Rapport d'enquête ferroviaire R13D0001

Collision à un passage à niveau
Train numéro 601
exploité par VIA Rail Canada Inc.
au point milliaire 98,79 de la subdivision Joliette
à Joliette (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 9 janvier 2013, vers 9 h 50, heure normale de l’Est, alors que le train de voyageurs nº 601 exploité par VIA Rail Canada Inc. roule à 60 mi/h en direction nord sur la subdivision Joliette du Canadien National, il heurte un véhicule circulant vers l’ouest sur le rang de la Deuxième-Chaloupe, au passage à niveau public du point milliaire 98,79, près de la ville de Joliette (Québec). Par suite de la collision, les 2 occupants du véhicule ont été mortellement blessés.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 9 janvier 2013, le train de voyageurs nº 601 (le train) exploité par VIA Rail Canada Inc. (VIA) quitte Montréal (Québec) à destination de Jonquière (Québec). Le train est formé de 2 rames, chacune comprenant 1 locomotive suivie de 2 voitures à voyageurs. Le train pèse environ 440 tonnes et mesure quelque 450 pieds de long. À Hervey (Québec) (voir la figure 1), point milliaire 18,1 de la subdivision Lac St-Jean, le train doit être divisé en 2, la seconde rame poursuivant sa route vers Senneterre (Québec).

    Figure 1.Lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
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    Lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)

    L’équipe de train est formée d’un mécanicien de locomotive aux commandes et d’un mécanicien de locomotive responsable. Les 2 répondent aux exigences de leurs postes respectifs et satisfont aux exigences en matière de repos et de condition physique.

    Pendant le trajet, le train s’arrête à Joliette (point milliaire 101,90) pour permettre le débarquement et l’embarquement de voyageurs. La visibilité à Joliette est bonne. À 9 h 45 Note de bas de page 1, le train repart en direction nord et accélère pour atteindre une vitesse de 60 mi/h. Après que le train a parcouru environ 2 milles, la visibilité est considérablement réduite en raison de la présence de brouillard. Près du poteau indicateur commandant de siffler au passage à niveau du point milliaire 98,79 (c’est-à-dire, au rang de la Deuxième-Chaloupe), l’équipe commence à actionner le klaxon, conformément à la règle 14(l) Note de bas de page 2 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF). Les feux clignotants du passage à niveau fonctionnent. Juste avant que le train n’atteigne le passage à niveau, l’équipe remarque un véhicule circulant vers l’ouest qui est sur le passage à niveau puis qui en sort. Peu après, un véhicule utilitaire sport (VUS), qui suit le premier véhicule, s’engage sur le passage à niveau et est heurté par le train.

    Par suite de la collision, les 2 occupants du véhicule, soit une femme de 32 ans et 1 enfant de 16 mois, sont mortellement blessés. Le véhicule est détruit. Le chasse-pierres et les appareils de sécurité de la locomotive de tête (VIA 6404) sont légèrement endommagés.

    Un examen du véhicule accidenté indique que les boutons de commande du ventilateur et de la température ont été réglés presque au maximum. La commande du débit d’air est réglée de manière à diriger l’air directement sur le pare-brise avant.

    Au moment de l’accident, la température est de -3 °C, et le vent souffle du sud à 12 km/h. Dans les environs du passage à niveau, la visibilité n’est que d’environ 150 à 200 pieds en raison de la présence d’un épais brouillard, et la chaussée est humide.

    Enregistrement vidéo à bord de la locomotive

    Un examen de l’enregistrement vidéo de la caméra à bord de la locomotive de tête a permis de déterminer que le premier véhicule circulant vers l’ouest avait franchi le passage à une vitesse d’environ 50 et que le véhicule suivant (c’est-à-dire, le VUS) s’était engagé sur le même passage à niveau à une vitesse d’environ 60 km/h; ce véhicule suivait le premier de quelque 2 secondes.

