Échouement
Navire à passagers Louis Jolliet
Près de Sainte-Pétronille, Île d'Orléans (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 16 mai 2013, vers 14 h 35, heure avancée de l'Est, le navire à passagers Louis Jolliet s'échoue près de Sainte-Pétronille, Île d'Orléans (Québec), pendant une excursion avec 57 passagers à bord. La coque du navire subit des avaries légères. Les passagers et certains membres d'équipage sont évacués au moyen de 2 bateaux pilotes et d'un remorqueur. Le navire est remis à flot à marée haute, revient au port par ses propres moyens, et peut reprendre ses opérations courantes le 18 mai 2013. Il n'y a ni blessures, ni pollution.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
Nom du navire | Louis Jolliet |
---|---|
Numéro officiel | 170718 |
Numéro OMI | 5212749 |
Port d'immatriculation | Québec (Québec) |
Pavillon | Canadien |
Type | Navire à passagers |
Jauge brute | 2112 tonneaux |
LongueurNote de bas de page 1 | 49,53 m |
Tirant d'eau au moment de l'événement | Avant : 2,90 m Arrière : 4,11 m |
Construction | 1938, Chantier Davie Canada inc., Lauzon (Québec) |
Propulsion | Moteur diésel de 750 kW avec une seule hélice |
Nombre maximal de personnes à bord | Passagers : 1000; Équipage : 97 |
Nombre de personnes à bord au moment de l'événement | Passagers : 57; Équipage : 21 |
Propriétaire et exploitant | Croisières AML Inc., Québec (Québec) |
Nota :
OMI : Organisation maritime internationale
Renseignements sur le navire
Le Louis Jolliet est un navire en acier riveté construit en 1938 pour servir de traversier roulier. Transformé en navire à passagers et de croisière à usage saisonnier en 1977, il est surtout utilisé pour de courtes excursions sur le fleuve Saint-Laurent dans la zone portuaire de la ville de Québec (Québec), ainsi que pour des soupers croisières de plus longue durée (photo 1). Il peut également être employé pour des événements spéciaux, et sa capacité maximale est de 1000 passagers.
Sa coque principale est divisée par 7 cloisons transversales étanches qui créent les compartiments suivants (de la proue à la poupe) :
- coqueron avant
- compartiment des réservoirs d'eau potable
- compartiment stockage/vestiaire
- stockage/réservoirs à carburant
- réservoir eaux usées
- salle des pompes /stockage
- salle des machines
- coqueron arrière/du gouvernail.
Sous le pont principal, 3 portes étanches à fermeture manuelle relient les compartiments suivants :
- compartiment des réservoirs d'eau potable et compartiment stockage/vestiaire
- compartiment stockage/vestiaire et compartiment stockage/réservoirs à carburant
- compartiment du réservoir eaux usées et compartiment salle des pompes/stockage.
Le pont principal (pont A) fait surtout office de salle de bal et de salle à manger. Le pont B comprend des espaces à passagers, comme une boutique, un casse-croûte, et une piste de danse. La timonerie et les locaux d'équipage sont situés sur le pont C à l'avant, et certains espaces à passagers sont situés à l'arrière. Le pont D est un espace à passagers ouvert (annexe A).
Les aires de rassemblement et d'embarquement des passagers sont situées sur le pont A, où sont rangés des gilets de sauvetage, l'embarcation de sauvetage, et les échelles d'embarquement d'urgence. D'autres gilets de sauvetage sont également rangés dans la partie avant du pont B, et 6 plateformes de sauvetage d'une capacité de 150 personnes chacune sont rangées du côté bâbord et du côté tribord du pont C.
Matériel de navigation
La timonerie du Louis Jolliet comporte une console de navigation placée à l'avant, un poste de barre installé sur l'axe longitudinal du navire, 2 radars, un système mondial de positionnement (GPS), un compas magnétique, un échosondeur, un système de cartes électroniques, et un système d'identification automatique (SIA). Une table des cartes, des panneaux d'alarme et des panneaux électriques sont installés le long de la cloison arrière.
Le navire n'était pas muni d'un enregistreur des données du voyage (VDR) au moment de l'événement, et un VDR n'était pas requis aux termes de la réglementationNote de bas de page 2. Des caméras de télévision en circuit fermé étaient installées sur la passerelle et à certains autres endroits du navire, ce qui a facilité l'enquête.
Déroulement du voyage
Voyages de familiarisation
Le matin du 15 mai 2013, le premier maître est monté à bord du Louis Jolliet pour sa première journée à bord du navire en tant que premier maître, et il s'est rendu à la timonerie pour rencontrer le capitaine. Après une brève conversation avec le capitaine, le premier maître a fait lui-même le tour du navire pour se familiariser de nouveauNote de bas de page 3 avec l'aménagement et l'équipement, et a participé à quelques tâches pour préparer le navire pour les excursions de la journée. Vers 13 h 50Note de bas de page 4, le premier maître s'est présenté à la timonerie. Le capitaine lui a expliqué comment mettre l'équipement de navigation en marche. Les deux officiers ont ensuite discuté des responsabilités du premier maître pendant le voyage, de la route empruntée, et des procédures d'appareillage et d'accostage. Le navire a appareillé pour effectuer une excursion vers 14 h 5.
Le premier maître tenait la barre, guidé par le capitaine. Le Louis Jolliet a remonté le fleuve (vers l'ouest) le long de la rive nord du Saint-Laurent pendant une dizaine de minutes, jusqu'au quai de la Reine. Le navire a ensuite viré à bâbord pour traverser le fleuve, et le capitaine a ordonné au premier maître de naviguer vers l'aval en suivant la rive sud du fleuve, tout en restant dans la zone délimitée par les bouées qui marquent le chenal de navigation. Le capitaine a ensuite quitté la timonerie pendant environ 7 minutes, pour s'enquérir d'un passager qui avait fait une chute.
Après être revenu à la timonerie, et au moment où le navire se trouvait devant le chantier naval de Pointe de Lévy, le capitaine a ordonné au premier maître d'effectuer un deuxième changement de cap à bâbord et de se diriger vers le nord-est en direction du chenal de l'Île d'Orléans. Le capitaine a ensuite ordonné au premier maître de suivre une route vers la zone de mouillage Delta et de rechercher les feux d'alignement d'Ange-Gardien qui marquent le chenal de l'Île d'OrléansNote de bas de page 5. Le premier maître a confirmé avoir vu les feux, et le capitaine lui a souligné l'importance de suivre l'alignement, étant donné que le fond du fleuve est rocailleux et qu'on y trouve des bancs de sable à certains endroits et de grandes marées. Le capitaine a montré au premier maître d'autres dispositifs d'aide à la navigation, tels que les 2 bouées de mouillage jaunes et les bouées de bâbord et de tribord qui marquent le chenal principal (annexe B). Le capitaine a ensuite montré au premier maître le point de cheminement placé sur la carte électronique pour indiquer l'endroit approximatif où le changement de cap doit avoir lieu. Avant d'arriver au pont de l'Île d'Orléans, le capitaine a ordonné au premier maître de changer de cap et de suivre la route en sens inverse pour revenir au quai, où le navire est arrivé vers 15 h 30.
Plus tard le même jour, le navire a appareillé pour une excursion en soirée, en empruntant une route différente de celle de l'après-midi. Guidé par le capitaine, le premier maître a tenu la barre pendant environ 1,5 heure des 2 heures qu'a duré l'excursion.
Voyage en cause
Vers 14 h 5, le 16 mai, le Louis Jolliet a quitté le quai de Québec (Québec), pour une excursion dans le port. Le navire devait emprunter la même route que l'après-midi précédent; le premier maître était à la barre. Conformément à la pratique habituelle, les passagers ont été dénombrés au moment où ils montaient à bord du navire. Dans le journal de bord, le capitaine a inscrit 59 passagers. Pendant que le navire s'éloignait du quai, l'enregistrement portant sur la sécurité des passagersNote de bas de page 6 a été diffusé au moyen du système de diffusion publique. Au moment de l'appareillage, le capitaine et le premier maître étaient tous deux dans la timonerie; le premier maître tenait la barre et le capitaine remplissait des formulaires et faisait des appels téléphoniques.
Dans la marée descendante, le navire a remonté le fleuve Saint-Laurent en longeant la rive nord pendant une dizaine de minutes, jusqu'au quai de la Reine. Le premier maître a alors changé de cap à bâbord, sous la surveillance du capitaine, qui se trouvait à ses côtés. Le capitaine s'est ensuite absenté de la timonerie pendant environ 2 minutes, et lorsqu' il est revenu, le premier maître a changé de cap et a dirigé le navire vers l'aval le long de la rive sud du fleuve.
Le capitaine s'est ensuite assis à la table des cartes, le dos tourné au poste de barre, et a commencé à manger son repas et à lire le journal. Un peu plus tard, le chef mécanicien est entré dans la timonerie, s'est assis à côté de la table des cartes, et a entamé une conversation avec le capitaine.
Pendant que le premier maître continuait à gouverner le navire, le capitaine s'est retourné à quelques reprises pour jeter un coup d'œil à l'extérieur. Vers 14 h 29, au moment où le navire se trouvait devant le chantier naval, le premier maître a demandé au capitaine s'il pouvait faire le changement de cap à bâbord. Le capitaine a regardé à l'extérieur, puis a confirmé l'opération. Le premier maître a alors viré à bâbord (annexe B). Le chef mécanicien a quitté la passerelle pour faire sa ronde dans la salle des machines.
Durant les 4 à 5 minutes qui ont suivi, alors que le navire traversait le chenal en direction nord-est, le premier maître a tenté sans succès de repérer les feux d'alignement d'Ange-Gardien qui marquent le chenal de l'Île d'Orléans. Il ne s'est servi ni de l'équipement de navigation de la passerelle, ni des cartes pour positionner le navire. Vers 14 h 32, le capitaine a regardé deux fois de suite à l'extérieur. Aucun échange n'a eu lieu entre le capitaine et le premier maître. À ce moment-là, le Louis Jolliet suivait une route sur le fond selon un cap de 035,6 °vrai (V), et se trouvait à environ 2,1 encablures à l'est de la ligne d'alignement.
Le navire a continué sa route, et vers 14 h 34, il filait environ 10 nœuds sur le fond en suivant un cap approximatif de 027 °V. Le premier maître, qui avait continué à chercher les feux d'alignement, a jeté un coup d'œil à l'échosondeur et a constaté que la profondeur d'eau diminuait. Il a ensuite regardé le système de cartes électroniques et a avisé le capitaine, qui s'est levé, a regardé à l'extérieur, et a ordonné de mettre la barre à bâbord toute. Le premier maître a alors mis la barre à bâbord toute, au moment où le navire percutait le fond et s'échouait par 46°51,05′ N et 071°08,69″ W (photo 2, annexe B).
Événements qui ont suivi l'échouement
Tout de suite après l'échouement, le capitaine a appelé le propriétaire pour lui signaler l'accident. Aucune alarme n'a été déclenchée sur le navire. Le chef matelot et le chef mécanicien se sont rendus à la timonerie. Le capitaine leur a alors ordonné d'aller vérifier l'intégrité des compartiments étanches du navire.
Vers 14 h 42, environ 6 minutes après l'échouement, les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) ont appelé le navire pour s'informer de son état, puisque le navire semblait s'être immobilisé. À peu près au même moment, le chef matelot a avisé le capitaine qu'il y avait de l'eau dans le compartiment stockage/vestiaireNote de bas de page 7 ainsi que dans la salle des pompes/stockage en avant de la salle des machines. Puis, le chef mécanicien a fait démarrer la pompe de cale. Une dizaine de minutes après l'échouement, le capitaine a utilisé le système de diffusion publique du navire pour demander aux passagers et aux membres d'équipage de se regrouper sur le pont B, de rester calmes, et d'attendre d'autres instructions.
Pendant ce temps, le chef barNote de bas de page 8 a vérifié si la porte étanche du stockage était fermée. Le chef bar s'est ensuite rendu sur le pont B pour s'informer de l'état des autres membres d'équipage chargés de la restauration et parler au guide touristiqueNote de bas de page 9. Le chef bar est ensuite allé à la timonerie pour parler au capitaine, qui lui a demandé de dénombrer les membres de l'équipe de restauration. Lorsque le chef bar est revenu dans la timonerie pour indiquer le compte au capitaine, ce dernier lui a ordonné de retourner sur le pont B avec les autres membres de l'équipe de restauration et de commencer à distribuer les gilets de sauvetage. Le capitaine a donné le même ordre au chef matelot, qui était revenu à la timonerie après avoir vérifié s'il y avait une voie d'eau. Le capitaine lui a aussi ordonné de commencer à préparer les postes de débarquement. Des gilets de sauvetage ont été remis aux passagers, et un autre matelot a commencé, de sa propre initiative, à montrer aux passagers comment enfiler les gilets de sauvetage, tandis que d'autres membres d'équipage vérifiaient si les passagers avaient mis leur gilet de façon appropriée. Le guide touristique s'est adressé aux passagers en français, en anglais et en espagnol, leur a donné des instructions, et les a informés et rassurés au sujet de la situation. Des boissons gratuites, y compris de l'alcool, ont été offertes aux passagers.
Le capitaine a utilisé une radio portative pour donner certains des ordres aux membres d'équipageNote de bas de page 10, mais certains membres d'équipage se sont également rendus directement à la timonerie pour demander des instructions, qu'ils ont ensuite transmises au reste de l'équipage.
Lorsque le navire a commencé à gîter à tribord sous l'effet de la marée descendanteNote de bas de page 11, le capitaine et le propriétaire ont pris des dispositions avec une entreprise locale pour amener les passagers à terre, et le capitaine a communiqué ce plan aux SCTM. Les portes latérales de bâbord de l'aire d'embarquement du pont A ont été ouvertes, et les échelles d'embarquement d'urgenceNote de bas de page 12 ont été déployées pour l'évacuation. Les plateformes de sauvetage n'ont pas été déployées.
Après s'être assuré que le chef matelot et le chef bar avaient exécuté les tâches demandées, le capitaine, à l'aide du système de diffusion publique, a ordonné aux membres d'équipage de diriger les passagers vers les aires de rassemblement sur le pont principal (pont A). Une fois les passagers rassemblés, les matelots ont fait le tour du navire pour s'assurer de la présence de tous les passagers, et ils en ont dénombré 57. Or, le livre de bord indiquait 59 passagers. Les matelots ont donc refait le compte et ont confirmé qu'il y avait 57 passagers à bord. À 15 h 28, le capitaine a communiqué avec les SCTM pour leur indiquer le nombre de passagersNote de bas de page 13.
Un bateau pilote et un remorqueur sont arrivés sur les lieux, suivis d'un deuxième bateau piloteNote de bas de page 14 un peu plus tard. Des pompes submersibles ont été transportées sur le Louis Jolliet pour extraire l'eau du compartiment stockage/vestiaire, de même que de la salle des pompes/stockage, où une petite quantité d'eau s'était infiltrée. À la demande du capitaine, le premier maître est descendu sur le pont, muni d'une radio portative, pour superviser l'évacuation des passagers.
L'évacuation des passagers a commencé environ 75 minutes après l'échouement. Les passagers, portant leur gilet de sauvetage, ont emprunté les échelles de corde à partir de l'aire d'embarquement avant, du côté bâbord, et sont descendus sur le pont du premier bateau pilote. Lorsque le second bateau pilote est arrivé sur les lieux, les passagers ont également descendu les échelles de corde à partir de l'aire d'embarquement arrière. Certains passagers ont eu besoin d'aide et des membres d'équipage les ont aidés à descendre l'échelle. Les bateaux pilotes ont transbordé les passagers, par groupes d'une dizaine de personnes à la fois, sur le remorqueur, qui se tenait à proximité en eau plus profonde. Les passagers ont été dénombrés au fur et à mesure qu'ils descendaient les échelles.
