Envahissement et pertes de vie
bateau à passagers « OCEAN THUNDER »
utilisé pour l'observation de baleines
au large de Tofino (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le navire, avec trois passagers et un conducteur à bord, a quitté Tofino pour une excursion de trois heures destinée à observer la faune et la flore marines. Tous les occupants portaient des « combinaisons de flottaison » (vêtements de flottaison individuels); celles des passagers étaient correctement fermées, mais la fermeture-éclair de la combinaison du conducteur était partiellement ouverte. Après avoir observé des baleines, le conducteur a écidé d'aller montrer aux passagers la faune et la flore marines dans les environs des récifs Plover. Parvenu dans ce secteur, le bateau a été envahi et poussé en travers par une grosse lame qui a projeté tous les occupants dans les eaux tumultueuses. Tout s'est passé si vite qu'on n'a pas eu le temps d'envoyer d'appel MAYDAY. En voyant que le bateau n'arrivait pas à destination, le propriétaire a déclenché une opération de recherche et sauvetage. Deux passagères ont été repêchées au bout de deux heures environ. Le conducteur et un passager sont morts.
Le Bureau a déterminé que le « OCEAN THUNDER » a été envahi par un coup de roulis violent et soudain qui a projeté ses occupants dans l'eau froide. La mauvaise évaluation faite par le conducteur des conditions auxquelles le bateau devait faire face dans les eaux tumultueuses entourant les récifs a été un facteur qui a contribué à l'accident. Les facteurs suivants ont contribué aux pertes de vie: l'angoisse causée par l'immersion brusque dans l'eau froide, l'absence d'équipement de communication efficace et l'absence de moyens de communication (à moyenne portée) d'urgence, qui ont retardé le déclenchement de l'opération de recherche et sauvetage.
Renseignements de base
1.1 Fiche technique du bateau
Nom | « OCEAN THUNDER » |
---|---|
Numéro d'immatriculation | 13K107700 |
Port d'attache | Tofino (Colombie-Britannique) |
Pavillon | Canada |
Type | pneumatique à coque rigide |
Jauge brute | moins de cinq tonneauxNote de bas de page 1 |
Longueur | 6,4 m |
Largeur | 2,5 m |
Construction | 1994, New Westminster (Colombie-Britannique) |
Propulsion | Deux hors-bord Mercury de 135 HPNote de bas de page 2 chacun |
Équipage | 1 personne |
Passagers | 3 personnes |
Propriétaire | Ocean Pacific Whale Charters Ltd. en affaires sous le nom de Jamie's Whaling Station, Tofino (Colombie-Britannique) |
1.1.1 Description du bateau
Le bateau est une version allongée d'une embarcation de classe « Titan » de 5,5 m, conçue par un architecte naval de Vancouver (Colombie-Britannique). La coque d'aluminium en V profond, renforcée de raidisseurs longitudinaux, renferme des compartiments étanches et une citerne à carburant modulaire et elle est conçue pour résister aux conditions difficiles qui caractérisent l'observation de baleines sur la côte ouest de l'île de Vancouver, où on est exposé à la houle de l'océan Pacifique. Il y a un compartiment à batteries et des orifices passe-fils sous le pont à assèchement automatique. Deux boudins gonflables (chambres à air), un de chaque côté, améliorent la flottabilité et la stabilité de l'embarcation. Du côté intérieur des boudins sont fixées des guirlandes auxquelles les passagers peuvent se tenir. Ces guirlandes ne descendent pas jusqu'au niveau de la flottaison du côté extérieur des boudins gonflables.
Sur le pont, quatre bancs munis de dossiers tubulaires permettent à 12 passagers de s'asseoir. Les personnes assises peuvent aussi se retenir aux dossiers des sièges devant elles. Il n'y a pas d'autres dispositifs de retenue. Derrière le dernier banc, on retrouve un petit poste de timonerie, qui loge l'équipement de navigation ainsi que les commandes de direction et de propulsion. Le conducteur se tient dans ce poste pour gouverner l'embarcation et s'occuper de la navigation.
Deux moteurs hors-bord Mercury neufs qui ne comptaient qu'une soixantaine d'heures d'utilisation étaient montés sur le tableau. Deux commandes placées dans la timonerie permettaient de commander à distance le régime des moteurs. Chaque moteur était muni d'un interrupteur d'arrêt d'urgence.
1.1.2 Stabilité du bateau
Le bateau n'avait jamais subi d'essai de stabilité en bonne et due forme, et n'était pas tenu d'en subir. Toutefois, des essais en mer poussés avaient été faits à Vancouver en présence de l'architecte naval du propriétaire, afin d'en vérifier le rendement et la navigabilité.
Les embarcations pneumatiques à coque rigide sont souvent utilisées comme canots de secours à cause de leur bonne réserve de stabilité et de leur aptitude à tenir la mer par gros temps. Le « OCEAN THUNDER » possédait une excellente réserve de stabilité qui lui permettait de se redresser à partir de grands angles de gîte. On peut le constater sur une bande vidéo qui montre le bateau pendant les essais en mer, alors qu'il navigue à haute vitesse sur les crêtes des lames et résiste à un roulis provoqué.
1.2 Déroulement de l'excursion
Le dimanche 22 mars, trois passagers doivent partir pour l'excursion d'observation de baleines de 12 h, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 3 à partir d'une base d'observation de baleines bien connue de Tofino. La sortie doit durer environ trois heures. Au retour de l'excursion de 9 h, le bateau commence à débarquer ses passagers. L'enquête a révélé qu'on a affirmé aux passagers en attente qu'au cours de l'excursion précédente, le bateau a presque été envahi en traversant un chenal et que certains passagers ont eu très peur. Le conducteur du bateau assure aux passagers en attente que l'excursion est sans danger et il leur montre comment mettre les combinaisons de flottaison (vêtements de flottaison individuels--VFI). Il ne leur donne aucun autre renseignement de sécurité.
Les trois passagers mettent leur combinaison VFI. Ils attachent les sangles aux chevilles et aux poignets et endossent un imperméable par-dessus la combinaison. Les passagers remarquent que la combinaison du conducteur est mise de façon négligente et que la fermeture-éclair, incomplètement remontée, laisse une partie de la poitrine ainsi que la tête exposées. Le bateau quitte le quai à 12 h 15.
Le conducteur dirige le bateau dans la multitude de chenaux qui forment la baie Clayoquot jusque dans l'océan Pacifique où il ralentit l'allure en arrivant dans les eaux tumultueuses et tourmentées qui entourent les récifs connus sous le nom de groupe La Croix, à savoir les récifs Foam et Plover. Les passagers observent des baleines pendant une demi-heure environ avant que le conducteur ne décide d'aller leur montrer la faune et la flore marines à proximité des récifs Plover.
La région comporte de nombreux récifs entourés d'eaux moutonneuses. Les eaux sont tumultueuses et la mer ainsi que la houle sont tourmentées. Alors que le bateau progresse dans les eaux tumultueuses qui entourent les récifs et que le conducteur suit un chenal entre les rochers, le bateau est envahi par une lame qui le heurte sur l'arrière. Il est immédiatement poussé en travers et heurté sur son côté bâbord par une autre grosse lame qui soulève le côté bâbord presque à la verticale avant de s'abattre sur l'embarcation. Le coup de roulis soudain qui provoque une gîte importante ainsi que la lame déferlante projettent les passagers et le conducteur vers tribord et finalement à la mer. Aucun appel MAYDAY n'est envoyé.
Les renseignements recueillis au sujet d'un chavirement possible sont contradictoires. Une des survivantes affirme qu'un violent coup de roulis a projeté tous les occupants à la mer.
Le conducteur et deux passagers, un homme et une femme, se retrouvent ensemble dans les eaux tumultueuses. Ils ne voient pas le bateau, qui s'est éloigné à la dérive. Le passager, qui ne sait pas nager, panique et disparaît rapidement. Son corps sera repêché plus tard.
Le conducteur se débarrasse de ses bottes et se laisse flotter près de la passagère, lui prodiguant des encouragements et l'avertissant de rester loin des rochers. Au bout de plus d'une heure, affaibli par le froid, le conducteur commence à souffrir de pertes de conscience épisodiques. La passagère survivante (du groupe de trois) aperçoit alors le bateau à la dérive, qui n'est pas renversé et est revenu dans son champ visuel. Elle nage vers lui et s'y accroche. Cependant, l'état de faiblesse dans lequel elle se trouve l'empêche de se hisser à bord. Lorsqu'elle aperçoit un avion de sauvetage qui survole le secteur, elle rassemble ses forces pour remonter sur le bateau où elle est secourue par un navire que l'avion guide vers le secteur. Le corps du conducteur est repêché à proximité.
De son côté, la troisième passagère, qui est, elle aussi, projetée à la mer, est déportée à quelque distance du groupe de trois et se retrouve seule dans une lagune où l'eau est plus calme. Elle ne peut voir ni les autres ni le bateau. Elle se laisse flotter, sans s'épuiser, visage vers le haut; au bout d'une heure, elle se sent sombrer dans l'inconscience. Elle est repêchée peu après.
1.3 Victimes
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 1 | 1 | - | 2 |
Disparus | - | - | - | - |
Blessés graves | - | 1 | - | 1 |
Blessés légers/ indemnes |
- | 1 | - | 1 |
Total | 1 | 3 | - | 4 |
Les deux passagères qui ont survécu savaient nager, de même que le conducteur, mais non le passager. Le conducteur et le passager se sont noyés.
Lorsqu'elle a été secourue, la survivante qui avait réussi à revenir au bateau souffrait d'hypothermie légère. Elle a reçu des soins dans un hôpital local et a reçu son congé.
Lorsque les sauveteurs ont trouvé l'autre passagère, qui était inconsciente, elle souffrait d'hypothermie avancée--elle n'avait pas de pouls et sa température corporelle était basse. Elle a pu être ranimée grâce à la respiration artificielle. Elle a été transportée en toute hâte à Tofino où elle a été hospitalisée et soignée. Elle a pu rentrer chez elle au bout de quelques jours.
1.4 Avaries et dommages
1.4.1 Avaries au bateau
Après la récupération du bateau, un examen a permis de faire les constatations suivantes:
- Les commandes des gaz des deux moteurs étaient placées à la position « en avant demie ».
- Le moteur de bâbord avait le capot inférieur enfoncé et le capot supérieur fissuré. Le filtre à air était imbibé d'eau et on a aussi constaté la présence d'eau sur le dessus des papillons d'admission d'air. Le cylindre numéro quatre était plein d'eau et il y avait indication de présence d'eau sur les bougies des autres cylindres.
- Le moteur de tribord était incliné au-delà du point de butée. Le capot était endommagé et la connexion de la batterie au solénoïde du démarreur montrait des dépôts de vert-de-gris, signe de corrosion. Il y avait de l'eau un peu partout à l'intérieur du capot. Il y avait des signes de pénétration d'eau dans tous les cylindres et quand on a fait tourner manuellement le moteur, de l'eau a été expulsée par les trous de bougies.
- Les tachymètres, l'horomètre de bâbord, le poste radiotéléphone à très haute fréquence (VHF), le système de positionnement global (GPS) et le radar étaient endommagés par l'eau de mer; cependant, tous les autres instruments et le câblage du panneau principal aux instruments étaient fonctionnels. La courroie coupe-moteur manquait.
- Les connexions de batterie étaient vert-de-grisées et corrodées.
- La vitre de la fenêtre de la cabine du conducteur était brisée, et on a trouvé des rayures et des éraflures sur le côté bâbord de la coque. Sur le toit de la cabine du conducteur, le dôme du radar, l'antenne et les feux étaient intacts.
1.4.2 Dommages à l'environnement
L'accident n'a pas fait de pollution.
1.5 Certificats et brevets
1.5.1 Certificats du bateau
1.5.1.1 Exigences réglementaires de Transports Canada et nouvelles initiatives
À l'heure actuelle, un bâtiment de moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers n'a pas besoin d'être inspecté par la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC) en vertu des règlements d'application de la Loi sur la marine marchande du Canada.
Au moment de l'événement, Transports Canada, de concert avec des intervenants de l'industrie, était en train de réviser les Normes de construction des petits bateaux (TP 1332F). Aux fins de l'inspection des petits bateaux, qu'il s'agisse de bateaux de pêche ou de navires à passagers, Transports Canada a l'intention de faire augmenter à 15 tonneaux la jauge à partir de laquelle l'inspection de la SMTC sera obligatoireNote de bas de page 4. Les normes proposées sont divisées en deux segments aux fins de leur application: navires de commerce et bateaux de plaisance. Les normes sont presque achevées; toutefois, les intervenants sont réticents à inclure des critères de stabilité minimaux pour l'exploitation commerciale de petits bâtiments. Après l'élaboration des normes de construction, d'autres mesures concernant les brevets des équipages, l'équipement de sécurité et les restrictions concernant les voyages seront adoptées.
Il n'existe pas, pour le moment, de normes régissant la construction des embarcations pneumatiques à coque rigide utilisées pour le transport de passagers et affectées à des activités comme l'observation de baleines, où le bateau n'est souvent exploité que par une seule personne et fait des sorties dans des eaux hauturières non abritées. Il y a cependant une norme de Transports Canada intitulée Normes relatives aux canots de secours (TP 7322F) qui s'applique aux embarcations pneumatiques à coque rigide utilisées comme « canots DE SECOURS »Note de bas de page 5. Ces canots de secours, aussi appelés « embarcations rapides de sauvetage », sont conçus pour sortir par gros temps, dans des conditions comme celles que l'on retrouve sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Les normes exigent notamment que:
- le bateau réponde à des critères de stabilité;
- des guirlandes soient installées à l'intérieur et à l'extérieur du bateau, afin de fournir à une personne se trouvant dans l'eau une prise pour s'agripper au bateau;
- le bateau soit muni d'une échelle de coque afin de permettre à une personne à la mer de monter à bord.
1.5.1.2 Mesures prises par l'industrie
Au moment de l'événement, une association spécialisée, la British Columbia Whale Watching Society du port de Victoria, était en train de passer en revue les méthodes d'exploitation des bateaux d'observation de baleines en vue d'établir des normes. Les normes proposées par l'industrie (de portée locale) s'intitulent Standards for Victoria Area Whale Watching Companies Operating Vessels of Less Than 5 Gross Tons and Carrying 12 or Fewer Passengers et traitent de la construction, des équipements de sécurité, de communication et de navigation, ainsi que de la compétence des conducteurs des bateaux. Elles demandent l'ajout d'équipement en sus de celui qu'imposent les règlements de Transports Canada. Voici certaines des exigences des normes:
- que les bateaux de construction ouverte aient à bord une combinaison de flottaison approuvée par le ministre des Transports (MDT/GCC) pour chaque adulte ainsi qu'un gilet de sauvetage approuvé de la bonne taille pour chaque enfant, et que ces combinaisons et gilets de sauvetage soient portés par tous les passagers et les membres de l'équipageNote de bas de page 6;
- qu'il y ait à bord trois fusées additionnelles pouvant loger dans la poche de la combinaison de flottaison du conducteur;
- que les navires de construction ouverte exploités par un seul conducteur soient munis d'un interrupteur ou d'une courroie coupe-moteur en cas d'urgence;
- qu'il y ait à bord un émetteur d'urgence à l'épreuve de l'eau, émettantsur la voie 16 de la bande VHF, muni d'une pile longue durée, fixé à un flotteur et attaché au bateau, ou d'une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) d'un type approprié pour l'activité et le rayon d'action du bateau (à mise en marche manuelle);
- que l'on retrouve à bord un autocollant portant des instructions pour l'envoi d'un appel MAYDAY, à l'intention des occupants autres que le conducteur;
- que le bateau soit muni d'un système de positionnement global (GPS) pour la navigation.
1.5.2 Brevets du personnel
À l'heure actuelle, la Loi sur la marine marchande du Canada n'impose pas d'exigence réglementaire concernant les brevets des conducteurs de bateaux du tonnage et du type du « OCEAN THUNDER »--moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers. Cependant, de nouvelles mesures mixtes de l'industrie et de Transports Canada, actuellement à l'étude, viseront les exigences en matière de qualifications et de brevets maritimes.