    Les conducteurs des véhicules

    Au moment de l’accident, 4 véhicules se déplaçaient ou étaient immobilisés dans les environs du passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe. Les actions des conducteurs de ces véhicules et les observations faites à leur sujet sont les suivantes :

    • La conductrice du VUS était une résidante de l’endroit et vivait dans le secteur depuis 13 ans. Le jour de l’accident, elle avait quitté son domicile à destination de Joliette. Elle s’y rendait fréquemment en voiture, souvent en empruntant le passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe. L’enfant se trouvait sur la banquette arrière de la voiture, attaché dans un siège pour enfant orienté vers l’avant.
    • Le conducteur du premier véhicule était également un résidant de l’endroit. Il utilisait le passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe tous les jours pour se rendre à son lieu de travail à Joliette. Il connaissait bien la route et le passage à niveau, mais n’avait jamais rencontré de trains à ce passage à niveau. Pour se rendre à son travail, il roulait normalement le long du rang de la Deuxième-Chaloupe à 90 km/h. Cependant, le jour de l’accident, il roulait à une vitesse inférieure en raison de l’épais brouillard. Compte tenu de la visibilité réduite, il se fiait aux marques sur la chaussée pour garder la route. Les fenêtres du véhicule étaient fermées, et la chaufferette et la radio fonctionnaient. À l’approche du passage à niveau, le conducteur a remarqué les feux clignotants. Il a regardé à gauche, a vu le train approcher et a entendu le klaxon. Croyant qu’il ne pourrait s’arrêter avant le passage à niveau, il s’est engagé et a évité de peu le train qui arrivait.
    • Un véhicule circulant vers l’est s’était arrêté sur l’approche ouest du passage à niveau. Le conducteur s’était approché du passage à niveau à une vitesse d’environ 45 km/h et a été en mesure de s’arrêter en toute sécurité après avoir vu les feux clignotants. Il n’a pu entendre le klaxon du train qu’après s’être immobilisé près du passage. Ce conducteur était un résidant de l’endroit qui empruntait fréquemment cette route. Il connaissait bien le passage à niveau et y avait vu des trains à l’occasion.
    • À l’approche ouest du passage à niveau, un second véhicule approchait à une vitesse d’environ 70 km/h. Le conducteur a dû appliquer les freins soudainement pour éviter d’entrer en collision avec le véhicule arrêté devant lui.

    Passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe

    Le rang de la Deuxième-Chaloupe est un chemin rural asphalté à 2 voies et à chaussée unique qui croise la voie ferrée à un angle de 35°/145° (voir la figure 2). Dans des conditions normales, les lignes de visibilité le long de l’emprise ferroviaire ne sont pas obstruées. Le passage à niveau est protégé par des feux clignotants (à incandescence) et une sonnerie. Par beau temps, les signaux lumineux sont visibles à une distance d’au moins 600 pieds par les conducteurs qui approchent du passage à niveau. Des panneaux indicateurs avancés de passage à niveau sont placés à environ 600 pieds du passage à niveau, le long de l’approche routière dans les 2 sens, et sont visibles d’une distance d’au moins 600 pieds par les conducteurs qui approchent. La vitesse maximale permise sur cette route est de 80 km/h.

    Les signaux lumineux clignotants et la sonnerie avaient été testés la veille (c’est-à-dire, le 8 janvier 2013). L’essai et l’inspection des signaux lumineux et de la sonnerie après l’accident n’ont révélé aucune lacune. Il a été déterminé que les lentilles des signaux lumineux étaient correctement orientées pour les véhicules en approche.

    La dernière inspection du passage à niveau par la compagnie ferroviaire avant l’accident remontait à mai 2008. Au cours de cette inspection, on avait remarqué que le panneau indicateur avancé de passage à niveau, qui est entretenu par la voirie (Notre-Dame-des-Prairies), indiquait un angle de croisement du passage de 90°. Ce même panneau indicateur avancé de passage à niveau était encore présent au moment de l’accident.

    Un comptage du trafic franchissant le passage à niveau effectué le 11 janvier 2013 entre 11 h et 13 h a dénombré 421 véhicules. Aucun train n’y a été observé au cours de cette période de 2 heures. Seulement 8 véhicules ont ralenti.

    Selon la base de données des événements ferroviaires du il n’y a eu aucun accident entre un train et un véhicule à ce passage à niveau au cours de la période de 10 ans allant de janvier 2003 à janvier 2013.

    Figure 2. Passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe
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    Passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe

    Renseignements sur la voie

    La subdivision Joliette du Canadien National (CN) consiste en une voie principale simple qui va de Garneau (Québec) (point milliaire 40,1) à Pointe-aux-Trembles (Québec) (point milliaire 127,8). Le mouvement des trains est régi par le système de régulation de l’occupation de la voie autorisé en vertu du REF et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire à Montréal. Le trafic sur la subdivision est d’environ 5 trains de marchandises et 1 train de voyageurs par jour.

    Dans les environs du lieu de l’accident, la voie est classée comme voie de catégorie 4 aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada. La vitesse maximale y est de 60 mi/h pour les trains de voyageurs et de 50 mi/h pour les trains de marchandises. Des poteaux indicateurs commandant de siffler sont placés le long de l’emprise ferroviaire à une distance d’environ 1200 pieds du passage à niveau. La voie à cet endroit est en alignement droit.

    Conduite dans le brouillard

    Le manuel de formation de conduite du Québec Note de bas de page 3 donne aux conducteurs les prescriptions suivantes :

    • Avant de traverser une voie ferrée, ralentir, regarder et écouter pour déterminer si un train approche, et s’immobiliser lorsque les feux du passage à niveau clignotent.
    • Pour une conduite par mauvais temps, étant donné que le brouillard risque de masquer les conditions de la route et de la circulation en raison de la visibilité réduite et des réflexions des phares, réduire la vitesse afin de pouvoir s’arrêter en deçà de la distance éclairée par les phares, augmenter l’espace entre les véhicules et se guider sur les lignes de la chaussée et les feux des véhicules devant.
    • Par épais brouillard, allumer ses feux de détresse, s’arrêter dans un endroit sûr et attendre que la visibilité s’améliore.

    Des recherches effectuées sur des simulateurs de conduite Note de bas de page 4 ont montré qu’en présence de brouillard, les conducteurs ralentissent leur vitesse quelque peu, mais pas suffisamment pour être en mesure de s’arrêter à l’intérieur de la distance de visibilité. En fait, la vitesse d’un conducteur dans le brouillard dépend davantage de son aptitude à suivre le marquage des voies que de la distance de visibilité.

    Le ministère des transports de l’Utah, aux États-Unis, a installé un système d’avertissement de faible visibilité sur un tronçon routier de faible élévation où se sont produits plusieurs accidents mettant en cause de multiples véhicules. S’il y a du brouillard, le système affiche des messages indiquant les conditions de visibilité aux conducteurs et donne des conseils sur les vitesses sûres. Quand la distance de visibilité est inférieure à 197 pieds, le système affiche « ADVISE 25 MPH [40 km/h] » (vitesse conseillée de 25 mi/h (40 km/h). La présentation de ce type d’information s’est traduite par une diminution des écarts de vitesse, une amélioration de la sécurité découlant d’une plus grande uniformité du flux de circulation et une augmentation de la vitesse moyenne.

    Autres événements connexes

    Le BST a enquêté sur 2 autres événements survenus à des passages à niveau munis de protection automatique lors desquels la visibilité était réduite en raison du mauvais temps :

    • R04C0110 - En 2004, le train 269 du Chemin de fer Canadien Pacifique a été heurté par un camion à un passage à niveau près de Blackie (Alberta). Par suite de la collision, 1 des occupants du véhicule a été mortellement blessé et l’autre a été grièvement blessé. De plus, 6 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses ont déraillé.
    • R10E0056 - En 2010, le train VIA 1 a heurté une camionnette à un passage à niveau à Edmonton (Alberta); 3 des occupants du véhicule ont été mortellement blessés.

    Dans les 2 enquêtes, le BST a déterminé que les conditions atmosphériques avaient réduit l’efficacité globale de la protection automatique. Les conducteurs n’ont pu s’arrêter étant donné que la vitesse de leurs véhicules était trop rapide compte tenu de la visibilité et des conditions routières.

    Conducteurs s’approchant des passages à niveau

    À l’approche d’un passage à niveau, le comportement des conducteurs est déterminé en grande partie par le fait de s’attendre à voir (ou à ne pas voir) un train. Comme les conducteurs ne rencontrent généralement pas de trains aux passages à niveau, la plupart des contacts avec un de ces passages renforcent leur perception que l’arrivée d’un train est improbable. Un examen de la documentation à ce sujet par Yeh et Multer Note de bas de page 5 a permis de déterminer que les conducteurs qui connaissent bien un passage à niveau sont moins susceptibles de regarder si un train s’en vient ou de ralentir à l’approche de ce passage que les conducteurs qui ne connaissent pas bien ce passage. Le même examen a permis de démontrer qu’un peu plus du tiers des conducteurs qui s’approchent d’un passage à niveau sans protection automatique et près des 2/3 qui s’approchent d’un passage à niveau muni d’un système de signalisation automatique ne faisaient aucun mouvement de la tête pour savoir si un train arrivait.

