Naufrage
du bateau de travail 36E33460
Lac Anstruther (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Dans l'après-midi du 15 mai 2002 vers 17 h heure avancée de l'Est (HAE), le bateau de travail 36E33460 transportait une équipe de quatre couvreurs ainsi qu'une cargaison de bardeaux usagés provenant d'un chantier de construction sur le lac Anstruther en Ontario. Au milieu du lac, le bateau lourdement chargé a commencé à embarquer de l'eau par l'avant. Peu après, l'embarcation s'est emplie d'eau et a coulé. Les quatre couvreurs ont réussi à gagner la rive à la nage. L'opérateur s'est noyé.
Renseignements de base
Fiche technique du bateau
« BATEAU DE TRAVAIL » | ||
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Numéro d'immatriculation | 36E33460 | |
Port d'immatriculation | Peterborough (Ontario) | |
Pavillon | Canada | |
Type | Bateau de travail (esquif) | |
Jauge bruteNote de bas de page 1 | Moins de 5 | |
Longueur | 4,8 m | |
Tirant d'eau | Av. : Environ 60 cm | Arr. : Environ 60 cm |
Constuction | Inconnue | |
Groupe propulseur | Hors-bord à essence de 22,3 kW | |
Cargaison | Bardeaux d'asphalte usagés, deux échelles de 24 pieds et des outils de couvreur | |
Équipage | Une personne | |
Passagers | Quatre couvreurs, un chien | |
Propriétaire | Particulier |
Description du bateau
Le bateau était construit en métal soudé avec un bouchain vif unique au tournant de bouchain. Il était muni de deux banquettes intégrées à la structure, sous lesquelles se trouvaient des caisses de flottaison métallique. L'avant était plat et l'arrière, légèrement élancé. L'opérateur était assis à l'arrière près du moteur hors-bord, sur un siège pivotant.
Déroulement du voyage
Au printemps 2002, un entrepreneur-couvreur (l'entrepreneur) décroche un contrat pour refaire les couvertures de deux cottages sur le lac Anstruther. Comme les cottages sont situés à un endroit isolé qui n'est accessible que par eau, l'entrepreneur demande à l'exploitant d'un service local de transport commercial par chaland (l'opérateur) de transporter les matériaux, les outils et 12 personnes à destination et en provenance des chantiers.
À 7 hNote de bas de page 2 le jour de l'événement, les matériaux, à savoir 105 paquets de bardeaux d'asphalte, sont chargés sur un chaland à moteur pour être transportés sur les lieux des travaux. Pendant le chargement du chaland, l'opérateur conduit six couvreurs au chantier avec le bateau de travail. À son retour, il prend en charge le chaland chargé de matériaux tandis que l'entrepreneur-couvreur se sert du bateau de travail à coque métallique pour conduire le reste de l'équipe de couvreurs aux chantiers.
Vers 15 h, l'opérateur transporte avec le chaland une remorque à bascule chargée de bardeaux usagés des chantiers au débarcadère de l'État. Laissant huit ouvriers sur place pour terminer les travaux, l'entrepreneur ramène trois employés au débarcadère pour décharger le chaland et transporter les bardeaux usagés à la décharge locale. Pendant ce temps, l'opérateur ramène quatre couvreurs au débarcadère avant de retourner chercher le reste des débris, les outils et les quatre derniers couvreurs; il arrive au chantier vers 16 h 30.
Le bateau est alors chargé de bardeaux usagés jusqu'au niveau du plat-bord au centre entre les banquettes, ainsi que dans l'espace à l'avant de celles-ci, ne laissant qu'un franc-bord d'environ 0,2 m. Deux échelles en aluminium, deux paquets de bardeaux neufs et des outils de couvreur sont aussi embarqués.
