales pour les 3 catégories de risque. Les notes globales et la cote de risque pour chaque catégorie sont indiquées sur le plan de vol exploitation; toutefois, les réponses individuelles aux questions ne sont pas enregistrées. Selon GSH, une cote de risque moyenne ou élevée exige que le chef pilote soit appelé avant le vol.

    Les pilotes travaillant en région éloignée n’étaient pas tenus de procéder chaque jour à une évaluation personnelle des risques, et aucune procédure n’avait été mise en place à cet effet.

    L’évaluation des risques présentée par le pilote de l’événement à l’étude avant le début de l’opération en région éloignée indiquait que les 3 catégories de risque étaient considérées comme faibles.

    L’enquête a révélé que certains pilotes de GSH accordaient peu d’importance aux réponses aux questions de l’évaluation personnelle des risques.

    1.17.5 Sélection du pilote de l’événement pour l’opération de vol vers le camp éloigné

    D’après le personnel de direction de GSH, les décisions concernant les déploiements des pilotes sont prises lors de réunions périodiques entre le gestionnaire des opérations, le chef pilote et le chef de l’exploitation. Les décisions sont influencées par des facteurs tels que la disponibilité des pilotes, leur expérience et leur intérêt pour un travail particulier. Dans le cas du pilote de l’événement à l’étude, le personnel de direction de GSH savait qu’il voulait voir le Nord et travailler avec les animaux. L’équipe de direction a estimé qu’il possédait le niveau d’expérience nécessaire pour effectuer cette opération en toute sécurité. Selon la direction de GSH, la décision a été prise sur la base de l’expérience du pilote à Arviat, où il avait acquis des connaissances en travaillant dans « le blanc », et de ses heures de vol. Peu de temps après l’événement, la direction de GSH a indiqué que le pilote de l’événement à l’étude avait de l’expérience dans l’Arctique, précisant qu’il avait à son actif plus de 500 heures, voire jusqu’à 1000 heures, d’expérience de vol au nord de la limite forestière. La direction de GSH a également indiqué que les heures de vol n’avaient pas toutes été effectuées en hiver ou au printemps, lorsque le sol était encore recouvert de neige, étant donné qu’il y a généralement moins de travail pendant cette période.

    1.17.6 Gestion de la sécurité

    GSH disposait d’un système permettant de gérer la sécurité semblable au système de gestion de la sécurité (SGS) tel qu’il est défini par le RAC. Étant donné que le système utilisé par GSH pour gérer la sécurité n’était pas exigé par la réglementation, il n’avait pas été approuvé ni évalué par TC. D’après la direction de GSH, ce système faisait partie intégrante de l’entreprise d’origine Great Slave Helicopters et de l’entreprise actuelle depuis plus de 10 ans lorsque l’événement s’est produit.

    Au moment de l’événement, le service de sécurité de GSH se composait de 1 personne, le responsable de la sécurité, qui s’était joint à l’entreprise en juillet 2019. Le responsable de la sécurité en était à sa première expérience dans le secteur de l’aviation. Il était également chargé du programme de la santé et de la sécurité au travail – aviation de l’entreprise.

    L’une de ses responsabilités était la surveillance en ce qui concerne le manuel d’intervention d’urgenceNote de bas de page 36 de l’entreprise et les procédures qu’il contenait. Le manuel indique qu’il faut prévenir le responsable de la sécurité si un hélicoptère est en retard. Cependant, quand l’événement est survenu, personne n’a communiqué avec le responsable de la sécurité; celui-ci a été informé de la situation par un courriel envoyé à l’échelle de l’entreprise plusieurs heures après l’écrasement.

    Au cours de l’enquête, les enquêteurs ont tenté de mieux comprendre le type de dangers qui sont signalés par les employés de l’entreprise. GSH n’a pas été en mesure de fournir un aperçu général de la nature des dangers signalés, et aucune tendance n’avait été relevée. En ce qui concerne l’exploitation au-delà de la limite forestière, aucun danger n’avait été signalé dans le cadre du système utilisé par l’entreprise pour gérer la sécurité.

    1.17.7 Publications de l’entreprise

    1.17.7.1 Manuel d’exploitation de l’entreprise
    1.17.7.1.1 Conditions de voile blanc

    Le COM de GSH indique que le vol VFR dans des conditions de voile blanc est interdit, car il est [traduction] « extrêmement dangereux et présente généralement une absence totale d’horizon et de repères visuels de sorte que la sécurité du vol VFR est gravement compromiseNote de bas de page 37 ».

    Le COM précise également que [traduction] « le fait d’atterrir ou de décoller dans des conditions de neige en recirculation, de poudrerie, de fumée, d’eau miroitante ou de lumière plate peut gravement nuire aux repères visuels nécessaires au vol VFR et provoquer temporairement un voile blanc localiséNote de bas de page 38 ». Il s’agit de la seule référence à la lumière plate dans le COM. Le COM demande aux pilotes d’utiliser les techniques enseignées [traduction] « lors de l’entraînement par faible visibilité ou en montagnes afin de rendre ce segment de vol aussi sécuritaire que possibleNote de bas de page 39 ».

    1.17.7.1.2 Limites de visibilité réduite en vol selon les règles de vol à vue dans l’espace aérien non contrôlé en vertu d’une spécification d’exploitation

    Le certificat d’exploitation aérienne de GSH comprend une spécification d’exploitation autorisant le vol VFR par visibilité réduite, jusqu’à ½ SM, lorsque le vol se déroule à moins de 1000 pieds AGL dans un espace aérien non contrôlé. Le COM indique également les vitesses anémométriques minimales pour les vols par visibilité réduite (voir la section 1.17.8.3 Formation au vol selon les règles de vol à vue par visibilité réduite).

    Le COM ne fixe pas d’altitudes minimales pour la poursuite des vols VFR par visibilité réduite et ne mentionne pas non plus l’utilisation d’instruments de vol.

    1.17.7.1.3 Responsabilités et tâches du pilote

    Le COM de GSH précise que les pilotes sont responsables de l’exploitation et de la sécurité de l’aéronef ainsi que de la sécurité de toutes les personnes à bord. Le COM énonce également les tâches des pilotes et indique notamment qu’avant le vol, le commandant de bord doit étudier attentivement les derniers bulletins météorologiques et les dernières prévisions météorologiques concernant la zone d’exploitation. Cette disposition est conforme à l’article 602.72 du RAC, qui stipule que « [l]e commandant de bord d’un aéronef doit, avant le commencement d’un vol, bien connaître les renseignements météorologiques pertinents au vol prévu qui sont à sa dispositionNote de bas de page 40 ».

    1.17.7.2 Manuel de référence du personnel navigant

    Outre le COM, GSH dispose d’une publication intitulée Air Crew Reference Manual (ARM), destinée à [traduction] « être utilisée par le personnel d’exploitation et à le guider dans l’exécution de ses tâchesNote de bas de page 41 ». L’ARM souligne que, dans les situations où il est possible que la visibilité soit réduite, [traduction] « la planification des vols est primordiale, en ce sens que les prévisions doivent être analysées avant même le départ du volNote de bas de page 42 ». L’ARM rappelle également qu’il est important que les pilotes obtiennent un exposé météorologique et envisagent des plans de rechange si on s’attend à ce que les conditions changent le long de la route prévue.

    L’ARM ne traite pas expressément du risque lié à la lumière plate; cependant, il présente la directive et l’avertissement suivants :

    • Les pilotes doivent éviter les reliefs ascendants par mauvais temps.
    • « Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert lorsque, grâce à l’effet de clarté de la neige, la lumière venant du ciel est à peu près égale à celle qui vient de la surface de la neige (AIM AIR 2.12.7) Note de bas de page 43. »
    1.17.7.3 Procédures d’exploitation normalisées

    Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) facilitent la prise de décisions des pilotes en leur fournissant des solutions efficaces préétablies, fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur, face à certaines situations susceptibles d’être rencontrées. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation où une mauvaise ligne de conduite pourrait réduire les marges de sécurité. Dans de tels cas, les SOP peuvent contribuer à réduire la charge de travail du pilote, qui a moins d’efforts à fournir pour suivre le processus décisionnel, puisque celui-ci a déjà été effectué pour lui. Toutefois, pour être efficaces, les SOP doivent indiquer clairement qui doit agir, comment et quand. Une fois qu’une procédure a été élaborée, les pilotes doivent avoir des occasions de s’y exercer et être encouragés à l’utiliser de sorte qu’elle devienne une habitude.

    Les SOP sont exigées par la réglementation et largement acceptées comme outil de renforcement de la sécurité Note de bas de page 44 dans les opérations aériennes commerciales à équipage multiple. Les NSAC dressent une liste des séquences qui doivent être incluses dans les SOP; toutefois, aucune orientation n’est fournie aux exploitants pour les aider à s’assurer que ces SOP sont élaborées conformément aux pratiques exemplaires Note de bas de page 45. À l’heure actuelle, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC sont autorisées sans SOP. Par conséquent, les SOP sont moins courantes et généralement moins structurées dans le cas des opérations à un seul pilote que dans le cas des opérations en équipage multiple. Le BST a enquêté sur de nombreux événements survenus dans des opérations à un seul pilote pour lesquelles soit il n’y avait pas de SOP parce qu’elles n’étaient pas exigées par la réglementation, soit les SOP étaient inadéquates Note de bas de page 46. De 2001 à 2003, TC a publié plusieurs avis de proposition de modification (APM) Note de bas de page 47 visant à étendre l’exigence relative aux SOP à « tous les vols commerciaux, quels que soient le nombre de membres d’équipage ou la complexité de l’aéronef Note de bas de page 48 ». Au moment de la rédaction du présent rapport, les APM demandant des SOP pour les opérations à un seul pilote en sont encore à diverses étapes d’examen (tableau 9).

    Tableau 9. Avis de proposition de modification émis par Transports Canada de 2001 et 2003, et leur état d’avancement, visant à étendre l’exigence de procédures d’exploitation normalisées à tous les vols
    Numéro de l’APM Titre de l’APM Référence dans le RAC État
    2003-075 Procédures d’utilisation normalisées (SOP) 723.107 (Avions) Révision juridique
    2003-074 Procédures d’utilisation normalisées de l’aéronef 722.84 Révision juridique
    2003-072 Procédures d’utilisation normalisées 702.84(1) Gazette du Canada, Partie I
    2001-135 Procédures d’utilisation normalisées 704.124(1) CCRAC* : Approuvé
    2001-134 Procédures d’utilisation normalisées 703.107(1) Gazette du Canada, Partie I

    *Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne

    GSH ne disposait d’aucun manuel consacré aux SOP. Toutefois, l’entreprise a élaboré un certain nombre de SOP propres à certaines tâches, qui sont à la disposition des pilotes sur son portail Internet. GSH disposait par exemple d’une SOP propre à la tâche intitulée North of Tree Line Operations. D’après le document, cette procédure a été établie en janvier 2021 et modifiée en mars 2022. L’entreprise n’a pas pu fournir une copie de la version de la SOP qui était en vigueur au moment de l’événement dans le cadre de l’enquête. Par conséquent, seule la version modifiée de mars 2022 a pu faire l’objet d’un examen dans le cadre de l’enquête. Selon l’entreprise, les modifications de 2022 ont été apportées pour insister sur l’importance de la vigilance des pilotes et sur le fait que la technologie ne permet pas d’éviter les mauvaises décisions Note de bas de page 49.

    La version de mars 2022 de la SOP intitulée North of Tree Line Operations fournit les indications suivantes aux pilotes [traduction] :

    • Les conditions météorologiques constituent le principal facteur de décision en ce qui concerne le vol dans des conditions de voile blanc.
    • Des situations qui sont parfaitement adéquates pour le vol au sud de la limite forestière peuvent être entièrement inadéquates au nord de celle-ci […].
    • Le fait d’avoir des plans de rechange pour faire face à l’inconnu […] facilitera le processus décisionnel dans le poste de pilotage […].
    • Le répartiteur de GSH peut constituer un filin de sécurité et doit être utilisé à bon escient […].
    • L’établissement de minimums personnels pour les conditions météorologiques et les altitudes de croisière peut aider les pilotes à éliminer les pressions externes […] et à créer une marge d’erreur en cas de perte de conscience de la situation. […] Le pilote doit respecter rigoureusement ces minimums personnels […].
    • La GFA est un atout incontestable lors de la planification des activités de votre journée. Tenez compte des conditions météorologiques à venir et du temps dont vous aurez besoin pour atteindre vos objectifs […].
    • Une planification minutieuse et des exposés météorologiques avant les vols peuvent permettre d’éviter que l’on se retrouve dans des conditions de visibilité réduite dangereuses, de jour comme de nuit. […]
    • Un balayage visuel fréquent des instruments de vol utilisés de pair avec les cartes VFR est nécessaire pour assurer une marge de franchissement du relief proche […].
    • Maintenez toujours trois points de référence […].
    • Bien que nous ne soyons pas des pilotes titulaires d’une qualification IFR, la familiarisation avec l’horizon artificiel / le DG [gyroscope directionnel] / le VSI [indicateur de vitesse verticale] est une compétence importante à travailler. Tous ces instruments peuvent être utilisés lors de vols VFR réguliers et peuvent éventuellement vous aider à maintenir vos paramètres de vol pendant des vols stressants. En tant que toute dernière ligne de défense, ils peuvent être la seule chose sur laquelle vous puissiez compter Note de bas de page 50.

    1.17.8 Formation des pilotes chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd.

    1.17.8.1 Généralités

    La formation vise à appuyer la PDP en établissant des attentes en matière d’exécution conditionnelle (« si…, alors… »), ce qui offre aux pilotes un cadre de référence pour la prise de décisions opérationnelles. Par conséquent, lorsqu’une situation survient, les pilotes reviennent généralement à ce qui leur a été enseigné pendant leur formation. Pour cette raison, il est important que la formation soit réaliste et qu’elle aborde les situations susceptibles de se présenter lors d’opérations réelles.

    Dans le cadre de l’enquête, le BST a examiné le programme de formation de GSH. Les renseignements pertinents tirés de cet examen sont présentés dans les sections suivantes.

    1.17.8.2 Entraînement sur simulateur

    Le COM de GSH stipule que lorsqu’un dispositif d’entraînement au vol (DEV) ou un simulateur complet de vol (FFS) approuvé est utilisé pour la formation initiale ou l’entraînement périodique en vol, les situations suivantes doivent faire l’objet d’exercices [traduction] :

    1. défaillances d’équipement et situations d’urgence réelles […];
    2. entrées par inadvertance dans des conditions de givrage et des IMC [conditions météorologiques de vol aux instruments];
    3. vol dans des conditions de luminosité variables qui peuvent se présenter au cours d’un vol VFR de jour, y compris dans les opérations par mauvais temps, ainsi qu’au crépuscule ou à l’aubeNote de bas de page 51.

    L’entreprise ne possède ni n’exploite de DEV ou de FFS, et elle n’avait organisé aucun entraînement sur simulateur depuis sa création en 2018.

    La référence à l’entrée par inadvertance dans des conditions de givrage et des IMC mentionnée ci-dessus est la seule mention des IIMC qui figure dans les publications de l’entreprise.

    1.17.8.3 Formation au vol selon les règles de vol à vue par visibilité réduite

    Les pilotes de GSH reçoivent une formation au vol VFR par visibilité réduiteNote de bas de page 52, qui leur permet de voler dans des conditions de visibilité en vol inférieure à 1 SM, mais supérieure à ½ SM, en évoluant en VFR dans l’espace aérien non contrôlé.

    La formation au vol VFR par visibilité réduite de l’entreprise, qui comprend un cours sur la PDP, est d’une durée minimale de 4 heures, dispensée par autoformation en ligne ainsi que par formation en personne au sol et en vol. Chez GSH, cette formation est normalement donnée sur une base annuelle.

    La partie en ligne de la formation est constituée d’une présentation de 22 diapositives à rythme libre. L’une des diapositives, intitulée « White-out and flat light » (voile blanc et lumière plate), présente les points suivants [traduction] :

    Les voiles blancs se produisent lorsque la visibilité devient nulle, ou presque nulle, et que la ligne d’horizon devient impossible à distinguer. Le couvert nuageux semble se confondre avec la surface de la neige, ce qui crée une blancheur uniforme; le contraste disparaît en grande partie.

    Un voile blanc peut prendre 4 formes nominales :

    Lors d’un blizzard, la neige au sol s’agite et produit l’effet de lumière.

    Lors d’une forte chute de neige, le volume de neige lui-même réduit la visibilité.

    Lorsque le sol est entièrement recouvert de neige, la lumière est presque totalement réfléchie.

    Lorsqu’il y a du brouillard au niveau du sol en présence de neige, la visibilité est réduite.

    Les voiles blancs engendrent de nombreuses menaces, en particulier pour les pilotes qui perdent le sens de la perspectiveNote de bas de page 53.

    D’après le formulaire de formation VFR par visibilité réduite de l’entreprise, la partie de la formation en personne au sol, d’une durée de 2 heures, couvre les sujets indiqués dans le tableau 10.

    Tableau 10. Sujets de la formation au vol selon les règles de vol à vue par visibilité réduite et leur durée (Source : Great Slave Helicopters 2018 Ltd.)
    Sujet Durée (heure)
    Présentation de la vidéo « Weather to Fly » 0,4
    Discussion sur les facteurs liés aux opérations par visibilité réduite, y compris la masse brute 0,3
    Vitesse anémométrique / vitesse sol, vent, rayon de virage 0,3
    Météo, relief, moment de la journée, communications 0,4
    Voile blanc, lumière plate, point de référence pour l’atterrissage 0,3
    Vitesse minimale de l’aéronef 0,1
    Facteurs liés au carburant 0,2

    La présentation de 9 diapositives de la formation en personne contient 1 diapositive intitulée « Minimum Airspeeds » (vitesses anémométriques minimales), qui comprend les lignes directrices suivantes [traduction] :

    • À 60 nœuds / 60 mi/h, commencer à penser à la stratégie de sortie.
    • SI vous devez ralentir davantage, interrompre la mission, amorcer un virage à 180 degrés ou atterrir.
    • La vitesse minimale de sécurité doit être respectée :
      • 40 mi/h ou 40 nœuds (selon l’unité sur la jauge).
    • Fournit un point de décision proactif « oui » ou « non ».
    • Suggestion
      • Si vous volez à une vitesse de 40 nœuds et que vous avez de la difficulté à voir, vous êtes à moins de ½ mille…
      • Réévaluer les priorités (repères, transformation en colline, etc.)Note de bas de page 54.

    Les notes du conférencier mentionnent également qu’un pilote devrait toujours prévoir une solution de rechange viable. Les notes indiquent également que 60 nœuds / mi/h est la meilleure vitesse de performance pour la plupart des types d’hélicoptères, et que la prudence est de mise lors des virages en vent arrière à basse vitesse en raison du risque accru de perte d’efficacité du rotor de queue.

    Une autre diapositive de la présentation est intitulée « Flat Light » (lumière plate) et comprend les points suivants à ce sujet [traduction] :

    • Illusion d’optique « voile blanc partiel ou sectoriel »
    • Perte de profondeur de champ et de contraste
      • Par exemple, ciel couvert ou zones ombragées
    • Principalement dans les zones enneigées (il peut s’agir de poussière, de sable, d’eau)
    • Illusions de montée/descente
    • Difficulté à évaluer la vitesse de rapprochement et la hauteur au-dessus du solNote de bas de page 55

    La présentation comprend des notes indiquant que les pilotes sont tenus de comprendre et de démontrer leur capacité à faire ce qui suit [traduction] :

    • Maintenir les VFR en tout temps. […]
    • Voler à basse altitude et à basse vitesse […].
    • Effectuer un virage à 180 degrés et une sortie de virage sur un cap donné en maintenant l’altitude et la vitesseNote de bas de page 56.

    L’entraînement au vol par visibilité réduite comprend au moins 0,3 heure de vol à bord d’un aéronef ou dans un FFS de niveau C (ou mieux) approuvé par TC. En pratique, l’entraînement au vol par visibilité réduite de GSH consiste généralement à suivre la rive d’un lac voisin, à 200 à 300 pieds AGL, à une vitesse d’environ 80 nœuds. Le pilote instructeur indique ensuite au candidat que les conditions météorologiques se dégradent et qu’un mur de nuages se profile à l’horizon. Le candidat doit alors réduire sa vitesse et effectuer un virage à 180° tout en regardant les repères disponibles à l’extérieur. En général, le pilote instructeur avise ensuite le candidat qu’il y a un autre mur de nuages devant lui, ce qui le place dans une situation où il doit atterrir.

    À l’exception de 1 mention dans le COM, les publications de l’entreprise, y compris les documents de formation, ne font aucune référence à l’IIMC et n’incluent aucun type de procédure ou de formation à utiliser en cas d’IIMC. L’entreprise a plutôt adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard de l’IIMC. La direction de GSH accordait une valeur limitée à la prestation de la formation à l’IIMC, qui exige généralement que le pilote passe aux instruments de vol pour effectuer un virage à 180° ou monter droit devant jusqu’à une altitude sûre. L’équipe de direction est d’avis qu’il est possible d’éviter les IIMC grâce à une bonne PDP et qu’il est très peu probable qu’un pilote d’hélicoptère qualifié pour le vol VFR ayant une expérience limitée en matière de vol aux instruments soit en mesure d’effectuer avec succès une telle manœuvre. Le personnel de direction s’est également dit préoccupé par le fait que la formation à l’IIMC pourrait amener les pilotes de l’entreprise à avoir un excès de confiance quant à leur capacité de piloter dans des conditions météorologiques qui se dégradent, ce qui les inciterait à poursuivre le vol dans des conditions qui pourraient ne pas convenir à des vols VFR.

    1.17.8.4 Opérations hivernales

    La formation au sol de GSH comprend également une présentation de 22 diapositives sur les dangers en hiver, utilisée pour la formation en ligne et la formation en personne. La présentation contient 1 diapositive consacrée au voile blanc et à la lumière plate, qui comprend les points suivants [traduction] :

    • On parle de « voile blanc » lorsqu’une personne se retrouve enveloppée dans une lueur blanchâtre uniforme.
    • La lumière plate entraîne un manque de perception de la profondeurNote de bas de page 57.
    1.17.8.5 Prise de décisions du pilote dans la formation au sol

    Chez GSH, la formation sur la PDP est dispensée chaque année dans le cadre de la formation sur le vol par visibilité réduite, bien que la réglementation exige seulement que la formation sur la PDP soit suivie tous les 3 ans. Le cours sur la PDP de l’entreprise répond aux exigences réglementairesNote de bas de page 58.

    Une partie de la formation sur la PDP comprend une discussion au sujet d’un événement survenu en 2015 avec un des hélicoptères Airbus Helicopters AS 350 de l’entreprise d’origine (voir la section 1.18.8.1 Octobre 2015 – Collision en approche dans des conditions de lumière plate).

    1.17.9 Profils de risque opérationnel (évaluations des risques)

    1.17.9.1 Généralités

    Les organisations qui ont adopté une culture de sécurité proactive cherchent à détecter les dangers et utilisent des processus structurés d’évaluation des risques afin de mieux comprendre les risques pour les opérations et d’élaborer des stratégies d’atténuation de ces risques. Ces organisations reconnaissent également que les êtres humains sont faillibles et que la réalisation d’une opération sans erreur est irréaliste, car même les meilleurs travailleurs commettent des erreurs Note de bas de page 59. Ainsi, elles s’efforcent d’améliorer les procédures ou les processus internes afin de les rendre plus résilients Note de bas de page 60, Note de bas de page 61. Pour obtenir les meilleurs résultats possibles, le processus d’évaluation des risques devrait faire appel à des experts en la matière, car ils possèdent des connaissances et une expérience de première main. Cette démarche peut contribuer à garantir une approche robuste et multiniveaux de la gestion des risques opérationnels. On parle souvent d’une approche de « défense en profondeur ». Le concept de « défense en profondeur » est répandu dans le monde de la sécurité depuis de nombreuses années. La mise en place de multiples couches de moyens de défense, ou de redondance, s’est avérée une approche fructueuse dans de nombreux secteurs pour éviter qu’une défaillance ponctuelle entraîne des conséquences catastrophiques. Afin d’assurer une amélioration continue, les organisations doivent « évoluer constamment au moyen des extrants des systèmes et des leçons apprises Note de bas de page 62 ». Par conséquent, il est important qu’elles revoient et mettent à jour périodiquement les processus, tels que les évaluations des risques, au fur et à mesure qu’elles tirent des leçons des expériences positives et négatives Note de bas de page 63. Cela permettra de maximiser la résilience, ce qui renforcera la sécurité.

    En 2019, le BST a émis la recommandation A19-03 à la suite d’une enquête sur une question de sécurité (SII) portant sur les risques qui persistent dans les activités de taxi aérien au CanadaNote de bas de page 64. La SII a montré qu’il serait utile que les associations du secteur soutiennent activement les exploitants régis par la sous-partie 703 du RAC, comme GSH, pour qu’ils aillent au-delà de la réglementation et rehaussent les normes de sécurité. Par conséquent, le Bureau avait recommandé que :

    les associations du secteur (p. ex., ATAC, ACH, AQTA, FOA, NATA) prônent des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité auprès des exploitants de taxis aériens, pour corriger les lacunes de sécurité cernées dans cette enquête sur une question de sécurité, par la formation et par le partage de pratiques exemplaires, d’outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien.
    Recommandation A19-03 du BST

    Dans son évaluation des réponses en février 2023, le BST a indiqué que des renseignements insuffisants avaient été fournis pour démontrer comment les associations corrigeront la lacune de sécurité décrite dans la recommandation A19-03. Par conséquent, à l’égard de la réponse à la recommandation A19-03, le Bureau a estimé que son évaluation était impossibleNote de bas de page 65. Le BST surveillera l’évolution des mesures prises et fera un suivi auprès des associations pour déterminer ce qu’elles ont fait.

    1.17.9.2 Approche de Great Slave Helicopter 2018 Ltd. en matière de profils de risque opérationnel

    GSH a élaboré des évaluations des risques, que l’entreprise appelle profils de risque opérationnel (operational risk profiles, ORP), pour certaines de ses tâches courantes. Les modèles d’ORP de l’entreprise sont de nature tabulaire et comportent des rangées pour chaque tâche (c.-à-d. chaque danger) et les colonnes suivantes pour le calcul des risques : risques, gravité, probabilité, niveau de risque globalNote de bas de page 66, traitement des risques et risque résiduel.

    Selon l’entreprise, les modèles d’ORP sont préremplis avec divers degrés d’information générique liée aux tâches. L’entreprise a indiqué qu’avant de commencer un travail particulier, d’autres considérations relatives aux risques propres à la tâche seraient ajoutées au modèle d’ORP. Le personnel de direction de l’entreprise a également indiqué qu’à certaines occasions, les pilotes participaient à la phase finale de l’élaboration de l’ORP. Les ORP remplis sont accessibles sur le portail Internet de l’entreprise, si les pilotes affectés à une tâche donnée souhaitent les consulter. Toutefois, l’entreprise n’exige pas qu’ils le fassent.

    L’enquête a permis de déterminer que certains pilotes de l’entreprise n’avaient jamais participé au processus d’ORP ni examiné un ORP avant d’entreprendre une tâche.

    1.17.9.3 Examen des modèles de profil de risque opérationnel

    Pour mieux comprendre comment GSH gère la sécurité, dans le cadre de l’enquête, on a tenté d’examiner tout ORP établi pour le PPCP. Selon l’entreprise, un ORP pour les opérations hivernales a été rempli. Toutefois, l’entreprise n’a pas été en mesure de produire une copie de celui-ci ou de tout autre ORP rempli avant l’événement. Par conséquent, on a seulement pu examiner les modèles d’ORP de l’entreprise.

    Le modèle d’ORP pour les opérations hivernales, daté du 3 janvier 2021, contenait des renseignements génériques sur divers dangers liés aux vols effectués en hiver, lesquels étaient désignés par le terme « tâches » dans le modèle. La lumière plate et le voile blanc étaient désignés comme étant 2 des tâches dans le modèle d’ORP. Les colonnes de risque pour les tâches liées à la lumière plate et au voile blanc étaient préremplies avec des extraits d’information provenant du document Flying in Flat Light and White Out ConditionsNote de bas de page 67et de l’Aeronautical Information Manual de la Federal Aviation Administration (FAA)Note de bas de page 68. Le traitement des risques liés à la lumière plate était repris textuellement de ces 2 mêmes références de la FAA. Le traitement des risques liés au voile blanc était tiré du document de NAV CANADA intitulé Le Temps dans les PrairiesNote de bas de page 69. Les renseignements dans l’ORP liés aux « tâches » relatives à la lumière plate et au voile blanc figurent à l’annexe C.

    Le modèle d’ORP pour les vols par visibilité limitée de GSH a également été examiné pendant l’enquête. Dans le modèle, des « risques » étaient indiqués. La colonne « traitement des risques » présentait des renseignements provenant de diverses sources externes, décrivant chaque « risque » cerné, ainsi que des directives générales pour atténuer le risque lié aux opérations par visibilité réduite. Les colonnes de calcul des risques étaient vides. Le modèle d’ORP pour les vols par visibilité limitée ne mentionne ni l’IIMC ni les instruments de vol. La section contextuelle de l’ORP souligne l’importance de recevoir un exposé météorologique approprié avant le vol et d’examiner les conditions météorologiques actuelles et prévues. L’ORP indiquait également que s’il devait survoler un plan d’eau gelé, le pilote devrait maintenir le contact visuel avec la ligne de rivage. L’ORP ne fait aucune mention du survol d’une île stérile recouverte de neige.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Un SGS est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux entreprises de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant qu’un accident survienne. Bien que l’enjeu de la gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance depuis 2010 et que la sensibilisation du secteur à l’égard des SGS ait lentement augmenté depuis lors, les rapports d’enquête du BST continuent de faire état de lacunes et de préoccupations dans le secteur du transport aérien. Par exemple, de nombreuses enquêtes du BST ont révélé que certains exploitants, qui ne sont pas tenus par la réglementation d’avoir un SGS approuvé par TC, s’appuient sur des systèmes inefficaces pour gérer la sécuritéNote de bas de page 70.

    Il y a eu peu de progrès pour étendre l’utilisation d’un SGS au-delà des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC. Les exigences en matière d’utilisation d’un SGS ne s’appliquent toujours pas aux exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC, aux unités de formation au pilotage (assujetties à la sous-partie 406 du RAC) ou aux exploitants d’aérodromes non certifiés. Ensemble, les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC représentent plus de 90 % de tous les exploitants aériens commerciaux au Canada. Sans l’aide d’un SGS, ces exploitants, dont beaucoup sont de plus petites entreprises, continuent de manquer des occasions d’améliorer la sécurité. Par conséquent, la probabilité qu’il y ait encore des pertes de vie et des blessures graves demeure élevée.

    Bien que des progrès aient été réalisés en réponse aux 3 recommandations du BSTNote de bas de page 71 relatives à cet enjeu, le travail accompli par l’organisme de réglementation et le secteur a été fragmentaire. TC mène un examen de la politique sur les SGS qui aidera à formuler des recommandations pour moderniser et élargir les exigences relatives aux SGS. Par exemple, il pourrait y avoir des exigences applicables aux concepteurs et aux fabricants d’aéronefs. Tant que cet examen ne sera pas terminé et que TC n’aura pas mis en œuvre des changements aux exigences relatives aux SGS, il reste impossible de savoir dans quelle mesure ces efforts répondront à l’enjeu de la gestion de la sécurité dans le secteur du transport aérien.

    Entre-temps, certaines associations de l’industrie fournissent des outils d’élaboration de SGS et en font la promotion auprès de leurs membres. Par ailleurs, selon des commentaires d’intervenants de l’industrie à l’intention du BST, les exploitants qui ne sont pas tenus d’avoir un SGS font néanmoins des efforts pour mettre en œuvre des versions de SGS à différentes échelles. Toutefois, TC ne surveille pas l’efficacité des SGS de ces exploitants, et les efforts des exploitants sont parfois entravés par un manque de ressources humaines ou d’expertise, le coût et la complexité.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que :

    • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
    • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

    1.18.2 Conditions de lumière plate et de voile blanc

    1.18.2.1 Généralités

    La vision est de loin la plus importante source de repères pour l’orientation spatiale. Dans un vol VFR, l’environnement visuel est le principal élément permettant au pilote d’hélicoptère d’assurer une maîtrise et une stabilisation précises. La capacité de voir des points de repère au sol, le ciel et l’horizon fournit à un pilote une rétroaction claire et immédiate sur les mouvements angulaires et de translationNote de bas de page 72. La conscience de la situation des pilotes et leur capacité à maîtriser l’hélicoptère peuvent être altérées lorsqu’ils volent par visibilité réduite, autrement dit dans un environnement visuel dégradé (DVE), par rapport à lorsqu’ils volent dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) « normalesNote de bas de page 73 ». La recherche a également montré que les conditions de visibilité réduite créent de l’ambiguïté quant à savoir s’il faut poursuivre ou non le vol, ce qui peut retarder la prise de décisionsNote de bas de page 74. En règle générale, pour un pilote qualifié pour le vol VFR, les indices nécessaires pour résoudre cette ambiguïté sont externes à l’aéronef, de sorte que son attention est portée à l’extérieur de l’aéronefNote de bas de page 75.

    Dans des zones où le terrain ne présente guère de traits caractéristiques (p. ex., au nord de la limite forestière, lorsque la neige recouvre le sol), un pilote peut avoir de la difficulté à évaluer la hauteur, la vitesse et la distanceNote de bas de page 76. En l’absence de repères tels que l’horizon ou autres structures d’origine humaine (c.-à-d., des repères visuels périphériques), l’évaluation de l’assiette et de la hauteur par le pilote peut également être moins précise, et des dérives verticales ou latérales peuvent passer inaperçues, ce qui accroît le risque de désorientation spatialeNote de bas de page 77. La désorientation spatiale du pilote se définit comme étant [traduction] « l’incapacité du pilote à interpréter correctement l’assiette, l’altitude ou la vitesse de l’aéronef en fonction de la Terre ou d’autres points de référenceNote de bas de page 78 ».

    Le système visuel fournit environ 80 % de l’information utilisée pour l’orientation spatiale. S’il fait défaut, il ne reste que les 20 % d’information provenant du système vestibulaire (les organes d’équilibre dans l’oreille interne) et du système proprioceptif (les récepteurs de pression dans tout le corps contribuant au sens général de l’orientation – menant à ce qu’on appelle le « pilotage aux fesses ») Note de bas de page 79. Malheureusement, ces 2 systèmes sont moins précis et plus susceptibles d’erreurs que le système visuel, car ils sont sujets aux illusions et aux mauvaises interprétations Note de bas de page 80 . Dans ces situations, lorsque les repères visuels au sol sont faibles ou nuls, la désorientation spatiale peut être surmontée en se référant aux instruments de vol pour contrôler la position de l’aéronefNote de bas de page 81.

    1.18.2.2 Comprendre la lumière plate et le voile blanc

    Le terme « lumière plate » est souvent utilisé de façon interchangeable avec le terme « voile blanc ». Par souci de clarté, la lumière plate est définie comme suit [traduction] :

    la condition dans laquelle une lumière diffuse se produit en raison d’un ciel nuageux, en particulier lorsque le sol est enneigé, ce qui réduit ou élimine le contraste et les ombresNote de bas de page 82.

    L’Aeronautical Information Manual publié par la FAA fournit la définition suivante, plus étoffée, de la lumière plate [traduction] :

    La lumière plate est une illusion d’optique, également appelée « voile blanc partiel ou sectoriel » [caractères gras dans l’original]. Ce phénomène n’est pas aussi grave que le « voile blanc », mais il fait en sorte que les pilotes perdent la profondeur de champ et le contraste de leur vision. Les conditions de lumière plate sont généralement accompagnées d’un ciel couvert empêchant de bien voir tout indice visuel. […] La lumière plate peut complètement masquer les caractéristiques du terrain, ce qui rend les distances et les vitesses de rapprochement impossibles à apprécier exactement. Cette lumière réfléchie peut donner aux pilotes l’illusion qu’ils sont en montée ou en descente alors qu’ils volent de fait en palier. Cependant, en faisant preuve de discernement, avec une formation et une planification appropriées, il est possible d’exploiter un aéronef en toute sécurité dans des conditions de lumière plateNote de bas de page 83.

    L’Aeronautical Information Manual de la FAA définit 2 types de voile blanc [traduction] :

    Voile blanc : Dans le domaine de la météorologie, le voile blanc se produit quand une personne se retrouve enveloppée dans une lueur uniformément blanche causée par la présence de neige, de poussière, de sable, de boue ou d’eau soulevés par le vent. Il n’y a pas d’ombres, d’horizon ou de nuages, et toute perception de profondeur de champ et d’orientation est perdue. Une situation de voile blanc est grave car il n’y a pas de repères visuels. […] Des conditions de lumière plate peuvent mener très rapidement à une situation de voile blanc. Ces deux conditions atmosphériques sont insidieuses, car elles peuvent se présenter sournoisement, les repères visuels commençant lentement à disparaître.

    Voile blanc autoprovoqué : Cet effet se produit généralement lorsqu’un hélicoptère décolle ou atterrit sur une surface enneigée. La déflexion du souffle rotor vers le bas soulève des particules, puis les fait recirculer à travers le rotor. L’effet peut varier en intensité en fonction de la lumière à la surface. […] [L]orsque cela se produit, la perte d’indices visuels peut être complète. Si le pilote ne s’est pas préparé à cette perte subite de visibilité, les résultats peuvent être désastreux. Une bonne planification n’empêche pas nécessairement de rencontrer des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 84.

    Pour offrir une compréhension plus claire de ce qu’est la lumière plate, l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) indique que la lumière plate [traduction] « […] peut se produire lorsque la visibilité est bonne, qu’il n’y a pas de chute de neige et que la surface du sol environnante est recouverte d’une couche de neige intacteNote de bas de page 85 ». Selon le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, en présence de lumière plate, les pilotes peuvent avoir du mal à percevoir la profondeur, la distance et l’altitude, et il leur est [traduction] « […] difficile, voire impossible, de distinguer le ciel du solNote de bas de page 86 ».

    La FAA prévient que même en présence de bons repères visuels, il peut être dangereux de poursuivre le vol dans des conditions de lumière plate [traduction] :

    Lorsqu’un vol est effectué le long de la rive d’un lac, servez-vous de celle-ci comme point de référence. Même si vous voyez la rive opposée, sachez que votre perception de profondeur peut être mauvaise et qu’il est facile de percuter la surface. Si vous devez traverser un lac, vérifiez fréquemment votre altimètre et maintenez une altitude sécuritaire tant que vous avez encore de bons repères visuels. Ne descendez pas sous cette altitude.

    Les mêmes règles s’appliquent aux zones enneigées en apparence plates. Si vous n’avez pas de bons repères, évitez de vous y rendreNote de bas de page 87.

    Dans le préambule de sa vidéo éducative intitulée Back to Basics – Flying in Flat Light & White Out Conditions, la FAA indique que [traduction] « voler dans des conditions de lumière plate ou de voile blanc peut mettre la vie en dangerNote de bas de page 88 ».

    Bien que la lumière plate et le voile blanc produisent des effets semblables, la FAA recommande de définir chaque concept aux fins de formation, car ces termes ne devraient pas être utilisés de façon interchangeableNote de bas de page 89. Par souci de simplicité, on parle de voile blanc lorsque tout ce qui vous entoure semble blanc et que vous ne pouvez pas voir des repères ou l’horizon. Dans une situation de lumière plate, vous serez peut-être capable de voir l’horizon ou d’autres éléments au loin; cependant, lorsque vous regardez vers le bas, vous n’êtes pas en mesure de déterminer efficacement votre hauteur au-dessus du sol étant donné que la perception de la profondeur est perdue en raison de la lumière diffuse filtrée par les nuages sur les ombres causées par le relief.

    Pour lutter contre le risque lié à la lumière plate et au voile blanc, le NTSB et la FAA ont indiqué, dans des publications distinctes, que les pilotes devraient obtenir la formation voulue et entretenir leurs compétences en matière de vol uniquement aux instruments, apprendre à se fier à leurs instruments de vol et adopter de bonnes pratiques de contre-vérificationNote de bas de page 90,Note de bas de page 91.

    Au moment de l’événement, le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), qui a été « développé pour regrouper l’information de référence pré-vol en un seul documentNote de bas de page 92 », ne faisait aucune mention du terme « lumière plate », mais seulement du terme « voile blanc », qu’il décrit comme suit :

    Le voile blanc est défini au Glossaire de météorologie publié par l’American Meteorological Society comme :

    « Un phénomène optique atmosphérique des régions polaires qui fait que l’observateur semble enveloppé dans une lueur blanchâtre uniforme. On ne peut discerner l’horizon, ni les ombres, ni les nuages; on perd le sens de la profondeur et de l’orientation et on ne peut voir que les objets très sombres situés tout près. Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert lorsque, grâce à l’effet de clarté de la neige, la lumière venant du ciel est à peu près égale à celle qui vient de la surface de la neige. La présence d’un chasse-neige peut accentuer ce phénomèneNote de bas de page 93. »

    L’AIM de TC indique également que si les objets et le sol lui-même sont entièrement blancs et que vous ajoutez une source de lumière diffuse filtrée par une couche nuageuse, la lumière sera réfléchie dans toutes les directions par la surface blanche, ce qui fera disparaître les ombres. Dans un tel cas, l’AIM de TC émet l’avertissement suivant :

    À cause de l’extrême diffusion de la lumière, il est probable que le terrain et le ciel se confondront, l’horizon ayant disparu. Le vrai danger du voile blanc est que le pilote ne soupçonne pas le phénomène car il vole en air clair. Dans de nombreux accidents dus au voile blanc, le pilote a percuté la surface recouverte de neige sans se douter qu’il avait descendu et confiant qu’il pouvait voir le solNote de bas de page 94.

    L’AIM de TC recommande que si un pilote rencontre, ou même soupçonne de rencontrer, les conditions décrites ci-dessus :

    […] il devrait immédiatement monter s’il se trouve à bas niveau ou se mettre en palier et se diriger vers un endroit où les détails de la typographie du terrain sont très évidents. Le pilote ne doit pas continuer le vol sauf s’il est préparé à traverser la zone de voile blanc aux instruments et s’il a la compétence voulue pour le faireNote de bas de page 95.

    1.18.2.3 Incidence opérationnelle de la lumière plate et du voile blanc

    Les données historiques sur les accidents sont utiles pour établir des statistiques sur les causes d’accidents. Toutefois, ces statistiques sont fondées sur les données disponibles, qui découlent généralement d’un accident. Il est beaucoup plus difficile de quantifier le nombre de « quasi-incidents » qui se produisent dans le secteur, en particulier lorsqu’il s’agit d’opérations à un seul pilote en région éloignée, pour lesquelles les possibilités de supervision directe sont très limitées. Par conséquent, il n’existe aucun moyen d’estimer avec précision le nombre de quasi-incidents qui surviennent pendant les opérations.

    Dans le but d’explorer les risques encourus par les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR au nord de la limite forestière, de nombreuses entrevues ont été menées dans le cadre de l’enquêteNote de bas de page 96. Les pilotes interrogés ont souvent cité la lumière plate et le voile blanc comme étant des risques importants lors des vols VFR au nord de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps. Bon nombre de ces pilotes avaient des récits personnels de quasi-incidents ou des récits d’autres pilotes qui avaient percuté ou failli percuter le relief ci alors qu’ils effectuaient des vols VFR de jour dans des conditions de lumière plate ou de voile blanc. Ces pilotes ont souligné l’importance de l’expérience lors des vols au nord de la limite forestière; il est ainsi plus facile de repérer les conditions météorologiques potentiellement dangereuses, de détecter les changements météorologiques en temps réel, de comprendre les répercussions de ces changements, puis de déterminer quelles actions de rechange pourraient être indiquées, le cas échéant.

    La photo ci-dessous (figure 8) a été prise sur le lieu de l’accident, en regardant en direction de Resolute Bay. Lorsque cette photo a été prise, les conditions météorologiques à CYRB étaient les suivantes : visibilité de 7 SM dans de la neige légère avec une couche de nuages épars à partir de 3700 pieds AGL.

    Figure 8. Photo prise sur le lieu de l’accident le 1er mai 2021, en regardant vers Resolute Bay. Ligne de crête perpendiculaire à environ 1 SM. (Source : BST)
    Image
    Photo prise sur le lieu de l’accident le 1<sup>er</sup> mai 2021, en regardant vers Resolute Bay. Ligne de crête perpendiculaire à environ 1 SM. (Source : BST)
    1.18.2.4 Modifications réglementaires aux États-Unis pour atténuer le risque lié à la lumière plate et au voile blanc

    Le 7 octobre 2002, le NTSB a envoyé une lettre de recommandation de sécurité à la FAA soulignant que, depuis janvier 1997, des conditions de lumière plate avaient été désignées comme une cause probable de 23 accidents d’aviation sur lesquels le NTSB a enquêté. Au cours de la même période, des conditions de voile blanc avaient été mentionnées dans 13 autres enquêtes. Dans sa lettre, le NTSB indiquait que la quasi-totalité de ces accidents s’étaient produits en Alaska, où [traduction] « il est clair que les conditions de lumière plate sont relativement fréquentes […]Note de bas de page 97 ». La lettre contenait des détails sur 5 accidents d’hélicoptères, dont 3 mettaient en cause un seul exploitant et étaient survenus le même jour, dans un rayon de 2 NM l’un de l’autre. Le premier hélicoptère s’était écrasé alors qu’il effectuait un vol touristique VFR au-dessus d’un glacier. Les 2 autres hélicoptères s’étaient écrasés lors de tentatives subséquentes de localiser et secourir les survivants du 1er écrasementNote de bas de page 98.

    L’examen de ces accidents par le NTSB a soulevé les préoccupations suivantes au sujet de l’exploitation d’hélicoptères commerciaux dans des conditions de lumière plate et d’autres conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) [traduction] :

    1. (1) les pilotes professionnels d’hélicoptères qui effectuent des vols dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blanc ne sont pas tenus d’être qualifiés pour le vol aux instruments ou de démontrer leur compétence en matière de vol aux instruments lors des vols de vérification des compétence aux termes de la partie 135;
    2. (2) les exploitants d’hélicoptères commerciaux dans ces zones ne dispensent pas à leurs pilotes la formation nécessaire pour voler en toute sécurité dans des conditions de lumière plate;
    3. (3) les altimètres radar qui pourraient aider les pilotes à évaluer la proximité du sol dans des conditions de lumière plate et de voile blanc ne sont pas obligatoires pour les hélicoptèresNote de bas de page 99.

    Le NTSB indique que certains exploitants ont choisi de ne pas dispenser de formation de vol aux instruments, préférant s’en remettre à la stratégie « descendre et ralentir », mais ne jamais se retrouver dans des IMC. La lettre souligne que [traduction] « le Safety Board doute que les pilotes qui effectuent régulièrement des vols dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blanc soient toujours en mesure d’éviter de voler dans de telles conditions, comme le démontrent les accidents décrits dans la présente lettreNote de bas de page 100 ».

    À la suite de ces accidents, le NTSB a émis 3 recommandations de sécurité dans sa lettre de 2002 à la FAA [traduction] :

    [L]e National Transportation Safety Board recommande les mesures suivantes à la Federal Aviation Administration :

    Exiger que tous les pilotes d’hélicoptère qui effectuent des vols commerciaux de transport de passagers dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blanc possèdent une qualification de vol aux instruments propre aux hélicoptères et démontrent leur compétence en matière de vol aux instruments lors des vols de vérification compétence initiaux et périodiques aux termes de l’article 135.293 du titre 14 du Code of Federal Regulations. (A-02-33)

    Exiger que tous les exploitants d’hélicoptères commerciaux effectuant des vols de transport de passagers dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blanc incluent dans leurs programmes de formation approuvés des pratiques d’exploitation sécuritaires en présence de conditions de lumière plate ou de voile blanc. (A-02-34)

    Exiger l’installation d’altimètres radar dans tous les hélicoptères qui effectuent des vols commerciaux de transport de passagers dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blanc. (A-02-35)Note de bas de page 101

    Les recommandations sont demeurées « ouvertes » pendant plusieurs années, et d’autres accidents liés à la lumière plate et au voile blanc se sont produits. Parmi ceux-ci figure un accident survenu en 2006, dans lequel un hélicoptère Bell 206 s’est écrasé près de Juneau (Alaska) dans des conditions de lumière plate et de voile blanc alors qu’il survolait un champ de neige et de glace entièrement blanc. Un pilote et 6 passagers se trouvaient à bord. Lors d’une excursion au-dessus de glaciers et de relief montagneux en vertu de la partie 135, l’hélicoptère est accidentellement entré en collision avec le relief alors qu’il manœuvrait par visibilité réduite. D’après le rapport, le pilote ne pouvait pas voir le sol en raison de conditions de lumière plate, et l’hélicoptère n’était pas équipé d’un altimètre radar qui aurait pu fournir des renseignements sur la hauteur au pilote. Le pilote a indiqué que la visibilité en vol à ce moment-là était comprise entre ¾ SM et 1 SM et qu’il y avait des conditions de lumière plate ou de voile blanc à certains endroits. Au cours de l’enquête, un inspecteur de la FAA a déclaré qu’un altimètre radar, en plus de l’altimètre barométrique standard, est [traduction] « absolument inestimable dans ces conditionsNote de bas de page 102 ». Un pilote qui effectuait un vol dans la même zone générale au moment de l’événement était du même avis. Ce pilote a indiqué qu’il préférait nettement un hélicoptère équipé d’un altimètre radar lorsqu’il devait survoler des champs de glace et de neige. Aucun des 11 hélicoptères de l’exploitant n’était équipé d’un altimètre radar. Par contre, d’autres exploitants de la région avaient de leur propre chef équipé leurs hélicoptères d’altimètres radarNote de bas de page 103.

    Après plusieurs années de discussions continues entre le NTSB et la FAA, le NTSB a classé les recommandations. Le tableau 11 présente les mesures prises par la FAA en réponse aux 3 recommandations et leurs évaluations finales par le NTSB.

    Tableau 11. Mesures prises par la Federal Aviation Administration (FAA) et résultat en réponse aux recommandations du National Transportation Safety Board (NTSB) émises pour atténuer le risque lié à la lumière plate et au voile blanc, et évaluations finales par le NTSB des réponses de la FAA.
    Recommandation Mesure prise par la FAA et résultat Évaluation par le NTSB
    A-02-33 La FAA a modifié l’article 135.293 des Federal Aviation Regulations (exigences en matière de vérification initiale et périodique des compétences des pilotes) afin d’y inclure ce qui suit :
    • Évaluer les connaissances d’un pilote dans des domaines liés à [traduction] « la navigation et l’utilisation des aides à la navigation […], des installations et des procédures d’approche aux instrumentsA ».
    • Pour les pilotes d’hélicoptère, [traduction] « procédures à suivre en cas de lumière plate, de voile blanc et de voile brun, y compris les méthodes permettant de reconnaître et d’éviter ces conditionsB ».
    • Une vérification de compétence démontrant [traduction] « la capacité d’un pilote à manœuvrer le giravion uniquement à l’aide des instrumentsC ». Cette vérification vise à s’assurer qu’un pilote peut sortir en toute sécurité d’un IIMC.

    Le Federal Register indiquait que la nouvelle modification des règles [traduction] « améliore la sécurité en augmentant la probabilité qu’un pilote parvienne à sortir d’un IIMC et d’autres dangers et à y faire faceD ».

    Au cours du processus d’élaboration des règles, certaines organisations ont suggéré que la formation de sortie d’un IIMC soit dispensée 2 fois par année. Certaines personnes ont recommandé que la formation de sortie d’un IIMC soit offerte tous les trimestres.

    Classée – Mesure de remplacement acceptable.
    A-02-34

    La FAA a publié une vidéo, une brochure et un cours de formation sur ordinateur intitulés « Flying in Flat Light and White Out Conditions » (vol dans des conditions de lumière plate et de voile blanc).

    La FAA a choisi de ne pas obliger les exploitants à intégrer, dans leurs programmes de formation individuels, des pratiques qui renforceraient les procédures de pilotage d’un hélicoptère dans ces conditions.

    Classée – Mesure inacceptable.
    A-02-35 Le paragraphe 135.160(a)E des Federal Aviation Regulations (radioaltimètres pour l’exploitation des giravions) a été modifié comme suit [traduction] :

    « Après le 24 avril 2017, nul ne peut piloter un giravion si celui-ci n’est pas équipé d’un radioaltimètre approuvé par la FAA ou d’un dispositif approuvé par la FAA qui intègre un radioaltimètre, sauf autorisation contraire dans la liste d’équipement minimal approuvée du titulaire du certificat ».

    Le Federal Register indique que [traduction] « les radioaltimètres permettent d’améliorer la conscience de la situation en cas d’IIMC, d’opérations de nuit et de conditions de lumière plate, de voile blanc et de voile brunF ».

    Le Federal Register a également cité 29 accidents qui auraient pu être évités grâce à un altimètre radar. La FAA a également déclaré que [traduction] « un HTAWS [système d’avertissement et d’alarme d’impact pour hélicoptères] qui intègre une fonction d’altimètre radar ou qui fonctionne en conjonction avec une fonction d’altimètre radar répondrait aux exigences de l’article 135.160 […]G ».

    Classée – Mesure acceptable.

    A Federal Aviation Administration (FAA), Code of Federal Regulations, titre 14, partie 135, alinéa 135.293(a)4).
    B Ibid., partie 135, alinéa 135.293(a)(9).
    C Ibid., paragraphe 135.293(c).
    D Federal Aviation Administration (FAA), Federal Register, partie II, vol 79, no 35, 21 février 2014, p. 9933.
    E Federal Aviation Administration (FAA), Code of Federal Regulations, titre 14, partie 135, paragraphe 135.160(a).
    F Federal Aviation Administration (FAA), Federal Register, partie II, vol 79, no 35, 21 février 2014, p. 9933.
    G Ibid., p. 9940.

    Contrairement aux Federal Aviation Regulations, au moment de la rédaction du présent rapport, il n’y avait aucune mention relative à la lumière plate ou au voile blanc dans le RAC.

    1.18.3 Vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    1.18.3.1 Définition

    L’expression « vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments » (IIMC) désigne les situations dans lesquelles un pilote qui effectue un vol VFR se retrouve involontairement dans des IMC, c’est-à-dire dans des « [c]onditions météorologiques, exprimées en fonction de la visibilité et de la distance par rapport aux nuages, qui sont inférieures aux minimums précisés dans la section VI de la sous-partie 2 de la partie VI [du RAC]Note de bas de page 104 ». Traditionnellement, l’IIMC est souvent considéré comme une situation où un pilote qui effectue un vol VFR pénètre par inadvertance dans les nuages. Bien que ce soit exact, concrètement, des IMC sont présentes chaque fois qu’un pilote est obligé de piloter à l’aide des instruments de vol parce que les repères visuels externes sont insuffisants pour conserver la maîtrise de l’aéronef par référence à la surface.

    1.18.3.2 Écoles de pensée sur la façon de gérer le risque lié au vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Il existe 2 grandes écoles de pensée ou philosophies en ce qui a trait à l’atténuation du risque d’accident lié à un IIMC. Certains exploitants d’hélicoptères, comme GSH, ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC. Cette approche repose exclusivement sur la capacité d’un pilote qualifié pour le vol VFR à reconnaître que les conditions météorologiques se rapprochent des IMC et à y réagir avant de perdre ses repères visuels. Étant donné que cette approche est fondée sur la capacité d’un pilote à piloter à l’aide de repères visuels externes, certains exploitants envoient des hélicoptères en mission, quel que soit l’endroit, sans les instruments de vol de base nécessaires pour effectuer une sortie d’IIMC en se fiant uniquement aux instruments de vol. Le raisonnement sous-jacent présenté par certains exploitants, dont GSH, repose sur le fait que les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR n’ont pas les compétences nécessaires pour exécuter une procédure de sortie d’IIMC en utilisant uniquement leurs instruments de vol.

    Une autre approche adoptée par certains exploitants d’hélicoptères au Canada et dans le monde consiste à dispenser une formation de sortie d’IIMC aux pilotes qualifiés pour le vol VFR, en utilisant des simulateurs de vol à reproduction intégrale des mouvements ou un hélicoptère de l’entreprise, et à doter leurs hélicoptères de l’équipement nécessaire pour le faire. En règle générale, ces exploitants donnent une formation à l’IIMC dans le cadre de leur formation périodique annuelle. Toutefois, certaines entreprises dispensent également une formation ponctuelle à l’IIMC aux pilotes qualifiés pour le vol VFR peu avant de les envoyer dans des régions telles que l’Arctique, en raison des défis accrus liés au vol dans des zones enneigées et dépourvues de repères visuels.

    1.18.3.3 Article « il vous reste 178 secondes à vivre » de Transports Canada

    En 2003, TC a publié l’article « Un vol fatal par mauvais temps : il vous reste 178 secondes à vivre » dans sa publication Un instant! pour votre sécuritéNote de bas de page 105. L’article est basé sur une étude réalisée en 1954 par l’Institute of Aviation de l’Université de l’Illinois, au cours de laquelle 20 étudiants n’ayant reçu aucune formation de vol aux instruments ont volé dans des IMC simulées et se sont tous retrouvés en situation soit de « spirale de la mortNote de bas de page 107 », soit d’oscillations en dents de scieNote de bas de page 106. En moyenne, les participants à l’étude ont perdu le contrôle 178 secondes après leur première simulation de IMC. Le message sous-jacent de l’article de TC à intention des pilotes qualifiés pour le vol VFR est le suivant : « Il vous reste à présent 178 secondes à vivre » si vous vous retrouvez par inadvertance dans des IMC. L’article de TC décrit un « scénario fatal » dans lequel la panique et la confusion s’installent lorsqu’un pilote est incapable de déchiffrer l’information affichée sur les instruments de vol, ce qui entraîne ultimement un écrasement.

    Pour mieux comprendre le contexte de l’article de TC, l’enquête s’est penchée sur « l’expérience de virage à 180 degrés » originale de l’Université de l’IllinoisNote de bas de page 108. L’étude, menée sur des aéronefs à voilure fixe (Beechcraft Bonanza C-35), était financée par la fondation de l’Aircraft Owners and Pilots Association. L’Institute of Aviation avait été chargé d’élaborer un programme qui permettrait à un pilote qui n’est pas qualifié pour le vol aux instruments de conserver suffisamment la maîtrise de l’aéronef dans des IMC pour pouvoir revenir à des conditions de vol à vue. Les participants à l’étude couvraient un large éventail d’âges, et leur expérience allait de 30 à 1625 heures de vol au total.

    Afin de reproduire les exigences en matière d’instruments de vol en vigueur à l’époque, l’horizon artificiel, le gyroscope directionnel et les indicateurs de vitesse verticale avaient été recouverts. Aux fins du guidage de virage, un indicateur de virage avait été installé à bord de l’aéronef. L’étude comprenait 6 séances d’environ 20 minutes de discussion au sol et 40 minutes de vol. La première et la dernière séances étaient des séances d’évaluation. Au cours des séances 2, 3, 4 et 5, la procédure de base de sortie à l’aide des instruments, décrite en détail dans l’étude originale, a été enseignée et a fait l’objet d’exercices.

    L’étude a montré que lors de la première rencontre avec des IMC, les pilotes qualifiés pour le vol VFR contrôlaient généralement l’aéronef de façon excessive et étaient susceptibles de porter toute leur attention sur 1 seul instrument et d’ignorer les autres. Les chercheurs ont également constaté que la première tentative de vol en se fiant uniquement aux instruments de vol s’était avérée une expérience surprenante pour tous les pilotes, indépendamment de leur expérience en vol. Lors de la première tentative de vol aux instruments, les 20 pilotes de l’étude ont fini par perdre la maîtrise de l’aéronef. Le temps minimum pour atteindre l’assiette dangereuse naissante était de 20 secondes et le temps maximum était de 8 minutes. Le temps moyen était de 178 secondes.

    Parmi les 20 sujets, 18 ont été évalués lors de la séance no 6. Les 2 autres sujets ont dû suivre une séance de formation supplémentaire avant la séance d’évaluation finale. Lors de l’évaluation finale, chaque sujet disposait de 3 tentatives pour réaliser la séquence, qui consistait à passer du vol de croisière au vol à faible vitesse, à effectuer un virage à 180° et à effectuer une descente contrôlée pour retrouver des conditions de vol à vue. Au total, les sujets ont réussi la manœuvre 59 fois sur 60.

    L’étude originale a mené à 2 conclusions [traduction] :

    1. (1) Les pilotes qui n’ont jamais volé aux instruments ne peuvent pas s’attendre à survivre à leur première expérience dans des conditions réelles de vol aux instruments, sauf par pur hasard.
    2. (2) Le programme comprenant le virage à 180 degrés, correctement organisé et dirigé, augmentera sensiblement les chances de survivre à la première expérience de conditions météorologiques imprévues de vol aux instrumentsNote de bas de page 109.
    1.18.3.4 Cours « 56 Seconds to Live » de la United States Helicopter Safety Team

    L’organisme United States Helicopter Safety Team (USHST), [traduction] « une équipe bénévole d’intervenants du gouvernement et de l’industrie des États-Unis formée pour améliorer la sécurité des opérations d’hélicoptères civils dans le système d’espace aérien national [américain]Note de bas de page 110 », s’est penché sur 104 accidents mortels de giravions, survenus aux États-Unis entre 2009 et 2013. Dans le cadre de son examen, l’USHST a déterminé que l’IIMC était la deuxième cause d’accidents mortels, devancée seulement par la perte de maîtrise en vol. Dans une étude distincte portant sur 31 accidents mortels liés à un IIMC survenus aux États-Unis entre 2008 et 2020, l’USHST a constaté que, dans ces accidents, les pilotes avaient perdu la maîtrise de leur appareil et s’étaient écrasés dans un délai médian d’à peine 56 secondes. Selon l’USHST, en raison des altitudes d’exploitation typiques des hélicoptères commerciaux, [traduction] « les pilotes d’hélicoptère disposent de ⅓ du temps pour reconnaître une situation d’IMC, y réagir et en sortir, par rapport au temps dont disposent les pilotes d’aéronefs à voilure fixeNote de bas de page 111 ». Afin de répondre aux préoccupations croissantes concernant le taux d’accidents liés à un IIMC, l’USHST a créé un cours en ligne intitulé 56 Seconds to LiveNote de bas de page 112,Note de bas de page 113.