    Audibilité du klaxon de train

    Un certain nombre d’enquêtes du BST ont décelé des lacunes dans l’efficacité des klaxons de locomotive à alerter les conducteurs de véhicules et les piétons à la présence d’un train. En 1996, dans le cadre de son enquête R96S0106, le Bureau a constaté que la position du klaxon derrière la sortie de l’échappement de la locomotive VIA 6421 diminuait l’intensité du son projeté vers l’avant, réduisant ainsi l’efficacité du klaxon comme dispositif d’avertissement.

    Des enquêtes subséquentes Note de bas de page 6 ont également conclu que l’efficacité du klaxon peut être compromise à la fois par sa position sur la locomotive et les niveaux de bruit ambiant à l’intérieur du véhicule routier (notamment les gros camions et les autobus).

    Se reportant à des études menées aux États-Unis concernant l’effet des klaxons sur la sécurité aux passages à niveau, Yeh et Multer Note de bas de page 7 ont montré que le klaxon du train, en dépit de ses limites, avait un effet positif sur la sécurité. Les passages à niveau où il y a interdiction de siffler présentent des taux d’accident plus élevés que ceux où il n’y a aucune interdiction de siffler.

    Dans le cadre d’une étude de 2003 Note de bas de page 8 menée au nom de Transports Canada, on a analysé les données de mesure du son provenant de divers types de locomotives se déplaçant à différentes vitesses et munies de différentes configurations de klaxon. L’étude a conclu que les klaxons installés en arrière et à proximité du capot d’échappement du moteur (c’est-à-dire, au milieu de la locomotive) performaient de façon bien inférieure que les klaxons montés en d’autres endroits. L’étude a recommandé que l’on déplace à l’avant le klaxon des locomotives de voie principale placé en arrière et à proximité du capot d’échappement du moteur, ou qu’on ajoute à l’avant de la locomotive un deuxième klaxon à utiliser en cas d’urgence. Si ce deuxième klaxon n’est destiné qu’à une utilisation d’urgence, le klaxon dit normal (ou l’ensemble des klaxons normaux) devrait alors être placé sur la locomotive à un endroit tel qu’il produise un niveau sonore équivalent d’au moins 100 dB(A) à 30,5 m (100 pieds), à des angles de 25° à 45° par rapport à l’avant de la locomotive, niveau mesuré à la pleine vitesse d’exploitation de la locomotive Note de bas de page 9.

    Klaxon de locomotive

    L’article 11, Signaux sonores, partie II, Exigences relatives à la conception des locomotives, du Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer, exige ce qui suit :

    • Les locomotives en position de commande ou de tête dans les trains en service voyageurs roulant à plus de 105 km/h (65 mi/h) doivent être équipées à l’origine ou en rattrapage d’avertisseurs capables de produire un son de haute intensité Note de bas de page 10 et un son de faible intensité Note de bas de page 11.
    • Ce dispositif doit être monté sur le toit, près de l’axe de la locomotive, à au plus 1,5 m (5 pieds) derrière l’arrière de la cabine.
    • Il doit être placé dans le sens du déplacement, sans aucune obstruction ni sortie d’échappement devant lui ou à ses côtés.
    • Il peut s’agir d’un avertisseur unique à 5 cornets capable de produire 2 niveaux sonores différents ou de 2 avertisseurs distincts pour les sons de faible intensité et de haute intensité.

    La locomotive VIA 6404 est de modèle F40PH2D construite par General Motors en 1987. Le klaxon d’origine sur ce type de locomotive est un avertisseur à 3 cornets orienté vers l’avant et placé au milieu de la locomotive le long de l’axe de celle-ci et directement derrière la sortie d’échappement (voir la photo 1). Pour être conforme au Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer, la locomotive VIA 6404 a récemment été équipée en rattrapage d’un deuxième klaxon plus puissant à 5 cornets au-dessus de la cabine (voir la photo 2) pour les situations d’urgence. Le klaxon à 3 cornets est utilisé en service normal, notamment aux passages à niveau. L’utilisation du klaxon à 5 cornets est limitée aux situations d’urgence de façon à réduire l’exposition de l’équipe de train à des sons de haute intensité. Le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail limite à 96,7 dB(A) le niveau sonore maximum dans la cabine d’une locomotive. Il n’existe pas d’instructions particulières à l’intention des équipes d’exploitation pour décrire les conditions imposant l’utilisation du klaxon d’urgence.

    Le consignateur d’événements de la locomotive du train 601 indique que l’avertisseur à 3 cornets a d’abord été actionné à environ 1450 pieds du passage à niveau. Il a retenti pendant quelque 16 secondes, puis s’est arrêté juste avant la collision. Le klaxon d’urgence à 5 cornets n’a pas été utilisé au cours de l’approche au passage à niveau en question.

    Photo 1.Klaxon à 3 cornets sur la locomotive VIA 6404
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    Klaxon à 3 cornets sur la locomotive VIA 6404
    Photo 2.Klaxon d'urgence sur la locomotive VIA 6404
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    Une photo montre le klaxon d'urgence à 5 cornets placé au-dessus de la cabine de la locomotive 6404 de VIA.

    Utilisation de feux à incandescence ou de diodes électroluminescentes pour les feux de signalisation aux passages à niveau

    Les diodes électroluminescentes (DEL) sont de plus en plus utilisées dans la régulation de la circulation et pour la signalisation étant donné qu’elles consomment moins d’électricité, qu’elles sont plus brillantes et plus fiables. Une étude de 2003 de Transports Canada Note de bas de page 12 indique que les modules de signalisation à DEL produisent un faisceau plus large qui permet davantage de voir le signal dans des conditions de brouillard.

    En vertu du Programme d’amélioration des passages à niveau de Transports Canada, le gouvernement fédéral accorde 50 % des fonds, jusqu’à un maximum de 600 $ par feu, pour le remplacement des feux à incandescence par des DEL. Le CN participe à ce programme et a équipé en rattrapage presque la moitié de ses quelque 3000 passages à niveau signalisés de feux DEL de 12 pouces plus larges. Au moment de l’accident, le passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe avait été approuvé aux fins de rattrapage, mais ses feux n’avaient pas encore été remplacés étant donné qu’on a accordé une plus grande priorité aux passages à niveau de voies principales où la densité de trafic est plus élevée et où les trains de voyageurs roulent à des vitesses de 90 à 100 mi/h.

    Analyse

    Les signaux du passage à niveau fonctionnaient comme prévu, et le train était exploité en conformité avec les exigences de la compagnie et de la réglementation. L’analyse portera surtout sur la visibilité des signaux lumineux, le comportement des conducteurs et l’efficacité du klaxon de train à alerter les conducteurs de véhicules.

    L’accident

    Les conducteurs du véhicule percuté et de celui qui le précédait connaissaient bien la route et le passage à niveau. Cependant, la densité du brouillard présent dans les environs du passage à niveau a grandement réduit la distance de visibilité disponible et a empêché les conducteurs de voir, avant d’atteindre le franchissement routier, aussi bien le train qui approchait que les signaux allumés du passage à niveau.

    Le conducteur du premier véhicule roulait plus lentement que sa vitesse habituelle pour ce tronçon de route, mais il n’a tout de même pas été capable d’arrêter en deçà de la distance de visibilité. Au moment où il a remarqué les signaux clignotants, il était trop près pour pouvoir s’arrêter en toute sécurité avant le passage à niveau. Suivant le premier véhicule qui a franchi le passage à niveau à une vitesse similaire, la conductrice du deuxième véhicule s’est engagée sur le passage à niveau et a été heurtée par le train.

    Systèmes d’avertissement de passage à niveau dans des conditions de visibilité réduite

    Aux passages à niveau, on fait généralement appel à des avertissements visuels et sonores pour alerter les conducteurs de véhicules au sujet des dangers liés au passage à niveau. Cependant, si la visibilité est réduite, les avertissements visuels (par exemple, les signaux lumineux clignotants) sont plus difficiles à voir. Les conducteurs auront moins de temps pour réagir et prendre les mesures qui s’imposent, à moins qu’ils ne règlent leur vitesse en fonction des conditions atmosphériques et de visibilité. De plus, les conducteurs sont moins susceptibles de ralentir à un passage à niveau qu’ils connaissent bien. Quand les conducteurs roulent trop vite pour les conditions atmosphériques, l’efficacité du système d’avertissement visuel aux passages à niveau diminue durant les périodes de faible visibilité, ce qui augmente les risques de collision aux passages à niveau.

    Le remplacement des feux à incandescence par des DEL dans le cadre du Programme d’amélioration des passages à niveau de Transports Canada est une étape positive dans l’amélioration de la visibilité des feux clignotants. Les compagnies ferroviaires ont des programmes en cours pour le remplacement des feux à incandescence. Toutefois, vu le grand nombre de passages à niveau à équiper en rattrapage, il faudra peut-être un certain temps avant que tous les passages désignés soient ainsi modernisés. Si des feux DEL avaient été en place au passage à niveau du rang de la Deuxième-Chaloupe, les signaux à cet endroit auraient été plus visibles.

    Comportement des conducteurs par mauvais temps ou visibilité réduite

    Les lignes directrices du gouvernement du Québec enjoignent aux conducteurs de ralentir par mauvais temps, notamment lorsqu’il y a présence de brouillard épais. Cependant, les recherches montrent que ce ne sont pas tous les conducteurs qui réduisent suffisamment leur vitesse pour faire face à toutes les éventualités en toute sécurité. Afin d’accroître le délai d’avertissement pour un conducteur à l’approche de points dangereux, comme les passages à niveau, la documentation de formation des conducteurs conseille à ceux-ci d’être en mesure de s’arrêter en deçà de la distance éclairée par les phares de leur véhicule. Bien que les conducteurs ralentissent quelque peu par mauvais temps ou visibilité réduite, en général le fait de régler sa vitesse ne suffit pas pour pouvoir s’arrêter à l’intérieur de la distance de visibilité disponible.

    Klaxon de train

    Les klaxons de train peuvent avoir un effet positif sur la sécurité aux passages à niveau. Cependant, leur efficacité demeure limitée, et de nombreux décès et blessures surviennent encore chaque année. Une récente mise à jour du Règlement sur l’inspection et la sécurité des locomotives de chemin de fer vise à améliorer la performance des klaxons en exigeant de les placer près de l’extrémité avant de la locomotive. Toutes les locomotives de service voyageurs de VIA ont été équipées en rattrapage d’un klaxon d’urgence plus puissant placé près de l’extrémité avant, le klaxon de service normal (c’est-à-dire, à 3 cornets) demeurant derrière la sortie de l’échappement.

    Dans le présent événement, le klaxon de train (c’est-à-dire, l’avertisseur à 3 cornets situé au milieu de la locomotive) a été actionné à partir du poteau indicateur commandant de siffler (soit à quelque 1450 pieds du passage à niveau) jusqu’au seuil du passage. Cependant, il n’a pas réussi à alerter le conducteur du premier véhicule ni celui du véhicule suivant au sujet de la présence du train. Le conducteur du premier véhicule et celui du véhicule qui s’est arrêté sur le côté ouest du passage à niveau n’ont entendu le klaxon qu’au moment où le train était très proche du passage à niveau.

    Le klaxon d’urgence n’est généralement utilisé que dans les situations d’urgence ou à risque élevé (par exemple, quand des intrus marchent le long de la voie le dos tourné au train qui approche). Toutefois, par très mauvais temps, comme la présence de brouillard épais ou de poudrerie, alors que la visibilité dans les environs du passage à niveau est gênée, une utilisation proactive du klaxon d’urgence du train pourrait donner un avertissement efficace aux véhicules qui s’approchent, réduisant ainsi les risques de collision aux passages à niveau.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La densité du brouillard dans les environs du passage à niveau a grandement réduit la distance de visibilité disponible et a diminué la possibilité que la conductrice voit, avant d’atteindre le franchissement routier, aussi bien le train qui approchait que les signaux allumés du passage à niveau.
    2. Bien que le klaxon de train situé au milieu de la locomotive ait été actionné, il n’a pas réussi à alerter le conducteur du premier véhicule ni celui du véhicule suivant au sujet de la présence du train.
    3. Suivant le premier véhicule qui a franchi le passage à niveau, la conductrice du deuxième véhicule s’est engagée sur le passage à niveau et a été heurtée par le train.

    Faits établis quant aux risques

    1. Quand les conducteurs n’adaptent pas leur vitesse en fonction du mauvais temps, l’efficacité du système d’avertissement visuel aux passages à niveau diminue durant les périodes de faible visibilité, ce qui augmente les risques de collision aux passages à niveau.
    2. Par très mauvais temps, alors que la visibilité dans les environs du passage à niveau est gênée, une utilisation proactive du klaxon d’urgence du train pourrait donner un avertissement efficace aux véhicules qui s’approchent, réduisant ainsi les risques de collision aux passages à niveau.

    Autres faits établis

    1. Les signaux au passage à niveau auraient été plus visibles si des feux à diodes électroluminescentes (DEL) avaient été installés.
    2. Bien que les conducteurs ralentissent quelque peu par mauvais temps ou visibilité réduite, en général le fait de régler sa vitesse ne suffit pas pour pouvoir s’arrêter à l’intérieur de la distance de visibilité disponible.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le 15 janvier 2014.