Déraillement en voie principale
Canadien National
Train de marchandises no M-30711-02
Point milliaire 123,5 de la subdivision Napadogan
Juniper (Nouveau-Brunswick)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 3 mars 2007 à 13 h 20, heure normale de l'Atlantique, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale du train de marchandises no M-30711-02 ouest du Canadien National s'est déclenché tandis que le train ralentissait après avoir reçu une alarme transmise par l'installation du système de détection en voie qui était située au point milliaire 136,1 de la subdivision Napadogan. Une inspection faite ultérieurement par l'équipe du train a révélé que 18 wagons, dont 3 wagons-citernes contenant des marchandises dangereuses (résidus de gaz de pétrole liquéfié, classe 2.1, no ONU 1075) venaient de dérailler. Les premières marques qu'on a relevées sur le rail se trouvaient au point milliaire 123,5. Personne n'a été blessé lors de l'accident, et il n'y a eu aucun déversement de produits dangereux.
This report is also available in English.
Renseignements de base
Le déraillement
Le 3 mars 2007, le train de marchandises no M 30711-02 (le train) du Canadien National (CN) fait l'objet d'une inspection de sécurité et d'un essai de freins no 1 exécutés par des inspecteurs de wagons autorisés, à Moncton (Nouveau-Brunswick), après quoi il s'engage en direction ouest dans la subdivision Napadogan à destination de Toronto (Ontario) (voir la figure 1). L'équipe comprend un chef de train et un mécanicien. Les membres de l'équipe sont tous deux qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et ils se conforment aux normes établies en matière de repos et de condition physique. Le train compte 3 locomotives et 100 wagons (42 wagons chargés, 49 wagons vides et 9 wagons de résidus), il pèse approximativement 7 600 tonnes et mesure environ 6 850 pieds.
À Juniper, point milliaire 122,6, l'équipe du train fait un arrêt et laisse 78 wagons sur la voie principale pendant qu'on procède au ramassage de 23 wagons additionnels (pesant environ 1 675 tonnes et mesurant approximativement 1 375 pieds). Après avoir attelé l'ensemble des wagons et noté que l'unité de détection et de freinage (UDF) affiche l'augmentation voulue de la pression dans la conduite générale, et que le train satisfait aux autres exigences d'un essai de freins no 2 (conformément au Règlement sur les freins des trains de marchandises et de passagers, approuvé par Transports Canada, voir l'annexe A), l'équipe du train repart en direction ouest. Le voyage se déroule sans incident jusqu'à 1320:44, heure normale de l'Atlantique (HNA)Note de bas de page 1. Pendant que le train descend une pente d'environ 1 p. 100 située à Summit, une installation du système de détection en voie (SDV) qui se trouve au point milliaire 136,1 alerte l'équipe (au moyen d'un message radio) au sujet de l'émission d'alarmes multiples à partir du 363e essieu du train. Tandis que le mécanicien commence à faire ralentir le train, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale se déclenche.
L'analyse des données du consignateur d'événements de locomotive démontre qu'à ce moment, le train roulait à 41 milles à l'heure (mi/h), la commande des gaz était à la position de ralenti, la conduite générale était alimentée à la pression de régime (90 livres par pouce carré (lb/po2)), et les freins rhéostatiques étaient enclenchés. L'analyse a aussi révélé que :
- entre Moncton et Juniper, le mécanicien n'a pas utilisé les freins à air pour faire ralentir le train;
- pour arrêter le train à Juniper, on a commandé une dépression de 17 lb/po2 dans la conduite générale;
- les wagons laissés sur la voie principale à Juniper pendant le ramassage de wagons additionnels sont restés immobilisés avec les freins serrés pendant 36 minutes, après quoi le train est reparti à 12 h 37, HNA.
Lors de l'accident, le sol était recouvert de neige, il y avait un mince couvert nuageux et il faisait environ −2°C.
