Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22P0061

Collision avec le relief
Cessna 172P, C-GGSN
Immatriculation privée
Aéroport de Qualicum Beach (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 24 juillet 2022, l’aéronef Cessna 172P sous immatriculation privée (immatriculation C-GGSN, numéro de série 17274207) effectuait un vol récréatif selon les règles de vol à vue depuis l’aéroport international de Victoria (CYYJ) (Colombie-Britannique), vers l’aéroport de Qualicum Beach (CAT4) (Colombie-Britannique). Avant le vol, 18 gallons US de carburant d’aviation 100LL ont été ajoutés à l’aéronef à CYYJ, pour un total de 30 gallons US de carburant à bord.

    Vers 18 h 57Note de bas de page 1, après que le pilote a effectué l’inspection extérieure et exécuté la liste de vérification au point fixe, l’aéronef a quitté CYYJ, avec le pilote seul à bord. L’aéronef a volé à une altitude de croisière entre 2300 pieds et 2500 pieds au‑dessus du sol (AGL) pendant environ 27 minutes. Durant l’approche vers CAT4 depuis le sud-est, le pilote a effectué la descente en réduisant la puissance, d’abord jusqu’à l’altitude de 2000 pieds AGL, puis jusqu’à 1300 pieds AGL. Peu de temps après que l’aéronef s’est mis en palier à 1300 pieds AGL. Le pilote a augmenté la puissance. Le moteurNote de bas de page 2 a commencé à avoir des ratés et sa vitesse a baissé, passant approximativement de 2300 tr/min à 1200 tr/min. Le pilote a augmenté la puissance à nouveau, mais le moteur n’a pas réagi. Le mélange de carburant était réglé à plein riche pour la durée du vol, et le réchauffeur du carburateur n’a pas été utilisé à quelque moment que ce soit.

    Le pilote avait manœuvré pour intégrer l’étape vent arrière pour atterrir sur la piste 29, mais a choisi d’effectuer un atterrissage d’urgence sur la piste 11 et a annoncé son intention sur la fréquence obligatoire de l’aéroport. Le pilote a amorcé un virage à gauche, a réduit la puissance, a braqué les volets à fond et a effectué une manœuvre de glissade dans l‘axe dans une descente abrupte. À 19 h 38 m 28 s, l’aéronef a touché brièvement la surface de la piste 11, au-delà de la voie de circulation C (c’est-à-dire à 1850 pieds de l’extrémité de la piste) et a repris l’air. Le pilote a amorcé une remise des gaz, a augmenté la puissance à pleine puissance, a rentré les volets, et l’aéronef a amorcé une montée. Environ 19 secondes après le premier poser des roues, le pilote a immédiatement amorcé un virage serré à droite avant d’atteindre un relief boisé en pente descendante, et l’aéronef a commencé une descente rapide en piqué prononcé et incliné à droite. Le pilote a lancé un appel de détresse (MAYDAY) sur la fréquence obligatoire de l’aéroport, et l’aéronef a percuté le relief, dans les arbres, sur le bord d’un champ agricole (figure 1).

    Figure 1. Lieu de l’accident, approximativement 1880 pieds à l’est-sud-est de l‘extrémité de la piste 11 (Source : Service d’incendie de Parksville)
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    Lieu de l’accident, approximativement 1880 pieds à l’est-sud-est de l‘extrémité de la piste 11 (Source : Service d’incendie de Parksville)

    La radiobalise de repérage d’urgence de 406 MHz s’est activée, et les services d’urgence locaux sont arrivés sur les lieux peu après. Le pilote a subi des blessures graves et a été transporté à l’hôpital par ambulance aérienne. L’aéronef a été lourdement endommagé.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel - avion, qui lui avait été délivrée le 13 mars 2022, et d’un certificat médical valide de catégorie 1.

    Le pilote avait accumulé un total de 289,7 heures de vol, dont 116,2 heures comme commandant de bord. Il avait volé 11,8 heures au cours des 90 jours précédant le vol de l’événement à l’étude, qui était son premier vol depuis le 27 juin 2022. La dernière fois que le pilote avait piloté un aéronef Cessna 172 était le 24 avril 2022.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef Cessna 172P est un monoplan monomoteur, à aile haute, entièrement métallique équipé d’un moteur à carburateur Lycoming O-320-D2J, d’une hélice métallique à 2 pales à pas fixe, et d’un train d’atterrissage tricycle fixe.

    L’aéronef à l’étude avait accumulé environ 21 463,2 heures de vol au total, et avait été loué par le pilote.

    L’enquête a révélé que le pilote avait déclaré qu'un moteur avait eu des ratés sur la magnéto de droite, 52,9 heures de vol avant l’événement. Cependant, un technicien d’entretien d’aéronefs n’a pas été en mesure de reproduire cette défectuosité lors d’un essai au point fixe au sol, et l’aéronef a été remis en service.

