Rapport d'enquête ferroviaire R11V0254

Déraillement en voie principale
du train C 76551 20
du Canadien National
Point milliaire 58,83, subdivision de Nechako
Cariboo (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 21 décembre 2011 vers 6 h 10 (heure normale du Pacifique), le train du CN C 76551-20, un train-bloc de charbon qui circulait vers l'ouest dans la subdivision de Nechako, est l'objet d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale qui cause le déraillement de 19 wagons de charbon chargés au point milliaire 58,83, près de Cariboo (Colombie-Britannique). L'incident ne fait aucun blessé.

    This report is also available in English .

    Autres renseignements de base

    Le 21 décembre 2011 vers 6 h 10 (heure normale du Pacifique) Note de bas de page 01, le train du CN C 76551-20 (le train) circulait vers l'ouest dans la subdivision de Nechako à une vitesse de 29 mi/h lorsqu'il a été l'objet d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale Note de bas de page 02 au point milliaire 58,83, près de Cariboo (Colombie-Britannique) (Figure 1). Le train était formé de 2 locomotives de tête et de 103 wagons chargés de charbon, pesait 14 161 tonnes et mesurait 6184 pieds de longueur. Il s'agissait d'un train-bloc de charbon qui circulait entre Falls (Colombie-Britannique), où les wagons sont chargés, et Prince Rupert (Colombie-Britannique), où les wagons sont déchargés, soit une distance approximative de 632 milles. L'équipe de train se composait d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Les 2 membres de l'équipe répondaient aux exigences de leurs postes respectifs, connaissaient le territoire et se conformaient aux normes en matière de repos et de condition physique.

    Après le freinage d'urgence, on a constaté que 19 wagons chargés de charbon avaient déraillé, soit du 39e au 57e inclusivement.

    Figure 1. Lieu du déraillement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
    Image
    Lieu du déraillement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)

    Subdivision de Nechako

    La subdivision de Nechako débute à Prince George (point milliaire 0) et se prolonge vers l'ouest jusqu'à Endako (point milliaire 115,4). Les mouvements de train y sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) autorisé en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Edmonton (Alberta). À proximité du lieu du déraillement, la vitesse prescrite pour les trains de marchandises était de 35 mi/h.

    Examen du lieu

    Le point de déraillement (PDD) a été établi au point milliaire 58,83, à environ 210 pieds à l'ouest du passage à niveau privé du point milliaire 58,81. En amont du PDD (c.-à-d. environ 500 pieds), on a trouvé de petits fragments de table de roulement de roue sur l'emprise du chemin de fer et des scarifications sur le champignon du rail. Au PDD, il y avait des marques sur les anticheminants sur le côté intérieur du rail sud.

    La roue L4 du 38e wagon, CN 196833 (le wagon), s'était brisée et avait déraillé sur le côté intérieur du rail sud. Après le déraillement, le wagon a parcouru environ 504 pieds avant que la roue L4 revienne sur le rail. Approximativement 100 pieds à l'ouest du PDD, le rail était renversé. Au cours du déraillement, les 3 wagons qui suivaient le CN 196833 ont déraillé en rentrant à l'intérieur de la courbe (mise en cordeau) et les 16 wagons derrière eux ont déraillé en accordéon (Figure 2).

    L'essieu monté du CN 196833 qui présentait la roue brisée ainsi que les 4 petits fragments de table de roulement de roue ont été envoyés au laboratoire du BST aux fins d'examen plus poussé.

    Information sur la voie

    Le PDD était situé à l'extrémité ouest d'une courbe vers la gauche de 6 ° présentant une pente montante de 0,2 % (dans le sens de marche). Plus à l'ouest, se trouvait un court tronçon de voie en alignement (droite) qui menait à une autre courbe. Le rail dans la courbe vers la gauche était un long rail soudé (LRS) de 136 livres. Le rail était fixé à des traverses en bois dur par des selles forgées de 14 pouces et des attaches élastiques (c.-à-d. attaches Pandrol en « e ») avec 4 tire fonds par selle. Le ballast était constitué d'une couche de pierre concassée de 12 pouces d'épaisseur avec des épaulements de 14 pouces. Au point où la courbe devenait un court tronçon de voie en alignement, la voie était fixée par des selles de 14 pouces avec 5 crampons par selle.

    En 2010, il y avait eu des travaux d'entretien de la voie à l'ouest du PDD (correction de l'écartement ponctuelle) et certaines des selles visées par les travaux avaient été converties en selles de 16 pouces pour corriger le dévers et l'écartement. En 2011, 18 traverses ont été remplacées à environ 400 pieds à l'est du PDD pour corriger des problèmes de géométrie de la voie (dévers et écartement).

    La voie est une voie de catégorie 3 en vertu du Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada. Dans le cas des voies de catégorie 3, les barèmes de la géométrie de la voie sont les suivants :

    Au cours de l'examen du lieu, l'écartement de la voie à proximité du PDD a été mesuré à des intervalles de 15 pieds. Au PDD, l'écartement mesuré était de 57 9/16 pouces Note de bas de page 06, ce qui correspond à un surécartement de 1 1/16 pouce et qui constitue un défaut de surécartement prioritaire.

    Systèmes de fixation de la voie

    Les éléments de la voie réagissent les uns aux autres et interagissent quand ils sont soumis aux charges des roues du train. Ces charges sont transférées du rail à la couche supérieure de plate forme par l'entremise des attaches, des selles, des traverses, du ballast et du sous-ballast.

    Dans les systèmes de fixation traditionnels, on utilise des crampons pour fixer la voie. Le crampon a la double fonction de positionner le rail dans la selle et de fixer celle-ci à la traverse de façon à maintenir l'écartement. Le passage sur une voie en courbe fixée par des moyens classiques d'un grand nombre de wagons dont la charge par essieu est élevée peut amener les crampons à se desserrer avec le temps et à sortir de la traverse. Les trous de crampon agrandis qui en résultent créent alors un surécartement et exposent l'intérieur de la traverse à l'humidité et à la décomposition.

    Par comparaison, l'utilisation de selles moulées ou laminées dans un système de fixation élastique permet une séparation de la fonction de fixation. Le rail est retenu à la selle au moyen d'une attache élastique constituée d'une barre en acier trempé ronde en forme de « e » de 20 mm de diamètre; à son tour, la selle est fixée à la traverse par des tire-fonds ou une combinaison de vis et de crampons. La selle est en fonte ductile moulée et son dessous est muni de saillies en forme de coin qui s'encastrent dans la traverse de bois pour assurer une résistance accrue au déplacement. Quant aux selles laminées, leur dessous est lisse et dépourvu de saillies.

    Les systèmes de fixation de type élastique procurent une structure de voie beaucoup plus solide qui résiste mieux à des efforts latéraux et longitudinaux élevés ainsi qu'au développement d'un surécartement, d'une inclinaison anormale des rails et de dommages consécutifs aux traverses. Les fixations vissées assurent une résistance accrue au déplacement des selles et, de ce fait, accroissent la résistance au surécartement et réduisent le risque que les traverses soient mâchées par les crampons au moment de retirer et de remettre des attaches. Les attaches élastiques renforcent également le retenue du rail et sa résistance au renversement.

    Inspection autorisée des wagons pour le train 765

    D'après le plan de service ferroviaire du train 765, celui-ci devait faire l'objet d'une inspection autorisée des wagons à Prince George sur le chemin du retour (wagons vides). Les wagons parcourent environ 1265 milles entre 2 inspections autorisées des wagons.

    Avant le déraillement, l'inspection autorisée des wagons la plus récente du train 765 remontait au 19 décembre 2011.

    Renseignements consignés

    Selon les données téléchargées du consignateur d'événements de la locomotive :

    • le train circulait à 29 mi/h au moment du freinage d'urgence provenant de la conduite générale,
    • la vitesse du train était contrôlée par la modulation des crans de marche depuis environ le point milliaire 50 avant le PDD,
    • les positions ou crans 3 à 8 (maximum) ont été utilisés selon les variations de la pente et des courbes de la voie.