Examen sur place
L'équipe a appliqué les procédures d'urgence, a inspecté le train et a constaté que 17 wagons avaient déraillé et qu'un wagon était décentré. Les wagons en question occupaient les positions 86 à 103 derrière le groupe de traction. Le matériel déraillé consistait en 12 wagons-trémies vides, 2 wagons-citernes vides ayant transporté des marchandises non dangereuses et 3 wagons-citernes contenant des résidus de gaz de pétrole liquéfié (GPL, classe 2.1, no ONU 1075). Ils s'étaient séparés du train et s'étaient empilés de chaque côté de la voie principale. Dix des wagons ont été détruits. Le réservoir des trois wagons-citernes de GPL a subi certains dommages, mais leur coque est demeurée intacte et n'a pas laissé fuir de produit.
Des essieux montés ont été retrouvés éparpillés sur les lieux du déraillement. On a déterminé que quatre de ces essieux étaient ceux du wagon no CRDX 7735, en l'occurrence le 87e wagon du train. Des morceaux de roues ont été localisés du côté extérieur du rail sud, près de la voie d'évitement de Summit, au point milliaire 135,2. On a retrouvé d'autres morceaux de roues sous la neige, dans les fossés situés au nord de la voie, au point milliaire 137.
À quelque 200 pieds à l'ouest de l'aiguillage ouest de Juniper, on a relevé les premières marques d'impact sur le champignon du rail sud. Il y avait des marques sur les deux rails au-delà de ce point. À environ 600 pieds à l'ouest de l'aiguillage ouest, on a trouvé du côté sud de la voie un ressort à boudin provenant du bloc-ressorts d'un wagon. Une inspection ultérieure a révélé la présence de plus de 50 rails brisés dans le tronçon de 14 milles qui s'étendait entre Juniper et les lieux de l'accident. Les rails brisés se trouvaient tous dans le même circuit de voie. Les dommages causés à l'infrastructure affectaient les aiguillages est et ouest de Summit, le détecteur de boîtes chaudes et la guérite associée, au point milliaire 136,1, un passage à niveau privé (chemin d'exploitation forestière), ainsi qu'un tronçon de 14 milles de voie.
Renseignements sur la voie
Dans la subdivision Napadogan, la voie est une voie de catégorie 4 au sens du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), approuvé par Transports Canada (TC). Dans cette subdivision, la voie principale est simple et va de Pacific Junction, point milliaire 0,0, situé un peu à l'ouest de Moncton, jusqu'à Edmundston, point milliaire 219,4. Dans ce secteur, la circulation des trains est régie grâce au système de commande centralisée de la circulation (CCC), en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et elle est supervisée par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal. Dans le secteur où le déraillement a eu lieu, la vitesse maximale autorisée pour les trains de marchandises était de 50 mi/h.
À partir de l'aiguillage ouest de Juniper, point milliaire 123,4, jusqu'à l'aiguillage est de Summit, point milliaire 134,52, la voie gravissait une rampe d'environ 0,6 p. 100. Le tronçon compte de nombreuses courbes, 17 au total, dont la courbure va de 1 à 5 degrés. Du point milliaire 135,41 jusqu'aux lieux de l'accident, la voie descendait une pente d'environ 1 p. 100. La voie était en bon état et elle était faite d'un mélange de longs rails soudés de 115, 132 et 136 livres qui reposaient sur des selles de rail de 14 pouces à double épaulement, le tout posé sur des traverses de bois dur.
Conformément au RSV, la voie faisait l'objet d'inspections visuelles bihebdomadaires séparées par un intervalle d'au moins deux jours civils entre les inspections, et elle était inspectée une fois l'an par une voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie. La dernière inspection a été faite la veille du déraillement par un superviseur de la voie adjoint, qui prenait place à bord d'un véhicule rail-route. Aucune anomalie n'a été signalée dans le secteur où le déraillement a eu lieu. Le dernier passage de la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie remontait au 10 novembre 2006, et celui de la voiture de détection des défauts du rail remontait au 28 février 2007; aucun défaut n'avait été relevé dans les environs des lieux du déraillement.