    L’aéronef avait fait l’objet d’une inspection annuelle comprenant notamment le retrait et la réparation des cylindres no 2 et no 3, 8,3 heures avant l’événement.

    L’aéronef était exploité dans les limites de masse et de centrage.

    Renseignements météorologiques

    La station météorologique d’Environnement et Changement climatique Canada à CAT4 enregistre les renseignements météorologiques toutes les heures. Les renseignements enregistrés à 20 h étaient les suivants :

    • vents du 300° vrai (V) à 7 nœuds;
    • température de 23,5 °C, point de rosée de 12,4 °C;
    • humidité relative de 50 %.

    Un message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour l’aéroport de Nanaimo (CYCD) (Colombie-Britannique), situé à 26 milles marins à l’est-sud-est du lieu de l’accident, indiquait les conditions météorologiques suivantes à 20 h :

    • vents du 300°V vrai, variables à 030°V, à 7 nœuds;
    • visibilité de 30 milles terrestres;
    • plafond fragmenté à 25 000 pieds AGL;
    • température de 27 °C, point de rosée de 11 °C;
    • altitude densité de 1400 pieds.

    Renseignements sur l’aérodrome

    L’aéroport CAT4 est doté d’une surface de piste (piste 11/29), qui a une longueur de 3564 pieds, et présente des seuils décalés de 485 pieds et de 200 pieds respectivement. L’angle de l’indicateur de trajectoire d’approche de précision simplifié (APAPI) est réglé à 4,5° pour les deux extrémités de la piste.

    L’entrée du Canada Flight Supplement pour CAT4 comprend une mise en garde informant les pilotes que des arbres d’une hauteur de 100 pieds sont situés à peu près à 3000 pieds au-delà du seuil de la piste 29Note de bas de page 3.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’aéronef a été retrouvé à environ 1880 pieds de l’extrémité de la piste 11, au bord d’un champ agricole privé dont l’altitude topographique est approximativement de 100 pieds inférieure à celle de la piste (figure 2).

    Figure 2. Carte indiquant le lieu approximatif de l’accident et le profil d’altitude topographique entre l’extrémité de la piste et le champ (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Carte indiquant le lieu approximatif de l’accident et le profil d’altitude topographique entre l’extrémité de la piste et le champ (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    L’aéronef a d’abord heurté les arbres à environ 22 pieds AGL. Il s’est immobilisé sur la berge inclinée, sur un cap ouest-sud-ouest, en un piqué prononcé de 62°, dans un fossé rempli d’eau, d’une profondeur approximative de 12 pouces à 24 pouces.

    La partie avant du fuselage a été considérablement déformée par l’impact, et 3 des 4 supports du moteur ont été rompus. Le reste de l’aéronef est demeuré en grande partie intact, mais le hauban de l’aile droite s’était séparé du fuselage et le train d’atterrissage droit avait tourné sur 180°. Les deux volets étaient rentrés. L’hélice était enfoncée dans le fossé; l'une des pales était considérablement pliée vers l’arrière, mais l’autre était intacte. Ce type de dommage est caractéristique d’un moteur qui produisait une faible puissance ou ne fonctionnait pas au moment de l’impact. La continuité des commandes de vol et du moteur a été confirmée.

    Les premiers intervenants ont fait remarquer que du carburant s’était écoulé de l’aile droite; les enquêteurs du BST ont récupéré à peu près 4,5 gallons US de carburant dans l’aéronef. Ils ont noté qu’il s’agissait de carburant d’aviation 100LL, et qu’il était limpide et clair.

    Examen du moteur

    Le moteur a été déposé de l’aéronef pour être examiné en détail et démonté. Malgré les dommages mineurs attribuables à l’impact, l’état général du moteur assemblé ne présentait aucune particularité et le vilebrequin tournait normalement. Les magnétos étaient synchronisées, le calage de l’allumage était correct, et toutes les bougies d’allumage fonctionnaient normalement. Le carburateur a été démonté et aucune défectuosité n’a été constatée. Les filtres et crépines des circuits de carburant et d’huile étaient propres et non obstrués. L’examen a permis de noter 2 anomalies :

    • La magnéto de droite fonctionnait par intermittence sous les 1800 tr/min.
    • Le carter d’huile contenait une quantité considérable de particules métalliques magnétiques.

    La magnéto de droite a été démontée; la brosse de carbone, les électrodes du distributeur et les plots du rupteur présentaient des signes d’usure manifestes. Il a également été remarqué que l’électrode centrale en laiton était desserrée sur l’arbre central en acier. L’accouplement à déclic fonctionnait normalement. Il est peu probable que l’allumage intermittent de la magnéto ait dégradé considérablement le fonctionnement du moteur.          

    Il n’a pas été possible de déterminer que la présence de particules métalliques dans le carter d’huile était attribuable à l’absence ou à la défaillance d’un composant interne du moteur. Rien n’indiquait que les particules avaient causé des dommages secondaires aux composants internes du moteur ou avaient empêché le moteur de fonctionner.

    Questions relatives à la survie des occupants

    Dans l’événement à l’étude, l’aéronef est demeuré à l’endroit et le fuselage a conservé un espace de survie pour le pilote.

    Les deux sièges avant de l’aéronef à l’étude étaient munis d’une ceinture de sécurité consistant en une ceinture sous-abdominale et une ceinture-baudrier. Les premiers intervenants ont trouvé le siège du pilote (du côté gauche) fixé au sol, et le pilote retenu par la ceinture sous-abdominale seulement. Après un examen approfondi, l’enquête a permis de déterminer que la ceinture-baudrier était fixée à la boucle de la ceinture sous-abdominale, mais que les coutures de la sangle de la ceinture-baudrier avaient cédé près de la ferrure de fixation arrière. Par conséquent, la sangle était complètement sortie de la ferrure pendant la séquence d’impact.

    Conformément au Règlement de l’aviation canadien, les ceintures de sécurité doivent faire l’objet d’une inspection tous les 12 mois pour « s’assurer de leur bon état et de l’absence d’effilochage et d’autres défectuosités apparentesNote de bas de page 4 ». Les ceintures de sécurité de l’aéronef de l’événement à l’étude avaient été inspectées 10 jours avant l’événement, pendant l’inspection annuelle de l’aéronef. Il n’y a aucune limite de vie en service pour les ceintures de sécurité dans l’aéronef de l’événement à l’étude.

    Le Règlement de l’aviation canadien exige également que « chaque pièce séparée de l’assemblage de ceinture de sécurité devra porter de façon lisible et permanente les inscriptions » prévuesNote de bas de page 5. À chacune des ceintures sous-abdominales de l’aéronef de l’événement à l’étude était attachée une étiquette sur laquelle figurait la mention de la résistance nominale de la ceinture. Cependant, la ceinture-baudrier n’avait aucune étiquette.

    Givrage du carburateur

    Le manuel d’utilisation du pilote (POH) pour le Cessna 172P énonce que le givrage du carburateur peut donner lieu à [traduction] « une perte graduelle de régime du moteur, puis à des ratés du moteurNote de bas de page 6 ». Afin de prévenir le givrage du carburateur, le POH indique l’application du réchauffage du carburateur dans diverses listes de vérification. Dans la section portant sur les procédures normales du POH, le réchauffage du carburateur est compris dans la liste de vérification de la descente et dans la liste de vérification avant l’atterrissageNote de bas de page 7. Dans la section sur les procédures d’urgence du POH, il est compris dans la liste de vérification de la panne de moteur en volNote de bas de page 8. Le réchauffage du carburateur était à la position OFF (arrêt) pendant toute la durée du vol de l’événement.

    Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada fournit des éléments d’orientation et un graphique de référence illustrant les conditions météorologiques pouvant donner lieu au givrage du carburateur (figure 3). Le givrage du carburateur peut se produire à tous les réglages de puissance du moteur et peut varier en fonction des différentes configurations du moteur.

    Selon le graphique de la figure 3, les dernières conditions météorologiques enregistrées avant l’événement à CAT4 correspondaient à des conditions de givrage modéré du carburateur à la puissance de croisière et de givrage sévère à la puissance de descente.

    Figure 3. Graphique indiquant les conditions météorologiques pouvant donner lieu au givrage du carburateur en fonction de la température, du point de rosée et de l’humidité, et indiquant les conditions météorologiques à CAT4 (Source : Transports Canada, TP 14371E, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [24 mars 2022], section 2.3, figure 2.2, avec annotations du BST)
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    Graphique indiquant les conditions météorologiques pouvant donner lieu au givrage du carburateur en fonction de la température, du point de rosée et de l’humidité, et indiquant les conditions météorologiques à CAT4 (Source : Transports Canada, TP 14371E, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [24 mars 2022], section 2.3, figure 2.2, avec annotations du BST)

    Répercussions sur l’environnement

    Le fossé rempli d’eau où l’aéronef s’est immobilisé faisait partie du bassin hydrologique avoisinant de French Creek. Après le déversement d’huile et de carburant de l’aéronef, la zone a fait l’objet d’une réhabilitation environnementale approfondie, dont le retrait de l’eau et du sol contaminés.

    Rapport de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP065/2022 – NVM Recovery – iPad [Récupération de la mémoire non volatile – iPad]

    Message de sécurité

    Selon les conditions qui prévalaient au moment de l’événement, un givrage sévère du carburateur à la puissance de descente était possible. Même si l’enquête n’a pas permis de déterminer si le givrage du carburateur avait été un facteur dans cet événement, il est rappelé aux pilotes que le givrage du carburateur peut se produire même quand il fait chaud. Les pilotes devraient suivre les indications relatives au réchauffage du carburateur contenues dans le POH de leur aéronef.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .