Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A24O0048

Impact avec le rotor de queue pendant la manutention au sol
Heli Explore Inc.
Aerospatiale AS-350 BA (hélicoptère), C-GWMO
Île Akimiski (Nunavut)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 21 avril 2024, le pilote de l’hélicoptère AerospatialeAirbus Helicopters est le titulaire actuel du certificat de type. AS350 BA (immatriculation C-GWMO, numéro de série 1879), exploité par Heli Explore Inc., effectuait une série de vols selon les règles de vol à vue à partir de l’aéroport d’Attawapiskat (CYAT) (Ontario) à destination de divers camps de chasse situés aux alentours d’Attawapiskat et sur l’île voisine, l’Île Akimiski (Nunavut). Les vols étaient effectués dans le cadre de la chasse annuelle à l’oie pour le transport de passagers et de matériel à destination et en provenance des divers camps.

    Le pilote a commencé sa journée de service vers 9 h 30Les heures sont exprimées en heure avancée de l’Est (temps universel coordonné moins 4 heures). et a effectué 8 vols avant le vol à l’étude.

    Vers 16 h 50, l’hélicoptère est revenu à CYAT en provenance du camp 17, situé sur la rive sud-ouest de l’Île Akimiski (figure 1), pour embarquer 1 passager et du matériel et retourner au camp 17.

    Figure 1. Trajectoire du vol à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Figure 1. Trajectoire du vol à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Lorsque l’hélicoptère est arrivé à CYAT, le passager et le matériel étaient prêts à être embarqués. Le pilote est demeuré dans l’hélicoptère, avec le moteur en marche et les rotors en rotation, pendant qu’un technicien d’entretien d’aéronefs d’Heli Explore Inc., qui assurait le soutien au sol, et le passager chargeaient le matériel dans des conteneurs de fret, accessibles de l’extérieur et situés derrière la cabine du côté gauche et du côté droit du fuselage, et dans un panier à fret externe fixé au patin gauche du train d’atterrissage. Une fois le chargement terminé, le technicien a escorté le passager jusqu’à l’hélicoptère. Le passager a pris place sur le siège avant gauche, à côté du pilote, et a attaché sa ceinture de sécurité à 4 points. L’hélicoptère a décollé vers 17 h 05 à destination du camp 17.

    Le vol jusqu’au camp 17 a duré environ 15 minutes. L’hélicoptère a atterri à quelques centaines de pieds du camp. L’aire d’atterrissage était exempte d’obstacles, couverte en partie d’herbes hautes, de plaques de glace et d’une couche négligeable de neige.

    Le pilote a atterri face au nord-est, d’où il pouvait voir le sentier menant au camp. Il a laissé le moteur et les rotors tourner, et ses mains sont demeurées sur les commandes. Cette technique était souvent utilisée lors de la manutention au sol (embarquement et débarquement des passagers et du fret) pour pouvoir réagir rapidement au cas où l’hélicoptère se déplacerait ou deviendrait instable sur l’aire d’atterrissage.

    Une personne à bord d’une motoneige tirant un traîneau est arrivée pour aider à décharger l’hélicoptère. Elle a attendu du côté gauche de l’hélicoptère, dans le champ de vision du pilote, jusqu’à ce que celui-ci lui fasse signe de s’approcher. Le pilote a dit au passager qu’il pouvait sortir de l’hélicoptère et a fait signe au conducteur de la motoneige qu’il pouvait s’approcher de l’hélicoptère. La motoneige et le traîneau ont été stationnés près du panier à fret externe du côté gauche, orientés dans le même sens que l’hélicoptère, et y sont restés tout au long de l’événement. Le passager est sorti de l’hélicoptère et a rattaché la ceinture de sécurité avant de fermer la porte avant.

    Le passager et le conducteur de la motoneige ont commencé à décharger le panier à fret et le conteneur de gauche et à transférer leur contenu dans le traîneau. Pendant que le passager terminait de décharger le conteneur, le conducteur de la motoneige a contourné à pied l’hélicoptère par l’avant pour aller décharger le conteneur de droite. Une fois le conteneur de fret de gauche déchargé, le passager en a verrouillé la porte et s’est dirigé vers la queue de l’hélicoptère.

    Le conducteur de la motoneige a vu que le passager s’approchait de l’arrière de l’hélicoptère et a tenté de l’avertir en lui criant et en lui faisant signe de rester à l’écart de l’arrière de l’hélicoptère. Le passager a continué à longer la poutre de queue du côté gauche en direction de l’arrière de l’hélicoptère, passant devant 4 antennes montées sous la poutre de queue, et au-delà du stabilisateur horizontal gauche (figure 2). Il s’est ensuite baissé pour passer sous la poutre de queue, à l’arrière du stabilisateur horizontal, mais à l’avant du plan fixe vertical. En arrivant du côté droit, il a été heurté par le rotor de queueLorsque le rotor de queue d’un hélicoptère est en rotation, il est difficile, voire impossible, de le voir. qui était en rotation, et a été mortellement blessé. L’impact a provoqué le détachement du rotor de queue et de la majeure partie de la boîte de transmission du rotor de queue de l’hélicoptère.

    Figure 2. Hélicoptère à l’étude (Source : Heli Explore Inc., avec annotations du BST) 
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    Figure 2. Hélicoptère à l’étude (Source : Heli Explore Inc., avec annotations du BST)

    Le pilote a ressenti un impact et de fortes vibrations dans l’hélicoptère. Il a également vu le conducteur de la motoneige s’éloigner de l’hélicoptère l’air paniqué. Le pilote a immédiatement coupé le moteur, a immobilisé le rotor principal, est sorti de l’hélicoptère, a vu ce qui venait de se passer et a appelé Heli Explore Inc. par téléphone satellite pour obtenir de l’aide.

    Information sur le pilote

    Le pilote était titulaire de la licence et des qualifications appropriées pour effectuer le vol à l’étude conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d’une licence de pilote professionnel – hélicoptère et avait un certificat médical valide. Il avait accumulé plus de 2000 heures de vol au total et environ 1686 heures sur type. Le pilote avait été embauché par Heli Explore Inc. en mars 2022.

    Rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques ont nui à la performance du pilote.

    Chasse annuelle à l’oie

    Chaque année, dans diverses régions du nord du Canada, a lieu une chasse à l’oie connue sous le nom de Goose Break. Plutôt que d’utiliser le transport terrestre sur des voies navigables potentiellement non gelées ou dangereuses, les communautés utilisent souvent des hélicoptères pour transporter leurs membres à destination et en provenance de leurs camps de chasse. Depuis 2022, Heli Explore Inc. apporte son soutien à la communauté d’Attawapiskat lors de cette chasse annuelle à l’oie. En 2024, 2 hélicoptères ont été utilisés pour transporter environ 300 membres de la communauté à divers camps au cours de la 1re semaine de chasse.

    Exposés et information sur les mesures de sécurité

    Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) stipule que « [l]e commandant de bord doit s’assurer qu’un exposé sur les mesures de sécurité est donné aux passagers conformément aux Normes de service aérien commercialTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, paragraphe 703.39(1).. » Selon les Normes de service aérien commercial, l’exposé sur les mesures de sécurité doit comprendre, entre autres éléments, « la direction la plus sûre pour s’éloigner de l’hélicoptère et le trajet le moins dangereux à emprunter après en être descendu, et préciser les dangers associés au type d’hélicoptère (par exemple, emplacement des tubes de Pitot, rotor de queue et rotor principal)Ibid., Norme 723 : Exploitation d’un taxi aérien : Hélicoptères, alinéa 723.39(1)d).. » Cette exigence est également incluse dans le manuel d’exploitation d’Heli Explore Inc.Heli Explore Inc., Operations Manual : VFR Operations, Aerial Work (702) & Air Taxi (703), manuel no 1, édition 2, modification 6 (6 décembre 2022), section 4.17 : Passenger Briefing, item (4)a), p. 4–33..

    À Attawapiskat, au cours des années précédentes, une personne employée par Heli Explore Inc. s’occupait des réservations des passagers et des exposés sur les mesures de sécurité aux passagers, et ce, pour plusieurs raisons : cela permettait de documenter le fait que les passagers avaient reçu l’exposé sur les mesures de sécurité, de répondre aux besoins linguistiques des passagers (dont certains ne parlent que le cri) et d’accélérer le processus pour transporter les nombreux passagers vers les différents camps.

    Selon le manuel d’exploitation d’Heli Explore Inc., après avoir écouté l’exposé sur les mesures de sécurité, les passagers doivent signer un formulaire sur lequel sont indiquées les consignes générales de sécurité à suivre pour les vols en hélicoptère. La première partie du formulaire, qui porte sur la façon de s’approcher et de s’éloigner de l’hélicoptère quand le moteur est en marche et les rotors en rotation, comprend l’énoncé suivant : « Ne jamais aller vers l’arrière (danger du rotor de queue)Heli Explore Inc., formulaire Consignes de sécurité d’hélicoptère. ». Le formulaire signé doit être remis au pilote pour lui confirmer que l’exposé sur les mesures de sécurité a bien été donné aux passagers.