Dans l'événement à l'étude, le conducteur du « OCEAN THUNDER » était titulaire d'un brevet valide de capitaine de petit bateau à passagers ainsi que d'un certificat lui permettant de travailler temporairement comme mécanicien sur deux des plus gros navires exploités par la même compagnie. Il avait aussi terminé avec succès plusieurs cours: Navigation électronique simulée, niveau I (formation relative aux aides à la navigation électronique et au radar), Fonctions d'urgence en mer (FUM), niveau A1, Secourisme général, Certificat restreint de radiotéléphoniste (service maritime), Plongée en mer ouverte, et Canotage en eau calme.
Les deux passagères qui ont survécu avaient passé un certain temps à bord d'embarcations de plaisance, mais ni l'une ni l'autre n'avait de formation en bonne et due forme.
1.6 Antécédents du personnel
Le conducteur du bateau était au service de la compagnie depuis un peu plus d'un an. Il avait auparavant été pendant deux ans matelot sur de plus gros navires ailleurs en Colombie-Britannique, et il possédait de l'expérience diversifiée dans les activités récréatives de plein air. Il avait suivi le programme de formation offert par l'employeur, lequel comprenait un cours donné par une compagnie locale, de la formation pratique, et un stage de connaissance de la région aux côtés d'autres conducteurs. Après évaluation de son rendement, on lui avait confié la conduite du « OCEAN THUNDER ». Il avait déjà fait de nombreux voyages dans le secteur des récifs Plover.
L'horaire quotidien du conducteur variait selon le nombre de voyages à faire. Pendant la haute saison touristique, sa journée commençait ordinairement avec la sortie du matin à 9 h et se terminait avant le coucher du soleil, après la troisième sortie.
1.7 Conditions météorologiques et courants
1.7.1 Prévisions météorologiques
Le bulletin météorologique de trois jours pour la côte ouest de l'île de Vancouver diffusé par Environnement Canada à 6 h 24, le samedi 21 mars, contenait un avertissement de coup de vent. On y prédisait l'arrivée d'un système assez intense qui traverserait la côte le samedi, accompagné de pluie et de vent, ce qui donnerait de l'air frais instable ainsi que des averses le dimanche 22 mars; ce système serait suivi d'un autre système frontal qui amènerait encore plus de pluie et de vent le lundi 23 mars.
Le bulletin du dimanche 22 mars à 10 h 30 faisait état de vents légers se changeant en vents d'est de 15 à 20 noeuds au cours de la nuit, et augmentant à 20 à 30 noeuds le lundi matin. Le bulletin prévoyait un ciel surtout nuageux et quelques averses, ainsi qu'une mer de 3 ou 4 m. L'aperçu prévoyait des vents forts à des coups de vent.
Au moment de l'événement, la bouée météorologique La Perouse, au sud-ouest de Tofino, enregistrait des vents de 10 noeuds, des hauteurs de l'onde significative de 3 ou 4 m, ainsi que des températures de l'air et en surface de 11,5°C. L'information recueillie d'autres navires se trouvant dans ce secteur indique que les conditions météorologiques difficiles du matin s'étaient un peu améliorées dans l'après-midi.
Dans la soirée du 23 mars, alors que l'enquête sur cet événement était en cours, un système frontal a survolé Tofino, privant d'électricité la majeure partie de la ville. La force du système a confirmé l'exactitude de l'avertissement de coups de vent que contenait le bulletin météorologique.
1.7.2 Courants
Le volume 1 des Sailing Directions--British Columbia Coast (South Portion) prévient que les courants de marée sont accentués par les rafales dans les grands bras de mer, surtout lorsque des vents forts soufflent du sud-est et du sud-ouest. Le 22 mars, la marée basse à Tofino est survenue à 13 h 55.
1.7.3 Survie en eau froide
La température de l'eau de mer était de 11,5°C. Selon des études menées sur le taux de refroidissement, un adulte de taille moyenne (portant un gilet de sauvetage normalisé et des vêtements légers) qui se tient immobile dans l'eau de mer à une température de 11,5°C devrait survivre environ 1,8 heure. Un supplément de graisse corporel accroît le temps de survie.
Le conducteur mesurait 1,79 m et pesait environ 97 kg. Il portait une combinaison VFI dont la fermeture-éclair était partiellement ouverte par-dessus des vêtements de saison. Le passager qui a perdu la vie mesurait 1,86 m et pesait environ 147 kg. Il ne savait pas nager et portait une combinaison VFI complètement fermée par-dessus des vêtements de saison.
Les combinaisons ont protégé les occupants des rudes conditions ambiantes. Selon le fabricant de la combinaison, celle-ci assure une protection thermique qui a pu multiplier de deux à quatre fois le temps de survie des naufragés.
1.8 Recherche et sauvetage
1.8.1 Suivi du plan de route
Le plan de route du bateau avait été confié au répartiteur de la compagnie, mais il n'existait pas de procédure établie pour suivre régulièrement la progression de l'embarcation. Le bateau communiquait avec le répartiteur et d'autres bateaux au besoin. Les communications se faisaient par radiotéléphone VHF. Le répartiteur avait remarqué--et le conducteur en était conscient--que la réception radio était mauvaise à bord du « OCEAN THUNDER » le jour de l'événement et qu'on perdait souvent le contact quand le bateau était en haute mer. Il n'y avait aucun problème connu concernant la couverture VHF ou la réception en général dans ce secteur. Habituellement, le conducteur avertissait le répartiteur quand le bateau débutait le trajet du retour.
1.8.2 Opérations de recherche et sauvetage
Quand le bateau n'est pas rentré à l'heure prévue sans donner de ses nouvelles, le répartiteur a communiqué avec d'autres navires se trouvant dans le secteur vers 14 h 50 et avec le propriétaire une quinzaine de minutes plus tard. Lorsqu'il a été établi qu'aucun autre navire n'avait aperçu le « OCEAN THUNDER », le propriétaire a appelé Tofino Air et un aéronef est parti à la recherche du « OCEAN THUNDER ». Il a aussi demandé aux autres navires se trouvant dans le secteur d'aider aux recherches et il a communiqué avec la station de canots de sauvetage de Tofino pour l'avertir que son navire était en retard. À 15 h 41, la station de canots de sauvetage de Tofino a informé de la situation le Centre de coordination des opérations de sauvetage de Victoria, déclenchant une opération de recherche et sauvetage (SAR) en bonne et due forme. Deux aéronefs et neuf embarcations de surface ont pris part aux recherches. L'aéronef à voilure fixe de Tofino Air est arrivé sur les lieux à 15 h 57 et il a repéré le bateau à la dérive près des récifs Plover, avec une personne assise à bord. D'autres bateaux appartenant à des exploitants commerciaux et à la Garde côtière canadienne (GCC), qui s'était jointe aux recherches, ont secouru les passagères survivantes et récupéré les corps des autres occupants du « OCEAN THUNDER ».
1.9 Équipement de sauvetage
Le « OCEAN THUNDER » avait à bord l'équipement de sauvetage requis pour un bâtiment de sa taille et de son typeNote de bas de page 7. Au lieu des gilets de sauvetage, il était muni d'une combinaison VFI monopièce pour chaque personne à bord, portée par tous les passagers et le conducteur. Certaines des combinaisons étaient fabriquées selon les normes CAN/CGSB-65.11-M88, « Vêtements de flottaison individuels », et portaient l'inscription « combinaison isotherme »Note de bas de page 8. Les passagers avaient complètement fermé leurs combinaisons, mais non le conducteur. Les six feux exigés par le Règlement sur les petits bâtiments, ainsi qu'une trousse de premiers soins, étaient rangés dans le caisson d'étrave. Aucune des survivantes ne savait où se trouvait cet équipement d'urgence, et on ne leur avait pas montré à s'en servir. Les occupants, projetés à la mer, n'ont jamais pu se servir des feux.