Lectures du système de détection en voie
En plus d'être inspecté par des employés, le matériel roulant est aussi contrôlé par les installations du réseau des systèmes de détection en voie (SDV)Note de bas de page 2 et par des détecteurs de défauts de roues (DDR) placés à des endroits stratégiques.
En cours de route entre Moncton et Juniper, le train est passé au-dessus de huit sites du SDV, dont le dernier se trouvait au point milliaire 20,4, soit à environ trois milles à l'est de l'aiguillage ouest de Juniper. Aucune de ces installations n'a émis une alarme de surchauffe de roulements ou de pièces traînantes relativement à l'un ou l'autre des wagons du train.
Quatre des huit SDV étaient équipés de détecteurs de roues chaudes. Le premier site de SDV, installé à l'ouest de Moncton, près de Pacific Junction, a signalé un certain échauffement des roues du premier wagon du train. Après vérification, l'équipe a découvert un frein à main qui était serré partiellement. Après qu'on eut desserré le frein à main, les roues ont donné des lectures similaires à celles des roues des autres wagons lors des inspections ultérieures. Le dernier détecteur de roues chaudes au-dessus duquel le train est passé était situé au point milliaire 105,5. Sauf pour la lecture de roues chaudes correspondant au wagon identifié au premier site de SDV, les roues de tous les wagons du train ont donné des lectures normales lors des contrôles relatifs à la température des roues.
Lors du passage au-dessus du neuvième SDV, installé au point milliaire 136,1, l'équipe du train a reçu par radio des messages d'alarme qui coïncidaient avec le 363e essieu du train, en l'occurrence l'essieu avant du wagon no CRDX 7735.
Le train est passé au-dessus d'un DDR (placé à Alward, point milliaire 29), lequel a indiqué que les charges d'impact des roues de tous les wagons étaient en-deçà des valeurs normales. Dans le cas précis du wagon no CRDX 7735, la valeur maximale était de 12,8 kips (1 kip = 1 000 livres), ce qui est de beaucoup inférieur au seuil de 100 kips établi par le CN.
Wagon no CRDX 7735
Le CRDX 7735 était un wagon-trémie couvert de 60 pieds de longueur, construit en 1978, qui appartenait à la Chicago Freight Car Leasing Company. Il était équipé d'appareils de choc et de traction de modèle standard et d'attelages de type E. Le wagon avait une tare de 59 900 livres. Le dernier essai des freins à air de ce wagon remontait au 16 janvier 2006.
L'examen du dossier de réparation du wagon n'a pas fait ressortir de problèmes inhabituels affectant son installation de freinage ou les organes de roulement connexes. Les quatre essieux montés endommagés qui provenaient de ce wagon montraient des plats mesurant de 12 à 16 pouces de longueur, et avaient subi des dommages qui avaient entraîné la rupture des toiles et des jantes des roues (pour plus de détails, voir la figure 2 et l'annexe B). Les essieux montés, les fragments, les distributeurs de freinage, le frein à main, le régleur de semelle de frein et le robinet de retenue ont été envoyés pour examen au laboratoire technique du BST (rapport no LP 046/2007, intitulé Examination of Wheel and Brake Components, portant sur l'examen des roues et des pièces de frein. On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada).
Figure 2. Quatre essieux montés endommagés provenant du wagon no CRDX 7735, qu'on a retrouvés sur les lieux du déraillement
Rapport du laboratoire technique
L'examen des roues, du frein à main, du régleur de semelle de frein et du robinet de retenue n'a pas révélé la présence de défauts préexistants qui auraient contribué à l'accident. Toutefois, les robinets de retenue n'ont pas passé avec succès tous les essais au banc. Il a été impossible de faire l'essai du dispositif de serrage gradué, parce que le robinet à tiroir était grippé. On a relevé de la corrosion localisée sur certaines des pièces internes des robinets de serrage gradué et de serrage d'urgence (voir la figure 3). On a remarqué que des pressions basses pouvaient rendre les robinets à tiroir davantage sujets au grippage. Le rapport précisait que les enquêteurs n'avaient trouvé aucun indice d'un problème chronique de freinage, que ce soit à la lecture du dossier de réparation ou au terme de l'examen de chacune des pièces de freinage (qui comptaient au moins 29 ans de service).