Du côté bâbord du Louis Jolliet, les échelles d'embarquement n'étaient pas assez longues pour atteindre le pont du bateau pilote, à cause de la marée descendante et la gîte à tribordNote de bas de page 15. Les passagers devaient franchir la distance entre le dernier barreau de l'échelle et le pont du bateau pilote (une distance d'environ 0,6 mètre). De plus, les échelles de corde pouvaient se tordre et osciller, ce qui compliquait la tâche des membres d'équipage à bord des bateaux pilotes, qui devaient maintenir les échelles en place pendant que les passagers descendaient.
La marée a continué à descendre pendant toute la durée de l'évacuation. À mesure que la gîte s'accentuait, des pièces de mobilier, de même que des articles de cuisine, comme des assiettes, ont commencé à tomber ou à glisser sur le pont. Plusieurs membres d'équipage ont alors entrepris de transporter ces objets à des endroits sûrs, côté bâbord.
À l'aide d'une radio portative, le chef matelot tenait le capitaine (qui se trouvait dans la timonerie) au courant des progrès de l'évacuation des passagers, qui a duré une quarantaine de minutes. L'équipage a vérifié qu'aucun passager n'était demeuré à bord du navire. Le capitaine a ordonné le transfert de tous les membres d'équipage non essentiels (les personnes qui s'occupaient des services de restauration et le guide touristique) sur les navires venus prêter assistance. Vers 16 h 35 (soit 2 heures après l'échouement), 13 membres d'équipage et 57 passagers avaient été évacués, le capitaine et 7 membres d'équipage étant demeurés à bord.
Entre-temps, le propriétaire était monté à bord du navire avec des employés de Croisières AML et 2 architectes navals conseils pour évaluer l'état et la stabilité du navire ainsi que les méthodes de renflouage.
Après l'évacuation, il a été établi que la coque avait été endommagée à 2 endroits au fond de la salle des pompes, et qu'une petite quantité d'eau s'était infiltrée à ces endroits. Le navire s'est remis à flot de lui-même à la marée montante, et est revenu au quai par ses propres moyens vers 22 h.
Conditions environnementales
Au moment de l'événement, la visibilité était bonne, et les vents soufflaient de l'ouest à environ 10 nœuds. On a signalé la présence de petites vagues et de quelques averses. La température de l'air était de 13 °C. La marée descendait, provoquant un courant de 2 à 3 nœuds, et la marée basse était attendue à 18 h 51.
Certificats du navire
Le Louis Jolliet est inspecté tous les ans par la Sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada (TC). Au moment de l'événement, il était dûment certifié pour faire des excursions en tant que navire à passagers dans des eaux abritées. Le certificat d'inspection avait été complété par 2 documents concernant l'effectif minimal de sécurité. Ces documents indiquaient que le navire devrait compter 12 membres d'équipage pour, au plus, 288 passagers, et 20 membres d'équipage pour un maximum de 1000 passagers. Dans tous les cas, au moins 3 officiers brevetés devaient se trouver à bord : un capitaine, un premier maître, et un chef mécanicien. Le reste de l'équipage était composé de matelots qui n'étaient pas tenus de détenir un brevet de compétence.
Brevets et expérience du personnel
Au moment de l'événement, le capitaine détenait un brevet de capitaine avec restrictions pour un navire de 60 tonneaux ou plus de jauge brute. Il avait commencé sa carrière au service de Croisières AML en 1996, et était capitaine du Louis Jolliet depuis septembre 2008.
Le premier maître détenait un brevet d'officier de pont de quart, délivré en décembre 2012. Il travaillait pour Croisières AML comme premier maître sur le Louis Jolliet depuis le 15 mai 2013. Auparavant, il avait été barreur alors qu'il était cadet et avait été matelot à bord d'un navire de croisière. Avant de travailler pour Croisières AML, son expérience de la navigation était limitée et il n'avait jamais navigué sur le chenal de l'Île d'Orléans.
Le chef bar naviguait depuis mai 2011, date à laquelle il avait été embauché par Croisières AML. Il avait suivi une formation officielle sur les Fonctions d'urgence en mer (FUM), ainsi qu'une formation fournie par la société exploitante en 2011 et 2012. Il avait occupé les fonctions de chef bar en 2012, mais le jour de l'événement était son premier jour de travail comme chef bar de la saison 2013.
Pratiques de navigation
Sur le Louis Jolliet, il n'y avait pas de pratiques de navigation écrites et formelles. Le capitaine et le premier maître se tenaient généralement dans la timonerie pendant toute la durée du voyage. Le premier maître tenait la barre pendant le voyage d'aller, et le capitaine, pendant le voyage de retour. Pour les opérations d'appareillage et d'accostage, le capitaine se plaçait sur l'aileron de passerelle pour manœuvrer le navire et donner les ordres de barre au premier maître. Si les circonstances exigeaient l'intervention d'un officier ailleurs sur le navire, le premier maître quittait généralement la timonerie et demeurait en contact avec le capitaine au moyen d'une radio portative.
Il n'y avait pas de plan de voyage documenté à bord du navire. La timonerie est équipée d'une carte en papier de la zone de navigation, mais la route empruntée par le navire n'y était pas indiquée, et la position du navire n'était pas reportée sur la carte pendant une excursion. Deux points de cheminement figuraient sur la carte électronique; le premier indiquait la position du changement de cap devant le quai de la Reine, et l'autre indiquait la position du changement de cap devant le chantier naval. Toutefois, les officiers naviguaient en utilisant surtout les références visuelles. La pratique habituelle consistait à virer à bâbord lorsqu'ils constataient que le navire se trouvait à peu près devant le chantier naval, puis à utiliser les bouées de mouillage jaunes pour guider le navire vers l'entrée du chenal de l'Île d'Orléans. Le navire était ensuite aligné sur les feux d'alignement d'Ange-Gardien pour naviguer dans le chenal.
Pratiques de formation et de familiarisation de la société exploitante
Le capitaine avait préparé un manuel de formation pour les nouveaux membres d'équipage ne détenant pas de brevet de compétence. Ces derniers devaient également signer un document indiquant qu'ils avaient lu et compris le contenu du manuel.
Le manuel présente une vue d'ensemble de la société exploitante, de l'organisation du navire, et des responsabilités de tous les membres d'équipage. Il met l'accent sur l'importance de participer aux exercices d'urgence et de signaler toutes les anomalies à un supérieur. Le manuel traite également de l'emplacement et de l'utilisation du matériel de sauvetage et de lutte contre l'incendie, ainsi que des questions générales liées à la sécurité à bord du navire.
La partie 6 du manuel décrit le rôle d'appel (annexe C), y compris la répartition des tâches des 5 équipes désignées (commandement, contrôle, intervention, soutien, et encadrement des passagers) ainsi que les responsabilités de chaque membre et de chaque chef d'équipe. Le manuel décrit également les alarmes, les postes de rassemblement, les aires d'embarquement, et la marche à suivre dans diverses situations d'urgence, comme une personne tombée à la mer, un incendie, une collision, ou un échouement. Selon le manuel, si le navire s'échoue ou s'il faut l'abandonner, le capitaine doit, selon la gravité de la situation, demander de l'aide à des ressources externes et expliquer la situation aux passagers et à l'équipage, qui doivent ensuite suivre les directives du rôle d'appel. Les passagers doivent être dirigés rapidement vers les postes de rassemblement, puis les membres d'équipage doivent distribuer des gilets de sauvetage et s'assurer que les passagers les ont mis de la façon appropriée. En outre, le manuel indique que seul le capitaine est autorisé à donner l'ordre d'abandonner le navire.
Aucun membre d'équipage n'avait suivi la formation officielle en gestion de la sécurité des passagers, et ils n'étaient pas tenus d'avoir reçu une telle formation aux termes de la réglementation. Toutefois, ce sujet est abordé dans le manuel de formation. En effet, le manuel précise que le chef bar est responsable de l'équipe chargée d'encadrer les passagers en cas d'urgence. De plus, le manuel précise que cette équipe doit demeurer constamment en communication avec la timonerie, encadrer et rassurer les passagers, et préparer leur évacuation en les dirigeant, au besoin, vers les aires de rassemblement. Le manuel fournit également de l'information générale sur les divers aspects de l'encadrement des passagers, par exemple, comment prévenir la panique en communiquant de l'information essentielle, en prenant en charge et en encadrant les passagers plus difficiles.
Chaque année, avant le début de la saison d'exploitation, les nouveaux membres d'équipage qui n'ont pas suivi la formation FUMNote de bas de page 16 devaient assister à une séance de formation au cours de laquelle le capitaine passait en revue et expliquait le rôle d'appel, le manuel de formation, et les scénarios d'urgence mentionnés dans le plan d'évacuation. La séance comprenait également un volet pratique qui permettait aux nouveaux membres d'équipage de se familiariser avec le navire, ses équipements, et leurs responsabilités. Les anciens membres d'équipage pouvaient également assister à cette formation, qui pouvait être offerte à d'autres moments pendant la saison. Selon le manuel de formation, la responsabilité de s'assurer que les membres d'équipage ont reçu la formation requise et connaissent leurs tâches incombe au capitaine et aux officiers (premier maître et chef mécanicien).
Pour ce qui est des membres d'équipage qui n'étaient pas obligés d'assister à la séance de formation susmentionnée, la pratique à bord du navire consistait à leur faire faire une visite du navire et à leur expliquer leurs responsabilités, y compris les tâches qu'ils doivent exécuter en cas d'urgence. Cependant, la société exploitante ne dispose d'aucune procédure écrite pour la gestion de leur familiarisation, qui pourrait indiquer, par exemple, qui doit procéder à la familiarisation et quand, quels sujets devraient être abordés, et comment la familiarisation devrait être documentée.
Lorsque le premier maître s'est joint à l'équipage du navire, il n'a pas reçu d'exemplaire du manuel de formation, et on ne lui a expliqué ni le rôle d'appel, ni le plan d'évacuation du navire. La familiarisation du premier maître a consisté en une visite du navire et de son équipement, menée par un autre premier maître, quelques jours avant l'événement, soit le 13 mai. L'autre officier a fait le tour du navire avec le premier maître et lui a expliqué les différents éléments de l'équipement d'urgence. Le chef mécanicien lui a également montré comment faire démarrer la pompe d'incendie et le moteur de l'embarcation de sauvetage, et on a effectué un exercice de simulation pour secourir une personne tombée à la mer. On a expliqué au premier maître qu'il devait s'occuper de l'embarcation de sauvetage en cas d'urgence. À son premier jour de travail (la veille de l'événement), le premier maître a gouverné le navire, sous la surveillance du capitaine, en suivant la même route que celle du voyage en cause.
Procédures et exercices d'urgence
Rôle d'appel
Le rôle d'appel (annexe C) était affiché dans la timonerie et sur le pont B. Il avait été prévu pour l'équipage habituel de 20 personnes, réparties en équipes de la façon suivante :
Équipe | Chef | Nombre de membres | Poste de rassemblement |
---|---|---|---|
Commandement | Capitaine | 2 | Timonerie |
Contrôle | Chef mécanicien | 2 | Salle des machines |
Intervention | Premier maître | 5 | Pont principal (piste de danse) |
Soutien | Chef matelot | 4 | Pont principal (poste de rassemblement no 3) |
Encadrement des passagers | Chef bar | 7 (jusqu'à 84)Note de bas de page 17 | Pont B |
Selon le rôle d'appel, toutes les tâches liées à la gestion de la sécurité des passagers pendant la phase de préparation à une évacuation d'urgence sont assurées par l'équipe d'encadrement des passagers, dirigée par le chef bar. Cette équipe peut compter jusqu'à 84 membres d'équipage, et sa seule tâche consiste à diriger les passagers vers les aires d'embarquement. Le premier maître est chargé de diriger l'équipe d'intervention formée de 4 matelots pour combattre les incendies ou s'occuper directement d'autres urgences, au besoin. En cas d'évacuation, cette équipe doit déployer et préparer les plateformes de sauvetage de l'aire d'embarquement de tribord.
Plan d'évacuation
Le capitaine avait mis au point un plan d'évacuation du navire afin que la société exploitante se conforme aux exigences de TCNote de bas de page 18. Ce plan vise à améliorer la compétence de l'équipage dans l'exécution des procédures d'urgence et à fournir au capitaine un outil de prise de décision à mesure que les événements se déroulent dans une situation d'urgence.
Une copie du plan d'évacuation, datée de 2010, était conservée dans la timonerie du Louis Jolliet. Le plan donne des renseignements sur les aires de rassemblement et d'embarquement, ainsi que sur l'équipement de sauvetage et son emplacement. Il précise également les délais d'exécution des diverses tâches décrites dans le plan d'évacuationNote de bas de page 19.
Selon le plan d'évacuation, l'équipe responsable de l'encadrement des passagers doit exécuter les tâches que voici :
- diriger les passagers vers les postes de rassemblement;
- distribuer les gilets de sauvetage après le message du capitaine;
- expliquer aux passagers comment mettre les gilets de sauvetage;
- vérifier si les passagers ont mis les gilets de façon appropriée.
Le document fournit également des plans d'évacuation pour 5 scénarios particuliers. Ces plans décrivent, de façon plus détaillée que le rôle d'appel et le manuel de formation, les tâches particulières de toutes les équipes d'intervention d'urgence. Les tâches sont réparties ainsi : les tâches liées à la préparation de l'évacuation, puis les tâches exécutées pendant l'évacuation elle-même. De plus, le document indique le temps nécessaire pour évacuer le navire, selon le temps nécessaire pour effectuer les tâches susmentionnéesNote de bas de page 20.
Généralement, les tâches liées à la préparation de l'évacuation décrites dans les plans sont semblables pour chacun des scénarios. Par exemple, le plan indique que le déclenchement de l'alarme générale est une des premières tâches du capitaine. En cas d'échouement, toutefois, le plan indique que le déclenchement de l'alarme dépend de la gravité des dommages. L'alarme indique aux membres d'équipage d'entreprendre les tâches qui leur sont assignées en cas d'urgence et de se rassembler aux endroits désignés afin que les chefs d'équipe puissent faire le décompte de leurs équipes et en informer le capitaine.
Pour préparer l'évacuation, les membres de l'équipe responsable de l'encadrement des passagers dirigent ceux-ci vers les postes de rassemblement, les informent et les rassurent, et leur remettent des gilets de sauvetage. De plus, le plan précise que l'équipe d'encadrement doit dénombrer les passagers avec l'aide des parents, des amis et des organisateurs, et que, si des passagers manquent à l'appel, l'équipe doit communiquer avec l'équipe de soutien pour les retrouverNote de bas de page 21.
Comme c'est le cas pour les tâches de préparation à l'évacuation, les tâches liées à l'évacuation, qui sont décrites dans les plans, sont généralement semblables pour chacun des scénarios. Par exemple, le capitaine doit, entre autres, déclencher l'alarme indiquant d'abandonner le navire, coordonner le lancement de l'embarcation et des plateformes de sauvetage, et donner l'ordre d'évacuation. Le capitaine doit, avant de quitter le navire, s'assurer que tous les passagers et les membres d'équipage sont présents à l'appel. Une fois l'évacuation terminée, le capitaine doit dépêcher une équipe pour vérifier que personne n'est demeuré à bordNote de bas de page 22. Le plan stipule que le premier maître doit diriger cette équipe.
Le plan répartit les tâches directement liées à l'évacuation entre l'équipe de soutien et l'équipe responsable de l'encadrement des passagers. Cette dernière doit vérifier si les passagers sont prêts à quitter le navire (c.-à-d., tous les passagers ont mis leurs gilets de sauvetage de façon appropriée et ont enlevé leurs bijoux et leurs souliers à talons hauts), les diriger vers les aires d'embarquement, et désigner une personne pour dénombrer les passagers à chaque aire d'embarquement. L'équipe de soutien est chargée de dénombrer les passagers lorsqu'ils descendent par les échelles d'embarquement d'urgence vers les plateformes de sauvetage.
Le plan ne contient ni listes de contrôle, ni guides de référence rapide pouvant être consultés par les diverses équipes au cours de la situation d'urgence, et le plan d'évacuation n'a pas été consulté dans l'événement à l'étude. De plus, certains des principaux membres d'équipage, c'est-à-dire le premier maître, le chef bar, et le chef matelot, ne connaissaient pas très bien ni le plan, ni les tâches particulières qui leur étaient assignées.
Le plan d'évacuation décrivait également la structure organisationnelle à bord du navire et les règles de la société exploitante concernant la formation sur les procédures d'urgence. Le plan indique que la plupart des 20 membres de l'équipage habituel ont suivi la formation FUM et précise que ceux qui ne l'ont pas suivie doivent assister à une séance de formation de la société exploitante. Le plan indique également que la formation pratique sur les procédures d'urgence est donnée lors d'exercices périodiques effectués au cours de la période d'exploitation annuelle.
Exercices
Des exercices étaient effectués régulièrement à bord du Louis Jolliet, sous la direction du capitaine. Tous les ans, parallèlement à l'inspection de TC, un exercice d'incendie et d'embarcation était mené sous la supervision du capitaine et en présence d'un inspecteur de la sécurité maritime (ISM) de TC. Des exercices d'intervention en fonction de divers scénarios, comme une personne tombée à la mer, un incendie, ou une évacuation, avaient lieu au moins une fois toutes les 2 semaines.
Seuls les membres d'équipage participaient aux exercices, et jamais dans des circonstances simulant un voyage avec des passagers à bord. Par conséquent, l'équipage n'avait pas effectué d'exercice de gestion de la sécurité ou d'encadrement des passagers dans une situation d'urgence. Au moment de l'inspection de TC précédant l'événement, le chef bar avait participé à un exercice où il avait aidé le sapeur-pompier à enfiler l'habit de pompier et à tenir le boyau d'incendie.
Exigences réglementaires relatives aux procédures et aux exercices concernant la sécurité des passagers
La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada comprend 2 règlements visant les procédures et les exercices de rassemblement et le dénombrement des passagers dans une situation d'urgence : le Règlement sur l'équipement de sauvetage et le Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation.
Aux termes du Règlement sur l'équipement de sauvetage, tout navire à passagers doit « avoir une marche à suivre pour l'évacuation du chargement en personnes en toute sécurité dans un délai de 30 minutes après le moment où le signal d'abandon du navire est donné »Note de bas de page 23. Au moment de l'inspection annuelle, l'ISM de TC vérifie si le navire dispose d'une procédure écrite à bord, mais sans approuver cette procédure. Dans l'événement à l'étude, l'ISM de TC a examiné la procédure d'évacuation du Louis Jolliet et a fourni des commentaires, mais il ne l'a pas approuvée puisque son approbation n'est pas requise par TC.
Le Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation a été modifié en 2010 pour ajouter au rôle d'appel des navires à passagers l'assignation de tâches d'urgence que doivent accomplir les membres d'équipage à l'égard des passagersNote de bas de page 24. Le règlement précise certaines tâches qui doivent faire partie du rôle d'appel, entre autres :
- avertir les passagers de la situation d'urgence,
- veiller à ce que les passagers endossent correctement leur gilet de sauvetage,
- rassembler les passagers à leur poste de rassemblement désigné,
- trouver et secourir les passagers qui manquent à l'appel,
- maintenir l'ordre dans les coursives et les escaliers,
- veiller à ce que les embarcations de sauvetage soient approvisionnées en couvertures.
De plus, le capitaine d'un navire à passagers doit s'assurer que les procédures sont en place pour trouver et secourir les passagers qui manquent à l'appel durant une situation d'urgenceNote de bas de page 25. Il doit également s'assurer que les membres d'équipage s'exercent à exécuter leurs tâches liées à la sécurité des passagers durant les exercicesNote de bas de page 26.
Durant l'inspection annuelle d'un navire, l'ISM vérifie si le rôle d'appel documenté est à bord et assiste à un exercice d'incendie et d'embarcation, mais ne vérifie pas si le rôle d'appel contient l'information exigée aux termes de la réglementation. Le 30 avril 2013, lors de la dernière inspection annuelle précédant l'événement, la présence du plan d'évacuation et du rôle d'appel à bord du navire a été vérifiée, et l'exercice effectué de façon satisfaisante a été observé.
Événements précédents
Procédures et exercices pour rassembler et dénombrer les passagers
Par suite d'un événement survenu en mai 2003, alors qu'un incendie s'était déclaré sur le pont d'embarquement du transbordeur roulier à passagers Joseph and Clara Smallwood, une enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST)Note de bas de page 27 a révélé que des membres d'équipage n'avaient ni les connaissances, ni les compétences requises pour exécuter adéquatement leurs tâches en cas d'urgence. Le BST a par la suite exprimé ses préoccupations concernant la pertinence des procédures et de la formation sur la sécurité des passagers.
Lorsque le transbordeur roulier à passagers Queen of the North a sombré en mars 2006, 2 passagers manquaient à l'appel après les procédures d'évacuation et n'ont jamais été retrouvés. L'enquête du BSTNote de bas de page 28 a conclu que les personnes responsables des passagers avaient eu de la difficulté à établir et à faire concorder le nombre total de passagers et à déterminer ceux qui manquaient à l'appel. Le Bureau a par la suite recommandé que :
[l]e ministère des Transports, de concert avec l'Association canadienne des opérateurs de traversiers et la Garde côtière canadienne, élabore un cadre basé sur le risque grâce auquel les exploitants de traversiers pourront élaborer des méthodes efficaces qui permettront de dénombrer les passagers de chaque navire et de chaque itinéraire, et d'en rendre compte avec exactitude.
Recommandation M08-01 du BST
L'enquête du BST a également montré que les exercices n'abordaient pas toutes les compétences nécessaires pour rassembler les passagers et contrôler une foule nombreuse. Compte tenu des risques liés à des préparatifs mal coordonnés pour évacuer un grand nombre de passagers, le Bureau a recommandé que :
[l]e ministère des Transports établisse des règles, y compris l'obligation de mener des exercices réalistes, qui permettent aux exploitants de navires à passagers d'évaluer la préparation de leurs équipages à gérer efficacement les passagers durant une situation d'urgence.
Recommandation M08-02 du BST
Dans le cadre de la réponse de TC à ces recommandations, le Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation a été modifié pour exiger que les tâches du rôle d'appel à bord de navires à passagers comprennent la recherche de passagers qui manquent à l'appel dans une situation d'urgence afin de les secourir. Cette modification exige en outre l'adoption de procédures et d'exercices réalistes liés à ces tâches. En juillet 2010, le Bureau a estimé que les réponses à ces deux recommandations étaient entièrement satisfaisantes.
En août 2007, le transbordeur roulier à passagers Nordik Express a heurté l'île de l'Entrée (Québec), et sa coque a subi des avaries sous la ligne de flottaison. L'enquête subséquente du BSTNote de bas de page 29 a relevé plusieurs lacunes concernant les tâches liées à la sécurité des passagers, notamment :
- L'équipe à la passerelle n'avait pas sonné l'alarme, ce qui a obligé les membres de l'équipe qui étaient responsables de la sécurité des passagers à improviser leur intervention.
- Les listes de tâches en situation d'urgence n'indiquaient pas les tâches liées à la préparation d'une évacuation.
- Les passagers n'avaient pas été dénombrés.
En octobre 2012, le transbordeur roulier à passagers Jiimaan s'est échoué à l'approche du port de Kingsville, sur le lac Érié (Ontario). L'enquête du BST menée à la suite de cet événement a permis de constater que les plans et les procédures à bord du navire pour le rassemblement et le dénombrement des passagers n'étaient pas complets, et que les exercices avaient été effectués seulement avec les membres d'équipage. Ceux-ci n'avaient donc pas été en mesure de s'exercer à l'encadrement des passagers de façon réaliste.
De plus, l'enquête a permis d'établir que les inspections effectuées par TC n'avaient pas vérifié si les tâches et les procédures liées à la sécurité des passagers exigées aux termes de la réglementation figuraient dans les procédures à bord du navire. Le Bureau est préoccupé par le fait que, si les ISM de TC n'évaluent pas les rôles d'appel et les plans d'évacuation pour déterminer leur conformité et leur pertinence, et si TC ne fournit pas de lignes directrices pour l'interprétation, la réglementation sur la sécurité des passagers risque de ne pas être respectée, ce qui annulerait les avantages potentiels de cette réglementation sur le plan de la sécurité.
Systèmes de gestion de la sécurité
Le BST a souligné à maintes reprises la nécessité de mettre en place des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) efficaces pour les navires intérieurs, enjeu qui figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Le Bureau a déjà fait valoir que TC ne surveille pas toujours efficacement les SGS, et que certaines entreprises ne sont pas tenues d'avoir un SGSNote de bas de page 30. Pour corriger cette lacune de sécurité, le Bureau a également noté que :
Des mesures rigoureuses sont nécessaires pour assurer la sensibilisation aux risques et leur atténuation – deux questions qui peuvent être résolues par une approche officielle et systémique à la sécurité. TC, les exploitants de navires et les sociétés chargées de la gestion des navires doivent collaborer afin que l'adoption de SGS efficaces garantisse le repérage et la minimisation des risques d'exploitationNote de bas de page 31.
L'ajout de cet élément à la Liste de surveillance est le fruit de bon nombre d'enquêtesNote de bas de page 32 à la suite desquelles le Bureau a conclu que l'exploitant n'avait pas cerné ou n'avait pas atténué certains dangers et certains risques liés à l'exploitation d'un navire. Des enquêtes sur des événements précédentsNote de bas de page 33 ont également permis de relever des situations où les exploitants de navires n'avaient pas cerné, au cours de la mise en œuvre d'un SGS, certains dangers liés à une activité, de sorte qu'aucune stratégie d'atténuation de ces dangers n'avait été mise en place.
À l'automne 2013, TC a présenté un document de consultation au Conseil consultatif maritime canadien au sujet de sa proposition de modifier le Règlement sur la gestion pour la sécurité de l'exploitation des bâtiments. Selon cette proposition, tout navire, comme le Louis Jolliet, qui transporte plus de 50 passagers et jauge plus de 500 tonneaux bruts, devrait élaborer et mettre en œuvre un SGS agréé et déclaré conforme au Code international de gestion de la sécurité.
Analyse
Événements ayant mené à l'échouement
Le jour de l'événement, après avoir amorcé un changement de cap à bâbord devant le chantier naval, le premier maître a immédiatement tenté de repérer les feux d'alignement d'Ange-Gardien. Toutefois, le premier maître n'a pas réussi à repérer visuellement les feux et n'a utilisé ni l'équipement de navigation, ni les cartes qui se trouvaient sur la passerelle. Le premier maître a continué à accorder la priorité à cette tâche durant environ 5 minutes pendant que le navire avançait à marée descendante et s'écartait de sa route, pour finalement s'échouer. Plusieurs facteurs ont contribué à cet événement :
- L'équipe de quart à la passerelle n'était composée que d'une seule personne, c'est-à-dire du premier maître, qui devait s'occuper de toutes les tâches liées à la navigation, d'assurer la vigie, et de gouverner le navire. Le capitaine se trouvait dans la timonerie, mais était occupé à d'autres tâches. Même s'il jetait de temps à autre un coup d'œil sur les opérations, le capitaine ne participait pas activement à la navigation. En outre, ni le capitaine ni le premier maître ne se sont servi des autres aides à la navigation pour surveiller la progression du navire.
- Pendant les minutes qui se sont écoulées entre le changement de cap devant le chantier naval et l'échouement, les communications entre le capitaine et le premier maître avaient été insuffisantes. Chacun a interprété le silence de l'autre comme étant une indication que le voyage se déroulait tel que prévu.
- Aucune évaluation n'avait été faite à la suite du voyage de familiarisation pour vérifier si le premier maître connaissait les détails de la navigation pour le voyage prévu. Le premier maître a compris qu'il devait tenter de repérer les feux d'alignement immédiatement après le changement de cap devant le chantier naval, alors que la pratique habituelle consistait à naviguer tout d'abord vers les bouées de mouillage jaunes.
- Le navire ne disposait pas d'un plan de navigation documenté que le premier maître aurait pu consulter et utiliser comme guide.
Procédures de familiarisation de l'équipage
Sur un navire, la familiarisation avec milieu de travail et avec les tâches de l'équipage est un élément important qui permet aux membres d'équipage d'accomplir leurs tâches et d'assumer leurs responsabilités adéquatement dans des conditions d'exploitation normales, surtout dans des situations d'urgence.
Au moment de l'événement, le rôle d'appel ainsi que le plan d'évacuation attribuaient au premier maître, nouvellement arrivé, des responsabilités importantes en cas d'urgence. Le premier maître devait diriger une équipe formée d'au moins 5 membres d'équipage pour combattre un incendie, préparer les plateformes de sauvetage du côté bâbord, et vérifier que les portes étanches et les trous d'homme étaient fermés, entre autres choses. D'autre part, le chef bar devait diriger l'équipe responsable de l'encadrement des passagers, équipe qui pouvait compter jusqu'à 84 membres, et était responsable de la sécurité d'un maximum de 1000 passagers.
Toutefois, personne n'avait montré le rôle d'appel au premier maître du Louis Jolliet, et ni le premier maître, ni le chef bar n'étaient au courant des détails du plan d'évacuation. Par exemple, le premier maître croyait qu'il devait s'occuper de l'embarcation de sauvetage en cas d'urgence, alors que le rôle d'appel attribue cette tâche au chef mécanicien. En outre, le chef bar pensait qu'une de ses tâches consistait à aider le sapeur-pompier à enfiler l'habit de pompier.
La politique de la société exploitante sur la formation de base en matière de sécurité était décrite dans le plan d'évacuation, mais celui-ci n'indiquait pas la marche à suivre pour vérifier si les membres d'équipage clés, comme les chefs des équipes d'urgence, connaissaient bien leurs rôles. Les responsabilités relatives à la familiarisation incombaient uniquement au capitaine et, dans le cas du Louis Jolliet, le processus de familiarisation était inadéquat.
Si tous les membres d'équipage ne reçoivent pas une formation adéquate sur les procédures d'urgence, ils risquent de ne pas pouvoir exécuter efficacement les tâches qui leur sont assignées dans une situation d'urgence.
Intervention d'urgence
Dans une situation d'urgence, la sécurité du navire et des personnes qui se trouvent à bord (particulièrement celle des passagers, qui ne connaissent ni le navire, ni ses procédures d'urgence) dépend de la capacité des membres d'équipage à exécuter rapidement et convenablement les tâches qui leur sont assignées, selon les instructions du capitaine. À bord du Louis Jolliet, comme sur la plupart des navires, les procédures et la formation stipulent que des tâches particulières doivent être amorcées dès le déclenchement d'une alarme.
Dans l'événement à l'étude, le capitaine a choisi de ne pas déclencher l'alarme, et a plutôt communiqué avec les passagers et les autres membres d'équipage au moyen du système de diffusion publique quelques minutes après l'échouement. En outre, certains aspects de l'intervention par suite de l'échouement n'étaient pas conformes aux plans et procédures d'urgence du navire, notamment :
- La décision de ne pas déclencher l'alarme a été prise avant l'évaluation de la gravité des avaries subies par le navire;
- Plusieurs membres d'équipage, y compris le chef bar, se sont rendus à la timonerie pour s'informer et prendre les ordres du capitaine avant d'exécuter leurs tâches en cas d'urgence.
- Les membres d'équipage ne se sont pas rassemblés à leurs postes de rassemblement pour faire le décompte et se préparer à recevoir les ordres du capitaine.
- Un membre d'équipage qui était affecté pour se rendre à la timonerie pour aider le capitaine ne s'y est pas rendu.
- Certains membres d'équipage ont effectué des tâches qui ne leur étaient pas assignées dans le rôle d'appel ou le plan d'évacuation, soit à la demande du capitaine, soit de leur propre initiative.
- Les passagers se sont fait offrir des boissons alcoolisées, ce qui aurait pu compromettre leur capacité à évacuer le navire.
