Chute accidentelle d’un canot de secours
Spirit of Vancouver Island, canot de secours no 3
Baie Swartz, île de Vancouver (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Description du navire
Le transbordeur roulier à passagers Spirit of Vancouver Island appartient à la British Columbia Ferry Services Inc., qui en assure l’exploitation. Ce navire compte 4 canots de secours pneumatiques à coque rigide situées à l’avant sur le pont 6 (2 de chaque côté). Le canot de secours no 3, en cause dans l’événement à l’étude (ci-après nommé « le canot de secours »), se trouve sur le côté de tribord du transbordeur (figure 1).
Le canot de secours est d’une longueur de 6,83 m et d’une largeur de 1,99 m. Il pèse 1108 kg et peut transporter jusqu’à 6 personnes. Le canot de secours a été fabriqué en mars 2014 et installé à bord du navire en 2016, tout comme le bossoir qui sert à le hisser ou à l’abaisser (figure 2).
L'événement
Le 19 juin 2018, vers 16 h 45Note de bas de page 1, un technicien d’entretien du fabricant des bossoirs du Spirit of Vancouver Island est monté à bord du transbordeur à Tsawwassen (Colombie-Britannique). Il répondait à un appel de service concernant des secousses intermittentes en provenance du bossoir du canot de secours.
Pendant que le navire était à quai, à Tsawwassen ou à la baie Swartz entre ses voyages, le technicien, qui se trouvait sur le pont 6, a abaissé et hissé le canot de secours à plusieurs reprises avec l’aide de membres d’équipage, à des fins d’essai pour déterminer la cause des secousses intermittentes du bossoir.
Le technicien n’a pu déterminer la cause du problème à ce moment; il a décidé de rester à bord du navire après les heures de service pour continuer de diagnostiquer le problème. Un matelot de pont est resté à bord pour aider le technicien. De plus, 4 mécaniciens du quart de nuit et un assistant de la salle des machines se trouvaient à bord; ils travaillaient dans la salle des machines.
Durant les travaux de diagnostic, le technicien a informé le matelot de pont qu’il allait charger d’azote l’accumulateur hydraulique. Afin de permettre au technicien d’accéder au compartiment d’accumulateur, le matelot de pont a abaissé le canot de secours jusqu’à la surface de l’eau et a relâché le garant de quelque 75 cm à 100 cm avant de relever le bossoir à sa hauteur maximale. Pendant que le technicien chargeait d’azote l’accumulateur hydraulique, le canot de secours inoccupé flottait sur l’eau, le garant relâché; la manille de levage et le crochet reposaient sur le dessus du réservoir de carburant. Le processus a duré environ 20 minutes.
Pendant ce temps, la mer était calme et sans houle. Les vents étaient du nord et soufflaient de 1 à 3 nœuds. Le ciel était dégagé, mais il faisait noir.
Vers 23 h 40, après que le technicien a eu terminé de charger l’accumulateur hydraulique d’azote, le premier mécanicien s’est rendu au pont 6, à la demande du technicien, pour assister à l’essai et confirmer l’achèvement des réparations. Le matelot de pont a ensuite hissé le canot de secours au moyen du bossoir pendant que le premier mécanicien et le technicien observaient la manœuvre sur place.
Depuis leur position sur le pont 6, le matelot de pont et le premier mécanicien voyaient le canot de secours pendant le hissage, mais ils ne pouvaient voir la position du crochet et de la manille de levage.
Le matelot de pont a pu hisser le canot de secours sans difficulté. Lorsque celui-ci se trouvait à environ 25 cm de l’interrupteur de fin de course du bossoir, le matelot de pont a réduit la vitesse de hissage, conformément à la pratique d’exploitation normale, pour éviter de déclencher l’interrupteur de fin de course. Le canot de secours a été secoué en réponse à ce changement de vitesse et est ensuite tombé dans l’eau d’une hauteur de quelque 16 m. L’impact a causé 2 fissures dans le réservoir de carburant du canot de secours et a légèrement endommagé sa coque. Environ 100 L d’essence stockés dans le réservoir se sont déversés dans l’environnement.
Après l’événement, le premier mécanicien, le matelot de pont et le technicien ont inspecté le crochet. Ils ont constaté que son linguet de sécurité à ressort était fléchi de côté, ce qui laissait un jeu entre le linguet et le bec du crochet (figure 3). On n’a pas pu déterminer quand ni comment cette déformation s’est produite.
L’enquête a permis de déterminer que la conception du crochet est telle que la manille de levage peut reposer sur le bec du crochet (figure 4). Pendant que le canot inoccupé flottait sur l’eau avec le garant relâché, il se peut que la manille de levage se soit retrouvée sur le bec du crochet, de sorte qu’elle aurait pu glisser dans l’espace laissé par le linguet de sécurité déformé et ainsi se décrocher.
Modification apportée récemment à la procédure d’exploitation
Le 18 avril 2018, un incident concernant un canot de secours s’est produit à bord d’un autre navire de la British Columbia Ferry Services Inc. Dans ce cas, le canot de secours est tombé à l’eau durant un exercice avec 2 membres d’équipage à bord; ces derniers ont été blessésNote de bas de page 2.
Comme suite à cet incident, la British Columbia Ferry Services Inc. a modifié temporairement la procédure afin que personne ne se trouve à bord des canots de secours quand on les hisse ou abaisse, sauf en cas d’urgence réelle. Cette mesure temporaire était en place pendant l’inspection des bossoirs de tous les navires de la flotte.
Cette mesure temporaire avait pour objectif de réduire le risque. En pratique, toutefois, elle a fait qu’il était impossible pour l’équipage de vérifier que la manille de levage était bien positionnée sur le crochet, à partir du poste de manœuvre du bossoir et à la noirceur. D’après le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, avant de déplacer une charge, l’opérateur doit s’assurer que le dispositif de levage repose bien au creux de la selle du crochetNote de bas de page 3.
Dans l’événement à l’étude, on a abaissé le canot de secours, qui est demeuré dans l’eau pendant environ 50 minutes avec le garant relâché et le crochet et la manille de levage reposant dans le canot. Pendant ce temps, le canot inoccupé était ballotté par les flots, ce qui aurait pu causer un repositionnement de la manille de levage sur le bec du crochet. Il faisait noir lorsque le matelot de pont a hissé le canot de secours et, à partir de sa position sur le pont 6, il ne pouvait voir la position de la manille de levage sur le crochet.
Message de sécurité
Avant toute modification d’une procédure d’exploitation, il serait judicieux de faire une évaluation exhaustive des risques afin de cerner les nouveaux risques que cette modification pourrait entraîner. Dans le cas à l’étude, on a rapidement modifié la procédure après un incident dans lequel des membres d’équipage ont été blessés; aucune évaluation exhaustive des risques n’a été faite.
Mesures de sécurité prises
Palfinger Marine
L’entreprise d’entretien a indiqué à tous ses techniciens de s’assurer que le canot de secours est détaché du garant du bossoir avant d’effectuer les travaux d’entretien ou de réparation.
British Columbia Ferry Services Inc.
Après cet événement, la compagnie a mené une évaluation des risques au terme de laquelle elle a annulé l’interdiction de se trouver à bord des canots de secours durant les situations non urgentes.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié pour la première fois le .
Correction
Par souci de précision, le terme embarcation de sauvetage a été remplacé dans tout le rapport par le terme canot de secours.
La version corrigée du rapport a été publiée le