Figure 3. Corrosion relevée sur les pièces internes de la valve de commande de frein.
Freins à air
Les normes applicables aux freins à air sont énoncées dans le Règlement sur les freins des trains de marchandises et de passagers, approuvé par TC, mentionné précédemment, et dans les règles et politiques pertinentes de l'Association of American Railroads ( Association of American Railroad Rules and Railway Rules/Policies ). On trouvera à l'annexe A les articles qui concernent l'événement relaté dans le présent rapport.
Analyse
On considère que l'état de la voie n'a pas été un facteur contributif de cet accident. La succession d'événements qui a précédé le déraillement fait ressortir un mode de défaillance reconnaissable. Compte tenu des marques relevées sur les rails, des nombreuses ruptures de rails entre Juniper et Summit, du fait que le wagon no CRDX 7735 ait perdu ses essieux montés et que ceux-ci aient été endommagés, et des alarmes transmises par le système de détection en voie (SDV) au sujet de ce même wagon, l'analyse portera surtout sur la conduite du train et sur l'état mécanique du wagon no CRDX 7735, et plus particulièrement sur l'état mécanique des freins à air.
Le déraillement
Comme le mécanicien n'a pas actionné les freins à air en cours de route, les freins ont été serrés pour la première fois lorsque le train s'est arrêté à Juniper. Le wagon no CRDX 7735 faisant partie de la tranche qui a été laissée sur la voie principale, il est resté stationnaire avec les freins serrés, pendant que l'équipe du train ramassait les 23 wagons additionnels. Les heures enregistrées par le consignateur d'événements indiquent que les wagons sont restés sur place avec les freins serrés pendant un peu plus que 30 minutes. Même si les membres de l'équipe du train ont exécuté les essais de freins requis, il n'était pas obligatoire qu'ils procèdent à une vérification de sécurité supplémentaire, en faisant un examen visuel de chaque wagon de la tranche qu'on avait laissée sur la voie principale pour s'assurer que le circuit de freinage de chaque wagon fonctionnait de la façon voulue. L'augmentation appropriée de la pression de la conduite générale, affichée par l'unité de détection et de freinage (UDF) située en queue de train, a fourni à l'équipe une indication quant à la continuité de la conduite générale d'un bout à l'autre du train. Au sens du Règlement sur les freins à air des trains, cette indication est suffisante pour que l'équipe d'un train soit autorisée à se mettre en route.
Les marques sur le rail qui commençaient un peu à l'ouest de l'aiguillage ouest de Juniper sont un indice montrant que des roues ont glissé sur le rail à la suite d'un enrayage. Ce glissement des roues a fait en sorte d'accentuer les plats des roues du wagon no CRDX 7735 au fur et à mesure que le train roulait vers l'ouest, comme le montrent les dommages de plus en plus considérables qu'on a relevés sur le wagon et sur la voie. En cours de route, le wagon a perdu des pièces de bogies, notamment des ressorts, et a causé des ruptures de rails de plus en plus nombreuses à mesure qu'il progressait. Quand le train est arrivé à la hauteur de la voie d'évitement de Summit, le wagon a endommagé les aiguillages est et ouest de la voie d'évitement, après quoi il a détruit l'installation du SDV et sa guérite de signalisation. D'est en ouest entre Juniper et Summit, le lieu de l'empilement principal de wagons, soit sur une distance d'environ 14 milles, le parcours de destruction indique que le déraillement a été causé par des plats sur la table de roulement des roues du wagon no CRDX 7735, plats qui sont apparus après que le train eut ramassé les 22 wagons, qu'on eut desserré les freins à air et que le train fut reparti de Juniper en direction ouest.
Freins à air
Les plats sur la table de roulement sont normalement associés à des défauts de fonctionnement des freins, et à plus forte raison lorsqu'ils sont au nombre de quatre, qu'ils ont une forme similaire et qu'ils affectent les roues d'un même wagon et, comme dans ce cas précis, qu'ils ont de grandes dimensions (mesurant de 12 à 16 pouces de longueur). Une défectuosité d'une pièce des organes de roulement d'un wagon peut causer l'enrayage d'une ou de deux roues du même bogie (ou du même wagon) ou les empêcher de tourner de la façon voulue, mais le fait que les quatre roues aient toutes été affectées par des plats de grandes dimensions indique clairement que le wagon a subi un problème de fonctionnement de ses freins. L'absence de dommages sur la voie entre Moncton et Juniper et le fait que les quatre détecteurs de roues chaudes et un détecteur de défauts de roues n'aient pas envoyé de messages d'alarme, indiquent que les freins n'étaient pas bloqués en position de serrage lorsque le train a quitté Moncton, ni en cours de route.
Le fait que la portion de serrage gradué n'ait pas passé avec succès les essais au banc à cause du grippage d'un robinet à tiroir donne à penser que cette défectuosité a pu empêcher le desserrage des freins à air. La corrosion relevée sur certaines des pièces internes est la preuve que de l'humidité était présente à l'intérieur des mécanismes internes du robinet. Comme on a procédé à un serrage modéré des freins (réduction de 17 livres par pouce carré de la pression de la conduite générale) lors de l'arrêt à Juniper, il est aussi possible que la présence de corrosion, même minime, dans le robinet à tiroir, ait rendu le robinet davantage sujet au grippage. Bien qu'il soit impossible de déterminer avec précision la cause du grippage du robinet à tiroir, la présence de plats de grandes dimensions sur la table de roulement des quatre roues est un indice qui dénote un mauvais fonctionnement des freins à air du wagon. L'examen et la mise à l'essai des robinets de retenue ont révélé que le robinet à tiroir de la portion de serrage gradué a grippé, empêchant ainsi les freins du wagon-trémie couvert no CRDX 735 de se desserrer convenablement lors de l'arrêt du train à Juniper.
Le dossier de réparation du wagon donne à penser que le circuit de freinage à air avait fonctionné normalement jusqu'au moment de l'accident. Si le dispositif de serrage gradué avait grippé par le passé, la défectuosité n'avait jamais été grave au point de nécessiter une inscription dans les dossiers de réparation ou dans les rapports d'exploitation de la compagnie. Étant donné les réparations dont le wagon no CRDX 7735 a fait l'objet par le passé, et compte tenu de la petite quantité de corrosion qu'on a trouvée dans la portion de serrage gradué du dispositif de freinage, il est vraisemblable que le mauvais fonctionnement de son robinet à tiroir a été ponctuel.
Règles de conduite des trains – Freins à air
Alors que le Règlement sur les freins à air des trains oblige le mécanicien d'un train de voyageurs à faire un essai de freins en marche pour s'assurer que les freins fonctionnent bien, il n'impose pas d'obligation de ce genre dans le cas des trains de marchandises. Le Canadien National avait une politique à l'intention des mécaniciens qui obligeait la personne qui conduit le train à serrer les freins à air à des intervalles assez rapprochés pour empêcher la glace ou la neige de s'accumuler sur la table de roulement des roues et sur les semelles de frein, de façon à toujours garder le système de frein en état de fonctionner. Toutefois, la politique ne parle pas des avantages qu'on retirerait en serrant périodiquement les freins à air afin de débarrasser les pièces internes des robinets de la saleté et de l'humidité accumulées, de façon à toujours garder le système de frein en état de fonctionner. Comme on a utilisé la modulation des gaz pour régler la vitesse du train entre Moncton et Juniper, soit sur une distance de plus de 100 milles, on n'a pas commandé un serrage des freins qui aurait pu aider à éliminer la saleté et l'humidité présentes dans le circuit, le cas échéant.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le déraillement a résulté de la rupture d'une roue du wagon no CRDX 7735, qui était affectée par un plat sur sa table de roulement.
- La présence des plats sur la table de roulement était due à un mauvais fonctionnement des freins à air du wagon, attribuable au grippage d'un robinet à tiroir de la portion servant au serrage gradué.
Autres faits établis
- L'absence de dommages sur la voie entre Moncton et Juniper et le fait que les quatre détecteurs de roues chaudes et un détecteur de défauts de roues n'aient pas envoyé de messages d'alarme, indiquent que les freins n'étaient pas bloqués en position de serrage lorsque le train a quitté Moncton, ni en cours de route.
- Étant donné que le dossier de réparation du wagon no CRDX 7735 ne mentionnait aucun problème attribuable au freinage, et compte tenu de la quantité de corrosion qu'on a trouvée dans la portion de serrage gradué du dispositif de freinage, il est vraisemblable que le mauvais fonctionnement du robinet à tiroir du dispositif de freinage a été ponctuel.
- Comme on a utilisé la modulation des gaz pour régler la vitesse du train entre Moncton et Juniper, soit sur une distance de plus de 100 milles, on n'a pas commandé un serrage des freins qui aurait pu aider à éliminer la saleté et de l'humidité présentes dans le circuit, le cas échéant.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A – Règlement sur les freins à air des trains
Voici un extrait du Règlement sur les freins des trains de marchandises et de passagers, approuvé par Transports Canada :
Définitions
- 3.19 - « essai de freins en marche » : mise à l'épreuve des freins d'un train voyageurs en mouvement pour s'assurer qu'ils fonctionnent;
- 7. Conditions de circulation
- 7.7 - Un train voyageurs doit subir un essai de freins en marche après avoir quitté un lieu où son équipe a été remplacée.
- 13. Essai de freins no 2
- 13.1 – L'essai de freins no 2 doit permettre de vérifier :
- l'intégrité et la continuité de la conduite générale;
- le serrage et le desserrage des freins de chaque véhicule ajouté au train.
- 13.2 - L'essai de freins no 2 doit être effectué par des personnes qualifiées quand les véhicules ajoutés à un train n'ont pas déjà été soumis à :
- un essai de freins au point d'incorporation; ou
- quand le mécanicien a été remplacé.
- 13.1 – L'essai de freins no 2 doit permettre de vérifier :
Manuel du CN à l'intention des mécaniciens (Canadian National Railway Locomotive Engineer Operating Manual), imprimé 8960 :
Section G : CONDUITE DES TRAINS
G1: Politique relative à la conduite des trains
…
- 4. Il faut utiliser surtout le levier du manipulateur pour contrôler la vitesse du train.
- 5. On doit utiliser le plus possible le freinage rhéostatique pour obtenir l'effort de freinage initial.
- …
- 11. En hiver, la personne qui conduit le train doit serrer les freins à air à des intervalles assez rapprochés pour empêcher la glace ou la neige de s'accumuler sur la table de roulement des roues et sur les semelles de frein, de façon à toujours garder le système de frein en état de fonctionner. (traduction)
Association of American Railroads (AAR)
De nombreuses règles traitent des exigences relatives à l'entretien des chemins de fer et à l'échange entre réseaux (par exemple : limites d'usure, sujets d'attention, pratiques correctes de réparation et facturation des réparations). Pour la plupart, ces règles figurent dans les éditions annuelles des manuels de l'AAR que l'on doit consulter sur le terrain et dans les bureaux ( AAR Field and Office Manuals), et dans les différents volumes du manuel des normes et des pratiques recommandées de l'AAR (AAR Manual of Standards and Recommended Practices) .
Annexe B – Données relatives aux quatre essieux montés qu'on a récupérés – CRDX 7735
Note : Le laboratoire technique du Bureau de la sécurité des transports a utilisé les désignations alphanumériques ci-dessous lors de l'examen, afin d'identifier chacune des deux roues d'un même essieu. Ces désignations ne renvoient pas aux positions réelles des wagons.
A1
- La roue portait la marque suivante : CJ36 89276 0100 GC C. La mention CJ36 correspond au modèle de la roue, les chiffres 89276 représentent le numéro de série, les chiffres 0100 indiquent le mois et l'année de fabrication (janvier 2000), les lettres GC identifient la Griffin Wheel Company (l'atelier qui a fabriqué la roue), et la lettre C correspond à la catégorie de traitement thermique.
- La table de roulement de la roue montrait une zone localisée où le matériau était déformé par l'usure (plat). Le plat mesurait approximativement 12 pouces de longueur, 3,5 pouces de largeur et 1 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat était aligné avec le rebord extérieur de la roue (la partie plate de la face de la jante).
- On a remarqué des dépôts de métal fondu et solidifié le long de la table de roulement de la roue, alignés avec le plat.
- On a mesuré que la jante de la roue avait 32/16 de pouce d'épaisseur.
- On pouvait faire tourner le roulement à la main. Une portion de la bague extérieure du roulement s'était séparée.
A2
- La roue portait la marque suivante : CJ36 90750 0100 GC C.
- La table de roulement de la roue était affectée par un plat de 12 pouces de longueur sur 3,5 pouces de largeur et 1,5 pouce de profondeur. Le rebord intérieur du plat avait entaillé le boudin de la roue, et le rebord extérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du rebord extérieur de la roue.
- On a remarqué des dépôts de métal fondu et solidifié le long de la table de roulement de la roue, alignés avec le plat.
- On a mesuré que la jante de la roue avait 32/16 de pouce d'épaisseur.
- On pouvait faire tourner le roulement à la main.
B1
- La roue portait la marque suivante : CH36 23528 0990 GK C.
- La roue s'était brisée en plusieurs morceaux. Un des morceaux est resté attaché à l'essieu et s'était déplacé d'environ 6,5 pouces vers l'intérieur. Rien n'indiquait que ce morceau avait tourné sur l'essieu. Trois morceaux ont été retrouvés séparément, et une portion de la jante de la roue, mesurant environ 6 pouces de longueur, n'a pas été retrouvée.
- Les morceaux de la roue ont été désignés comme il suit : B1 no1, B1 no1A, et B1 no 2.
- Le morceau no 1 provenait de la jante de la roue et mesurait 22 pouces de longueur sur 10 pouces de largeur. Il montrait un plat de 4,5 pouces de longueur sur 3 pouces de largeur et 0,5 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du rebord extérieur de la roue. On a relevé des dépôts de métal fondu et solidifié le long de la table de roulement de la roue, alignés avec le plat.
- Le morceau B1 no 1A provenait de la portion intérieure de la roue et mesurait 12 pouces de longueur sur 7,5 pouces de largeur.
- Le morceau B1 no 2 provenait de la jante de la roue et mesurait 20 pouces de longueur sur 7 pouces de largeur. Ce morceau montrait un plat de 6 pouces de longueur sur 3,5 pouces de largeur et 1 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du rebord extérieur de la roue.
- Sur les deux morceaux retrouvés, il n'a pas été possible de mesurer avec précision l'épaisseur de la jante.
- On ne pouvait pas faire tourner le roulement à la main. La lèvre extérieure de la bague intérieure était bosselée, et le capuchon de palier était brisé.
B2
- La roue portait la marque suivante : CH36 23536 0990 GK C.
- La roue s'était brisée de la lèvre extérieure vers l'intérieur du moyeu, sur l'essieu, et la zone de rupture traversait le plat.
- La table de roulement de la roue montrait un plat mesurant 14 pouces de longueur sur 3,5 pouces de largeur et 1 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat était adjacent au rebord extérieur de la roue, et le rebord intérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du boudin.
- Il y avait une accumulation de matériau sur le rayon extérieur de la roue, alignée avec le plat, et une zone d'écaillage située à environ 14 pouces du plat.
- On a mesuré que la jante de la roue avait environ 19/16 de pouce d'épaisseur.
- Il a été impossible de faire tourner le roulement à la main. Des portions de la bague extérieure étaient manquantes.
C1
- La roue portait la marque suivante : CH36 08050 0883 GK U.
- La portion extérieure de la roue s'était séparée et a été retrouvée séparément. La portion intérieure de la roue était restée attachée à l'essieu. Les surfaces rompues montraient des zones lisses localisées.
- La portion extérieure de la roue a été retrouvée en deux morceaux; un gros morceau a été localisé au point milliaire 137,4 (N) et un morceau plus petit au point milliaire 136,95.
- Les surfaces de rupture étaient lissées au niveau du moyeu.
- Les surfaces de rupture sur les côtés (fractures radiales) étaient inégales.
- La roue s'était brisée d'un bout à l'autre du plat. Le plat mesurait 16 pouces de longueur sur 3,5 pouces de largeur et 1 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du rebord extérieur de la roue.
- La roue montrait des signes de gougeage localisé près du moyeu, adjacents au roulement.
- Le mesurage de la jante de la roue a révélé qu'elle avait 19/16 de pouce d'épaisseur.
- Il a été impossible de faire tourner le roulement à la main. Les rebords intérieur et extérieur du roulement étaient déchirés et écrasés.
C2
- La roue portait la marque suivante : CH36 12856 0683 GK U.
- La table de roulement de la roue montrait un plat de 16 pouces de longueur sur 3 pouces de largeur et 0,5 pouce de profondeur. Le rebord intérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du boudin.
- On a remarqué des dépôts de métal fondu et solidifié le long de la table de roulement de la roue, alignés avec le plat.
- On a relevé des fractures localisées sur le rebord extérieur de la roue.
- Le boudin de la roue montrait une zone localisée où le matériau avait été usé par le frottement, ainsi que des marques d'impact localisées.
- On a mesuré que la jante de la roue avait 18/16 de pouce d'épaisseur.
- Il a été impossible de faire tourner le roulement à la main. Le rebord intérieur du roulement montrait des signes de rupture et des bosselures adjacents à l'essieu.
D1
- La roue portait la marque suivante : CH36 71338 1094 GT C.
- La table de roulement de la roue montrait un plat de 14,5 pouces de longueur sur 3 pouces de largeur et 1,5 pouce de profondeur. Le rebord extérieur du plat était aligné avec le rebord extérieur de la roue, et le rebord intérieur du plat se trouvait à environ 1 pouce du boudin.
- Des portions du rebord extérieur de la roue étaient manquantes. La roue montrait des fractures multiples, perpendiculaires au plat.
- On a remarqué des dépôts de métal fondu et solidifié le long de la table de roulement de la roue, alignés avec le plat.
- On a mesuré que la jante de la roue avait 17/16 de pouce d'épaisseur.
- Il a été impossible de faire tourner le roulement à la main. Des morceaux du capuchon étaient manquants.
D2
- La roue portait la marque suivante : CH36 71517 1094 GT C.
- La table de roulement de la roue montrait un seul plat mesurant 13,5 pouces de longueur sur 4 pouces de largeur et 1 pouce de profondeur. Le rebord intérieur du plat rejoignait le boudin de la roue et le rebord extérieur du plat mesurait environ 1 pouce à partir du rebord extérieur de la roue.
- La roue était affectée par de multiples fractures dans le secteur du plat.
- Il manquait un bout d'environ 7 pouces du rayon interne de la roue.
- On a mesuré que la jante de la roue avait 18/16 de pouce d'épaisseur.
- Il a été possible de faire tourner le roulement à la main. Des portions du rebord intérieur de la bague extérieure étaient manquantes.