Un plan sert à traiter les risques connus en cas urgence; il est entendu qu'on s'écartera du plan pour faire face à des impondérables, car aucune procédure n'abordera tous les aspects possibles. Selon le plan d'évacuation et le rôle d'appel du Louis Jolliet, les décisions concernant le déclenchement de l'alarme et les fonctions des membres d'équipage étaient laissées à la discrétion du capitaine. À cet égard, les décisions du capitaine le jour de l'événement étaient essentiellement conformes au plan d'évacuation et n'ont pas eu de conséquences fâcheuses pour l'intervention d'urgence. Les tâches nécessaires pour garantir la sécurité des passagers ont été exécutées avec succès.
Cela dit, le fait de ne pas se référer à un plan et de ne pas suivre des procédures établies expressément pour intervenir en cas d'urgence crée des risques supplémentaires. Il s'agit notamment de ne pas mettre en œuvre des éléments clés du plan, d'augmenter la charge de travail de la personne responsable, de ne pas fournir un format structuré à un officier de relève quand la nécessité de changer de commandement survient soudainement, de créer de la confusion entre les équipes d'urgence en cas d'ordres contradictoires, et de ne pas déceler des erreurs dans le plan ou les points à améliorer. Si une intervention d'urgence n'est pas initiée le plus rapidement possible et si elle ne se conforme pas aux plans et aux procédures à bord, il y a un risque que l'équipage et les passagers ne seront pas prêts à réagir si la situation se dégénère de façon inattendue.
Procédures et exercices relatifs à la sécurité des passagers
En cas d'urgence, les membres d'équipage peuvent avoir à prendre des décisions dans des situations extrêmement stressantes. Leur charge de travail peut être très lourde et ils peuvent ne pas nécessairement avoir l'expérience des situations d'urgence. De plus, les membres d'équipage d'un navire à passagers doivent également s'occuper d'un grand nombre de personnes dont l'âge et les capacités peuvent varier. Si les membres d'équipage s'exercent à exécuter les tâches liées à la sécurité des passagers en suivant des procédures détaillées et documentées, ils améliorent les chances de succès d'une intervention d'urgence.
Au moment de l'événement, les procédures de gestion de la sécurité des passagers du plan d'urgence du Louis Jolliet présentaient des lacunes, notamment en ce qui a trait à la préparation en vue de l'abandon du navire. L'enquête a montré que le rôle d'appel du navire, le plan d'évacuation, et le manuel de formation ne donnaient pas d'indications précises sur les aspects que voici :
- le processus visant à visiter tous les compartiments du navire et à vérifier si tous les passagers avaient quitté le navire,
- la marche à suivre pour aider les passagers blessés ou handicapés, et les personnes responsables de cette tâche,
- la façon de dénombrer les passagers aux postes de rassemblement et de faire concorder ce chiffre avec le nombre de passagers à bord,
- la marche à suivre pour trouver et secourir les passagers manquant à l'appel, et les personnes responsables de cette tâche.
La plupart de ces tâches ont été exécutées le jour de l'événement. Ainsi, les membres d'équipage ont inspecté le navire et ont résolu l'écart entre le nombre de passagers à bord et le nombre inscrit dans le journal de bord. Toutefois, en l'absence de procédures documentées pour certaines tâches liées à la sécurité des passagers, la société exploitante n'a aucun moyen de s'assurer que ces tâches peuvent être organisées et que les membres d'équipage peuvent s'y exercer régulièrement. Ceci est particulièrement important sur les navires comme le Louis Jolliet, qui peuvent embarquer jusqu'à 1000 passagers, et jusqu'à 84 membres d'équipage chargés de leur encadrement.
De plus, les exercices à bord du Louis Jolliet étaient effectués seulement par les membres d'équipage sans la participation de passagers ou de membres d'équipage jouant le rôle de passagers. Par conséquent, les membres d'équipage n'avaient pas la possibilité de s'exercer à exécuter les tâches relatives à l'encadrement des passagers de façon réaliste. La documentation des procédures facilite l'évaluation du rendement de l'équipage durant un exercice et la formation des nouveaux membres d'équipage; elle permet aussi de mettre au point et d'améliorer les procédures elles-mêmes. Une procédure bien documentée favorise une compréhension opérationnelle commune et aide les membres d'équipage à se familiariser avec la marche à suivre et à mieux la comprendre.
Si les membres d'équipage ne disposent pas de procédures détaillées et documentées et s'ils ne s'exercent pas à exécuter les tâches liées à la gestion de la sécurité des passagers dans un contexte réaliste, il y a un risque que les membres d'équipage ne seront pas capables d'exécuter ces tâches efficacement dans une situation d'urgence.
Pertinence de la surveillance réglementaire
Des enquêtes précédentes du Bureau de la sécurité des transports (BST)Note de bas de page 34 ont permis de cerner certaines lacunes et certains risques liés à la préparation des équipages des navires à passagers canadiens pour le rassemblement et le dénombrement des passagers dans une situation d'urgence. En réponse aux recommandations du BST visant à corriger cette lacune, TC a adopté des règlements qui exigent que le rôle d'appel d'un navire à passagers décrive les tâches liées à la sécurité des passagers et que des procédures soient élaborées pour les exécuter.
Dans l'événement à l'étude, un rôle d'appel et un plan d'évacuation documentés se trouvaient à bord du Louis Jolliet, ce qui a été vérifié lors des visites annuelles des inspecteurs de la sécurité maritime de Transports Canada (TC). Le navire répondait donc aux exigences de certification. Toutefois, ces documents ne décrivaient ni les tâches, ni les procédures relatives à la sécurité des passagers exigées aux termes de la réglementation, à l'exception de la nécessité de « rassembler [les passagers] à leur poste de rassemblement désigné »Note de bas de page 35.
Si la surveillance exercée par TC pour vérifier la conformité des navires à la réglementation sur les procédures d'urgence relatives à la sécurité des passagers est inefficace, il y a un risque accru que ces procédures ne donneront pas les résultats escomptés.
Gestion de la sécurité
La gestion efficace de la sécurité exige que toutes les organisations, quelle que soit leur taille, connaissent les risques liés à leurs activités, aient les compétences nécessaires pour gérer ces risques, et s'engagent à exercer leurs activités en toute sécurité. Ces objectifs peuvent être atteints grâce à la mise en œuvre d'un système de gestion de la sécurité (SGS). Un tel système permet d'instaurer des pratiques sécuritaires d'exploitation des navires et de promouvoir un milieu de travail sûr en établissant des mécanismes de protection contre tous les risques cernés et en améliorant continuellement les compétences de l'équipage des navires et du personnel à terre en matière de gestion de la sécurité. L'approche systématique et documentée qui résulte de cette démarche est adaptée à la société exploitante et au navire, et elle contribue à faire en sorte que les personnes à tous les niveaux de l'organisation aient les connaissances et les outils nécessaires pour gérer efficacement les risques ainsi que l'information nécessaire pour prendre des décisions judicieuses dans toutes les conditions d'exploitation, tant dans le cadre des activités courantes qu'en cas d'urgence.
Actuellement, TC ne dispose pas d'une réglementation obligeant la mise en œuvre d'un SGS sur les navires exploités au Canada, comme le Louis Jolliet. Bien que l'engagement de la société exploitante soit la pierre angulaire de la gestion de la sécurité, le cadre réglementaire procure une motivation et des directives précieuses pour l'élaboration et la mise en œuvre d'un SGS. Dans le cas du Louis Jolliet, la société exploitante n'avait pas mis en œuvre un SGS et n'avait pas mis en place des procédures pour le quart à la passerelle, la planification du voyage, ou la familiarisation de tous les membres d'équipage.
Si les exploitants de navires ne sont pas tenus de mettre en œuvre un SGS, il y a un risque accru que les dangers ne seront pas cernés et que les risques ne seront pas gérés efficacement.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Après avoir amorcé un changement de cap, le premier maître a cherché une référence visuelle, c'est-à-dire les feux d'alignement d'Ange-Gardien, et n'a pas utilisé l'équipement de navigation sur la passerelle pour surveiller efficacement la progression du navire, qui s'est écarté de sa route pour finalement s'échouer.
- Pendant ce temps, le capitaine ne participait pas à la navigation du navire et il ne la surveillait pas. Il n'y avait pas de communication entre le capitaine et le premier maître. Par conséquent, l'équipe de quart à la passerelle n'était composée que d'une seule personne, c'est-à-dire du premier maître, qui devait s'occuper de toutes les tâches liées à la navigation, d'assurer la vigie, et de gouverner le navire.
- Après le voyage de familiarisation de la veille, le capitaine n'a pas vérifié si le premier maître connaissait les détails de la navigation pour le voyage prévu, et il n'y avait aucun plan documenté que le premier maître aurait pu utiliser comme guide.
Faits établis quant aux risques
- Si tous les membres d'équipage ne reçoivent pas une formation adéquate sur les procédures d'urgence, ils risquent de ne pas pouvoir exécuter efficacement les tâches qui leur sont assignées dans une situation d'urgence.
- Si une intervention d'urgence n'est pas initiée le plus rapidement possible et si elle ne se conforme pas aux plans et aux procédures à bord, il y a un risque que l'équipage et les passagers ne seront pas prêts à réagir si la situation se dégénère de façon inattendue.
- Si les membres d'équipage ne disposent pas de procédures détaillées et documentées et s'ils ne s'exercent pas à exécuter les tâches liées à la gestion de la sécurité des passagers dans un contexte réaliste, il y a un risque que les membres d'équipage ne seront pas capables d'exécuter ces tâches efficacement dans une situation d'urgence.
- Si la surveillance exercée par Transport Canada pour vérifier la conformité des navires à la réglementation sur les procédures d'urgence relatives à la sécurité des passagers est inefficace, il y a un risque accru que ces procédures ne donneront pas les résultats escomptés.
- Si les exploitants de navires ne sont pas tenus de mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité, il y a un risque accru que les dangers ne seront pas cernés et que les risques ne seront pas gérés efficacement.
Mesures de sécurité
Mesures prises
Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 27 juin 2013, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a envoyé à Croisières AML la Lettre d'information sur la sécurité maritime 03/13 portant sur des questions relatives à la sécurité des passagers. L'enquête a permis de constater que, étant donné la gîte du navire d'environ 15°, les échelles de corde servant à évacuer les passagers étaient trop courtes pour atteindre le pont des navires venus prêter assistance. De plus, puisque le mobilier et les divers objets se trouvant sur le navire n'étaient pas fixés, ils se sont déplacés ou se sont éparpillés sur le pont. Ces facteurs ont contribué à augmenter les risques pour la sécurité des passagers pendant l'évacuation, en plus de mobiliser le temps et l'attention des membres d'équipage. La société Croisières AML a répondu que l'équipement et les procédures d'urgence du navire seraient révisés pour résoudre le problème du rangement des articles se trouvant sur le pont.
Transports Canada
Transports Canada (TC) a rédigé un avis courriel « FLAGSTATENET » à l'intention de tous les inspecteurs de TC ainsi que des organismes autorisés à inspecter les navires pour leur rappeler les exigences de l'article 7 du Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation. De plus, TC a ajouté de nouveaux champs au Système de rapports d'inspection des navires pour rappeler aux inspecteurs de s'assurer que ces exigences soient rencontrées.
Croisières AML
Depuis l'événement, la société Croisières AML a mis en œuvre les mesures de sécurité suivantes :
- Les trajets de croisière ont été tracés sur la carte maritime.
- Chaque membre d'équipage est évalué individuellement quant à sa compréhension des différentes notions en matière de sécurité à bord du navire. Une fois cette évaluation complétée, chaque membre doit remplir un formulaire dans lequel il doit décrire les différents rôles qu'il pourrait être appelé à remplir, selon le rôle d'appel. Les membres d'équipage doivent ensuite signer le formulaire pour confirmer qu'ils comprennent les tâches reliées à chacun de ces rôles.
- Une nouvelle procédure a été émise aux premiers maîtres des navires de la société visant à s'assurer que tous les membres d'équipage soient conscients de leur poste selon le rôle d'appel afin d'éviter les confusions lors d'une situation d'urgence. La procédure consiste en une rencontre avec chaque membre d'équipage avant chaque appareillage dans le but de dénombrer le personnel à bord (outre les passagers) et de distribuer des cartes de poste spécifiant les tâches des membres d'équipage selon le rôle d'appel.
- Une liste de vérification de formation a été élaborée pour documenter la familiarisation des nouveaux officiers. Celle-ci comprend une liste de contrôle de tous les sujets à être abordés pendant la familiarisation et précise qu'un volet pratique doit être complété.
- En ce qui concerne les procédures et les exercices d'urgence, un résumé des procédures d'urgence ainsi qu'un guide pour la marche à suivre pour différents exercices ont été élaborés, y compris un nouvel exercice de préparation à l'évacuation.
- Les employés ont été pourvus de nouveaux équipements d'identification à porter en cas d'urgence.
- Des procédures ont été élaborées à l'égard du premier maître du Louis Jolliet, précisant les marches à suivre lors des opérations suivantes : le démarrage de l'équipement sur la passerelle, l'appareillage, l'accostage, ainsi que l'ouverture et la fermeture de la journée.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Plan général du navire
Annexe B – Lieu de l'événement
Annexe C – Rôle d'appel
Remarque : Il s'agit d'une reproduction du rôle d'appel qui se trouvait à bord du navire au moment de l'événement.
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX D'URGENCE
- Les exercices d'urgence doivent être tenus selon les règlements statutaires
- Au son de l'alarme générale : Rassemblement de l'équipage à son poste, muni de son gilet de sauvetage.
- Chef d'équipe : Vérifier vos équipes et rapporter au capitaine.
- Tous les signaux d'urgence sont faits au moyen du sifflet et micro.
- Homme à la mer : Lancer les bouées de sauvetage et avertir l'officier de quart.
- Inspection à chaque exercice : Plates-formes de sauvetage et équipment d'urgence.
- Le capitaine ou l'officier responsable peut ordonner à quiconque de remplir une fonction d'urgence si besoin est.
- Les chefs d'équipe : répartir les tâches selon la compétence de chacun. Ils seront responsables de la performance.
- Le personnel de quart restera en poste et commencera les procédures d'urgence jusqu'à son remplacement.
- L'abandon du navire se fera que sur l'ordre du CAPITAINE.
ALARME GÉNÉRALE : | Cloche et Sifflet | Sept sons brefs ou plus, suivis d'un son prolongé. |
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ALARME D'ABANDON : | Cloche/Au micro (PA) | Son continu/Ordre du capitaine. |
HOMME À LA MER : | Cloche | Trois sons prolongés; Équipe d'urgence ralliement à la timonerie. |
RANG | INCENDIE & SITUATION D'URGENCE | ABANDON |
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CAPITAINE |
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AIDE-CUISINIER |
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RANG | INCENDIE & SITUATION D'URGENCE | ABANDON |
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CHEF MÉCANICIEN |
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MATELOT (AIDE-MÉCANICIEN) |
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RANG | INCENDIE & SITUATION D'URGENCE | ABANDON |
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1ER MAÎTRE |
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MATELOT #1 |
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MATELOT #2 |
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MATELOT #3 |
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MATELOT #4 |
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RANG | INCENDIE & SITUATION D'URGENCE | ABANDON |
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CHEF MATELOT |
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MATELOT #5 |
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GUIDE |
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SERVEUR #1 |
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RANG | INCENDIE & SITUATION D'URGENCE | ABANDON |
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CHEF BAR |
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SERVEUR #2 (salle pont B) |
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SERVEUR #3 (extérieur pont B) |
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SERVEUR #4 (salle pont C) |
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CUISINIER |
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PRÉPOSÉ CASSE-CROUTE |
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PRÉPOSÉ BOUTIQUE |
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AUTRES MEMBRES D'ÉQUIPAGE |
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PASSAGERS | Suit les directives de l'équipage | Suit les directives de l'équipage |
[Signature du Capitaine]