    CN 196833 – Premier wagon déraillé

    Le CN 196833, le premier wagon à dérailler, était un wagon–tombereau découvert à déchargement rotatif pour charbon Note de bas de page 07 qui mesurait 58 pieds 7 pouces de longueur, 11 pieds 11 pouces de hauteur et 10 pieds 8 pouces de largeur. Sa masse brute maximale sur rails était de 286 000 livres. La tare (c'est-à-dire le poids du wagon vide) était de 57 700 livres, ce qui signifie qu'il avait une limite de charge de 228 300 livres. Le bulletin de pesage indique que le wagon transportait une charge de 230 000 livres durant ce trajet.

    Roue brisée

    La roue L4 (la roue) du CN 196833 a été fabriquée en novembre 1993 par Griffin Wheel Company, une entreprise située à Winnipeg (Manitoba) (Photo 1). C'était une roue en acier trempé moulé à boudin large et pouvant être reprofilée 2 fois.

    Photo 1. Essieu monté avec la roue brisée et sa roue conjuguée
    Image
    Essieu monté avec la roue brisée et sa roue conjuguée

    Le laboratoire du BST a examiné la roue brisée et les 4 fragments de roue (rapport LP010/2012). On a fait les constatations suivantes :

    • l'essieu monté a été mesuré de l'extérieur de la table de roulement de la roue brisée jusqu'à la surface de roulement du boudin de la roue conjuguée. La mesure, au point le plus étroit, était de 57 6/16 pouces.
    • la roue brisée présentait une fissure verticale dans la jante avec un seul point d'origine.
    • aucun des fragments de roue retrouvés ne correspondait au point d'origine de la fissure verticale dans la jante. Les 4 fragments de roue se sont détachés de la roue en raison d'une surcharge, probablement après que la zone d'origine de la fissure verticale de la jante se soit séparée de la roue.
    • les 2 plus gros fragments de roue venaient d'une partie de la roue qui présentait des écailles sur la table de roulement (à environ 26 pouces du point d'origine de la fissure verticale dans la jante).
    • la roue brisée présentait 2 zones principales d'écaillage de la table de roulement. Une des zones écaillées couvrait environ 40 pouces de la longueur de la table de roulement et l'autre 6 pouces de la longueur de la table de roulement. Selon les normes de l'Association of American Railroads (AAR) et de Transports Canada (TC), aucune de ces zones ne rendait la roue inutilisable.
    • l'origine de la fissure verticale dans la jante se trouvait à environ 0,5 pouce sous la table de roulement. Des ondulations de fatigue étaient visibles sur la surface fracturée. Il y avait de l'écaillage sur la table de roulement de la roue à environ 1,5 pouce de l'origine de la fissure verticale dans la jante. Cet écaillage se prolongeait dans une fissure sous la surface et approximativement parallèle à la surface de la table de roulement (Photo 2).
    Photo 2. Origine de la fissure verticale dans la jante de la roue. Notez les ondulations de fatigue (flèches).
    Image
    Origine de la fissure verticale dans la jante de la roue. Notez les ondulations de fatigue (flèches).
    • en raison des dommages à la table de roulement, il n'a pas été possible d'établir à quel point la profondeur de la fissure sous la surface s'était propagée de l'autre côté de la zone écaillée. La surface correspondante de rupture au point d'origine de la fissure verticale dans la jante n'ayant pas été récupérée, les spécialistes du BST ne peuvent savoir si de l'écaillage se trouvait directement au-dessus sur la table de roulement.
    • la dureté et la composition chimique de la roue brisée respectaient les limites de l'AAR pour les roues de catégorie C. On n'a observé aucun défaut de nature métallurgique au point d'origine de la fissure verticale dans la jante qui aurait pu causer le bris de la roue.
    • la roue conjuguée ne présentait aucun dommage visible et aucun écaillage.
    • la roue brisée et sa roue conjuguée présentaient une bande surchauffée près de la table de roulement causée par la friction associée au serrage vigoureux.

    Fatigue de contact de roulement et écaillage

    La fatigue de contact de roulement des roues de train est occasionnée par un stress de contact répété entre la roue et le rail pendant qu'un train roule. II existe 3 mécanismes courants de fatigue de contact de roulement Note de bas de page 08:

    • Fatigue de surface – Ce processus découle de la transformation plastique importante du matériau de surface. Une fois qu'une fissure s'est formée dans la couche superficielle, elle s'étend à angle étroit dans la roue et remonte de nouveau jusqu'à la table de roulement, de sorte qu'elle entraîne normalement le décollement d'un petit morceau de matériau de la table de roulement, appelé écaille.
    • Fatigue de subsurface – Ce processus commence habituellement à environ ¼ de pouce sous la surface de la table de roulement. Il est causé par la combinaison d'une charge verticale élevée et d'une faible résistance à la fatigue localisée du matériau, comme celle occasionnée par des inclusions microscopiques de sulfure de manganèse. Lorsqu'une fissure prend naissance sous la surface, elle s'étend initialement de façon parallèle à la table de roulement. Il n'y a d'ordinaire aucune inclusion macroscopique ni cavité au point d'origine de la fissure.
    • Fatigue causée par des défauts du matériel – Ce processus commence habituellement à environ ½ à 1 pouce sous la table de roulement, dans des défauts macroscopiques ou des cavités d'environ 1 mm, et s'étend de façon parallèle à la table de roulement. La fissure finale résulte de la ramification de la fissure sur sa circonférence.

    Les 2 premiers mécanismes de fatigue de contact de roulement peuvent être à l'origine de l'écaillage de la table de roulement, lequel peut être sujet aux effets d'une résistance moindre du matériau combinée à la température élevée attribuable au freinage.

    Jantes fissurées verticalement

    Les chercheurs continuent d'étudier la fissuration verticale des jantes puisqu'il s'agit d'un processus qu'on ne comprend pas entièrement. La fissuration verticale des jantes a tendance à prendre naissance à la base d'une écaille ou d'une exfoliation causée par la fatigue de contact de roulement Note de bas de page 09. Elle constitue l'un des principaux types de bris de roues de train. Note de bas de page 10 Note de bas de page 11

    Détecteurs de défauts de roue

    Les détecteurs de défauts de roue (DDR) sont des dispositifs de détection en voie qui mesurent la charge d'impact d'une roue sur le rail, habituellement à l'aide d'un système extensométrique ou d'un système fondé sur un accéléromètre. L'unité de mesure de la force d'impact des roues est le kip. Un kip est équivalent à une force de 1000 livres. Le système extensométrique mesure la force exercée sur le rail en établissant une relation mathématique entre la charge appliquée et le fléchissement à la base du rail. Ces jauges sont placées sur l'âme du rail, à environ mi-hauteur du rail, sous le champignon.

    Le CN a mis en œuvre l'un des réseaux de DDR les plus importants en Amérique du Nord (c'est-à-dire 39 détecteurs à 34 endroits). Grâce à ce réseau de DDR, le CN retire chaque année entre 25 000 et 30 000 roues dont les charges d'impact se situent entre 90 et 139 kips.

    En plus de la ligne de conduite du CN concernant les DDR (Annexe A), les lignes directrices suivantes s'appliquent :

    • Les wagons ayant des charges d'impact de roues entre 90 kips et 140 kips nécessitent un entretien et pourraient être signalés ou non pour une inspection subséquente par du personnel compétent au prochain terminal disponible.
    • Ces roues sont automatiquement signalées par un code d'avarie spécial WM et doivent être retirées au prochain lieu d'inspection autorisée des wagons et d'entretien du train en cause.
    • Les roues qui nécessitent un entretien en raison de leur charge d'impact doivent être remplacées dès que possible pour éviter que les roues ayant une charge d'impact de 140 kips endommagent les rails et retardent les trains.

    Autre événement connexe

    Au terme de son enquête sur le déraillement d'un train-bloc de charbon du CN qui s'est produit près de Fort Fraser (Colombie-Britannique) le 12 février 2011 (R11V0039), le BST avait conclu :

    • Il se peut que la politique du CN concernant les DDR ne fournisse pas l'orientation nécessaire pour déceler les défauts de roue éventuels lorsque la charge d'impact atteint les limites critiques prescrites par l'AAR; les défauts de roue éventuels risquent donc de ne pas être décelés avant qu'ils ne s'aggravent et qu'ils causent un bris.
    • À mesure que les écailles ou exfoliations deviennent plus nombreuses sur la table de roulement, le risque que la fissure se propage soudainement dans la roue s'accroît, ce qui peut produire une fissuration verticale de la jante de la roue et entraîner un déraillement.

    De plus, le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par TC ne contient aucune disposition au sujet du retrait de roues en service en raison de lectures de DDR élevées. En réponse à l'avis de sécurité ferroviaire 11/11 du BST intitulé Broken Wheels with Previous AAR Condemnable WILD Readings (roues brisées dont les lectures antérieures du DDR atteignent les limites critiques de l'AAR), TC a annoncé la création d'un forum conjointement avec l'industrie visant à réévaluer en profondeur les critères des systèmes d'inspection en bordure de la voie et des systèmes DDR. Une fois ces travaux terminés, TC offrira les outils requis pour ces systèmes, notamment des lignes directrices, des normes ou des règles.

    Ligne de conduite en matière d'avaries du CN

    La ligne de conduite en matière d'avaries du CN (Annexe B) porte sur le traitement des wagons qui exigent :

    • des réparations prioritaires (codes d'avarie AA – VZ);
    • un entretien préventif (codes d'avarie WA – WZ).

    Lorsque le système DDR produit une lecture de 90 à 139 kips pour un wagon, le code d'avarie WM est assigné. La ligne de conduite du CN stipule que :

    • les roues des wagons qui ont un code WM doivent être remplacées au prochain point d'inspection autorisée prévu du wagon (qu'il soit chargé ou vide).

    Même si le système relatif aux avaries fixe un seuil de 90 kips, certains facteurs peuvent modifier rapidement le délai de traitement du wagon (c.-à-d. la rapidité avec laquelle les réparations d'entretien préventif seront effectuées). Parmi ces facteurs, notons :

    • la période de l'année (puisque le risque d'écaillage des roues est environ 5 fois plus grand en hiver qu'en été, l'augmentation de l'écaillage entraînera probablement une croissance des lectures supérieures à 90 kips);
    • la capacité des installations sur le réseau d'effectuer les réparations;
    • la fluidité sur le réseau.

    Lectures de détecteurs de défauts de roue et bris de roues

    Dans le cadre d'une étude, Transportation Technology Center, Inc. (TTCI) Note de bas de page 12 a examiné 24 essieux montés comportant des roues brisées. Cette étude a permis de conclure que :

    • la fissuration verticale de la jante était la principale cause de ces bris (71 %);
    • 6 des 12 roues brisées pour lesquelles existaient des données historiques de DDR indiquaient que des charges d'impact excédant 90 kips avaient été décelées avant la défaillance.

    En ce qui a trait au présent incident, environ 6 heures avant le déraillement, une lecture du DDR de 83,8 kips a été relevée pour la roue L4 du 38e wagon (CN 196833). Moins de 2 heures avant le déraillement, la lecture du DDR pour la roue L4 était de 54 kips alors que le train roulait à une vitesse de 28 mi/h. Toutes les lectures de DDR précédentes pour cette roue étaient inférieures à 70 kips. Le tableau 1 donne un aperçu des lectures de DDR (supérieures à 90 kips) pour des déraillements récents causés par des bris de roue à signaler au BST.

    Événement examiné par le BST

    Nombre de lectures de DDR supérieures à 90 kips avant un bris de roue

    R11T0072 (Coport)

    8

    R11T0079 (Makwa)

    0

    R11V0039 (Fort Fraser)

    1

    R11V0254 (Cariboo)

    0

    Tableau 1.

    Le laboratoire du BST a produit les rapports suivants pour les déraillements causés par des bris de roue énumérés dans le tableau 1:

    • LP037/2011 (R11T0072 – Coport)
    • LP040/2011 (R11T0079 – Makwa)
    • LP022/2011 (R11V0039 – Fort Fraser)
    • LP010/2012 (R11V0254 – Cariboo)

    Analyse

    La conduite du train n'étant pas considérée comme la cause de ce déraillement, l'analyse portera essentiellement sur la roue brisée, les systèmes de fixation des voies et la ligne de conduite en matière d'avaries du CN en ce qui a trait aux charges d'impact de 90 à 139 kips.

    L'accident

    Le 21 décembre 2011, 19 wagons du train du CN C 76551-20 ont déraillé au point milliaire 58,83 de la subdivision de Nechako. Le déraillement s'est produit lorsque la roue brisée L4 du wagon CN 196833 est tombée entre les rails sur le côté intérieur du rail sud.

