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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M21A0041

Défaillance catastrophique du moteur, incendie subséquent et naufrage
Navire de pêche Atlantic Destiny
120 milles marins au sud de Yarmouth (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 2 mars 2021, le navire de pêche Atlantic Destiny, avec 31 personnes à son bord, a subi une défaillance catastrophique du moteur alors que le navire se trouvait à environ 120 milles marins au sud de Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Les génératrices d’arbre ont explosé, provoquant un incendie et des dommages qui ont conduit à l’inondation de la salle des machines. Toutes les personnes à bord ont été évacuées par les autorités de recherche et sauvetage. Des blessures mineures ont été signalées. Le 3 mars 2021, l’Atlantic Destiny a coulé.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Tableau 1. Fiche technique du navire
Nom du navire Atlantic Destiny
Numéro matricule 824202
Numéro d’immatriculation auprès de Pêches et Océans Canada 105736
Port d’immatriculation Halifax (Nouvelle-Écosse)
Pavillon Canada
Type Chalutier-usine
Jauge brute 1113
Longueur hors tout 39,2 m
Largeur 12 m
Tirant d’eau au moment de l’événement 6,3 m
Propulsion 1 moteur diesel avec puissance au frein de 2500 chevaux, à 9 cylindres en ligne 1 seule hélice à pas variable
Capacité d’équipage 32
Construction 2002, Skagen (Danemark)
Propriétaire enregistré et représentant autorisé 55104 Newfoundland & Labrador Inc., St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
Exploitant Ocean Choice International (OCI), siège social, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
Organisme reconnu DNV

1.2 Description du navire

L’Atlantic Destiny était un chalutier à rampe arrière à une seule hélice (figure 1) construit au Danemark en 2002 selon les règles de DNVNote de bas de page 1 régissant la construction des navires de pêche. Le navire était entièrement construit en acier soudé et était équipé pour la transformation, la congélation et l’entreposage des prises de pétoncles.

Figure 1. L’Atlantic Destiny (Source : BST)
L’Atlantic Destiny (Source : BST)

La passerelle était équipée d’un système mondial de détresse et de sécurité en mer, y compris une radio à très haute fréquence munie d’une fonction d’appel sélectif numérique (VHF-ASN). Le navire était équipé d’un système de télévision en circuit fermé qui surveillait la salle des machines, l’usine de transformation des pétoncles et le pont principal.

Les emménagements étaient situés à l’avant et s’étendaient sur 3 niveaux de pont : le pont principal, le pont-abri et le pont de gaillard d’avant. L’usine de transformation du navire était située sur le pont principal, au-dessus d’une cale à poisson réfrigérée au milieu du navire.

La salle des machines était située à l’arrière, sous le pont principal, et elle était accessible à partir d’un escalier sur le pont principal. La salle des machines auxiliaires était située à l’arrière, du côté bâbord du pont principal, et elle était accessible à partir de l’atelier ou de l’usine de transformation sur le pont principal. Le pont de la salle des machines auxiliaires comportait une ouverture pratiquée autour des tuyaux d’échappement, ce qui faisait des 2 salles un seul espace de catégorie A. La salle de commande des machines était située du côté bâbord avant de la salle des machines et était accessible à partir de la salle des machines, mais se trouvait dans son propre espace de catégorie A. Le compartiment de l’appareil à gouverner se trouvait sur le pont principal et était accessible à partir de la salle des machines auxiliaires ou depuis une écoutille située sur le pont-abri, mais se trouvait dans un autre espace de catégorie A (figure 2).

Figure 2. Coupe transversale de bâbord et vue en plan du pont principal et des tôles de pont de la salle des machines du navire montrant que la salle des machines et la salle des machines auxiliaires formaient sur 2 étages un seul espace de catégorie A (Source : BST, d’après le plan de sécurité-incendie de l’Atlantic Destiny)
Coupe transversale de bâbord et vue en plan du pont principal et des tôles de pont de la salle des machines du navire montrant que la salle des machines et la salle des machines auxiliaires formaient sur 2 étages un seul espace de catégorie A (Source : BST, d’après le plan de sécurité-incendie de l’Atlantic Destiny)

L’équipement de sauvetage du navire comprenait 1 bateau de sauvetage à l’arrière du navire et 4 radeaux de sauvetage gonflables, 2 de chaque côté de la timonerie.

1.2.1 Évacuations d’urgence

Le Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche exige que, « [s]’il n’y a qu’une entrée à un poste d’équipage, une écoutille de sauvetage de secours sera ménagéeNote de bas de page 2 ». Le règlement ne contient pas de dispositions particulières concernant la conception de l’écoutille, comme la possibilité de l’ouvrir des deux côtés. Certaines écoutilles sont équipées d’un ressort et d’une roue, ce qui facilite l’ouverture dans des conditions difficiles telles que le mauvais temps ou l’obscurité.

D’autres administrations ont des exigences plus détaillées. Par exemple, la réglementation des États-Unis indique ce qui suit [traduction] :

Chaque porte, écoutille ou écoutillon servant de moyen d’évacuation doit pouvoir être ouvert par une personne, d’un côté ou de l’autre, dans la lumière et dans l’obscurité. La méthode d’ouverture d’un moyen d’évacuation doit être évidente, rapide et ne pas offrir trop de résistanceNote de bas de page 3.

L’Atlantic Destiny a été construit avec le nombre requis d’issues de secours. Une issue de la salle des machines offrait une voie d’évacuation vers l’usine de transformation du navire, située sur le pont au-dessus. Cette issue de secours était située du côté bâbord, entre la salle de commande des machines et le moteur. L’issue se composait d’une échelle verticale et d’une écoutille à charnière dotée d’un mécanisme de verrouillage consistant en 3 loquets indépendants. Pour ouvrir l’écoutille, il fallait se tenir en équilibre sur l’échelle en s’agrippant à celle-ci avec 1 main, tourner chacun des 3 loquets en position ouverte avec l’autre main, puis pousser sur l’écoutille pour l’ouvrir.

Il n’est pas nécessaire que les écoutilles de secours soient mises à l’essai ou utilisées dans le cadre d’exercices. Elles peuvent faire l’objet d’inspections annuelles par l’organisme reconnu.

1.3 Déroulement du voyage

Le 17 février 2021, l’Atlantic Destiny a quitté Riverport (Nouvelle-Écosse) pour effectuer un voyage de pêche aux pétoncles de 21 jours, avec 31 personnes à son bord. Le 2 mars, 13e jour du voyage, le navire se trouvait sur les lieux de pêche près du banc de Georges (Nouvelle-Écosse) (figure 3). Les opérations de pêche ont été suspendues en raison des conditions météorologiques, et la plupart des membres d’équipage étaient en repos. Le navire circulait à vitesse réduite, l’hélice à pas variable étant réglée à environ 40 %.

Figure 3. L’Atlantic Destiny pêchait près du banc de Georges (Nouvelle-Écosse) (Source : Carte 4003 du Service hydrographique du Canada et carte en médaillon de Google Earth, avec annotations du BST)
L’Atlantic Destiny pêchait près du banc de Georges (Nouvelle-Écosse) (Source : Carte 4003 du Service hydrographique du Canada et carte en médaillon de Google Earth, avec annotations du BST)

À 18 hNote de bas de page 4, le capitaine a pris le quart sur la passerelle, accompagné d’un matelot de pont. Au même moment, le deuxième mécanicien a pris le quart dans la salle des machines et le chef mécanicien est allé dans sa cabine.

Vers 19 h 30, le deuxième mécanicien, qui se trouvait dans la salle de commande des machines, a constaté que 1 des génératrices d’arbre s’était arrêtée. Il a appelé la passerelle pour s’assurer auprès du capitaine qu’aucun changement n’avait été apporté à l’équipement ou aux engins utilisés. Le capitaine lui a assuré qu’aucun changement n’avait été apporté. Le deuxième mécanicien est allé enquêter et n’a observé aucun signe visuel du problème de la génératrice d’arbre; il est ensuite retourné à la salle de commande des machines.

Vers 19 h 40, la deuxième génératrice d’arbre s’était arrêtée, provoquant une panne de courant dans tout le navire et l’allumage de l’éclairage d’urgence alimenté par batterie. Des alarmes ont commencé à retentir afin d’indiquer la perte de courant pour l’équipement non essentiel. La génératrice auxiliaire s’est mise en marche automatiquement et alimentait le navire en électricité. Le moteur a continué de tourner à environ 600 tr/min.

Peu après, le chef mécanicien est entré dans la salle de commande des machines. Pendant que les 2 mécaniciens tentaient de déterminer la raison pour laquelle les 2 génératrices d’arbre s’étaient arrêtées, ils ont entendu le moteur commencer à augmenter son régime et les génératrices d’arbre grincer. Le deuxième mécanicien a appuyé sur le bouton d’arrêt d’urgence dans la salle de commande des machines pour tenter d’arrêter le moteur, mais celui-ci a continué de tourner.

Moins d’une minute plus tard, les 2 génératrices d’arbre et les équipements connexes ont éclaté, projetant à grande vitesse du liquide hydraulique et de multiples fragments de métal chaud dans toute la salle des machines, ce qui a provoqué un incendie qui a produit de la fumée dense dans la salle des machines et a fait arrêter le moteur. À partir de la salle de commande des machines, les mécaniciens ont vu la défaillance catastrophique et une boule de flammes et de la fumée noire. L’alarme incendie s’est mise à retentir. L’alarme incendie a continué de retentir, et toutes les tentatives d’arrêter l’alarme ont échoué.

Lorsque l’alarme incendie a retenti, les membres d’équipage (autres que ceux qui se trouvaient dans la salle des machines et sur la passerelle) se sont rassemblés sur la poupe, et tous étaient présents. Certains membres d’équipage ont été chargés d’installer des boyaux d’incendie pour le refroidissement des cloisonnements et d’apporter des bouteilles de rechange pour les appareils respiratoires autonomes (ARA) et des extincteurs au poste de rassemblement. Le second officier et les matelots de pont désignés ont fermé les registres coupe-feu. D’autres membres d’équipage désignés ont récupéré les 2 tenues de lutte contre les incendies et un ARA supplémentaire. Le matelot de pont qui était le pompier désigné a enfilé une tenue de lutte contre les incendies, sans toutefois remplir les fonctions de pompier.

Lorsque le capitaine a vu l’explosion sur le système de télévision en circuit fermé, il a brièvement appuyé sur le bouton de détresse de la radio VHF-ASN du navire pour envoyer un signal de détresse automatiqueNote de bas de page 5. Il a ensuite pris un extincteur et s’est dirigé vers l’entrée de la salle des machines. Quelques pas en dessous de l’entrée, il a aperçu un fragment de machine métallique en feu qui mesurait environ 60 cm sur 60 cm.

Alors qu’il se trouvait toujours dans la salle de commande des machines, le deuxième mécanicien a enfilé un appareil respiratoire d’évacuation d’urgence (AREU)Note de bas de page 6. Il a quitté la salle de commande des machines et a tenté de s’échapper par l’écoutille de secours qui menait à l’usine de transformation du navire. Ne parvenant pas à ouvrir l’écoutille de secours, il est retourné à la salle de commande des machines, a pris un extincteur et s’est échappé par l’entrée de la salle des machines, en éteignant les incendies sur son chemin. Pendant ce temps, le chef mécanicien a assemblé et enfilé le deuxième AREUNote de bas de page 7. Dans l’escalier menant à la salle des machines auxiliaires, le deuxième mécanicien a rencontré le capitaine et le premier officier de pont. Il leur a demandé d’ouvrir l’écoutille de secours de la salle des machines à partir de l’usine de transformation, puis est retourné dans la salle des machines. Le capitaine et le premier officier de pont ont ouvert l’écoutille de secours par le haut, et le chef mécanicien est sorti de la salle des machines. Alors que le deuxième mécanicien sortait derrière le chef mécanicien, on a entendu un bruit d’eau qui ballottait.

Le capitaine est revenu sur la passerelle. À l’aide de la radio VHF-ASN, le capitaine a diffusé un message aux navires de pêche à proximité pour leur demander de confirmer que le signal de détresse de l’Atlantic Destiny avait été reçu. Lorsqu’il a appris que le signal de détresse n’avait pas été reçu, il a demandé aux autres d’envoyer un signal de détresse pour lui. À ce moment-là, le navire de pêche Cape Lahave était à proximité et les navires de pêche Atlantic Preserver, Atlantic Protector et Maude Adams se trouvaient à environ 1 mille marin (NM) de l’Atlantic Destiny.

À 20 h 08, l’Atlantic Preserver a relayé le signal de détresse au centre des Services de communication et de trafic maritimes de la Garde côtière canadienne (GCC) à Halifax (Nouvelle-Écosse).

Le premier officier de pont, le deuxième mécanicien et le chef mécanicien ont enfilé des ARA et se sont rendus dans la salle des machines principale pour lutter contre l’incendie et évaluer la situation. Ils ont combattu l’incendie à l’aide d’extincteurs depuis l’entrée de la salle des machines. Lorsqu’il est devenu évident que les extincteurs n’étaient pas suffisants pour maîtriser l’incendie, ils ont jeté 1 des 2 extincteurs portatifs à dispersion de poudre sèche en aérosol (DSPA) dans la salle des machines et ont fermé la porte de la salle des machines. Le bruit de l’eau s’est fait à nouveau entendre, provenant de sous les tôles de pont de la salle des machines.

Vers 20 h 15, après une brève discussion, le capitaine, le chef mécanicien et le deuxième mécanicien ont décidé d’utiliser le système fixe d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone (CO2) de la salle des machines. Le deuxième mécanicien s’est alors rendu au poste de commande d’urgence situé sur le pont-abri. Au poste de commande d’urgence, il a actionné les 4 vannes à fermeture rapide pour couper l’alimentation en carburant du moteur, de la génératrice auxiliaire, du séparateur de mazout, de la chaudière à mazout et des soutes à combustibles.

Peu après, le chef mécanicien a obtenu la permission du capitaine et est entré dans la salle des machines pour rechercher la source de l’eau qui avait été entendue. Le chef mécanicien a enfilé un ARA et a utilisé un extincteur pour éteindre les flammes dans les points chauds. Lorsque l’alarme de basse pression d’air de son ARA a retenti, il a été contraint de se retirer de la salle des machines avant d’avoir pu déterminer la source de l’infiltration d’eau.

Vers 21 h, le chef mécanicien et le deuxième mécanicien sont entrés dans la salle des machines, prévoyant d’arrêter l’infiltration d’eau en fermant les robinets du caisson de prise d’eau (voir la section 1.14.1 Robinets du caisson de prise d’eau). Le deuxième mécanicien a utilisé un ARA et le chef mécanicien s’est protégé le visage en le couvrant d’un chiffon. Le chef mécanicien a longé le côté bâbord de la salle des machines, tandis que le deuxième mécanicien en a longé le côté tribord. Le chef mécanicien a constaté que l’eau avait atteint les tôles de pont de la salle des machines. Ayant du mal à respirer, le chef mécanicien n’est pas parvenu à rejoindre les robinets du caisson de prise d’eau bâbord et est sorti de la salle des machines. Le deuxième mécanicien a constaté que de nombreux tuyaux étaient écrasés ou brisés. Il a essayé d’accéder aux robinets du caisson de prise d’eau tribord pour les fermer, mais il n’a pas pu le faire à cause de l’espace restreint et parce qu’il était gêné par l’ARA. Il a alors quitté la salle des machines, a enlevé son ARA, s’est couvert le visage d’un chiffon et est retourné dans la salle des machines pour réessayer. À ce moment-là, les robinets du caisson de prise d’eau étaient déjà sous l’eau et, pour les atteindre, il devait passer son bras sous des tuyaux qui étaient submergés eux aussi. Après avoir tenté en vain d’atteindre 1 des robinets du caisson de prise d’eau, il a quitté la salle des machines.

Pendant que les mécaniciens tentaient de fermer les robinets du caisson de prise d’eau, le second officier a reçu du capitaine l’ordre de démarrer la pompe d’incendie de secours. Portant un ARA, le second officier a pénétré dans le compartiment de l’appareil à gouverner par la salle des machines auxiliaires et a tenté à 2 reprises, en vain, de démarrer la pompe d’incendie de secours à l’aide du démarreur électrique. Peu après, le chef mécanicien l’a rejoint en entrant par l’écoutille du pont-abri. Ils ont essayé à nouveau de démarrer la pompe d’incendie de secours à l’aide du démarreur électrique et ont confirmé que les batteries étaient à plat. Le second officier et le chef mécanicien ont essayé de démarrer la pompe manuellement à l’aide de la manivelle. La pompe ne démarrant toujours pas, le second officier et le chef mécanicien ont abandonné leurs tentatives de démarrage de la pompe d’incendie de secours et ont décidé de redémarrer la génératrice auxiliaire pour être en mesure d’utiliser les pompes de cale.

