du train de marchandises M30141-20
du Chemin de fer Canadien National
au point milliaire 149,21 de la subdivision Wainwright
à Fabyan (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 21 janvier 2012, à 16 h 17, heure normale des Rocheuses, le train de marchandises M30141-20 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (Canadien National) roulant vers l'ouest de Wainwright (Alberta) à Edmonton (Alberta) déraille : 31 wagons quittent les rails à l'extrémité est du pont de Fabyan (point milliaire 149,21) sur la subdivision Wainwright, près de Fabyan (Alberta). Les wagons déraillés étaient chargés de céréales; 17 sont tombés du pont sur le côté nord, endommageant plusieurs jambes de pylône et des membrures de contreventement en acier. La voie a été détruite sur une distance d'environ 1760 pieds. Il n'y a pas eu de blessés.
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Autres renseignements de base
Le 21 janvier 2012, vers 16 hNote de bas de page 1, le train de marchandises M30141-20 (le train) du Canadien National (CN) quitte Wainwright (Alberta), au point milliaire 140,0 de la subdivision Wainwright, à destination d'Edmonton (Alberta) au point milliaire 263,3. Le train conventionnel est propulsé par 2 locomotives : la CN 5734, un modèle EMD SD75 de 4300 horse-power (hp) à 6 essieux, et la CN 2156, un modèle GE Dash 8-40CW de 4135 hp à 6 essieux. Les 2 locomotives étaient dotées d'un frein rhéostatique (FR) à effet prolongé. Les locomotives tractaient 137 wagons: 87 chargés, 19 vides et 31 wagons de résidus. Le train pesait 12 724 tonnes et mesurait 8228 pieds de long.
Le train avait son point d'origine autriage Symington de Winnipeg, qu'il avait quitté le 20 janvier 2012 après avoir subi un essai de frein no 1Note de bas de page 2. Le 21 janvier 2012, 74 wagons chargés de céréales sont ajoutés au train à Saskatoon (Saskatchewan), puis le train est soumis à un essai de frein et inspecté. Le train est à nouveau contrôlé en cours de route par des détecteurs de boîtes chaudes et de pièces traînantes (DBC) à Dunn (point milliaire 119,4) et à Greenshields (point milliaire 132,5) avant d'atteindre Wainwright; aucune anomalie n'a été relevée.
Peu après son départ de Wainwright, le train atteint le sommet de la rampe au point milliaire 143,5 et commence sa descente en direction du pont de Fabyan (Figure 1). Le FR a été utilisé pour limiter la vitesse du train pendant la descente de la pente de 0,4 %. Lavitesse du train a été maintenue à 38 mi/h à son approche de l'ordre permanent de limitation de vitesse de 40 mi/h en vigueur entre les points milliaires 147,5 et 150,2. Juste avant l'approche est du pont de Fabyan, la voie ferrée comporte une courbe de 4° vers la droite. À cet endroit, pour les trains se dirigeant vers l'ouest, la pente de la voie devient une rampe (point le plus bas de la dépression verticale dans la voie).
Le FR a été desserré à 16 h 16 min 18 s, et le modérateur placé à la position de ralenti juste au moment où l'avant du train a atteint le pont et a commencé samontée. Le passage du FR au modérateur s'est fait en douceur, et aucune secousse ni résistance inhabituelle n'a été signalée. Le modérateur a été avancé à la position 1 à 16 h 16 min 27 s, puis porté au cran de marche maximal (position 8) au cours des 38 secondes suivantes. À 16 h 17 min 09 s, roulant à 41 mi/h,le train a subi un freinage d'urgence provenant de la conduite générale. L'équipe a regardé vers l'arrière et a constaté que des wagons déraillés tombaient en bas du pont. Les locomotives et une partie du train ont traversé le pont, pour ensuite s'arrêter à 16 h 17 min 41 s.
Après avoir lancé les appels d'urgence nécessaires et informé le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF), le mécanicien de locomotive et le chef de train sont revenus à pied sur le pont pour évaluer la situation. Trente et un wagons chargés de céréales avaient déraillé (du 35e au 65e wagon). Dix-sept d'entre eux étaient tombés en bas du pont, sur le côté nord. Il n'y a pas eu de blessés.