    En 2024, une nouvelle personne de la communauté a été sélectionnée pour s’occuper des réservations des passagers à Attawapiskat. Cette personne n’était pas employée par la compagnie et n’était pas tenue de donner des exposés sur les mesures de sécurité aux passagers. Elle n’était pas au courant de l’obligation de faire signer les formulaires relatifs aux consignes de sécurité par les passagers.

    Étant donné qu’au cours des années précédentes, il était habituel pour la personne s’occupant des réservations de donner l’exposé sur les mesures de sécurité aux passagers, le pilote a supposé que cela avait été fait. Le jour de l’événement, le passager est monté à bord de l’hélicoptère sans avoir reçu aucun exposé sur les mesures de sécurité. Ce passager avait cependant pris l’hélicoptère à de nombreuses reprises pour faire des allers et retours aux camps, et il avait été informé à ces occasions qu’il devait rester à l’écart de l’arrière de l’hélicoptère, en particulier du rotor de queue.

    Une carte de sécurité constitue un autre moyen d’informer les passagers sur les dangers et les zones dangereuses d’un hélicoptère. Elle identifie ou représente sous forme graphique les issues de secours, l’utilisation correcte des ceintures de sécurité, la manière de s’approcher et de s’éloigner de l’hélicoptère ainsi que les zones dangereuses comme les zones d’échappement du moteur et les arcs du rotor principal et du rotor de queue. À bord de l’hélicoptère à l’étude, ces informations figuraient sur une carte de sécurité et sur une plaquette (figure 3) apposée au dos des sièges avant.

    Les zones sûres ou dangereuses autour d’un hélicoptère (comme le rotor de queue) peuvent également être indiquées par des marques sur l’hélicoptère lui-même. Le mot « DANGER », accompagné d’une flèche, était peint sur la poutre de queue pour indiquer la zone de danger du rotor de queue (figure 4).

    Figure 3. Plaquette de sécurité de l’hélicoptère à l’étude (Source : Heli Explore Inc.) 
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    Figure 3. Plaquette de sécurité de l’hélicoptère à l’étude (Source : Heli Explore Inc.)

    L’enquête n’a pas permis de déterminer si le passager avait pris connaissance de la carte de sécurité. Toutefois, étant assis à l’avant, il n’aurait pas pu voir la plaquette. Enfin, bien que le mot « DANGER » et la flèche associée soient visibles sur la poutre de queue, le fait que ces marques se trouvent à l’intérieur du rayon de l’arc du rotor de queue limite leur efficacité pour signaler la zone de danger proprement dite et empêcher les personnes de s’approcher du rotor de queue.

    Le 31 janvier 2024, avant l’accident, Airbus Helicopters a publié un avis d’information sur la sécuritéAirbus Helicopters, Safety Information Notice No. 3982-S-64: Tail Rotor – Product Enhancement – High Visibility Tail Rotor Blade (31 janvier 2024). présentant de nouvelles marques à peindre sur le rotor de queue qui augmentera la visibilité de celui-ci lorsqu’il est en rotation et améliorera ainsi la sécurité des passagers et du personnel pendant les opérations au sol.
     

    Figure 4. Marques sur la poutre de queue (mot « DANGER » et flèche) de l’hélicoptère à l’étude, et rayon approximatif de l’arc du rotor de queue (Source : Heli Explore Inc., avec annotations du BST)
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    Figure 4. Marques sur la poutre de queue (mot « DANGER » et flèche) de l’hélicoptère à l’étude, et rayon approximatif de l’arc du rotor de queue (Source : Heli Explore Inc., avec annotations du BST)

    Mesures de sécurité prises

    À la suite de l’accident, Heli Explore Inc. a exigé que les pilotes coupent le moteur pendant le débarquement des passagers pour le reste des vols de cette saison de chasse à l’oie.

    Par ailleurs, la compagnie a révisé les directives à l’intention des passagers afin de leur fournir davantage d’information et de les avertir qu’il est dangereux de s’approcher de l’arrière d’un hélicoptère.

    Messages de sécurité

    Il est rappelé aux pilotes qu’ils doivent s’assurer que tous les passagers et le personnel au sol ont été informés des risques associés aux zones dangereuses d’un hélicoptère (tout particulièrement le rotor de queue) lors de leurs déplacements à proximité d’un hélicoptère dont les moteurs et les rotors tournent et qu’ils comprennent ces risques.

    Il est également rappelé aux passagers et au personnel au sol d’être vigilants quant aux risques associés aux zones dangereuses d’un hélicoptère lors de leurs déplacements à proximité d’un hélicoptère dont les moteurs et les rotors tournent.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 29 janvier 2025. Le rapport a été officiellement publié le 12 février 2025.