1.10 Équipement de signalisation d'urgence
L'équipement de signalisation d'urgence se divise en deux catégories, l'équipement « automatique » et l'équipement « actionné par le survivant », comme on peut le voir dans le tableau suivantNote de bas de page 9 :
ÉQUIPEMENT DE SIGNALISATION D'URGENCE
TYPE | JOUR | NUIT |
---|---|---|
COURTE PORTÉE | ||
- automatique | - orange international | - feux de tendelet |
- actionné par le survivant | - signaux fumigènes - fusées éclairantes - miroirs - sifflets |
- lampes de poche/fanaux - fusées éclairantes - signaux pyrotechniques - sifflets |
LONGUE PORTÉE | ||
- automatique | - RLS | - RLS |
- actionné par le survivant | - radio portative | - radio portative |
L'équipement de signalisation d'urgence à courte portée est surtout destiné à alerter d'autres embarcations qui se trouvent à portée visuelle, afin d'obtenir des secours rapides. L'équipement de signalisation d'urgence à longue portée fait appel au matériel radio. La plus grande portée des ondes radioélectriques permet d'atteindre un plus grand nombre de stations radio de navire et terrestre pour déclencher rapidement une intervention SAR.
Le « OCEAN THUNDER » n'avait à bord ni poste VHF d'urgence (portatif) ni RLS, et il n'existe aucune exigence réglementaire à cet égard. La soudaineté avec laquelle les occupants du bateau ont été projetés à l'eau a empêché la transmission d'un appel MAYDAY.
Il existe sur le marché diverses RLS. La plus ou moins grande précision avec laquelle elles transmettent la position peut affecter le délai d'intervention et, de ce fait, le succès éventuel d'une mission SAR. Il faut mettre beaucoup de soin à déterminer l'équipement qui convient le mieux au type d'exploitation envisagé.
La GCC a entrepris d'améliorer les communications radio de détresse sur VHF en fournissant un service d'appel sélectif numérique (ASN) sur VHF. Cette nouvelle radio numérique transmet (soit par poste portatif ou fixe) automatiquement un signal d'alerte de détresse numérique à toutes les stations sur la voie 70 de la bande VHF. Ce signal d'alerte identifie le navire, donne sa position (fournie par le GPS) et indique la nature de la situation de détresse. Les navires de commerce de plus de 8 m devront avoir cette capacité d'ASN sur VHF; les bâtiments plus petits pourront s'en doter, mais sur une base volontaire.
1.11 Sécurité et registre d'entretien
Des réunions relatives à la sécurité étaient organisées périodiquement par la compagnie. La dernière avait eu lieu environ deux semaines avant l'événement. L'enquête a révélé que les combinaisons VFI étaient entretenues et inspectées régulièrement par le représentant du propriétaire. Les règlements n'exigent pas la tenue de registres d'entretien pour les combinaisons VFI. Le propriétaire tenait cependant un registre.
Analyse
2.1 Influence des conditions météorologiques dans le secteur de l'événement
Apparemment, le temps était clair et il y avait une légère brise au début de l'excursion d'observation de baleines. Cependant, la houle tourmentée produite par le système frontal précédent, ainsi que la nouvelle houle générée par l'arrivée d'un second système frontal, ont probablement causé la formation de vagues déferlantes dans les récifs Plover, créant une zone d'eau tumultueuse. Une visite au lieu de l'événement a permis de constater que, même dans des conditions relativement calmes, le secteur se caractérisait par des brisants et une mer moutonneuse.
2.2 Chavirement ou envahissement
Lorsqu'on a retrouvé le bateau, il était à l'endroit et une des survivantes avait réussi à s'y hisser. Le fait que la tête de mât et le toit de la cabine étaient intacts et l'absence de court-circuit dans le système électrique de la cabine portent à croire que le bateau est revenu essentiellement à la verticale après le coup de roulis prononcé qui a projeté tous les occupants à la mer.
2.3 Décision de faire une sortie
La décision de faire ou non une excursion revient au propriétaire et au conducteur. Toutefois, en l'occurrence, le propriétaire a laissé le conducteur entièrement libre de prendre seul la décision.
Par le passé, le propriétaire du bateau avait songé à annuler un voyage lorsqu'il y avait moins de quatre passagers et que les conditions météorologiques étaient défavorables. Dans l'événement à l'étude, même si le bateau devait évoluer légèrement chargé dans des eaux tumultueuses, le propriétaire n'est pas intervenu. Le conducteur, qui prend la décision sur place, est libre d'annuler un voyage si les conditions sont trop difficiles.
Même si le propriétaire ou le conducteur ne compromettrait pas sciemment la sécurité, la dynamique de la décision de faire ou non une excursion peut être influencée par des considérations commerciales. Dans une entreprise, les annulations réduisent les recettes. Dans sa décision, l'employé tient compte de son impact sur les affaires de l'entreprise.
2.4 Exploitation de petits bateaux et sécurité
En milieu maritime, comme divers éléments qui déterminent la sécurité d'un navire sont interreliés, on est souvent tenu de faire des choix. Chaque navire, peu importe son tonnage, a des limites d'utilisation et, dans certaines circonstances, un petit bâtiment comme une embarcation pneumatique à coque rigide est plus vulnérable qu'un grand navire à des éléments de risque. Il est donc essentiel qu'un conducteur soit conscient des limites d'utilisation de son bateau. Dans l'événement à l'étude, même si le conducteur n'était pas obligé d'avoir de brevet officiel, il était qualifié pour exploiter un petit navire à passagers. Il possédait de l'expérience pratique qui le rendait apte à exploiter le « OCEAN THUNDER ». Il avait déjà fait un grand nombre de voyages dans le secteur.
Au cours d'un précédent voyage, le bateau s'était retrouvé dans des eaux tumultueuses à proximité des récifs et il avait presque été envahi, ce qui avait effrayé certains passagers. Comme ce secteur est réputé pour sa faune et sa flore marines, le conducteur a quand même décidé d'y retourner au cours de l'excursion de l'après-midi.
Dans un milieu maritime où la concurrence est vive et les opérations sont saisonnières, la qualité du service et la satisfaction de la clientèle sont essentielles au succès de petites entreprises comme les exploitants d'excursions d'observation de baleines. Les passagers s'attendent à voir des baleines et veulent observer la faune et la flore marines. Le conducteur peut donc s'être senti obligé de répondre à ces attentes--sans compromettre la sécurité du bateau--pour satisfaire ses clients et élargir sa clientèle. Selon les observations de passagers qui ont voyagé sur le « OCEAN THUNDER », le conducteur avait confiance dans sa capacité de bien manoeuvrer son bateau ainsi que dans les qualités de celui-ci qui le rendaient apte à affronter des conditions difficiles.
Les conditions météorologiques s'étaient un peu améliorées avant le début de l'excursion de l'après-midi, et le conducteur a décidé de revisiter les environs des récifs Plover. Même si le temps s'était un peu calmé, il devait y avoir encore de la houle à proximité des récifs. Malgré tout, le conducteur a décidé d'y retourner. On peut donc croire que, même si le conducteur était bien formé et expérimenté, il a mal évalué les conditions que le bateau allait affronter près des récifs, ainsi que l'impact que la navigation dans de telles eaux allait avoir sur la sécurité des passagers.
La décision du conducteur de retourner aux récifs Plover peut s'expliquer en partie par l'amélioration des conditions météorologiques, par le désir de satisfaire ses clients et par sa certitude que le navire pourrait affronter sans danger de telles conditions.
2.5 Facteurs influant sur la survie
On a relevé des cas où de bons nageurs, sans aucun problème médical, en bonne santé et alertes, se sont noyés. Quiconque pénètre dans l'eau rapidement ou y tombe peut être désorienté. Les personnes qui doivent affronter une situation difficile qui évolue rapidement réagissent de diverses façons. L'aptitude d'une personne à survivre quand elle est plongée dans l'eau froide est déterminée par un certain nombre de facteurs, notamment:
- les répercussions psychologiques de l'immersion dans l'eau,
- les conditions météorologiques,
- la capacité de la personne à éviter la noyadeNote de bas de page 10.
2.5.1 Pertes de vie
Dans l'événement à l'étude, les pertes de vie sont attribuables à la noyade.
Passager
Comme les combinaisons des passagers étaient complètement fermées, elles ont dû assurer une protection thermique, retarder le début de l'hypothermie et augmenter les chances de survie. Le passager ne savait pas nager et les eaux étaient tumultueuses. Ces deux facteurs, s'ajoutant à l'angoisse qu'il a ressentie en tombant dans l'eau froide, ont dû amoindrir sa capacité de résister à la noyade.
Équipage
On n'a pu déterminer si la combinaison du conducteur était complètement fermée au moment où il est entré dans l'eau. Cependant, on sait qu'il s'est débarrassé de ses bottes en entrant dans l'eau froide. Une combinaison mal enfilée et l'exposition de la tête, des membres, de la poitrine et de l'aine rendent une personne plus vulnérable à l'hypothermie. Une des survivantes l'a vu s'affaiblir progressivement avant de sombrer dans l'inconscience. Une fois inconscient, il était plus exposé à avaler de l'eau de mer dans la mer agitée.
2.6 Gilet de sauvetage, vêtements de flottaison individuels (VFI) et survie
Les combinaisons VFI que portaient les passagers et le conducteur du « OCEAN THUNDER » étaient approuvées par le ministère des Transports/la GCCNote de bas de page 11. Les combinaisons VFI sont conçues pour atténuer le choc thermique dû à l'immersion dans l'eau froide, retarder le début de l'hypothermie, assurer une flottaison acceptable et diminuer le risque de noyade. Elles ne sont pas étanches et elles ne prolongent pas autant le temps de survie des personnes qui les portent que les combinaisons étanches (combinaisons d'immersion).
Les gilets de sauvetage normalisés, contrairement aux VFI, doivent respecter des normes rigoureuses de flottabilité et être capables de retourner une personne inconsciente dans l'eau pour qu'elle ait le visage vers le haut, mais ils n'assurent pas une bonne protection thermique dans l'eau froideNote de bas de page 12. Leur conception même les rend encombrants et on ne les porte que dans les situations d'urgence. Les VFI, par contre, y compris les combinaisons VFI, assurent une bonne protection thermique dans l'eau froide tout en ayant des propriétés de flottaison acceptables. Selon l'information fournie par les fabricants, le temps de survie minimal d'une personne portant une combinaison VFI est plus de deux fois supérieur à celui d'une personne portant un gilet de sauvetage normalisé, et parfois même jusqu'à huit fois, selon la température de l'eauNote de bas de page 13.
2.6.1 VFI avec coussins/collets gonflables et gilets de sauvetage gonflables
Les navires de moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers sont tenus d'avoir à bord un gilet de sauvetage normalisé ou un gilet de sauvetage pour petites embarcations pour chaque personne à bord.
Des VFI approuvés, comme des combinaisons VFI munies d'oreillers ou de collets gonflables, qui sont conçus pour garder la tête des personnes qui les portent hors de l'eau afin de réduire le risque de noyade, sont offerts sur le marché, mais ils n'ont pas la capacité de retourner une personne--inconsciente dans l'eau--de façon à lui tourner le visage vers le haut. Le projet de normes de Transports Canada qui rendraient les gilets de sauvetage gonflables conformes aux normes de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) en est aux derniers stades de la révision. À l'heure actuelle, il existe déjà sur le marché des VFI gonflables approuvés par la GCC qui ont la propriété de retourner une personne--inconsciente dans l'eau--pour qu'elle ait le visage tourné vers le haut, mais ceux-ci n'assurent pas de protection thermique. On pense que le port de gilets de sauvetage gonflables ou de VFI gonflables aux propriétés semblables à celles du gilet de sauvetage par-dessus les combinaisons VFI pourrait être autorisé. Cela n'irait pas sans certains inconvénients et il faudrait mettre beaucoup de soin dans le choix de l'équipement de sauvetage individuel le mieux adapté aux fins visées. Les combinaisons assurent soutien et flottabilité à l'ensemble du corps tandis que les gilets de sauvetage normalisés fournissent soutien et flottabilité à la partie supérieure du corps. Ainsi, la capacité de redressement d'un VFI ou d'un gilet de sauvetage, normalisé ou gonflable, serait affaiblie si l'article était porté par-dessus une combinaison VFI.
2.6.2 Surveillance réglementaire
En vertu du régime réglementaire actuel, une combinaison VFI n'est qu'un moyen de faire flotter la personne qui la porte; elle ne peut pas remplacer le gilet de sauvetage approuvé, car elle n'est pas conçue pour jouer le même rôle. Ni les règlements qui étaient en vigueur au moment de l'événement, ni la nouvelle version du Règlement sur les petits bâtiments qui a pris effet le 31 mai 1998 (environ deux mois après l'événement) n'exigent une protection thermique pour les passagers, protection qui serait pourtant un outil de survie capital dans les eaux froides du Canada. Afin de maximiser le temps de survie d'une personne plongée dans l'eau, tous les équipements de sauvetage individuels utilisés dans les eaux canadiennes devraient aussi bien fournir une protection thermique qu'offrir une flottabilité inhérente. Cette nécessité a été soulignée, depuis plus de 10 ans, dans un grand nombre de rapports d'enquête sur des accidents maritimes. Le Bureau, préoccupé par les risques élevés que font courir à la vie humaine les eaux froides du Canada, a recommandé que Transports Canada exige que les petits bateaux aient à bord des combinaisons de travail isothermes ou des combinaisons d'immersionNote de bas de page 14.
Même si cette recommandation concernait les petits bateaux de pêche, elle est aussi valable pour tous les petits bâtiments, qu'il s'agisse de petits bateaux de pêche, de petits navires à passagers ou d'embarcations de plaisance. Pourtant, le nouveau règlement, le Règlement sur les petits bâtiments, qui réglemente la sécurité des petits bâtiments, ne tient pas compte de la recommandation.
La SMTC estime qu'il serait coûteux et contre-productif d'imposer par règlement aux bateaux d'avoir à bord un dispositif particulier, surtout si l'obligation de transport ne s'accompagne pas d'une « obligation de port ». La STMC est d'avis que l'industrie a toujours soutenu que l'équipement minimal exigé par les règlements devait être complété par du matériel additionnel déterminé par l'exploitant en fonction du « risque » perçu. Concurremment, dans sa décision no 6587, le Bureau d'inspection des navires à vapeur permet aux navires se livrant à l'observation de baleines de remplacer les gilets de sauvetage normalisés par des combinaisons VFI pleine longueur, pourvu que les passagers et les membres de l'équipage les portent pendant toute la durée du voyage.
2.7 Soin, entretien et inspection des VFI
Les VFI, au moment de leur approbation, ont une flottabilité supplémentaire intégrée selon une formule et le facteur de rétention de la flottabilité du type de mousse utilisé. En théorie, le dispositif se retrouve à sa flottabilité minimale prévue au bout de cinq ans d'usage récréatif occasionnel. La durée de vie utile d'une combinaison dépend de la fréquence à laquelle elle est utilisée ainsi que de la détérioration et de l'usure qu'elle subit. Il est donc difficile, sans inspection, de déterminer l'espérance de vie.
Les combinaisons VFI qui sont souvent utilisées et exposées aux éléments (au soleil en particulier) ont tendance à se détériorer avec le temps. À l'heure actuelle, Transports Canada n'exige pas la vérification ou le remplacement des VFI qui prennent de l'âge ou sont souvent utilisés. Cependant, Transports Canada et les fabricants recommandent que les combinaisons soient vérifiées annuellement, soit par leurs propriétaires soit par un représentant agréé du fabricant. Transports Canada recommande que les propriétaires fassent les vérifications dans une piscine afin de voir si le dispositif assure une flottaison adéquate--car il s'agit de la seule méthode pratique de déterminer la perte de flottabilité à la fin de chaque saison. Des renseignements sur l'entretien et les précautions sont disponibles auprès des fabricants.
C'est aux propriétaires/exploitants des bateaux qu'incombe la responsabilité de s'assurer que ces combinaisons sont bien entretenues et en état d'être utilisées. Il n'existe pas d'exigences d'inspection, et il n'est pas nécessaire que les propriétaires/exploitants tiennent des registres d'entretien. Dans l'événement à l'étude, le propriétaire tenait des registres d'entretien pour ses combinaisons VFI.
2.8 Port d'imperméables par-dessus des combinaisons VFI
Certains exploitants de bateaux d'observation de baleines prônent le port de cirés ou d'imperméables par-dessus la combinaison VFI, parce qu'ils croient que les combinaisons les plus anciennes ne sont pas très étanches; les nouvelles combinaisons, cependant, reçoivent un traitement imperméabilisant qui empêche l'eau de s'infiltrer dans le matériau. Comme les passagers reçoivent de l'eau et des embruns quand ils sont assis dans le bateau ouvert, l'usage s'est implanté afin de leur assurer un plus grand confort.
Cela complique toutefois la situation lorsque des personnes qui portent à la fois la combinaison VFI et un imperméable tombent à l'eau. La combinaison VFI est munie, aux poignets et aux chevilles, de bandes velcro qui, si elles sont utilisées de la bonne façon, peuvent jusqu'à un certain point empêcher l'infiltration d'eau. Le principe de ces combinaisons c'est, tout comme les vêtements de plongée non étanches, d'admettre par les extrémités une petite quantité d'eau qui se réchauffe au contact du corps et ralentit ensuite la perte de chaleur corporelle. Les combinaisons sont toutefois gênantes pour gravir des échelles ou monter à bord de navires. L'imperméable porté par-dessus une combinaison VFI risque d'emprisonner, entre la combinaison et l'imperméable, de l'eau qui contribuera à entraver encore davantage les mouvements de la personne qui les porte. L'imperméable, surtout lorsqu'il s'agit d'un vêtement long comme celui que portait l'un des passagers, offre plus de prise à l'action du courant et de la turbulence sous-marine.
2.9 Remontée à bord du navire
À cause de la nature particulière de leurs activités, les bateaux employés pour l'observation de baleines n'ont qu'un équipage d'une personne et sont exploités en eau libre. Ainsi, ils sont soumis à certaines exigences qui s'appliquent aussi aux canots de secours.
Quelqu'un qui tombe à l'eau peut retarder le début de l'hypothermie et augmenter ses chances de survie en remontant à bord d'un bateau. Or, la conception de la plupart des petites embarcations pneumatiques à coque rigide à passagers complique la tâche de la personne à l'eau qui voudrait se hisser à bord. La difficulté est encore plus grande lorsqu'il n'y a ni échelle de coque ni autre dispositif auquel pourrait s'agripper la personne tombée à l'eau. L'échelle de coque est obligatoire pour les canots de secours/embarcations rapides de sauvetage, mais non pour les petits navires à passagers. Or, son absence diminue les chances de survie d'une personne tombée à l'eau.
Le « OCEAN THUNDER » était muni de guirlandes, mais elles ne descendaient pas jusqu'au niveau de la flottaison du côté extérieur. Le rôle principal de ces guirlandes serait de permettre à des personnes dans l'eau de s'y agripper pour rester tout près du bateau. Toutefois, même si ces guirlandes passaient tout près de la flottaison, il n'en demeurerait pas moins difficile pour la plupart des passagers de grimper sur les boudins pour monter à bord.
2.10 Accessibilité et pertinence de l'équipement de signalisation d'urgence
Lorsque le navire est venu en travers, projetant ses occupants à l'eau, l'équipement de signalisation d'urgence du bord (qui se limitait à des fusées) n'était plus accessible qu'en remontant à bord du bateau inondé. Le navire, qui avait dérivé, n'est revenu près des survivants que quelques minutes avant l'apparition des unités de secours et l'imperméable porté par-dessus la combinaison VFI gênait les mouvements pour remonter sur le bateau.
Les fusées, qui ont une portée visuelle restreinte, ne peuvent servir qu'à attirer l'attention d'autres navires qui se trouvent dans le secteur. Leur utilité était donc limitée pour obtenir de l'aide.
Il y avait à bord du bateau un radiotéléphone VHF qui était utilisé pour communiquer avec les bureaux de la compagnie à terre. Le jour de l'événement, le VHF du « OCEAN THUNDER » ne fonctionnait pas bien et on avait des problèmes de réception des messages du bateau. Il n'existe aucun problème connu en ce qui concerne la couverture VHF dans ce secteur. Comme le navire n'était pas tenu d'avoir de RLS ou de radio portative étanche, le seul moyen de communication du bord a été perdu lorsque les occupants ont été soudainement projetés à l'eau.
Un temps précieux a été perdu parce que les opérations SAR n'ont débuté que lorsque le bateau n'est pas rentré à sa base à l'heure prévue. Si le conducteur avait eu sur lui une radio de détresse portative étanche et flottante, fixée par une courroie à un endroit approprié de sa combinaison VFI, il aurait pu (ou, si lui-même en avait été incapable, quelqu'un d'autre aurait pu le faire à sa place) transmettre immédiatement un appel de détresse. Dans des circonstances comme celles de l'événement à l'étude, il est possible qu'une RLS ne surnage pas librement et il est improbable qu'on ait l'occasion de la mettre en marche manuellement.
Dans les eaux froides du Canada, le succès d'une mission SAR dépend du signalement rapide de la situation de détresse aux autorités SAR (en précisant la position du navire et tout autre renseignement utile) ainsi que de la prompte affectation des ressources SAR. L'absence d'équipement de communication d'urgence peut faire perdre un temps précieux et nuire au succès de la mission SAR.
2.11 Survie et formation sur les Fonctions d'urgence en mer (FUM)
Même s'il n'y était pas obligé en vertu des règlements, le conducteur du « OCEAN THUNDER » avait suivi une formation sur les FUM. Lorsque les occupants du bateau sont tombés à l'eau, le conducteur a montré des qualités de chef dans cette situation difficile, face au danger imminent. Alors qu'une des survivantes dérivait loin de lui, il a continué à prodiguer des directives et des encouragements à celle qui était toujours près de lui. Les actes du conducteur et la survie d'une passagère sont en partie attribuables aux cours de FUM suivis par le conducteur. Le fait que deux passagères aient survécu montre la valeur des cours de FUM. Le Bureau, craignant que l'absence d'une telle formation ne compromette la sécurité du personnel dans des situations d'urgence, a fait part de ses préoccupations dans un grand nombre de rapports et a fait des recommandations au ministre des Transports concernant la formation sur les FUMNote de bas de page 15. Selon Transports Canada, les modifications qu'on se propose d'apporter au Règlement sur l'armement en équipage des navires rendront obligatoire une formation de base sur les FUM pour tous les membres des équipages de navires jaugeant plus de cinq tonneaux de jauge brute. Les propriétaires et les capitaines de ces bâtiments demeureront responsables de la formation sur les FUM des membres d'équipage non brevetésNote de bas de page 16.
2.12 Communications et exposé d'information sur la sécurité avant l'appareillage
Les consignes de sécurité données aux passagers se limitaient à des instructions sur la façon d'endosser les combinaisons VFI. Même si le bateau n'avait qu'un équipage d'une seule personne, soit le conducteur, un exposé d'information sur la sécurité avant l'appareillage n'a pas été donné (comme le demande le Bulletin de la sécurité des navires 4/95); en effet, aucune indication n'a été donnée sur l'endroit où étaient arrimées les pièces pyrotechniques, sur la façon de s'en servir, sur la procédure à suivre pour les communications de détresse et d'urgence ou sur ce que les passagers devaient faire en cas d'accident. Le conducteur peut être frappé d'incapacité dans une situation d'urgence; c'est pourquoi, s'il est seul à bord, la sécurité des passagers commande qu'on leur explique les procédures d'urgence pour les préparer à toute éventualité et atténuer les conséquences négatives des accidents. Le Bureau, inquiet pour la sécurité des passagers, a recommandé au ministère des Transports qu'il soit obligatoire dans de telles opérations de donner aux passagers des directives de sécurité avant l'appareillageNote de bas de page 17. En réponse à cette recommandation, la SMTC a diffusé le Bulletin de la sécurité des navires 4/95 à titre de mesure de sécurité provisoire devant être suivie par des mesures réglementaires (notamment des modifications au Règlement sur les petits bâtiments). Dans ce bulletin, on avertit les conducteurs de donner des consignes de sécurité aux passagers avant l'appareillage, notamment de leur dire en gros ce qu'ils devront faire en cas d'urgence et de leur indiquer les principaux moyens dont ils disposent pour attirer l'attention et obtenir de l'aide.
Dans l'événement à l'étude, le mauvais fonctionnement du radiotéléphone VHF a empêché de faire rapport périodiquement. Cependant, une intervention a été déclenchée quand le navire n'est pas rentré à sa base à l'heure prévue.
2.13 Régime réglementaire et sécurité
2.13.1 Envergure des opérations de petits navires à passagers et normes de l'industrie
Il y a environ 30 000 à 40 000 petits navires de commerce qui sont exploités au Canada (à l'exclusion des petits bateaux de pêche), dont beaucoup sont utilisés pour le transport de passagers. Un grand nombre sont employés pour des croisières touristiques, l'observation de baleines, la pêche sportive ou des affrètements, et il s'agit souvent de bateaux qui ne sont pas spécialement conçus pour le transport de passagers, surtout des remorqueurs et des petits bateaux de pêche. L'industrie en Colombie-Britannique est constituée d'un grand nombre de propriétaires indépendants qui opèrent à partir de centres urbains et d'endroits éloignés sur l'île de Vancouver, les îles du détroit de Georgia et la côte continentale ouest du Canada. Il existe des exploitations similaires dans tout le Canada, y compris sur la côte est, dans la voie maritime du Saint-Laurent et sur les Grands Lacs.
L'observation de baleines, en particulier, est une industrie en pleine expansion et qui n'est guère encadrée. Plusieurs de ses chefs de file, à cause des exigences peu élevées en matière de jauge/passagers du régime réglementaire actuel, ont adopté des exigences en matière de transport qui excèdent le minimum réglementaire. À Victoria, une quinzaine de compagnies régionales se sont engagées à respecter les normes de l'industrie; la majeure partie des autres, cependant, ne font partie d'aucune association parallèle du genreNote de bas de page 18.
Même s'il existe des niveaux de sécurité différents chez les exploitants canadiens, la norme volontaire élaborée à Victoria peut servir de guide ailleurs, en la modifiant comme il convient pour le type et la zone d'exploitation. Toutefois, dans les eaux variées et parfois très éloignées du littoral canadien, l'influence d'une association volontaire demeure limitée et localisée; donc, la diffusion et l'application de normes du genre profiteraient de l'appui d'un organisme ou d'une organisation nationale. Quoi qu'il en soit, jusqu'à ce qu'on ait élaboré diverses normes régissant toute la gamme d'activités maritimes mettant en cause le transport de passagers, la sécurité de ceux-ci demeurera variable et assujettie au degré de conscientisation du propriétaire/exploitant.
2.13.2 Auto-réglementation de l'industrie locale
Malgré l'absence d'exigences réglementaires, l'industrie (locale) a pris conscience de la nécessité d'avoir à bord de l'équipement de sécurité qui offre une protection thermique. En conséquence, certains propriétaires de bateaux d'observation de baleines (dont ceux du « OCEAN THUNDER ») fournissent des combinaisons VFI que les passagers et membres d'équipage mettent avant le début de l'excursion. Ce ne sont cependant pas tous les propriétaires de bateaux qui font partie de l'association/organisation. Tant qu'il n'existera pas de norme s'appliquant à tous les propriétaires, quelques-uns seulement (ordinairement ceux qui font partie d'organisations de l'industrie) voudront bien assumer le fardeau financier que représentent l'achat et l'entretien d'équipement requis pour permettre une exploitation en toute sécurité. C'est ce qui explique que tous les exploitants n'offrent pas le même niveau de sécurité. Il n'y a aucun mécanisme en place pour faire prendre conscience à la population de ces différences dans les niveaux de sécurité offerts.
2.13.3 Diffusion de l'information touchant la sécurité
La SMTC se sert des bulletins de la sécurité des navires comme outil de promotion de la sécurité; ces bulletins ont une large diffusion. Toutefois, l'enquête a révélé qu'ils n'atteignaient pas toujours l'auditoire cible. Dans ce cas, certains exploitants de petits navires à passagers n'étaient pas au courant du programme et ne connaissaient pas l'existence des bulletins de la sécurité des navires. En outre, ces bulletins ne figurent pas sur le site Web de Transports Canada et il n'existe aucun autre moyen d'obtenir/de recevoir l'information sur la sécurité qu'ils contiennent.
2.13.4 Mesures de réglementation fédérales
Les bâtiments de moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers comme le « OCEAN THUNDER » ne sont pas inspectés. En outre, Transports Canada est en train de modifier la Loi sur la marine marchande du Canada afin d'éliminer l'inspection réglementaire de tous les navires de commerce de moins de 15 tonneaux et transportant au plus 12 passagers. Les navires qui se lancent dans le transport de passagers ne seront pas obligés de le signaler à Transports Canada et ils ne seront pas soumis à une inspection initiale. Cependant, Transports Canada incitera les exploitants à demander une inspection volontaire de leurs bâtiments.
2.13.5 Initiatives provinciales
Comme il n'y a pas d'inspection obligatoire, il est nécessaire de s'assurer que les passagers puissent compter sur un minimum de sécurité. La province de Québec, consciente de l'importance de cette sécurité minimale pour l'industrie du tourisme, a adopté, en février 1998, un décretNote de bas de page 19 exigeant que tous les petits navires à passagers de moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers soient inspectés (par un expert maritime professionnel agréé par Transports Canada) et aient une assurance-responsabilité minimale d'un million de dollars. L'inspection en question englobe le navire ainsi que les lieux d'embarquement et de débarquement. L'expert maritime enverra une lettre de conformité stipulant que le navire répond aux exigences réglementaires de Transports Canada et est bien équipé pour assurer la sécurité de ses passagers (tel que décrit dans le rapport de l'expert maritime), et que son équipage possède les connaissances requises pour exercer l'activité commerciale prévue dans le secteur ou le territoire en cause.
Au moment de l'événement, des compagnies de la British Columbia Whale Watching Society du port de Victoria avaient pris des mesures afin d'établir pour l'industrie des normes locales visant particulièrement leur type d'exploitation. Ces normes touchent divers aspects, notamment le transport d'équipement de sécurité, de communication et de navigation, la construction du navire et la compétence des conducteurs. À l'heure actuelle, la version définitive des normes est achevée et la mise en application est en bonne voie.
2.13.6 Surveillance réglementaire et sécurité
Bien que l'inspection ne soit pas obligatoire pour tous les petits navires à passagers, la SMTC peut inspecter les navires qui ont accepté de respecter les normes volontaires. La plupart des exploitants ont besoin d'une forme quelconque de permis commercial et la coopération des services municipaux qui délivrent ces permis est essentielle. De plus, les assureurs peuvent exiger une inspection/un certificat. La SMTC voit dans ces permis de bons outils pour accroître la conformité et elle continuera d'encourager le maintien de cette formule comme solution de rechange à une législation prescriptive. Toutefois, jusqu'à maintenant, il n'existe pas d'entente en bonne et due forme entre les appareils de réglementation locaux, les assureurs qui exigent des inspections et la SMTC, et aucun système similaire à celui qui a été implanté au Québec n'a été mis en place pour assurer un niveau acceptable de sécurité à tous les passagers.
Faits établis
- Le « OCEAN THUNDER », légèrement chargé, naviguait dans des brisants et des eaux tourmentées près des récifs Plover.
- Il était arrivé au propriétaire de songer à annuler des sorties en mer lorsque moins de quatre passagers avaient réservé et que les conditions météorologiques étaient difficiles; à cette occasion, il a choisi de ne pas annuler.
- La décision du conducteur de ne pas annuler un voyage peut être dictée, en partie, par les pressions économiques qui s'exercent dans ce secteur d'activité.
- La décision du conducteur de retourner aux récifs Plover peut être attribuée en partie au fait que le temps s'améliorait, à la volonté de satisfaire les clients et au fait qu'il était confiant que le bateau pourrait traverser sans danger de telles eaux.
- Le conducteur a peut-être sous-estimé la persistance de la houle, ou les conditions que le navire allait rencontrer à proximité des récifs.
- Le « OCEAN THUNDER » s'est empli d'eau, a subi un coup de roulis qui lui a fait prendre une gîte importante et ses occupants, qui portaient tous des combinaisons de flottaison (vêtements de flottaison individuels--VFI), ont été projetés à la mer.
- Il n'existait pas de procédure d'appel périodique et les problèmes éprouvés avec les transmissions très haute fréquence (VHF) sur le bateau empêchaient de contacter périodiquement par radio la base d'attache du bateau à terre.
- La soudaineté de la chute à la mer a empêché les occupants d'envoyer un appel MAYDAY et le seul moyen de communication dont ils disposaient a été perdu.
- Des recherches ont été entreprises lorsque le « OCEAN THUNDER » n'est pas rentré à sa base à l'heure prévue.
- Le passager qui ne savait pas nager a paniqué et s'est rapidement noyé. Le conducteur, dont la combinaison VFI n'était pas bien fermée au moment de l'embarquement, a plus tard succombé à l'hypothermie et s'est noyé.
- La passagère qui a réussi à remonter à bord du bateau un peu plus tard souffrait d'hypothermie légère quand elle a été secourue. La passagère qui a été repêchée dans l'eau, inconsciente, souffrait d'hypothermie grave.
- La réglementation actuelle n'exige pas que l'équipement de sauvetage individuel des passagers ou des membres de l'équipage offre une protection thermique.
- Même s'ils n'y étaient pas tenus en vertu des règlements, tous les occupants du bateau portaient des combinaisons VFI de qualité approuvée, ce qui augmentait considérablement leurs chances de survie.
- Même si les règlements ne l'exigeaient pas, un système avait été mis en place pour consigner les résultats des inspections de l'équipement de sauvetage.
- Des consignes de sécurité ont été données aux passagers, mais elles se résumaient à des instructions sur la façon de revêtir les combinaisons VFI. Aucune information n'a été donnée concernant les autres équipements de sécurité et les procédures d'urgence.
- L'absence d'exigence qui aurait obligé le « OCEAN THUNDER » à transporter une radiobalise de détresse (RLS) ou un émetteur radio VHF d'urgence peut avoir retardé le début des recherches, nuisant ainsi au succès de la mission de recherche et sauvetage (SAR).
- L'absence d'échelle de coque compliquait la remontée à bord du navire, ce qui pouvait compromettre la sécurité des passagers et des membres d'équipage; les règlements n'exigeaient pas que le bateau soit muni d'une telle échelle.
- La survie de l'une des passagères peut être attribuée, en partie, à la formation sur les Fonctions d'urgence en mer suivie par le conducteur. La survie de la passagère qui était inconsciente peut être attribuée à la promptitude avec laquelle les sauveteurs lui ont administré les premiers soins.
- La province de Québec et Transports Canada ont conclu une entente officielle afin d'assurer un certain niveau de sécurité à bord des petits navires à passagers jaugeant moins de cinq tonneaux et transportant au plus 12 passagers. Il n'y a cependant pas eu d'ententes analogues dans les autres provinces.
Causes et facteurs contributifs
Le « OCEAN THUNDER » a été envahi par un coup de roulis violent et soudain qui a projeté ses occupants dans l'eau froide. La mauvaise évaluation faite par le conducteur des conditions auxquelles le bateau devait faire face dans les eaux tumultueuses entourant les récifs a été un facteur qui a contribué à l'accident. Les facteurs suivants ont contribué aux pertes de vie: l'angoisse causée par l'immersion brusque dans l'eau froide, l'absence d'équipement de communication efficace et l'absence de moyens de communication (à moyenne portée) d'urgence, qui ont retardé le déclenchement de l'opération de recherche et sauvetage.
Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Normes régissant l'industrie de l'observation de baleines
Après l'événement et à la demande de l'industrie, le Bureau d'inspection des navires à vapeur, dans sa décision 6587 en date du 16 juillet 1998, a permis aux navires se livrant à l'observation de baleines de remplacer les gilets de sauvetage normalisés par des combinaisons VFI approuvées en tant que VFI, pourvu que les passagers et les membres de l'équipage portent celles-ci pendant toute la durée du voyage.
De plus, le projet de normes intitulé Standards for Victoria Area Whale Watching Companies Operating Vessels of Less Than 5 Gross Tons and Carrying 12 or Fewer Passengers est en train de subir une nouvelle révision pour bien décrire le type d'équipement de sécurité obligatoire à bord de navires faisant des excursions d'observation de baleines. La dernière version contient aussi une disposition selon laquelle Transports Canada a le pouvoir d'inspecter les navires pour s'assurer qu'ils respectent ces normes et, sur demande, de faire passer aux conducteurs des examens pour mettre à l'épreuve leurs connaissances et leurs compétences.
La SMTC, en consultation avec l'industrie, est en train d'élaborer de nouvelles normes nationales pour tous les navires utilisés pour l'observation de baleines et elle envisage d'exiger que les conducteurs de tous les navires transportant des passagers soient titulaires d'un brevet ou d'un certificat.
4.1.2 Préoccupations concernant la sécurité des passagers de petits navires à passagers
Après cet événement, le Bureau a passé en revue les recommandations antérieures touchant la sécurité qu'il a faites après des événements du même genre mettant en cause de petits navires de commerce, afin de voir dans quelle mesure les lacunes mises en évidence dans ces recommandations ont été corrigéesNote de bas de page 20. Même si certaines mesures correctives ont été prises pour améliorer la sécurité à bord des petits navires à passagers, le Bureau s'inquiète du fait que plusieurs anomalies n'aient pas encore été corrigées; pour mettre en évidence ce sujet de préoccupation, le BST a placé la sécurité des petits navires à passagers sur sa liste des questions-clés en matière de sécurité en 1999. Le Bureau continuera de surveiller étroitement les mesures prises par Transports Canada afin de corriger les anomalies relevées dans les recommandations du Bureau et, le cas échéant, fera d'autres recommandations.
4.2 Mesures à prendre
Une dérogation est autorisée à l'industrie de l'observation de baleines afin de permettre de remplacer les gilets de sauvetage normalisés par des combinaisons VFI. Toutefois, les occupants de nombreux petits bâtiments (y compris des petits bateaux de pêche) ne bénéficient pas d'une protection similaire (plus grande flottabilité et protection thermique). En ce qui concerne les petits bateaux de pêche, même si Transports Canada tente de s'attaquer au problème, aucune mesure concrète n'a encore été prise. Le Bureau craint que l'absence d'exigence de protection thermique dans les règlements actuels ne fasse courir aux navigateurs et aux passagers de petits bâtiments et de petits bateaux de pêche un risque inutile d'hypothermie. Le Bureau continuera de surveiller les exigences en matière de transport d'équipement de sauvetage en vue de s'assurer qu'elles tiennent compte à la fois de la flottabilité et de la protection thermique, afin de fournir aux navigateurs et à leurs passagers une chance raisonnable de survie dans les eaux froides du Canada.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Croquis du secteur de l'événement
Annexe B - Photographies
Annexe C - Sigles et abréviations
- ASN
- appel sélectif numérique
- C
- Celsius
- F
- Fahrenheit
- FUM
- Fonctions d'urgence en mer
- GCC
- Garde côtière canadienne
- GPS
- système de positionnement global
- h
- heure
- HAP
- heure avancée du Pacifique
- HP
- horsepower
- kg
- kilogramme
- m
- mètre
- MDT
- ministre des Transports
- OMI
- Organisation maritime internationale
- RLS
- radiobalise de localisation des sinistres
- SAR
- recherche et sauvetage
- SI
- Système international (d'unités)
- SMTC
- Sécurité maritime de Transports Canada
- SOLAS
- Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
valeurs Clo immergées Valeurs qui déterminent le niveau d=isolation thermique fournit par un vêtement; c'est-à-dire la vitesse à laquelle la chaleur est perdue par le corps ainsi que la différence de température entre la peau et l=eau. À partir des valeur Clo immergées, on peut prédire la vitesse à laquelle la température du corps d=une personne descendra en eau froide. - VFI
- vêtement de flottaison individuel
- VHF
- très haute fréquence
- °
- degré