Au moment de l'accident, il faisait-25 °C, et le ciel était surtout dégagé.
Renseignements sur la subdivision
La subdivision Wainwright fait partie de la ligne principale transcontinentale du CN; elle s'étend de Biggar (Saskatchewan), point milliaire 0,0, à North Edmonton, point milliaire 264,7. Les mouvements de train y sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), autorisé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC), et ces mouvements sont supervisés par un CCF en poste à Edmonton. La vitesse admissible pour les trains de marchandises dans ce secteur est de 40 mi/h; il s'agit donc d'une voie de catégorie 3 au sens du Règlement sur la sécurité ferroviaire.
Renseignements sur l'équipe
L'équipe, formée d'un mécanicien de locomotive, d'un mécanicien stagiaire et d'un chef de train, a pris les commandes du train à Wainwright. Les membres de l'équipe étaient qualifiés pour leur poste respectif et répondaient aux normes de la compagnie et aux normes réglementaires en matière de condition physique et de repos. Le mécanicien stagiaire, qui setrouvait aux commandes du train, connaissait bien la subdivision Wainwright et les exigences liées à la conduite du train à l'approche du pont de Fabyan. Il avait travaillé environ 10 fois sur cette subdivision.
Examen des lieux
Parmi les 31 wagons déraillés, 13 sont restés sur le pont (Figure 2). Les 4 premiers d'entre eux étaient les wagons 35 à 38 :
- Le bout
« B »
du 35e wagon était orienté vers l'ouestNote de bas de page 3. Les roues L1 et R1 se trouvaient sur le rail. Les roues R2, R3 et R4 avaient déraillé au sud du rail sud. Les roues L2, L3 et L4 avaient déraillé au centre de la voie, entre le rail nord et le contre-rail. - Le bout
« B »
du 36e wagon était orienté vers l'ouest. Les roues R1, R2, R3 et R4 avaient déraillé au sud du rail sud. Les roues L1, L2, L3 et L4 avaient déraillé au centre de la voie, entre le rail de roulement nord et le contre-rail. - Le 37e wagon a déraillé sans se renverser, les roues nord se trouvant au nord du rail nord, et les roues sud dans l'écartement, entre le rail sud et le contre-rail.
- Le 38e wagon a déraillé sans se renverser, les roues nord se trouvant au nord du rail nord, et les roues sud dans l'écartement, entre le rail sud et le contre-rail.
Tous les autres wagons déraillés qui sont restés sur le pont ont déraillé de la même manière que les 37e et 38e wagons. Le Tableau 1 résume la position des wagons déraillés.
Wagons | Déraillés sur le pont | Tombés en bas du pont | Déraillés debout sur la culée est du pont |
---|---|---|---|
Nombre total de wagons déraillés | 13 | 17 | 1 |
35e au 38e | 4 | - | - |
39e au 41e | - | 3 | - |
42e au 47e | 6 | - | - |
48e et 49e | - | 2 | - |
50e et 51e | 2 | - | - |
52e au 63e | - | 12 | - |
64e | 1 | - | - |
65e | - | - | 1 |
L'examen de la courbe de 4° à l'extrémité est du pont a révélé ce qui suit :
- Les tirefonds étaient sortis d'un certain nombre de traverses du rail haut (Photo 1).
- Le rail haut s'était renversé à cet endroit.
- Les marques de roue observées sur les boudins ainsi que sur l'âme du rail haut indiquent que le point de déraillement (PDD) se situait à environ 67 pieds à l'est de la culée est du pont (Photo 1).
- On a observé des traverses entaillées par les sellesNote de bas de page 4, de nombreux tirefonds manquants et brisés, ainsi que des selles déformées et rompues.
- Certains crapauds de fixation manquaient et, là où le rail ne s'était pas renversé, il ne semblait pas y avoir des attaches dans tous les trous d'assemblage.
- Bon nombre de tirefonds
« manquants »
s'étaient détachés des traverses encassant. - Quelques selles étaient fissurées et rompues.
Soixante-quatorze tirefonds cassés et endommagés ont été recueillis, puis envoyés au laboratoire du BST pour analyse (Photo 2).
Au cours de l'accident, la voie a été détruite sur une distance d'environ 1760 pieds (Photo 3). Le pont a aussi subides dommages, y compris la partie supérieure nord du mur en aile est qui s'est détachée et est tombée au sol; la grille de la passerelle et les bordures enbéton du côté nord entre les travées 2 et 31; les jambes du pylône nord et le contreventement des palées 1, 2, 5, 15 et 16; des raidisseurs déformés sur les poutres nord des travées 5, 6 et 8; et divers autres éléments decharpente.
Remise en état de la voie et du pont
La remise en état de la voie a nécessité l'installation de 45 nouveaux panneaux de voie. Les réparations du pont ont été plus longues que les travaux de remise en état de la voie. Au cours de ces réparations, le trafic ferroviaire a été détourné vers la ligne des Prairies et du Nord du CN. La voie a été rouverte à la circulation le 26 janvier 2012, 5 jours après l'évènement.
Renseignements sur la voie
Le déraillement s'est produit au point milliaire 149,2, situé dans une courbe de 4° vers la droite à l'approche est du pont de Fabyan. La courbe présentait un dévers moyen de 3,6 pouces, équilibré pour la vitesse limite affichée de 40 mi/h. La voie dans lacourbe était équipée de longs rails soudés NKK de 136 livres à traitement thermique complet (FHH) de 2002. À l'intérieur de la courbe, le rail était posé sur des selles laminées de 16 pouces munies d'attaches élastiques. Les selles étaient fixées à des traverses de bois dur au moyen de 4 tirefonds parselle (Photo 4). Le rail était encadré d'anticheminants sur toutes les traverses. Le ballast, en bon état, était constitué de roche concassée. À l'origine, le système de fixation élastique avait été posé en 1997 sur des traverses de bois mou et de bois dur. En 2004, les traverses de bois mou restantes ont été remplacées par des traverses de bois dur. Des attaches élastiques ont été utilisées jusqu'à l'extrémité est du pont.
La voie sur le pont était composée derails de 136 livres posés sur des selles à double épaulement de 16 pouces fixées à des traverses de bois dur à raison de 6 crampons par selle. Le rail était encadré d'anticheminants sur toutes les traverses. Le ballast, en bon état, était constitué de roche concassée.
Des contre-rails, conçus pour garder lesroues déraillées centrées sur la charpente du pont et empêcher les wagons de tomber en bas, avaient été installés sur le pont de Fabyan. Ils consistaient enrails éclissés de 115 livres munis d'éclisses à 6 trous et cramponnés toutes les 2 traverses. Ces contre-rails avaient été posés entre les rails de roulement, à 14 pouces du rail sud et à 11,5 pouces du rail nord. Le plan-norme TS 1108 du CN sur la pose typique de contre-rails prescrit une distance de 11 pouces à partir du rail pour les ponts à tablier ajouré munis de plaques d'appui.
Renseignements sur le pont
Le pont de Fabyan est un viaduc de 2869 pieds de long qui enjambe la vallée de la rivière Battle et constitue un élément important de la ligne principale du CN (Photo 5). Sa hauteur maximale est de 190 pieds. Le pont est formé :
- de 2 travées de 23 pieds de poutres en béton précontraint (PCG) et de tablier ballasté;
- de 2 travées de 26 pieds de PCG et de tablier ballasté, construites en 1972;
- de 52 travées de 50 pieds de poutres à âme pleine à tablier supérieur (DPG);
- d'une travée de 152 pieds de poutres en treillis à tablier supérieur (DT) construite en 1908.
En 1984, un tablier ballasté en béton a remplacé le tablier ajouré sur les travées DPG et DT. Les travées du pont s'appuient sur des tours contreventées en treillis d'acier.
Inspection et entretien de la voie
Avant l'évènement, la voie avait été inspectée par un véhicule rail-route les 15, 16, 17 et 18 janvier 2012; le pont avait été inspecté le 19 janvier 2012. Ces inspections n'ont relevé aucune anomalie dans le voisinage du PDD.
En mars et octobre 2011, des tournées à pied ont été effectuées dans la courbe de 4° vers la droite. Il a alors été constaté qu'on avait vissé à nouveau des tirefonds desserrés et remplacé des tirefonds cassés. À l'intérieur de la courbe, environ 20 tirefonds ont été remplacés au cours des 3 dernières annéesNote de bas de page 5.
Le rail a fait l'objet de 15 essais par ultrasons en 2011; le dernier essai avant le déraillement a été effectué le 29 décembre 2011. Ces essais n'ont révélé aucun défaut de rail à proximité du PDD. En 2011, 7 contrôles de la géométrie de la voie ont été effectués à l'aide de la voiture TEST du CNNote de bas de page 6. Parmi les résultats de ces contrôles, on compte :
- Un certain nombre de défauts de surécartement nécessitant une intervention quasi urgente (jusqu'à 1 ⅛ pouce pour une voie de catégorie 3) ont été détectés lors des contrôles du 28 juillet, du 17 août et du 25 octobre.
- L'écartement ne cessait de s'élargir dans toute la courbe.
- Une comparaison des contrôles de la géométrie du 29 mars et du 25 octobre indiquait que l'écartement s'était élargi de 0,2 à 0,4 pouce en 3 endroits sur une distance d'environ 95 pieds près du point milliaire 149,1.
- Une comparaison des contrôles du 14 septembre 2010 et du 25 octobre 2011 montrait une légère augmentation de l'inclinaison des 2 rails dans le voisinage du PDD.
Inspection mécanique des premiers wagons déraillés
Les dossiers sur l'état mécanique des 2 premiers wagons déraillés, le CN 395562 (35e wagon) et l'IC 799666 (36e wagon) ont été examinés; on n'y a relevé aucune anomalie. Ces 2 wagons-trémies ont été soumis à une inspection après démontage; aucun défaut n'a été constaté, et les wagons ne montraient aucun signe de grippage ou d'encrassement de leurs bogies au niveau des glissoirs ou de la crapaudine.
Analyse de la dynamique voie-matériel roulant
Le CN a effectué une simulation, vérifiée par le BST, à l'aide du logiciel Train Operations and Energy Simulator (TOES). Cette analyse a servi à déterminer les forces exercées sur le train. Il a été établi que, juste avant l'évènement, les forces de traction maximales s'élevaient à 70 000 livres et les forces de compression maximales, à 40 000 livres. De telles forces sont considérées comme normales pour ce type d'exploitation.
Systèmes de fixation de la voie
Les éléments de la voie réagissent et interagissent les uns avec les autres quand ils sont soumis aux charges des roues du train. Ces charges sont transférées du rail à la plate-forme par l'entremise des attaches, des selles, des traverses, du ballast et du sous-ballast.
Dans les systèmes de fixation classiques, les crampons ont pour double fonction de positionner le rail dans la selle et de fixer celle-ci à la traverse de façon à maintenir l'écartement. Le passage de wagons dont la charge par essieu est élevée, sur une voie en courbe fixée par des moyens classiques, peut amener les crampons à se desserrer avec le temps et à sortir de la traverse. Quand cela se produit, les trous de crampon s'agrandissent et il en résulte un surécartement. L'intérieur de la traverse sera alors exposé à l'humidité, ce qui peut entraîner la décomposition de la traverse.
Au contraire du système de fixation classique, l'utilisation de systèmes de fixation à selles moulées et laminées (Photo 6) assure les 2 différentes fonctions de fixation. Le rail est fixé à la selle au moyen d'une attache élastique, habituellement en forme d'« e »
constituée d'une barre ronde en acier trempé de 20 millimètres de diamètre. À son tour, la selle est fixée à la traverse par des tirefonds ou une combinaison detirefonds et de crampons. Le dessous de la selle moulée en fonte ductile estmuni de saillies en biseau qui s'encastrent dans la traverse de bois pourassurer une résistance accrue au déplacement. Quant aux selles laminées, leur dessous est lisse et dépourvu de saillies (Photo 7).