Les mécaniciens, sans ARA, et le second officier, avec un ARA, ont essayé de redémarrer la génératrice auxiliaire. C’est alors qu’ils ont aperçu du feu dans la salle des machines en dessous d’eux, par l’ouverture autour des tuyaux d’échappement. Ils ont éteint le feu à l’aide du deuxième extincteur portatif DSPA, puis ont repris leurs tentatives de démarrage de la génératrice auxiliaire. Ils ont démarré la génératrice auxiliaire à plusieurs reprises avant de réussir à la maintenir en marche. Le chef mécanicien s’est rendu seul à la salle de commande des machines pour tenter de fermer le disjoncteur du panneau principal afin de raccorder la génératrice auxiliaire au système de distribution électrique, mais il n’est pas parvenu à fermer le disjoncteur. Le chef mécanicien et le deuxième mécanicien ont fait ensemble une autre tentative infructueuse. Le deuxième mécanicien est resté coincé dans la salle de commande des machines lorsque la porte a été obstruée par des débris qui se déplaçaient dans la salle des machines en raison des mouvements du navire. Le chef mécanicien a aidé le deuxième mécanicien à sortir de la salle de commande des machines et ils ont quitté ensemble la salle des machines. L’incendie était alors éteint.

Vers 22 h 04, un avion de recherche et sauvetage (SAR) de l’Aviation royale canadienne (ARC) est arrivé sur les lieux. Vers 22 h 10, après plusieurs passages, il a largué à la mer une pompe SAR à essence. En raison des conditions de vent et de mer défavorables, l’équipement n’a pu être récupéré et a dérivé. Un autre équipement de pompage a été préparé et, après 3 passages, il a été largué et récupéré avec succès par l’équipage.

Peu après, l’équipage a préparé la pompe pour son fonctionnement. Le tuyau de refoulement n’étant pas assez long pour passer par les escaliers et par-dessus bord, l’équipage l’a rallongé en y raccordant les boyaux d’incendie du navire. La pompe perdait régulièrement de l’aspiration parce que la crépine était obstruée par des débris qui flottaient dans la salle des machines.

À 23 h 17, un hélicoptère SAR de l’ARC est arrivé sur les lieux, amenant 2 techniciens SAR. Après avoir discuté avec le commandant SAR, le capitaine a décidé d’évacuer tous les membres d’équipage qui n’étaient pas essentiels à l’exploitation du navire. Le premier officier de pont a coordonné l’évacuation et a maintenu la communication avec la GCC. Le système hydraulique de l’hélicoptère de sauvetage posait problème, et l’hélicoptère a été contraint de quitter d’urgence les lieux avec seulement 6 membres d’équipage. Les 2 techniciens SAR sont restés à bord pour aider l’équipage.

Le 3 mars 2021 à 0 h 31, un hélicoptère de la United States Coast Guard a livré 1 autre équipement de pompage et a évacué 8 autres membres d’équipage.

À 2 h 35, un autre hélicoptère de la United States Coast Guard a livré 1 équipement de pompage supplémentaire et évacué 13 autres membres d’équipage, dont le premier officier de pont.

Les 27 membres d’équipage ont été évacués vers Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Les 4 membres d’équipage restants (le capitaine, le chef mécanicien, le deuxième mécanicien et le second officier) et les 2 techniciens SAR sont restés à bord pour essayer de contrôler le niveau d’eau en gardant les 3 pompes SAR en marche. Cependant, les pompes ont éprouvé des problèmes d’aspiration et le niveau d’eau dans la salle des machines a continué d’augmenter.

Vers 5 h 30, les opérations de pompage ont été abandonnées. Le second officier et le deuxième mécanicien ont fermé toutes les portes et se sont rendus sur la passerelle. L’équipage a préparé 3 échelles de revers : 1 de chaque côté du navire sur le pont de la passerelle et 1 à la porte de chargement du côté tribord sur le pont-abri. Deux radeaux de sauvetage ont été déployés afin que l’équipage soit prêt à abandonner le navire.

Vers 5 h 37, le navire gîtait considérable sur bâbord, suffisamment pour susciter des inquiétudes quant à sa stabilité et à son éventuel chavirement.

Vers 6 h, un autre hélicoptère de l’ARC est arrivé sur les lieux pour évacuer les 4 membres d’équipage et les 2 techniciens SAR qui se trouvaient encore à bord de l’Atlantic Destiny. Au cours de cette opération, les 2 câbles de levage de l’hélicoptère se sont emmêlés dans le gréement du navire. L’hélicoptère n’a pas pu terminer l’opération et a quitté les lieux.

Vers 7 h, le navire Cape Roger de la GCC est arrivé sur place. Vers 7 h 19, les 4 membres d’équipage et les 2 techniciens SAR ont été transférés vers le Cape Roger à bord de son embarcation rapide de sauvetage, achevant le sauvetage des 31 membres d’équipage.

Le 3 mars 2021 à 10 h 36, l’Atlantic Destiny a coulé à la position 41°51′ N, 066°12′ W.

1.4 Blessures

Deux membres d’équipage ont subi des blessures mineures. Le deuxième mécanicien s’est blessé au bras en s’échappant de la salle de commande des machines, et un autre membre d’équipage s’est blessé à l’épaule en heurtant le garde-corps lors de l’évacuation du navire.

1.5 Conditions environnementales

Lors de l’événement, les vents soufflaient du nord-ouest à une vitesse de 40 à 45 nœuds, avec des rafales atteignant 55 nœuds, et les vagues avaient une hauteur de 5 à 8 m. La température de l’eau était d’environ 5 °C et la température de l’air était de 0 °C. La visibilité était moyenne (2 à 5 NM).

1.6 Certificats du navire

Depuis 2002, année de construction de l’Atlantic Destiny, et jusqu’en mars 2019, l’inspection et la certification ont été effectuées par Transports Canada (TC).

En mars 2019, dans le cadre du Programme de délégation des inspections obligatoires, TC a autorisé DNV à inspecter et à certifier le navire en son nom. Les inspections en vue de la certification étaient menées chaque année.

Le certificat d’inspection autorisait l’exploitation de l’Atlantic Destiny pour des voyages illimités, à proximité du littoral, classe 1, avec un équipage de 32 personnes.

1.7 Brevets, expérience et formation de l’équipage

Le capitaine était titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe, et pouvait seulement agir comme capitaine à bord de navires de pêche effectuant des voyages à proximité du littoral. Il avait navigué à titre de capitaine sur divers navires de pêche depuis 1976 et naviguait sur l’Atlantic Destiny depuis qu’Ocean Choice International (OCI) l’avait acquis en 2002. Il a suivi la formation sur les fonctions d’urgence en mer (FUM) sur la sécurité de base (FUM A1) en 1984, en 1994 et en 1997 et la FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (FUM B2) en 1984.

Le premier officier de pont était titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, quatrième classe. Il naviguait à bord de l’Atlantic Destiny depuis 2010. Il a suivi la formation FUM A1 en 2011.

Le second officier était titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe. Il naviguait à bord de l’Atlantic Destiny depuis 2010. Il a suivi la formation FUM A1 en 2010.

Le chef mécanicien était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de troisième classe, navire à moteur. Il était employé en tant que chef mécanicien à bord de l’Atlantic Destiny depuis mai 2017. Il a suivi la formation FUM A1 en 2002, la formation FUM destinée aux officiers supérieurs (FUM D) en 2011 et la formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) en 2011. Il a suivi la formation d’appoint de la STCW sur la sécurité de base et sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie en 2016.

Le deuxième mécanicien était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de quatrième classe, navire à moteur. Il comptait 11 ans d’expérience de travail en mer sur différents types de navires et travaillait sur l’Atlantic Destiny depuis 4 ans. Il a suivi la formation de la STCW sur la sécurité de base et la formation FUM de la STCW sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie en 2016. Il a suivi la formation FUM D en 2014.

1.8 Système de gestion de la sécurité d’Ocean Choice International

Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant qu’un accident survienne. Un SGS doit décrire les responsabilités et les rôles individuels à tous les échelons de la compagnie. Il doit également décrire les politiques et procédures écrites relatives aux dossiers de sécurité et à la communication; à l’éducation, aux exercices et à la formation; à l’évaluation et à l’atténuation des risques; à la préparation et à l’intervention en cas d’urgence; ainsi qu’aux procédures de travail sécuritaire. Lorsqu’un SGS est exigé par la réglementation, il doit faire l’objet d’une vérification et d’une certification externes. Lorsqu’un SGS est volontaire, il ne nécessite pas de vérification ni de certification externe.

En 2008, OCI a volontairement mis en œuvre un SGS pour tous les navires de sa flotte Note de bas de page 8. En 2019, le SGS a été mis à jour. Au moment de l’événement, le SGS d’OCI n’avait pas fait l’objet d’une vérification ou d’une certification externe.

Le SGS d’OCI est documenté dans un manuel du SGS, dont un exemplaire était disponible sur l’Atlantic Destiny. Le SGS est décrit comme suit dans le manuel [traduction] :

Le SGS a pour but de protéger la sécurité et la santé de nos employés (« membres d’équipage »), d’aider à prévenir les accidents et les blessures, d’accroître l’efficience des opérations et de réduire les coûts associés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. OCI s’engage à assurer la santé et la sécurité de tous les membres d’équipage et à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le programme vise à soutenir la politique de santé et sécurité au travail (SST) en exposant en détail les rôles et les responsabilités des différents intervenants de l’entreprise, c’est-à-dire la haute direction, la direction des opérations, les membres d’équipage, les comités de SST et les entrepreneurs. Les obligations de chaque partie en matière de SST sont interdépendantes, et la mise en œuvre réussie des pratiques et procédures de SST dépend donc de la coopération de chacun dans la compagnie Note de bas de page 9.

Le manuel du SGS d’OCI comporte des sections sur les rôles et les responsabilités, y compris pour les personnes travaillant à bord, les exigences en matière de SST, l’éducation et la formation, les pratiques de travail sécuritaires, les procédures d’inspection du navire, les enquêtes sur les accidents et les incidents, l’évaluation et le signalement des dangers, la préparation et l’intervention en cas d’urgence, ainsi que la gestion du retour au travail. Au moment de l’événement à l’étude, le manuel du SGS indiquait que le responsable opérationnel était chargé de vérifier si les instructions relatives à la salle des machines se trouvaient à bord et étaient facilement accessibles. Cependant, dans la pratique, cette personne devait compter sur le capitaine et sur l’équipage pour déterminer si tout était en place.

La section du manuel consacrée aux enquêtes sur les accidents et les incidents s’appliquait à la fois à l’équipage et au navire. Dans la pratique, toutefois, seuls les accidents et les incidents liés aux exigences en matière de SST pour l’équipage étaient traités à l’aide du SGS. OCI a fourni au BST tous les rapports d’accident (2) qui avaient été documentés relativement à l’Atlantic Destiny pour la période de 2017 à la date de l’événement. Ces rapports d’accident étaient liés à des blessures ou à des risques de blessures.

L’entretien découlant d’accidents et d’incidents liés aux machines du navire a été géré en dehors du SGS. Au cours de la période de 2017 à la date de l’événement, 3 événements ont été signalés au BST Note de bas de page 10. Ces événements ont été documentés dans les dossiers d’OCI à l’aide de rapports de service.

1.9 Élaboration, documentation et examen des procédures d’essai

Les procédures contribuent à la sécurité lorsqu’elles sont propres aux opérations auxquelles elles s’appliquent, qu’elles tiennent compte à la fois des activités et des conditions d’exploitation, et qu’elles sont utilisées par le public auquel elles sont destinées. Les procédures doivent être examinées régulièrement pour s’assurer qu’elles reflètent toujours les activités qu’elles décrivent et qu’elles sont utilisées efficacement.

L’élaboration de procédures nécessite une compréhension et une expérience du contexte, des objectifs, des risques et des activités des opérations. Dans le cas des opérations de moteur, il faut posséder une compréhension complète du mode d’interaction des composants du moteur, tels que le système de gestion du moteur et le système de sécurité du moteur, ainsi qu’une compréhension du navire et de ses limites.

Selon la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le représentant autorisé d’un navire est responsable de fournir des procédures écrites à l’équipageNote de bas de page 11. Le représentant autorisé de l’Atlantic Destiny était 55104 Newfoundland & Labrador Inc. Dans le cadre du processus de délégation de TC, le responsable opérationnel d’OCI a été désigné comme l’exploitant délégué autoriséNote de bas de page 12 du navire. Le responsable opérationnel avait des antécédents dans l’industrie de la transformation du poisson.

1.10 Moteur du navire

Le moteur de l’Atlantic Destiny était un moteur diesel 4 temps à turbocompresseur à 9 cylindres, muni d’une cylindrée de 114 L et d’un refroidisseur d’air d’admission, et développant une puissance au frein nominale d’environ 2500 chevaux (1865 kW). Le moteur avait été construit en 2001 et avait accumulé plus de 136 840 heures de service au moment de l’événement. Le moteur assurait à la fois la propulsion du navire et son alimentation électrique. Dans des conditions d’exploitation normales, lorsque le système d’hélice à pas variable et les 2 génératrices d’arbre étaient raccordées au système de distribution électrique, il maintenait une vitesse constante de 900 tr/min.

Le moteur entraînait un réducteur par l’intermédiaire d’un accouplement flexible (figure 4). Le réducteur était doté de 3 arbres de sortie : l’arbre de sortie inférieur entraînait l’arbre de l’hélice à un rapport de réduction de 5,52:1 et les 2 arbres de sortie supérieurs entraînaient les génératrices d’arbre à un rapport de multiplication de 1:2 par l’intermédiaire d’accouplements hydrodynamiques La limite de conception des accouplements hydrodynamiques était de 1800 tr/min. Au régime de fonctionnement normal du moteur de 900 tr/min, l’arbre d’hélice tournait à 163 tr/min et les génératrices tournaient à 1800 tr/min.

Figure 4. Configuration du moteur, des génératrices d’arbre et de l’hélice à pas variable (Source : BST)
Configuration du moteur, des génératrices d’arbre et de l’hélice à pas variable (Source : BST)

L’Atlantic Destiny était équipé d’un système de gestion du moteur pour contrôler la vitesse du moteur. Le navire était également équipé d’un système de sécurité du moteur conçu pour protéger le moteur et le réducteur contre les dommages.

1.10.1 Système de gestion du moteur

Le système de gestion du moteur (figure 5) contrôlait la vitesse du moteur à bord du navire pour s’assurer qu’il maintenait la vitesse requise dans tous les modes de fonctionnement, y compris le démarrage, l’embrayage et l’exploitation en mer avec les génératrices d’arbre raccordées au système de distribution électrique. Le système de gestion du moteur avait été installé en octobre 2017 en tant que mise à niveau du système précédemment utilisé sur le navireNote de bas de page 13.

Figure 5. Schéma du système de gestion du moteur montrant la manière dont les composants sont raccordés entre eux (Source : BST; photos du régulateur électronique et du capteur magnétique du régime de Deutz; photo de l’actionneur d’Europa)
Schéma du système de gestion du moteur montrant la manière dont les composants sont raccordés entre eux (Source : BST; photos du régulateur électronique et du capteur magnétique du régime de Deutz; photo de l’actionneur d’Europa)

Le système de gestion du moteur comprenait 3 composants principaux : le régulateur électronique, le capteur magnétique du régime et l’actionneur. Le régulateur électronique utilisait les extrants fournis par le capteur magnétique du régime pour transmettre un signal à l’actionneur, qui contrôlait la quantité de carburant fournie au moteur et maintenait un régime constant.

Le régulateur électronique était situé dans la salle de commande des machines et maintenait le régime du moteur. Pendant le fonctionnement, le régime du moteur était réglé pour être maintenu à 900 tr/min. Le régime du moteur pouvait également être contrôlé directement, soit dans la salle de commande des machines à l’aide d’une commande analogique du régime, soit au niveau du moteur à l’aide d’une commande numérique du régime. Le régulateur électronique avait besoin d’un signal continu du capteur magnétique du régime pour surveiller le régime du moteur. Le régulateur électronique recevait également un intrant du système d’hélice à pas variable.