    Le cours en ligne souligne l’importance de la prise de décisions du pilote (PDP) et la nécessité d’éviter les IIMC, tout en reconnaissant qu’il n’est pas toujours possible de les éviter. Pour cette raison, l’USHST préconise de porter de l’attention aux techniques de sortie d’IIMC et d’envisager une formation fréquente au pilotage en situation d’IIMC auprès d’un instructeur qualifié. L’USHST fait une distinction entre la formation à l’IIMC et la formation au vol aux instruments. L’objectif n’est pas de former des pilotes non qualifiés pour le vol aux instruments pour qu’ils deviennent des pilotes qualifiés pour le vol selon les règles du vol aux instruments (IFR). La formation à l’IIMC devrait fournir des stratégies permettant d’éviter les IIMC et de déterminer le moment où il faut interrompre le vol ou atterrir. La formation à l’IIMC devrait également permettre aux pilotes d’acquérir les compétences de base en matière de vol aux instruments pour sortir d’un IIMC.

    À titre de stratégie d’atténuation des risques, l’USHST préconise l’utilisation avant le vol d’un outil d’évaluation des risques liés au vol (Flight Risk Assessment Tool, FRAT) pour aider les pilotes à cerner les dangers qui sont raisonnablement prévisibles. Afin de maximiser l’efficacité, les FRAT devraient être adaptés à une opération particulière et ajustés périodiquement pour que les décisions relatives aux risques soient prises à l’échelon approprié au sein de l’organisation.

    Le cours aborde les points de décision en route (en-route decision points, EDP), créés à l’origine par la National EMS Pilots Association. Les EDP ont été élaborés pour contrer la tendance naturelle d’un pilote à ralentir et à descendre lorsque les conditions météorologiques se détériorent, en établissant des seuils d’altitude et de vitesse précis où une décision doit être prise. L’USHST a récemment remplacé le terme « points de décision en route » par « déclencheurs de décision en route » (en-route decision triggers, EDT) afin de promouvoir une façon de réagir, en cas de rencontre de conditions météorologiques imprévues, qui reproduit la façon dont un pilote réagit à l’illumination d’un voyant d’avertissement ou d’alarme. Lorsqu’un voyant d’alarme ou d’avertissement s’allume, les pilotes doivent analyser la situation, tenir compte des facteurs environnants et prendre les mesures les plus appropriées, ce qui peut inclure l’interruption du vol. L’USHST estime que les limites personnelles et organisationnelles qui [traduction] « définissent le déclencheur en vol des pilotes et les mesures qu’ils PRENDRONT s’ils rencontrent un environnement visuel dégradé (DVE) constituent peut-être l’outil de planification préalable le plus efficace pour éviter ces accidents tragiquesNote de bas de page 114 ». On croit qu’en établissant des déclencheurs clairs, la décision de prendre des mesures de rechange sera prise suffisamment tôt pour permettre de conserver la maîtrise de l’aéronef.

    Dans son document Helicopter Safety Enhancement No. 127 cité ci-dessus, l’USHST présente un programme recommandé de formation à l’IIMC, ainsi que des exemples d’EDT, notamment [traduction] :

    • AVERTISSEMENT conditions météorologiques (exemple utilisant les minimums VFR) [surlignement dans la version originale]
      • Si la visibilité devient inférieure à 3 SM, nous allons…
      • Si les plafonds tombent en dessous de 1000 pieds, nous allons…
    • AVERTISSEMENT itinéraire [surlignement dans la version originale]
      • Si nous dévions de plus de ## milles de l’itinéraire prévu, nous allons…
      • Si nous abaissons le levier de pas collectif plus de ## fois, nous allons…
    • ALERTE vitesses anémométriques [surlignement dans la version originale]
      • Si nous ralentissons sous ## KIAS, nous allons…
      • Si [nous] diminuons la vitesse de ## KIAS par rapport à notre vitesse prévue, nous allons…[Note de bas de page 115]
    • ALERTE altitude [surlignement dans la version originale]
      • Si nous descendons sous ### AGL/MSL, nous allons…
      • Si nous descendons plus de ### en dessous de notre altitude prévue, nous allons…Note de bas de page 116

    Dans la vidéo de formation 56 Seconds to Live, le directeur de la formation aéronautique d’Airbus Helicopters donne des conseils pour survivre à un IIMC. Les points clés suivants, entre autres, y sont exprimés :

    • Concentrez-vous sur la tâche à accomplir et ne vous préoccupez pas des décisions prises par le passé.
    • Tentez d’établir un vol maîtrisé, de préférence en ligne droite et en palier, avant de perdre tous vos repères.
    • Effectuez une transition complète aux instruments de vol avant de perdre tous vos repères. Surveillez l’assiette, la vitesse et l’altitude. N’oubliez pas que [traduction] « tenter de maîtriser un aéronef à vue sans repères visuels suffisants peut mener à une désorientation spatiale mortelle Note de bas de page 117 ».
    • Évitez les grands mouvements de tête, qui peuvent perturber votre système vestibulaire et rendre la maîtrise de l’hélicoptère plus difficile.
    • Une fois que le vol est stable et maîtrisé, à la vitesse correspondant à la vitesse ascensionnelle maximale (Vy) ou à une vitesse supérieure, prenez plusieurs grandes respirations.
    • Si les conditions météorologiques le permettent, augmentez lentement la puissance et commencez à monter droit devant jusqu’à ce que vous atteigniez des conditions météorologiques de vol à vue (VMC). Autrement, il se peut que vous deviez effectuer un virage (p. ex., un virage à 180°) pour retrouver des VMC.
    • Si vous montez au-dessus d’une couche nuageuse, déclarez une situation d’urgence.

    La vidéo de formation 56 Seconds to Live propose en conclusion 4 stratégies pour éviter les accidents liés à un IIMC :

    1. Reporter
    2. Se dérouter
    3. Atterrir et vivre
    4. Passer au vol aux instruments
    1.18.3.5 Approche 360° de la Helicopter Association International en matière de vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    En mars 2021, à la suite de la publication du cours 56 Seconds to Live de l’USHST, la Helicopter Association International (HAI) a publié un article dans son magazine Rotor intitulé « A 360-Degree Approach To IIMC ». L’article reprend le message sous-jacent de la vidéo de l’USHST, selon lequel [traduction] « les pilotes doivent exercer leurs compétences pour éviter un IIMC, si possible, et en sortir, si nécessaireNote de bas de page 118 », car le simple fait d’avertir les pilotes des dangers n’empêche pas les IIMC de se produire.

    L’article souligne que lorsqu’un pilote planifie intentionnellement de voler aux instruments, il le fait et n’essaie pas de voler à vue sans avoir des repères solides. Par contre, les pilotes qui volent par inadvertance dans des IMC ne planifiaient pas de piloter en se fiant à leurs instruments. Cela signifie qu’ils s’efforcent probablement de maintenir des repères visuels jusqu’au moment où il est trop tard pour continuer de cette façon. Selon la HAI, le plus grand danger de l’IIMC survient lorsque les pilotes continuent de voler à vue dans des conditions de vol aux instruments, car cela favorise grandement la désorientation spatiale.

    La HAI a publié un article présentant une [traduction] « trousse d’outils de l’IIMCNote de bas de page 119 » composée des 4 sections suivantes :

    1. Éviter les IMC : avant le décollage
      • Utilisez un FRAT pour évaluer et atténuer les risques liés à la mission.
      • Créez des EDP/EDT (altitude/vitesse minimale acceptable).
      • Planifiez votre itinéraire (météo, relief, plan en cas d’IIMC).
      • Déterminez si les conditions permettent le vol VFR.
    2. Éviter l’IIMC : dans les airs
      • Réagissez si vous descendez sous les EDP/EDT (altitude/vitesse minimale).
      • Réagissez décisivement avant de perdre vos repères visuels.
    3. Sortir d’IIMC : dans les airs
      • Vous êtes dans des IMC si l’une de ces situations est vraie :
        • Vous n’avez pas une bonne visibilité.
        • Vous n’avez pas de repère visuel par rapport à l’horizon.
        • Vous ne pouvez pas contrôler l’aéronef à vue.
      • Pour survivre à un IIMC :
        • Admettez que vous êtes dans des IMC.
        • Passez aux instruments.
        • Conservez la maîtrise de l’aéronef.
        • Gardez votre sang-froid.
        • Suivez votre plan de sortie
        • Avisez le service de contrôle de la circulation aérienne.
    4. Éviter un IIMC et en sortir : entraînement
      • Entraînez-vous régulièrement pour entretenir vos compétences.
        • REMARQUE : Plus il s’est écoulé de temps depuis la dernière démonstration de leur capacité à sortir d’un IIMC, moins il est probable que des pilotes aient la compétence et la confiance nécessaires pour exécuter une telle manœuvre dans des conditions réellesNote de bas de page 120,Note de bas de page 121.
      • Entraînez-vous sur tous les aspects de la prévention de l’IIMC.
      • Entraînez-vous à reconnaître les IMC et à prendre la décision d’atterrir ou de passer aux instruments avant que la désorientation spatiale ne s’installe.
        • REMARQUE : L’article de la HAI soulignait que parmi les 22 accidents liés à un IIMC survenus entre octobre 2010 et octobre 2020, aucun ne s’est produit après que le pilote fut passé correctement aux instruments. Ils se sont tous produits au cours de la transition initiale. Cela montre qu’il est essentiel de reconnaître les IMC et de passer rapidement et correctement au vol aux instruments pour survivre à un IIMC.
      • Utilisez une formation de mise en situation qui reflète les missions, l’environnement et les conditions météorologiques typiques. De plus, les entreprises devraient envisager l’utilisation de dispositifs limitant la vue qui permettent à un instructeur de réduire la visibilité, ce qui améliore la qualité de la formation à l’IIMC.
      • Utilisez des simulateurs, des dispositifs de formation en aviation et des programmes de simulation de vol sur ordinateur pour expérimenter en toute sécurité les conséquences d’une mauvaise prise de décisions et d’un retard dans la reconnaissance des IMC.

    L’article se termine par une déclaration selon laquelle [traduction] « notre secteur doit offrir aux pilotes et aux exploitants une approche à 360 degrés en matière de prévention et de sortie d’un IIMC, y compris des procédures, des outils et une formation périodique, efficace et réalisteNote de bas de page 122 ».

    1.18.3.6 Helicopter Association of Canada

    La Helicopter Association of Canada (HAC) est un organisme sans but lucratif qui vise à rassembler tous les secteurs de l’industrie de l’hélicoptère. Selon son site Web [traduction] : « Environ 80 % des hélicoptères civils au Canada sont exploités par des membres de la HACNote de bas de page 123. » Une partie du mandat de la HAC consiste à [traduction] « promouvoir l’amélioration continue de la sécurité des volsNote de bas de page 124 ». Selon la HAC, l’IIMC est un danger récurrent pour l’industrie de l’hélicoptère. La HAC appuie l’approche de la HAI à l’égard de l’IIMC, à savoir que l’évitement est essentiel, mais que les pilotes doivent être préparés en cas d’IIMC.

    1.18.3.7 Manuel de pilotage des hélicoptères de Transports Canada

    Le Manuel de pilotage des hélicoptères de TC ne fait aucune mention de la lumière plate, mais il fournit des conseils sur les IIMC :

    De tout temps, la procédure la plus sécuritaire et la plus opportune pour un pilote VFR a été, de loin, celle qui consistait à effectuer un virage de 180 degrés pour retrouver les conditions VMC. C’est la procédure la plus appropriée pour les vols VFR aux altitudes VFR, pour les vols de nuit qui rencontrent des conditions IMC ou lorsque ces conditions sont un phénomène local constitué par du brouillard, de la poudrerie ou des cristaux de glaceNote de bas de page 125.

    Dans le manuel, TC décrit les étapes à suivre pour effectuer le virage à 180° :

    1. contrôler l’hélicoptère et revenir au vol aux instruments, en notant l’altitude, la vitesse et le cap;
    2. conserver son altitude ou monter pour franchir le terrain environnant en toute sécurité;
    3. exécuter un virage au taux un [3 degrés par seconde] pour prendre le cap inverse;
    4. rester en vol aux instruments jusqu’au retour des conditions VMC, moment où il faudra ensuite décider s’il faut continuer le vol, faire demi-tour ou atterrirNote de bas de page 126.

    Le manuel indique également qu’en raison du caractère instable des hélicoptères, les pilotes doivent procéder continuellement à la contre-vérification des instruments de vol pendant une sortie d’IIMCNote de bas de page 127.

    1.18.3.8 Aviation royale canadienne

    Au cours de l’enquête, des renseignements ont été obtenus de l’Aviation royale canadienne (ARC), par l’entremise de la Direction de la sécurité des volsNote de bas de page 128. Des renseignements pertinents dans le cadre de l’événement sont présentés ci-dessous.

    Les pilotes d’hélicoptère de l’ARC sont qualifiés pour le vol aux instruments et ils s’entraînent couramment à ce type de vol. Selon l’ARC, si un pilote se trouve en situation d’IIMC, la situation exige des actions de rechange immédiates. Les actions de rechange varient d’une flotte à l’autre, principalement en fonction des limites de chaque flotte en matière d’instruments et de conditions de givrage, mais elles consistent généralement à effectuer un virage à 180° pour sortir des conditions météorologiques qui se dégradent, ou à amorcer une montée droit devant pour atteindre des conditions de vol VFR au-dessus de la couche nuageuse ou pour effectuer un passage en vol IFR.

    Si l’aéronef est certifié pour le vol IFR et les conditions de givrage le permettent, l’ARC estime que la réaction la plus stable et la plus appropriée consiste à effectuer une montée droit devant. Selon l’expérience de l’ARC, le passage inopiné aux instruments en raison de repères visuels insuffisants peut s’avérer extrêmement désorientant, et une tentative de virage dans de telles conditions entraînera probablement une désorientation accrue et des problèmes de maîtrise de l’aéronef, qui risquent de se traduire par un impact avec le sol.

    Selon le personnel de formation de l’ARC, 1 à 2 heures d’entraînement annuel au vol aux instruments, idéalement complété par de la formation trimestrielle, donneraient à un pilote qualifié pour le vol VFR une chance de survivre à un IIMC en tant que mesure de dernier recours. De plus, si un hélicoptère est équipé d’un système de stabilisation et d’automatisation et que ce système est utilisé par un pilote dûment formé, il est plus probable que le pilote survive à un IIMC.

    Selon le personnel de l’ARC, les éléments suivants doivent être pris en compte lors des opérations dans un DVE :

    • Les instruments de base utilisés pour le vol aux instruments sont essentiels.
    • Un altimètre radar est fortement recommandé.
    • Une visière (jaune par exemple) qui peut augmenter le contraste des surfaces dans des conditions de lumière plate est fortement recommandée.

    Entre 1998 et 2022, l’ARC a enregistré un total de 33 événements (6 accidents et 27 incidents) d’hélicoptère résultant d’une perte des repères visuels ou d’un IIMC par suite d’une détérioration des conditions météorologiques. Les 6 accidents étaient des impacts sans perte de contrôle (CFIT). Dans 19 des 27 incidents, il a été établi que la formation à l’IIMC et au vol IFR, les procédures ou les instruments de mesure de l’assiette et de l’altitude avaient contribué à une sortie réussie et avaient permis d’éviter un accident. Dans les 8 événements restants, le rapport ne faisait aucune mention de procédures ou d’équipement IFR ayant contribué à la sortie d’un IIMC.

    1.18.3.9 Étude antérieure sur le rendement des pilotes d’hélicoptère lors d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    En 2011, une étude de rechercheNote de bas de page 129 a été menée pour analyser le rendement des pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol aux instruments lors d’une simulation d’IIMC. Cette étude a porté sur 20 pilotes d’hélicoptère professionnels qualifiés pour le vol aux instruments dont l’expérience variait de 1400 à 25 000 heures de vol à titre de commandant de bord. L’étude a révélé des renseignements importants sur les liens entre la visibilité, l’altitude et la vitesse, d’une part, et les performances de l’aéronef et l’effort requis du pilote, d’autre part. Elle a également permis de montrer que de courtes séances de formation permettaient d’améliorer considérablement le rendementNote de bas de page 130.

    L’étude, réalisée avec un simulateur, a permis de constater que la capacité des pilotes à passer des VMC aux IMC était acceptable, puisqu’aucun d’entre eux n’a perdu la maîtrise de l’hélicoptère. D’après l’étude, ces résultats étaient probablement attribuables en partie au fait que les pilotes étaient des pilotes professionnels qualifiés pour le vol aux instruments. Au cours de l’étude, on a remarqué que la maîtrise de l’aéronef se dégradait peu jusqu’à une visibilité de 1 SM; toutefois, lorsque la visibilité diminuait en dessous de 1 SM jusqu’à devenir nulle, les pilotes commettaient beaucoup plus d’erreurs de pilotage.

    1.18.3.10 La technologie comme moyen de défense contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments
    1.18.3.10.1 Généralités

    Comme cela avait déjà été constaté dans le rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien A15H0001 du BST, la technologie embarquée, si employée dans une opération, peut améliorer sensiblement la sécurité des activités aériennesNote de bas de page 131.

    Pour améliorer la marge de sécurité lors des vols dans un DVE, la FAA suggère que les aéronefs soient équipés d’un horizon artificiel, d’un indicateur de vitesse verticale, d’un gyroscope directionnel, d’instruments de pointeNote de bas de page 132, d’altimètres radar, d’un appareil GPS (système de positionnement mondial), d’un altimètre sensible à la pression et d’un système de radiophare omnidirectionnel très haute fréquenceNote de bas de page 133. En plus de cet équipement, le NTSB encourage également l’utilisation de systèmes tels que les dispositifs avertisseurs de proximité du sol (GPWS) et les systèmes météorologiques embarqués afin de permettre aux pilotes d’avoir une meilleure conscience de la situationNote de bas de page 134.

    Cette section présentera quelques exemples de technologies susceptibles de réduire le risque d’accident lié à un IIMC. Il convient de noter que pour que la technologie soit un moyen de défense efficace contre les accidents liés à un IIMC, il faut que les pilotes disposent de procédures documentées (p. ex. des SOP) et qu’ils reçoivent une formation sur l’utilisation adéquate de cette technologie.

    Au moment de la rédaction du présent rapport, aucune des technologies décrites ci-dessous n’est exigée par la réglementation pour les exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR de jour au Canada.

    1.18.3.10.2 Altimètres radar

    Les altimètres radar fournissent en permanence des renseignements sur la hauteur réelle de l’aéronef au-dessus de la surface. Bien que les altimètres radar servent habituellement à fixer une hauteur de décision ou une altitude minimale de descente pendant une approche aux instruments, ils peuvent également être utilisés pour accroître la conscience de la situation (altitude) afin d’éviter qu’un pilote ne descende par inadvertance en deçà d’une hauteur prédéterminée au-dessus du solNote de bas de page 135. En règle générale, les altimètres radar sont équipés d’un sélecteur de réglage de faible hauteur (souvent appelé « bug » en anglais et en français) qui peut être réglé pour alerter le pilote par l’illumination d’un voyant soit sur l’instrument, soit ailleurs sur le tableau de bord dans le champ de vision du pilote. Les altimètres radar peuvent également être couplés à un signal sonore qui se déclenche si l’aéronef descend sous la hauteur sélectionnée.

    Un altimètre radar ne peut pas effectuer de balayage vers l’avant pour signaler une collision imminente avec un objet situé directement devant l’aéronef. Toutefois, lorsque l’altimètre radar et le sélecteur de réglage de faible hauteur sont utilisés efficacement, ils peuvent alerter un pilote si l’altitude de l’aéronef au-dessus de la surface est inférieure à celle qui était prévue ou attendue. Par exemple, dans le cadre d’un vol à un seul pilote, la hauteur peut être réglée à 500 pieds AGL pour la partie en route du vol. Si la hauteur de l’aéronef au-dessus du sol descend en dessous de cette valeur, le système alertera immédiatement le pilote au moyen d’un voyant lumineux et/ou d’une alarme sonore, ce qui fournira des renseignements précieux à l’appui de la PDP. Le BST a enquêté sur un événementNote de bas de page 136 survenu en 2020 au cours duquel un hélicoptère équipé d’un altimètre radar s’est écrasé dans des conditions de lumière plate. Dans cet événement, il s’est avéré que le sélecteur de réglage de faible hauteur était réglé à zéro. Par conséquent, l’altimètre radar ne pouvait pas avertir le pilote de la réduction par inadvertance de la hauteur au-dessus du sol.

    Au cours de la présente enquête, l’utilité des altimètres radar a fait l’objet de discussions avec de nombreux pilotes d’hélicoptère, de différentes entreprises, qui possèdent de l’expérience de vol au-delà de la limite forestière « dans le blanc ». L’enquête a permis de déterminer que les exploitants commerciaux d’hélicoptères dont l’équipe de direction compte des pilotes ayant de l’expérience du vol aux instruments accordent une grande importance à la nécessité de disposer d’un altimètre radar pour les vols VFR au-delà de la limite forestière, en hiver et au printemps. Certaines de ces entreprises considèrent qu’un altimètre radar est un équipement essentiel à la mission lorsque celle-ci se déroule dans de telles conditions. Des discussions semblables ont été menées avec les pilotes de ligne et le personnel de direction de GSH. L’enquête a révélé que certains pilotes, y compris des membres de l’équipe de direction, ne connaissaient guère le fonctionnement de base d’un altimètre radar. En outre, les pilotes faisant partie de la direction étaient généralement d’avis qu’un altimètre radar n’était pas d’une grande utilité pour les vols VFR. Au cours de ces discussions, certains pilotes ont évoqué des accidents passés ou des incidents évités de justesse, en soulignant que les conditions environnementales (p. ex., le relief enneigé, la lumière plate) rendaient pratiquement impossible de déterminer visuellement la hauteur au-dessus de la surface lors d’un vol dans le blanc.

    Bien qu’un altimètre radar, un indicateur d’assiette et un indicateur de vitesse verticale ne soient pas requis pour les vols VFR de jour, la Circulaire d’information no 603-001 de TCNote de bas de page 137 exige que les hélicoptères effectuant des opérations à l’aide de systèmes d’imagerie de vision nocturneNote de bas de page 138 soient équipés de ces 3 instruments. Elle a également instauré des exigences en matière de formation et de maintien des compétences, y compris les compétences de vol aux instruments de base, pour les exploitants qui effectuent des vols VFR de nuit avec un dispositif d’aide.

    1.18.3.10.3 Dispositif avertisseur de proximité du sol et système d’avertissement et d’alarme d’impact

    Au cours des dernières années, d’importantes percées technologiques ont permis de réduire considérablement les risques d’accident de type CFIT. Les GPWS et les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) figurent parmi les plus importantes d’entre elles. On utilise souvent de façon interchangeable les termes GPWS et TAWS; toutefois, il existe des différences entre ces 2 dispositifs. D’après la Circulaire d’information no 600-003 de TC, le système TAWS est « conçu pour fournir à un équipage de conduite des alarmes sonores et visuelles permettant d’éviter le vol contrôlé par inadvertance vers un relief, un obstacle ou l’eauNote de bas de page 139 » en donnant à l’équipage suffisamment de temps pour prendre des mesures d’évitement. Le TAWS comprend un système de visualisation du sol vers l’avant à partir d’une comparaison en temps réel de la position d’un aéronef par rapport aux données de relief stockées. Ainsi, il fournit une alarme sonore et visuelle d’une collision imminente beaucoup plus tôt que ne le fait le GPWS, qui n’a pas de capacité de balayage vers l’avant.

    1.18.3.10.4 Systèmes de vision améliorée et systèmes de vision synthétique

    Les systèmes de vision améliorée (EVS) et les systèmes de vision synthétique (SVS) sont conçus pour réduire le risque lié au vol dans un DVE.

    Les EVS utilisent des capteurs embarqués (caméra dans le proche infrarouge ou radar à ondes millimétriques) pour offrir au pilote une meilleure vision en temps réel du monde extérieur. En règle générale, ces renseignements sont ensuite présentés sur un affichage tête haute, un capteur monté sur casque ou quelqu’autre type d’affichage intégré ou autonome (p. ex., une tablette).

    Les SVS s’appuient sur l’information fournie par le GPS et une base de données pour créer un carte topographique virtuelle en 3 dimensions du relief sur un système d’affichage à bord de l’aéronef. Avec un SVS, les caractéristiques terrestres et aquatiques sont représentées de façon à refléter leur proximité relative par rapport à l’aéronef, ce qui permet d’avoir une meilleure conscience de la situation. Il est devenu plus facile d’intégrer une telle technologie dans une opération. Par exemple, la vision synthétique est désormais proposée en complément à l’application ForeFlight, dont l’utilisation est très répandue, ce qui permet aux pilotes de se servir d’une tablette ou d’un téléphone intelligent pour afficher de l’information issue de la vision synthétique. Selon ForeFlight, lorsque l’application est couplée à un système de référence de cap et d’attitude, elle [traduction] « fournit un poste de pilotage à écrans électroniques de secoursNote de bas de page 140 » qui comprend des indicateurs de tangage et de roulis réactifs (annexe D).

    1.18.3.10.5 Aides à la formation

    En plus de l’équipement de bord, un certain nombre d’améliorations ont été apportées aux aides à la formation disponibles pour préparer les pilotes aux défis opérationnels auxquels ils peuvent être confrontés. Par exemple, les simulateurs ne cessent d’évoluer, ce qui permet aux pilotes de recevoir une formation réaliste et pertinente sur le plan opérationnel, qui pourrait être impossible à reproduire lors d’un entraînement sur aéronef.

    Un autre type d’aide à la formation a fait son apparition, à savoir les dispositifs d’entraînement embarqués portés par les pilotes dans le cadre de la formation à l’IIMC. L’un de ceux-ci, un dispositif d’occlusion visuelle, est semblable à la visière que l’on trouve sur les casques des pilotes d’hélicoptère. Le dispositif (la visière) est contrôlé à distance par un instructeur de vol à l’aide d’une application sur une tablette ou un téléphone intelligent pour modifier l’opacité de la visière, imitant ainsi la réduction de visibilité typique d’un DVE.

    1.18.3.11 Exemples de moyens de défense actuellement utilisés par les exploitants d’hélicoptères canadiens

    Au cours de l’enquête, d’autres exploitants d’hélicoptères qui travaillent au-delà de la limite forestière ont été consultés. L’objectif était de déterminer les moyens de défense mis en œuvre par ces entreprises au-delà des exigences réglementaires minimales, le cas échéant, pour atténuer le risque lié aux conditions de lumière plate ou de voile blanc. Les moyens de défense suivants, entre autres, ont été mentionnés :

    • amélioration de la formation hivernale annuelle et/ou exposés individuels aux pilotes concernant le risque lié à la lumière plate et au voile blanc et les stratégies opérationnelles à la disposition des pilotes;
    • surveillance étroite des pilotes par l’entreprise afin de s’assurer qu’ils ne cèdent pas à la pression de voler dans des conditions de lumière plate et de voile blanc;
    • des SOP pour le vol dans des conditions de lumière plate et de voile blanc (p. ex., contre-vérification des instruments de vol, maintien de la vitesse indiquée au-dessus de Vy, recours aux instruments en cas de perte de repères visuels, utilisation des instruments jusqu’à ce que les repères visuels soient rétablis);
    • entraînement annuel sur simulateur (entraînement au vol VFR par visibilité réduite, sortie d’IIMC);
    • formation sur les instruments de vol à bord d’aéronefs (formation annuelle ou « juste à temps » basée sur les compétences en matière de sortie d’IIMC);
    • déploiement d’aéronefs équipés au moins des instruments de vol nécessaires pour le vol aux instruments (certains également dotés d’un altimètre radar);
    • processus rigoureux de sélection des pilotes mettant l’accent sur l’expérience;
    • exposition contrôlée et formation prévues pour les pilotes moins expérimentés;
    • technologie telle que la vision synthétique pour permettre au pilote d’avoir une meilleure conscience de la situation et accroître les marges de sécurité.

    1.18.4 Programme du plateau continental polaire

    1.18.4.1 Généralités

    La mission du Programme du plateau continental polaire (PPCP) de Ressources naturelles Canada « consiste à offrir un soutien logistique sécuritaire, efficace et économique à l’appui de la science et des priorités du gouvernement fédéralNote de bas de page 141 ».

    1.18.4.2 Programme du plateau continental polaire et services d’aviation sous contrat

    Des entreprises d’aviation commerciale ont été sélectionnées pour les projets du PPCP dans le cadre d’un processus de passation de marchés du gouvernement. Le contrat prévoyait certaines exigences, notamment les suivantes :

    • Le pilote devait avoir à son actif :
      • 1200 heures de vol à titre de commandant de bord sur des hélicoptères;
      • 500 heures de vol sur la classe d’aéronef et 50 heures de vol sur le type d’aéronef;
      • 2 saisons et au moins 250 heures de vol à titre de commandant de bord effectuant des travaux de référence verticale (p. ex. élingage);
      • 250 heures de vol en régions montagneuses.
    • L’aéronef devait être équipé pour le vol VFR et doté de l’équipement de sécurité et de communication approprié.
    • L’exploitant devait avoir accumulé 2 ans d’expérience dans la région au cours des 5 dernières années.

    Au-delà des exigences contractuelles, le PPCP s’en remettait à l’entreprise d’aviation choisie pour s’assurer que l’aéronef convenait et que le pilote dépêché possédait la formation et l’expérience nécessaires pour effectuer en toute sécurité des vols en région éloignée au-delà de la limite forestière. Au moment de l’événement, le PPCP disposait de très peu d’information sur l’expérience du pilote de l’événement à l’étude.

    Certaines organisations non liées à l’aviation comptent sur des conseillers spécialisés en aviation pour les aider à établir les exigences contractuelles et pour évaluer la capacité d’un exploitant à gérer efficacement la sécurité. Le PPCP a consulté l’équipe des Services d’affrètement aérien de Services publics et Approvisionnement Canada lors de l’élaboration des exigences contractuelles décrites ci-dessus. Selon le PPCP, les exigences relatives à l’expérience en matière de relief montagneux et de référence verticale ont été incluses dans le but de garantir que les pilotes ont des qualifications de plus haut niveau dans les régions sujettes à des conditions de vol semblables ou qui nécessitent des opérations aériennes le long de la ligne de côte.

    1.18.4.3 Soutien aux projets de recherche dans le cadre du Programme du plateau continental polaire

    Les membres du personnel du PPCP à Resolute Bay assurent bon nombre des fonctions exercées par des préposés au suivi des vols. Cependant, ils ne sont pas formés pour satisfaire aux exigences du Règlement de l’aviation canadien (RAC) visant les préposés au suivi des vols, et ils ne sont pas tenus de l’être en vertu de la réglementation. Étant donné que le personnel du PPCP a participé à de nombreux projets de recherche semblables à celui auquel l’hélicoptère de l’événement à l’étude avait été affecté, il possède une connaissance de base des opérations aériennes. Le personnel du PPCP ne connaît pas, et n’est pas tenu de connaître, les exigences réglementaires relatives à l’exploitation d’hélicoptères en VFR. Par conséquent, les décisions opérationnelles – par exemple, pour déterminer quand et où effectuer des vols, selon les conditions météorologiques – sont laissées à la discrétion du chef de projet et du pilote affecté au projet.

    En raison de la logistique associée à ce projet de recherche, le personnel du PPCP communiquait plusieurs fois par jour avec le biologiste en chef, soit par téléphone satellite, soit par dispositif de messagerie par satellite. Le personnel du PPCP examine les renseignements météorologiques et les transmet au biologiste sur place pour aider à la planification. Pour ce faire, le personnel du PPCP vérifie généralement l’imagerie satellite, les prévisions météorologiques locales d’Environnement et Changement climatique Canada et les prévisions de zone graphique (GFA), ainsi que les conditions météorologiques signalées (c.-à-d., les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome [METAR]) aux aéroports avoisinants. Cette vérification est normalement effectuée au début de chaque journée, puis périodiquement tout au long de la journée, en fonction du projet et de la vitesse à laquelle les conditions météorologiques évoluent. Le personnel du PPCP possède une grande connaissance des phénomènes météorologiques locaux, ainsi qu’une expérience de l’examen des produits météorologiques pour l’aviation. Cependant, il ne reçoit aucune formation officielle d’observateur météorologique, qui n’est d’ailleurs pas exigée par la réglementation.

    L’enquête a permis de déterminer que le personnel du PPCP a eu très peu de contacts directs avec le pilote de l’événement à l’étude pendant le projet.

    1.18.4.4 Orientation fournie par le Programme du plateau continental polaire

    Avant de commencer le projet de recherche sur les ours polaires, le personnel du PPCP a pris part à une téléconférence avec les membres de l’équipe de direction de GSH, les 2 biologistes participant au projet et le pilote de l’événement à l’étude. À la suite de cette téléconférence, le 5 avril 2021, le personnel du PPCP a envoyé un courriel de suivi aux participants à la téléconférence, rappelant certaines des considérations relatives à la sécurité. L’un des risques cernés lors de la téléconférence, et abordés dans le courriel de suivi, était celui d’être confronté à des conditions de lumière plate. Le courriel soulignait que la principale préoccupation consistait à veiller à ce que tout le monde rentre chez soi sain et sauf et que des mesures devraient être prises pour atteindre cet objectif, même si cela signifiait que le projet prendrait plus de temps que prévu. L’une des stratégies particulières mentionnées dans le courriel consistait à demander aux pilotes de [traduction] « voler le long de la ligne de rivage plutôt que de traverser des chenaux ou des eaux libresNote de bas de page 142,Note de bas de page 143 ».

    Au cours de l’enquête, le personnel du PPCP a discuté des pratiques recommandées suivantes :

    • Suivre le bord de l’écoulement ou la ligne de côte, car ils fournissent une certaine référence verticale.
    • Éviter de survoler les îles, car les conditions météorologiques peuvent changer très rapidement, et le risque de rencontrer du brouillard de glace ou de la lumière plate et d’être désorienté est plus élevé.
    • Tout faire pour éviter les conditions de lumière plate, en particulier s’il y a des zones d’eau libre, même si cela signifie devoir attendre que les conditions s’améliorent.

    L’enquête a permis de déterminer que le fait de suivre la ligne de rivage autour de l’île Griffith, au nord de la route directe entre CYRB et le camp 1, aurait ajouté moins de 3 NM au vol. À une vitesse sol moyenne de 90 nœuds, cela aurait représenté moins de 2 minutes de temps de vol supplémentaires.

    1.18.5 Transports Canada

    1.18.5.1 Généralités

    Selon le site Web de TC, les Canadiens « ont de grandes attentes envers leur réseau de transport, et la sécurité est la plus importante d’entre toutesNote de bas de page 144 ». En vertu de la Loi sur l’aéronautique, TC est responsable de l’administration du RAC, qui est « une compilation d’exigences réglementairesNote de bas de page 145 » et qui, comme tous les règlements et normes, vise à assurer un « niveau minimum de sécuritéNote de bas de page 146,Note de bas de page 147,Note de bas de page 148 ».

    Les sections suivantes traitent d’aspects de l’environnement réglementaire actuel, ce qui aidera à comprendre les circonstances de l’événement à l’étude.

    1.18.5.2 Exigences en matière d’expérience de vol aux instruments pour la licence de pilote professionnel d’hélicoptère

    Pour obtenir une licence de pilote professionnel d’hélicoptère, un pilote doit avoir accumulé 10 heures de vol aux instruments, dont au moins 5 heures de vol sur hélicoptèreNote de bas de page 149.

    D’après le Manuel de pilotage des hélicoptères de TC, ces exigences relatives aux instruments ont « pour but de permettre à un pilote qui n’est pas qualifié IFR, aux commandes d’un hélicoptère qui n’est pas équipé pour le vol IFR, de revenir aux conditions météorologiques de vol à vue (VMC) après avoir rencontré par inadvertance des conditions IMCNote de bas de page 150 ».

    Le test en vol pour obtenir la licence de pilote privé d’hélicoptère, puis la licence de pilote professionnel d’hélicoptère, exige que les pilotes démontrent plusieurs compétences telles que le vol stationnaire, les virages à grande inclinaison et les autorotations. De plus, un pilote doit démontrer son habileté à maintenir le contrôle en n’ayant pour référence que les instruments de vol pendant la simulation d’un IIMCNote de bas de page 151.

    Après avoir obtenu une licence de pilote professionnel, un pilote doit démontrer qu’il satisfait à plusieurs de ces exigences du test en vol (p. ex. les autorotations) lors des contrôles annuels de la compétence du pilote. Cependant, une fois qu’un pilote qui n’est pas qualifié pour le vol aux instruments obtient une licence de pilote professionnel d’hélicoptère, il n’est pas tenu de suivre une formation périodique au vol aux instruments, et les exploitants d’hélicoptères canadiens ne sont pas tenus de dispenser aux pilotes une formation à l’IIMC.

    1.18.5.3 Exigences en matière d’instruments de vol pour les aéronefs entraînés par moteur

    Selon l’article 605.14 du RAC, les instruments de vol suivants sont requis pour les vols VFR de jour dans l’espace aérien non contrôlé, comme c’était le cas lors du vol de l’événement à l’étude :

    1. un altimètre;
    2. un indicateur de vitesse;
    3. un compas magnétique ou un indicateur de direction magnétique.

    Pour le vol IFR, l’article 605.18 du RAC stipule que les aéronefs entraînés par un moteur doivent être équipés des instruments de vol suivants, en plus de ceux énumérés ci-dessus :

    1. un indicateur de virage et de dérapage ou un coordonnateur de virage;
    2. un indicateur de direction magnétique stabilisé ou un indicateur gyroscopique de direction;
    3. un indicateur d’assiette;
    4. un indicateur de vitesse verticale.
    1.18.5.4 Limites de visibilité réduite pour les vols selon les règles de vol à vue dans l’espace aérien non contrôlé

    Pour mieux comprendre la structure réglementaire actuelle, l’enquête a comparé les spécifications d’exploitation communiquées aux exploitants d’aéronefs à voilure fixe et aux exploitants d’aéronefs à voilure tournante concernant la conduite d’opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôléNote de bas de page 152. Le tableau 12 présente quelques-unes des différences principales. Une différence particulière réside dans le fait que la spécification d’exploitation pour les avions, dont la plupart sont par nature stables, exige que les avions soient équipés pour permettre une sortie en cas d’IIMC et que l’équipage de conduite soit formé à cet effet. Par contre, il n’y a pas d’exigences de ce genre dans la spécification d’exploitation pour les hélicoptères, qui sont par nature instables et qui deviennent de moins en moins stables au fur et à mesure que la vitesse diminue.

    Tableau 12. Différences entre les normes relatives aux opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé applicables aux exploitants d’aéronefs et d’hélicoptères régis par la sous-partie 702 du Règlement de l’aviation canadien
    Exigence Avion Hélicoptère
    Limite de visibilité en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à 1000 pieds AGL ou plus 1 SM [RAC 602.115(b)(i)] 1 SM [RAC 602.115(b)(i)]
    Limite de visibilité en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à moins de 1000 pieds AGL 2 SM [RAC 702.17(1)] 1 SM [RAC 702.17(2)]
    Limite de visibilité réduite en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à moins de 1000 pieds AGL 1 SM [NSAC 722.17(1)] ½ SM [NSAC 722.17(2)]
    Équipement requis pour le vol VFR de jour par visibilité réduite (en plus de l’article 605.14 du RAC)
    1. 1) Un horizon artificiel
    2. 2) Un gyroscope directionnel ou un gyrocompas
    3. 3) Un GPS
    [NSAC 722.17(1)a)]
    Aucun
    Formation au vol aux instruments requise pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Une heure de formation initiale en vol et une heure de formation annuelle en vol sur les manœuvres de base de vol aux instruments et sur le vol à vitesse réduite. [NSAC 722.17(1)d)(ii)] Aucune

    Au cours de l’enquête, les enjeux relatifs à ces différences ont fait l’objet de discussions avec TC à de multiples reprisesNote de bas de page 153. Au cours d’un de ces échanges, TC a indiqué qu’il prévoyait de revoir ces normes dans le cadre de la proposition de modifications prévue dans l’Avis de proposition de modification (APM) 2021-007Note de bas de page 154 (voir la section 1.18.5.6 Environnement réglementaire et vols selon les règles de vol à vue). Selon TC, l’un des résultats possibles de l’APM 2021-007 pourrait être l’harmonisation des exigences de l’article 702.17 du RAC et de l’article 722.17 des NSAC, en ce qui concerne les différences en matière de technologie et de formation entre les hélicoptères et les avions.

    Au cours des discussions qui ont suivi, il est devenu évident que les points de vue sur les différences susmentionnées variaient au sein de TC. Dans une de ces discussions, le point de vue suivant a été exprimé :

    • En ce qui concerne les opérations en hélicoptère par visibilité réduite, mieux vaut prévenir que guérir.
    • Les hélicoptères en vol VFR disposent rarement d’une réserve de carburant suffisante pour atteindre un aérodrome de dégagement en vue d’effectuer une approche aux instruments en cas de vol non intentionnel dans des IMC (UIMC).
    • Peu de pilotes de giravion possèdent les qualifications ou l’expérience nécessaires pour survivre à un IIMC.
    • Le fait d’équiper et d’entraîner les pilotes en prévision de cet événement rare pourrait les inciter à poursuivre leur route dans des conditions météorologiques inférieures aux normes VFR, en pensant qu’ils pourront sortir d’une situation d’IIMC.
    • Seuls les pilotes très compétents ayant une expérience considérable et très récente ont de bonnes chances de survivre à une situation d’IIMC.
    • La réglementation et les normes tiennent compte du fait que les hélicoptères sont capables de voler longtemps à très basse vitesse et que si la visibilité se détériore en deçà des limites, le pilote peut mettre l’hélicoptère en vol stationnaire, virer sur un cap sûr et poursuivre le vol en VFR.

    Au cours des discussions de suivi, TC n’a pas été en mesure de fournir de l’information à l’appui des positions énoncées ci-dessus.

    1.18.5.5 Surveillance de Great Slave Helicopters 2018 Ltd.

    TC a effectué en mode virtuel une inspection des processus (IP) à GSH du 12 au 16 avril 2021. L’IP visait à examiner les dossiers de formation et le processus de remise en service technique des hélicoptères Bell 212 de GSH. L’IP a donné lieu à 2 constatations immédiates liées au processus de certification technique de GSH.

    À la suite de l’événement à l’étude, TC a effectué une IP réactive sur place les 2 et 3 juin 2021. L’IP portait sur la remise en service technique, les pièces et l’outillage des hélicoptères AS 350. Aucune constatation n’a été faite dans le cadre de l’IP. Au cours des discussions de suivi consécutives à l’IP, TC a indiqué que l’accent avait été mis sur le programme de maintenance de l’entreprise puisque TC avait déjà déterminé, lors de l’IP d’avril 2021, qu’il n’y avait aucun problème lié à la remise en service ou à la formation. De plus, TC a mentionné que GSH exerçait régulièrement ses activités dans des régions éloignées et qu’aucun nouveau renseignement laissant entrevoir des préoccupations en matière de sécurité n’avait été reçu.

    1.18.5.6 Environnement réglementaire et vols selon les règles de vol à vue

    Il n’y a aucune exigence du RAC en ce qui concerne les moyens de défense (p. ex. procédures, formation ou équipement des aéronefs) propres aux opérations aériennes commerciales au-delà de la limite forestière. Il y en a toutefois pour les vols VFR. La principale exigence relative aux vols VFR veut que l’hélicoptère soit « utilisé avec des repères visuels à la surfaceNote de bas de page 155 ». Le règlement ne définit pas l’expression « repères visuels à la surface », qui est dès lors sujette à interprétation. L’industrie l’a largement interprétée comme signifiant « VMCNote de bas de page 156,Note de bas de page 157 ». L’enquête a permis de constater qu’une interprétation semblable était couramment utilisée par les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR effectuant des vols au-delà de la limite forestière.

    Cette interprétation des exigences de vol VFR a été relevée lors de l’enquête du BSTNote de bas de page 158 sur l’écrasement survenu en mai 2013 d’un hélicoptère qui avait décollé d’un aéroport éloigné près duquel il y avait un éclairage minimal pour effectuer un vol VFR dans des VMC de nuit. À la suite de l’enquête, le BST s’est dit préoccupé par le manque de clarté du sens pratique de la définition d’un « vol avec repères visuels à la surface », et le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d’éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
    Recommandation A16-08 du BST

    À la suite de cette recommandation, TC a lancé l’APM 2021-007 afin de corriger [traduction] « les lacunes connues de la réglementation relative aux opérations de vol VFRNote de bas de page 159 ». D’après l’APM, « la formulation actuelle des articles [du RAC] n’est pas adaptée et ne garantit pas aux pilotes les conditions de sécurité voulues pour voler avec des repères visuels externes adéquatsNote de bas de page 160 ». Bon nombre des défis mentionnés dans l’APM, qui concerne les défis particuliers des vols VFR de nuit lorsque l’éclairage est insuffisant, sont tout aussi pertinents pour les vols « dans le blanc », qui se déroulent fréquemment au-delà de la limite forestière pendant l’hiver et le printemps. Pour atténuer les risques liés aux vols VFR de nuit, l’APM traite de l’utilisation de la technologie, des exigences en matière de maintien à jour des compétences et, éventuellement, d’un système de qualification à 2 niveaux selon la région d’exploitation.

    Le texte proposé pour l’article 602.115 du RAC est le suivant :

    Il est interdit à quiconque d’utiliser un aéronef en vol VFR dans l’espace aérien non contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

    1. que ce soit de jour ou de nuit, l’aéronef est utilisé avec des repères visuels au sol ou sur un plan d’eau, y compris la portion du plan d’eau qui est gelée, et des objets à la surface qui permettent de percevoir l’horizon en dehors du poste de pilotage et qui font en sorte que le pilote garde la maîtrise de l’aéronef et manœuvre ce dernier au moyen de repères visuels externesNote de bas de page 161[…].

    L’APM indique ensuite que les modifications proposées permettront d’atténuer les risques associés aux vols VFR de nuit, dans les zones où l’éclairage est insuffisant, grâce à la mise en place d’exigences supplémentaires dans les domaines de la technologie, de la formation et du maintien à jour des compétences. D’après la réponse d’octobre 2022 de TC à la recommandation A16-08, il est prévu que la modification soit publiée dans la Partie II de la Gazette du Canada en 2024.

    Dans son évaluation la plus récente de la réponse de TC à la recommandation A16-08, en février 2023, le Bureau a estimé que cette réponse dénotait une intention satisfaisanteNote de bas de page 162.

    Au moment de la rédaction du présent rapport, cet APM était « en attente d’une réunion du comité technique » et sera publié de nouveau à la suite des commentaires reçus pendant la période de consultation.

    1.18.6 Recommandations antérieures du BST concernant la prévention des accidents liés à des vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Le BST a déjà émis des recommandations sur les mesures à prendre pour aider un pilote à éviter un IIMC ou à en sortir. Collectivement, ces recommandations représentent une approche de défense en profondeur contre les accidents liés à un IIMC. Une liste de ces recommandations figure à l’annexe E. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucune des réponses de TC aux recommandations du BST portant sur la sortie d’IIMC n’avait été jugée « entièrement satisfaisanteNote de bas de page 163 ».

    1.18.7 Facteurs de performance humaine

    1.18.7.1 Conscience de la situation et modèles mentaux

    La conscience de la situation (CS) est une composante importante de la performance humaine et une condition préalable à une prise de décisions efficace. Le modèle le plus largement utilisé de CS distingue 3 niveaux et indique qu’un rendement efficace exige des équipages qu’ils :

    1. perçoivent les renseignements dans l’environnement opérationnel (CS de niveau 1 – perception);
    2. comprennent leur importance par rapport à la situation présente (CS de niveau 2 – compréhension);
    3. utilisent ces renseignements pour prévoir les prochains états (CS de niveau 3 – projection)Note de bas de page 164.

    Des problèmes peuvent survenir à l’un ou l’autre des 3 niveaux et mener à ce que des éléments d’information essentiels passent inaperçus, à ce que la situation en cours soit mal comprise, ou à ce que des situations ne soient pas anticipées.

    Les modèles mentaux jouent un rôle important dans la CS et, par conséquent, dans le processus décisionnelNote de bas de page 165,Note de bas de page 166. Un modèle mental est une structure interne qui permet aux personnes de décrire, d’expliquer et de prédire des événements et des situations dans leur environnementNote de bas de page 167. Les modèles mentaux dépendent en grande partie de la façon dont une personne comprend les circonstances dans lesquelles elle se trouve, de ses attentes à l’égard de la suite des événements et de son expérience passée. Les gens utilisent généralement leur expérience passée et la formation qu’ils ont reçue pour évaluer rapidement une situation qu’ils vivent et porter des jugements, en fonction de leurs objectifs, lorsqu’ils choisissent une ligne de conduiteNote de bas de page 168. Si une ligne de conduite antérieure a abouti à un résultat positif, la pertinence de cette décision s’en trouve renforcée, ce qui augmente la probabilité de choisir une ligne de conduite semblable à l’avenirNote de bas de page 169,Note de bas de page 170.

    En général, les modèles mentaux résistent au changement, à moins qu’une personne ne perçoive des indices convaincants portant à croire que des mesures différentes sont nécessairesNote de bas de page 171. Étant donné qu’un modèle mental inexact entravera la perception d’éléments critiques ou la compréhension de leur importance, une personne doit activement remettre en question sa propre compréhension de la situation actuelle et tenir compte des indices pouvant porter à croire qu’une ligne de conduite différente serait plus opportune.

    1.18.7.2 Prise de décisions du pilote

    La prise de décisions du pilote (PDP) est un processus dynamique qui consiste à recueillir de l’information et à l’évaluer (conscience de la situation), puis à choisir une option parmi une gamme de possibilités. Une fois qu’une ligne de conduite a été choisie, le pilote doit relancer le processus et évaluer la mesure dans laquelle elle produit les résultats souhaités, et la modifier au besoin.

    Tel qu’il est souligné dans une trousse éducative de TC, la PDP se fait en fonction du temps. Avant le vol, les pilotes procèdent à une « prise de décisions sans souci du temps ». Pendant le vol, qui est un environnement très dynamique, les pilotes sont confrontés à une « prise de décisions quand le temps presse Note de bas de page 172». En règle générale, le temps consacré à la prise de décisions sans souci du temps (p. ex., la planification avant le vol) diminue la charge de travail du pilote en vol et contribue à réduire à la fois le besoin de prendre des décisions quand le temps presse et le temps qu’il faut pour les prendre. Par exemple, le guide de planification avant le vol publié par l’Équipe européenne pour la sécurité des hélicoptères (EHEST) Note de bas de page 173 donne les consignes suivantes pour les pilotes [traduction] :

    Assurez-vous d’obtenir des prévisions météorologiques pour l’aviation auprès d’une source autorisée, tenez compte de ce qu’elles disent [caractères gras dans le document original] […] et prenez une décision soigneusement réfléchie d’effectuer le vol ou d’y renoncer. Ne vous laissez pas influencer par la pression que vous vous imposez ou qui est exercée par les passagers. […] Établissez clairement dans votre esprit les conditions en route, les prévisions et les déroutements possibles en cas de dégradation des conditions météorologiques. Prévoyez un itinéraire de déviation si vous êtes susceptible de survoler un relief surélevé qui peut être couvert de nuages Note de bas de page 174.

    Cette approche aidera le pilote à anticiper les difficultés (p. ex., les nuages bas) qu’il pourrait rencontrer pendant le vol, à établir des déclencheurs de décision en route (EDT) et à définir des plans d’urgence, et ce, sans la charge de travail supplémentaire associée à la maîtrise de l’aéronef. D’autre part, la rencontre inattendue d’un danger (p. ex. nuages bas et/ou visibilité réduite) pour lequel aucun plan n’a été envisagé constitue une situation de « prise de décisions quand le temps presse » qui accroît la charge de travail du pilote. Dans ces situations, un certain nombre de facteurs influent sur le processus décisionnel. Par exemple, des études portent à croire que les pilotes sous-estiment souvent le risque d’une perte de maîtrise par suite d’un manque de repères visuels et qu’ils ont une grande confiance en leur capacité à conserver la maîtrise de l’aéronef dans des conditions météorologiques défavorables Note de bas de page 175, Note de bas de page 176, Note de bas de page 177. De même, au fur et à mesure que la réalisation de l’objectif approche (c.-à-d. à l’approche de la destination), la recherche montre qu’il peut y avoir une tendance naturelle à minimiser les risques possibles au profit de l’atteinte de l’objectif (c.-à-d. atteindre la destination) Note de bas de page 178, Note de bas de page 179. Par conséquent, les pilotes peuvent avoir d’emblée tendance à poursuivre leur vol lorsque les conditions météorologiques se dégradent, surtout s’ils pensent qu’il s’agit d’une situation temporaire ou que celle-ci ne s’aggravera guère.

    Si le vol se poursuit jusqu’à la perte inattendue des repères visuels, la situation peut provoquer un effet de sursaut Note de bas de page 180, c’est-à-dire un ensemble de réactions involontaires à un stress aigu qui altère temporairement les capacités mentales et physiques d’une personne. Le sursaut nuit à la capacité d’une personne de piloter un aéronef, en perturbant sa motricité fine, son ouïe et sa vision. Étant donné que la réaction a également une incidence sur les fonctions cognitives, la combinaison des effets sur une personne interfère avec sa capacité de voir, de penser et d’agir dans des situations de prise de décisions quand le temps presse. Cela peut entraîner un retard dans le temps de réaction et éventuellement une saturation des tâches. Dans ces situations, des indices importants peuvent passer inaperçus en raison d’un rétrécissement de l’attention Note de bas de page 181, les décisions peuvent être fondées sur une mauvaise compréhension du risque et, dans des cas extrêmes, la maîtrise de l’aéronef peut être compromise. Dans bien des cas, les pilotes tenteront de réagir en s’appuyant sur les connaissances acquises grâce à la formation et à l’expérience opérationnelle.

    1.18.8 Événements antérieurs liés à une perte de repères visuels et autres enquêtes

    À la lumière des connaissances organisationnelles conservées au niveau de la direction et parmi les pilotes de ligne lorsque GSH a commencé ses activités en 2018, il est important de comprendre l’historique des événements liés à l’entreprise qui l’a précédée. Pour cette raison, les événements concernant l’entreprise qui a précédé GSH seront abordés dans la prochaine section, qui sera suivie par un examen de certaines autres enquêtes du BST et d’une enquête de l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) qui sont pertinentes par rapport à l’événement à l’étude.

    1.18.8.1 Événements concernant l’entreprise remplacée par Great Slave Helicopters 2018 Ltd.
    1.18.8.1.1 Octobre 2015 – Collision en approche dans des conditions de lumière plate

    Un hélicoptère AS350 B2 a quitté un camp éloigné près de Deadhorse (Alaska, États-Unis) pour aller chercher une équipe de travail. En route vers le site d’atterrissage, les conditions météorologiques ont commencé à se détériorer et le pilote a rencontré une zone de lumière plate au-dessus d’un sol enneigé. Le pilote a alors réduit sa vitesse et est descendu plus près du sol. Alors qu’il effectuait une approche en vue d’un atterrissage dans des conditions de lumière plate et de visibilité décroissante, l’hélicoptère s’est retrouvé enveloppé dans de la neige en mouvement. Au moment où le pilote tentait de retrouver des repères visuels à la surface, le patin droit a heurté le sol lors d’un virage à droite à faible inclinaison. L’hélicoptère a alors basculé sur le côté droit, ce qui l’a fortement endommagé. Le pilote, qui était seul à bord, n’a pas été blessé. Les conditions météorologiques signalées à l’aéroport le plus proche (26 NM du lieu de l’accident) étaient les suivantes : nuages fragmentés à 1000 pieds, ciel couvert à 15 000 pieds et visibilité de 5 SM.

    Le NTSB a enquêté sur cet événement. D’après le rapport d’accident, le pilote estimait que la visibilité se situait entre 1 SM et 3 SM. Le NTSB a déterminé que la cause probable de cet accident était le fait que le pilote, qui n’était pas qualifié pour le vol aux instruments, [traduction] « a poursuivi son vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables, ce qui a entraîné une désorientation spatiale, puis n’a pas respecté la marge de franchissement du relief alors qu’il tentait d’atterrir dans des conditions de lumière plate et de voile blancNote de bas de page 182 ».

    Le rapport interne de l’entreprise soulignait qu’il y avait déjà eu 5 accidents d’impact sans perte de contrôle (CFIT) ou de collision avec le relief au sein de l’entreprise, dont 4 étaient [traduction] « directement attribuables à une perte de repères visuels dans des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 183 ». Le rapport interne faisait état des moyens de défense figurant dans le manuel d’exploitation de l’entreprise (COM) de l’entreprise originale Great Slave Helicopters, qui visaient à réduire le risque posé par l’exploitation dans des conditions de voile blanc. Les moyens de défense, qui avaient été retirés du COM par GSH, comprenaient les éléments suivants :

    • Instruments de vol obligatoires en cas de vol dans des conditions de voile blanc : indicateur d’assiette, gyroscope directionnel, indicateur de vitesse verticale, anémomètre, altimètre, indicateur de virage et de dérapage ou coordonnateur de virage.
    • Le vol VFR dans des conditions de voile blanc doit être planifié comme un vol VFR de nuit, y compris pour le choix d’une altitude minimale pour le vol.

    Le rapport a également mis en évidence des conditions préalables à des actes dangereux liées aux éléments suivants [traduction] :

    • Formation
      • La formation n’a pas été efficace pour permettre de cerner les dangers associés à cet événement.
      • La formation relative aux opérations par visibilité réduite a été inefficace pour ce qui est de communiquer l’intention derrière l’utilisation de la vitesse minimale comme facteur de décision.
      • La formation relative à au vol par inadvertance dans des conditions de vol aux instruments (IIMC) a été inefficace pour dissuader les pilotes de poursuivre leur vol dans des IMC.

    Conditions de travail

    • Environnement physique
      • Conditions de lumière plate en raison d’un ciel couvert et de neige au sol
      • Peu de repères visuels en raison d’un relief plat et d’une végétation réduite […]

    SUPERVISION NON SÉCURITAIRE

    Supervision inadéquate

    • Absence de supervision ou d’orientation au moyen d’une évaluation des risques ou d’un profil de risque opérationnel préalables à la tâche

    INFLUENCES ORGANISATIONNELLES

    Processus organisationnel

    • Procédures
      • Les procédures relatives aux opérations dans des conditions de lumière plate ou de voile blanc ne permettaient pas d’atténuer efficacement le risque pour tous les scénarios.
    • Surveillance
      • Manque d’outils efficaces de gestion des risques […]
      • La surveillance des procédures actuelles concernant les opérations par visibilité réduite était inefficace pour assurer un environnement de travail sécuritaireNote de bas de page 184.

    Le rapport a également relevé des facteurs organisationnels, dont les suivants [traduction] :

    • manque de définitions et de procédures claires pour les opérations dans un environnement hivernal arctique qui intègre des conditions de voile blanc, de lumière plate et de visibilité réduite;
    • manque de scénarios de formation qui intègrent les conditions susmentionnées;
    • manque de responsabilisation à l’égard des infractions courantes liées à la visibilité réduite;
    • absence d’évaluation des risques ou d’analyse du risque professionnel préalable à la tâche qui permette de surveiller les conditions de travail, y compris les éléments susceptibles d’exercer une pression sur les équipages […]Note de bas de page 185.

    Le rapport a souligné la nécessité, au sein de l’entreprise [traduction] :

    • de passer en revue les procédures relatives à la visibilité réduite pour les opérations dans des conditions de lumière plate ou de voile blanc;
    • de revoir la formation sur la visibilité réduite dans les conditions hivernales arctiques […];
    • d’examiner le processus d’évaluation qui détermine les conditions météorologiques minimales pour les opérations dans des conditions de lumière plate et de voile blancNote de bas de page 186.

    Le rapport se conclut par les recommandations suivantes [traduction] :

    • Que l’entreprise revoie et modifie les COM 4.9.4 et 5.22 pour tenir compte des définitions actuelles de voile blanc ou de lumière plate et de visibilité réduite, afin d’élaborer des procédures réalistes pour les opérations par visibilité réduite dans cet environnement, y compris l’établissement des éléments suivants :
      • des conditions météorologiques minimales pour le vol VFR dans l’espace aérien non contrôlé, qui tiennent compte de dangers tels que des conditions de lumière plate ou de voile blanc;
      • une vitesse minimale ou une hauteur minimale au-dessus du sol parmi les critères pour déterminer s’il convient ou non de poursuivre le vol par visibilité réduite […];
      • une liste d’équipement minimal pour l’exploitation d’un aéronef dans des conditions hivernales propres aux terres stériles.
    • Que l’entreprise élabore un profil de risque opérationnel (ORP) pour les conditions hivernales propres aux terres stériles, qui comprend des stratégies d’atténuation des risques liés à la lumière plate, au voile blanc et à la visibilité réduite […].
    • Que l’entreprise installe des systèmes de gestion des données de vol avec imagerie du poste de pilotage dans les aéronefs qui sont exploités dans des environnements nécessitant une supervision plus étroite, pour prévenir les infractions courantes et les infractions exceptionnellesNote de bas de page 187.
    1.18.8.1.2 Juillet 2014 – Collision avec un plan d’eau miroitant

    Alors qu’il transportait une équipe de levés géologiques vers un site éloigné, un hélicoptère B206L a percuté l’eau en survolant un lac, à environ 20 NM de l’aérodrome de Diavik (CDK2) (Territoires du Nord-Ouest). La visibilité était d’environ 1 mille dans de la fumée, et la surface de l’eau était miroitante. Le pilote a perdu ses repères visuels, et l’hélicoptère a heurté la surface de l’eau, a basculé sur le dos et a coulé. Les occupants sont sortis de l’hélicoptère et n’ont subi que des blessures légèresNote de bas de page 188.

    1.18.8.1.3 Mars 2011 – Perte de repères visuels en raison de conditions de voile blanc

    Un hélicoptère AS350 B2 participait à des activités de levés près du lac Pellet (Territoires du Nord-Ouest). L’hélicoptère volait à une altitude d’environ 150 pieds AGL et suivait une ligne de levé qui se trouvait près de la surface enneigée du lac Pellet. Le vol s’est retrouvé dans des conditions de voile blanc, le pilote a perdu ses repères visuels avec la surface du lac, et l’hélicoptère a percuté la surface du lac et s’est renversé. Les occupants ont réussi à sortir de l’hélicoptère indemnes, mais un incendie s’est déclaré après l’impact et a détruit la majeure partie du fuselageNote de bas de page 189.

    1.18.8.1.4 Janvier 1994 – Perte de repères visuels dans des conditions de voile blanc

    Un aéronef Hughes 500E était utilisé pour ramener une équipe de topographes au camp de base. En route vers le camp de base, la visibilité rapportée était de 1 SM dans la neige. La route directe passait au-dessus d’un lac enneigé d’une largeur d’environ 3,5 NM. Le pilote avait l’intention de suivre une crête de pression de glace à titre de repère visuel, mais il n’a pas été en mesure de la localiser après le décollage. Alors qu’il survolait le lac enneigé, le pilote a perdu ses repères visuels dans des conditions de voile blanc, et l’hélicoptère a percuté la glace à basse vitesse vers l’avant. L’hélicoptère a atterri lourdement et a basculé sur le côté gauche. Il a été lourdement endommagé, mais les occupants n’ont subi que des blessures légèresNote de bas de page 190.

    1.18.8.2 Enquêtes antérieures du BST
    1.18.8.2.1 Étude de sécurité sur le vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables

    En 1990, le BST a publié l’étude de sécurité aéronautique 90-SP002, Rapport au terme d’une étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorablesNote de bas de page 191. Ce rapport révèle que 27 des 33 accidents d’hélicoptères survenus entre 1976 et 1986Note de bas de page 192 se sont produits dans des conditions de voile blanc, et que de nombreux accidents sont survenus à la suite d’une descente involontaire qui s’est poursuivie à l’insu du pilote.

    1.18.8.2.2 Enquête sur une question de sécurité du transport aérien relative aux activités de taxi aérien

    En 2019, le BST a publié le rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien (SII) A15H0001 Note de bas de page 193. L’objectif était d’améliorer la sécurité en réduisant les risques liés aux activités de taxi aérien au Canada, un secteur qui continue de connaître plus d’accidents que tout autre secteur de l’aviation commerciale.

    La phase 1 de la SII consistait, entres autres, à examiner 167 rapports d’enquête du BST sur des événements survenus tant avec des aéronefs à voilure fixe qu’avec avec des aéronefs à voilure tournante. L’examen a révélé que la plupart des pertes de vie étaient survenues dans des vols qui ont commencé dans des VMC, se sont poursuivis jusqu’à la perte des repères visuels, et se sont soldés soit par un CFIT, soit par une perte de maîtrise. L’analyse des données sur les accidents a révélé que les facteurs contributifs s’inscrivaient dans 2 grandes catégories :

    • l’acceptation de pratiques non sécuritaires;
    • la gestion inadéquate des dangers opérationnels.

    Dans la phase 2, les enquêteurs ont mené des entrevues auprès d’intervenants de l’industrie afin de mieux comprendre les pressions auxquelles l’industrie devait faire face et les problèmes qu’elle rencontrait dans ses activités quotidiennes. Les renseignements recueillis ont été classés en 19 thèmes de sécurité qui, à la suite d’une analyse plus poussée utilisant des données additionnelles, ont mené à diverses conclusions. De ces 19 thèmes, les 2 suivants et leurs conclusions respectives sont pertinents pour le présent rapport :

    • la technologie embarquéeNote de bas de page 194, si employée dans une opération, peut améliorer sensiblement la sécurité des activités de taxi aérien.
    • la formation des pilotes et autre personnel d’opérations aériennes est essentielle pour perfectionner les connaissances et compétences dont ils ont besoin pour gérer efficacement les divers risques associés aux opérations de taxi aérien.

    La nature complexe et variée du secteur du taxi aérien et l’ampleur des pressions concurrentes engendrent des dangers et des facteurs de risque qui sont différents de ceux d’autres secteurs de l’aviation. La façon dont l’exploitant gère les dangers ou les risques détermine le niveau de sécurité de ses opérations. Plus les mécanismes de défense sont fragiles ou rares, plus la marge de sécurité est mince.

    L’approche traditionnelle à l’égard de la gestion de la sécurité est fondée sur la conformité aux règlements et une réponse réactive aux incidents et aux accidents. Les principes modernes de gestion de la sécurité favorisent la recherche proactive des dangers, l’identification des risques et l’adoption de meilleurs moyens de défense pour réduire les risques à un niveau acceptable.

    De nombreux exploitants adoptent une gestion proactive de la sécurité pour cerner les dangers et atténuer les risques associés à leurs activités, et nombre d’entre eux prennent des mesures qui vont au-delà des exigences réglementaires. Cependant, la SII a permis de déterminer que les risques liés au secteur du taxi aérien persistent depuis des décennies et résistent aux mesures d’atténuation plus traditionnelles.

    Une analyse plus approfondie des données sur les accidents a révélé certains mécanismes de défense faibles ou absents qui, s’ils étaient renforcés ou ajoutés, pourraient améliorer la sécurité. De nombreux exploitants utilisent la technologie embarquée et la formation pour améliorer la sécurité de leurs opérations. Ils peuvent aller au-delà des règlements existants et appliquer les recommandations actives du BST, sans attendre les modifications réglementaires de TC pour améliorer la sécurité. Même si le respect des règlements en matière de sécurité est fondamental, les exploitants qui se limitent à respecter les normes établies par les règlements ne sont pas bien placés pour cerner les problèmes de sécurité émergents.

    1.18.8.2.3 Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20Q0015 du BST

    L’après-midi du 22 janvier 2020, environ 7 minutes après avoir décollé pour un vol VFR de jour, un hélicoptère Bell 206L-4 est entré en collision avec la surface gelée et enneigée du lac Saint-Jean (Québec). L’aéronef a été détruit et le pilote a été grièvement blessé.

    Au moment de l’impact, le pilote croyait être en vol de croisière à environ 500 pieds AGL. L’enquête a permis de déterminer que la lumière plate estompait les ombres et le contraste, ce qui a réduit les indices visuels nécessaires à la perception de la profondeur ainsi qu’à la vision en 3 dimensions.

    L’aéronef était équipé d’un altimètre conventionnel et d’un altimètre radar. L’altimètre radar était doté d’un sélecteur de réglage de faible hauteur, mais il était réglé à 0 pied, ce qui a eu pour effet de désactiver le système d’alerte visuelle et sonore.

    Au cours de l’enquête, un total de 48 événements survenus dans des conditions connues pour avoir une incidence sur la perception spatiale d’un pilote ont été recensés de 2010 à 2019, dont 13 étaient des accidents d’hélicoptères (annexe F).

    1.18.8.3 Enquête AO-2013-216 de l’Australian Transport Safety Bureau

    Le 1er décembre 2013, un hélicoptère Aérospatiale AS350 B2 (immatriculation VH-HRQ) retournait à la base de Davis (Antarctique) avec 1 pilote et 2 passagers à bord. Après une réduction rapide du nombre de repères visuels, le pilote a maintenu une altitude d’environ 150 pieds AGL. La décision a été prise de retourner à la cache à carburant d’où l’hélicoptère avait décollé. Pendant le virage à droite, l’hélicoptère est descendu et a percuté la plate-forme de glace. Le pilote et les 2 passagers ont été grièvement blessés et l’hélicoptère a été détruit.

    L’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a déterminé que le pilote avait été victime d’une désorientation spatiale lors du virage à droite, et que la descente inopinée était passée inaperçue en raison d’un manquement de la part du pilote dans la surveillance de ses instruments de vol. De plus, le pilote avait réglé l’altimètre radar à 120 pieds AGL, ce qui signifie qu’une alerte visuelle et sonore se serait déclenchée lorsque l’hélicoptère serait descendu au-dessous de cette hauteur; cependant, il n’y avait pas suffisamment de temps pour se redresser avant d’entrer en collision avec la surface. Le rapport soulignait également l’importance de surveiller les instruments de vol dans les zones où il y a moins de repères visuels. D’après le rapport [traduction] :

    une décision rapide du pilote de se reporter à la fois aux instruments de vol et à l’horizon dégagé vers la droite, plutôt que de voler uniquement à l’aide de repères visuels, aurait très probablement fourni la marge de sécurité supplémentaire nécessaire pour maintenir la marge de franchissement du relief pendant le retour vers le site d’atterrissageNote de bas de page 195.

    L’enquête a révélé que l’exploitant exigeait que les pilotes de l’entreprise qui effectuaient des vols en Antarctique suivent un entraînement au vol VFR de nuit suffisant pour obtenir une qualification de vol de nuit. Les pilotes de l’entreprise avaient également reçu une formation de base au vol aux instruments lors de leur entraînement au vol de nuit. L’objectif de l’entraînement au vol de nuit était de simuler une surface à faible définition semblable à ce qui se présente dans l’Antarctique. À la suite de l’événement à l’étude, l’exploitant a pris les mesures de sécurité supplémentaires suivantes :

    • de nouveaux hélicoptères dotés de pilotes automatiques et d’autres équipements permettant de réduire la charge de travail des pilotes;
    • un entraînement sur simulateur dispensé par un pilote ayant l’expérience des vols en Antarctique;
    • un cours sur la conscience de la situation;
    • une formation sur l’utilisation des pilotes automatiques et les limites de l’altimètre radar;
    • une modification des procédures d’exploitation pour inclure les éléments suivants :
      • des réglages minimums prescrits pour les altimètres radar,
      • l’utilisation du pilote automatique pour maintenir la hauteur dans les virages et sortir des situations de visibilité réduite,
      • des conseils sur la prise de décisions pour agir plus tôt afin d’éviter des conditions de voile blanc ou, sinon, en sortir.

    1.18.9 Statistiques du BST sur les accidents liés à une perte de repères visuels

    Entre 2000 et 2021, il y a eu au total 5177 accidents (au Canada) d’avions ou d’hélicoptères. Parmi ces accidents, 95 (1,8 %)Note de bas de page 196 étaient liés à une perte de repères visuels. La perte de repères visuels attribuable à des conditions de voile blanc induites par le rotor a été exclue de la comparaison.

    Une analyse effectuée par la Direction des facteurs humains et de l’analyse macro du BST a permis de mettre en évidence une différence statistiquement significative entre le nombre d’accidents d’avions et le nombre d’accidents d’hélicoptères liés à une perte de repères visuels. Les résultats ont indiqué que les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avions (tableau 13).

    Tableau 13. Comparaison des accidents liés à la perte de repères visuels – avions et hélicoptères
    Aéronef Nombre total d’accidents au Canada entre 2000 et 2021 Nombre total d’accidents attribuables une perte des repères visuels (à l’exclusion des conditions de voile blanc induites par le rotor)
    Avions 4378 68 (1,55 %)
    Hélicoptères 799 27 (3,38 %)

    1.18.10 Vidéos prises le jour de l’événement à l’étude

    Environ 2 heures avant le vol de l’événement, le pilote a effectué un court vol avec les 3 guides locaux qui apportaient leur aide au camp. La majeure partie du vol, d’une durée d’environ 15 minutes, a été enregistrée par les passagers au moyen de leur téléphone personnel. Les vidéos montrent le pilote effectuant des manœuvres en vol à des degrés élevés de tangage et de roulis, ainsi que des changements d’assiette rapides qui ont parfois donné lieu à des conditions de quasi-apesanteur, de même que des manœuvres à grande vitesse à très basse altitude au-dessus de la glace enneigée. Pendant le vol, la visibilité semblait être supérieure à 6 SM. Cependant, il était parfois impossible de discerner l’horizon.

    Dans les vidéos, on peut voir les instruments de vol réagir aux manœuvres de vol, et leur fonctionnement semble normal. Le voyant d’avertissement de basse pression carburant allumé était visible dans les vidéos prises pendant le vol (voir la section 1.6.3 Voyant d’avertissement de pression carburant).

    Le vol a été capté par le système de suivi des vols par satellite utilisé par GSH et le PPCP pour surveiller les opérations aériennes. GSH n’était pas au courant du vol décrit ci-dessus. Selon GSH, il s’agissait d’un vol non autorisé.

    2.0 Analyse

    Rien n’indique que la défaillance d’un système de l’aéronef ait contribué à l’événement à l’étude. Par conséquent, l’analyse portera sur les circonstances du vol en question et les conditions préalables à l’événement.

    En particulier, l’analyse décrira le scénario le plus probable de l’événement, une collision avec le relief résultant d’une perte de repères visuels dans des conditions de lumière plate et de voile blanc. L’analyse abordera ensuite les facteurs qui ont probablement influencé le processus décisionnel du pilote, les moyens de défense organisationnels en place chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (GSH) et l’environnement réglementaire.

    2.1 Vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Le vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC) continue de présenter un risque important pour la sécurité aérienne et d’être à l’origine de nombreux accidents mortels. Les accidents liés à un IIMC sont habituellement associés au fait qu’un pilote effectuant un vol selon les règles de vol à vue (VFR) poursuit son vol dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC)jusqu’à ce que l’aéronef pénètre dans des nuages, c’est-à-dire dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Toutefois, il est important de comprendre que les IMC sont présentes chaque fois que les repères visuels sont inadéquats pour maîtriser l’aéronef. Par conséquent, si un pilote n’est pas en mesure de voir les repères au sol ou de discerner un horizon visible, pour quelque raison que ce soit, le pilote se trouve dans des IMC et doit se fier à ses instruments de vol. Comme des recherches antérieures du BST ont permis de le constater, les accidents liés à une perte de repères visuels sont plus de 2 fois plus susceptibles de toucher des hélicoptères que des avions.

    Lorsque l’hélicoptère de l’événement à l’étude a commencé à survoler l’île Griffith (Nunavut), il volait près du point le plus élevé de l’île, vers des conditions environnementales qui étaient très propices à la présence de lumière plate et de voile blanc. Le ciel couvert a probablement créé une lumière diffuse qui se reflétait sur le relief enneigé sans caractéristiques marquées, produisant ainsi des conditions de lumière plate, ce qui aurait sensiblement réduit ou éliminé le contraste et les ombres. La capacité du pilote à évaluer la hauteur au-dessus du sol, la distance et la vitesse de rapprochement aurait ainsi été dégradée. En outre, la présence de bourrasques de neige, combinées à la lumière plate, a probablement créé des conditions de voile blanc qui ont enveloppé l’hélicoptère d’une lueur blanchâtre uniforme et qui auraient fait en sorte qu’il était très difficile pour le pilote de l’événement à l’étude de voir des repères au loin et de discerner un horizon visible, deux éléments essentiels pour conserver la maîtrise de l’aéronef en vol VFR.

    Pour compliquer encore la situation, l’effet insidieux des conditions de lumière plate et de voile blanc aurait réduit la capacité du pilote à reconnaître que son système visuel se dégradait et qu’il était exposé à un risque accru de désorientation spatiale. Au cours des derniers instants du vol de l’événement à l’étude, il est probable que le pilote ait reconnu la nécessité de prendre des mesures de rechange pour maintenir ou retrouver les repères visuels nécessaires au vol VFR. Cependant, à ce moment-là, ou peu après, le pilote ne disposait plus de repères visuels adéquats à la surface ni d’un horizon perceptible, si bien que l’hélicoptère s’est retrouvé par inadvertance dans des IMC.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Lorsque l’hélicoptère, piloté en VFR de jour, s’est approché de la plus haute élévation de l’île Griffith, il est probable que le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, le ciel couvert et les bourrasques de neige ont créé des conditions de lumière plate et de voile blanc correspondant à des IMC.

    L’épave a été retrouvée sur un cap quasi inverse à la route de l’hélicoptère vers l’aéroport de Resolute Bay (CYRB) (Nunavut) et au sud de cette route. L’orientation de la traînée de débris et la distance latérale par rapport à la route correspondent à une tentative de virage à droite de 180°, du même côté de l’hélicoptère que celui à partir duquel le pilote pilotait, conformément à la formation dispensée par GSH.

    Le champ de débris est caractéristique d’un impact violent à grande vitesse vers l’avant. Pour que l’hélicoptère ait atteint le point d’impact, à presque 180° de sa route, dans un délai inférieur à l’intervalle préétabli de 2 minutes depuis le dernier compte rendu de position par satellite, il aurait fallu que l’hélicoptère vole, en moyenne, à la même vitesse ou presque que lors du dernier compte rendu de position par satellite. Par conséquent, il semble probable, compte tenu de la longueur et des caractéristiques du champ de débris, que l’hélicoptère ait percuté le sol de façon inattendue, à une vitesse relativement élevée, plutôt que pendant des manœuvres à faible vitesse (p. ex. à environ 40 nœuds), comme celles enseignées dans la formation au vol VFR par visibilité réduite dispensée par GSH. Il semble donc que le pilote ait pris des mesures d’évitement, parce qu’il a soudainement pris conscience qu’il n’était plus possible de poursuivre le vol à vue, avant d’essayer de réduire fortement sa vitesse. Il semble aussi que lorsque le pilote a amorcé le virage, l’hélicoptère était probablement déjà dans des IMC ou sur le point de l’être.

    Le pilote comptait un total de 16,4 heures de vol aux instruments à bord d’aéronefs et sur simulateurs, dont 3,5 heures au cours des 5 années précédant l’accident. Le fait de voler par inadvertance dans des IMC, une situation pour laquelle le pilote n’avait suivi aucune formation, aurait entraîné une augmentation rapide de sa charge de travail. Cette situation pourrait également avoir provoqué un effet de sursaut qui aurait allongé le temps de réaction du pilote et rendu le traitement de l’information plus difficile. Compte tenu de son expérience limitée de vol aux instruments, il est peu probable que le pilote disposait des compétences ou de la confiance nécessaires pour effectuer une sortie d’IIMC en utilisant uniquement les instruments de vol. Il est probable que le pilote s’en est plutôt remis à sa formation et à ce qu’il était à l’aise de faire, c’est-à-dire piloter en se fiant uniquement à des repères extérieurs.

    Comme le pilote a probablement tenté d’exécuter à vue un demi-tour en vent arrière dans des IMC, il est possible qu’il ait été victime d’un rétrécissement de l’attention alors qu’il cherchait des repères extérieurs pendant le virage à droite, peut-être en négligeant des instruments de vol essentiels qui auraient pu fournir des renseignements précieux sur le tangage et le roulis de l’hélicoptère, son altitude et sa vitesse verticale de descente.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Alors que le pilote tentait vraisemblablement de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réaction à un IIMC, une descente non intentionnelle a fait en sorte que l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    2.2 Prise de décisions du pilote

    Pour prendre des décisions optimales, les pilotes s’appuient sur leur expérience et leur formation pour acquérir une conscience de la situation en cherchant activement des indices pertinents (perception), en comprenant ces indices (compréhension) et en anticipant la façon dont ces indices pourraient avoir une incidence sur le vol (projection). Idéalement, les pilotes tireront parti de la « prise de décisions sans souci du temps », comme la planification avant le vol, pour renforcer et maximiser leur conscience de la situation en envisageant des scénarios susceptibles d’être rencontrés. Cela permet de réduire la charge de travail mental du pilote et d’améliorer la sécurité au cas où l’une des situations envisagées de « prise de décisions quand le temps presse » se présenterait. Par exemple, en cherchant activement à obtenir des renseignements météorologiques et en examinant attentivement le pire scénario possible, un pilote peut déterminer de façon proactive des stratégies, telles qu’un itinéraire de rechange, pour atténuer le risque qui peut exister. Si ces étapes de planification avant le vol sont omises, le modèle mental du pilote sera incomplet et la charge de travail risque d’augmenter considérablement s’il doit ensuite composer avec une situation en vol imprévue, tout en conservant la maîtrise de l’aéronef.

    Étant donné que le vol de l’événement à l’étude était effectué en VFR de jour, le pilote devait conserver des repères visuels à la surface et être en mesure de maîtriser l’hélicoptère uniquement à l’aide de repères extérieurs. Le Programme du plateau continental polaire (PPCP) a informé le pilote de l’événement à l’étude que le ciel était couvert au sud-est du camp 1. Cependant, le pilote a quitté le camp 1 sans avoir obtenu au préalable des renseignements météorologiques, tels que la prévision de zone graphique ou la prévision d’aérodrome applicable au vol à l’étude. Par conséquent, le pilote s’est dirigé sans le savoir vers une zone enneigée, dépourvue de repères visuels, où l’on prévoyait des nuages aussi bas que 800 pieds au-dessus du sol et des visibilités aussi faibles que 2 milles terrestres dans de légères averses de neige. Dans le contexte du vol à l’étude, il est probable que la décision du pilote de décoller sans avoir obtenu un exposé météorologique a été influencée par les facteurs suivants :

    • Les conditions météorologiques qui prévalaient au camp le jour de l’événement se prêtaient au vol VFR.
    • Le pilote a reçu des renseignements de seconde main par l’entremise du biologiste en chef, qui communiquait régulièrement avec le PPCP au sujet des conditions météorologiques réelles et prévues. Les renseignements correspondaient à ce qu’il voyait au camp 1 et provenaient de ce qui était probablement considéré comme une source fiable.
    • L’évaluation initiale du pilote quant à savoir si les conditions météorologiques étaient favorables peut avoir été renforcée de façon involontaire par des renseignements reçus, directement ou indirectement, du pilote de l’aéronef Twin Otter qui effectuait les vols de démontage, selon lesquels les conditions météorologiques entre le camp 1 et CYRB étaient propices aux vols VFR.
    • Le pilote avait une expérience limitée des opérations en région éloignée au-delà de la limite forestière et de l’imprévisibilité des systèmes météorologiques typiques des mois d’hiver et de printemps, et il est probable qu’il n’ait pas pleinement compris les risques encourus.

    La combinaison de ces facteurs a probablement influencé le modèle mental du pilote, l’amenant à déterminer que le vol de retour vers CYRB se déroulerait bien. Tel qu’il a été mentionné précédemment dans le rapport, une fois qu’un modèle mental a été formé, il résiste au changement, à moins que des indices convaincants ne porte à croire qu’une ligne de conduite différente serait appropriée. Toutefois, compte tenu de son expérience et des renseignements météorologiques incomplets qu’il a reçus, aucun indice convaincant lui faisant penser que son modèle mental était inexact ne s’est présenté au pilote avant le départ. Par conséquent, le pilote était à l’aise de décoller sans demander d’abord des renseignements météorologiques supplémentaires à GSH, à NAV CANADA ou au personnel du PPCP. Cela signifie que le pilote ne disposait pas, lors de la planification avant le vol, de précieux renseignements qui auraient pu l’alerter du risque existant et de l’importance d’envisager des stratégies pour assurer le maintien de marges de sécurité pendant le vol à l’étude.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La décision du pilote de décoller était fondée sur une compréhension incomplète des prévisions météorologiques le long de la route prévue. Par conséquent, il est probable que son modèle mental inexact ait eu pour effet de diminuer l’importance perçue de planifier des mesures d’urgence en cas de conditions météorologiques défavorables.

    Au fur et à mesure que le vol progressait et que l’hélicoptère s’éloignait du camp 1, les changements dans la route suivie, l’altitude, la vitesse et le cap de l’aéronef semblent indiquer que le pilote a peut-être contourné des nuages bas ou une visibilité réduite, entre l’île Russell (Nunavut) et l’île Griffith. Cela a probablement été le premier signe pour le pilote de l’événement à l’étude que les conditions météorologiques étaient pires qu’il ne l’avait cru au départ. Selon le modèle de prise de décisions du pilote (PDP), au fur et à mesure que de nouveaux renseignements se font jour, le pilote doit évaluer la pertinence de la ligne de conduite actuelle et envisager des éventualités pour se préparer et réduire sa charge de travail au cas où il aurait à prendre des décisions « quand le temps presse ».

    Alors que l’hélicoptère approchait du bord de l’île Griffith, il était descendu à 254 pieds au-dessus du niveau de la mer, soit environ 250 pieds plus bas que l’élévation la plus haute de l’île Griffith. Cela peut indiquer que le pilote a envisagé de contourner l’île Griffith, conformément à la pratique généralement acceptée et recommandée d’éviter le survol d’îles ou de lacs enneigés, surtout en présence d’un plafond de nuages fragmentés ou d’un ciel couvert.

    Au moment où l’hélicoptère de l’événement à l’étude a atteint le bord ouest de l’île Griffith, le pilote a amorcé une montée et a suivi la route directe vers CYRB. Cette route était semblable à la route-sol suivie le 13 avril 2022, lorsque l’hélicoptère avait volé de CYRB au camp 1. La décision de continuer à survoler l’île Griffith plutôt que de tenter de la contourner, ce qui aurait ajouté moins de 3 milles marins au vol, a probablement été influencée par les facteurs suivants :

    • Le pilote avait peu d’expérience dans des conditions environnementales semblables. Par conséquent, le pilote a sous-estimé la probabilité, et les conséquences potentielles, de rencontrer des conditions de lumière plate et de voile blanc pendant qu’il survolait l’île Griffith.
    • Le pilote avait déjà réussi à survoler l’île Griffith en suivant une route-sol semblable. Dans son esprit, cela aurait renforcé l’opinion que cette option était une ligne de conduite acceptable.
    • Plus un vol se rapproche de sa destination, plus le pilote est motivé à le mener à bien. Compte tenu de la proximité de CYRB, cette tendance a peut-être influencé la décision du pilote, dans une certaine mesure, de choisir la route la plus courte possible pour retourner à CYRB.
    • La décision du pilote d’effectuer une montée et de survoler l’île Griffith laisse croire qu’il était persuadé qu’au moment où l’hélicoptère franchissait le bord ouest de l’île, les conditions météorologiques étaient acceptables pour le vol VFR, et qu’il n’a détecté aucun indice convaincant (p. ex., une visibilité réduite) qui aurait pu indiquer le contraire à ce moment-là.
    • Les pilotes ont une tendance naturelle à surestimer leur capacité à conserver la maîtrise de l’aéronef dans des conditions météorologiques défavorables. Étant donné que le pilote avait probablement rencontré des zones de visibilité réduite ou de nuages bas plus tôt au cours du vol à l’étude en survolant les glaces, il était probablement convaincu qu’il serait en mesure de contourner des conditions météorologiques semblables en survolant l’île Griffith.
    • La formation et les directives de l’entreprise n’indiquaient pas des stratégies d’atténuation des risques pour des situations comme celle rencontrée par le pilote de l’événement à l’étude. Par conséquent, le pilote n’a pas bénéficié des connaissances organisationnelles des pilotes du Nord les plus chevronnés de GSH.

    Le pilote de l’événement à l’étude avait une expérience limitée dans des conditions environnementales semblables, ce qui, compte tenu des facteurs susmentionnés, l’a placé dans une situation difficile. En particulier, un certain nombre de facteurs humains incitaient le pilote à continuer de survoler directement l’île Griffith, et il n’avait pas l’expérience nécessaire pour comprendre pleinement les risques associés à cette ligne de conduite. Le pilote a notamment sous-estimé la probabilité, et les conséquences potentielles, de rencontrer des conditions de lumière plate et de voile blanc pendant qu’il survolait les terres stériles et enneigées de l’île Griffith, qui se trouvaient sous un ciel couvert et sous l’influence de bourrasques de neige. Par conséquent, le pilote a poursuivi le plan initial et a survolé directement l’île plutôt que de prendre des mesures de rechange, comme suivre la ligne de rivage, se dérouter ailleurs ou atterrir en attendant que les conditions météorologiques s’améliorent.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’expérience limitée du pilote en matière de vol au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps a probablement eu pour effet de diminuer sa perception du risque, ce qui a influencé sa décision de poursuivre le vol au-dessus d’un relief enneigé sans caractéristiques marquées sous un ciel couvert et par faible visibilité, des conditions propices à la présence de lumière plate et de voile blanc.

    2.3 Gestion de la sécurité chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd.

    2.3.1 Généralités

    L’objectif d’un système de gestion de la sécurité (SGS) est de permettre aux entreprises de gérer la sécurité de façon proactive, en cernant rapidement les dangers susceptibles de diminuer les marges de sécurité et en mettant en œuvre des moyens de défense pour réduire ces risques. Les organisations résilientes tirent des leçons des expériences passées et mettent en œuvre des moyens de défense pour réduire les risques qui ont été cernés. Bien que la réglementation ne l’exige pas, GSH avait mis en place un système pour gérer la sécurité. Les sections suivantes aborderont certains des moyens de défense mis en place par GSH, ainsi que leur efficacité.

    2.3.2 Approche de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. à l’égard des accidents liés à un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Comme il a été indiqué précédemment dans le rapport, il existe 2 grandes approches en ce qui concerne l’IIMC chez les exploitants d’hélicoptères en vol VFR. L’une d’elles consiste à se fier à la capacité d’un pilote qualifié pour le vol VFR de reconnaître les IMC et de les éviter avant qu’il ne les rencontre. Il s’agit de l’approche « éviter à tout prix ».

    L’autre approche préconise aussi l’évitement comme stratégie privilégiée contre les accidents liés à un IIMC. Toutefois, elle reconnaît que l’évitement à lui seul est insuffisant. Par conséquent, cette approche recommande que les pilotes reçoivent une formation en matière de sortie d’IIMC et qu’ils disposent d’hélicoptères équipés pour leur permettre d’effectuer une sortie d’IIMC en se fiant uniquement aux instruments de vol. Cette approche a énormément gagné en popularité ces dernières années et est appuyée par la United States Helicopter Safety Team (USHST), la Helicopter Association International (HAI) et la Helicopter Association of Canada (HAC). Elle a aussi été adoptée dans la réglementation par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis en réponse aux recommandations du National Transportation Safety Board (NTSB). Certaines entreprises d’hélicoptères canadiennes qui effectuent des vols VFR au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps ont de leur propre chef adopté cette approche pour prévenir les accidents liés à un IIMC. Cet exemple montre comment les exploitants peuvent prendre des mesures pour dépasser les exigences réglementaires et rehausser les normes de sécurité, comme le souligne le rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien (SII) A15H0001 du BST.

    GSH avait adopté une approche « éviter à tout prix » en ce qui concerne les accidents liés à un IIMC. Ce choix reposait en grande partie sur la conviction que les accidents liés à un IIMC sont le résultat d’une mauvaise PDP et que les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR devraient se fier uniquement aux repères visuels extérieurs dans des situations de visibilité réduite. L’approche de GSH à l’égard des IIMC était présente dans tous les aspects des activités de l’entreprise et a eu une influence sur plusieurs d’entre eux. À titre d’exemple :

    • Le manuel d’exploitation de l’entreprise (COM) de GSH mentionne la formation à l’IIMC sur simulateur; toutefois, GSH n’avait organisé aucune formation sur simulateur avant l’événement.
    • Hormis le COM, les publications de GSH, y compris les documents de formation, ne traitent pas de l’IIMC et ne fournissent pas non plus de stratégies opérationnelles dans le cas d’un IIMC (p. ex., procédures d’exploitation normalisées relatives à l’IIMC).
    • Les documents de formation de GSH et les publications de l’entreprise proposaient très peu de stratégies opérationnelles pour gérer les risques associés aux conditions de lumière plate et de voile blanc.
    • GSH n’avait fourni à ses pilotes aucune formation à l’IIMC à bord d’un aéronef ni aucune formation réaliste (p. ex. sur simulateur) pour leur apprendre à gérer la nature insidieuse des conditions de lumière plate et de voile blanc.
    • La direction de GSH croyait que la formation à l’IIMC pourrait encourager les pilotes de l’entreprise à effectuer des vols dans des conditions météorologiques qui pourraient ne pas se prêter à des vols VFR.
    • GSH avait refusé les demandes des pilotes visant à équiper des instruments de vol nécessaires au vol aux instruments les hélicoptères affectés à des régions sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc. Il est arrivé que des hélicoptères dépourvus de ces instruments de vol soient envoyés dans des régions sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc.
    • GSH n’avait pas cherché activement à intégrer des technologies, telles que les altimètres radar, les systèmes de vision améliorée ou les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact des hélicoptères (HTAWS), comme moyens de défense contre les collisions avec le relief.

    Comme le démontrent les points ci-dessus, l’approche de GSH à l’égard des IIMC a été influencée par la vaste expérience de l’équipe de direction en matière de vol VFR dans des conditions semblables en s’appuyant uniquement sur la capacité de poursuivre le vol en VFR. Par ailleurs, ces pilotes de l’équipe de direction avaient peu d’expérience de vol aux instruments, et certains ne comprenaient pas le fonctionnement de base des instruments de vol susceptibles de réduire le risque de collision avec le relief. Par conséquent, GSH s’est appuyé sur un raisonnement traditionnel, fondé uniquement sur l’évitement, au lieu d’adopter des approches plus modernes qui comprennent la formation, les procédures et la technologie, comme moyens de défense contre les accidents liés à un IIMC.

    Les pilotes de GSH devaient effectuer des vols dans des zones sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc, qui présentaient un risque important d’IIMC, sans disposer des connaissances, de la formation, des procédures et, parfois, de l’équipement nécessaires pour avoir une chance raisonnable de sortir d’un IIMC. De nombreux exploitants d’hélicoptères canadiens et étrangers ont reconnu l’importance d’une formation à l’IIMC et d’un équipement aéronautique adéquat, y compris des technologies telles que les altimètres radar ou les systèmes de vision améliorée, lorsqu’ils volent « dans le blanc ». Bien que l’approche de GSH satisfasse aux exigences réglementaires, l’entreprise a raté une occasion de dépasser ces exigences et de rehausser les normes de sécurité.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    GSH avait adopté une approche conforme à la réglementation en vigueur, qui mise sur la capacité d’un pilote à éviter un IIMC. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude n’avait pas les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.

    2.3.3 Gestion des risques chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd.

    La gestion des risques va au-delà de la définition de concepts et de l’élaboration de consignes de haut niveau. Les décideurs en matière de risques doivent définir clairement les dangers, évaluer le risque créé par ces dangers, puis mettre en œuvre des stratégies précises d’atténuation du risque (c.-à-d. des procédures réalisables) jusqu’à ce que le risque résiduel ait été réduit au niveau le plus bas raisonnablement possible. Idéalement, il faudrait que des experts en la matière et les personnes affectées à la tâche participent au processus d’évaluation des risques. Au fur et à mesure que des stratégies d’atténuation des risques voient le jour, elles devraient être intégrées aux procédures et à la formation afin de faciliter le transfert des connaissances organisationnelles à l’ensemble du personnel.

    Chez GSH, le service de sécurité se composait de 1 personne n’ayant aucune expérience préalable dans le domaine de l’aviation; toutefois, des membres clés de l’équipe de direction de GSH possédaient des connaissances organisationnelles, acquises en travaillant chez GSH et auprès de l’entreprise qui l’a précédée, liées aux opérations au-delà de la limite forestière « dans le blanc ». Ces membres de l’équipe de direction travaillaient pour l’entreprise précédente au moment de l’événement de 2015 et y étaient demeurés jusqu’au changement de propriétaire en 2018. Par conséquent, GSH a eu l’occasion de mettre en œuvre un ensemble robuste de moyens de défense, fondé sur les recommandations et les leçons apprises à la suite de l’événement de 2015, afin d’atténuer les risques posés par les vols dans des conditions de lumière plate et de voile blanc. Malgré tout, au moment de l’événement, le profil de risque opérationnel (ORP) et la formation de GSH reposaient principalement sur la diminution de la vitesse comme moyen de réduire le risque d’un IIMC. Certains des moyens de défense mis en évidence à la suite de l’événement de 2015 n’avaient pas été intégrés aux politiques, aux procédures ou à la formation de GSH ou avaient été mis en place de manière à n’offrir qu’une valeur opérationnelle limitée pour les pilotes. À titre d’exemple :

    • Les exigences obligatoires relatives aux instruments de vol et les procédures améliorées de planification des vols ont été retirées des politiques et des procédures de l’entreprise, éliminant ainsi des moyens de défense destinés à prévenir les accidents liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc.
    • Les publications de l’entreprise, y compris les documents de formation au sol, mettaient principalement l’accent sur la définition des conditions de lumière plate et de voile blanc plutôt que sur la prestation d’autres stratégies au-delà de l’évitement, afin d’atténuer le risque de se retrouver dans des conditions de lumière plate ou de voile blanc pendant un vol.
    • GSH allouait 0,3 heure de vol à l’entraînement au vol par visibilité réduite, où le commandant instructeur informait le pilote que la visibilité s’était détériorée devant lui, ce qui a conduisait le pilote à prendre des mesures d’évitement. Par conséquent, les pilotes de GSH ne recevaient pas de formation réaliste (comme une formation sur simulateur) leur permettant de faire face à un IIMC.
    • L’entreprise n’avait pas mis en place de système de gestion des données de vol afin d’accroître la supervision lors des opérations en région éloignée. L’entreprise avait recours à un système de suivi des vols par satellite, mais celui-ci n’était pas utilisé pour repérer les infractions courantes ou les infractions exceptionnelles.
    • GSH avait créé des modèles d’ORP; cependant, rien n’indique qu’un ORP avait été rempli pour l’opération à l’étude ou pour toute autre opération antérieure. De plus, au cours de l’enquête, certains pilotes ont déclaré n’avoir jamais participé à l’élaboration d’un ORP avant un déploiement en région éloignée et n’en avoir jamais examiné un. L’ORP pour les opérations hivernales indiquait que la lumière plate et le voile blanc constituaient des dangers; toutefois, cette information, qui était reprise mot pour mot de sources de la FAA et de NAV CANADA, était de nature générique et ne comprenait pas de stratégies pratiques d’atténuation des risques. Par exemple, l’ORP pour les opérations hivernales citait [traduction] « un bon jugement ainsi qu’une formation et une planification adéquates » comme [traduction] « traitement des risques » liés à la lumière plate, au lieu de présenter des stratégies pratiques utilisées par des pilotes plus expérimentés, comme le fait de contourner les îles enneigées et dépourvues de caractéristiques marquées, afin d’obtenir le maximum de repères visuels. Par conséquent, les ORP de GSH avaient probablement une valeur limitée pour les pilotes déployés dans le cadre d’opérations en région éloignée.

    Pour mieux comprendre l’approche de GSH en matière de gestion des risques et sa capacité de gérer la sécurité, l’enquête du BST a également pris en compte les éléments suivants :

    • GSH avait mis en œuvre des évaluations personnelles des risques; toutefois, une telle évaluation n’était requise que lorsque le plan de vol exploitation était présenté aux préposés au suivi des vols, avant le départ pour une opération en région éloignée. Il n’y avait aucun mécanisme en place à GSH pour garantir que les pilotes effectuant des vols en région éloignée se servaient de cet outil de gestion des risques lorsque les conditions venaient à changer et pour s’assurer que les décisions relatives aux risques étaient prises à l’échelon approprié. Par conséquent, cet outil de gestion des risques n’était pas utilisé de façon uniforme pour appuyer la PDP lors d’opérations en région éloignée, et rien n’indique qu’une évaluation des risques ait été réalisée pendant l’opération au cours de laquelle l’événement à l’étude s’est produit.
    • Le service de sécurité de GSH n’avait qu’une compréhension limitée des dangers opérationnels et des tendances en matière de sécurité au sein de l’entreprise. Bien que le responsable de la sécurité était chargé du manuel d’intervention d’urgence, il n’a été informé de l’événement que plusieurs heures plus tard, par le biais d’un courrier électronique envoyé à l’échelle de l’entreprise. Il semble donc que le service de sécurité de GSH n’ait joué qu’un rôle limité dans les questions opérationnelles liées à la sécurité.
    • L’attitude qui prévalait au sein de l’équipe de direction de GSH voulait que les pilotes qualifiés pour le vol VFR devaient se fier exclusivement à des repères extérieurs pour éviter un IIMC. Par conséquent, l’entreprise avait estimé qu’il était peu utile de chercher des solutions technologiques comme stratégie d’atténuation des risques pour se prémunir contre les collisions avec le relief.
    • GSH a choisi le pilote de l’événement à l’étude pour le déploiement dans le cadre du PPCP au moyen d’un processus informel de sélection des pilotes qui a surestimé l’expérience de vol « dans le blanc » du pilote (c.-à-d., l’état de préparation opérationnelle), lui en accordant de 5 à 10 fois plus que son expérience réelle, laquelle consistait principalement à effectuer des vols dans des conditions qui n’étaient pas propices à la lumière plate et au voile blanc.

    Comme il est indiqué plus haut, GSH disposait des éléments fondamentaux d’un programme d’évaluation des risques; toutefois, il manquait aux processus d’évaluation des risques de l’entreprise certaines caractéristiques essentielles d’un programme robuste, bien au point, de gestion des risques. En particulier, le programme d’évaluation des risques de l’entreprise ne prenait pas en compte des dangers opérationnels tels que l’expérience du pilote, et il ne comportait pas de stratégies pratiques d’atténuation des risques pour assurer le maintien de marges de sécurité lors d’opérations en région éloignée. Il est probable que cela soit attribuable en partie au fait que GSH n’était pas tenu par la réglementation d’avoir un SGS approuvé par Transports Canada (TC) et que le système utilisé par l’entreprise pour gérer la sécurité n’avait pas été officiellement évalué par TC.

    Qu’une entreprise soit ou non tenue par la réglementation de disposer d’un SGS, toutes les compagnies aériennes doivent être en mesure de gérer efficacement la sécurité. En ce qui concerne l’événement à l’étude, même si elle disposait d’une connaissance organisationnelle considérable des risques, y compris les connaissances issues d’accidents semblables du temps du propriétaire précédent, l’équipe de direction de GSH n’a pas pleinement pris en compte ni mis en œuvre des stratégies pratiques d’atténuation des risques pour aider les pilotes à gérer les risques lorsqu’ils effectuent des vols dans des conditions de lumière plate et de voile blanc. Sur la base d’une compréhension incomplète, l’entreprise avait choisi un pilote ayant peu d’expérience de vol dans des conditions environnementales très propices à la lumière plate et au voile blanc. De plus, elle avait conclu qu’aucune stratégie supplémentaire d’atténuation des risques, comme l’amélioration de la formation, des procédures ou de la supervision, n’était nécessaire pour pallier les dangers (dont plusieurs avaient déjà été mis en évidence lors d’accidents antérieurs). Par conséquent, avant l’événement à l’étude, le risque de collision avec le relief dans des conditions de lumière plate et de voile blanc était largement négligé au sein de GSH.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le processus de gestion des risques de GSH a surestimé l’état de préparation opérationnelle du pilote de l’événement à l’étude et la capacité des moyens de défense en place à atténuer le risque posé par des conditions de lumière plate et de voile blanc. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude a été chargé d'effectuer des opérations en région éloignée, au-delà de la limite forestière, sans que des mesures de protection suffisantes soient prises pour assurer le maintien de marges de sécurité adéquates.

    2.3.4 Supervision des opérations en région éloignée

    Lorsque les entreprises mènent des opérations dans des régions éloignées, il est important qu’elles mettent en œuvre des mesures pour assurer un niveau de supervision adéquat et pour veiller à ce que des ressources soient en place pour appuyer la PDP. GSH utilise un système de contrôle d’exploitation de Type D aux termes duquel les pilotes assurent eux-mêmes la régulation des vols. Les décisions opérationnelles sont déléguées au pilote, tandis que le gestionnaire des opérations demeure responsable de l’exploitation de l’ensemble des vols.

    Chez GSH, des pilotes ayant peu d’heures de vol et ayant reçu une formation de coordonnateur des opérations par hélicoptère (HOC) assurent le suivi des vols. L’une des tâches des HOC consiste à fournir des renseignements météorologiques lorsque le pilote le demande ou lorsqu’ils estiment que le pilote en a besoin pour prendre une décision éclairée. Malgré leur modeste expérience dans le domaine de l’aviation et le fait qu’il leur soit interdit de fournir une analyse des produits météorologiques, les HOC possèdent une bonne connaissance de la planification de vol VFR, comprennent les exigences météorologiques pour l’aviation et peuvent reconnaître, dans une certaine mesure, les conditions météorologiques réelles ou prévues qui risquent d’entraîner une réduction des marges de sécurité. Par conséquent, les HOC agissent comme une couche de sécurité supplémentaire et peuvent fournir des renseignements utiles pour appuyer la PDP, en particulier lorsqu’un pilote effectue des vols en région éloignée et dispose de capacités limitées en matière de planification de vol. En plus de fournir un soutien direct aux pilotes, les HOC peuvent également constituer un lien essentiel entre la direction et les pilotes de ligne, en veillant à ce que la direction soit informée de l’état d’avancement des tâches et, au besoin, en sollicitant son aide face à des dangers opérationnels ou des défis qui pourraient nécessiter une intervention de sa part.

    La direction de GSH s’attendait à ce que les pilotes déployés en région éloignée prennent eux-mêmes les décisions opérationnelles, à moins qu’ils ne jugent nécessaire de demander un soutien supplémentaire à GSH. Le pilote de l’événement à l’étude a tenté de communiquer avec l’équipe de direction de GSH, au début du déploiement, au moyen de la messagerie par satellite. Le 16 avril 2021, le pilote en question a utilisé la messagerie par satellite pour présenter le calendrier prévu du projet. Le 19 avril 2021, le pilote a envoyé des messages par satellite à l’équipe de direction de GSH indiquant que le temps était « mauvais », que « tout est blanc » et que ces conditions allaient probablement se poursuivre pendant la majeure partie de la semaine. Les messages du pilote de l’événement à l’étude à l’équipe de direction de GSH sont restés sans réponse, ce qui a peut-être renforcé l’idée que, conformément à la pratique acceptée, le pilote était essentiellement seul pour gérer les dangers qui existaient. À la suite du message envoyé à la direction de GSH le 19 avril 2021, les communications entre le pilote et GSH consistaient en de brèves interactions avec le HOC et visaient principalement à effectuer des contacts de vérification quotidiens au début et à la fin de chaque journée de vol. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude a travaillé en grande partie sans supervision pendant le déploiement en région éloignée, et l’entreprise n’a pas détecté ses pratiques sous-optimales en matière de planification de vol.

    Bien qu’involontaire, l’approche de GSH en matière de contrôle opérationnel du déploiement en région éloignée du pilote de l’événement à l’étude a entraîné une dégradation des marges de sécurité. Pendant toute la durée du déploiement, le pilote de l’événement à l’étude n’a pas communiqué une seule fois avec les météorologues de NAV CANADA. De plus, après 3 jours au camp 1, le pilote a commencé à se fier au personnel du PPCP, plutôt qu’aux HOC formés par GSH, pour obtenir des renseignements sur la planification de vol. Bien que la réglementation le permette, cela signifie qu’au lieu de faire appel à des météorologues formés ou des préposés au suivi des vols de l’entreprise pour obtenir des renseignements météorologiques afin d’étayer ses décisions relatives à la planification de vol, le pilote s’appuyait sur les renseignements météorologiques, souvent reçus de seconde main du biologiste en chef, fournis par des membres du personnel qui connaissaient les conditions météorologiques locales, mais qui n’avaient pas reçu de formation officielle en météorologie pour l’aviation et ne connaissaient pas les exigences en matière de planification de vol VFR sur hélicoptère. La décision du pilote de se fier au personnel du PPCP plutôt qu’à NAV CANADA et aux HOC de GSH a probablement été influencée par plusieurs facteurs, notamment les suivants :

    • Les procédures de l’entreprise permettaient aux pilotes qui effectuaient des vols en région éloignée de s’en remettre aux clients, comme le PPCP, pour les tâches de suivi des vols normalement exécutées par les HOC formés par GSH, et cette pratique était devenue courante.
    • Le personnel du PPCP communiquait régulièrement, parfois plusieurs fois par jour, avec le biologiste en chef au sujet des conditions météorologiques réelles et prévues. Le PPCP est ainsi devenu une source très pratique de renseignements météorologiques.
    • Le pilote considérait probablement le personnel du PPCP – qui avait des années d’expérience dans la coordination de projets semblables – comme une source fiable de renseignements météorologiques.
    • Au fil du déploiement en région éloignée, il est probable que la confiance du pilote en la capacité du personnel du PPCP à reconnaître les conditions météorologiques défavorables a eu pour effet de diminuer l’importance qu’il accordait à la nécessité d’obtenir un exposé météorologique plus détaillé qui comprenait les prévisions d’aérodrome (TAF) et les prévisions de zone graphique (GFA) pertinentes.

    Par conséquent, le jour de l’événement à l’étude, le pilote a probablement accordé beaucoup d’importance à l’évaluation du personnel du PPCP selon laquelle les conditions météorologiques étaient propices au vol de retour vers CYRB, ce qui l’a amené à penser qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir des renseignements météorologiques supplémentaires ou un exposé météorologique officiel de la part d’une source comme NAV CANADA. Ainsi, les marges de sécurité ont été réduites par inadvertance.

    Même si le pilote de l’événement à l’étude n’était pas tenu par la réglementation ou par l’entreprise de faire appel à eux pendant le déploiement en région éloignée, les HOC représentent une ressource sous-utilisée qui pourrait contribuer à la supervision des opérations en région éloignée et fournir aux pilotes des renseignements essentiels qui les aideraient dans leur processus de prise de décisions. Le pilote avait un téléphone satellite, qu’il n’a pas utilisé, et un dispositif de messagerie par satellite. Il disposait donc de ressources qui auraient pu lui permettre de planifier le vol de manière plus rigoureuse. Toutefois, étant donné que les pratiques de l’entreprise consistaient à compter principalement sur le client pour le suivi du vol et que le pilote ne faisait pour ainsi dire l’objet d’aucune supervision, GSH n’avait aucun moyen fiable de s’assurer que son pilote faisait preuve d’une diligence raisonnable lors de la planification avant le vol. Par conséquent, les pratiques de planification de vol du pilote ont persisté, sans être détectées par l’entreprise.

    Fait établi quant aux risques

    Si les exploitants s’en remettent officieusement aux clients pour les activités de suivi des vols ou encouragent les pilotes à se fier à eux à cet égard, il y a un risque accru que les pilotes ne bénéficient pas d’une supervision suffisante ni du soutien nécessaire à la prise de décisions, notamment en ce qui concerne la transmission des renseignements météorologiques.

    2.4 Transports Canada

    2.4.1 Moyens de défense réglementaires contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    2.4.1.1 Généralités

    D’après le rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien A15H0001 du BST, la plupart des pertes de vie attribuables aux accidents d’avions et d’hélicoptères sont survenues dans des vols qui avaient commencé dans des VMC, qui s’étaient poursuivis dans des conditions menant à la perte des repères visuels et qui s’étaient soldés soit par un impact sans perte de contrôle, soit par une perte de maîtrise. De plus, selon les données du BST sur les accidents, les hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de subir un accident lié à une perte de repères visuels que les avions. Comme dans l’événement à l’étude, un grand nombre d’accidents d’hélicoptères ont été attribués à une perte de repères visuels causée par des conditions de lumière plate et de voile blanc menant à une perte d’altitude involontaire qui n’a pas été détectée par le pilote. Au cours des dernières années, le BST, d’autres organismes d’enquête et de réglementation, ainsi que des associations du secteur, ont relevé à plusieurs reprises les risques associés à ces types d’accidents et la nécessité de mettre en œuvre des moyens de défense plus robustes.

    En raison de la gravité du problème, certains exploitants d’hélicoptères canadiens ont mis en œuvre de leur propre initiative des mesures de sécurité qui vont au-delà des exigences réglementaires, afin de se prémunir contre ces types d’accidents.

    Il y a une présomption que le Règlement de l’aviation canadien (RAC) assure du moins un niveau minimal de sécurité pour les opérations aériennes au Canada. Il y a également une présomption qu’il devrait y avoir un niveau de sécurité équivalent entre les opérations en hélicoptère et les opérations en avion régies par la même sous-partie du RAC. Autrement dit, la réglementation devrait faire en sorte que les pilotes et les passagers d’hélicoptères exploités en vertu de la sous-partie 703 du RAC bénéficient du même niveau de sécurité que les pilotes et les passagers d’avions exploités en vertu de cette même sous-partie du RAC. Cependant, les différences qui existent entre les exigences réglementaires actuelles ont créé des niveaux de sécurité qui ne sont pas équivalents pour les avions et les hélicoptères, notamment en ce qui concerne les collisions avec le relief résultant d’une perte de repères visuels, ou IIMC. Les 2 sections suivantes mettront en évidence certaines des différences réglementaires qui ont contribué à cette différence de niveaux de sécurité; elles expliqueront également comment les moyens de défense réglementaires en place pour se prémunir contre les accidents liés à un IIMC sont inadéquats et pourraient devoir être mis à jour pour assurer une approche de défense en profondeur robuste face à cette menace sérieuse pour la sécurité aérienne.

    2.4.1.2 Opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé

    Afin de mieux comprendre les moyens de défense réglementaires lors des vols par visibilité réduite, l’enquête s’est penchée sur les spécifications d’exploitation des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. Lors de l’examen des spécifications d’exploitation, des différences importantes ont été constatées entre les exigences relatives aux hélicoptères et aux avions. Plus précisément, les spécifications d’exploitation des avions contenaient plusieurs moyens de défense qui ne sont pas requis pour les hélicoptères, par exemple des limites de visibilité plus élevées, des exigences supplémentaires en matière d’équipement de bord et une obligation de formation initiale et périodique au vol aux instruments de base. Il est évident que les spécifications d’exploitation des avions visent à ce qu’un pilote ait une chance raisonnable de sortir d’un IIMC.

    En revanche, les hélicoptères autorisés en vertu de spécifications d’exploitation pour des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé peuvent être exploités à la moitié de la limite de visibilité de leurs homologues à voilure fixe, ils ne font l’objet d’aucune exigence supplémentaire en matière d’équipement, et il n’est pas nécessaire que les pilotes suivent une formation initiale ou périodique au vol aux instruments de base. On peut donc en déduire que la norme est fondée uniquement sur l’évitement des IIMC et que les spécifications d’exploitation ne prévoient aucun moyen de défense pour donner aux pilotes une chance raisonnable de sortir d’un IIMC. Au cours de l’enquête, le personnel de TC a avancé un certain nombre de raisons pour expliquer les différences dans les exigences, notamment la « nature unique » de l’exploitation d’un hélicoptère par rapport à celle d’un avion, les besoins en carburant pour les vols selon les règles de vol aux instruments et l’expérience des pilotes. Au cours d’un de ces échanges, un représentant de TC a indiqué que, dans le cas des opérations par hélicoptère, « mieux vaut prévenir que guérir ». Toutefois, cette approche semble négliger les considérations suivantes :

    • Les hélicoptères sont généralement exploités à des altitudes plus basses que les avions, donc se trouvent plus près du relief. Comme l’ont montré les travaux de l’USHST, les pilotes d’hélicoptère disposent habituellement de ⅓ du temps pour reconnaître un IIMC, y réagir et en sortir, par rapport au temps dont disposent les pilotes d’aéronefs à voilure fixe.
    • Les hélicoptères sont par nature instables et deviennent de moins en moins stables au fur et à mesure que la vitesse diminue, alors que la plupart des avions sont stables par nature. Par conséquent, lorsque la vitesse diminue, les repères visuels jouent un rôle encore plus important dans le contrôle de l’assiette lorsque le pilotage d’un hélicoptère se fait uniquement au moyen de repères extérieurs.
    • Les hélicoptères sont généralement exploités à des vitesses inférieures dans des conditions de visibilité réduite. Comme dans le cas de GSH, certains exploitants approuvent les réductions de vitesse anémométrique en deçà de la vitesse ascensionnelle maximale, tel que nécessaire pour maintenir les repères visuels. Cela fait en sorte que l’hélicoptère vole sur l’arrière de la courbe de puissance, où une augmentation de la puissance est nécessaire pour maintenir le vol en palier. Dans ce régime de vol, un virage en vent arrière par visibilité réduite obligera les pilotes à rapidement vérifier les instruments de vol et à augmenter la puissance afin de maintenir le vol en palier.
    • Selon une étude, lorsque la visibilité descend en dessous de 1 mille terrestre, les pilotes qui volent en se fiant uniquement à des repères visuels externes commettent davantage d’erreurs de pilotage et voient leur charge de travail s’alourdir. Le risque de saturation des tâches augmente alors que le pilote tente de localiser les repères externes peu nombreux et de les garder en vue, tout en conservant la maîtrise de l’aéronef.
    • Un IIMC est une situation d’urgence non planifiée qui nécessite une intervention rapide de la part du pilote.

    Par conséquent, les exigences réglementaires actuelles pour les hélicoptères autorisés à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé permettent aux pilotes d’hélicoptère, par rapport aux pilotes d’avion, de voler dans des conditions de risque beaucoup plus important de collision attribuable à une perte de repères visuels sans mesures de protection telles que des exigences en matière de formation et d’équipement de bord. Cette situation crée des niveaux de sécurité qui ne sont pas équivalents pour les hélicoptères et les avions, et contribue probablement aux taux plus élevés de pertes de vie attribuables aux accidents d’hélicoptères résultant d’une perte de repères visuels. Il est probable que les exigences réglementaires actuelles ont renforcé l’idée chez certains membres de l’industrie canadienne des hélicoptères commerciaux, qu’il est peu utile de fournir aux pilotes d’hélicoptère les instruments de vol et la formation au vol aux instruments nécessaires à l’exécution d’une procédure de sortie d’un IIMC. Étant donné que la réglementation vise à assurer un niveau minimal de sécurité, il incombe aux exploitants de décider s’ils vont ou non mettre en œuvre des initiatives de sécurité allant au-delà des exigences réglementaires. Dans un secteur très concurrentiel, le coût de la mise en œuvre d’une formation ou d’un équipement qui dépasse les exigences réglementaires dissuade certaines entreprises de le faire.

    Fait établi quant aux risques

    Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant des spécifications d’exploitation pertinentes à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre et avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un plus grand risque de collision par suite d’une perte de repères visuels.

    2.4.1.3 Approche de Transports Canada concernant les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Au moment de la rédaction du présent rapport, l’approche réglementaire de TC reposait sur l’approche « éviter à tout prix » pour prévenir les accidents d’hélicoptères liés à un IIMC. Contrairement aux Federal Aviation Regulations des États-Unis, le RAC ne contient que des moyens de défense réglementaires minimaux pour aider un pilote à détecter une descente inopinée dans des conditions de visibilité réduite, comme une lumière plate ou un voile blanc, et ne prévoit aucun moyen de défense réglementaire pour protéger un pilote et les passagers d’un hélicoptère qui se retrouve par inadvertance dans des IMC lors d’un vol VFR de jour. Par exemple, au Canada, les exploitants d’hélicoptères à un seul pilote ne sont pas tenus d’élaborer des procédures de sortie d’IIMC, et les exploitants d’hélicoptères ne sont pas tenus d’offrir aux pilotes une formation de sortie d’IIMC, comme c’est le cas pour les exploitants d’aéronefs à voilure fixe. De plus, aucune disposition n’exige que les hélicoptères soient équipés de technologies – dont certaines sont requises pour les aéronefs commerciaux à voilure fixe – qui pourraient améliorer la conscience de la situation des pilotes dans les zones où les repères visuels sont peu nombreux, comme au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver ou lors d’une sortie d’IIMC. Par conséquent, le RAC, qui est censé assurer un niveau minimal de sécurité, ne donne pas de garantie suffisante que les pilotes et les passagers d’hélicoptères dans des zones sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc ou à d’autres réductions des repères visuels sont protégés convenablement contre une collision avec le relief résultant d’un IIMC.

    Comme l’ont indiqué la HAI et d’autres organisations, le fait de s’appuyer uniquement sur l’évitement comme stratégie face aux IIMC représente une approche trop simpliste. Par définition, les accidents liés à un IIMC sont des événements non intentionnels. Il est donc irréaliste de penser qu’une approche consistant à « éviter à tout prix » permette de réduire de manière considérable, ou d’éliminer, le risque d’accidents liés à un IIMC, en particulier dans des régions comme l’Arctique où les conditions de lumière plate et de voile blanc surviennent fréquemment et souvent très rapidement. Tout comme le fait de dire aux travailleurs d’être prudents ne garantira pas un travail sans erreur, dire aux pilotes d’éviter quelque chose qui est par définition involontaire, aura des résultats semblables. Comme le montre le présent événement, les accidents liés à un IIMC continuent de présenter un risque majeur, en particulier pour les vols VFR par hélicoptère à un seul pilote dans des régions comme l’Arctique. Pour réduire le risque d’accidents liés à un IIMC, il faut intégrer la résilience dans tous les aspects du système. Cela signifie que des mesures doivent être prises non seulement pour éviter les IIMC, mais aussi pour les gérer efficacement s’ils se présentent. À cette fin, l’organisme de réglementation, les exploitants et les pilotes doivent unir leurs efforts.

    Pour élaborer un ensemble robuste de moyens de défense contre les IIMC, il est nécessaire d’adopter une approche de défense en profondeur qui comprend des stratégies pour éviter les IIMC, des stratégies pour reconnaître un IIMC imminent et des stratégies pour sortir d’un IIMC. Lors de l’élaboration de ces stratégies, il est utile de prendre en compte les moyens de défense tels que la supervision, la formation, les procédures et l’équipement. Ainsi, un exploitant peut se référer à ces types de moyens de défense lorsqu’il tente de réduire les risques au niveau le plus bas raisonnablement possible. Par exemple, le personnel de direction peut poser les questions suivantes :

    • Le niveau de supervision est-il suffisant pour s’assurer que les décisions sont prises conformément aux politiques de l’entreprise et à l’échelon adéquat au sein de l’organisation?
    • Les pilotes ont-ils reçu suffisamment de formation réaliste sur le plan opérationnel pour les préparer aux risques auxquels ils seront probablement confrontés?
    • Des procédures opérationnelles claires ont-elles été mises en place pour soutenir la PDP pendant la tâche qui a été assignée?
    • Existe-t-il un type d’équipement ou de technologie qui pourrait encore davantage réduire le risque?

    Afin d’établir une approche de défense en profondeur face aux accidents liés aux IIMC, TC devrait tenir compte des éléments suivants :

    • le fait que les niveaux de sécurité prévus dans la réglementation pour les hélicoptères et les avions canadiens ne sont pas actuellement équivalents en ce qui concerne les opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé;
    • les recommandations du NTSB visant à faire face au risque lié à la lumière plate et au voile blanc;
    • les modifications apportées aux Federal Aviation Regulations, issues des recommandations du NTSB, concernant l’exploitation d’hélicoptères commerciaux dans les zones où il y a présence de lumière plate et de voile blanc;
    • les pratiques recommandées mises de l’avant par des organisations telles que l’USHST, la HAI et la HAC;
    • l’approche de défense en profondeur de TC pour les opérations menées à l’aide de systèmes d’imagerie de vision nocturne, qui comprend des exigences relatives aux procédures, à la formation et à l’équipement de bord (p. ex., les altimètres radar).

    Certains exploitants d’hélicoptères canadiens ont de leur propre chef adopté des mesures de sécurité qui vont au-delà des exigences réglementaires, afin d’améliorer la résilience et d’accroître les chances de réussir une sortie d’IIMC. Par exemple, certains exploitants ont mis en place une formation à l’IIMC, des procédures de sortie d’un IIMC et des technologies, telles que le système de vision améliorée, afin d’améliorer la conscience de la situation des pilotes dans des zones, comme au nord de la limite forestière en hiver, où il y a un risque accru de collision avec le relief en raison de conditions de lumière plate et de voile blanc. Cependant, tant que le règlement n’aura pas été mis à jour pour inclure des moyens de défense précis face aux IIMC, conformément à l’approche de TC concernant les opérations menées à l’aide de systèmes d’imagerie de vision nocturne, il est probable que certains exploitants, en particulier ceux qui ont l’habitude de travailler sans de tels moyens de défense, les percevront comme étant inutiles et choisiront de ne pas les mettre en place. Par conséquent, afin de réduire le nombre d’accidents d’hélicoptères liés à un IIMC, d’autres moyens de défense réglementaires pourraient être mis en œuvre pour assurer un niveau minimal de sécurité pour les vols VFR en hélicoptère à un seul pilote et pour que les pilotes VFR disposent de la formation, des procédures et de l’équipement nécessaires pour avoir une probabilité élevée de sortir d’un IIMC.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La réglementation actuelle relative aux vols VFR de jour en hélicoptère est principalement axée sur des moyens de défense conçus pour éviter les IIMC. Par conséquent, rien n’exigeait que le pilote de l’événement à l’étude ait reçu une formation lui permettant de sortir d’un IIMC, ni que l’hélicoptère soit équipé d’une technologie qui aiderait le pilote à sortir d’une telle situation.

    2.4.2 Procédures d’exploitation normalisées

    Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) sont exigées pour les aéronefs à équipage multiple; toutefois, en vertu de la réglementation actuelle, les opérations à un seul pilote effectuées en vertu des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC sont autorisées sans SOP. Ces exigences réglementaires contribuent probablement à donner l’impression que les SOP sont plus importantes dans le cadre des opérations en équipage multiple que des opérations à un seul pilote, où une seule personne est responsable de tout. Par conséquent, les SOP sont moins courantes et généralement moins structurées dans le cas des opérations à un seul pilote que dans le cas des opérations en équipage multiple. Toutefois, plusieurs des avantages offerts par les SOP dans le cadre d’opérations en équipage multiple sont également valables dans le cas des opérations à un seul pilote. Par exemple, les SOP pour les opérations à un seul pilote peuvent définir les mesures qu’un pilote doit prendre dans des conditions précises; elles peuvent améliorer la communication en établissant des protocoles à suivre lors des déploiements en région éloignée; et, en prévoyant des procédures à respecter, elles peuvent aider à la gestion de la charge de travail. De plus, des SOP bien définies qui comprennent des stratégies opérationnelles pratiques, fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur, peuvent fournir un soutien précieux à la PDP dans les opérations à un seul pilote, en particulier lorsque le pilote manque d’expérience dans cet environnement d’exploitation. Au début des années 2000, TC a lancé le processus de modification réglementaire afin d’étendre les exigences relatives aux SOP aux opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 et de la partie VII. Plus de 20 ans plus tard, les avis de proposition de modification se trouvent toujours à différentes étapes d’examen.

    Dans le cas de GSH, l’entreprise n’avait aucun manuel consacré aux SOP, mais elle avait élaboré de sa propre initiative un nombre limité de SOP relatives à certaines tâches. L’une de ces SOP s’intitulait North of Tree Line Operations (« opérations au nord de la limite forestière »). Dans le cadre de l’enquête, il n’a pas été possible d’examiner la version de la SOP qui était en vigueur au moment de l’événement. La version de mars 2022 de la SOP comprenait des directives générales soulignant l’importance de la planification et des exposés météorologiques. Elle contenait des directives opérationnelles précises concernant le maintien de 3 repères en tout temps. Toutefois, la majorité des autres directives étaient subjectives, invitaient les pilotes à se fier à leur jugement et ne reflétaient pas entièrement les pratiques employées par les membres chevronnés de l’équipe de GSH. Par exemple, plusieurs pilotes chevronnés de GSH ont exprimé leurs réserves quant au survol d’une île stérile recouverte de neige, indiquant qu’il serait préférable de la contourner. Toutefois, ce conseil n’avait pas été intégré à la SOP. Par conséquent, les pilotes ayant peu d’expérience dans cet environnement d’exploitation, comme le pilote de l’événement à l’étude, n’avaient pas accès à ce genre de conseils. En outre, la SOP indiquait que les pilotes devaient utiliser le répartiteur de GSH [traduction] « à bon escient » et établir des [traduction] « minimums personnels » pour les conditions météorologiques et les altitudes de croisière. Ces 2 stratégies manquent de précision, notamment en ce qui concerne l’intervalle auquel il faut communiquer avec le répartiteur ou les altitudes minimales en route pour le transit. Par conséquent, l’interprétation des SOP varie considérablement d’un pilote à l’autre, ce qui pourrait amener les pilotes à accepter des niveaux de risque plus élevés que nécessaire. La SOP de GSH de mars 2022 comprenait également des directives sur la contre-vérification des instruments de vol; toutefois, GSH ne dispensait aucune formation au vol aux instruments à ses pilotes et accordait peu d’importance à ce que les pilotes exploitent des aéronefs équipés pour le vol aux instruments. Par conséquent, il était peu probable que les pilotes de GSH suivent des directives faisant appel à un ensemble de compétences pour lesquelles ils n’avaient reçu aucune formation, lors d’une situation susceptible de mettre leur vie en danger.

    Au moment de la rédaction du présent rapport, les exploitants comme GSH et d’autres exploitants d’aéronefs à un seul pilote qui n’étaient pas assujettis à la sous-partie 705 du RAC n’étaient pas tenus par la réglementation d’avoir des SOP. Tout comme les niveaux de sécurité pour les opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé ne sont pas les mêmes pour les hélicoptères et les avions, les exigences réglementaires relatives aux SOP diffèrent selon qu’il s’agit d’opérations à un seul pilote ou en équipage multiple. Bien qu’il existe quelques différences, notamment en ce qui concerne la coordination de l’équipage, les SOP offrent en grande partie les mêmes avantages aux opérations à un seul pilote qu’aux opérations en équipage multiple. Un ensemble solide de SOP permet aux exploitants d’intégrer les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur pour appuyer la PDP et réduire la variabilité entre les pilotes. Toutefois, en l’absence d’exigences formelles en matière de SOP et de directives réglementaires concernant l’élaboration de SOP conformes aux pratiques exemplaires du secteur, il est probable que les opérations à un seul pilote se poursuivront sans profiter des avantages potentiels pour la sécurité qu’offrent des SOP bien élaborées pour soutenir la PDP.

    Fait établi quant aux risques

    Si des SOP ne sont pas exigées pour les opérations à un seul pilote des exploitants régis par les sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC, il se peut que ces pilotes ne bénéficient pas d’un soutien essentiel à la prise de décisions, ce qui accroît le risque qu’ils effectuent des vols comportant des niveaux de risque inutilement élevés.

    2.4.3 Gestion de la sécurité pour les exploitants d’aviation commerciale

    Il y a une présomption que les exploitants d’aviation commerciale, quelle que soit la sous-partie de la partie VII du RAC en vertu de laquelle ils exercent leurs activités, seront en mesure de gérer efficacement la sécurité. Un SGS est un des outils qui permettraient d’y parvenir. Les SGS visent à aider les exploitants à gérer la sécurité par la détermination proactive des dangers et la mise en œuvre de stratégies d’atténuation des risques afin de maintenir des marges de sécurité acceptables. Au moment de la rédaction du présent rapport, les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC étaient les seuls exploitants d’aviation commerciale tenus de mettre en œuvre un SGS; il n’existait aucune exigence semblable pour les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 ou 704 du RAC. Par conséquent, plus de 90 % des membres du secteur de l’aviation commerciale ne sont pas tenus d’avoir un SGS approuvé par TC. De nombreux exploitants, tels que GSH, ont de leur propre chef élaboré et mis en œuvre des systèmes semblables à un SGS approuvé par TC. Toutefois, étant donné que ces exploitants ne sont pas tenus de mettre en œuvre un SGS, TC n’évalue pas l’efficacité des systèmes qu’ils utilisent pour gérer la sécurité. Par conséquent, TC n’a pas d’assurance que les exploitants d’aviation commerciale autres que ceux visés par la sous-partie 705 du RAC disposent des systèmes nécessaires pour gérer efficacement la sécurité.

    Au cours de la présente enquête, plusieurs indicateurs ont été relevés selon lesquels le programme de sécurité de GSH n’avait pas été élaboré au point d’assurer le maintien de marges de sécurité lors d’opérations telles que le déploiement en région éloignée du pilote de l’événement à l’étude. Parmi ces indicateurs, qui pourraient être considérés comme des conditions préexistantes, figurent les suivants :

    • Le service de sécurité de l’entreprise, composé d’une seule personne n’ayant aucune expérience dans le domaine de l’aviation, n’avait qu’une compréhension limitée des dangers opérationnels auxquels étaient confrontés les pilotes de l’entreprise.
    • GSH ne disposait d’aucun processus de surveillance des tendances en matière de sécurité permettant de détecter les dangers et les risques récurrents dans le cadre des opérations.
    • Le responsable de la sécurité de l’entreprise n’avait pas participé à l’intervention d’urgence à la suite de l’événement, bien qu’il fut chargé du manuel d’intervention d’urgence.
    • GSH s’était appuyé sur un processus informel de sélection des pilotes ayant surestimé l’expérience du pilote, ce qui avait réduit le besoin perçu de stratégies d’atténuation des risques.
    • L’entreprise avait élaboré des modèles d’ORP, mais il n’existait aucune trace d’une évaluation des risques dûment réalisée.
    • Les ORP contenaient surtout des renseignements génériques décrivant les conditions de lumière plate et de voile blanc, provenant de la FAA et de NAV CANADA, plutôt que des renseignements liés aux défis particuliers auxquels sont confrontés les pilotes de GSH (p. ex., le survol d’une île stérile et enneigée).
    • L’ORP concernant le déploiement en région éloignée (ORP pour les opérations hivernales) ne comptait pas l’expérience des pilotes parmi les dangers opérationnels. Par conséquent, ce facteur ne faisait pas partie du processus officiel d’évaluation des risques de GSH, donc aucune stratégie d’atténuation du risque n’avait été mise en œuvre, comme des vérifications météorologiques obligatoires auprès des préposés au suivi des vols ou la transmission de comptes rendus de la progression à l’équipe de direction de GSH.
    • Les « traitements des risques » relatifs aux conditions de lumière plate et de voile blanc figurant dans l’ORP examiné décrivaient de nouveau le danger ou fournissaient des consignes à l’échelle de l’organisation plutôt que des stratégies pratiques d’atténuation des risques. Par exemple, l’ORP mentionnait [traduction] « un bon jugement ainsi qu’une formation et une planification adéquates » comme stratégies d’atténuation des risques pour les conditions de lumière plate.
    • Dans les ORP examinés, le risque résiduel de chaque danger avait été évalué comme acceptable, même si le « traitement des risques » prévu ne comportait pas de stratégie pratique d’atténuation des risques.
    • L’équipe de direction de GSH n’avait pas mis en œuvre les leçons tirées de l’événement de 2015 touchant l’entreprise d’origine, Great Slave Helicopters.

    Les problèmes susmentionnés sont révélateurs quant au degré de mise au point du système de sécurité de GSH et à sa capacité à gérer la sécurité. Ces observations donnent à penser que l’organisation ne comprenait pas parfaitement, ou n’avait pas entièrement adopté, les principes du SGS et de la gestion des risques, ainsi que le concept de réduction des risques au niveau le plus bas raisonnablement possible.

    Il est important de comprendre que, puisque le système utilisé par GSH pour gérer la sécurité n’avait pas été évalué par TC, l’équipe de direction de GSH croyait qu’elle disposait d’un système de sécurité et d’un programme de gestion des risques solides au moment de l’événement. Ce n’est pas la première fois que le BST voit des entreprises qui ne sont pas tenues par la réglementation d’avoir un SGS approuvé par TC et qui comptent sur des systèmes inadéquats pour gérer la sécurité. D’ailleurs, le rapport d’enquête sur une question de sécurité A15H0001 du BST a révélé que les facteurs ayant contribué aux accidents de taxi aérien survenus entre 2000 et 2014 pouvaient être regroupés dans 2 grandes catégories, dont celle de la gestion inadéquate des dangers opérationnels.

    Il est évident que tous les exploitants ne possèdent pas les connaissances et les compétences nécessaires pour gérer efficacement la sécurité. Afin de remédier à cette lacune de sécurité sous-jacente, le BST a émis les recommandations A16-12 et A16-13, demandant respectivement que les SGS soient obligatoires pour tous les exploitants d’aviation commerciale, et que TC évalue régulièrement la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité. Étant donné que ces enjeux continuent de représenter un risque important pour le public voyageur, le SGS et la surveillance réglementaire ont été inclus dans la Liste de surveillance 2022 du BST, puisqu’il y a encore du travail à faire dans ces domaines pour rendre le secteur de l’aviation commerciale plus sûr.

    Fait établi quant aux risques

    Si TC n’exige pas que tous les exploitants régis par la partie VII du RAC disposent d’un SGS et n’évalue pas l’efficacité de ces systèmes, il y a un risque que les exploitants s’appuient sur des processus inadéquats pour gérer la sécurité.

    2.4.4 Directives relatives à la lumière plate et au voile blanc à l’intention des pilotes et des exploitants

    Depuis quelques années, le risque de collision avec le relief que présentent les conditions de lumière plate et de voile blanc est de plus en plus reconnu. En conséquence de cette reconnaissance croissante, le NTSB a émis plusieurs recommandations visant à réduire les dangers liés à ces phénomènes. En réponse, la FAA a mis en œuvre une nouvelle réglementation et publié des documents d’orientation pour aider les pilotes à mieux comprendre les différences entre les conditions de lumière plate et de voile blanc, ainsi que les risques qu’elles présentent. Cette orientation comprend des descriptions de chaque phénomène, ainsi que des stratégies visant à atténuer leurs risques. Grâce à cette orientation améliorée, il est plus facile pour les pilotes et les exploitants de comprendre que ces termes ne sont pas interchangeables, et il est plus facile pour les exploitants de mettre au point une formation visant à atténuer les risques liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc.

    Pour aider les pilotes qui volent au Canada, TC produit le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) et le Manuel de pilotage des hélicoptères. L’AIM de TC, en particulier, a été élaboré pour fournir aux pilotes une source unique de renseignements relatifs à la planification avant le vol. Par conséquent, de nombreux pilotes et exploitants s’appuient sur l’AIM de TC comme document de référence pour l’élaboration de documents d’orientation et de formation.

    En ce qui concerne les conditions de lumière plate et de voile blanc, l’AIM de TC et le Manuel de pilotage des hélicoptères fournissent une description globale du voile blanc; toutefois, ni l’un ni l’autre ne fait expressément mention de lumière plate. L’AIM de TC décrit, de façon générale, des conditions environnementales qui correspondent la définition de la lumière plate de la FAA; cependant, cette discussion s’inscrit uniquement dans le contexte des conditions de voile blanc. Cela pourrait contribuer à faire croire que les termes sont interchangeables, ce contre quoi l’orientation de la FAA met expressément en garde. Malgré la fréquence, au Canada, des environnements d’exploitation où ces phénomènes sont susceptibles de se produire, l’AIM de TC fournit peu de directives opérationnelles pour aider les pilotes à reconnaître des conditions de lumière plate et de voile blanc et à atténuer les risques qu’elles posent.

    Par exemple, l’AIM de TC n’énumère pas de facteurs environnementaux reconnaissables permettant d’appuyer la PDP lors de la planification avant le vol ou en vol. La seule stratégie d’atténuation des risques proposée consiste plutôt à conseiller au pilote qui se trouve dans des conditions de voile blanc, ou qui pense en rencontrer, d’effectuer un virage vers une zone où le relief présente des traits caractéristiques marqués. Contrairement à l’approche adoptée par la FAA, l’AIM de TC ne prévoit pas de stratégies telles que l’établissement d’altitudes minimales en route, ni ne préconise une contre-vérification régulière de l’altimètre pour aider à prévenir, ou à détecter rapidement, une descente inopinée attribuable à une réduction insidieuse des repères visuels. Par conséquent, le manque de détails dans l’AIM de TC peut contribuer au fait que les pilotes ne comprennent pas bien les différences entre la lumière plate et le voile blanc et qu’ils ont une connaissance incomplète des pratiques exemplaires de l’industrie (c.-à-d. des stratégies opérationnelles) permettant de réduire le risque d’IIMC découlant de conditions de lumière plate ou de voile blanc.

    Étant donné que l’AIM de TC est censé « regrouper l’information de référence pré-vol en un seul document », on peut comprendre que les documents de formation au sol de GSH et les ORP de l’entreprise reflètent l’information limitée contenue dans ce manuel. Les pilotes et les exploitants s’appuient sur l’AIM de TC pour obtenir des renseignements qui les aideront à mener des opérations aériennes en toute sécurité au Canada. Toutefois, les directives disponibles offrent une valeur opérationnelle limitée aux pilotes qui effectuent des vols dans des zones où les conditions de lumière plate et de voile blanc représentent un risque important pour la sécurité aérienne. Pour que les directives de l’AIM soient pertinentes sur le plan opérationnel, elles devraient fournir aux pilotes des renseignements destinés à faciliter la planification avant le vol et décrire les pratiques exemplaires que les pilotes peuvent utiliser pour maintenir des marges de sécurité lorsqu’ils effectuent des vols dans des zones où ces phénomènes sont susceptibles de se produire.

    Fait établi quant aux risques

    L’AIM de TC fournit très peu de directives aux exploitants et aux pilotes en ce qui a trait aux stratégies à adopter pour reconnaître les conditions de lumière plate et de voile blanc et y faire face. Par conséquent, les pilotes peuvent ne pas disposer de certains renseignements essentiels leur permettant soit d’éviter les IIMC, soit d’y faire face, ce qui accroît le risque de collision avec le relief.

    2.5 Radiobalise de repérage d’urgence

    Conformément à la réglementation, l’hélicoptère de l’événement à l’étude était équipé d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT). L’ELT de l’hélicoptère, qui avait été conçue pour répondre aux anciennes normes en matière d’ELT, a été détruite par la force de l’impact et l’incendie qui a suivi avant qu’elle ne puisse envoyer un signal de détresse au système de recherche et de sauvetage par satellite. Bien que l’ELT n’ait joué aucun rôle dans l’issue de cet événement, cette situation fait ressortir un risque persistant lié à l’utilisation continue des anciennes radiobalises.

    À la suite d’un accident d’hélicoptère survenu en 2013, le BST a recommandé l’établissement d’exigences rigoureuses relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour un système d’ELT, afin de réduire la probabilité qu’une ELT devienne inopérante en raison des forces d’impact subies lors d’un événement aéronautique. En réponse à cette recommandation, depuis septembre 2020, TC exige que les nouvelles demandes d’approbation de conception d’ELT satisfassent à la spécification technique canadienne CAN-TSO-126c. Bien que cette modification réduise considérablement le risque associé à la lacune de sécurité soulevée dans cette recommandation, elle ne s’applique pas aux anciennes ELT approuvées en vertu de normes antérieures. Comme l’a indiqué le BST dans le rapport d’enquête sur une question de sécurité A15H0001, les exploitants soucieux de renforcer la sécurité peuvent envisager de recourir à une technologie plus performante. Un exemple serait de remplacer les anciennes ELT par des modèles répondant aux normes plus rigoureuses qui s’appliquent aux nouvelles demandes d’approbation de conception d’ELT (c.-à-d. CAN-TSO-126c). Tant que ces anciennes ELT ne seront pas retirées du service, les pilotes et les passagers d’aéronefs qui en sont équipés courent toujours le risque qu’une ELT devienne inopérante au cours d’une séquence d’écrasement, ce qui pourrait retarder l’intervention vitale de services de recherche et de sauvetage.

    Fait établi quant aux risques

    Si des ELT ne répondant pas aux normes les plus récentes en matière de conception et de résistance à l’écrasement continuent d’être utilisées, les services de recherche et de sauvetage potentiellement vitaux pourraient être retardés dans le cas où une telle ELT serait endommagée ou détruite lors d’un événement, ce qui accroît le risque pour la sécurité des passagers et de l’équipage.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Le processus de gestion des risques de Great Slave Helicopters a surestimé l’état de préparation opérationnelle du pilote de l’événement à l’étude et la capacité des moyens de défense en place à atténuer le risque posé par des conditions de lumière plate et de voile blanc. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude a été chargé d’effectuer des opérations en région éloignée, au-delà de la limite forestière, sans que des mesures de protection suffisantes soient prises pour assurer le maintien de marges de sécurité adéquates.
    2. La réglementation actuelle relative aux vols selon les règles de vol à vue de jour en hélicoptère est principalement axée sur des moyens de défense conçus pour éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC). Par conséquent, rien n’exigeait que le pilote de l’événement à l’étude ait reçu une formation lui permettant de sortir d’un IIMC, ni que l’hélicoptère soit équipé d’une technologie qui aiderait le pilote à sortir d’une telle situation.
    3. Great Slave Helicopters avait adopté une approche conforme à la réglementation en vigueur, qui mise sur la capacité d’un pilote à éviter un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC). Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude n’avait pas les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.
    4. La décision du pilote de décoller était fondée sur une compréhension incomplète des prévisions météorologiques le long de la route prévue. Par conséquent, il est probable que son modèle mental inexact ait eu pour effet de diminuer l’importance perçue de planifier des mesures d’urgence en cas de conditions météorologiques défavorables.
    5. L’expérience limitée du pilote en matière de vol au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps a probablement eu pour effet de diminuer sa perception du risque, ce qui a influencé sa décision de poursuivre le vol au-dessus d’un relief enneigé sans caractéristiques marquées sous un ciel couvert et par faible visibilité, des conditions propices à la présence de lumière plate et de voile blanc.
    6. Lorsque l’hélicoptère, piloté selon les règles de vol à vue de jour, s’est approché de la plus haute élévation de l’île Griffith, il est probable que le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, le ciel couvert et les bourrasques de neige ont créé des conditions de lumière plate et de voile blanc correspondant à des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    7. Alors que le pilote tentait vraisemblablement de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réaction à un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, une descente non intentionnelle a fait en sorte que l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si les exploitants s’en remettent officieusement aux clients pour les activités de suivi des vols ou encouragent les pilotes à se fier à eux à cet égard, il y a un risque accru que les pilotes ne bénéficient pas d’une supervision suffisante ni du soutien nécessaire à la prise de décisions, notamment en ce qui concerne la transmission des renseignements météorologiques.
    2. Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant des spécifications d’exploitation pertinentes à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre et avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un plus grand risque de collision par suite d’une perte de repères visuels.
    3. Si des procédures d’exploitation normalisées ne sont pas exigées pour les opérations à un seul pilote des exploitants régis par les sous-parties 604, 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien, il se peut que ces pilotes ne bénéficient pas d’un soutien essentiel à la prise de décisions, ce qui accroît le risque qu’ils effectuent des vols comportant des niveaux de risque inutilement élevés.
    4. Si Transports Canada n’exige pas que tous les exploitants régis par la partie VII du Règlement de l’aviation canadien disposent d’un système de gestion de la sécurité et n’évalue pas l’efficacité de ces systèmes, il y a un risque que les exploitants s’appuient sur des processus inadéquats pour gérer la sécurité.
    5. Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada fournit très peu de directives aux exploitants et aux pilotes en ce qui a trait aux stratégies à adopter pour reconnaître les conditions de lumière plate et de voile blanc et y faire face. Par conséquent, les pilotes peuvent ne pas disposer de certains renseignements essentiels leur permettant soit d’éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, soit d’y faire face, ce qui accroît le risque de collision avec le relief.
    6. Si des radiobalises de repérage d’urgence (ELT) ne répondant pas aux normes les plus récentes en matière de conception et de résistance à l’écrasement continuent d’être utilisées, les services de recherche et de sauvetage potentiellement vitaux pourraient être retardés dans le cas où une telle ELT serait endommagée ou détruite lors d’un événement, ce qui accroît le risque pour la sécurité des passagers et de l’équipage.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Great Slave Helicopters 2018 Ltd.

    À la suite de l’accident, Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (GSH) a pris les mesures de sécurité suivantes. L’entreprise a :

    • tenu une pause-sécurité à l’échelle de l’entreprise pour s’assurer que tout le personnel était apte à poursuivre ses activités en toute sécurité;
    • mené une discussion avec les pilotes au sujet du pilotage « dans le blanc »;
    • utilisé les commentaires exprimés lors de la discussion et modifié la procédure d’utilisation normalisée North of the Tree Line Operations (opérations au nord de la limite forestière);
    • entrepris une vérification de la continuité des activités;
    • amélioré la formation de coordonnateur des opérations par hélicoptère et révisé le manuel de référence des coordonnateurs des opérations par hélicoptère en ce qui concerne les procédures relatives aux aéronefs en retard;
    • effectué une d’accident d’aéronef pour mettre à l’essai les nouvelles procédures à suivre mises en œuvre à la suite de l’événement;
    • renforcé son programme de formation périodique des pilotes, en mettant l’accent sur la prise de décisions du pilote;
    • embauché une tierce partie pour effectuer la vérification du système utilisé par l’entreprise pour gérer la sécurité;
    • apporté plusieurs modifications à son système utilisé pour gérer la sécurité, notamment un nouveau manuel et une formation en personne pour tous les employés, ainsi qu’un examen d’évaluation des compétences;
    • mis en place des réunions trimestrielles de gestion de la sécurité;
    • créé un nouveau comité de santé et sécurité au travail en aviation pour s’assurer que toutes les exigences fédérales en la matière sont respectées et pour renforcer les processus de signalement de l’entreprise;
    • mis davantage l’accent sur la nécessité de fournir des locaux adéquats aux équipages de conduite sur le terrain lors de la séance d’information d’avant-saison avec le Programme du plateau continental polaire;
    • mis sur pied un sous-comité permettant aux pilotes et aux techniciens d’entretien d’aéronef de participer au processus d’examen des rapports issus du système utilisé pour gérer la sécurité.

    4.2 Mesures de sécurité à prendre

    Vers 15 h 48, heure avancée du Centre, le 25 avril 2021, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 (immatriculation C-FYDA, numéro de série 4157), exploité par GSH, a quitté un camp éloigné sur l’île Russell (Nunavut) pour un vol de jour selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut), situé à 87 milles marins au nord-est. À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après avoir passé 12 jours à mener des recherches sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pour les prochains jours.

    Vers 16 h 33, heure avancée du Centre, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief enneigé de l’île Griffith (Nunavut), à environ 12 milles marins au sud-ouest de l’aéroport de Resolute Bay, sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue. L’hélicoptère a été détruit et un incendie après impact a consumé une grande partie du fuselage. Il n’y a eu aucun survivant.

    4.2.1 Sortie d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Malgré la fréquence des accidents d’hélicoptères liés à la perte de repères visuels survenant lors de vols VFR, et bien que certains pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR soient autorisés à voler lorsque la visibilité est aussi faible que ½ mille terrestre, rien n’exige que les exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes de leur entreprise possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC).

    Au cours de la présente enquête, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont les pilotes possèdent une expérience de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) accordent une grande importance au fait d’équiper leurs aéronefs et de former leurs pilotes qualifiés pour le vol VFR pour sortir d’un IIMC lorsqu’ils volent au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver. Cependant, d’autres entreprises qui n’effectuent que des vols VFR, dont GSH, ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC et s’en remettent à cette approche. Une telle approche, autorisée par le Règlement de l’aviation canadien (RAC), repose sur la capacité du pilote à éviter un IIMC et à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs.

    Comme le montre l’événement à l’étude, et bien d’autres événements évoqués dans le présent rapportNote de bas de page 197, il peut s’avérer inefficace de s’appuyer sur une approche fondée sur l’évitement intentionnel de quelque chose qui se produit par inadvertance. Compte tenu du nombre d’accidents attribuables à un IIMC qui se sont produits et du fait que les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avions, il est évident que l’approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC n’est pas efficace lorsqu’elle est utilisée seule. Le recours à cette approche peut exposer les pilotes et les passagers à un risque accru d’accidents liés à un IIMC, car cette approche encourage généralement les pilotes à voler plus bas et plus lentement au fur et à mesure que les conditions météorologiques se dégradent, et ce, jusqu’à ce qu’ils déterminent qu’il n’est plus possible de poursuivre le vol en toute sécurité. Cette approche a généralement pour effet de rapprocher les hélicoptères du sol, dans un profil de vol qui peut rendre plus difficile, voire impossible, le passage aux instruments de vol en cas de perte de repères visuels.

    Lorsque le pilote de l’événement à l’étude a reconnu la nécessité de prendre des mesures d’évitement, il n’avait pas les compétences nécessaires pour faire en toute sécurité la transition vers un vol aux instruments et exécuter une procédure prédéterminée de sortie d’IIMC, comme effectuer une montée droit devant ou un virage à 180° pour revenir à des conditions météorologiques de vol à vue, avant de perdre tous ses repères externes. Il est probable que le pilote de l’événement à l’étude a plutôt compté sur la technique qui lui avait été enseignée, à savoir continuer de piloter en se fiant à des repères extérieurs, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de repères visuels adéquats. Cette technique a fait en sorte que l’hélicoptère de l’événement a percuté le relief par inadvertance alors que le pilote se trouvait probablement dans des IMC en raison de conditions de lumière plate et de voile blanc.

    Après une série d’accidents liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc ayant touché des hélicoptères commerciaux en vol VFR aux États-Unis (É.-U.), le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis plusieurs recommandations de sécurité en 2002 visant à réduire ce type d’événements. À la suite de ces recommandations, la Federal Aviation Administration des É.-U. a apporté des modifications aux Federal Aviation Regulations. L’une des modifications les plus importantes a été l’obligation pour les pilotes professionnels d’hélicoptères de démontrer, au départ puis périodiquement, qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMCNote de bas de page 198. La Helicopter Association International a également reconnu la nécessité d’agir et a élaboré une approche globale à l’égard des IIMC qui comprend une formation sur la façon d’éviter les situations de type IIMC et d’en sortir. Cette approche est approuvée par la United States Helicopter Safety Team et la Helicopter Association of Canada.

    Au Canada, le test en vol pour obtenir la licence de pilote privé d’hélicoptère, puis la licence de pilote professionnel d’hélicoptère, exige que les pilotes démontrent plusieurs compétences telles que le vol stationnaire, les virages à grande inclinaison et les autorotations. De plus, un pilote doit démontrer son aptitude à maintenir le contrôle en n’ayant pour référence que les instruments de vol pendant la simulation d’un IIMCNote de bas de page 199. Cela montre que les pilotes d’hélicoptère ayant une expérience limitée du vol aux instruments peuvent être formés à exécuter une procédure de sortie d’IIMC en utilisant uniquement les instruments de vol.

    Une fois que les pilotes obtiennent leur licence de pilote professionnel, ils doivent démontrer qu’ils satisfont à plusieurs de ces exigences du test en vol (p. ex., les autorotations) lors des vérifications annuelles de compétence pilote. Cependant, malgré le nombre d’accidents d’hélicoptères attribuables à un IIMC et les pertes de vie qui y sont associées, les pilotes professionnels d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR ne sont pas tenus de démontrer, lors des vérifications de compétence pilote, qu’ils conservent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Étant donné qu’il n’y a aucune obligation de maintenir cet ensemble de compétences, les exploitants d’hélicoptères commerciaux effectuant des vols VFR ne sont pas tenus de dispenser à leurs pilotes une formation de sortie d’IIMC. Sans entraînement périodique, que ce soit à bord de l’aéronef ou par d’autres moyens, les compétences s’éroderont. Plus il s’est écoulé de temps depuis la dernière évaluation de la capacité des pilotes à sortir d’un IIMC, moins il est probable qu’ils aient la compétence et la confiance nécessaires pour exécuter une telle manœuvre dans des conditions réellesNote de bas de page 200,Note de bas de page 201. Par conséquent, la réglementation en vigueur permet aux pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR de voler dans des conditions environnementales propices à une perte de repères visuels, sans avoir l’assurance qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.

    En 1990, le BST a émis la recommandation A90-81 demandant que TC exige que les pilotes professionnels d’hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Après plusieurs années d’inaction de la part de TC, le Bureau a estimé que la réponse de TC à cette recommandation dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuseNote de bas de page 202 ».

    Étant donné que les exploitants d’hélicoptères commerciaux ne sont pas tenus de s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol VFR sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

    Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-01 du BST

    4.2.2 La technologie comme moyen de défense contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    Une approche solide de prévention des accidents résultant d’une perte de repères visuels doit comprendre de multiples moyens de défense qui aideront à éviter les IIMC et à en sortir. Cela est particulièrement vrai pour les hélicoptères commerciaux en vol VFR, qui volent régulièrement à des altitudes inférieures à celles des avions commerciaux en vol VFR. La recommandation A24-01 indique la nécessité que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Cependant, il est tout aussi important de fournir aux pilotes des renseignements qui les aideront à maximiser leur conscience de la situation et qui aideront à la prise de décisions du pilote (PDP) avant ou après l’entrée dans un IIMC. La technologie peut être utilisée de plusieurs manières pour prévenir les accidents liés à un IIMC.

    Dans l’événement à l’étude, le pilote s’est retrouvé dans des conditions de lumière plate et de voile blanc alors que l’hélicoptère survolait l’île Griffith. L’hélicoptère était équipé d’instruments de vol, mais le pilote a utilisé l’approche « éviter à tout prix » face à ces conditions, ce qui est autorisé par le RAC et faisait partie de sa formation. Ainsi, le pilote était formé à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs dans des situations de visibilité réduite. De plus, l’hélicoptère de l’événement à l’étude n’était pas équipé d’une technologie capable d’alerter le pilote de la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol ou de sa vitesse verticale de descente. Par conséquent, le pilote n’avait aucun moyen d’être averti de la collision imminente avec le relief qui s’est produite peu de temps après qu’il a vraisemblablement tenté d’effectuer un virage à vue de 180° dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.

    Les instruments de vol constituent l’un des exemples les plus élémentaires de technologie susceptible de contribuer à la prévention des accidents liés à un IIMC. Le RAC énonce des exigences précises en matière d’instruments de vol pour les aéronefs exploités en IFRNote de bas de page 203; toutefois, les exigences sont nettement moins strictes pour les aéronefs exploités en VFRNote de bas de page 204. Plus précisément, les aéronefs volant en mode VFR ne sont pas tenus d’être équipés d’instruments de vol qui sont essentiels à la maîtrise de l’aéronef dans des conditions telles que la lumière plate et le voile blanc, qui ont été à maintes reprises associées à des accidents liés à un IIMCNote de bas de page 205, tout comme dans l’événement à l’étude.

    En 1990, le BST a émis la recommandation A90-84 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d’une instrumentation suffisante permettant l’exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments. TC n’appuie pas cette recommandation active. Par conséquent, compte tenu de l’absence de progrès, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation A90-84 dénotait une attention non satisfaisante.

    Au cours de l’enquête sur l’événement à l’étude, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont le personnel de direction possède une expérience de vol IFR considèrent qu’il est indispensable que les hélicoptères en vol VFR au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver soient équipés des instruments de vol nécessaires pour les vols IFR et que les pilotes aient reçu une formation en matière de sortie d’IIMC. Certains de ces exploitants considèrent également qu’il est essentiel d’équiper ces aéronefs d’altimètres radar, et un exploitant a même commencé à utiliser des systèmes de vision synthétique. En revanche, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ne voient pas la nécessité de mettre en œuvre ces moyens de défense. Dans le cas de GSH, les pilotes de l’équipe de direction de l’entreprise, qui étaient uniquement qualifiés pour le vol VFR, n’estimaient pas nécessaire de mettre en place des moyens de défense semblables, même si certains pilotes en avaient fait la demande. Les pilotes de l’équipe de direction de GSH savaient également qu’en 2015, l’entreprise remplacée par GSH avait connu un accident dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, qui avait donné lieu à plusieurs recommandations internes. Toutefois, l’absence d’exigences officielles visant à équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’instruments de vol de base a probablement contribué à donner l’impression à certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR que l’utilisation d’instruments de vol de base et la formation nécessaire pour les utiliser ne permettront pas nécessairement de prévenir les accidents liés à un IIMC. Par conséquent, les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR continuent d’être envoyés dans des régions sujettes à des conditions environnementales telles que la lumière plate et le voile blanc sans disposer d’instruments de vol de base et sans avoir été formés à l’utilisation de ceux-ci en cas de perte de tous les repères visuels. Les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR et les passagers de ces aéronefs sont donc exposés à un risque accru de collision avec le relief lors d’un IIMC.

    Outre les instruments de vol de base, plusieurs avancées technologiques ont été réalisées pour améliorer la conscience de la situation des pilotes et, par conséquent, contribuer à la réduction du nombre d’accidents attribuables à un IIMC. Bon nombre de ces systèmes peuvent alerter les pilotes en cas de modifications involontaires du profil de vol qui augmentent le risque d’accidents liés à un IIMC. Par exemple, il est possible d’utiliser certains systèmes pour établir des « déclencheurs de décision en route », tels qu’une hauteur minimale au-dessus du sol, et alerter le pilote si la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol descend en dessous du seuil prédéfini. Cela peut être particulièrement utile dans des conditions de lumière plate et de voile blanc en raison de leur nature insidieuse, qui peut faire en sorte qu’il soit difficile pour un pilote d’évaluer avec précision la hauteur au-dessus du sol.

    Des technologies plus avancées, comme les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact des hélicoptères, peuvent également signaler une collision imminente avec le relief ou des vitesses verticales de descente excessives à proximité du sol. Ces types d’alertes peuvent aider le pilote à reconnaître, en temps opportun, qu’il doit prendre des mesures d’urgence pour éviter une collision avec le relief. Une autre forme de technologie qui s’est répandue ces dernières années est celle des systèmes de vision synthétique, qui sont capables de fournir aux pilotes une carte virtuelle en 3 dimensions sur un écran dans le poste de pilotage ou dans une application pour tablette telle que ForeFlight. Cette même application peut, sous réserve de quelques modifications mineures de l’aéronef, fournir au pilote un ensemble d’instruments de vol de secours comme un poste de pilotage à écrans électroniques moderne.

    Les formes de technologie susmentionnées contribuent à maximiser la conscience de la situation du pilote en lui fournissant des renseignements qu’il n’aurait peut-être pas s’il se fiait uniquement à des repères visuels extérieurs. Combinées à une formation et à des procédures appropriées, ces technologies peuvent réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC en avertissant le pilote lorsque les marges de sécurité s’amenuisent ou en l’aidant à sortir d’un IIMC.

    En 2002, à la suite d’une série d’accidents d’hélicoptères en vol VFR dans des conditions de lumière plate, le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis une recommandation de sécurité demandant l’installation d’altimètres radar à bord des hélicoptères commerciaux exploités dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 206. Après plusieurs autres accidents survenus dans ces conditions, la Federal Aviation Administration des É.-U. a décidé d’élargir la portée de cette recommandation et a modifié les Federal Aviation Regulations pour exiger que tous les hélicoptères commerciaux soient équipés d’un altimètre radar ou d’un dispositif qui intègre un radioaltimètre. Selon la Federal Aviation Administration [traduction], « les radioaltimètres permettent d’améliorer la conscience de la situation en cas de vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC), d’opérations de nuit et de conditions de lumière plate, de voile blanc et de voile brunNote de bas de page 207 ».

    En 1990, le BST a émis la recommandation A90-83 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d’altimètres radar. TC n’a pas appuyé cette recommandation. En septembre 2012, compte tenu de l’absence de progrès pour corriger la lacune de sécurité visée par la recommandation A90-83, le Bureau a estimé que la réponse de TC dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuse ».

    Le BST a déjà tenté de résoudre les problèmes de sécurité liés aux accidents d’hélicoptères de collision avec le relief, en demandant un renforcement des exigences en matière d’instruments de vol et d’autres systèmes tels que les altimètres radar. À ce jour, TC n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite à ces recommandations, qui ont été émises il y a plus de 30 ans. Le Bureau est d’avis qu’il faut en faire plus pour réduire le nombre d’accidents attribuables à la perte de repères visuels, qui sont plus de 2 fois plus susceptibles de se produire en hélicoptère qu’en avion. Il existe aujourd’hui de nombreuses formes de technologie qui, si elles étaient imposées par la réglementation, pourraient réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC, en particulier dans les régions sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc. Étant donné qu’il n’est pas obligatoire d’équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’une technologie pouvant aider les pilotes à éviter les IIMC et à en sortir, les pilotes et les passagers de ces hélicoptères demeurent exposés à un risque accru de collision avec le relief.

    Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux mettent en œuvre une technologie qui aidera les pilotes à éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et à en sortir.
    Recommandation A24-02 du BST

    4.2.3 Procédures d’exploitation normalisées pour les opérations commerciales à un seul pilote

    Dans l’événement à l’étude, le pilote d’hélicoptère qualifié pour le vol VFR, qui avait une formation et une expérience limitées du pilotage « dans le blanc », a tenté de survoler l’île Griffith dans des conditions de lumière plate et de voile blanc qui ont probablement été créées par le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, un ciel couvert et des bourrasques de neige. Ce faisant, le pilote a conduit par inadvertance l’hélicoptère dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. L’urgence de la situation, combinée au manque d’expérience du pilote dans des conditions semblables, a probablement entraîné une augmentation rapide de la charge de travail mental, alors que le pilote essayait d’analyser une situation inhabituelle et de choisir une ligne de conduite appropriée. Il est probable que les tentatives du pilote de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réponse à la réduction des repères visuels, conformément à sa formation au vol par visibilité réduite, ont entraîné une descente non intentionnelle, et l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    Il existe plusieurs façons d’atténuer les risques lorsqu’un pilote manque d’expérience dans un contexte opérationnel particulier. Idéalement, plusieurs moyens de défense devraient être mis en œuvre pour réduire le risque au niveau le plus bas raisonnablement possible. Par exemple, une formation réaliste sur le plan opérationnel peut aider à préparer un pilote aux situations susceptibles d’être rencontrées lors de tâches opérationnelles. Une autre façon d’atténuer le risque consiste à augmenter le niveau de supervision. Lors d’opérations en région éloignée, cela pourrait comprendre la mise en œuvre de protocoles de communication améliorés, comme des contacts de vérification obligatoires, afin de soutenir la PDP. Une autre stratégie d’atténuation des risques, exigée par la réglementation pour les opérations aériennes en équipage multiple, consiste à élaborer des procédures d’exploitation normalisées (SOP) pour les pilotes de la compagnie. Comme l’enquête sur cet événement l’a noté, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC sont autorisées sans qu’il y ait de SOP.

    Les SOP sont largement reconnues comme outil de renforcement de la sécurité dans les opérations en équipage multipleNote de bas de page 208, et bon nombre de leurs avantages s’appliquent également aux opérations à un seul pilote. Les SOP facilitent la PDP en fournissant aux pilotes des solutions efficaces préétablies, fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur, face à des situations précises susceptibles d’être rencontrées. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation donnée et qu’une ligne de conduite non idéale risque de réduire les marges de sécurité. Dans ces cas, les SOP peuvent contribuer à réduire la charge de travail du pilote, étant donné que le processus décisionnel demande moins d’efforts mentaux puisqu’il a été effectué d’avance pour le pilote. Les exigences réglementaires actuelles contribuent probablement à donner l’impression que les SOP sont plus importantes dans le cadre des opérations en équipage multiple que des opérations à un seul pilote. Par conséquent, les SOP sont moins courantes et généralement moins structurées dans le cas des opérations à un seul pilote que dans le cas des opérations en équipage multiple.

    Le BST a enquêté sur de nombreux événements survenus dans des opérations à un seul pilote et pour lesquels soit il n’y avait pas de SOP parce qu’elles n’étaient pas exigées par la réglementation, soit les SOP étaient inadéquatesNote de bas de page 209. Pour profiter pleinement des avantages des SOP, la réglementation devrait être modifiée afin d’exiger des SOP pour toutes les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 (exploitants privés) et de la partie VII (services commerciaux) du RAC.

    De 2001 à 2003, TC a publié plusieurs avis de proposition de modification (APM) visant à étendre l’exigence relative aux SOP à « tous les vols commerciaux, quel que soit le nombre de membres d’équipage ou la complexité de l’aéronefNote de bas de page 210 ». Plus de 20 ans après leur publication, ces APM se trouvent toujours à différentes étapes d’examen (tableau 14).

    Tableau 14. Avis de proposition de modification émis par Transports Canada de 2001 et 2003 visant à étendre l’exigence en matière de procédures d’exploitation normalisées à tous les vols, et leur état d’avancement
    Numéro de l’APM Titre de l’APM Référence dans le RAC État
    2003-075 Procédures d’utilisation normalisées (SOP) 723.107 (Avions) Révision juridique
    2003-074 Procédures d’utilisation normalisées de l’aéronef 722.84 Révision juridique
    2003-072 Procédures d’utilisation normalisées 702.84(1) Gazette du Canada, Partie I
    2001-135 Procédures d’utilisation normalisées 704.124(1) CCRAC* : Approuvé
    2001-134 Procédures d’utilisation normalisées 703.107(1) Gazette du Canada, Partie I

    *Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne

    Certaines entreprises qui effectuent des opérations à un seul pilote, comme GSH, ont élaboré à titre volontaire des SOP propres à diverses tâches. En l’absence d’exigences officielles et de directives claires pour aider les exploitants de vols effectués par un seul pilote à élaborer des SOP, ces exploitants peuvent ne pas comprendre très bien comment établir des procédures efficaces. Par exemple, GSH disposait d’une SOP propre aux opérations au-delà de la limite forestière; toutefois, cette SOP était constituée principalement de directives générales plutôt que de pratiques de vol sécuritaires telles que l’établissement de déclencheurs de décision en route comme la hauteur minimale au-dessus du sol ou la vitesse minimale. De plus, les SOP ne mentionnaient pas la pratique opérationnelle, employée par les pilotes chevronnés de GSH et prônée par le personnel du Programme du plateau continental polaire, consistant à éviter de survoler une île stérile enneigée. Par conséquent, ces connaissances organisationnelles n’étaient pas à la disposition du pilote de l’événement à l’étude, qui avait une expérience limitée dans ce type d’environnement.

    Chaque année au Canada, des milliers de pilotes et de passagers se déplacent à bord d’aéronefs monopilotes. Dans bien des cas, ces vols sont effectués dans des régions éloignées, avec un soutien externe minimal. Dans ces environnements, des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour soutenir la PDP afin de garantir le maintien de marges de sécurité. Les SOP facilitent le partage des connaissances organisationnelles et des pratiques exemplaires et contribuent à assurer la cohérence entre les pilotes. Étant donné l’absence d’exigences en matière de SOP pour les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 et de la partie VII du RAC, les pilotes et les passagers de ces aéronefs sont exposés à un risque accru d’accident résultant d’une prise de décisions inefficace et de la charge de travail cognitive en réponse à des situations nouvelles ou inattendues.

    Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants qui effectuent des opérations à un seul pilote en vertu de la sous-partie 604 et de la partie VII du Règlement de l’aviation canadien élaborent des procédures d’exploitation normalisées fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur afin de soutenir la prise de décisions du pilote.
    Recommandation A24-03 du BST

    4.2.4 Amélioration des mesures d’atténuation des risques pour les opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé

    Au Canada, un grand nombre d’exploitants d’hélicoptères et d’avions en VFR sont autorisés par TC à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. L’approbation, accordée à titre de spécification d’exploitation, décrit les exigences auxquelles les exploitants doivent satisfaire pour effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. Certaines de ces exigences sont les mêmes pour les hélicoptères et les avions; toutefois, il existe également des différences notables en ce qui a trait à la limite de visibilité, à l’équipement de bord et à la formation des pilotes (tableau 15).

    Tableau 15. Exigences différentes entre les avions et les hélicoptères en matière d’exploitation par visibilité réduite
    Exigence Avion Hélicoptère
    Limite de visibilité réduite en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à moins de 1000 pieds AGL 1 SM ½ SM
    Équipement requis pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Horizon artificiel Gyroscope directionnel ou gyrocompas GPS Aucune
    Formation au vol aux instruments requise pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Une heure de formation initiale en vol et une heure de formation annuelle en vol sur les manœuvres de base de vol aux instruments et sur le vol à vitesse réduite Aucune

    Ces différences signifient que les hélicoptères peuvent être exploités à une visibilité inférieure de moitié à celle des avions, et ce, sans bénéficier des avantages supplémentaires offerts par les moyens de défense nécessaires à l’exploitation d’un avion en cas de perte de repères visuels. Cela contribue probablement à une perception qui a été mise en évidence au cours de la présente enquête, à savoir que certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR croient que les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR n’ont pas besoin d’entraînement au vol aux instruments ni d’instruments de base. Par conséquent, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des accidents liés à un IIMC, qui ne tient pas compte de la possibilité qu’un pilote doive sortir d’un IIMC.

    Cela peut expliquer en partie pourquoi les statistiques du BST montrent les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avionsNote de bas de page 211. La réglementation en vigueur autorise les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR à piloter dans des conditions de visibilité en vol aussi faibles que ½ SM sans entraînement au vol aux instruments et sans instruments de base. Ce régime de vol laisse peu de marge d’erreur et de temps pour réagir en cas de nouvelle réduction de la visibilité.

    Le Bureau estime que des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour les opérations VFR en hélicoptère qui sont autorisées par visibilité réduite, dans lesquelles le risque d’un accident lié à un IIMC est encore plus grand en raison des marges de sécurité réduites qui sont associées aux vols effectués dans des conditions de visibilité réduite et, généralement, à des altitudes plus basses. Pour compenser le risque accru, la spécification d’exploitation des avions comprend des moyens de défense qui visent précisément à aider un pilote à sortir d’un IIMC. Cependant, les pilotes d’hélicoptère autorisés à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé ont le droit de piloter dans des conditions de visibilité moindre que celles autorisées pour les avions et sont pourtant censés se fier uniquement à leur capacité à éviter les IIMC. Cela signifie que les pilotes d’hélicoptère peuvent être pris au dépourvu si leurs tentatives d’éviter les IMC s’avèrent inefficaces.

    Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant de la spécification d’exploitation pertinente à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un risque accru de collision résultant de la perte des repères visuels.

    Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports renforce les exigences imposées aux exploitants d’hélicoptères qui effectuent des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé, afin de s’assurer que les pilotes bénéficient d’un degré de protection acceptable contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-04 du BST

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Profil vertical du lieu de l’événement

    Annexe A – Profil vertical du lieu de l’événement
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    Annexe A – Profil vertical du lieu de l’événement

    Source : BST

    Annexe B – Prévisions de zone graphique valides le jour de l’événement

    Figure B1. Carte Nuages et temps valide à 7 h, heure avancée du Centre
    Image
    Carte Nuages et temps valide à 7 h, heure avancée du Centre

    Source : NAV CANADA, avec annotations du BST

    Figure B2. Carte Nuages et temps valide à 13 h, heure avancée du Centre
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    Figure B2. Carte Nuages et temps valide à 13 h, heure avancée du Centre

    Source : NAV CANADA, avec annotations du BST

    Annexe C – Tâche dans des conditions de lumière plate

    Tâche Risques Gravité Probabilité Risque global Traitement des risques Risque résiduel
    Lumière plate

    Illusion d’optique

    Perte de la profondeur de champ et du contraste de leur vision

    La lumière plate peut complètement estomper les caractéristiques du terrain, ce qui rend les distances et les vitesses de rapprochement impossibles à apprécier exactement.

    Elle peut donner aux pilotes l’illusion de monter ou de descendre alors qu’ils volent en réalité en palier. [Voir la note 1 ci-dessous]

    Importante À l’occasion Atténuable

    Cependant, avec un bon jugement ainsi qu’une formation et une planification adéquates, il est possible de piloter un aéronef en toute sécurité dans des conditions de lumière plate.

    [Voir la note 1 ci-dessous]

    Acceptable
    Voile blanc

    Lorsqu’une personne se retrouve enveloppée dans une lueur blanchâtre uniforme.

    Aucune ombre, aucun horizon ou nuage et perte de l’ensemble de la profondeur de champ et de l’orientation*

    Aucun repère visuel

    [Voir la note 1 ci-dessous]

    Catastrophique Peu probable Atténuable Le voile blanc est un phénomène qui peut se produire à des endroits comme au Labrador, quand un nuage stratiforme d’épaisseur uniforme se trouve au-dessus d’une surface couverte de neige ou de glace, comme un lac gelé. Les rayons de lumière sont diffusés quand ils passent à travers la couche nuageuse de telle sorte qu’ils frappent la surface de tous les angles. Cette lumière se réfléchit ensuite entre la surface et le nuage, ce qui élimine toutes les ombres. Il en résulte une perte de perception de la profondeur, l’horizon devenant impossible à discerner, et les objets sombres semblent flotter sur un voile blanc. De telles conditions sont à l’origine de graves accidents; des avions ont heurté la surface parce que leurs pilotes ne se rendaient pas compte qu’ils descendaient, croyant qu’ils pouvaient voir le sol. [Voir la note 2 ci-dessous] Acceptable

    Note 1 : Tiré du document de la FAA intitulé Flying in Flat Light and White Out Conditions, publié en 2001, et du Manuel d’information aéronautique.
    Note 2 : Tiré du document de NAV CANADA intitulé Le Temps dans les Prairies.
    Source : Modèle de profil de risque opérationnel relatif aux opérations hivernales de Great Slave Helicopters.

    Annexe D – Exemple de représentation de la vision synthétique ForeFlight

    REMARQUE : Il ne s’agit pas d’une représentation du lieu de l’événement.

    Annexe D – Exemple de représentation de la vision synthétique ForeFlight
    Image
    Annexe D – Exemple de représentation de la vision synthétique ForeFlight

    Source : ForeFlight

    Annexe E – Recommandations du BST relatives à la prévention des accidents liés à un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments Note de bas de page 212

    Numéro Recommandation Évaluation actuelle État
    A90-81 [Que] le ministère des Transports exige que les pilotes professionnels d’hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Attention non satisfaisante En veilleuse
    A90-82 [Que] le ministère des Transports révise les normes de sécurité applicables aux vols commerciaux afin d’y ajouter des exigences destinées à réduire les risques et la gravité des accidents VFR en IMC. Attention entièrement satisfaisante Fermé
    A90-83 [Que] le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d’altimètres radar. Attention non satisfaisante En veilleuse
    A90-84 [Que] le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d’une instrumentation suffisante permettant l’exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments. Attention non satisfaisante Actif
    A94-18 [Que] le ministère des Transports, de concert avec le milieu aéronautique, lance une campagne de sécurité spéciale visant à informer le milieu des hélicoptères des risques intrinsèques liés aux procédures d’entrée dans les nuages ou dans le brouillard pendant des vols VFR, notamment en montagne. Attention entièrement satisfaisante Fermé
    A94-19 [Que] le ministère des Transports insiste davantage sur le véritable respect des limitations météorologiques VFR applicables aux hélicoptères commerciaux. Attention entièrement satisfaisante Fermé
    A94-20 [Que] le ministère des Transports, de concert avec le milieu concerné, explore diverses avenues permettant de contrer cette habitude voulant que le fait de « braver le mauvais temps » est une procédure acceptable pendant les vols VFR [selon les règles de vol à vue] d’hélicoptères commerciaux. Attention entièrement satisfaisante Fermé
    A96-12 [Que] le ministère des Transports oblige les pilotes d’avion de transport régional et de taxi aérien à recevoir une formation spécialisée qui leur permettrait d’acquérir les compétences nécessaires pour être en mesure de prendre de bonnes décisions lorsque les conditions de vol se dégradent. Attention entièrement satisfaisante Fermé
    A16-08 [Que] le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d’éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue. Intention satisfaisante Actif
    A16-10 [Que] le ministère des Transports exige l’installation de systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact à bord d’hélicoptères commerciaux qui effectuent des vols la nuit ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. Attention en partie satisfaisante Actif

    Annexe F – Enquêtes du BST sur des cas de perte de conscience spatiale lors de vols sur hélicoptères commerciaux Note de bas de page 213

    Numéro de l’événement Date Renseignements de base sur l’événement Endroit
    A18O0134 2018-09-25 Impact sans perte de contrôle
    Essential Helicopters
    Robinson R44 Raven II (hélicoptère), C-GMCT
    Aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario), 9 NM N
    A15C0130 2015-09-08 Collision avec le relief
    Apex Helicopters Inc.
    Robinson R44, C-GZFX
     Foleyet (Ontario), 17 NM S
    A13H0002 2013-09-09 Collision avec un plan d’eau
    Gouvernement du Canada, ministère des Transports
    MBB BO 105 S CDN-BS-4 (hélicoptère) C-GCFU
    Détroit de M’Clure (Territoires du Nord-Ouest)
    A13C0073 2013-07-01 Collision avec un plan d’eau
    Custom Helicopters Ltd.
    Bell 206B (hélicoptère), C GQQT
    Lac Gull (Manitoba)
    A13H0001 2013-05-31 Impact sans perte de contrôle
    7506406 Canada Inc.
    Sikorsky S-76A (hélicoptère), C-GIMY
    Moosonee (Ontario)
    A12C0084 2012-07-04 Impact sans perte de contrôle
    Sunrise Helicopters Inc.
    Bell 206B (hélicoptère), C-GUIK
    Angusville (Manitoba), 6 NM SW
    A12P0079 2012-06-01 Perte des repères visuels et collision avec le relief
    Bailey Helicopters Ltd.
    Eurocopter AS350-B2 (hélicoptère), C-FBHN
    Terrace (Colombie-Britannique), 14 NM W
    A12W0031 2012-03-30 Perte de maîtrise et collision avec le relief
    Kananaskis Mountain Helicopters Ltd.
    Bell 206B JetRanger (hélicoptère), C-GLQI
    Loder Peak (Alberta), 0,4 NM NW
    A11W0152 2011-10-05 Poursuite du vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et collision avec le relief
    Rotorworks Inc
    . Bell 206B (hélicoptère), C-FHTT
    Aéroport industriel de Drayton Valley (Alberta), 1 NM S
    A11W0070 2011-05-20 Perte de contrôle – Impact avec un plan d’eau
    Campbell Helicopters Ltd.
    Bell 212 (hélicoptère), C–FJUR
    Slave Lake (Alberta), 12 NM W
    A10Q0148 2010-09-01 Perte des références visuelles et collision avec des arbres
    Hélicoptères Canadiens Limitée
    Eurocopter AS350 B-2 (hélicoptère), C-GHVD
    Chibougamau (Québec), 12 NM NW
    A10Q0132 2010-08-17 Perte de repères visuels au sol, perte de la maîtrise de l’appareil et collision avec le relief
    Héli-Excel Inc.
    Eurocopter AS350-BA (hélicoptère), C-GIYR
    Sept-Îles (Québec), 22 NM N
    A10Q0133 2010-08-16 Écrasement en mer
    Universal Helicopters Newfoundland Limited
    Bell 206L (hélicoptère), C-GVYM
    Clyde River (Nunavut), 40 NM NW