    Avant cette chute, la roue s'était brisée en raison d'une fissure verticale de la jante qui a entraîné la réduction de la largeur de la surface de la table de roulement de la roue. À son point le plus étroit, la mesure de l'écartement de l'essieu monté était de 57 6/16 pouces. L'écartement de la voie mesuré au PDD était de 57 9/16 pouces. La roue brisée L4 est tombée entre les rails lorsque la table de roulement plus étroite a atteint le défaut de surécartement prioritaire (1 1/16 pouce) au PDD.

    Systèmes de fixation de la voie

    Le système de fixation de la voie dans la zone du PDD était composé de tire-fonds et d'attaches Pandrol (c.-à-d. d'attaches élastiques). Au point où la courbe s'est transformée en un court tronçon en alignement droit, le système de fixation de la voie a été modifié et des crampons ont été utilisés. Le seuil de retenue des attaches élastiques combinées aux tire-fonds a assuré une force de retenue et une résistance accrues au renversement des rails, comparativement au système de fixation avec crampons.

    Dans le cas étudié, lorsque la roue déraillée est entrée sur le tronçon cramponné de la voie, le système de fixation de la voie a été soumis à d'énormes forces latérales qui ont entraîné le renversement du rail et le déraillement des 19 wagons.

    Roue brisée

    La dureté et la composition chimique de la roue brisée respectaient les limites de l'Association of American Railroads (AAR) pour les roues de catégorie C. On n'a observé aucun défaut de nature métallurgique au point d'origine de la fissure verticale dans la jante qui aurait pu causer le bris de la roue. La roue brisée avait une fissure verticale de la jante dont le point d'origine était à environ 0,5 pouce sous la surface de la table de roulement. Il y avait des zones d'écaillage sur la table de roulement de la roue, à approximativement 1,5 pouce du point d'origine de la fissure verticale dans la jante, mais cet écaillage n'avait pas atteint les limites critiques établies par les règlements de Transports Canada (TC) et les règles de l'AAR. Toutefois, comme la surface correspondante de rupture n'a pas été récupérée, il n'a pas été possible d'établir si la fissure verticale dans la jante a pris naissance à partir de l'écaillage.

    Ligne de conduite en matière d'avaries du CN

    La ligne de conduite en matière d'avaries du CN qui traite des roues avec charges d'impact comprises entre 90 et 139 kips permet une certaine souplesse dans l'établissement de la date du prochain entretien requis du wagon ou des roues. Des facteurs comme la période de l'année (saison), la capacité des gares/ateliers du réseau à effectuer les réparations et la fluidité du réseau sont pris en compte. Comme le risque d'écaillage est jusqu'à 5 fois plus grand en hiver, les seuils de charges d'impact utilisés pour établir si une roue doit ou non être retirée du service tendront à augmenter. Même si ces éléments sont compréhensibles du point de vue de l'exploitation, lorsque les politiques sur l'entretien des wagons permettent une souplesse accrue dans l'entretien des roues qui présentent des charges d'impact de 90 à 139 kips, les risques de bris de roue en service sont plus élevés, surtout en hiver lorsque l'écaillage des roues est plus important et peut contribuer à la formation de fissures verticales dans les jantes des roues.

    Détecteurs de défauts de roue

    Selon l'étude de TTCI sur les déraillements causés par des roues brisées et une révision des récents déraillements causés par des bris de roue à signaler au BST, il n'y a pas de corrélation entre les bris de roue et les niveaux de charges d'impact de roue qui appellent un entretien (c. à-d. nombre de lectures DDR supérieures à 90 kips avant le bris). Même si les DDR peuvent être utilisés pour cibler les roues qui ont tendance à produire des charges d'impact élevées, cette technologie a des limites en ce qui a trait à l'identification des roues qui présentent des risques de bris (p. ex. fissure verticale dans la jante) dans la plage des niveaux d'entretien liés aux charges d'impact.

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le déraillement s'est produit lorsque la roue brisée L4 du wagon CN 196833 est tombée entre les rails sur le côté intérieur du rail sud.
    2. La roue a subi une fissure verticale dans la jante qui a entraîné la réduction de la largeur de la surface de la table de roulement de la roue.
    3. La roue brisée L4 est tombée entre les rails lorsque la table de roulement, plus étroite, a atteint le défaut de surécartement prioritaire (1 1/16 pouce) au PDD.
    4. Lorsque la roue déraillée est entrée sur le tronçon cramponné de la voie, le système de fixation de la voie a été soumis à d'énormes forces latérales qui ont entraîné le renversement du rail et le déraillement des 19 wagons.

    Faits établis

    Faits établis quant aux risques

    1. Lorsque les politiques sur l'entretien des wagons permettent une souplesse accrue dans l'entretien des roues qui présentent des charges d'impact de 90 à 139 kips, les risques de bris de roue en service sont plus élevés, surtout en hiver lorsque l'écaillage des roues est plus important et peut contribuer à la formation de fissures verticales dans les jantes des roues.

    Autres faits établis

    1. Il y avait de l'écaillage sur la table de roulement de la roue à environ 1,5 pouce du point d'origine de la fissure verticale dans la jante, mais cet écaillage n'avait pas atteint les limites critiques établies par les règlements de Transports Canada et les règles de l'AAR. Toutefois, comme la surface correspondante de rupture n'a pas été récupérée, il n'a pas été possible d'établir si la fissure verticale dans la jante a pris naissance à partir de l'écaillage.
    2. Même si les systèmes de DDR peuvent être utilisés pour cibler les roues qui ont tendance à produire des charges d'impact élevées, cette technologie a des limites en ce qui a trait à l'identification des roues qui présentent des risques de bris (p. ex. fissure verticale dans la jante) en deçà ou dans la plage des niveaux d'entretien liés aux charges d'impact.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

    Annexes

    Annexe A – Ligne de conduite du Canadien National concernant les détecteurs de défauts de roues

    1) Wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact de plus de 160 kips ou une seule lecture de charge d'impact dont la valeur corrigée en fonction de la vitesse est de 200 kips :

    • Le Centre de contrôle de la circulation ferroviaire (CCCF) doit immédiatement réduire la vitesse du wagon à 25 mi/h.
    • S'il s'agit de l'impact mesuré sur un train entrant, le wagon doit être garé au terminal.
    • S'il s'agit de l'impact mesuré sur un train sortant, le wagon doit être garé à la première voie d'évitement désignée.
    • Le contrôleur de la circulation ferroviaire – Mécanique (CCFM) apposera sur le wagon une étiquette d'avarie affichant le code WI (défauts de roue) et se chargera d'informer le personnel responsable des réparations.
    • La roue en cause doit être remplacée avant que le wagon soit remis en service.

    2) Wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact entre 150 kips et 159 kips :

    • Le CCCF doit immédiatement ralentir le wagon à une vitesse de 10 mi/h inférieure à celle enregistrée au détecteur.
    • Le CCCF décidera si le wagon devrait être garé au terminal d'arrivée (s'il arrive) ou au premier emplacement de garage désigné (s'il est en partance).
    • Si les emplacements suggérés ne conviennent pas à la situation, le wagon peut être déplacé à un autre endroit pratique aux fins de garage. Le cas échéant, le wagon ne devrait jamais être déplacé au-delà de l'endroit où sera effectuée l'inspection autorisée des wagons.
    • Le CCFM apposera sur le wagon une étiquette d'avarie affichant le code WI (défauts de roue) et se chargera d'informer le personnel responsable des réparations. La roue en cause doit être remplacée avant que le wagon soit remis en service.

    3) Wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact entre 140 kips et 149 kips :

    • Le CCCF doit immédiatement ralentir le wagon à une vitesse de 5 mi/h inférieure à celle enregistrée au détecteur. Si la température au détecteur est de −25 °C (−13 °F) ou plus froide, le wagon doit rouler à une vitesse de 10 mi/h inférieure à celle enregistrée au détecteur.
    • Le CCCF décide si le wagon devrait être garé au terminal d'arrivée (s'il arrive) ou au premier emplacement de garage désigné (s'il est en partance).
    • Si les emplacements suggérés ne conviennent pas à la situation, le wagon peut être déplacé à un autre endroit pratique aux fins de garage. Le cas échéant, le wagon ne devrait jamais être déplacé au-delà de l'endroit où sera effectuée l'inspection autorisée des wagons.
    • Le contrôleur de la circulation ferroviaire – Mécanique (CCFM) apposera sur le wagon une étiquette d'avarie affichant le code WI (défauts de roue) et se chargera d'informer le personnel responsable des réparations.
    • La roue en cause doit être remplacée avant que le wagon soit remis en service.

    Des mesures additionnelles régissant le garage des wagons et les réductions de vitesse peuvent être prises si les circonstances le justifient.

    Les wagons ayant des charges d'impact de roues entre 90 kips et 140 kips nécessitent un entretien et pourraient être signalés ou non pour une inspection subséquente par du personnel compétent au prochain terminal disponible. Les roues nécessitant un entretien en raison de leur charge d'impact doivent être remplacées dès que possible pour éviter que les roues ayant une charge d'impact de 140 kips endommagent les rails et retardent les trains.

    Annexe B - LIGNE DE CONDUITE EN MATIÈRE D'AVARIES DU CN

    1. WAGONS EXIGEANT DES RÉPARATIONS PRIORITAIRES (CODES D'AVARIE AA – VZ)

    • Les codes d'avarie portent sur les catégories suivantes :
    • Dispositifs de sécurité, freins, attelages, appareils de choc et de traction, caisse et châssis de bogie.
    • Les wagons visés par un des codes d'avaries susmentionnés NE DOIVENT PAS quitter l'installation de réparation jusqu'à ce que l'avarie ait été réparée.
      • On définit une installation de réparation comme étant un lieu où sont affectés des wagonniers.
    • On doit soumettre à une inspection les wagons sur lesquels on a découvert en cours de route les avaries susmentionnées, afin de s'assurer qu'ils sont aptes à circuler. Si on les déclare aptes à circuler, on les achemine alors vers l'installation de réparation suivante. On attribue aux wagons le code d'avarie pertinent ainsi que le code mécanique RR pour leur permettre d'être placés sur un train dans SRS. Le code RR signifie que le wagon est apte à circuler jusqu'à l'installation de réparation suivante, mais pas au-delà.
    • Seul le personnel de la Mécanique de la direction générale peut entrer le code mécanique RR.

    2. WAGONS EXIGEANT DES RÉPARATIONS D'ENTRETIEN PRÉVENTIF (CODES D'AVARIE WA – WZ)

    • Les codes d'avarie s'appliquent aux anomalies relevées par les détecteurs en voie, les détecteurs de défauts de roue ou les balises IAV, ainsi qu'à l'utilisation de semelles de frein Treadguard et aux wagons refusés par les clients.
    • Les wagons visés par les codes d'avarie ci-dessus ne doivent pas être déplacés vers l'installation de réparation prévue (p. ex., les wagons dont le code d'avarie est WS recevront des semelles TreadguardTM au lieu suivant désigné pour les inspections autorisées de wagons).
    • On attribuera aux wagons le code d'avarie pertinent ainsi que le code mécanique PM pour leur permettre d'être placés sur un train dans SRS. Le code PM signifie que le wagon est apte à circuler.
    • Les roues des wagons visés par un code WM devront être remplacées au lieu suivant désigné pour les inspections autorisées (que les wagons soient chargés ou vides).
    • Seuls le personnel de la Mécanique de la direction générale et les représentants désignés dans chaque région peuvent entrer le code mécanique PM.

    3. WAGONS EXIGEANT DES RÉPARATIONS MAJEURES (CODES D'AVARIE XA – ZZ)

    • Ces codes d'avarie concernent les wagons acheminés vers les ateliers du CN en vue d'y subir des réparations majeures ou d'y être démontés, ainsi que les wagons à rapatrier ou destinés à des ateliers de sous-traitance en vue de réparations.
    • Les wagons visés par les codes d'avaries susmentionnés devront être rendus aptes à circuler et exempts de toute avarie compromettant la sécurité en vertu des exigences de la FRA. Les wagons pourront être déplacés jusqu'à l'installation prévue pour les réparations ou le démontage.
    • On attribuera aux wagons le code d'avarie pertinent ainsi que le code mécanique PM pour leur permettre d'être placés sur un train dans SRS. Le code PM signifie que le wagon est apte à circuler.
    • Seuls le personnel de la mécanique de la direction générale et les représentants désignés dans chaque région peuvent entrer le code mécanique PM.