Le capteur magnétique du régime était un générateur de fréquence magnétique monté du côté tribord arrière du moteur, près du rotor. Ce capteur fournissait des impulsions électriques proportionnelles au régime du moteur.

L’actionneur était monté sur le moteur et contrôlait la quantité de carburant envoyée à chaque cylindre du moteur par l’intermédiaire d’une articulation mécanique avec la crémaillère d’injection du moteur. Les pompes à carburant de chacun des 9 cylindres du moteur étaient assemblées en 3 ensembles dotés chacun de 3 pompes à carburant; la crémaillère d’injection reliait les 3 ensembles de pompes à carburant du navire de manière que tout mouvement de l’actionneur actionne en même temps toutes les pompes à carburant. Lorsque la charge du moteur changeait, le régulateur électronique signalait à l’actionneur de déplacer la crémaillère d’injection.

Les systèmes de gestion du moteur sont conçus pour les conditions météorologiques dans lesquelles un navire est exploité. Dans des conditions météorologiques défavorables, les mouvements du navire peuvent soumettre l’hélice à des charges variables, car la coque monte et descend plus rapidement que par beau temps. Les variations de charge entraînent une modification de la vitesse de l’hélice, et si le système de gestion du moteur n’est pas en mesure de réagir au changement assez rapidement, le moteur peut passer en survitesse. Dans l’événement à l’étude, l’Atlantic Destiny avait suspendu ses opérations de pêche en raison de conditions météorologiques défavorables, et l’hélice à pas variable était réglée à environ 40 %.

1.10.2 Système de sécurité du moteur

Le système de sécurité du moteur (figure 6) assurait la surveillance et la protection du moteur et le réducteur de l’Atlantic Destiny. Le système de sécurité coupait automatiquement le moteur par l’intermédiaire du mécanisme d’arrêt d’urgence lorsque des paramètres prédéfinis du moteur étaient atteints. Les paramètres du moteur surveillés par le système de sécurité comprennent un régime moteur excessif, une faible pression de l’huile de graissage dans le moteur ou une faible pression de l’huile du réducteur. En plus de ce système de sécurité automatique, le moteur pouvait être arrêté manuellement par un opérateur en appuyant sur 1 des 4 boutons d’urgence. Trois boutons d’urgence étaient situés sur la passerelle : 1 à chaque console de navigation et 1 dans la salle de commande des machines.

Une condition dangereuse pour l’un des paramètres surveillés entraîne l’envoi d’un signal électrique au mécanisme d’arrêt d’urgence, ce qui a pour effet de mettre à zéro l’articulation de la crémaillère d’injection, de couper l’alimentation en carburant et d’arrêter le moteur. Le dispositif d’arrêt d’urgence se composait d’un solénoïde et d’une articulation mécanique raccordée à la crémaillère d’injection. Lorsque le solénoïde était activé, il entrait en contact avec l’articulation mécanique, ce qui avait pour effet de déconnecter la bielle de commande de la crémaillère d’injection rattachée à l’actionneur du système de gestion du moteur, coupant ainsi le débit de carburant en dépit du point de consigne du régulateur.

Figure 6. Schéma du système de sécurité du moteur montrant les composants du dispositif de protection contre les survitesses (Source : BST)
Schéma du système de sécurité du moteur montrant les composants du dispositif de protection contre les survitesses (Source : BST)

1.10.3 Dispositif de protection contre les survitesses

Comme composant d’un système de sécurité du moteur, un dispositif de protection contre les survitesses mesure en permanence le régime d’un moteur, détecte le moment où le moteur atteint une vitesse prédéterminée et arrête immédiatement le moteur pour éviter tout dommage. Si l’alimentation en carburant d’un moteur diesel devient incontrôlée et que le dispositif de protection contre les survitesses ne fonctionne pas, le régime du moteur s’accélère et dépasse les paramètres de conception du moteur, ce qui endommage celui-ci.

Le dispositif de protection contre les survitesses qui faisait partie du système de sécurité du moteur à bord de l’Atlantic Destiny se composait de 2 capteurs magnétiques du régime installés au même endroit que le capteur du système de gestion du moteur, et de 2 modules de vitesse pour envoyer un signal au mécanisme d’arrêt d’urgence lorsqu’une condition de survitesse était détectée. Ces capteurs et modules étaient disposés en boucles de manière à agir indépendamment les uns des autres, ce qui offrait une redondance et permettait d’arrêter le moteur si 1 seule boucle signalait une vitesse supérieure au paramètre défini.

Dans le cas de l’Atlantic Destiny, le fabricant recommandait un réglage de protection contre les survitesses de 110 % du régime de fonctionnement du moteur, ce qui signifie que le mécanisme d’arrêt devait être activé lorsque le régime du moteur était de 990 tr/minNote de bas de page 14. DNV recommandait un réglage de protection contre les survitesses de 115 % du régime de fonctionnement du moteur dans le cas des génératrices entraînées par un moteur diesel, soit 1035 tr/minNote de bas de page 15. La valeur enregistrée de l’arrêt en cas de survitesse pour le moteur de l’Atlantic Destiny était de 1035 tr/min, soit 115 % du régime du moteur dans des conditions d’exploitation normales. TC exige la vérification des dispositifs de surveillance de la sécuritéNote de bas de page 16, sans toutefois préciser de valeurs.

1.10.4 Essai du dispositif de protection contre les survitesses

Les systèmes de sécurité doivent être soumis à des essais à intervalles réguliers, conformément aux recommandations du fabricant, et ils doivent faire l’objet d’essais annuels dans le cadre des inspections en vue de la certification. Les systèmes de sécurité doivent également être soumis à des essais après toute opération d’entretien sur l’un de leurs composants. Tous les composants du système de sécurité doivent être mis à l’essai.

Dans le cas du système de sécurité du moteur de l’Atlantic Destiny, le manuel recommandait un essai toutes les 1500 heuresNote de bas de page 17, et le système d’entretien préventif indiquait cet intervalle pour les essais des mécanismes d’arrêt liés à la protection contre les survitesses et à la pression de l’huile de graissage.

Un essai complet du dispositif de protection contre les survitesses du système de sécurité du moteur vise les 2 boucles du module de sécurité. Il peut être réalisé de la manière suivante :

  • Bouton d’essai du module du régime. Chaque module du régime est équipé d’un bouton d’essai qui permet de le mettre à l’essai à 85 % du régime d’arrêt de survitesse prédéfini. Il est ainsi possible de soumettre le mécanisme d’arrêt d’urgence à un essai sans créer une véritable survitesse physique du moteur. Une personne, dans la salle de commande des machines, appuie sur le bouton d’essai et une 2e personne, au niveau du moteur, note le régime lorsque le moteur s’arrête. À partir de ce régime, le régime d’arrêt réel peut être calculé.

    Pour confirmer que chaque boucle du module de sécurité est capable d’arrêter le moteur indépendamment, chaque boucle doit faire l’objet d’un essai distinct. Cette méthode permet de s’assurer que tous les composants du dispositif de protection contre les survitesses du système de sécurité du moteur fonctionnent pour chaque boucle du module de sécurité.

    Cette méthode est décrite dans le manuel du fabricantNote de bas de page 18.

  • Générateur de fréquence. Un générateur de fréquence introduit une fréquence correspondant au régime d’arrêt de survitesse dans un module de régime du système de sécurité du moteur, puis dans l’autre, pendant que le moteur est arrêté. Cette simulation amène le système de sécurité du moteur à activer le mécanisme d’arrêt d’urgence lorsque le régime d’arrêt de survitesse est atteint. Cette méthode permet de s’assurer que tous les composants du dispositif de protection contre les survitesses du système de sécurité du moteur fonctionnent pour chaque boucle du module de sécurité.

    Cette méthode était employée par les fournisseurs de services. Les techniciens des fournisseurs de services ont recommandé que les tests soient réalisés en leur présence à l’avenir.

Les entrepreneurs qui travaillaient sur l’Atlantic Destiny pendant les périodes annuelles d’entretien à terre mettaient parfois à l’essai le dispositif de protection contre les survitesses en utilisant soit les boutons d’essai, soit le générateur de fréquence. Les dossiers montrent que les tâches de l’essai aux 1500 heures du système d’entretien préventif ont été clôturées en faisant référence aux essais annuels.

Lors de la démonstration de la fonctionnalité du système de protection contre les survitesses du moteur dans le cadre des inspections annuelles, une 3e méthode d’essai, la survitesse physique, était le plus souvent employée. L’articulation mécanique entre l’actionneur et la crémaillère d’injection est réglée physiquement à l’aide d’une clé pour faire monter le régime jusqu’au régime d’arrêt de survitesse. Le capteur magnétique du régime envoie alors un signal aux modules du régime, ce qui entraîne l’activation du mécanisme d’arrêt d’urgence par le système de sécurité du moteur. Cette méthode ne confirme que le fonctionnement de 1 boucle du dispositif de protection contre les survitesses, et non des deux.

La méthode de la survitesse physique était employée par les membres d’équipage et le personnel à terre, ainsi que par certains entrepreneurs, qui n’étaient pas tous conscients qu’ils ne soumettaient à un essai que 1 seule boucle du dispositif de protection contre les survitesses.

1.10.5 Surveillance et inspection des essais de moteur

L’inspection consiste en partie à s’assurer qu’un système de sécurité du moteur a été réglé correctement et qu’il est opérationnel. Pour les inspections de TCNote de bas de page 19 et de DNVNote de bas de page 20, la personne effectuant l’inspection peut assister à ces essais ou choisir d’accepter le rapport du tiers fournisseur de services qui a effectué l’essai. Dans tous les cas, la personne effectuant l’inspection doit s’assurer que tous les composants du système de sécurité du moteur sont soumis à un essai.

En 2017, TC a assisté aux essais du système de sécurité du moteur, pour lesquels la méthode d’essai de la survitesse physique a été employée. Lors des inspections ultérieures, TC a accepté les rapports des tiers fournisseurs de services. Lorsque les inspections ont été déléguées à DNV en mars 2019, le système de sécurité du moteur a été soumis à des essais par un tiers fournisseur de services et le chef mécanicien, et ces essais ont été acceptés par DNV. En janvier 2020, le système de sécurité du moteur a été soumis à des essais par un tiers fournisseur de services et le chef mécanicien, qui ont employé la méthode d’essai de la survitesse physique. Ces essais ont été acceptés par DNV aux fins de l’examen annuel effectué en mars 2020. En janvier 2021, le système de sécurité du moteur a été soumis à des essais de la même manière par un autre tiers fournisseur de services.

1.11 Entretien

L’Atlantic Destiny était le seul navire d’OCI basé en Nouvelle-Écosse. La gestion de celui-ci était assurée par le responsable opérationnel de cette province, qui travaillait avec le responsable de l’entretien de la flotte à Terre-Neuve-et-Labrador. Le responsable opérationnel était issu du secteur de la transformation du poisson et comptait sur les recommandations des mécaniciens des 2 rotations d’équipage pour établir les priorités des dépenses d’exploitation et d’entretien.

L’historique d’entretien du navire, qui comprend les rapports d’équipage, les rapports d’incident et d’accident et d’autres rapports produits par le système d’entretien, permet de cerner les problèmes, les dangers potentiels et les solutions possibles.

L’entretien était géré différemment selon la source de la demande d’entretien. L’entretien découlant d’accidents et d’incidents liés aux machines du navire était géré par les chefs mécaniciens, qui signalaient l’accident ou l’incident au responsable opérationnel. Le responsable opérationnel faisait alors appel à un tiers fournisseur de services qui enquêtait sur le problème, réparait les composants endommagés, puis consignait le problème et le travail effectué dans un rapport de service. De façon générale, l’entretien de routine était géré au moyen du logiciel du système d’entretien préventif. Les demandes pour de l’entretien non planifié de la part des mécaniciens de chaque quart de 3 semaines étaient gérées de manière informelle.

Lorsque le navire était en mer, l’entretien était effectué par l’équipage de la salle des machines du navire, composé du chef mécanicien et du deuxième mécanicien. Les mécaniciens travaillaient selon un système à 2 quarts : chaque quart durait 12 heures par jour, et 1 mécanicien à la fois assurait le quart. L’équipage de mécaniciens assurait également l’entretien de l’usine de transformation du navire. L’équipage avait un horaire par rotation de 3 semaines de travail et de 3 semaines de repos.

Lorsque les mécaniciens effectuaient l’entretien en mer au cours d’un voyage de 3 semaines, ils établissaient une liste de demandes de travaux en vue de l’entretien à effectuer au port. Cette liste était envoyée au responsable opérationnel, qui assurait la coordination avec les tiers entrepreneurs et le personnel d’entretien d’OCI pour effectuer les travaux pendant que le navire était au port pour un changement d’équipage. Le temps passé au port était généralement de 1 ou 2 jours. Pour réduire le risque de transmission de la COVID-19, les transferts de responsabilité des mécaniciens consistaient en une courte réunion et en des notes au lieu de périodes de chevauchement des travaux.

Au cours de la période d’entretien de janvier 2021, l’entretien aux 12 000 heures sur le moteur devait être effectué. L’entretien devait initialement être effectué par le tiers entrepreneur habituel, mais il y avait eu changement d’entrepreneur en raison de la disponibilité et des protocoles liés à la COVID-19. La liste des tâches pour l’entretien du moteur aux 12 000 heures a été modifiée parce que les pièces n’avaient pas toutes été commandées ou livrées au navire. Lorsque le travail a commencé, l’entrepreneur a plutôt dû dresser une liste des pièces supplémentaires nécessaires pour effectuer l’entretien. Par exemple, les 3 ensembles de pompes d’injection de carburant devaient être remplacés pendant la période d’entretien, mais 1 seul nouvel ensemble de pompe était disponible. De plus, aucune pièce n’était disponible pour réviser la soupape de lancement principale.

À la fin de la période d’entretien, le moteur a été soumis à un essai de fonctionnement à 50 % de sa charge. Le dispositif de protection contre les survitesses a été mis à l’essai à l’aide de la méthode de la survitesse physique et s’est activé à 1035 tr/min, soit 115 % du régime de fonctionnement du moteur. Un essai d’arrêt lié à la pression de l’huile de graissage a également été effectué. L’entrepreneur a recommandé des travaux supplémentaires sur le moteur. Il a également fait savoir qu’il avait observé des problèmes quant au dispositif d’arrêt d’urgence (usure de l’articulation mécanique et déplacement du solénoïde).

Un ensemble de pompe d’injection de carburant pour les cylindres 1, 2 et 3 (ensemble de pompe d’injection de carburant arrière) a été remplacé pendant la période d’entretien. L’articulation mécanique entre la crémaillère d’injection et l’actionneur a été étalonnée et les ensembles de pompe d’injection de carburant ont été réglés conformément au manuel à bord du navire. L’entrepreneur a commencé à retirer l’ensemble central de pompe d’injection de carburant pour les cylindres 4, 5 et 6. Il s’est ensuite rendu compte que la seule pompe de rechange disponible pour l’installation était celle des cylindres 1, 2 et 3, et il a donc réinstallé l’ensemble central de pompe d’injection de carburant.

Lorsque le navire a repris la mer après la période d’entretien, le voyage a dû être écourté et le navire a dû rentrer au port en raison de problèmes avec le moteur : celui-ci avait une faible puissance et avait du mal à maintenir un régime constant; des gaz de carter s’échappaient de l’ensemble de pompe d’injection de carburant arrière; et une épaisse fumée noire montait du tuyau d’échappement.

Lorsque le moteur a été examiné lors du retour imprévu au port entre le 28 et le 31 janvier, l’entrepreneur a constaté une résistance dans le mouvement de l’actionneur. L’entrepreneur a réinstallé l’ancien ensemble de pompe d’injection de carburant qui avait été enlevé pendant la période d’entretien et a remplacé l’actionneur par un actionneur de rechange usagé. De plus, le capteur magnétique du régime pour l’asservissement du régulateur s’est avéré fournir un signal faible, et un nouveau capteur magnétique du régime a été commandé. L’entrepreneur a embauché un sous-traitant spécialisé en électronique maritime, qui travaillait pour la première fois sur l’Atlantic Destiny, afin de l’aider à travailler sur le système de gestion du moteurNote de bas de page 21. Le 31 janvier, le navire a repris la mer.

Le 16 février, lorsque le navire est rentré au port pour un changement d’équipage, l’entrepreneur et le sous-traitant sont montés à bord. Le nouveau capteur magnétique du régime a été installé pour éliminer le problème du moteur qui ne parvenait pas à maintenir un régime constant. L’entrepreneur a également modifié les réglages de l’articulation mécanique entre la crémaillère d’injection et l’actionneur pour qu’elle corresponde mieux au mouvement de l’actionneur. Le 17 février, le navire a repris la mer.

1.12 Sources d’énergie électrique

Lorsque le moteur propulsait le navire, l’énergie électrique était fournie par 2 génératrices d’arbre indépendantes de 704 kW. Le réducteur principal, qui était actionné par le moteur, avait 2 arbres de sortie qui entraînaient les génératrices d’arbre au moyen d’accouplements hydrodynamiques distincts.

Lorsque le moteur n’était pas en marche et que le navire n’était pas branché à une alimentation à quai, la source d’énergie électrique du navire était une génératrice diesel de 910 kW. Ce groupe électrogène était appelé « génératrice auxiliaireNote de bas de page 22 » sur les plans. Il disposait d’un réservoir de carburant distinct à l’intérieur de la salle des machines auxiliaires. En règle générale, lorsque le navire était en mer et que le moteur était en marche, la génératrice auxiliaire était arrêtée et mise en veille. En mode veille, la génératrice auxiliaire se mettait en marche automatiquement pour alimenter le navire en électricité si l’énergie électrique venant des génératrices d’arbre était interrompue.

Le tableau de distribution principal, situé dans la salle de commande des machines, contenait les panneaux de commande des 2 génératrices d’arbre, de la génératrice auxiliaire et des 2 connexions d’alimentation à quai, ainsi que divers panneaux disjoncteurs pour le système de distribution électrique. Le système de distribution de 450 V/60 Hz fournissait un courant de 115 V dans tout le navire. Le système de distribution pouvait fournir du courant au moyen soit d’un groupe convertisseur raccordé à un transformateur de 450 V à 115 V, soit d’un transformateur de 450 V à 115 V seul. Dans l’événement à l’étude, lorsque la génératrice auxiliaire a été raccordée au système de distribution électrique, les mécaniciens ont fermé les disjoncteurs pour alimenter l’éclairage au moyen d’un groupe convertisseur raccordé à un transformateur. Lorsque la génératrice auxiliaire a été remise en marche après la libération de CO2, les mécaniciens n’ont pas été en mesure de fermer le disjoncteur qui reliait la génératrice auxiliaire au système de distribution de 450 V.

Les grands navires de pêche tels que l’Atlantic Destiny (groupe 5A) doivent disposer d’une source d’énergie électrique de secours fournie soit par une génératrice de secours, soit par des batteriesNote de bas de page 23. La source d’énergie électrique de secours doit être capable de fournir au moins 3 heures d’alimentation aux systèmes d’alarme et de communication, à l’éclairage de secours et aux feux de navigationNote de bas de page 24. Sur l’Atlantic Destiny, la source d’énergie électrique de secours était fournie par des batteries.

Le système de distribution de 115 V alimentait les chargeurs des 6 systèmes de batteries de secours de 24 V, qui fournissaient un courant continu de 24 V C.C. aux dispositifs suivants :

  • le tableau de distribution de l’éclairage de secours dans la timonerie;
  • le tableau de distribution dans la timonerie (ce système alimentait les feux de navigation, le propulseur d’étrave, le téléphone et le système de CO2, en plus de pouvoir alimenter le système d’alarme, le système d’alarme incendie, le moteur et l’appareil à gouverner);
  • les radios d’urgence;
  • le tableau de distribution dans la salle des machines pour le système d’alarme, le système d’alarme incendie, les commandes du moteur, le système d’hélice à pas variable, les feux de navigation de secours et l’appareil à gouverner;
  • 2 systèmes indépendants pour le démarreur de 24 V C.C. de la génératrice auxiliaire.

En comparaison, les navires du groupe 4 (navires de charge ressortissant à la Convention), qui sont exploités à des distances similaires de la côte que les navires du groupe 5A, doivent pouvoir fournir tous les services essentiels à la sécurité en cas d’urgence pendant une période de 18 heures, disposer d’un emplacement pour la source d’énergie électrique de secours qui n’est pas touché par un incendie ou un autre accident dans la salle des machines, et disposer d’un tableau de distribution de secours distinctNote de bas de page 25.

1.13 Appareils de lutte contre les incendies

Un grand navire de pêche comme l’Atlantic Destiny doit satisfaire aux exigences en matière d’équipement d’urgence du Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche Note de bas de page 26 et du Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcationNote de bas de page 27. Le navire avait à son bord tout l’équipement de lutte contre les incendies exigé pour ce type de navire. Le navire transportait également de l’équipement dépassant les exigences minimales, comme les extincteurs portatifs DSPA et les AREUNote de bas de page 28. Ces AREU et extincteurs portatifs DSPA n’étaient pas indiqués dans le plan de sécurité-incendie du navire ni mentionnés dans la liste de contrôle et le rapport d’action produits dans le cadre de l’inspection mensuelle de sécurité.

Fait établi : Autre

Même s’il n’était pas exigé que les 2 AREU et les 2 extincteurs portatifs DSPA soient transportés à bord de l’Atlantic Destiny, les AREU ont été utiles pour sortir de la salle des machines et les extincteurs DSPA ont été utiles pour éteindre l’incendie dans la salle des machines.

1.13.1 Conduite principale d’incendie

La conduite principale d’incendie de l’Atlantic Destiny était alimentée par 2 pompes d’incendie électriques de 50 m3/h situées dans la salle des machines et raccordées au tableau de distribution électrique. Ces pompes ne pouvaient être mises en marche que lorsque les génératrices d’arbre ou la génératrice auxiliaire étaient en marche.

La conduite principale d’incendie pouvait également être alimentée par une pompe centrifuge diesel de secours de 25 m3/h. La pompe d’incendie de secours était située dans le compartiment de l’appareil à gouverner, du côté tribord de l’appareil à gouverner, et ne pouvait être mise en marche qu’à partir de cet endroit. Le moteur qui entraînait la pompe était équipé d’un réservoir de carburant indépendant et d’un groupe de batteries de 12 V pour faciliter le démarrage du moteur à l’aide d’un démarreur électrique. En plus du démarreur électrique, le moteur pouvait être démarré manuellement à l’aide d’une manivelle insérée dans le rotor du moteur. Un levier de décompression permettait à l’exploitant de démarrer le moteur à l’aide de la manivelle, d’amener le moteur à un régime suffisant puis, en relâchant le levier de décompression, de faire démarrer le moteur. Lors de la conception du navire, la disposition du moteur et de la pompe était telle qu’il n’y avait que 30 cm entre la cloison adjacente et le moteur, et il était donc difficile de démarrer le moteur à l’aide de la manivelle.

L’enquête a révélé qu’aucune instruction concernant le démarrage de la pompe d’incendie de secours, que ce soit en mode électrique ou manuel, n’était affichée à l’emplacement de la pompe.

1.13.2 Système fixe d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone

Le CO2 est un gaz inerte incolore et inodore. Il est ininflammable et non conducteur et est souvent utilisé pour l’extinction d’incendies dans les espaces de catégorie A Note de bas de page 29 tels que les salles des machines, ainsi que d’autres espaces clos tels que les cales à marchandises.

Lorsqu’il est appliqué à un incendie, le CO2 forme une épaisse couche de gaz qui déplace l’air et réduit la teneur en oxygène à un point tel que la combustion ne peut pas se produire. Une bonne étanchéité de la salle des machines est essentielle pour éteindre efficacement l’incendie. Si un espace est réintégré trop tôt, il est possible que l’incendie se rallume et qu’il y ait des contre-explosions Note de bas de page 30.

Pour faire fonctionner un système fixe d’extinction d’incendie au CO2, il faut que l’espace soit évacué puis scellé, que les vannes à fermeture rapide de la zone touchée soient activées, que le CO2 soit libéré, puis que l’espace reste scellé. Une bonne étanchéité de l’espace est essentielle pour éteindre efficacement l’incendie. Cependant, puisque le CO2 présente une moins grande efficacité de refroidissement que l’eau, la ventilation de la salle des machines ne doit pas être démarrée avant d’avoir établi que l’incendie a été complètement éteint et que les conditions ne sont plus suffisantes pour que l’incendie reprenne, un processus qui prend plusieurs heures.

Sur l’Atlantic Destiny, les vannes de carburant à fermeture rapide comprenaient une vanne installée sur le réservoir distinct de la génératrice auxiliaire, qui arrêtait l’alimentation en carburant de la génératrice auxiliaire lorsque la vanne était fermée.

L’Atlantic Destiny était équipé d’un système fixe d’extinction d’incendie au CO2 pour la salle des machines et la salle des machines auxiliaires. Le système se composait de 6 bouteilles de 53 kg et de 2 postes de libération de CO2. Les bouteilles étaient stockées dans la salle de CO2, située au milieu du navire, du côté tribord du pont-abri. Un poste de libération était situé dans un compartiment à côté de la salle de CO2, et le 2e poste de libération était situé à l’arrière, du côté tribord du pont-abri, à côté de la zone de tri des pétoncles.

Le manuel du SGS du navire ne contenait que des renseignements sur la certification du système fixe d’extinction d’incendie au CO2. L’enquête a permis de déterminer que le capitaine et le chef mécanicien pensaient qu’une période d’attente de 20 à 60 minutes était suffisante avant de retourner dans un espace où du CO2 avait été libéré.

1.13.3 Système de détection d’incendie et autres appareils de lutte contre les incendies

Le système de détection d’incendie de l’Atlantic Destiny comprenait 53 détecteurs de fumée et 6 détecteurs de chaleur. L’Atlantic Destiny transportait les appareils de lutte contre les incendies suivants :

  • 1 extincteur à mousse de 45 L;
  • 1 applicateur de mousse avec 2 récipients de mousse de 25 L;
  • 4 extincteurs portatifs à CO2 de 5 kg;
  • 1 extincteur fixe à CO2 de 2 kg pour le conduit d’échappement de la cuisine;
  • 1 extincteur fixe à produit chimique mouillant de 4 L pour la friteuse;
  • 11 extincteurs portatifs à poudre de 9 kg;
  • 2 extincteurs portatifs DSPA.

1.13.4 Équipement de protection individuelle

1.13.4.1 Tenues de lutte contre les incendies

Les tenues de lutte contre les incendies de l’Atlantic Destiny étaient composées d’une combinaison de protection contre les incendies avec bottes et gants, d’un ARA, d’un casque de pompier avec protège-nuque, d’une lampe de sécurité, d’une hache d’incendie, d’une ligne de sécurité ignifugée et d’une ligne de signalisation.

L’Atlantic Destiny disposait de 2 tenues de lutte contre les incendies conservées dans le casier à équipement de lutte contre les incendies situé à l’intérieur du compartiment d’approvisionnement de pont sur le pont-abri. Un ARA supplémentaire était conservé sur la passerelle.

1.13.4.2 Appareils respiratoires d’évacuation d’urgence

Un AREU est un appareil respiratoire autonome permettant de s’échapper d’une zone dangereuse en raison de la fumée, du feu ou de gaz toxiques. Il comprend un masque facial et une petite bouteille d’air comprimé prête à l’emploi, avec une capacité de 10 à 15 minutes d’autonomie respiratoire. Les AREU sont compacts, légers et faciles à utiliser.

L’Atlantic Destiny avait 2 AREU à bord, qui étaient situés dans la salle de commande des machines. L’un des AREU était expiré et avait été démonté.

1.13.5 Alarmes incendie

L’objectif d’un système d’alarme incendie est de détecter la présence de feu ou de fumée et d’alerter les occupants du navire, afin de leur permettre d’évacuer en lieu sûr et de faciliter une intervention rapide en cas d’incendie. Le Recueil international de règles applicables aux systèmes de protection contre l’incendie Note de bas de page 31 précise : « Des moyens doivent être prévus au tableau de commande pour acquitter manuellement tous les signaux d’alarme et de défaillance. Les alarmes sonores du tableau de commande et des tableaux des indicateurs peuvent être arrêtées manuellement. »

Fait établi : Autre

Dans l’événement à l’étude, l’alarme incendie a retenti de façon continue, ce qui a distrait l’équipage pendant l’intervention d’urgence.

1.13.6 Entretien et vérification

Tous les appareils de lutte contre les incendies ainsi que les systèmes de détection et d’extinction d’incendie à bord du navire étaient inspectés et certifiés chaque année par un technicien à terre approuvé pour la catégorie. La dernière inspection avait eu lieu le 4 mars 2020.

L’un des membres d’équipage, désigné comme responsable de la sécurité, était chargé d’inspecter tous les mois l’équipement de lutte contre les incendies. Après chaque inspection, le responsable de la sécurité remplissait et signait une liste de contrôle de l’inspection de sécurité et un rapport d’action et envoyait le tout à la compagnie. La dernière inspection avait eu lieu le 16 février 2021.

Selon le SGS d’OCI pour l’Atlantic Destiny, au cours de chaque exercice d’incendie, le boyau d’incendie approprié devait être déroulé, examiné et soumis à un essai de pression; les lances à jet brouillard et les autres dispositifs de pulvérisation devaient être soumis à des essais, et l’équipage devait recevoir des instructions sur leur utilisation. Chaque boyau devait être utilisé au cours d’un exercice au moins une fois tous les 2 mois.

Le calendrier d’entretien du navire prévoyait que le fonctionnement de la pompe d’incendie de secours devait être soumis à un essai chaque semaine, le dimanche. L’enquête a révélé que l’équipe machine démarrait la pompe d’incendie de secours à l’aide du démarreur électrique, mais non à l’aide de la manivelle.

1.14 Maîtrise de l’infiltration d’eau

L’infiltration d’eau est maîtrisée en fermant la source d’infiltration et en évacuant l’eau du navire.

1.14.1 Robinets du caisson de prise d’eau

L’Atlantic Destiny était équipé d’un système de prise d’eau de mer (figure 7) qui fournissait au navire de l’eau de mer pour le refroidissement des moteurs, pour l’eau de ballast, pour la lutte contre les incendies et pour la production d’eau douce. Le système était composé d’un coffre de prise d’eau bâbord et d’un coffre de prise d’eau tribord (une partie de la structure du navire ressemblant à une citerne, dont le bordé de carène extérieur permet à l’eau de mer d’y pénétrer). Chaque coffre de prise d’eau était raccordé à un seul réservoir à l’intérieur du navire, appelé le caisson de prise d’eau, par l’intermédiaire d’une tuyauterie composée de 2 robinets, d’une crépine et de sections de tuyauterie à l’intérieur de la salle des machines. La tuyauterie permettait d’isoler les coffres de prise d’eau bâbord et tribord, de sorte que 1 seul coffre à la fois alimentait le caisson de prise d’eau. Le caisson de prise d’eau était un réservoir interne indépendant situé dans le fond du navire, avec des prises d’aspiration d’eau de mer pour les différents systèmes qu’il alimentait. Les coffres et le caisson de prise d’eau de l’Atlantic Destiny étaient situés entre les couples 23 et 25, ce qui correspondait à la partie avant de la salle des machines du navire.

Figure 7. Schéma des robinets du caisson de prise d’eau dans la salle des machines en coupe transversale, montrant le point d’accès utilisé lors de l’événement à l’étude. Le BST a également ajouté une figure humaine pour la mise à l’échelle. (Source : Ocean Choice International, dessin no 1-6577 de l’Atlantic Destiny : Sea Chest and Inlet Grids, avec annotations du BST)
Schéma des robinets du caisson de prise d’eau dans la salle des machines en coupe transversale, montrant le point d’accès utilisé lors de l’événement à l’étude. Le BST a également ajouté une figure humaine pour la mise à l’échelle. (Source : Ocean Choice International, dessin no 1-6577 de l’Atlantic Destiny : Sea Chest and Inlet Grids, avec annotations du BST)

Les robinets reliant les coffres de prise d’eau au caisson de prise d’eau avaient été remplacés lors de la mise en cale sèche de l’Atlantic Destiny en janvier 2019. Les mécaniciens avaient signalé que les robinets du caisson de prise d’eau étaient actionnés à la fin de chaque voyage lorsque les crépines étaient changées de bâbord à tribord et étaient nettoyées.