Les couvreurs hésitent à monter à bord du bateau de travail lourdement chargé, mais l'opérateur les rassure en leur disant que ce n'est pas la première fois qu'il charge ainsi l'embarcation. L'opérateur, son chien et les quatre couvreurs quittent le chantier à 17 h. Lorsque le bateau arrive dans les eaux non abritées sur le lac et met le cap au sud-ouest face au vent et aux vagues, il commence à embarquer de l'eau par l'avant. Afin de ralentir l'envahissement, l'opérateur accélère pour élever l'avant. Le bateau conserve cette vitesse plus élevée pendant cinq à dix minutes avant de ralentir brusquement. Aussitôt, le bateau pique du nez dans la vague et s'emplit d'eau. L'embarcation commence à chavirer sur bâbord tout en coulant par l'avant à un demi kilomètre de la rive, par 20 m de fond.
Lorsque le bateau coule, deux vêtements de flottaison individuels (VFI), deux coussins, un bidon d'essence et le coffret en plastique contenant les VFI se retrouvent flottant librement. On lance un VFI à l'opérateur, mais on ne le voit pas le mettre. Deux des couvreurs s'agrippent aux coussins pour se maintenir à flot, un autre se sert du bidon d'essence et le quatrième s'accroche au coffre en plastique. Les couvreurs décident de suivre le chien de l'opérateur et de nager vers une île voisine, tandis que l'opérateur préfère tenter de gagner la rive opposée, plus rocheuse. En s'éloignant à la nage, les couvreurs se trouvent séparés les uns des autres et perdent de vue l'opérateur. Deux d'entre eux atteignent l'île les premiers et se serrent l'un contre l'autre pour se tenir au chaud. On estime qu'ils ont passé une demi-heure dans l'eau avant d'atteindre la rive. Le troisième couvreur parvient à l'île dans un état d'hypothermie plus avancé que les deux premiers, après avoir passé une quarantaine de minutes dans l'eau. Une fois arrivé sur l'île, un des couvreurs décide de nager vers la rive du lac qui n'est pas très loin (70 m) pour demander de l'aide à un chalet. À ce stade, on est encore sans nouvelles du quatrième couvreur.
Opérations de recherche et sauvetage
Au retour de la décharge à 17 h, l'entrepreneur-couvreur remarque que l'opérateur n'est pas encore revenu avec les derniers couvreurs. À 17 h 20, il décide de partir à leur recherche avec un de ses employés à bord d'une embarcation en aluminium de 4 m. Après s'être rendu sur les chantiers ainsi qu'à la résidence riveraine de l'opérateur, l'entrepreneur commence les recherches sur le lac à 18 h. En moins de dix minutes, il repère et rejoint le dernier couvreur, qui flotte accroché au bidon d'essence, et le remorque jusqu'à l'île voisine. Après avoir repéré les trois autres survivants sur l'île, il les conduit en bateau jusqu'au chalet voisin sur la rive du lac où ils reçoivent les soins qu'exige leur état d'hypothermie.
À 18 h 34, l'entrepreneur appelle son amie depuis le chalet pour lui demander de composer le 911. À 18 h 50, une fois les survivants bien à l'abri dans le chalet, l'entrepreneur-couvreur se met à la recherche de l'opérateur. Il lui faut à peine dix minutes pour le retrouver, partiellement submergé, un bras passé dans un VFI, à environ 150 m de la rive sud-est en face de l'île. Il est ramené immédiatement sur la rive où on entreprend de lui administrer la RCR. Peu après, une équipe du service d'incendie et de sauvetage de North Kawartha arrive à la rescousse, mais il est impossible de ranimer l'opérateur.
Trois des quatre couvreurs sont transportés à l'hôpital régional de Peterborough où ils sont gardés sous observation. Le quatrième refuse tout traitement. Le coroner de Peterborough conclut que le décès de l'opérateur est attribuable à l'hypothermie et à la noyade.
Inspection par les plongeurs de l'Unité de recherche et de récupération sous-marines de la Police provinciale de l'Ontario (PPO)
Le 16 mai 2002, les plongeurs de l'Unité de recherche et de récupération sous-marines de la PPO ont repéré le bateau dans 20 m d'eau, récupéré le réservoir d'essence pour prévenir la pollution et marqué l'emplacement de l'épave avec une bouée. Des membres de la PPO sont revenus le lendemain avec un enquêteur du BST pour déterminer la position du bateau au fond du lac. La vidéo sous-marine tournée à cette occasion montre que le bateau est droit et enfoncé en partie dans les sédiments du fond. Des bardeaux usagés sont empilés à l'avant et au milieu jusqu'à un niveau supérieur à celui du plat-bord. La commande du moteur hors-bord se trouve à la position de marche avant et le papillon des gaz est grand ouvert. Même s'il existe différentes possibilités, il est impossible de connaître avec certitude la raison de cet état de fait. Les caisses de flottaison situées sous les banquettes ont été partiellement écrasées par la pression de l'eau.
Conditions environnementales
Au moment de l'événement, le temps était clair et ensoleillé et la température était de 25°C. Des vents du SW soufflaient en rafales jusqu'à 25 km/h. La hauteur des vagues était estimée à environ 0,6 m. La température de l'eau en surface était de 8°C sur le lieu de l'événement.
Engins de sauvetage et consignes de sécurité pour les passagers
Selon les témoignages, le bateau transportait des VFI remisés dans un coffre en plastique, mais on n'a retrouvé ni le coffre ni les VFI. De plus, deux VFI, le vêtement de travail isotherme du propriétaire et deux coussins flottants se trouvaient tout près des banquettes des passagers. Une modification au Règlement sur les petits bâtiments, entrée en vigueur le 1er mai 2002, exige qu'un exposé sur les consignes de sécurité soit donné aux passagers à bord des petits navires à passagers. Aucun exposé sur les consignes de sécurité n'a été donné aux passagers, mais il semble que l'opérateur a indiqué aux passagers l'emplacement des VFI. Pourtant, lorsque le bateau a coulé, un des naufragés s'est agrippé au coffre pour se maintenir à flot; ni lui ni les autres survivants ne savaient apparemment que le coffre en plastique renfermait des VFI.
Les règlements pris en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'OntarioNote de bas de page 3 qui régissent les projets de construction stipulent qu'un travailleur qui court un risque de noyade doit porter un gilet de sauvetage. D'autres dispositions touchant les projets de construction exigent que les travailleurs soient formés pour les opérations de secours et qu'il y ait un moyen d'avertir les travailleurs à risques. On ne peut affirmer avec certitude que ces exigences visent le transport de travailleurs par bateau en provenance et à destination d'un chantier de construction.
Certificats du bateau et brevets de l'opérateur
L'information obtenue de Douanes Canada à Peterborough (Ontario) indique que le bateau avait été immatriculé au nom de l'opérateur en juillet 1990; toutefois, le permis délivré n'indique pas l'utilisation prévue du bateau. Le permis du bateau à coque métallique indique toutefois que celui-ci est fait d'aluminium.
Selon Transports CanadaNote de bas de page 4,
- « Si un navire est affrété par un employeur pour transporter des travailleurs en provenance et à destination d'un chantier, les employés sont considérés comme des passagers ». (Traduction)
En conséquence, les couvreurs qui se trouvaient à bord du bateau le jour de l'événement sont considérés comme des passagers et le bateau lui-même était exploité comme un petit navire à passagers. En raison de sa taille (moins de 15 tonneaux de jauge brute [tjb]) et du nombre de passagers à bord (12 ou moins), le bateau n'était pas tenu d'être conforme aux dispositions du Règlement sur la construction de coques ou du Règlement sur l'inspection des coques pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Toutefois, il devait être conforme à d'autres règlements, notamment le Règlement sur les petits bâtiments, et en particulier aux dispositions régissant le transport d'équipement de sécurité.
En tant que navire commercial à passagers de moins de 15 tjb transportant au plus 12 passagers, le bateau de travail était assujetti aux exigences du Programme de contrôle et d'inspection des petits bâtiments (PCIPB) issu du Programme provisoire de conformité des petits navires à passagers (PPCPNP)Note de bas de page 5.
Le PCIPB est un programme de conformité volontaire dans le cadre duquel tous les propriétaires et exploitants de petits bâtiments sont encouragés à adopter un régime d'auto-surveillance. Ils peuvent ainsi s'assurer que leurs bâtiments sont conformes aux exigences de sécurité applicables à leur type d'exploitation. À Transports Canada (TC), la perception est cependant que la conformité au PCIPB ne peut être garantie parce qu'il s'agit d'un programme et non d'un règlement. Au moment de l'événement, TC n'était pas au courant que le bateau se livrait à des activités commerciales et au transport de passagers, et ses agents ne l'avaient pas inspecté.
L'opérateur, qui résidait depuis longtemps près du lac Anstruther, avait une bonne expérience en navigation; toutefois, il ne possédait pas de brevet de compétence maritime et il n'était pas tenu d'en avoir en vertu du Règlement sur l'armement en équipage des navires. L'opérateur devait toutefois avoir suivi une formation aux fonctions d'urgence en mer. Le propriétaire de l'entreprise de couverture ne possédait pas de véritable expérience en marine.
Initiatives provinciales
En février 1998, afin d'assurer la sécurité des passagers voyageant à bord de petits navires à passagers non inspectés, la province de Québec a adopté un décretNote de bas de page 6 exigeant que tous les petits navires à passagers de moins de 5 tonneaux de jauge brute et transportant 12 passagers ou moins soient inspectés (par un expert maritime professionnel agréé par TC) et possèdent une assurance de responsabilité civile d'au moins un million de dollars. L'inspection doit porter sur le navire ainsi que sur les embarcadères et les débarcadères. L'expert maritime doit délivrer un certificat de conformité indiquant que le navire répond aux exigences réglementaires de TC, qu'il est adéquatement équipé pour assurer un service sécuritaire (tel que décrit dans le rapport de l'expert maritime) et que l'équipage qui l'exploite est apte à se livrer à l'activité commerciale prescrite dans le territoire/secteur spécifié. La Commission des transports du Québec délivre ensuite un permis d'exploitation.
Accidents antérieurs
Le 3 décembre 2001, un petit bateau de travail commercial transportant cinq travailleurs de la construction sur le Lac-des-Deux-Montagnes au Québec s'est empli d'eau et a coulé, causant trois pertes de vie. Le bateau n'avait pas été identifié par TC, ni inspecté en tant que navire commercial, et le propriétaire n'avait pas demandé d'inspection. L'enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec a révélé que le bateau de travail n'avait pas une réserve de flottabilité suffisante, que le bateau de secours disponible n'était pas bien équipé, que la température froide de l'eau avait été un facteur dans les pertes de vie et que les passagers ne portaient pas de gilets de sauvetage.
Le 22 mars 1998, le petit navire à passagers Ocean ThunderNote de bas de page 7, avec l'opérateur et trois passagers à bord, a chaviré au large de Tofino, en Colombie-Britannique. Le Bureau a conclu, entre autres, que le « conducteur » avait mal évalué les conditions que le bateau allait rencontrer au moment de l'événement, et que l'absence d'équipement de communication d'urgence a retardé l'intervention des équipes de recherche et sauvetage. Le Bureau s'est dit préoccupé par le fait que les marins et les passagers des petits bâtiments risquent d'être inutilement exposés à l'hypothermie parce que les règlements actuels ne contiennent pas d'exigences de protection thermique.
Analyse
Chargement du bateau
À la fin de l'après-midi, lorsque l'opérateur a commencé à charger le bateau de travail de bardeaux usagés, il s'est retrouvé face à un choix : faire deux voyages avec une cargaison réduite ou prendre le risque de faire un seul voyage avec le bateau lourdement chargé. Il a été rapporté au BST que le propriétaire affirmait avoir déjà chargé le bateau jusqu'à ce même tirant d'eau par le passé.
Les gens qui posent avec succès des actes risqués au travail changent souvent d'attitude ou d'opinion à l'égard des dangers qu'ils peuvent courir. Ils ont tendance à sous-évaluer le risque et peuvent même en venir à croire que l'activité est sans danger. Il leur arrive même de développer un sentiment d'invulnérabilité. Plus ils répètent sans problème l'acte dangereux, plus ils sont enclins à croire que même s'il s'agit d'une pratique intrinsèquement risquée, rien de mal ne peut leur arriver à eux. Ce sentiment peut les amener à répéter l'acte, et chaque répétition sans conséquence fâcheuse, renforce leur comportement. Plus ils répètent l'acte, plus leur sentiment d'invulnérabilité croît. Et plus ils se sentent à l'aise avec le comportement dangereux, plus ils sont susceptibles de réduire la marge de sécuritéNote de bas de page 8. Le jour de l'événement, l'opérateur était disposé à accepter le risque de charger une cargaison excessive de bardeaux parce qu'il avait déjà chargé lourdement le bateau par le passé sans conséquences néfastes.
La réduction du franc-bord d'un navire réduit les marges de sécurité par gros temps. Sur les petits bâtiments non pontés, il est essentiel de maintenir un franc-bord adéquat en fonction des conditions météorologiques. Le chargement de bardeaux embarqué juste avant l'événement réduisait le franc-bord effectif du bateau à 0,2 m. Parvenu dans les eaux non abritées du milieu du lac, le bateau faisait face presque directement au vent et aux vagues. Le bateau a commencé à embarquer de l'eau par l'avant dans des vagues de 0,6 m. Il est possible que l'opérateur ait ralenti brusquement pour éviter d'embarquer plus d'eau par l'avant ou pour éviter des débris flottants. Toutefois, la quantité de bardeaux chargée pour le voyage avait réduit le franc-bord du bateau au point tel que la décélération soudaine et rapide a fait piquer immédiatement l'avant dans une vague et le bateau s'est empli d'eau.
Survol de la réglementation
Tous les passagers (qu'il s'agisse de touristes ou de travailleurs de la construction) qui voyagent à bord de navires de commerce, peu importe leur taille, s'attendent à ce que le bateau soit sécuritaire, et que l'opérateur soit compétent et s'attendent à ne courir aucun risque excessif au cours du voyage. Au Canada, l'utilisation de petits bâtiments commerciaux pour transporter comme passagers des travailleurs de la construction n'est pas inhabituelle. Les travailleurs qui voyagent comme passagers à bord de petits bâtiments commerciaux sont assujettis à un ensemble de règlements fédéraux et provinciaux.
Il n'y a pas d'exigences provinciales claires visant à amoindrir le risque de noyade pour les travailleurs transportés par bateau en provenance et à destination des chantiers de construction. Les règlements fédéraux, même s'ils contiennent des exigences relatives à l'équipement de sécurité qui doit se trouver à bord, n'obligent pas les passagers à porter des gilets de sauvetage. En outre, ni les règlements ontariens ni les règlements fédéraux ne contiennent des dispositions visant à protéger les travailleurs qui voyagent comme passagers à bord de petits bâtiments commerciaux contre l'hypothermie dans l'éventualité où le bateau coulerait ou chavirerait.
Sans gilet de sauvetage ni survêtement protecteur isotherme, l'hypothermie diminue rapidement la capacité de rester à flot ou de nager. Les muscles des bras et des jambes s'engourdissent rapidement, ce qui conduit à la paralysie. L'immersion soudaine dans l'eau glacée peut aussi causer de l'hyperventilation et de la panique, réduisant encore davantage la capacité de rester à flotNote de bas de page 9. À l'endroit de l'événement, la distance minimale du rivage était de 500 m. Une personne immergée dans de l'eau à 8°C sans vêtement de flottaison dispose de 30 à 60 minutes avant d'être frappée d'invalidité au point d'être incapable de se maintenir à flot et a moins de 50 % de chances de nager 50 m avant que cela se produise. À cause des exigences de leur métier, les membres de l'équipe de couvreurs jouissaient d'un niveau d'aptitudes physiques relativement élevé, ce qui leur a donné la vigueur requise pour gagner la rive à la nage. Cependant, à cause de la température froide de l'eau - attribuable au ruissellement printanier dans le lac Anstruther - ainsi que de l'absence de vêtements protecteurs isothermes, les membres de l'équipe de couvreurs ont souffert d'hypothermie avancée et leur capacité ainsi que celle de l'opérateur de se maintenir à flot sans aide ou de gagner le rivage à la nage était compromise.
La responsabilité d'évaluer l'état du navire et la compétence des exploitants de bâtiments à passagers commerciaux relève de Transports Canada. TC fournit aux exploitants un système de réglementation national qui s'applique à la sécurité structurale et opérationnelle du bâtiment, afin de s'assurer que celui-ci puisse naviguer en toute sécurité. En raison de sa taille (moins de 5 tjb) et du nombre de passagers transportés (12 ou moins), le bateau n'était pas assujetti à des inspections annuelles de TC; toutefois, une inspection initiale avant la mise en service était obligatoire. L'opérateur devait avoir suivi une formation aux fonctions d'urgence en mer, mais il n'était pas obligé d'être titulaire d'un brevet de compétence.
Toutefois, en tant que navire commercial à passagers de moins de 15 tonneaux transportant au plus 12 passagers, le bateau de travail était assujetti aux exigences du PCIPB. Il est impossible de savoir si l'opérateur était au courant des exigences du PCIPB ou des avantages que la conformité .volontaire avec le programme pouvait offrir. Au moment de l'événement toutefois, TC ne savait pas que le bateau était exploité comme petit navire à passagers et ni le bâtiment ni l'équipement de sauvetage n'avaient été inspectés par ses agents.
Les gouvernements provinciaux ont la responsabilité de s'assurer que les travaux de construction nécessitant l'utilisation de petits bâtiments commerciaux sont exécutés de manière sécuritaire. Même s'il n'y a pas d'inspection obligatoire de TC, il reste quand même nécessaire de s'assurer que les équipes de construction jouissent d'un niveau minimal de sécurité. Les mesures proactives prises par la province de Québec en 1998 ont permis d'élaborer un lien efficace entre les exigences en matière d'inspection et d'assurance des bâtiments et le système de délivrance de permis d'exploitation de la province. La province s'assure ainsi que les petits bâtiments utilisés dans l'industrie de la construction et pour le transport de passagers sont examinés et qu'un niveau minimal de sécurité est maintenu.
Au moment de l'événement, au moins un autre service de navires commerciaux exploités sur le lac Anstruther n'était pas inscrit dans la base de données d'inspection des navires de TC. Les services de transport maritime commerciaux appuyant l'industrie de la construction sont chose courante au pays. Pourtant, il n'existe pas de programmes analogues à celui du Québec dans les autres provinces. L'absence d'exigences réglementaires fédérales et provinciales efficaces peut faire courir des risques inutiles aux passagers de petits bâtiments commerciaux.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'opérateur a lourdement chargé le bateau parce qu'il avait déjà procédé de cette façon sans problème.
- Les bardeaux réduisaient le franc-bord du bateau au point que lorsque celui-ci a ralenti brusquement, l'avant a immédiatement piqué dans une vague et le bateau s'est empli d'eau.
- À cause de la basse température de l'eau - due au ruissellement printanier dans le lac Anstruther - et de l'absence de vêtements protecteurs isothermes, les membres de l'équipe de couvreurs ont souffert d'hypothermie avancée et leur capacité ainsi que celle de l'opérateur de se maintenir à flot sans aide ou de gagner le rivage à la nage, a été compromise.
Faits établis quant aux risques
- Ni les règlements ontariens ni les règlements fédéraux ne contiennent de dispositions visant à protéger les travailleurs contre l'hypothermie lorsqu'ils voyagent comme passagers à bord de petits bâtiments commerciaux - dans l'éventualité où le bâtiment coulerait ou chavirerait.
- En l'absence d'exigences réglementaires fédérales et provinciales efficaces, les travailleurs de la construction qui voyagent comme passagers à bord de petits navires commerciaux peuvent courir des risques inutiles.
- À cause de consignes de sécurité insuffisantes données avant le départ, les couvreurs n'ont pas utilisé tous les vêtements de flottaison disponibles et notamment ceux qui étaient remisés dans le coffre en plastique.
Autres faits établis
- Transports Canada n'était pas au courant que le bateau était exploité en tant que petit bâtiment à passagers et ses agents n'avaient inspecté ni le bateau ni son équipement de sauvetage.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes