Enquête sur la sécurité du transport aérien A21C0038

Le BST a terminé cette enquête. Le rapport a été publié le 15 février 2024.

Table des matières

    Collision avec le relief
    Great Slave Helicopters 2018 Ltd.
    Airbus Helicopters AS350 B2 (hélicoptère), C-FYDA
    Île Griffith (Nunavut)

    L'événement

    Vers 15 h 48, heure avancée du Centre, le 25 avril 2021, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 (immatriculation C-FYDA, numéro de série 4157), exploité par Great Slave Helicopters 2018 Ltd., a quitté un camp éloigné sur l’île Russell (Nunavut) pour un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut), situé à 87 milles marins au nord-est. À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après avoir passé 12 jours à mener des recherches sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pour les prochains jours.

    Vers 16 h 33, heure avancée du Centre, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief enneigé de l’île Griffith (Nunavut), à environ 12 milles marins au sud-ouest de l’aéroport de Resolute Bay, sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue. L’hélicoptère a été détruit, et un incendie après impact a consumé une grande partie du fuselage. La radiobalise de repérage d’urgence a été détruite lors de l’impact et n’a émis aucun signal de détresse. Il n’y a eu aucun survivant.

    Outre les circonstances qui ont vraisemblablement mené à la collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, l’enquête a porté sur les facteurs qui ont probablement influencé le processus décisionnel du pilote, sur les moyens de défense organisationnels en place chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd. et sur l’environnement réglementaire.

    Prise de décisions du pilote

    L’enquête a permis de constater que le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada fournit très peu de directives aux exploitants et aux pilotes en ce qui a trait aux stratégies à adopter pour reconnaître les conditions de lumière plate et de voile blanc et y faire face. Par conséquent, les pilotes peuvent ne pas disposer de certains renseignements essentiels leur permettant soit d’éviter le vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (inadvertent flight into instrument meteorological conditions, IIMC), soit d’y faire face; ce manque de renseignements accroît le risque de collision avec le relief. Dans l’événement à l’étude, l’expérience limitée du pilote en matière de vol au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver et de printemps a probablement eu pour effet de diminuer sa perception du risque, ce qui a influencé sa décision de poursuivre le vol au-dessus d’un relief enneigé sans caractéristiques marquées sous un ciel couvert et par faible visibilité, des conditions propices à la présence de lumière plate et de voile blanc.

    En outre, lorsque les entreprises mènent des opérations dans des régions éloignées, il est important qu’elles mettent en œuvre des mesures pour assurer un niveau de supervision adéquat et qu’elles s’assurent que des ressources sont en place pour appuyer la prise de décisions du pilote. Le jour de l’événement à l’étude, le pilote a probablement accordé beaucoup d’importance à l’évaluation faite par le client selon laquelle les conditions météorologiques étaient propices au vol de retour vers l’aéroport de Resolute Bay, ce qui l’a amené à penser qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir des renseignements météorologiques supplémentaires ou un exposé météorologique officiel de la part d’une source comme NAV CANADA. En conséquence, les marges de sécurité ont été réduites par inadvertance. Si les exploitants s’en remettent officieusement aux clients pour les activités de suivi des vols ou encouragent les pilotes à se fier à eux à cet égard, il y a un risque accru que les pilotes ne bénéficient pas d’une supervision suffisante ni du soutien nécessaire à la prise de décisions, par exemple en ce qui concerne la transmission des renseignements météorologiques.

    Moyens de défense contre les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

    L’enquête a permis de déterminer que lorsque l’hélicoptère, qui était piloté selon les règles de vol à vue (VFR) de jour, s’est approché de la plus haute élévation de l’île Griffith, il est probable que le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, le ciel couvert et les bourrasques de neige ont créé des conditions de lumière plate et de voile blanc correspondant à des conditions météorologiques de vol aux instruments. Ensuite, alors que le pilote tentait vraisemblablement de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réaction à un IIMC, une descente non intentionnelle a fait en sorte que l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

    Formation

    Pour prendre des décisions optimales, les pilotes s’appuient sur leur expérience et leur formation pour acquérir une conscience de la situation en cherchant activement des indices pertinents, en comprenant ces indices et en anticipant la façon dont ces indices pourraient avoir une incidence sur le vol. Toutefois, dans l’événement à l’étude, la décision du pilote de décoller était fondée sur une compréhension incomplète des prévisions météorologiques le long de la route prévue. Par conséquent, il est probable que son modèle mental inexact ait eu pour effet de diminuer la perception de l’importance de la planification de mesures d’urgence en cas de conditions météorologiques défavorables.

    La réglementation en vigueur relative aux vols de jour en hélicoptère selon les règles de vol à vue est principalement axée sur des moyens de défense destinés à éviter les IIMC. Le pilote de l’événement à l’étude n’était donc pas tenu d’avoir reçu une formation lui permettant de sortir d’un IIMC.

    Étant donné que rien n’oblige les exploitants d’hélicoptères commerciaux à s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol selon les règles de vol à vue sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

    Le BST a déjà demandé que les pilotes professionnels d’hélicoptère soient tenus de subir, au cours de leur contrôle annuel de la compétence du pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Cependant, Transports Canada n’a pas encore pris suffisamment de mesures à cet égard. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-01 du BST

    Technologie

    Non seulement la réglementation en vigueur relative aux vols de jour en hélicoptère selon les règles de vol à vue n’exige-t-elle pas que les pilotes aient reçu une formation en matière de sortie d’IIMC, mais elle n’exige pas non plus que les aéronefs utilisés pour ces vols soient équipés d’une technologie pouvant aider à éviter les IIMC et à en sortir. Les instruments de vol constituent l’un des exemples les plus élémentaires de cette technologie. En outre, plusieurs avancées technologiques ont été réalisées qui peuvent améliorer la conscience de la situation des pilotes et, par conséquent, contribuer à la réduction du nombre d’accidents attribuables à un IIMC.

    Le BST a déjà tenté de résoudre les problèmes de sécurité liés aux accidents d’hélicoptères de collision avec le relief, en demandant un renforcement des exigences en matière d’instruments de vol et d’autres systèmes tels que les altimètres radar. À ce jour, Transports Canada n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite à ces recommandations, qui ont été émises il y a plus de 30 ans. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux mettent en œuvre une technologie qui aidera les pilotes à éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et à en sortir.
    Recommandation A24-02 du BST

    Environnement réglementaire

    Procédures d’exploitation normalisées

    L’enquête a permis d’établir que Great Slave Helicopters 2018 Ltd. avait adopté une approche conforme à la réglementation en vigueur, qui mise sur la capacité d’un pilote à éviter un IIMC. Par conséquent, le pilote de l’événement à l’étude n’avait pas les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) sont largement reconnues comme outil de renforcement de la sécurité dans les opérations en équipage multiple, et bon nombre de ces avantages s’appliquent également aux opérations à un seul pilote. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation donnée; une ligne de conduite qui n’est pas idéale pourrait réduire les marges de sécurité. Toutefois, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien sont autorisées sans qu’il y ait de SOP.

    Si des SOP ne sont pas exigées pour les opérations à un seul pilote des exploitants régis par les sous-parties 604, 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien, il se peut que ces pilotes ne bénéficient pas du soutien essentiel à la prise de décisions, ce qui accroît la possibilité qu’ils effectuent des vols comportant des niveaux de risque inutilement élevés. Les pilotes et les passagers de ces aéronefs sont par conséquent exposés à un risque accru d’accident résultant d’une prise de décisions inefficace et de la charge de travail cognitive en réponse à des situations nouvelles ou inattendues. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les exploitants qui effectuent des opérations à un seul pilote en vertu de la sous-partie 604 et de la partie VII du Règlement de l’aviation canadien élaborent des procédures d’exploitation normalisées fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur afin de soutenir la prise de décisions du pilote.
    Recommandation A24-03 du BST

    Exigences relatives aux hélicoptères pour les opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé

    De plus, un grand nombre d’exploitants d’hélicoptères et d’avions en vol selon les règles de vol à vue sont autorisés par Transports Canada à effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé. L’approbation, accordée à titre de spécification d’exploitation, décrit les exigences auxquelles les exploitants doivent satisfaire pour effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé. Certaines de ces exigences sont les mêmes pour les hélicoptères et les avions; toutefois, les exigences relatives aux limites de visibilité, à l’équipement de bord et à la formation des pilotes sont moins rigoureuses pour les hélicoptères que pour les avions. Pourtant, le BST a établi que les accidents d’hélicoptères sont plus de deux fois plus susceptibles d’être liés à une perte de repères visuels que les accidents d’avions.

    Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant de la spécification d’exploitation pertinente à effectuer des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre et avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un risque accru de collision avec le relief en cas de perte de repères visuels. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports renforce les exigences imposées aux exploitants d’hélicoptères qui effectuent des opérations par visibilité réduite dans un espace aérien non contrôlé, afin de s’assurer que les pilotes bénéficient d’un degré de protection acceptable contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
    Recommandation A24-04 du BST

    Gestion de la sécurité

    Bien que la réglementation ne l’exige pas, Great Slave Helicopters 2018 Ltd. a mis en place un système destiné à gérer la sécurité, semblable à un système de gestion de la sécurité. Un système de gestion de la sécurité permet aux entreprises de gérer la sécurité de façon proactive, en cernant rapidement les dangers susceptibles de diminuer les marges de sécurité et en mettant en œuvre des moyens de défense pour réduire ces risques. L’enquête a permis d’établir que le processus de gestion des risques de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. avait surestimé l’état de préparation opérationnelle du pilote de l’événement à l’étude et la capacité des moyens de défense en place à atténuer le risque posé par des conditions de lumière plate et de voile blanc. Par conséquent, le pilote en question a été chargé d’effectuer des opérations en région éloignée, au-delà de la limite forestière, sans que des mesures de protection suffisantes soient prises pour assurer le maintien de marges de sécurité adéquates. Si Transports Canada n’exige pas que tous les exploitants régis par la partie VII du Règlement de l’aviation canadien disposent d’un système de gestion de la sécurité et n’évalue pas l’efficacité de ces systèmes, il y a un risque que les exploitants s’appuient sur des processus inadéquats pour gérer la sécurité.

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de l’accident, Great Slave Helicopters 2018 Ltd. a pris plusieurs mesures de sécurité. Parmi celles-ci figurent notamment une pause-sécurité à l’échelle de l’entreprise pour s’assurer que l’ensemble du personnel était apte à poursuivre ses activités en toute sécurité; des modifications apportées aux SOP à la suite de discussions avec les pilotes au sujet du pilotage « dans le blanc »; une formation améliorée et des documents de référence révisés concernant les procédures relatives aux aéronefs en retard; une formation périodique des pilotes accrue mettant l’accent sur la prise de décisions du pilote; plusieurs modifications apportées à son système utilisé pour gérer la sécurité; la mise en place de réunions trimestrielles de gestion de la sécurité; et la mise sur pied d’un sous-comité où les pilotes et les techniciens d’entretien d’aéronef participent au processus d’examen des rapports issus du système utilisé pour gérer la sécurité.


    Ressources pour les médias

    Communiqué de presse

    2024-02-15

    Le BST améliore la sécurité : réduire les risques qui persistent dans l’exploitation commerciale d’hélicoptères
    Lire le communiqué de presse

    Brochure

    Discours

    Avis aux médias

    2024-02-13

    Le BST émettra quatre recommandations à la suite de l’enquête sur l’accident d’hélicoptère mortel survenu au Nunavut en 2021
    Lire l'avis aux médias

    Document d'information

    Avis de déploiement

    2020-12-02

    Le BST envoie une équipe suite à un accident d’hélicoptère mortel survenu près de Resolute Bay (Nunavut)

    Richmond Hill (Ontario), le 29 avril 2021 — Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) envoie une équipe d’enquêteurs à la suite d’un accident mortel mettant en cause un Airbus Helicopter AS 350 B2, survenu près de Resolute Bay (Nunavut), le 25 avril dernier. Le BST ira recueillir des informations et évaluer l'événement.


    Informations d'enquête

    Carte de la région

    A21C0038

    Collision avec le relief
    Great Slave Helicopters 2018 Ltd.
    Airbus Helicopters AS350 B2 (hélicoptère), C-FYDA
    Île Griffith (Nunavut)

    Enquêteur désigné

    Image
    Photo of Daryl Collins

    Daryl Collins s’est joint au BST en 2009 après une carrière de 20 années au sein des Forces armées canadiennes, ayant travaillé comme pilote d’hélicoptère de recherche et de sauvetage à bord du CH146 Griffon, du CH113 Labrador et du CH149 Cormorant. Dans son dernier poste au service des Forces armées canadiennes, M. Collins était commandant du 103e Escadron de recherche et de sauvetage basé à Gander (Terre-Neuve-et-Labrador).

    Au fil de ses années au service des Forces armées canadiennes, M. Collins a été responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la formation sur la performance humaine à l’échelle des Forces armées canadiennes, pour tous les équipages de vol, le personnel de maintenance et le personnel de contrôle du trafic aérien. Par ailleurs, il a grandement contribué à la sécurité des vols. En outre, il a obtenu une maîtrise en science aéronautique avec une double spécialisation dans les facteurs humains et la sécurité du système.

    Depuis son arrivée au BST, M. Collins a participé activement à de nombreuses enquêtes sur des accidents.

    M. Collins est titulaire d’une licence de pilote de ligne – hélicoptère, et a plus de 3000 heures de vol à son actif.


    Photos


      Voir des images en haute résolution sur la page Flickr du BST.

    Catégorie de l’enquête

    Cette enquête est une enquête de catégorie 2. Ces enquêtes sont complexes et portent sur plusieurs problèmes de sécurité exigeant une analyse approfondie. Les enquêtes de catégorie 2, qui donnent souvent lieu à des recommandations, se concluent généralement en 600 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.

    Processus d'enquête du BST

    Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :

    1. L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
    2. L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
    3. L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.

    Vous trouverez de plus amples détails à la page sur le Déroulement des enquêtes.

    Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.