1.14.2 Pompes du navire

D’après le plan de cale et de ballast, le navire était équipé de plusieurs moyens pour évacuer l’eau de la salle des machines. Trois pompes étaient alimentées par le système de distribution électrique principal :

  • 1 pompe de cale dédiée d’une capacité de 30 m3/h;
  • 1 pompe à double usage de cale et de ballast d’une capacité de 30 m3/h;
  • 1 aspiration d’eau de cale de secours raccordée à la pompe de refroidissement à l’eau de mer du moteur.

Le plan montrait également 2 autres moyens d’évacuation de l’eau :

  • 1 pompe submersible électrique portative d’une capacité de 35 m3/h;
  • 1 éjecteur de fond de cale portatif qui pouvait être raccordé à la conduite principale d’incendie.

Dans l’événement à l’étude, aucune de ces pompes n’a été utilisée pour maîtriser l’infiltration d’eau dans la salle des machines.

1.14.3 Pompes des ressources de recherche et sauvetage

Les Forces armées canadiennes ont pour mandat de fournir des services SAR aéronautiques et de soutenir la GCC dans le cadre de SAR en mer. Les escadrons de l’ARC chargés des services SAR disposent d’au moins 3 équipements de pompage largables en cas d’incident maritime. L’ARC utilise un seul type de pompe et d’équipement. Sa taille et son poids permettent de l’embarquer à bord des aéronefs SAR et d’en faciliter la manipulation par l’équipage de l’aéronef, et sa récupération par celui du navire en détresse qui le reçoit et le met en service. L’équipement de pompage est conçu pour fonctionner dans diverses situations et vise à gagner du temps pour d’autres opérations liées à l’intervention d’urgence. Le choix d’un type unique de pompe permet de réduire les pressions financières, humaines et logistiques qui pourraient être associées à l’acquisition, à l’entretien et à la formation sur plusieurs systèmes de pompage.

Les équipements de pompage canadiens et américains utilisés lors de l’événement à l’étude étaient semblables. Les pompes étaient alimentées par un moteur à essence. Le débit était de 454 L à 568 L par minute, à une hauteur d’aspiration de 3 m. Le tuyau d’aspiration était rigide, d’un diamètre de 7,6 cm et d’une longueur de 4,6 m à 4,8 m, avec une crépine métallique. Le tuyau de refoulement mesurait environ 6 m de long.

Dans l’événement à l’étude, les pompes SAR étaient installées dans la partie supérieure de la salle des machines. Les tuyaux de refoulement n’étaient pas assez longs. L’équipage a coupé le boyau d’incendie du navire et en a raccordé des sections aux tuyaux des pompes SAR à l’aide d’un court tuyau en acier fixé avec du ruban adhésif et des colliers de serrage.

Les pompes SAR ont perdu leur capacité d’aspiration à plusieurs reprises parce que les crépines étaient obstruées par des débris flottant dans la salle des machines. Chaque fois qu’une pompe perdait sa capacité d’aspiration, les membres d’équipage devaient entrer dans la salle des machines et travailler dans l’eau froide pour déboucher la crépine et amorcer la pompe afin qu’elle fonctionne à nouveau.

En 2016, le BST a enquêté sur un événement mettant en cause le navire de pêche Saputi Note de bas de page 32. Le 21 février 2016, le Saputi, avec 30 personnes à son bord, effectuait une sortie de pêche au turbot dans le détroit de Davis, 167 NM à l’est-nord-est de l’île Resolution (Nunavut) et 220 NM à l’ouest-sud-ouest de Nuuk (Groenland). À 19 h 35, heure normale de l’Atlantique, le navire a heurté un bloc de glace qui a perforé son bordé extérieur de tribord à l’extrémité avant de la cale à marchandises. Les opérations de pompage n’ayant pas permis de contrer l’infiltration d’eau, on a scellé la cale à marchandises avant qu’elle ne soit finalement envahie par les eaux. Au cours de l’événement, les ressources SAR ont fourni au navire des pompes supplémentaires. L’enquête a révélé que, malgré le recours aux pompes du navire et à celles des ressources SAR, l’équipage n’a pas été en mesure de contrer l’infiltration d’eau, car des débris de marchandise mêlés à l’eau ont obstrué les prises d’aspiration des pompes, les empêchant de fonctionner à plein débit. De plus, l’enquête a révélé que, si le matériel fourni par les ressources SAR ne convient pas à la taille et aux conditions du navire, on n’en retire pas le bénéfice maximal, et l’assistance apportée au navire et à son équipage risque de s’avérer inefficace.

1.15 Préparation de l’équipage aux situations d’urgence

Lorsqu’on est confronté à une situation incertaine, surtout quand le temps presse et que les conséquences potentielles sont graves, on s’efforce souvent de réagir à cette situation, plutôt que de l’analyser. Voilà pourquoi il est important que les membres d’équipage aient reçu une formation suffisante et se soient entraînés pour diverses situations et tâches d’urgence. Grâce aux exercices, il est possible d’exécuter les tâches automatiquement, en réduisant au minimum l’utilisation de la mémoire de travail, qui peut être vulnérable aux facteurs de stress externes comme des événements inattendus et les distractions qui y sont associées Note de bas de page 33.

La formation et les exercices sont particulièrement importants, car on ne dispose d’aucun temps pour se familiariser avec l’équipement de lutte contre les incendies dans l’éventualité d’une urgence. De plus, comme ces situations sont stressantes, il est plus difficile de se souvenir des procédures ou des techniques permettant d’intervenir rapidement.

Lorsque l’exécution d’une tâche est requise au sein d’une équipe, il est important que les connaissances procédurales et le développement des compétences se fassent dans ce contexte. Cela permet d’optimiser la probabilité que l’équipe puisse intervenir de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible.

Les connaissances, les règles et les compétences peuvent être développées et entretenues, tant pour les personnes que pour les équipes, par une formation officielle sur les situations d’urgence, y compris une formation récurrente; par une familiarisation propre au navire; et par des exercices d’urgence réguliers. La réalisation d’exercices complexes et réalistes faisant appel à différents scénarios renforce la préparation et permet aux participants de s’exercer à prendre des décisions dans des situations d’urgence. En particulier, les officiers supérieurs à bord d’un navire qui sont appelés à prendre des décisions en situation d’urgence devraient avoir une parfaite connaissance de l’utilisation appropriée des systèmes d’urgenceNote de bas de page 34.

1.15.1 Document spécifiant les effectifs de sécurité

Le Règlement sur le personnel maritime (RPM) précise qu’un navire doit obtenir un document spécifiant les effectifs de sécurité avant d’être exploité. Ce document indique le nombre minimum de membres d’équipage et les qualifications requises pour exploiter le navire et intervenir en cas d’urgence pendant les voyages que le navire est autorisé à effectuerNote de bas de page 35. Le RPM précise également les certificats requis pour les rôles sur le navire, en fonction de son type, de sa taille et du voyage qu’il effectue. Enfin, le règlement définit les qualifications nécessaires pour obtenir les brevets requis.

Pour obtenir ou renouveler un document spécifiant les effectifs de sécurité, le représentant autorisé envoie à TC une proposition concernant les effectifs de sécurité de son navire. TC évalue la proposition pour s’assurer que l’effectif du navire est conforme au RPM et comprend du personnel ayant les capacités nécessaires pour s’acquitter des tâches, des fonctions et des responsabilités requises pour exploiter le navire de façon sécuritaire, pour protéger le milieu marin et pour faire face aux situations d’urgence et qu’ils sont en nombre suffisant. De plus, TC s’assure que le capitaine, les officiers et les autres membres d’équipage ne sont pas tenus de travailler plus que les heures de travail et de repos prévues dans la réglementation canadienneNote de bas de page 36.

Tableau 2. Exigences du document spécifiant les effectifs de sécurité pour l’Atlantic Destiny
Catégorie ou fonction* Brevet
Capitaine Capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe
Premier officier de pont Capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe
Second officier Capitaine de bâtiment de pêche, quatrième classe
Chef mécanicien Officier mécanicien de troisième classe, navire à moteur
Deuxième mécanicien Officier mécanicien de quart, bâtiment de pêche à moteur
2 matelots de pont Matelot de quart à la passerelle
4 matelots de pont Formation sur la sécurité de base (FUM A1)

* Dans le document spécifiant les effectifs de sécurité, le second officier est appelé « officier de pont de quart » et les matelots de pont sont appelés « équipage ».

Le BST a comparé le document spécifiant les effectifs de sécurité de l’Atlantic Destiny, en tant que grand navire de pêche certifié pour des voyages à proximité du littoral, classe 1, avec ceux de 3 navires autres que des navires de pêche de taille semblable et de même classe de voyage. L’enquête a révélé que les officiers des navires autres que des navires de pêche étaient tenus de suivre une formation plus poussée dans de nombreux domaines, telle qu’une formation plus poussée de type FUM et en gestion de navire.

Même si les documents spécifiant les effectifs de sécurité étaient conformes aux exigences du RPM, ils précisaient des qualifications différentes pour les officiers de navigation :

  • Sur l’Atlantic Destiny, le capitaine et le premier officier de pont devaient être titulaires d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe. Ce certificat exige que le titulaire suive une formation FUM sur la sécurité de base (FUM A1).
  • Sur les navires autres que des navires de pêche, le capitaine devait être titulaire d’un brevet de capitaine, jauge brute de 3000, à proximité du littoral, et le premier officier de pont devait être titulaire d’un brevet de premier officier de pont, à proximité du littoral. Ces 2 brevets exigent que le titulaire suive une formation FUM sur la sécurité de base (STCW), une formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (STCW) et une formation FUM destinée aux officiers supérieurs (FUM D).

Fait établi : Autre

Le premier officier de pont de l’Atlantic Destiny était titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, quatrième classe, alors que le document spécifiant les effectifs de sécurité exigeait que le premier officier de pont soit titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe.

1.15.2 Formation sur les fonctions d’urgence en mer

Les objectifs des cours de formation sur les fonctions d’urgence en mer incluent notamment :

  1. 1) Faire connaître aux gens de mer les risques associés au milieu marin et à leur bâtiment.
  2. 2) Procurer aux gens de mer par l’entremise de cours approuvés et dispensés à terre, les compétences nécessaires pour faire face aux risques qui sont propres à leurs fonctions à bord des bâtimentsNote de bas de page 37.

Les risques associés au milieu marin dépendent en partie de la nature du voyage. Pour les navires canadiens et les navires naviguant dans les eaux canadiennes, les voyages sont classés en fonction de facteurs tels que la distance par rapport au littoral. Par exemple, pour les voyages à proximité du littoral, classe 1, le navire peut naviguer jusqu’à une distance de 200 NM du littoralNote de bas de page 38.

Les exigences relatives à la formation FUM sur la sécurité de base, les techniques avancées de lutte contre l’incendie et les tâches des officiers supérieurs varient en fonction du brevetNote de bas de page 39.

Les programmes de coursNote de bas de page 40 précisent les sujets liés à la lutte contre les incendies, aux exercices et à la familiarisation, ainsi qu’à la direction des interventions d’urgence, comme suit :

  • La formation FUM sur la sécurité de base (FUM A1) comprend 3 heures de théorie et 3 heures d’exercices pratiques liés à la lutte contre les incendies. Les exercices pratiques portent sur la bonne utilisation des extincteurs portatifs pour éteindre les incendies de type A, B et C et sur l’utilisation de base des boyaux d’incendie et des buses.
  • La formation sur la sécurité de base de la STCW comprend 9,5 heures de théorie et 16 heures d’exercices pratiques liés à la lutte contre les incendies, dont une formation à bord. La théorie porte sur la lutte contre les incendies, la maîtrise des incendies à bord des navires et l’organisation à bord des interventions de lutte contre les incendies. Les exercices pratiques portent sur la bonne utilisation des extincteurs portatifs et mobiles, l’utilisation de l’équipement fixe d’extinction d’incendie, la manière d’enfiler les tenues de lutte contre les incendies, le démarrage des pompes d’incendie de secours, le déplacement en tenue de lutte contre les incendies dans les espaces et l’utilisation d’appareils respiratoires par faible visibilité, la réalisation de sauvetages, la participation à une équipe pour lutter contre des incendies dans une structure de navire simulée, l’utilisation d’un boyau d’incendie et de buses, et l’entretien de l’équipement de lutte contre les incendies.
  • La formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie comprend 19 heures de théorie et 18,5 heures d’exercices pratiques, dont 2,5 heures pour le plan d’attaque des responsables sur place, 10 heures pour la coordination de la lutte contre l’incendie à bord des navires et 4 heures pour les installations fixes de détection et d’extinction d’incendie, y compris les systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2.
  • La formation FUM destinée aux officiers supérieurs (FUM D)Note de bas de page 41 comprend 10 heures de théorie et 5 heures d’exercices pratiques, notamment sur les plans d’urgence, l’orientation et la formation aux situations d’urgence à l’intention des membres d’équipage, la gestion des situations d’urgence, la maîtrise des avaries, les décisions d’abandon du navire, la recherche et le sauvetage, ainsi que l’organisation et la gestion des soins médicaux à bord.

La formation FUM d’appoint n’est pas requise pour les personnes employées sur des navires de pêche; cependant, elle est obligatoire pour les personnes employées sur d’autres types de navires effectuant des voyages à proximité du littoral, classe 1, tels que les voyages pour lesquels l’Atlantic Destiny était certifiéNote de bas de page 42.

Tableau 3. Formation sur les fonctions d’urgence en mer requise pour certains brevets au moment où le capitaine et les officiers de l’Atlantic Destiny sont devenus titulaires de leurs brevets
Brevet FUM A1 FUM sur la sécurité de base (STCW) FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (STCW) FUM D
Capitaine de bâtiment de pêche, classes 1 et 2 Non nécessaire Requis Requis Requis
Capitaine de bâtiment de pêche, classes 3 et 4 Requis Non nécessaire Non nécessaire Non nécessaire
Officier mécanicien, classes 1, 2 et 3 Non nécessaire Requis Requis Requis
Officier mécanicien, classe 4 Non nécessaire Requis Requis Non nécessaire
Officier mécanicien de quart, bâtiment de pêche à moteur Non nécessaire Requis Non nécessaire Non nécessaire
Matelot de quart à la passerelle Non nécessaire Requis Non nécessaire Non nécessaire
1.15.2.1 Normes internationales de formation du personnel de pêche, de délivrance des brevets et de veille

La Convention internationale de 1978 sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille (STCW-F)Note de bas de page 43 a été adoptée par l’Organisation maritime internationale en 1995. La STCW-F fixe des exigences en matière de certification et de formation minimales pour les équipages des navires de pêche en mer dans le but de promouvoir la sécurité de la vie en mer et la protection du milieu marin, en tenant compte de la nature unique de l’industrie de la pêche et de l’environnement de travail des pêcheurs. La STCW-F s’applique généralement au personnel des navires de pêche en mer et, en particulier, aux capitaines et aux officiers de pont des navires de pêche d’une longueur égale ou supérieure à 24 m, ainsi qu’aux officiers de la salle des machines des navires de pêche propulsés par une machine de propulsion principale d’une puissance de 750 kW ou plus. La STCW-F est entrée en vigueur le 29 septembre 2012. Le 29 septembre 2017, le Canada est devenu partie à la Convention. TC travaille actuellement à l’élaboration d’un règlement visant à assurer la pleine conformité à la STCW-F. En attendant l’entrée en vigueur de ce règlement, TC encourage les titulaires de brevets pour les navires de pêche à prendre des mesures pour garantir la validité de leurs brevets en vertu de la STCW-F. Conformément à la mesure intérimaire publiée dans le Bulletin de la sécurité des navires 10/2018Note de bas de page 44, les brevets de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe, existants seront équivalents aux brevets de capitaine, eaux limitées, ou d’officier, eaux illimitées, valides pour tout navire de pêche, où « eaux limitées » désigne

les eaux situées à 200 miles marins ou moins du littoral ou situées au-dessus du plateau continental, limitées aux eaux contiguës au Canada, aux États-Unis (à l’exception d’Hawaï) ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, incluant, sur la côte ouest du Canada, les eaux allant jusqu’à la chaîne du mont sous-marin Cobb-Eickelberg situées, au plus, à 260 miles marins du littoralNote de bas de page 45.

Parmi les exigences pour l’obtention de ce brevet, le candidat devra suivre la formation FUM sur la sécurité de base (STCW) et la formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (STCW).

1.15.3 Exercices d’urgence et rôle d’appel

Des exercices d’incendie et d’abandon du navire doivent être effectués sur les navires tels que l’Atlantic Destiny à des intervalles ne dépassant pas 1 mois ou dans les 24 heures suivant le départ d’un port si plus de 25 % de l’équipage a été remplacé dans ce portNote de bas de page 46.