Les systèmes de fixation de type élastique procurent une structure de voie beaucoup plus solide qui résiste mieux aux forces latérales et longitudinales élevées ainsi qu'au développement d'un surécartement et d'une inclinaison des rails. Les fixations vissées assurent une résistance accrue au déplacement des selles et, de ce fait, accroissent la résistance au surécartement et la durée de maintien de l'écartement. La force de maintien du rail et la résistance au renversement du rail s'en trouvent également augmentées.
Au cours du remplacement de rails, lorsqu'on utilise des attaches élastiques, il suffit de retirer et de remettre en place les attaches, sans perte de force de maintien. Bien qu'ils constituent un moyen de fixation beaucoup plus solide, les tirefonds ne sont pas à l'abri de défaillances avec le temps. Normalement, une telle défaillance est due à une combinaison de contraintes de cisaillement et de flexion, puisque les tirefonds ne sont pas nécessairement soumis à des charges égales.
Dans le présent évènement, 2 types de tirefonds étaient utilisés dans la courbe : les tirefonds d'origine Ss5 de 7 pouces ½ et les tirefonds Ss5 de 8 pouces ½ . Ces tirefonds étaient des modèles à « 2 pasNote de bas de page 7 »
installés avec une rondelle à ressort. Le modèle plus récentet plus court de 6 pouces ½ à « 3 pas »
, qui n'utilise pas de rondelle à ressort, est actuellement la norme dans l'industrie. Au départ, on pensait que les tirefonds plus longs et les rondelles conféraient au système de fixation une plus grande résistance. Cependant, le tirefond à « 3 pas »
offre une plus grande force de maintien et est plus facile à installer.
Rapport LP 025/2011 du laboratoire du BST – Analyse des tirefonds
Les 74 tirefonds défectueux soumis à l'examen provenaient de 4 différents lots de production et de 3 fabricants différents, ce qui s'explique par le fait que l'on remplaçait toujours les tirefonds cassés par des modèles plus récents. L'analyse du laboratoire a permis de conclure ce qui suit :
- La résistance de l'acier destirefonds répondait aux spécifications en vigueur au moment de la fabrication.
- Les fissures de fatigue dansles tirefonds ont commencé dans la partie supérieure de la tige filetée.
- La fatigue avait de multiplesorigines, ce qui porte à croire qu'elle est apparue originellement en raisond'un état de contrainte général plutôt que d'un défaut dans le matériau.
- L'âge des fissures de fatiguedans les différents tirefonds était variable, les unes remontant à denombreuses années, les autres à peu de temps avant l'évènement.
Analyse
Ni l'état du matériel roulant ni la manière dont le train était conduit n'ont été considérés comme des facteurs contributifs au présent accident. Comme le rail haut dans la courbe où s'est produit le déraillement semble s'être renversé, l'analyse portera sur le système de fixation de la voie dans cette courbe.
L'accident
La courbe où se trouve le PDD constitue le point le plus bas d'une dépression verticale dans la voie. Par conséquent, cet endroit correspond, pour les trains en direction ouest comme en direction est, à un point de transition important dans leur conduite. La pratique recommandée en matière de conduite des trains est d'utiliser le frein rhéostatique pour la descente au fond d'une dépression et la traction (c.-à-d. avancer la position du modérateur) pour la montée de l'autre côté. Bien que ces consignes conviennent entièrement pour le terrain traversé, d'autres forces dynamiques s'exercent couramment sur le rail. Dans le présent évènement, l'endroit en question constituait un point de vulnérabilité, et on a reconnu l'effet sur la structure de la voie des forces dynamiques normales provenant de l'exploitation des trains. En 1997, on avait installé des attaches élastiques et des selles laminées dans la courbe.
Avec les selles laminées, si les tirefonds sont serrés, la force de serrage produit un frottement entre la selle et la traverse, ce qui procure une résistance latérale aux forces génératrices de surécartement dans la courbe. Si les tirefonds sont desserrés, ils agissent comme des goupilles et fournissent la seule résistance latérale. Quand cela se produit,les selles laminées à dessous plat se déplacent sous la charge des trains et peuvent se casser (Photo 8). La défaillance des tirefonds est habituellement due à une combinaison de contraintes de cisaillement et deflexion, puisque les tirefonds ne sont pas tous soumis à une charge égale.
Dans ce cas-ci, un certain nombre de tirefonds dans le voisinage du PDD se sont brisés à l'intérieur de la traverse. Les ruptures, survenues sur une longue période, étaient dues à la fatigue au point de transition entre la tige et les filets, à l'endroit où la section transversale du tirefond est réduite. En dépit des tirefonds cassés, il y avait peu de signes que la courbe se trouvait sous contrainte, parce que l'écartement de la voie était maintenu par les tirefonds intacts. Les autres tirefonds intacts ont été soumis à des forces latérales de passage en courbe beaucoup plus élevées. Le déraillement s'est produit quand ces tirefonds ont été ennombre insuffisant pour résister aux forces en question, et le rail haut s'est renversé au passage du train, entraînant ainsi une chute des roues dans l'écartement à l'extrémité est du pont de Fabyan.
Les signes de surécartement sont généralement plus apparents dans les courbes munies de systèmes de fixation classiques avec crampons. Si une voie dotée de telles fixations est soumise à des contraintes latérales excessives, le rail s'inclinera, les crampons seront soulevés en permanence et l'entaillage par les selles sur le côté extérieur sera plus prononcé. Il est probable que ces conditions seront remarquées lors d'inspections périodiques de la voie.
Dans le présent évènement, la voiture TEST a repéré certains défauts localisés de sur écartement de voie nécessitant une intervention quasi urgente. La comparaison des bandes graphiques de la voiture TEST indiquait une petite augmentation de l'écartement de la voie et de l'inclinaison du rail dans la courbe. Une inspection périodique de la voie a révélé des tirefonds cassés et soulevés, des entailles causées par les selles ainsi que des selles déformées et cassées. Bien qu'on ait remplacé de temps à autre un tirefond cassé et vissé à nouveau des tirefonds sortis de leur trou, aucune autre action de maintenance visant à assurer la sécurité de la courbe n'a étémise en œuvre. Quand des signes de surécartement dynamique dans une courbe sont difficiles à détecter ou qu'on n'y donne pas suite, il peut se produire une défaillance progressive des éléments du système de fixation des rails, ce qui accroît le risque de renversement du rail et de déraillement.
Contre-rails sur le pont
Les contre-rails de pont sont conçus pour garder les roues déraillées centrées sur la charpente du pont et empêcher les wagons de tomber en bas et d'endommager le pont ou ce qui se trouve en dessous. Bien que raisonnablement efficaces sur une voie en alignement droit, les contre-rails de pont le sont moins dans les courbes et dans les situations où le train se trouve partiellement dans la courbe. Dans ce cas-ci, une fois que le train a atteint la voie en alignement droit sur le pont après avoir franchi la courbe, les wagons qui avaient déraillé par suite du renversement du rail ont en quelque sorte été traînés sur le côté nord du pont et sont tombés en bas. Comme le déraillement s'est produit dans la courbe à l'extrémité est du pont, les rails protecteurs ne pouvaient empêcher tous les wagons déraillés de tomber en bas du pont.
Faits établis quant aux causes et auxfacteurs contributifs
- Le déraillement est survenu quand le rail haut s'est renversé dans la courbe à l'extrémité est du pont de Fabyan.
- La défaillance progressive d'uncertain nombre de tirefonds des systèmes de fixation des rails a fait que les tirefonds intacts n'étaient pas assez nombreux pour résister aux forces latérales générées par le passage du train dans la courbe.
- De fréquentes inspections et observations des conditions n'ont pas permis de remarquer que la courbe se trouvait sous contrainte, et aucune action n'a été prise pour rendre la courbe sécuritaire.
Fait établi quant au risque
- Lorsque les signes de surécartement dynamique dans une courbe sont difficiles à détecter ou qu'on n'y donne pas suite, il peut se produire une défaillance progressive des éléments du système de fixation des rails, ce qui accroît le risque de renversement du rail et de déraillement.