Le manuel du SGS contenait des renseignements généraux sur la fréquence et le contenu prévus des exercices. Le capitaine de l’Atlantic Destiny avait été désigné par la compagnie comme responsable de la coordination et de la mise en œuvre des exercices à bord.

Le manuel du SGS précise qu’en cas d’incendie dans la salle des machines [traduction] :

l’équipage de la salle des machines doit s’exercer à s’acquitter de ses tâches particulières en cas d’incendie : la mise en service des pompes d’incendie et l’occupation des postes qui lui sont attribués pour lutter contre l’incendie dans la salle des machines et la salle des chaudières, ou ailleurs, selon les besoinsNote de bas de page 47.

Les registres d’exercices étaient envoyés au siège social d’OCI à la fin de chaque voyage. Pour les voyages de 2020 et 2021, les exercices typiques comportaient plus d’un scénario, par exemple un exercice d’incendie suivi d’un exercice d’abandon du navire en raison d’un scénario d’incendie non maîtrisé.

Le rôle d’appel à bord de l’Atlantic Destiny précisait les tâches et fonctions d’urgence à accomplir par chaque membre d’équipage en cas d’incendie, de personne à la mer et d’abandon du navire.

Ce rôle d’appel était établi pour 24 membres d’équipage répartis dans 4 équipes :

  • l’équipe de commandement, composée du capitaine, de la personne responsable de l’assurance qualité et du second officier, le premier officier de pont étant le remplaçant du capitaine. L’équipe de commandement était responsable de la direction de la situation d’urgence, de la sécurité de la navigation et de l’équipage, de la communication avec la garde côtière et de l’enregistrement des événementsNote de bas de page 48.
  • l’équipe de contrôle des machines, composée du chef mécanicien, du deuxième mécanicien et d’un matelot de pont, le deuxième mécanicien étant le remplaçant du chef mécanicien. L’équipe de contrôle des machines était responsable des procédures d’urgence dans la salle des machines, de la fermeture des portes étanches, du démarrage de la pompe d’incendie de secours et de la génératrice auxiliaire, et de l’arrêt du système électrique.
  • l’équipe principale d’urgence, composée du premier officier de pont et de 9 matelots de pont. Le second officier était le remplaçant du premier officier de pont. Cette équipe était chargée d’amener l’équipement de lutte contre les incendies à l’endroit approprié, d’installer les boyaux d’incendie et de guetter en ce qui concerne les personnes à la mer.
  • l’équipe de soutien d’urgence, composée du chef d’usine et de 7 matelots de pont. Le remplaçant du chef d’usine était le matelot de pont numéro 2. Cette équipe était chargée de vérifier que toutes les personnes à bord étaient présentes, de préparer les radeaux de sauvetage et autre équipement de sauvetage, d’installer les boyaux d’incendie, de refroidir les cloisonnements, de neutraliser le feu, de fermer les évents et les portes étanches, et d’aider l’équipe principale d’urgence selon les directives.

Selon le rôle d’appel, en cas d’incendie à bord, 2 matelots de pont devaient enfiler une tenue de lutte contre les incendies et un ARA. En cas d’incendie dans la salle des machines, le deuxième mécanicien devait enfiler une tenue de lutte contre les incendies et un ARA.

1.15.4 Scénarios d’exercices réalistes

Les exercices d’urgence qui comprennent des scénarios réalistes accroissent l’état de préparation, la capacité de réaction et l’efficacité d’un équipage en cas d’urgence. Les scénarios réalistes peuvent comprendre des conditions différentes, comme l’obscurité, le bruit, des membres d’équipage manquants, de l’équipement endommagé, ou encore des combinaisons de scénarios individuels.

1.16 Événements antérieurs

1.16.1 Événements antérieurs avec un incendie à bord d’un navire de pêche

Entre 2011 et mars 2021, le BST a été avisé de 177Note de bas de page 49 incendies survenus à bord de navires de pêche commerciale en eaux canadiennes; 174 de ces navires étaient canadiens. Dans au moins 57 cas, il y a eu signalement d’incendie qui s’était déclaré dans la salle des machines. Dans 14 cas, l’équipage a abandonné le navire.

Autre les enquêtes sur l’Atlantic Destiny, le BST a mené 2 enquêtes de catégorie 3Note de bas de page 50 et 1 enquête de catégorie 4Note de bas de page 51.

M11W0063 – Le 9 mai 2011, un incendie s’est déclaré dans la salle des machines du petit bateau de pêche Neptune II. Après avoir tenté en vain de lutter contre l’incendie, les 2 membres d’équipage ont abandonné le navire dans leur embarcation-support et ont lancé un appel de détresse. Le Neptune II a brûlé jusqu’à la ligne de flottaison avant de couler subséquemment à l’est des îles Broken, dans le détroit de Johnstone (Colombie-Britannique). Il n’y a eu aucun blessé.

M15C0045 – Le 28 avril 2015, le bateau de pêche Frederike. C-2 a pris feu au large de Rimouski (Québec). L’équipage a abandonné le bateau au moyen d’un radeau de sauvetage et a été secouru plus tard par le bateau de pêche Marie-Karine D. Le navire Cap Perce de la GCC a été envoyé sur les lieux pour prêter assistance. Le bateau a ensuite coulé. Aucun blessé n’a été signalé.

M20A0003 – Le 29 janvier 2020, le navire de pêche Newfoundland Lynx a signalé un incendie à bord. Le navire de pêche Sivuliq, 2 aéronefs de l’ARC et les navires Terry Fox et Henry Larsen de la GCC ont été chargés de prêter assistance. Le feu a été localisé dans le sauna et l’équipage du navire est parvenu à l’éteindre. Le navire de pêche Sivuliq a escorté le navire jusqu’à St. Anthony (Terre-Neuve-et-Labrador), où le service d’incendie local est monté à bord pour confirmer que le feu était éteint. Le navire a subi des avaries graves. Aucune blessure ou pollution n’ont été signalées.

1.16.2 Événements antérieurs mettant en cause l’Atlantic Destiny

En 2017, le BST a enquêté sur l’événement M17A0039 de catégorie 3 mettant en cause l’Atlantic Destiny.

M17A0039 Le 14 mars 2017, le moteur du navire de pêche Atlantic Destiny est tombé en panne alors que le navire se trouvait à 200 NM au sud-ouest de Halifax (Nouvelle-Écosse) avec 31 personnes à son bord. Le navire a également subi des dommages aux alternateurs d’arbre et aux salles des machines. Le navire a subséquemment été remorqué jusqu’au port. Le BST a déterminé que le dispositif de protection contre les survitesses du moteur avait été compromis par les 2 capteurs du régime, qui étaient mal installés ou qui fonctionnaient par intermittence en raison d’un court-circuit. De plus, le système de sécurité du moteur ne faisait pas l’objet d’essais périodiques selon les calendriers recommandés par les fabricants, et l’on n’effectuait pas les réparations nécessaires pour en assurer le bon état.

Par ailleurs, le 17 mai 2017, le BST a obtenu des renseignements selon lesquels l’Atlantic Destiny avait connu une défaillance électrique qui avait entraîné une perte de propulsion. Le navire s’est rendu à Riverport (Nouvelle-Écosse) pour y effectuer des réparations.

De plus, le BST a enregistré 2 événements de catégorie 5 concernant des pannes du moteur sur l’Atlantic Destiny.

M17A0216 – Le 7 juin 2017, on a signalé que le navire de pêche Atlantic Destiny, avec 32 personnes à bord, était désemparé en raison d’une panne du moteur. Le navire a jeté l’ancre, l’équipage a effectué des réparations et le navire s’est rendu à Riverport (Nouvelle-Écosse).

M18A0092 – Le 16 avril 2018, on a signalé que le navire de pêche Atlantic Destiny, avec 31 personnes à bord, était désemparé en raison de problèmes de moteur à 98 NM au sud-ouest de l’île du cap de Sable (Nouvelle-Écosse). Le navire a ensuite été remorqué au port par un autre navire de pêche.

1.17 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Ces enjeux font l’objet de rapports d’enquête, de préoccupations liées à la sécurité et de recommandations du Bureau. La résolution de tous ces enjeux nécessite un effort concerté de l’organisme de réglementation et des intervenants de l’industrie.

La sécurité de la pêche commerciale figure sur la Liste de surveillance 2022. Le BST cherche depuis longtemps à améliorer la sécurité de la pêche commerciale. Il surveille la sécurité de la pêche commerciale depuis 1999, et cet enjeu figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Chaque année, les mêmes lacunes de sécurité à bord des navires de pêche continuent de mettre en péril la vie de milliers de pêcheurs canadiens ainsi que les moyens de subsistance de leur famille et de leur communauté.

Comme le démontre l’événement à l’étude, le RPM n’exige pas le même niveau de formation et de qualification pour l’équipage des grands navires de pêche que pour l’équipage d’autres navires de taille similaire effectuant des voyages similaires.

MESURES À PRENDRE

L’enjeu de la sécurité de la pêche commerciale demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’indices qu’une saine culture de sécurité s’est établie à l’échelle de l’industrie et dans les communautés de pêcheurs partout au pays, notamment :

  • TC et Pêches et Océans Canada travaillent ensemble pour s’assurer que les pêcheurs respectent toutes les exigences avant d’exercer leurs activités dans un contexte commercial.
  • Les autorités fédérales et provinciales coordonnent la surveillance réglementaire des pêches commerciales.
  • TC, les autorités provinciales de sécurité au travail et les associations de pêcheurs font la promotion des lignes directrices conviviales existantes en matière de stabilité des bateaux, qui ont été conçues pour réduire l’utilisation de pratiques non sécuritaires.
  • Grâce au leadership manifesté par l’industrie et les militants pour la sécurité, on constate des signes marqués et généralisés que les pêcheurs prennent leur sécurité en charge, en particulier à l’égard de l’utilisation de lignes directrices en matière de stabilité, de vêtements de flottaison individuels, de combinaisons d’immersion, d’appareils de signalisation d’urgence et de pratiques de travail sécuritaires.

La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Certains transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité, et plusieurs ne sont toujours pas tenus de mettre en œuvre des processus formels pour la gestion de la sécurité. De plus, les transporteurs qui ont mis en œuvre un SGS formel ne sont pas toujours en mesure de démontrer qu’il fonctionne et qu’il permet d’améliorer comme prévu la sécurité.

Comme le démontre cet événement, même si OCI a volontairement mis en place un SGS pour sa flotte, le SGS était principalement axé sur la SST. Pour les questions d’entretien, OCI utilisait son système d’entretien préventif, et le SGS ne prévoyait pas de procédures claires d’essai du système de sécurité du moteur, en particulier la mise à l’essai du dispositif de protection contre les survitesses. Par ailleurs, même si les exigences réglementaires en matière de formation FUM étaient respectées, le SGS d’OCI ne prévoyait pas d’évaluation des risques liés aux rôles attribués aux membres d’équipage dans le rôle d’appel.

MESURES À PRENDRE

L’enjeu de la gestion de la sécurité dans le transport maritime demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que 

  • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
  • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

2.0 Analyse

Au cours de l’enquête, on a examiné les causes et facteurs contributifs ayant mené à la survitesse du moteur et à l’explosion des génératrices d’arbre, à l’incendie subséquent et à son rallumage, ainsi qu’à l’inondation de la salle des machines. L’analyse portera sur l’efficacité de l’équipement de lutte contre les incendies et de l’équipement d’urgence, la gestion de l’entretien ainsi que la formation de l’équipage et sa préparation aux situations d’urgence.

2.1 Défaillance du système de gestion du moteur et du système de sécurité du moteur

Les moteurs tels que le moteur de l’Atlantic Destiny sont conçus pour fonctionner à un régime constant, à l’aide d’un système de gestion du moteur qui contrôle le débit de carburant pour régler le régime. Ces moteurs sont protégés par des systèmes de sécurité qui coupent l’alimentation en carburant si le régime dépasse le régime de fonctionnement précisé. Sur l’Atlantic Destiny, ces 2 systèmes avaient été à l’origine de travaux d’entretien, de réparation et de dépannage prévus et imprévus depuis avant l’événement de 2017, à savoir la défaillance catastrophique du moteur. Par exemple, il y avait eu un retour au port imprévu après la période d’entretien de janvier 2021 et les problèmes ont persisté même après les travaux les plus récents, le 16 février 2021.

La mer était agitée au moment de l’événement. Dans de telles conditions, toute déficience du système de gestion du moteur peut être aggravée puisque l’hélice est soumise à des charges variables. Au cours de la période précédant l’événement à l’étude, le régulateur électronique ne s’était pas avéré fiable pour ce qui était demaintenir un régime moteur constant. Lors de l’événement à l’étude, les 2 génératrices d’arbre se sont arrêtées soudainement et le moteur a réduit son régime à 600 tr/min. Cependant, le moteur a commencé à augmenter de régime presque immédiatement, probablement parce que le système de gestion du moteur a appliqué un signal d’augmentation du carburant au moteur sans rétroaction. Le moteur a continué à tourner en survitesse jusqu’à ce que les génératrices d’arbre dépassent la limite de conception et explosent.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Un ou plusieurs composants du système de gestion du moteur ont fait défaut et l’ont amené à augmenter continuellement l’alimentation en carburant du moteur, ce qui a provoqué une survitesse du moteur.

Dans une telle situation, les 2 boucles de sécurité indépendantes du système de sécurité du moteur sont censées détecter la survitesse et signaler au dispositif d’arrêt d’urgence de déconnecter la crémaillère d’injection de l’actionneur. Lorsque le dispositif de protection automatique contre les survitesses ne fonctionne pas, le fait d’appuyer sur le bouton d’arrêt d’urgence du moteur dans la salle de commande des machines déconnecte la crémaillère d’injection.

Dans l’événement à l’étude, le dispositif de protection contre les survitesses ne s’est pas déclenché de façon automatique. Ensuite, lorsque le deuxième mécanicien a tenté de couper le moteur en appuyant sur le bouton d’arrêt d’urgence, il est probable que soit le solénoïde ne s’est pas déployé pour déclencher l’articulation mécanique et déconnecter la crémaillère d’injection de l’actionneur, soit l’articulation mécanique ne fonctionnait pas correctement.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Les activations automatique et manuelle du système de sécurité du moteur n’ont pas empêché le régime du moteur d’augmenter au-delà des limites de conception du moteur, ce qui a provoqué une défaillance catastrophique et des dommages importants au moteur et aux génératrices d’arbre.

2.2 Incendie et inondation

L’explosion des génératrices d’arbre et des machines associées a projeté des fragments de métal chaud et du liquide hydraulique dans toute la salle des machines et a déclenché un incendie. Les fragments de métal ont également endommagé la tuyauterie du système de refroidissement à l’eau de mer, entraînant une infiltration d’eau non maîtrisée.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

L’explosion des génératrices d’arbre et des machines associées a provoqué l’incendie ainsi qu’une brèche dans la tuyauterie d’eau de mer.

Peu après la première tentative de maîtrise de l’incendie à l’aide d’extincteurs et de la libération de dioxyde de carbone (CO2), l’équipage a examiné les moyens de contrer l’infiltration d’eau. La libération de CO2 comprenait la salle des machines auxiliaires et exigeait que les vannes à fermeture rapide soient activées, ce qui arrête la génératrice auxiliaire, coupant ainsi l’électricité pour les 3 pompes de cale. La pompe submersible électrique portative figurant sur le plan de cale et de ballast n’a pas été utilisée.

Le chef mécanicien et le deuxième mécanicien ont tenté d’accéder aux robinets du caisson de prise d’eau. Le chef mécanicien a dû rebrousser chemin, car il ne portait pas d’équipement de protection contre les incendies. Le deuxième mécanicien a été incapable d’accéder aux robinets, car ils étaient situés sous les tôles de pont et qu’il y avait des contraintes d’espace dans la salle des machines. Le deuxième mécanicien est retourné dans la salle des machines sans équipement de protection contre les incendies; toutefois, compte tenu de la quantité d’eau déjà présente dans la salle des machines, il n’a pas été en mesure d’atteindre les robinets et de les fermer.

Les 3 pompes des ressources de recherche et sauvetage (SAR) ont été inefficaces pour l’Atlantic Destiny parce que les boyaux n’étaient pas assez longs et parce que les crépines se sont bloquées à plusieurs reprises; il n’a donc pas été possible de contrer l’infiltration d’eau.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

L’équipage n’a pas pu accéder aux robinets du caisson de prise d’eau, et des pompes de cale n’étaient pas disponibles à bord. Par conséquent, l’inondation de la salle des machines n’a pu être maîtrisée, ce qui a conduit au naufrage du navire.

Fait établi quant aux risques

Les équipements de pompage fournis par les aéronefs SAR peuvent ne pas être efficaces pour toutes les tailles de navire et toutes les conditions d’exploitation. Si les conditions à bord d’un navire en détresse sont en dehors des paramètres de conception de l’équipement de pompage, il y a un risque que celui-ci ne maîtrise pas l’infiltration d’eau au débit prévu, ce qui réduit le temps disponible pour l’opération de sauvetage.

2.3 Sources d’énergie électrique de secours

La réglementation de Transports Canada (TC) régissant les navires non ressortissant à la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) comme l’Atlantic Destiny (grands navires de pêche, groupe 5A) Note de bas de page 52 exige la présence soit de batteries, soit d’une génératrice de secours pour la navigation, la communication et l’éclairage. Sur l’Atlantic Destiny, l’alimentation en cas d’urgence était assurée par 6 systèmes de batteries au lieu d’une génératrice de secours, ce qui répondait aux exigences réglementaires. Toutefois, les navires de la même taille qui sont assujettis à la Convention (navires ressortissant à la Convention, groupe 4) Note de bas de page 53 doivent disposer d’une source d’énergie électrique de secours suffisante pour fournir tous les services essentiels à la sécurité en cas d’urgence. Ils doivent également disposer d’un tableau de distribution de secours distinct.

Sur l’Atlantic Destiny, les pompes de cale n’ont pas pu être utilisées, car elles n’étaient pas alimentées par la source d’énergie électrique de secours du navire. La génératrice auxiliaire s’est arrêtée parce que la vanne à fermeture rapide avait été activée pour arrêter le débit de carburant avant la libération de CO2. Même si l’accès à la génératrice auxiliaire était compliqué par la libération de CO2, le rallumage de l’incendie et la fumée, les mécaniciens ont pu redémarrer la génératrice auxiliaire. Cependant, celle-ci n’a pas pu être raccordée au système de distribution électrique, probablement en raison des avaries au système de distribution électrique.

L’Atlantic Destiny était certifié en tant que navire non ressortissant à la Convention effectuant des voyages à proximité du littoral, classe 1. La réglementation exigeait que le navire dispose d’une alimentation électrique de secours capable de fournir au moins 3 heures d’alimentation aux systèmes d’alarme et de communication, à l’éclairage de secours et aux feux de navigation. Ces systèmes sont conçus pour maintenir l’éclairage et les communications pendant que le navire est abandonné ou que les secours arrivent; cependant, ils n’ont pas la puissance nécessaire pour faire fonctionner l’équipement essentiel comme les pompes d’incendie et de cale en cas d’urgence. Sans la puissance du moteur ou de la génératrice auxiliaire, le navire ne pouvait pas alimenter les pompes d’incendie et de cale.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La génératrice auxiliaire n’a pas pu être raccordée au système de distribution électrique, probablement à cause d’avaries au système de distribution électrique, privant le navire d’un système de pompage.

Fait établi quant aux risques

Si les navires ne sont pas tenus de disposer de sources d’énergie électrique de secours capables d’alimenter l’équipement essentiel tel que les pompes d’incendie et de cale, cet équipement risque de ne pas être disponible en cas d’urgence.

2.4 Efficacité de l’équipement d’urgence

Étant donné que les incendies à bord des navires peuvent menacer la vie et endommager gravement le navire et l’environnement, il est important que l’équipement d’urgence à bord soit utilisable. Dans l’événement à l’étude, l’écoutille de secours de la salle des machines et la pompe d’incendie de secours n’ont pas fonctionné comme prévu.

Une écoutille de secours en bon état de fonctionnement est essentielle pour permettre à l’équipage de s’échapper d’une salle des machines ou d’un autre compartiment fermé à bord d’un navire. L’écoutille de secours de la salle des machines de l’Atlantic Destiny s’ouvrait en tournant 3 loquets indépendants, puis en poussant l’écoutille vers le haut. Comme la salle des machines qui était en feu était sombre et remplie de fumée, et comme le navire roulait fortement, il était extrêmement difficile pour le deuxième mécanicien de tenir l’échelle d’une main et d’ouvrir l’écoutille de l’autre.

Les mécaniciens n’ont pas pu ouvrir l’écoutille de secours à partir de la salle des machines et ont dû attendre qu’elle leur soit ouverte à partir du pont situé au-dessus de la salle des machines.

Fait établi quant aux risques

Si les membres d’équipage ne peuvent pas utiliser une écoutille de secours, ils risquent de ne pas pouvoir évacuer le compartiment du navire en toute sécurité.

Lorsque le navire est tombé en panne d’électricité, le dernier moyen d’alimenter en eau la conduite principale d’incendie était la pompe d’incendie de secours, située dans le compartiment de l’appareil à gouverner. Le second officier a accédé au compartiment de l’appareil à gouverner en passant par la salle des machines auxiliaires au lieu d’utiliser l’écoutille située sur le pont-abri. Étant donné que la salle des machines auxiliaires faisait partie de l’espace où le CO2 avait été libéré, le second officier a dû porter un appareil respiratoire autonome (ARA). De plus, le second officier n’avait jamais démarré la pompe d’incendie de secours auparavant, et la batterie a été épuisée à la suite des multiples tentatives de démarrage de la pompe. En l’absence d’alimentation par batterie, la pompe pouvait encore être démarrée manuellement à l’aide de la manivelle. Cependant, un démarrage manuel était extrêmement difficile dans l’espace restreint et dans les conditions de l’événement à l’étude, et le second officier n’a pas été en mesure de démarrer la pompe.

Il est courant d’utiliser les pompes d’incendie de secours lors des exercices et de la formation de familiarisation. Sur l’Atlantic Destiny, les mécaniciens vérifiaient chaque semaine la pompe d’incendie de secours, sans toutefois soumettre le démarrage manuel à des essais.

Fait établi quant aux risques

Si le démarreur manuel d’une pompe d’incendie de secours n’est pas vérifié régulièrement, il y a un risque qu’il ne fonctionne pas en cas d’urgence.

2.5 Entretien et gestion des problèmes récurrents

Lorsqu’un problème survient, il doit être analysé, les causes sous-jacentes doivent être déterminées et des mesures correctives efficaces doivent être mises en place pour éviter qu’il ne se reproduise. L’historique d’entretien du navire, qui comprend les rapports d’équipage, les rapports d’incident et d’accident et d’autres rapports produits par le système d’entretien, permet de cerner les problèmes, les dangers potentiels et les solutions possibles. Enfin, l’analyse de l’historique d’entretien aide l’équipage, la direction de la compagnie et le personnel d’entretien à terre, y compris les entrepreneurs, à planifier et à réaliser l’entretien correctif et préventif.

Ocean Choice International (OCI), l’exploitant de l’Atlantic Destiny, avait un système de gestion de la sécurité (SGS) volontaire qui comprenait une section sur les enquêtes. Ainsi, OCI avait mis en place un système permettant d’enquêter sur les incidents et les accidents, d’en déterminer les causes et de mettre en œuvre des mesures de contrôle afin de réduire les chances que les événements se reproduisent. L’Atlantic Destiny avait des antécédents de problèmes de moteur et de propulsion. Cependant, l’enquête du BST a conduit à la découverte de dossiers d’enquête portant uniquement sur des accidents où il y avait eu des blessures ou un risque de blessure. L’enquête du BST sur l’événement à l’étude a permis de recenser au moins 3 événements antérieurs liés à des défaillances de moteur qui étaient suffisamment graves pour justifier une enquête dans le cadre du SGS par OCI, y compris une explosion de moteur antérieure survenue en 2017 qui a fait l’objet d’une enquête par le BST. Cependant, il n’y avait aucun dossier d’enquête sur des accidents ou des incidents liés à l’entretien ou à l’équipement du navire, probablement parce que l’entretien du navire était géré en dehors du SGS.

Fait établi : Autre

Le SGS en vigueur sur l’Atlantic Destiny a été mis en place pour se conformer à la réglementation en matière de SST. Même si la section relative aux accidents et aux enquêtes couvrait à la fois le navire et l’équipage, dans la pratique, le SGS n’était utilisé que pour les accidents et les incidents liés à la SST.

À la suite de la défaillance catastrophique du moteur survenue en 2017 et de l’enquête du BST qui a suivi, OCI a pris certaines mesures correctives. Par exemple, un blindage a été installé autour des accouplements flexibles des génératrices d’arbre, et les capteurs magnétiques du régime ont été remplacés. OCI a signalé que toutes les réparations avaient été effectuées à la satisfaction de TC. Toutefois, aucun dossier n’indique qu’OCI a analysé l’événement pour en déterminer les causes sous-jacentes et les mesures correctives. La méthode d’essai de routine du système de sécurité du moteur est restée variable et incomplète, et ce n’étaient pas tous les entrepreneurs ou membres d’équipage du navire qui possédaient les connaissances nécessaires pour soumettre le système de sécurité du moteur à des essais adéquats.

Fait établi quant aux risques

Si les dossiers d’entretien, les évaluations des risques, les rapports d’accident et d’incident et les renseignements similaires ne sont pas utilisés pour tirer des leçons de l’expérience, ou si des mesures correctives efficaces ne sont pas mises en œuvre, il est probable que les risques liés à la sécurité du navire persistent.

À OCI, la pratique consistait à effectuer l’entretien en mer lorsque c’était possible, à réaliser d’autres tâches pendant le jour ou les 2 jours séparant les changements d’équipage, et à planifier tous les autres travaux d’entretien pendant la période d’entretien hivernal; la priorité était de faire en sorte que le navire continue à pêcher le plus possible. Par exemple, au cours de la période précédant l’événement à l’étude, le navire a été renvoyé en mer avec des problèmes connus de contrôle du régime du moteur, et l’entretien restant a été planifié pour le prochain changement d’équipage.

Les effectifs du navire étaient conformes au niveau précisé dans le document spécifiant les effectifs de sécurité, qui exigeait un minimum de 2 mécaniciens pour que la salle des machines du navire fonctionne en toute sécurité en mer. Les 2 mécaniciens travaillaient selon un système à 2 quarts. Contrairement aux autres rôles définis dans le document spécifiant les effectifs de sécurité, les 2 mécaniciens étaient également responsables de l’entretien de tout l’équipement de l’usine de transformation afin d’en assurer le fonctionnement 24 heures sur 24. Cette charge de travail élevée et ce système de quart signifiaient que les mécaniciens travaillaient généralement seuls et qu’ils avaient habituellement peu de temps à consacrer à l’entretien proactif et à la planification. La communication entre les équipages du navire lors des changements de quart avait également été restreinte par les protocoles relatifs à la COVID-19.

Lorsqu’un navire est exploité de manière à maximiser le temps consacré à la pêche et que l’on fait appel à des entrepreneurs pour effectuer de nombreux travaux d’entretien à terre, l’ordre de priorité de ces travaux doit être établi avec soin pour les brèves périodes passées au port. De plus, les exigences relatives au travail doivent être communiquées clairement. Dans le cas de l’Atlantic Destiny, les tâches essentielles étaient effectuées, mais le travail non urgent était souvent reporté à un changement d’équipage ultérieur ou à la période d’entretien hivernal sans avoir évalué les risques associés. En outre, si les pièces n’étaient pas disponibles pendant les périodes d’entretien, elles n’étaient pas remplacées selon les calendriers recommandés par les fabricants. Par exemple, les pompes de carburant n’avaient pas été remplacées au cours de la période d’entretien hivernal la plus récente parce qu’elles n’étaient pas arrivées à temps.

Fait établi quant aux risques

Si les travaux d’entretien prévus sont fréquemment reportés afin que les opérations puissent se poursuivre et que les risques liés au report de l’entretien ne sont pas évalués et atténués, il y a un risque que l’équipement se détériore au point d’avoir une incidence sur la sécurité du navire et de l’équipage.

2.5.1 Essais périodiques du système de sécurité du moteur

Les systèmes moteurs sont des arrangements complexes de multiples composants en interaction, provenant parfois de fabricants différents. Des procédures écrites détaillées intégrant les instructions des différents fabricants sont essentielles pour garantir que la bonne méthode d’essai est employée et que la même norme est appliquée.

Le manuel du SGS d’OCI indiquait que le responsable opérationnel était chargé de vérifier si les instructions relatives à la salle des machines se trouvaient à bord et étaient facilement accessibles. Cependant, cette personne devait compter sur le capitaine et sur l’équipage pour déterminer si tout était en place. En outre, le représentant autorisé d’un navire est responsable de fournir des procédures écrites à l’équipage. L’Atlantic Destiny était le seul navire d’OCI basé en Nouvelle-Écosse, et il était géré par le responsable opérationnel de cette province, qui travaillait avec le responsable de l’entretien de la flotte à Terre-Neuve-et-Labrador. Le responsable opérationnel était issu du secteur de la transformation du poisson et comptait sur les recommandations des mécaniciens des 2 rotations d’équipage pour établir les priorités des dépenses d’exploitation et d’entretien.

Le système de sécurité du moteur, y compris son dispositif de protection contre les survitesses, était soumis à des essais périodiques par les mécaniciens du navire et par des entrepreneurs pour confirmer que la protection contre les survitesses fonctionnait. Toutefois, les essais n’étaient pas toujours effectués selon le calendrier recommandé par le fabricant, et bon nombre d’entre eux ne permettaient pas de vérifier tous les composants du système en raison de la méthode d’essai employée. De plus, un grand nombre des personnes qui effectuaient ces essais ne comprenaient pas nécessairement que leurs essais n’englobaient pas tous les composants du système, et les personnes possédant l’expertise nécessaire n’étaient pas toujours disponibles pour effectuer les essais. L’enquête a révélé qu’il n’existait pas de procédures écrites sur les essais du système de sécurité du moteur.

Des inspecteurs maritimes de TC et des experts maritimes de l’organisme reconnu assistaient aux essais ou acceptaient les rapports d’essais. Tant TC que l’organisme reconnu acceptaient des essais démontrant que le moteur s’arrêtait, mais les inspecteurs et les experts maritimes n’exigeaient pas de démonstration montrant que tous les composants du dispositif de protection contre les survitesses avaient été soumis à des essais. Les inspecteurs doivent composer avec un large éventail de navires et de secteurs maritimes, et les inspections représentent des instantanés. Pour ces deux raisons, les inspecteurs s’appuient sur l’expertise du personnel du navire et du personnel à terre pour les connaissances propres au navire, qui devraient être consignées dans les procédures d’essai et décrites dans un SGS. Par conséquent, il est important de s’assurer que l’équipage d’un navire et le personnel à terre possèdent les connaissances précises nécessaires pour comprendre les systèmes du navire, les entretenir et les soumettre à des essais.

Fait établi quant aux risques

Si les procédures d’essai pour l’ensemble des éléments des systèmes de sécurité du moteur ne sont pas bien élaborées, documentées, suivies et surveillées, ces systèmes risquent d’être entretenus de manière variable et de ne pas fonctionner comme il se doit.

2.6 Exercices et formation pour les interventions d’urgence

Lorsqu’une urgence telle qu’un incendie survient sur un navire, une intervention rapide et coordonnée est essentielle et doit être exécutée par des membres du personnel formés et munis de l’équipement approprié. En cas d’urgence, le temps presse et les conséquences potentielles sont graves; la capacité cognitive est réduite et l’on s’efforce souvent de réagir à la situation plutôt que de l’analyser. Voilà pourquoi la formation et les exercices sont essentiels à la réussite d’une intervention d’urgence.

2.6.1 Formation sur les fonctions d’urgence en mer et documents spécifiant les effectifs de sécurité

Le succès de toute intervention d’urgence à bord d’un navire dépend des qualifications et de la formation des officiers et de l’équipage dans les rôles qui leur ont été attribués, y compris une formation et des exercices récents sur la gestion d’interventions d’urgence. La formation sur les fonctions d’urgence en mer (FUM) de TC est conçue pour permettre aux marins de comprendre les dangers associés à l’environnement marin et à leur navire, et pour enseigner les compétences dont les marins ont besoin pour faire face à ces dangers. Les documents spécifiant les effectifs de sécurité indiquent les qualifications requises pour les différents rôles à bord d’un navire et, par conséquent, la formation nécessaire pour exploiter le navire et gérer les urgences. Quel que soit le contenu du document spécifiant les effectifs de sécurité, le représentant autorisé conserve la responsabilité de veiller à ce que tous les membres d’équipage aient reçu la formation nécessaire pour les rôles qui leur ont été confiés.

L’Atlantic Destiny était certifié pour un effectif de 32 personnes, disposait d’un réseau d’incendie avec conduite principale, d’un système fixe d’extinction d’incendie au CO2 et de 2 tenues de lutte contre les incendies. Le niveau de certification indiqué dans le document spécifiant les effectifs de sécurité de l’Atlantic Destiny exigeait que le capitaine et le premier officier de pont aient suivi la formation FUM A1 sur la sécurité de base. Ainsi, ces derniers n’avaient reçu aucune formation officielle sur la lutte contre les incendies à bord d’un navire, y compris l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2. Seuls les mécaniciens étaient tenus d’avoir suivi la formation FUM sur la sécurité de base (STCW) et la formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (STCW), ce qu’ils avaient tous deux faits. Une enquête antérieure sur un événement à bord d’un navire à passagers a révélé que le processus d’évaluation de spécification des effectifs de sécurité ne tient pas compte des caractéristiques propres au navire Note de bas de page 54.

Le BST a comparé le document spécifiant les effectifs de sécurité de l’Atlantic Destiny, en tant que grand navire de pêche certifié pour des voyages à proximité du littoral, classe 1, avec ceux de 3 navires autres que des navires de pêche de taille semblable et de même classe de voyage. À bord de ces navires autres que des navires de pêche, le Règlement sur le personnel maritime (RPM) exige une formation plus poussée pour les capitaines et les premiers officiers de pont. Pour les brevets de capitaine, jauge brute de 3000 et de premier officier de pont, à proximité du littoral, la formation FUM sur la sécurité de base (STCW) et la formation FUM sur les techniques avancées de lutte contre l’incendie (STCW) sont requises.

Les rôles d’appel précisent qui assumera les divers rôles en cas d’urgence. Sur le rôle d’appel de l’Atlantic Destiny, 2 matelots de pont s’étaient vu attribuer des rôles qui les obligeaient à porter une tenue de lutte contre les incendies et un appareil respiratoire autonome, mais ils n’avaient pas été formés à l’utilisation de cet équipement.

Fait établi quant aux risques

Les navires de jauge semblable qui sont exploités dans des milieux marins semblables sont exposés à des dangers semblables. Si les qualifications prévues dans la réglementation sont moins strictes pour les rôles à bord des grands navires de pêche que pour ceux à bord de navires semblables, il y a un risque que les équipages des grands navires de pêche ne soient pas prêts à intervenir avec succès en cas d’urgence.

2.6.2 Exercices

Dans l’événement à l’étude, les tâches auxquelles l’équipage s’était exercé lors des exercices de routine se sont bien déroulées. Lorsque l’alarme incendie a retenti, les membres d’équipage se sont rassemblés à l’arrière du navire avec leur combinaison d’immersion pour faire un décompte, conformément aux exercices auxquels ils avaient participé. Ensuite, les membres des équipes d’urgence principale et de soutien ainsi que le second officier de l’équipe de commandement ont effectué les tâches préparatoires attribuées par le rôle d’appel, telles que la préparation des boyaux d’incendie et la fermeture des évents. Enfin, l’évacuation du navire s’est déroulée sans panique et conformément à l’exercice d’abandon du navire.

La situation était complexe, comportant à la fois un incendie dans la salle des machines et une infiltration d’eau. Dans de tels cas, une intervention d’urgence réussie nécessite la collecte de renseignements et la prise de décisions pour élaborer un plan adapté à la situation. Les exercices de routine visent normalement à former les membres d’équipage à intervenir automatiquement en cas d’une seule urgence à la fois. Cependant, dans l’événement à l’étude, comme il y avait 2 urgences simultanées, les membres d’équipage avaient besoin de plus de consignes pour coordonner leurs interventions. L’importance de scénarios d’exercices variés et réalistes en ce qui concerne les navires à passagers a déjà été relevée dans des rapports et des recommandations antérieurs du BST Note de bas de page 55.

2.6.3 Procédures d’urgence, formation et familiarisation

Dans l’événement à l’étude, l’enquête a permis de déterminer les aspects suivants où les procédures, la familiarisation et la formation auraient pu influer sur l’issue de l’accident.

Pour lancer un appel de détresse sur les radios à très haute fréquence munies d’une fonction d’appel sélectif numérique (VHF-ASN), l’exploitant doit appuyer sur le bouton de détresse et le maintenir enfoncé pendant une période d’au moins 3 secondes pour alerter les intervenants. Puisque la perception du temps n’est pas fiable dans une situation d’urgence, de nombreux membres d’équipage ont besoin de se familiariser avec ce bouton de détresse et de s’exercer à l’utiliser. Pour le modèle de radio à bord de l’Atlantic Destiny, le manuel indique aux utilisateurs de maintenir le bouton enfoncé pendant 4 secondes, sans interruption. Des enquêtes récentes du BST Note de bas de page 56 ont révélé que des exploitants ne sont pas parvenus à envoyer un signal de détresse automatique à l’aide de cette fonction.

Fait établi : Autre

Le capitaine a appuyé sur le bouton de détresse de la radio VHF-ASN, mais l’appel de détresse n’a pas été transmis avec succès.

Les procédures d’utilisation du système fixe d’extinction d’incendie au CO2 ont été suivies. Toutefois, le manuel du SGS ne comportait aucun renseignement sur le fonctionnement des systèmes au CO2 ni sur le temps qu’il fallait attendre avant de réintégrer un espace où du CO2 avait été libéré. Dans l’événement à l’étude, les officiers supérieurs ont décidé de libérer le CO2 dans la salle des machines et ont discuté seulement par la suite de la manière de gérer l’infiltration d’eau, ce qui nécessitait de pénétrer à nouveau dans la salle des machines. Par conséquent, estimant avoir attendu suffisamment longtemps, lorsqu’ils sont à nouveau entrés dans la salle des machines, ils ont introduit de l’air frais dans l’espace par inadvertance moins de 1 heure après la libération du CO2, ce qui a rallumé l’incendie. Le manque de compréhension du fonctionnement des systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2 a été un facteur dans un certain nombre d’événements Note de bas de page 57 et a été mis en évidence comme une leçon à tirer des rapports d’accidents maritimes par le Marine Accident Investigation Board du Royaume-Uni Note de bas de page 58.

Le manuel du SGS décrivait les procédures, les exercices et la familiarisation relatifs aux incendies, mais ne comportait pas de procédures d’urgence en cas d’inondation. L’équipage ne connaissait pas bien la pompe submersible électrique portative ni l’éjecteur de fond de cale portatif. De plus, aucune instruction sur la façon de démarrer la pompe d’incendie de secours n’était affichée à l’emplacement de la pompe, et seul le deuxième mécanicien était responsable de l’inspection hebdomadaire et du démarrage de la pompe.

Fait établi quant aux risques

Si la formation, la familiarisation, les exercices et les procédures ne couvrent pas tous les aspects nécessaires pour une intervention d’urgence, comme l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2, il y a un risque que l’équipage ne soit pas en mesure d’intervenir efficacement au cours d’une urgence à bord d’un navire.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Un ou plusieurs composants du système de gestion du moteur ont fait défaut et l’ont amené à augmenter continuellement l’alimentation en carburant du moteur, ce qui a provoqué une survitesse du moteur.
  2. Les activations automatique et manuelle du système de sécurité du moteur n’ont pas empêché le régime du moteur d’augmenter au-delà des limites de conception du moteur, ce qui a provoqué une défaillance catastrophique et des dommages importants au moteur et aux génératrices d’arbre.
  3. L’explosion des génératrices d’arbre et des machines associées a provoqué l’incendie ainsi qu’une brèche dans la tuyauterie d’eau de mer.
  4. L’équipage n’a pas pu accéder aux robinets du caisson de prise d’eau, et des pompes de cale n’étaient pas disponibles à bord. Par conséquent, l’inondation de la salle des machines n’a pu être maîtrisée, ce qui a conduit au naufrage du navire.
  5. La génératrice auxiliaire n’a pas pu être raccordée au système de distribution électrique, probablement à cause d’avaries au système de distribution électrique, privant le navire d’un système de pompage.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Les équipements de pompage fournis par les aéronefs de la recherche et du sauvetage peuvent ne pas être efficaces pour toutes les tailles de navire et toutes les conditions d’exploitation. Si les conditions à bord d’un navire en détresse sont en dehors des paramètres de conception de l’équipement de pompage, il y a un risque que celui-ci ne maîtrise pas l’infiltration d’eau au débit prévu, ce qui réduit le temps disponible pour l’opération de sauvetage.
  2. Si les navires ne sont pas tenus de disposer de sources d’énergie électrique de secours capables d’alimenter l’équipement essentiel tel que les pompes d’incendie et de cale, cet équipement risque de ne pas être disponible en cas d’urgence.
  3. Si les membres d’équipage ne peuvent pas utiliser une écoutille de secours, ils risquent de ne pas pouvoir évacuer le compartiment du navire en toute sécurité.
  4. Si le démarreur manuel d’une pompe d’incendie de secours n’est pas vérifié régulièrement, il y a un risque qu’il ne fonctionne pas en cas d’urgence.
  5.  Si les dossiers d’entretien, les évaluations des risques, les rapports d’accident et d’incident et les renseignements similaires ne sont pas utilisés pour tirer des leçons de l’expérience, ou si des mesures correctives efficaces ne sont pas mises en œuvre, il est probable que les risques liés à la sécurité du navire persistent.
  6. Si les travaux d’entretien prévus sont fréquemment reportés afin que les opérations puissent se poursuivre et que les risques liés au report de l’entretien ne sont pas évalués et atténués, il y a un risque que l’équipement se détériore au point d’avoir une incidence sur la sécurité du navire et de l’équipage.
  7. Si les procédures d’essai pour l’ensemble des éléments des systèmes de sécurité du moteur ne sont pas bien élaborées, documentées, suivies et surveillées, ces systèmes risquent d’être entretenus de manière variable et de ne pas fonctionner comme il se doit.
  8. Les navires de jauge semblable qui sont exploités dans des milieux marins semblables sont exposés à des dangers semblables. Si les qualifications prévues dans la réglementation sont moins strictes pour les rôles à bord des grands navires de pêche que pour ceux à bord de navires semblables, il y a un risque que les équipages des grands navires de pêche ne soient pas prêts à intervenir avec succès en cas d’urgence.
  9. Si la formation, la familiarisation, les exercices et les procédures ne couvrent pas tous les aspects nécessaires pour une intervention d’urgence, comme l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone, il y a un risque que l’équipage ne soit pas en mesure d’intervenir efficacement au cours d’une urgence à bord d’un navire.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Même s’il n’était pas exigé que les 2 appareils respiratoires d’évacuation d’urgence et les 2 extincteurs portatifs à dispersion de poudre sèche en aérosol soient transportés à bord de l’Atlantic Destiny, les appareils respiratoires d’évacuation d’urgence ont été utiles pour sortir de la salle des machines et les extincteurs portatifs à dispersion de poudre sèche en aérosol ont été utiles pour éteindre l’incendie dans la salle des machines.
  2. Dans l’événement à l’étude, l’alarme incendie a retenti de façon continue, ce qui a distrait l’équipage pendant l’intervention d’urgence.
  3. Le premier officier de pont de l’Atlantic Destiny était titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, quatrième classe, alors que le document spécifiant les effectifs de sécurité exigeait que le premier officier de pont soit titulaire d’un brevet de capitaine de bâtiment de pêche, troisième classe.
  4. Le système de gestion de la sécurité en vigueur sur l’Atlantic Destiny a été mis en place pour se conformer à la réglementation en matière de santé et sécurité au travail. Même si la section relative aux accidents et aux enquêtes couvrait à la fois le navire et l’équipage, dans la pratique, le système de gestion de la sécurité n’était utilisé que pour les accidents et les incidents liés à la santé et sécurité au travail.
  5. Le capitaine a appuyé sur le bouton de détresse de la radio très haute fréquence munie d’une fonction d’appel sélectif numérique, mais l’appel de détresse n’a pas été transmis avec succès.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Ocean Choice International

Ocean Choice International (OCI) a mis en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS) conforme au Code international de gestion de la sécurité (Code ISM). En juin 2022, à l’issue d’une vérification du SGS d’OCI, DNV a délivré un document provisoire de conformité, indiquant que le SGS de la compagnie était conforme au Code ISM.

À bord des navires de pêche Calvert et Katsheshuk II d’OCI, les instructions relatives au démarrage de la pompe d’incendie de secours ont été affichées.

4.2 Préoccupation liée à la sécurité

4.2.1 Connaissance du fonctionnement des systèmes fixes d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone

Le 2 mars 2021, le navire de pêche Atlantic Destiny, qui transportait 31 personnes à son bord, a subi une défaillance catastrophique du moteur alors que le navire se trouvait à environ 120 milles marins au sud de Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Les génératrices d’arbre ont explosé, provoquant un incendie et des dommages qui ont conduit à l’inondation de la salle des machines. Tous les membres d’équipage ont été évacués par les autorités de recherche et sauvetage. Des blessures mineures ont été signalées. Le 3 mars 2021, l’Atlantic Destiny a coulé.

Les membres d’équipage ont utilisé le système fixe d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone (CO2) de la salle des machines pendant l’intervention. Ces systèmes libèrent du CO2 pour former une épaisse couche de gaz qui déplace l’air et réduit la teneur en oxygène à un point tel que la combustion ne peut pas se produire. Une bonne étanchéité de l’espace est essentielle pour éteindre efficacement l’incendie. Puisque le CO2 présente une moins grande efficacité de refroidissement que l’eau, la ventilation de la salle des machines ne doit pas être démarrée avant d’avoir établi que l’incendie a été complètement éteint et que les conditions ne sont plus suffisantes pour que l’incendie reprenne, un processus qui prend plusieurs heures. Cependant, l’équipage a entendu un bruit d’eau dans la salle des machines et est retourné dans le l’espace après environ 30 à 40 minutes pour en chercher la source. Plus tard, il a pénétré dans la salle des machines auxiliaires, une autre partie de l’espace scellé, afin d’accéder à la génératrice auxiliaire. Ces deux interventions ont réintroduit de l’oxygène dans l’espace. Les membres d’équipage ont suivi des procédures documentées pour l’utilisation du système fixe d’extinction d’incendie au CO2. Cependant, ils ne savaient pas qu’il fallait attendre que l’espace se refroidisse avant d’y retourner.

Le manque de compréhension des exigences relatives à l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2 a été un facteur dans plusieurs autres événements au CanadaNote de bas de page 59 et ailleurs dans le mondeNote de bas de page 60. À titre d’exemple, lors de l’incendie de la salle des machines du vraquier Tecumseh, les membres d’équipage sont rentrés dans la salle des machines en consultation avec la direction du navire et la direction à terre, environ 2 heures après la libération de CO2 et un certain refroidissement des cloisonnements, et l’incendie s’est rallumé. Lors d’un incendie dans la salle des machines du bateau de pêche Frederike. C-2, la salle des machines n’a pas été scellée avant la libération du CO2 et l’incendie ne s’est donc pas éteint.

Au Canada, l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie est abordée dans le cadre de la formation sur les fonctions d’urgence en mer relatives aux techniques avancées de lutte contre l’incendieNote de bas de page 61. Transports Canada exige cette formation pour certains brevets. La formation d’appoint n’est obligatoire que pour les gens de mer qui travaillent à bord de navires effectuant des voyages plus longsNote de bas de page 62. Bien que les documents de formation de Transports Canada traitent de l’utilisation de systèmes d’extinction d’incendie, cette exigence ne s’applique pas à tous les gens de mer et n’est pas imposée au personnel à terre susceptible de fournir un soutien technique aux navires. Si la formation, la familiarisation, les exercices et les procédures ne couvrent pas tous les aspects nécessaires pour une intervention d’urgence, comme l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2, il y a un risque que l’équipage ne soit pas en mesure d’intervenir efficacement au cours d’une urgence à bord d’un navire.

En raison d’un certain nombre d’événements au cours desquels l’efficacité du CO2 a été compromise pendant la lutte contre l’incendie, le Bureau est préoccupé par le fait que les équipages ne connaissent pas suffisamment les étapes à suivre avant et après l’utilisation de systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO2.

Le rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .