Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054

Train parti à la dérive et déraillement en voie principale
Train de marchandises MMA-002
de la Montreal, Maine & Atlantic Railway
au point milliaire 0,23 de la subdivision Sherbrooke
Lac-Mégantic (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 6 juillet 2013, peu avant 1 h, heure avancée de l’Est, le train de marchandises MMA-002, en direction est, de la compagnie Montreal, Maine & Atlantic Railway, qui était garé sans surveillance pour la nuit à Nantes (Québec), a commencé à se déplacer. Le train a roulé sur environ 7,2 milles, atteignant une vitesse de 65 mi/h. Vers 1 h 15, lorsque le MMA-002 s’est approché du centre de la ville de Lac-Mégantic (Québec), 63 wagons-citernes qui transportaient du pétrole brut (UN 1267), et 2 wagons couverts ont déraillé. Environ 6 millions de litres de pétrole brut se sont déversés. Des incendies se sont déclarés et des explosions se sont produites, détruisant 40 édifices, 53 véhicules et les voies ferrées à l’extrémité ouest du triage Megantic. Quarante-sept personnes ont subi des blessures mortelles. Le centre-ville ainsi que la rivière et le lac adjacents ont été contaminés.

    Renseignements de base

    1.1 L’accident

    Le 5 juillet 2013, vers 13 h 55Note de bas de page 1, le train de marchandises MMA-002 (le train) de la compagnie Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA)Note de bas de page 2, qui se dirigeait vers l’est, est parti de Farnham (Québec) (près de Brookport, point milliaire 125,60 de la subdivision Sherbrooke) à destination de Nantes (Québec) (point milliaire 7,40 de la subdivision Sherbrooke), où il devait être pris en charge par une nouvelle équipe et poursuivre sa route jusqu’à Brownville Junction (Maine). La destination finale du train était Saint John (Nouveau-Brunswick) (figure 1). Le train était constitué de 72 wagons-citernes chargés d’environ 7,7 millions de litres de pétrole brut, (UN 1267), de 1 wagon couvert (wagon-tamponNote de bas de page 3), et du groupe de traction (5 locomotives à la tête du train et 1 wagon VBNote de bas de page 4). Un mécanicien de locomotive (ML) était aux commandes du train. Il assurait seul l’exploitation du train et se trouvait dans la locomotive de tête, MMA 5017. Pendant le voyage, le ML a signalé que la locomotive de tête avait des ennuis mécaniques qui compromettaient la capacité du train à maintenir sa vitesse.

    Figure 1. Carte de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) (source : MMA, modifiée par le BST)
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    Image d'une cartes pour Montreal Maine & Atlantic Railway

    Vers 22 h 50, le train est arrivé à Nantes. Il a été arrêté à l’aide des freins automatiques et garé pour la nuit sur une pente descendante sur la voie principale. Le ML a serré les freins indépendants du groupe de traction. Il a ensuite commencé à serrer les freins à main du groupe de traction et du wagon-tampon (soit 7 en tout), et a coupé le moteur des 4 locomotives menées. Par la suite, le ML a desserré les freins automatiques et a effectué un essai de l’efficacité des freins à main sans desserrer les freins indépendants de locomotive. Le ML a ensuite communiqué avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) responsable de la circulation des trains entre Farnham et la gare Megantic (Megantic), qui se trouvait au bureau de la MMA au triage de Farnham, pour lui indiquer que le train avait été immobilisé.

    Le ML a ensuite communiqué avec le CCF de Bangor (Maine), qui contrôlait la circulation des trains exploités par les équipes des États-Unis à l’est de Megantic. Au cours de cette conversation, le ML a indiqué que la locomotive de tête avait continué d’avoir des ennuis mécaniques pendant tout le voyage et qu’une fumée excessive noire et blanche s’échappait dorénavant de la cheminée. Le ML s’attendait à ce que la situation se résorbe d’elle-même. Ils ont convenu de laisser le train tel quel et de s’occuper des problèmes de performance du moteur le lendemain matin.

    Un taxi a été appelé pour amener le ML à un hôtel de l’endroit. Lorsque le taxi est arrivé pour venir chercher le ML vers 23 h 30, le chauffeur de taxi a remarqué la fumée et a mentionné que des gouttelettes d’huile en provenance de la locomotive éclaboussaient le parebrise du taxi. Le chauffeur a demandé si la locomotive devrait être laissée dans un tel état. Le ML lui a répondu qu’il avait informé la MMA de l’état de la locomotive, et qu’il avait été convenu de la laisser ainsi. Le ML s’est ensuite rendu jusqu’à l’hôtel à Lac-Mégantic et a signalé qu’il avait terminé son service.

    À 23 h 40, un préposé du service 911 a reçu un appel signalant un incendie à bord d’un train à Nantes. Le service d’incendie de Nantes a répondu à l’appel et s’est rendu sur les lieux, et la Sûreté du Québec (SQ) a appelé le CCF de Farnham pour informer la compagnie de l’incendie. Après des tentatives infructueuses de la MMA de joindre un employé qui était un ancien ML et mécanicien, un chef garde-voie de la MMA a été envoyé à la rencontre du service d’incendie à Nantes. Lorsque le chef garde-voie est arrivé sur les lieux, les pompiers lui ont indiqué qu’ils avaient coupé le moteur de la locomotive de tête à l’aide du coupe-carburant d’urgence, ce qui avait eu pour effet d’éteindre l’incendie en coupant l’alimentation en carburant. Les pompiers avaient aussi placé les disjoncteurs à l’intérieur de la cabine de la locomotive en position ouverte pour éliminer une source possible d’étincelles. Ces mesures étaient conformes aux instructions ferroviaires.

    Les pompiers et le chef garde-voie sont entrés en communication avec le CCF de Farnham pour lui donner un compte rendu de l’état du train. Par la suite, le service d’incendie et le chef garde-voie de la MMA ont quitté les lieux.

    Aucune locomotive n’étant en marche, l’air contenu dans le circuit de freinage du train a commencé à être évacué lentement, de sorte que la résistance au déplacement qui retenait le train a diminué. Vers 1 h (le 6 juillet), le train a commencé à se déplacer le long de la pente descendante en direction de Lac-Mégantic, qui se trouvait à 7,2 milles de là. Vers 1 h 15, le train a déraillé près du centre de la ville, déversant environ 6 millions de litres de pétrole brut, ce qui a donné lieu à un vaste incendie et à plusieurs explosions.

    Le groupe de traction n’a pas déraillé, mais il s’est séparé du reste du train puis s’est divisé en 2 sections. Les données téléchargées du passage à niveau de la rue de la Gare (à côté de la gare Megantic) ont révélé que les 2 sections l’ont traversé à 104 pieds l’une de l’autre. Les 2 sections ont continué de rouler en direction est jusque sur la subdivision Moosehead, arrêtant leur course sur une pente ascendante dans l’est de la ville, à environ 475 pieds l’une de l’autre. Au cours du déroulement de ces événements, le train a franchi 13 passages à niveau.

    Environ 1,5 heure plus tard, pendant que se déroulaient l’intervention d’urgence et l’évacuation, la section de tête du groupe de traction s’est déplacée vers l’arrière en direction du centre-ville et a heurté la section de queue; les 2 sections ont reculé de 106 pieds de plus. Vers 3 h 30, des représentants de la MMA ont immobilisé le groupe de traction sur la pente en resserrant les freins à main.

    Voir l’annexe A pour de plus amples détails sur le déroulement des événements.

    1.2 Répercussions de l’accident

    Par suite du déraillement et des incendies et explosions qui s’en sont suivis, 47 personnes ont perdu la vie et environ 2000 personnes ont été évacuées. Quarante édifices et 53 véhicules ont été détruits (photo 1).

    Photo 1. Le site du déraillement à Lac-Mégantic après l'accident
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    Image aérienne du site du déraillement à Lac-Mégantic après l'accident

    Les wagons-citernes déraillés contenaient environ 6,7 millions de litres de pétrole brut, dont environ 6 millions se sont déversés, contaminant quelque 31 hectares de terrain. Du pétrole brut s’est infiltré dans les installations sanitaires et le réseau d’égouts pluvial de la ville par les trous d’homme. On estime que 100 000 litres de pétrole brut ont échoué dans le lac Mégantic et dans la rivière Chaudière par écoulement de surface, par infiltration souterraine, et par le réseau d’égouts pluvial. Environ 740 000 litres ont été récupérés des wagons-citernes déraillés.

    La récupération des hydrocarbures et l’opération de nettoyage ont débuté aussitôt que l’incendie a été éteint et que le site a été stabilisé, soit 2 jours environ après le déraillement. Les activités d’évaluation et de remédiation de l’environnement ont été effectuées à l’aide de puits de surveillance et de tranchées d’observation d’où le liquide accumulé a été aspiré par des camions-citernes, sous la direction d’une entreprise d’ingénierie spécialisée.

    1.3 Conditions météorologiques

    À 23 h le 5 juillet 2013, la température à la station météorologique de Sherbrooke (Québec), à quelque 95 km à l’ouest de Lac-Mégantic, était de 21,7° C. Le point de rosée était de 20,5° C et le vent soufflait du sud à 5 km/h. À 1 h le 6 juillet 2013, la température était de 21,2° C, le point de rosée de 20,4° C, et la vitesse du vent à 0 km/h.

    1.4 Renseignements sur les subdivisions

    Les subdivisions Sherbrooke et Moosehead appartenaient à la MMA et étaient exploitées par celle-ci. Elles appartenaient auparavant au Quebec Southern Railway (QSR) et, avant cela, avaient été la propriété du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP).

    1.4.1 Subdivision Sherbrooke

    La subdivision Sherbrooke de la MMA était une voie principale simple qui s’étendait vers l’ouest de Megantic (point milliaire 0,00) jusqu’à Brookport (Québec) (point milliaire 125,60), où elle se reliait aux subdivisions Adirondack et Newport, près de Farnham. La circulation des trains était contrôlée par la régulation de l’occupation de la voie (ROV), conformément au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), et surveillée par un CCF situé à Farnham. La circulation sur la subdivision Sherbrooke se résumait à 2 trains de marchandises par jour, pour un tonnage annuel de 4,5 millions de tonnes brutes. La voie était classée comme étant une voie de catégorie 3Note de bas de page 5 aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximum permise pour les trains de marchandises était de 40 mi/h. Toutefois, en raison de l’état de la voie, la vitesse avait été réduite sur l’ensemble de la subdivision par des limitations temporaires de vitesse, notamment :

    • 25 mi/h entre le point milliaire 0,82 et le point milliaire 93 (dont 11 endroits où la vitesse était réduite à 10 mi/h),
    • 10 mi/h entre le point milliaire 93 et le point milliaire 103,87,
    • 25 mi/h entre le point milliaire 103,87 et le point milliaire 125,60 (dont 2 endroits où la vitesse était réduite à 10 mi/h).

    La subdivision était munie de 6 détecteurs de boîte chaude, le dernier se trouvant au point milliaire 13,30. Le MMA-002 n’a reçu aucune alarme de ces détecteurs.

    Entre Nantes et Megantic (du point milliaire 7,40 au point le plus bas près du point milliaire 0,00), la pente descendante moyenne était de 0,94 %, et la pente la plus raide sur la longueur du train était de 1,32 % au point milliaire 1,03 (figure 2). La déclivité était d’environ 360 pieds entre Nantes et Megantic. Sur les 2 derniers milles avant le point de déraillement (PDD), la voie accusait une pente descendante d’environ 1,30 %. La courbure horizontale maximum de la voie, qui était de 4,25°, se trouvait à l’endroit où le déraillement s’est produit (rapport du laboratoire d’ingénierie LP167/2013).

    Figure 2. Pente et déclivité de la voie entre Nantes et Megantic
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    Illustration du pente et déclivité de la voie entre Nantes et Megantic

    Des zones de marche prudenteNote de bas de page 6 étaient en vigueur entre le point milliaire 0,82 et le point milliaire 0,00, en raison de la présence du triage Megantic. La circulation devait s’effectuer conformément aux règles 94 et 105(c) du REFNote de bas de page 7. Il y avait une limitation permanente de vitesse de 10 mi/h à la hauteur de la rue Frontenac (point milliaire 0,28) jusqu’à ce que le passage à niveau soit complètement occupé.

    1.4.2 Subdivision Moosehead

    La subdivision Moosehead était une voie principale simple qui s’étendait vers l’est de Megantic (point milliaire 117,14) jusqu’à Brownville Junction (point milliaire 0,00), où elle se reliait à la subdivision Millinocket. La voie était classée comme étant une voie de catégorie 3 aux termes du RSV. Les trains qui roulaient en direction est sur la subdivision Moosehead à partir de Megantic franchissaient une pente ascendante d’environ 1 %. Un peu plus à l’est, à Vachon (Québec) (point milliaire 114,10), se trouvait la voie d’évitement la plus proche de Lac-Mégantic; il y avait une voie de dépassement d’une longueur de 6470 pieds.

    1.5 Contrôle de la circulation ferroviaire

    La MMA avait 2 CCF en service en tout temps (1 à Bangor et l’autre à Farnham) dont les quarts de travail de 12 heures débutaient à 6 h et à 18 h. Le CCF de Farnham contrôlait la circulation des trains à l’ouest de Megantic, et le CCF de Bangor contrôlait la circulation des trains à l’est de Megantic. Le CCF de Farnham de service au moment de l’accident était un ML qualifié qui avait précédemment acquis de l’expérience en matière d’immobilisation des trains à Nantes.

    1.6 Renseignements sur le personnel

    Entre Farnham et Nantes, le MMA-002 était exploité par 1 ML qui se trouvait dans la locomotive de tête et exploitait le train en fonction des instructions spéciales pour l’exploitation des trains par un seul employé. Le ML était titulaire d’un certificat de compétence à l’égard des règles et répondait aux exigences réglementaires relatives à la condition physique et au temps de travail et de repos. Le ML avait effectué 2 quarts de travail dans les jours précédant l’accident :

    • MMA-002 (en direction est entre Farnham et Megantic), le 2 juillet 2013 de 12 h 30 à 0 h 30,
    • MMA-001 (en direction ouest entre Megantic et Farnham), le 3 juillet 2013 de 8 h 30 à 20 h 30.

    Ces 2 voyages avaient été effectués en compagnie d’un chef de train.

    Le 5 juillet 2013, le ML s’est réveillé vers 5 h 30 et est entré en service à 13 h 30 pour prendre les commandes du MMA-002. Lorsqu’il dormait chez lui à Farnham, le ML prenait généralement quelque 8 heures de sommeil par nuit. Lorsqu’il était à l’extérieur, le ML dormait habituellement de 5 à 6 heures par nuit.

    Le ML avait été embauché par le CFCP en janvier 1980, et s’était qualifié comme ML en 1986. En septembre 1996, il était passé au service du QSR, lorsque la compagnie avait acheté la voie du CFCP. En janvier 2003, le ML a été muté à la MMA lorsque Rail World, Inc. (RWI), société mère de la MMA, a acheté le QSR. Au cours de cette période, il avait effectué des centaines de voyages entre Farnham et Lac-Mégantic, et connaissait bien le territoire.

    Au cours des 12 mois qui ont précédé l’accident, le ML avait effectué une soixantaine de voyages en direction est à bord du MMA-002. Il avait complété une vingtaine d’entre eux en tant qu’exploitant seul.

    1.7 Renseignements sur le train

    Les wagons-citernes sont partis de New Town (Dakota du Nord), où ils ont été pris en charge par le CFCP. À l’origine, le train était constitué de 1 wagon couvert (le wagon-tampon) et de 78 wagons-citernes chargés de pétrole brut (UN 1267), un liquide inflammable de Classe 3. Le 30 juin 2013, alors que le train était à Harvey (Dakota du Nord), 1 wagon-citerne a été retiré à cause d’un défaut mécanique après que le train a subi une inspection de sécurité ainsi qu’un essai de classe 1 des freins à airNote de bas de page 8. L’essai des freins à air vérifie l’intégrité et la continuité de la conduite générale, ainsi que la timonerie des freins, et le serrage et le desserrage des freins à air de chaque wagon.

    Le pétrole brut avait été acheté de la compagnie World Fuel Services, Inc. (WFSI) par Irving Oil Commercial G.P. Les documents d’expédition indiquaient que l’expéditeur était la Western Petroleum Company (une filiale de WFSI), et que le consignataire était Irving Oil Ltd. (Irving).

    Les wagons-citernes sont passés par Minneapolis (Minnesota), Milwaukee (Wisconsin), Chicago (Illinois), Détroit (Michigan), et sont entrés au Canada à Windsor (Ontario). Les wagons-citernes se sont dirigés vers Toronto (Ontario) et ont subi un essai no 1 des freins à air effectué par un inspecteur de wagon certifié le 4 juillet 2013. Quand ils ont quitté Toronto, ils faisaient partie d’un train de marchandises mixtes, composé de 2 locomotives et de 120 wagons, à destination de Montréal (Québec). Lorsque le train est arrivé à Montréal, il a subi une inspection de sécurité et mécanique régulière au triage Saint-Luc le 5 juillet 2013. Des défauts mécaniques ont été relevés sur 5 wagons-citernes, qui ont été retirés du train. Les autres wagons-citernes ont alors été échangés à la MMA.

    En matinée le 5 juillet 2013, les wagons-citernes ont été conduits jusqu’à Farnham, où ils ont fait l’objet d’un essai de la continuité des freins et d’une inspection mécanique de TC. Des défauts mineurs ont été relevés sur 2 wagons, et ils ont été corrigés. Lorsqu’il est parti de Farnham, le train mesurait environ 4700 pieds, pesait environ 10 290 tonnes (annexe B) et était constitué du matériel suivant (photo 2) :

    1. locomotive de tête MMA 5017, General Electric Company (GE) C30-7;
    2. fourgon spécialisé (wagon VB) VB 1;
    3. locomotive MMA 5026, GE C30-7;
    4. locomotive CITX 3053, General Motors (GM) SD-40;
    5. locomotive MMA 5023, GE C30-7;
    6. locomotive CEFX 3166, GM SD-40;
    7. wagon-tampon, CIBX 172032;
    8. 72 wagons-citernes.
    Photo 2. Le MMA-002 à Brookport, le 5 juillet 2013 (source : Richard Deuso, avec annotations du BST)
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    Image de MMA-002 à Brookport, le 5 juillet 2013

    1.8 Renseignements sur les lieux de l’accident

    L’enquête s’est concentrée sur 3 endroits (figure 3) :

    • Nantes, où le train était garé;
    • le centre-ville de Lac-Mégantic, où le train a déraillé;
    • la pente ascendante, à l’est de Megantic, où le groupe de traction s’est finalement arrêté (point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead).
    Figure 3. Les 3 endroits sur lesquels l'enquête s'est concentrée : Nantes, le centre-ville de Lac-Mégantic et l'endroit où les locomotives ont arrêté leur course (point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead) (source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Carte qui indique les 3 endroits sur lesquels l'enquête s'est concentrée : Nantes, le centre-ville de Lac-Mégantic et point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead

    1.8.1 Nantes

    Les voies ferrées à Nantes se trouvent dans une zone rurale où la voie principale et une voie d’évitement sont parallèles et longent l’autoroute publique 161. La pente descendante moyenne de la voie principale où le train était garé est de 0,92 %Note de bas de page 9. Au cours de l’examen des lieux, on a trouvé un résidu huileux noir sur la végétation environnante et sur les rails à l’endroit où la locomotive de tête était garée (photo 3).

    Photo 3. Résidu huileux sur le sol et la végétation à Nantes. À noter, le dérailleur sur la voie d'évitement adjacente à gauche (vue en direction ouest à partir de l'endroit où la locomotive de tête était garée sur la voie principale)
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    Image qui indique le résidu huileux sur le sol et la végétation à Nantes

    L’aiguillage est de la voie d’évitement se trouvait au point milliaire 6,67, et la voie d’évitement avait une longueur de 7160 pieds. Au moment de l’accident, plusieurs wagons y étaient entreposés. La voie d’évitement était munie d’un dérailleur spécialNote de bas de page 10, situé à environ 230 pieds à l’ouest de l’aiguillage (photo 3). Un dérailleur est un dispositif mécanique de sécurité qui repose au sommet du rail et sert à faire dérailler du matériel parti à la dérive. Le dérailleur était verrouillé en position de déraillement pour protéger la voie principale de tout mouvement involontaire du matériel sur la voie d’évitement.

    1.8.2 Site du déraillement à Lac-Mégantic

    La gare Megantic de la MMA se trouvait dans une zone commerciale de Lac-Mégantic, où les subdivisions Sherbrooke et Moosehead se rejoignaient. La rue Frontenac, une artère principale, passait en plein centre de la ville. La voie principale traversait la rue Frontenac juste à l’ouest du branchement de Megantic Ouest et était entretenue pour une vitesse maximum de 15 mi/h. Le branchement se trouvait au point milliaire 0,23, et les pointes d’aiguille étaient orientées vers l’ouest (photo 4).

    Photo 4. Passage à niveau public de la rue Frontenac, direction est. Le cercle indique l'endroit où se trouvaient les pointes d'aiguille et le cœur de croisement du branchement de Megantic Ouest (source : Pierre Blondin, avec annotations du BST)
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    Photo du passage à niveau public de la rue Frontenac, direction est

    Le matériel déraillé recouvrait la voie principale, 3 voies de triage adjacentes et la voie ouest du triangle de virage, lequel constitue un ensemble de voies formant un triangle pouvant servir à faire tourner du matériel roulant (photo 5)Note de bas de page 11. Au moment de l’accident, des wagons couverts étaient garés sur les voies de triage 1 et 2.

    Photo 5. Vue en direction est de la disposition des voies par rapport aux premiers wagons déraillés : voie principale (A), voie de triage 1 (B), voie de triage 2 (C), voie de triage 3 (D), et les voies ouest et est du triangle de virage (E et F)
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    Photo du vue en direction est de la disposition des voies par rapport aux premiers wagons déraillés

    La voie et l’infrastructure du passage à niveau ont subi les dommages suivants :

    • Les dommages à la voie principale commençaient à environ 20 pieds à l’est de la rue Frontenac.
    • Le branchement de la voie principale, quelque 400 pieds de voie principale, et un autre 2000 pieds de voies de triage et du triangle de virage, y compris 3 branchements, étaient détruits.
    • À environ 500 pieds du passage à niveau, la voie principale était déplacée d’environ 4 pieds vers le nord.
    • Les voies de triage 1 et 2 étaient démolies à partir du branchement à l’ouest sur une longueur d’environ 600 pieds et 500 pieds, respectivement.
    • Les rails étaient recourbés et tordus, détachés des selles de rail et déplacés de façon aléatoire. En raison de l’intensité de l’incendie, la plupart des composants de la voie étaient lourdement endommagés.
    • Le mât en porte-à-faux à l’angle sud-est du passage à niveau public de la rue Frontenac et sa boîte de commande ont été fracassés. Des feux de circulation routière, des poteaux d’électricité, des lampadaires et d’autres dispositifs ont également été endommagés.

    Le matériel déraillé qui se trouvait sur le site à Lac-Mégantic comprenait 2 wagons couverts et 63 wagons-citernes chargés.

    Le matériel déraillé s’est arrêté de la façon suivante :

    • Le wagon-tampon (wagon couvert), dont la mâchoire d’attelage à l’extrémité avant était rompue en raison d’une surcharge en tension (rapport du laboratoire d’ingénierie LP184/2013), et les 3 premiers wagons-citernes déraillés s’étaient renversés, s’étaient mis en portefeuille, et étaient partiellement attelés. Ils avaient arrêté leur course à proximité les uns des autres et avaient heurté les 7 wagons couverts garés sur la voie de triage 2, faisant dérailler 1 des wagons couverts à l’arrêt.
    • Les quatrième et cinquième wagons-citernes déraillés s’étaient également renversés, mis en portefeuille, et s’étaient arrêtés entre les voies de triage 2 et 3, à 50 pieds environ au nord de la voie principale. Ils étaient à une distance de 125 pieds des wagons précédents et avaient heurté des rails empilés qui étaient entreposés dans le triage.
    • Les sixième et septième wagons-citernes déraillés, toujours attelés l’un à l’autre, s’étaient arrêtés près de la voie de triage 3, à 150 pieds environ au nord de la voie principale.
    • Le huitième wagon-citerne déraillé était dételé et s’était arrêté dans une zone boisée entre la voie de triage 3 et la voie ouest du triangle de virage.
    • Tous les autres wagons-citernes déraillés étaient empilés en direction de la voie ouest du triangle de virage, et le dernier wagon déraillé s’était arrêté sur le passage à niveau de la rue Frontenac. Les neuvième et dixième wagons étaient encore attelés et alignés avec la plate-forme de la voie. Les 53 wagons suivants s’étaient détachés de leurs bogies, s’étaient mis en portefeuille, et étaient lourdement endommagés. Les débris du matériel déraillé se trouvaient tous sur le site du déraillement. La plupart des essieux montés et des bogies ont été retrouvés au sud des wagons empilés, à quelque 400 pieds au plus du passage à niveau de la rue Frontenac. Aucun morceau de wagon-citerne qui aurait pu être projeté au-delà du centre-ville n’a été signalé.

    Les 9 derniers wagons-citernes du train sont restés attelés au dernier wagon déraillé, mais n’ont pas déraillé.

    Un examen du matériel déraillé a permis de constater que le frein à main du wagon-tampon avait été serré. On n’a relevé le serrage des freins à main sur aucun des wagons-citernes.

    1.8.3 Emplacement du groupe de traction

    Le groupe de traction s’est arrêté à quelque 4400 pieds à l’est du site du déraillement à Lac-Mégantic, au point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead (photo 6).

    Photo 6. Emplacement du groupe de traction (point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead) par rapport au site du déraillement. Les flèches blanches indiquent la route suivie par le groupe de traction le long de la voie principale.
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    Image aérienne de l'emplacement du groupe de traction par rapport au site du déraillement

    À cet endroit, la voie était parallèle à la rue d’Orsennens. Au cours de l’examen des lieux, on a relevé ce qui suit :

    • La voie n’était pas endommagée entre le site du déraillement et l’endroit où se trouvaient les locomotives.
    • Il y avait un résidu huileux noir, semblable à celui relevé à Nantes, sur le sol à côté de la locomotive de tête (MMA 5017) ainsi qu’à quelque 600 pieds à l’est de l’endroit où les locomotives se sont arrêtées.
    • Les freins à main des 5 locomotives et du wagon VB étaient serrés.
    • Il y avait une usure importante de certaines semelles de frein ainsi qu’un bleuissageNote de bas de page 12 plus ou moins prononcé sur la plupart des roues.
    • Une des mâchoires d’attelage qui reliaient la deuxième locomotive (MMA 5026) à la troisième locomotive (CITX 3053) était rompue, et une conduite couplable de locomotive était coincée entre les mâchoires (photo 7), ce qui indique que le groupe de traction s’était séparé puis s’était rassemblé de nouveau.
    • Un morceau de la mâchoire rompue a été trouvé sous la deuxième locomotive, à une quinzaine de pieds de l’attelage (photo 8). La mâchoire et le pivot de la mâchoire de locomotive se sont rompus en raison d’une surcharge en traction, qui a pris naissance dans des fissures de fatigue pré-existantes (rapport du laboratoire d’ingénierie LP184/2013).
    Photo 7. Conduite couplable coincée entre les mâchoires d'attelage de la deuxième et de la troisième locomotives (après l'accident)
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    Photo du conduite couplable coincée entre les mâchoires d'attelage de la deuxième et de la troisième locomotives (après l'accident)
    Photo 8. Morceau de la mâchoire d'attelage de locomotive rompue trouvé sous la deuxième locomotive
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    Photo du morceau de la mâchoire d'attelage de locomotive rompue trouvé sous la deuxième locomotive

    1.9 Freins à air du train

    Les trains sont munis de 2 circuits de freins à air : les freins automatiques et les freins indépendants. Le circuit de freins automatiques serre les freins sur chacun des wagons et sur chaque locomotive du train, et il est normalement utilisé au cours de l’exploitation du train, pour ralentir ou arrêter le train. Chaque locomotive est munie d’un circuit de freins indépendants, qui ne serre les freins que sur les locomotives. Les freins indépendants ne sont normalement pas utilisés au cours de l’exploitation du train, mais servent principalement de frein de stationnement.

    1.9.1 Freins automatiques

    Le circuit de freins automatiques d’un train est alimenté en air par des compresseurs qui se trouvent sur chacune des locomotives en marche. L’air est emmagasiné dans le réservoir principal de la locomotive. Le réservoir fournit une pression d’air d’environ 90 livres par pouce carré (lb/po²) à la conduite générale, qui s’étend d’un bout à l’autre du train, reliant chaque locomotive et chaque wagon. Les changements de pression d’air dans la conduite générale déclenchent le serrage des freins de tout le train.

    Lorsqu’il faut serrer les freins automatiques, le ML place la manette des freins automatiques à la position voulue, ce qui évacue l’air de la conduite générale. Lorsque la valve de commande de frein à air de chaque wagon capte suffisamment de différence de pression, l’air passe dans le cylindre de frein du wagon à partir du réservoir qui se trouve sur chacun des wagons, ce qui a pour effet de serrer les semelles de frein sur les roues.

    Pour desserrer les freins, le ML place la manette des freins automatiques à la position de desserrage, ce qui fait en sorte que l’air du réservoir principal de la locomotive pénètre dans la conduite générale et rétablit la pression à 90 lb/po². Lorsque la valve de commande de frein de chaque wagon capte ce changement, l’air est évacué de son cylindre de frein, et les semelles s’éloignent des roues.

    1.9.2 Freins indépendants

    Les freins indépendants sont eux aussi alimentés en air par le réservoir principal. Lorsqu’il faut serrer les freins indépendants, le ML actionne la manette des freins indépendants, ce qui injecte jusqu’à 75 lb/po² de pression d’air directement du réservoir principal dans les cylindres de frein de la locomotive. Cela a pour effet de serrer les semelles de frein sur les roues (figure 4).

    Figure 4. Schéma des freins à air et des freins à main de locomotive
    Image
    Schéma des freins à air et des freins à main de locomotive

    Pour desserrer les freins indépendants, le ML place la manette des freins indépendants à la position de desserrage, ce qui fait en sorte que l’air est évacué des cylindres de frein de la locomotive, et les semelles s’éloignent des roues.

    1.9.3 Freinage de service

    Un freinage de service est semblable au serrage à fond des freins automatiques. Toutefois, il fait chuter la pression dans la conduite générale à zéro, de sorte qu’un train en mouvement doit s’arrêter le temps de remplir de nouveau la conduite générale. Ce type de freinage se produit lorsqu’un freinage est initié par le circuit, par exemple lorsque le dispositif de veille automatique n’est pas réarmé. Le serrage s’effectue à un rythme qui ne vide pas complètement le réservoir d’air d’urgence de chacun des wagons.

    1.9.4 Freinage d’urgence

    Un freinage d’urgence est le serrage à fond des freins à air d’un train qui fait rapidement chuter la pression dans la conduite générale à zéro, soit parce que la conduite générale s’est séparée, soit parce que l’exploitant a initié le freinage. Par suite d’un freinage d’urgence, tout le circuit d’air du train est vide.

    Lorsque la pression dans la conduite générale est de moins de 40 lb/po², on ne peut pas s’y fier pour déclencher un freinage d’urgence.

    1.9.5 Fuites

    Lorsque le moteur des locomotives est coupé, les compresseurs d’air s’éteignent eux aussi et ne fournissent plus d’air au train. Par conséquent, puisque le circuit a de nombreux raccords, qui sont sujets à des fuites d’air, la pression d’air dans le réservoir principal se met bientôt à diminuer.

    Étant donné que le réservoir principal fournit l’air à l’ensemble du circuit, lorsque la pression dans le réservoir principal atteint celle dans la conduite générale, la pression dans ces 2 composants commence à baisser au même rythme. Le même phénomène se produit lorsque la pression dans le réservoir principal et celle dans la conduite générale atteignent le même niveau que celle dans le cylindre de frein : la pression dans les 3 composants diminue alors au même rythme.

    Au fur et à mesure que la pression d’air dans le cylindre de frein baisse, l’effort exercé sur les roues de la locomotive par les freins indépendants diminue. À la longue, si le circuit n’est pas réalimenté en air, les freins des locomotives deviennent complètement inefficaces.

    1.10 Freins à main du train

    En plus du circuit de freins à air du train, toutes les locomotives et tous les wagons sont munis d’au moins 1 frein à main, qui est un dispositif mécanique qui serre les semelles de frein sur les roues pour les empêcher de bouger ou pour en re tarder le mouvement (photo 9). Habituellement, les freins à main se composent d’une timonerie de frein à main, qui désigne l’extrémité B de chaque wagon. Lorsque la timonerie est resserrée, les freins se serrent.

    L’efficacité des freins à main dépend de plusieurs facteurs, notamment de la lubrification du système d’engrenage du frein à main et de l’ajustement du volant. La force exercée par la personne qui serre le frein à main, qui peut varier énormément d’une personne à l’autre, est un autre facteur important. Par exemple, les normes de l’industrie ferroviaire se fondent sur un couple de serrage de 125 livres exercé sur l’extérieur du volant du frein à main. Toutefois, des enquêtes précédentes du BST ont permis de constater qu’en moyenne, les employés exercent une force de 80 pieds-livres à 100 pieds-livres.

    Photo 9. Timonerie et volant du frein à main à l'extrémité B d'un wagon-citerne
    Image
    Photo du timonerie et volant du frein à main à l'extrémité B d'un wagon-citerne

    1.10.1 Exigences relatives aux freins à main

    Locomotives

    Il n’y a aucune exigence selon laquelle une locomotive devrait être capable de retenir tout autre matériel roulant lorsque le frein à main est serré. Sur de nombreuses locomotives, y compris celles en cause dans l’accident, lorsque le frein à main est serré, seulement 2 des jusqu’à 12 semelles de frein sont serrées sur les roues de la locomotive.

    Pour les locomotives entrées en service après le 4 janvier 2004, la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis exige que le ou les freins à main soient capables à eux seuls de retenir une locomotive sur une pente de 3 %. Ceci équivaut à un coefficient de freinage netNote de bas de page 13 d’environ 10 %. Bien qu’il n’y ait pas eu de telles exigences avant 2004, les constructeurs de locomotives concevaient généralement des freins à main capables de retenir la locomotive sur une pente de 3 %.

    1.10.2 Wagons

    Selon la norme S401 (Brake Design Requirements – Exigences relatives à la conception des freins) du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads (AAR), l’effort exercé sur les roues par les semelles de frein doit être égal à environ 10 % de la charge brute du wagon lorsqu’on applique un couple de serrage de 125 livres sur l’extérieur du volant du frein à main.

    Contrairement à ce qui se produit dans le cas des freins à main de nombreuses locomotives, les freins à main des wagons serrent habituellement toutes les semelles de frein (normalement 8) sur les roues.

    1.11 Essai de l’efficacité des freins à main

    Pour vérifier si les freins à main serrés sont suffisants pour immobiliser le train, les équipes étaient tenues d’effectuer un essai de l’efficacité des freins à main, conformément à la règle 112 (b) du REF, pour s’assurer que le matériel ne se déplacerait pas. Après avoir serré les freins à main, on procède à l’essai en desserrant tous les freins à air et en permettant au jeu d’attelage de s’ajuster sous l’effet de la gravité, ou en essayant de faire bouger légèrement le matériel en utilisant une force raisonnable de la locomotive.

    Si les freins à main empêchent le matériel de bouger, on peut alors en conclure qu’ils sont suffisants. Sinon, il faut serrer plus de freins à main et refaire l’essai jusqu’à ce que le résultat de l’essai de l’efficacité soit satisfaisant.

    Les instructions spéciales de certaines compagnies ferroviaires canadiennes, y compris celles de la MMA, permettaient d’inclure les freins à main serrés sur le groupe de traction dans le calcul du nombre minimum de freins à main nécessaires. Par exemple, si les instructions spéciales d’une compagnie exigeaient qu’au moins 10 freins à main soient serrés, et que le train était exploité à l’aide de 4 locomotives, il suffisait de serrer les freins à main de seulement 6 wagons en plus de ceux serrés sur les locomotives. Lorsqu’il effectue un essai de l’efficacité des freins à main alors que les freins à main du groupe de traction sont serrés, le ML doit compenser pour l’effort de freinage généré par les locomotives avant de déplacer le reste du train.

    1.12 Règles et instructions sur l’immobilisation du matériel roulant

    1.12.1 Règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada

    Le REF est un recueil des règles aux termes desquelles les compagnies ferroviaires canadiennes de compétence fédérale sont exploitées, y compris les activités de la MMA au Canada. Au moment de l’accident, la règle 112 du REF précisait, entre autres, que :

    (a)  Lorsque du matériel roulant est laissé à un endroit quelconque, il faut serrer un nombre suffisant de freins à main pour en assurer l’immobilisation. Des instructions spéciales indiqueront le nombre minimum de freins à main à serrer aux endroits où le matériel roulant est laissé. Si le matériel roulant est laissé sur une voie d’évitement, il faut l’atteler au matériel roulant qui pourrait déjà s’y trouver, à moins que la présence d’un passage à niveau public ou une particularité des lieux oblige à les séparerNote de bas de page 14.

    Pour faire en sorte que l’effort de freinage soit suffisant pour empêcher le mouvement involontaire d’un train ou de wagons, le REF exigeait que l’efficacité soit vérifiée lorsque les freins à main étaient utilisés pour immobiliser du matériel. La règle prévoyait que :

    (b) Avant d’utiliser un ou des freins à main pour immobiliser du matériel roulant laissé sur place ou arrêter un véhicule accompagné à sa destination, il faut en vérifier l’efficacité. Après avoir serré le ou les freins à main, il faut vérifier la résistance au déplacement en déplaçant légèrement le wagon ou la rame de wagons pour s’assurer que le ou les freins serrés produisent un effort de freinage suffisant pour immobiliser le matériel en question […]Note de bas de page 15

    En plus de la règle 112 du REF, les employés de la MMA devaient suivre les instructions spéciales qui se trouvaient dans les Instructions spéciales générales (ISG) et les Règlements de sécurité de la MMA.

    Étant donné que la MMA exerçait ses activités sur un territoire ayant appartenu au CFCP, la compagnie avait adopté les Instructions générales d’exploitation (IGE) du CFCPNote de bas de page 16.

    1.12.2 Instructions spéciales générales de la Montreal, Maine & Atlantic Railway relatives à la règle 112

    La section 112-1, Freins à main, des ISG de la MMA comportait des instructions sur le nombre minimum de freins à main nécessaires et précisait notamment ce qui suit :

    Les membres de l’équipe sont responsables d’immobiliser le matériel à l’arrêt avec des freins à main pour empêcher tout mouvement indésirable. Il ne faut pas dépendre du système de frein à air pour empêcher un mouvement indésirable.

    […]

    Wagons Freins à main Wagons Freins à main
    1 – 2  1 frein à main 50 - 59 7 freins à main
    3 – 9 2 freins à main 60 - 69 8 freins à main
    10 – 19 3 freins à main 70 - 79 9 freins à main
    20 – 29 4 freins à main 80 - 89 10 freins à main
    30 – 39 5 freins à main 90 - 99 11 freins à main
    40 – 49 6 freins à main 100 - 109 12 freins à main

    Nota : […] Si les conditions l’exigent, des freins à main additionnels doivent être appliqués pour empêcher tout mouvement indésirableNote de bas de page 17.

    Les chiffres indiqués dans le tableau sont généralement appelés l’instruction « 10 % + 2 » par les employés de la MMA.

    La section 112-2, Freins à main, nombre minimum réduit, emplacements spécifiques désignés, précisait des endroits spécifiques où le nombre minimum de freins à main avait été réduit. Par exemple, à Sherbrooke, entre les signaux de zone de marche prudente, y compris sur la voie principale et les voies d’évitement, ainsi qu’à Farnham, le nombre minimum de freins à main équivalait à environ 10 %. Dans le triage Megantic, le nombre requis était de moins de 10 %.

    12.12.3 Règlements de sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway relatifs à la règle 112

    La règle de sécurité 9200 de la MMA, Quantité suffisante – Fonctionnement des freins à main, indiquait, entre autres, que :

    Les employés doivent :

    a. Savoir comment manœuvrer les types de freins à main qui équipent les divers types de wagons.

     […]

    c. Avant de manœuvrer le frein à main, faire une inspection visuelle de la roue, du levier, du cliquet et de la chaîne de frein.

     […]

    f. Il faut être conscient et travailler à l’intérieur des limites de vos capacités physiques et ne pas utiliser de force excessive pour accomplir des tâches. Les anciennes pratiques qui ne se conforment pas aux règlements sont inacceptablesNote de bas de page 18.

    La règle de sécurité 9210 de la MMA prévoyait notamment que :

    h. Tous les freins à main doivent être entièrement appliqués sur toutes les locomotives dans le groupe de traction de tête d’un train sans surveillance.

    i. En quittant le matériel de chemin de fer, le nombre minimum de freins à main doit être appliqué tel qu’indiqué dans les instructions spécialesNote de bas de page 19. Des freins à main additionnels peuvent être exigés; les facteurs qui doivent être considérés sont :

    Nombre total de wagons

    Wagons chargés ou vides

    Conditions météorologiques

    Pente de voie

    […]

    k.   En référence au nombre minimum de freins à main dans les instructions spéciales, il est acceptable d’inclure les freins à main appliqués sur des locomotives.

    […]

    m.  Il peut y avoir des situations où tous les freins à main doivent être appliqués.

    […]

    o. Pour s’assurer que les freins à main sont appliqués en nombre approprié, relâcher tous les freins à air et permettre ou forcer le jeu à s’ajuster. Il doit être évident quand le jeu rentre ou sort que les freins à main sont suffisants pour empêcher la tranche de wagons de se déplacer. Ceci doit être fait avant de dételer ou avant de laisser le matériel sans surveillanceNote de bas de page 20.

    1.12.4 Instructions des compagnies ferroviaires de catégorie 1 relatives à la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada

    1.12.4.1 Chemin de fer Canadien Pacifique

    Jusqu’au début de 2013, les instructions du CFCP sur la détermination du nombre minimum de freins à main consistaient à diviser par 10 le nombre de wagons qui allaient être laissés sans surveillance, puis à ajouter 2 au reste. Les instructions comportaient également une exigence selon laquelle chaque locomotive laissée sans surveillance devait être immobilisée à l’aide de son frein à main. Ainsi, lorsqu’un train devait être laissé sans surveillance avec une ou des locomotives attelées, il était acceptable d’inclure les freins à main de locomotive dans le calcul du nombre minimum de freins à main nécessaires.

    Avant l’accident, le CFCP a modifié ses instructions sur les freins à main de sorte qu’elles ne précisaient plus un nombre minimum de freins à main. Ainsi, les équipes avaient la responsabilité d’évaluer leur train et autres conditions d’exploitation afin de déterminer le nombre suffisant de freins à main et d’en vérifier l’efficacité avant de laisser le matériel roulant sans surveillance.

    En outre, la section 2.0 des IGE du CFCP précisait toujours que, sur les pentes douces, raides ou en terrain montagneuxNote de bas de page 21, un nombre de freins à main spécifique (supérieur au nombre minimum) était nécessaire lorsqu’il n’était pas possible d’effectuer un essai de l’efficacité des freins à main. Par exemple, sur les pentes de 1,0 % à 1,29 %, il fallait serrer les freins à main sur 25 % du train. De plus, sur certains territoires, un plus grand nombre de freins à main étaient nécessaires lorsque du matériel était arrêté sur une pente.

    1.12.4.2 Canadien National

    Au Canadien National (CN), les instructions sur les freins à main qui étaient en vigueur au moment de l’accident pour les wagons laissés sans surveillance étaient :

    • De diviser par 10 le nombre de wagons du train et d’ajouter 1 frein à main de plus, jusqu’à un maximum de 5 freins à main.
    • Si l’essai de l’efficacité des freins à main est insatisfaisant, un plus grand nombre de freins à main sont nécessaires pour s’assurer que le matériel demeure immobilisé.
    • À certains endroits précisés dans l’indicateur du CN, le nombre de freins à main nécessaires était le double (jusqu’à un maximum de 10) selon les caractéristiques de la voie.
    • Les trains dont les locomotives sont attelées et au moins 1 locomotive est en marche peuvent être laissés sur la voie principale avec seulement 1 frein à main de locomotive serré en autant qu’il y a continuité du circuit de freinage de tout le train, que les freins à air automatiques sont serrés à fond et que les freins indépendants sont serrésNote de bas de page 22.

    En plus des instructions susmentionnées, le CN avait également les instructions spéciales énoncées ci-après pour laisser des trains ou des transferts sans surveillance en terrain montagneux :

    • Ne pas ménager les efforts, y compris une pré-planification de la part du CCF, pour éviter de laisser des trains ou des transferts sur des pentes raides de plus de 0,75 %.
    • Lorsqu’il est absolument nécessaire de le faire, il faut serrer un nombre suffisant de freins à main pour empêcher tout mouvement involontaire que pourrait entraîner une éventuelle fuite dans le cylindre de frein.
    • Ne pas se fier uniquement aux freins à air automatiques pour immobiliser du matériel roulant en vue d’en empêcher le mouvement involontaire.
    • Utiliser le moins possible les freins à air pour arrêter le train.
    • Laisser les locomotives attelées pour assurer la continuité de la conduite générale d’un bout à l’autre du train, et ne pas purger l’air des wagons avant de serrer les freins à main.
    • Serrer 25 % des freins à main du train sur les pentes de 0,75 % à 0,9 %, et 40 % des freins à main du train sur les pentes allant jusqu’à 1,4 %Note de bas de page 23.

    Les membres d’équipe étaient tenus de communiquer et de confirmer qu’ils avaient laissé le train conformément aux instructions, et ils devaient informer le CCF du nombre de freins à main serrés.

    1.13 Enregistrements

    1.13.1 Consignateur d’événements de locomotive

    Le consignateur d’événements de locomotive (CEL) s’apparente à la « boîte noire » des aéronefs. Le CEL capte et enregistre un certain nombre de paramètres, notamment la position du manipulateur, l’heure, la vitesse et la distance, ainsi que la pression dans la conduite générale et dans le cylindre de frein de la locomotive. Un changement de la pression d’air dans la conduite générale entraîne le serrage (ou le desserrage) des freins à air de chaque wagon. Dans l’accident à l’étude, puisque le train était sans surveillance, le CEL a fourni des données essentielles.

    Le tableau 1 résume certains des renseignements importants téléchargés du CEL de la locomotive de tête. La pression dans la conduite générale est à son maximum à 95 lb/po² (freins complètement desserrés), et la pression dans le cylindre de frein de la locomotive est à son maximum à 70 lb/po² (serrage à fond des freins indépendants). Toute baisse de la pression dans le cylindre de frein correspond à une diminution de l’effort de freinage.

    Tableau 1. Données du consignateur d’événements de locomotive
    Heure mi/h Pression dans la conduite générale
    (lb/po²)
    Pression dans le cylindre de frein de la locomotive (lb/po²) Événement
    5 juillet 2013,
    22 h 49 min 37 s
    0 82 69 Le MMA-002 est arrêté à Nantes par serrage des freins automatiques (13 lb/po²), et les freins indépendants sont serrés à fond.
    23 h 3 min 48 s 0 94 69 Les freins automatiques sont desserrés. Les freins indépendants de locomotive demeurent serrés à fond.
    23 h 58 min 42 s 0 95 69 La locomotive de tête MMA 5017 est arrêtée.
    6 juillet 2013,
    0 h 5 min 55 s
    0 94 70 La pression dans la conduite générale commence à baisser et continue de baisser à un rythme moyen de 1 lb/po² à la minute.
    0 h 13 min 55 s 0 79 69 La pression dans le cylindre des freins indépendants commence à baisser au même rythme que celle de la conduite générale.
    0 h 58 min 21 s 1 32 27 Le MMA-002 part à la dérive.
    1 h 15 min 30 s 65 16 14 La vitesse enregistrée la plus élevée de 65 mi/h est atteinte.
    1 h 15 min 31 s 65 0 14 La pression dans la conduite générale baisse à 0 lb/po² alors que les wagons commencent à dérailler. Le groupe de traction se sépare en 2 sections.
    1 h 17 min 12 s 0 0 6 La première section s’arrête à 5016 pieds à l’est du point de déraillement, au point milliaire 116,30 de la subdivision Moosehead, sur une pente ascendante de 1 %.
    2 h 45 min 6 s 1 0 0 La première section du groupe de traction commence à reculer (vers l’ouest) en descendant la pente en direction du centre-ville de Lac-Mégantic.
    2 h 46 min 23 s 8 0 0 La première section du groupe de traction parcourt 475 pieds en direction ouest et heurte la deuxième section du groupe de traction à l’arrêt.
    2 h 46 min 42 s 0 0 0 Les 2 sections se rassemblent de nouveau et parcourent 106 pieds de plus en direction ouest avant de finalement s’arrêter.

    13.2 Unité de détection et de freinage

    Une unité de détection et de freinage (UDF) est un dispositif placé à la queue du train et qui est relié à la conduite générale du train. L’unité détecte le mouvement du train, surveille la pression dans la conduite générale et transmet les données à la locomotive où elles sont affichées dans la cabine. L’UDF peut également servir à déclencher un freinage d’urgence à partir de la queue du train.

    Les données de l’UDF du MMA-002 ont été téléchargées (rapport du laboratoire d’ingénierie LP132/2013). Une analyse des données de l’UDF a révélé que, lorsque l’UDF a enregistré le premier mouvement (début du déplacement) à Nantes, la pression dans la conduite générale à la queue du train était de 29 lb/po². Environ 16 minutes et 40 secondes après le début du déplacement du train, la pression dans la conduite générale à la queue du train était passée à 0 lb/po².

    1.14 Essais des freins effectués par le Bureau de la sécurité des transports

    1.14.1 Essais des freins à air et des freins à main effectués à l’aide de locomotives et de wagons-citernes semblables

    Un train semblable au MMA-002 a été assemblé pour mettre à l’épreuve le rendement du circuit de freinage. Le train était constitué de 5 locomotives (2 GE C30-7, 2 GE C39-8 et 1 GM SD-40), de 1 wagon VB, et de 80 wagons-citernes de catégorie 111. Le premier essai visait à déterminer combien de temps il faudrait pour couper le moteur manuellement des 4 locomotives menées et serrer des freins à main. Le tableau 2 présente les résultats de l’essai.

    Tableau 2. Temps nécessaire pour arrêter les 4 locomotives menées et serrer des freins à main
    Nombre de locomotives arrêtées Nombre de freins à main serrés Temps nécessaire
    4 7 9 minutes et 20 secondes
    4 9 10 minutes et 55 secondes
    4 18 17 minutes et 20 secondes

    Un deuxième essai a été effectué avec les locomotives arrêtées, la conduite générale complètement remplie d’air, les freins automatiques desserrés et les freins indépendants serrés, pour comprendre les répercussions, sur le circuit de freinage, d’une fuite d’air normale. La pression dans la conduite générale ainsi que celle dans le cylindre de frein de locomotive ont été surveillées à différents endroits sur le train. L’essai a permis de tirer les conclusions suivantes :

    • Après 30 minutes, la pression dans la conduite générale a commencé à baisser et a continué à le faire à un rythme moyen d’environ 1 lb/po² à la minute.
    • Après 50 minutes, la pression dans le cylindre de frein de locomotive a commencé à diminuer au même rythme que celle dans la conduite générale.
    • Après 1 heure et 35 minutes, la pression dans le cylindre de frein a baissé à 27 lb/po², comme c’était le cas au moment où le MMA-002 a commencé à se déplacer.
    • En raison de la diminution lente de la pression dans la conduite générale, aucun serrage des freins automatiques ne s’est produit.
    • En outre, lorsque les disjoncteurs ont été ouverts, aucun freinage de service ne s’est produit.

    1.14.2 Essais des freins à air et des freins à main des locomotives en cause dans l’accident

    Les locomotives du MMA-002 ont été déplacées jusqu’à la voie d’évitement de Vachon aux fins d’examens et d’essais des freins à air et des freins à main. L’examen a comporté un essai sur les fuites des freins de tout le groupe de traction, une évaluation de tout le circuit de freinage de chaque locomotive, et un essai sur l’effort de freinage exercé par les semelles de frein.

    Le premier essai a permis de constater qu’à partir d’un circuit de freinage complètement rempli d’air, il a fallu 1 heure et 6 minutes pour que la pression dans le cylindre de frein baisse à 27 lb/po² en raison de la fuite d’air.

    Le deuxième essai a évalué le rendement de freinage de chaque locomotive et de ses composants. L’annexe C indique les sources de fuite d’air qu’il a été possible de mesurer sur chacune des locomotives.

    On s’attend à ce que l’air s’échappe des circuits des locomotives lorsque le moteur de ces dernières est coupé, mais le temps qui s’écoule avant que l’air soit complètement évacué des freins indépendants varie énormément. On a observé des fuites d’air, parfois excessives à partir de plusieurs composants, mais ces fuites ne dépassaient pas la capacité des locomotives à maintenir la pression dans le circuit, et la totalité de la fuite d’air était dans les normes. Néanmoins, en raison des résultats de ces essais, 5 soupapes, y compris la valve de purge rapide (V.P.R.) du cylindre de frein, ont été retirées pour subir une analyse plus poussée. La majorité des défauts relevés sur les soupapes étaient attribuables à leur âge et à l’état de leurs composants internes (joints d’étanchéité de caoutchouc, joints toriques, ressorts de retenue, etc.). Se référer au rapport du laboratoire d’ingénierie LP185/2013 pour de plus amples détails sur l’état des soupapes.

    1.14.2.1 Valve de purge rapide (du cylindre de frein)

    Sur les locomotives GE C30-7, le cylindre de frein des semelles de frein qui se serrent à l’aide du frein à main est muni d’une V.P.R. La V.P.R. se déclenche normalement lorsqu’on serre le frein à main à l’aide de la chaîne. Une fois déclenchée, la V.P.R. évacue l’air du cylindre de frein et fait en sorte que le frein à main puisse être serré efficacement (photo 10 et photo 11).

    Photo 10. V.P.R. servant à évacuer l'air du cylindre de frein au cours du serrage du frein à main
    Image
    Photo du V.P.R. servant à évacuer l'air du cylindre de frein au cours du serrage du frein à main
    Photo 11. Lorsque le frein à main est resserré, le mouvement vers le haut est censé déclencher le mécanisme de dégagement de la V.P.R.
    Image
    Photo du frein à main est resserré, le mouvement vers le haut est censé déclencher le mécanisme de dégagement de la V.P.R.

    La V.P.R. de la deuxième locomotive (MMA 5026) ne s’est pas déclenchée pour évacuer l’air du cylindre de frein lors de l’essai. Un examen de la V.P.R. a révélé de l’usure et des dommages au poussoir de la V.P.R. et à la surface intérieure du disque de retenue. De plus, l’examen a permis de constater que des réparations non standard avaient été apportées au mécanisme de dégagement de la valve pour tenter de la maintenir en état de fonctionner.

    Si la V.P.R. ne se déclenche pas, les freins à main ne fourniront aucun effort de freinage. Pour veiller à ce que les freins à main continuent à fonctionner sur ces locomotives, la MMA avait publié le Bulletin sommaire d’exploitation 2-276, qui indiquait notamment que :

    [traduction]

    Le frein à main ne se serrera pas si l’air du cylindre de frein R#2 n’est pas évacué. La chaîne du frein à main se serrera et le frein à main pourrait sembler être en place; toutefois, si le cylindre de frein R#2 est en position « out », le frein à main n’est pas serré. Sur les locomotives C-30-7, si l’on n’entend pas l’air s’échapper lorsqu’on serre le frein à main, il se pourrait que la V.P.R. soit défectueuse ou mal ajustée.

    Il est possible de déclencher la valve manuellement à partir du sol du côté droit de la locomotive. La V.P.R. et son levier se trouvent directement à côté de la chaîne du frein à main, sur le dessus du bogie avant entre les essieux 2 et 3. Un membre d’équipe peut déclencher la valve manuellement à l’aide du levier qui se trouve sur la valve. Après le déclenchement de la V.P.R., le frein à main doit être resserré immédiatementNote de bas de page 24.

    Le ML n’était pas au courant de cette instruction.

    1.14.2.2 Examen des roues et des semelles de frein du groupe de traction

    Les roues et les semelles de frein des locomotives ont été examinées. Les semelles de frein ont été mesurées pour analyser l’usure qu’elles avaient subie pendant que le train roulait à la dérive et déterminer l’effort de freinage qui était fourni (rapport du laboratoire d’ingénierie LP182/2013). L’examen a permis d’établir ce qui suit :

    • La garniture de certaines semelles de frein était usée jusqu’à la platine.
    • L’aspect général du bleuissage des roues (photo 12) et l’usure de la garniture des semelles de frein indiquaient que les freins indépendants avaient fourni la majeure partie de l’effort de freinage du train.
    • Seulement certaines des roues sur lesquelles s’exerçait l’effort des freins à main (2 par locomotive) montraient un bleuissage complet de la table de roulement ou une usure excessive de la garniture des semelles de frein. Ces observations laissaient croire que ces freins à main n’avaient pas été bien serrés ou n’avaient pas pu l’être.
    Photo 12. Bleuissage d'une roue de locomotive attribuable à la chaleur
    Image
    Photo du bleuissage d'une roue de locomotive attribuable à la chaleur
    1.14.2.3 Essai de l’effort de freinage exercé par le groupe de traction

    Un examen visant à déterminer l’effort de freinage généré par le groupe de traction a été effectué à l’aide des freins à air et des freins à main (rapport du laboratoire d’ingénierie LP187/2013). En supposant un coefficient de frottement de 0,38 et un couple de serrage de 100 pieds-livresNote de bas de page 25, il a été établi que :

    • Selon les calculs, l’effort de freinage total nécessaire pour retenir le train sur la pente où il était garé à Nantes aurait été d’environ 146 700 livres.
    • Avant de serrer les freins à main, l’effort de freinage total généré par les freins indépendants était d’environ 249 760 livres.
    • Après avoir serré les freins à main (et avoir déclenché les V.P.R. des locomotives qui en étaient munies), l’effort de freinage total généré par les freins indépendants était d’environ 215 500 livres.
    • L’effort de freinage total généré par les 7 freins à main qui étaient serrés sur le train (en tenant compte du fait que la V.P.R. de la MMA 5026 ne s’était pas déclenchée) était d’environ 48 600 livres. Si la V.P.R. avait fonctionné, l’effort de freinage total aurait été de 4830 livres de plus.
    • À une pression de 27 lb/po² dans le cylindre de frein, moment auquel le train a commencé à se déplacer, l’effort de freinage des freins indépendants était réduit à environ 97 400 livres.
    • Le coefficient de freinage moyen des freins à main de locomotive était d’environ 3,8 % (entre 3,0 % et 4,7 %). L’effort de freinage moyen généré par les freins à main de locomotive était d’environ 5590 livres par locomotive. (Lorsqu’un couple de serrage de 80 pieds-livres était appliqué, l’effort de freinage moyen était de 4360 livres par locomotive.)
    • Le coefficient de freinage du wagon VB était de 19,2 %.

    1.14.3 Essais des freins à main et des freins à air des wagons-citernes

    Les freins à air et les freins à main des 9 wagons-citernes qui n’ont pas déraillé ont fait l’objet d’essais, et ils répondaient aux exigences de l’AAR. Avec un couple de serrage de 80 pieds-livres, l’effort de freinage moyen généré par les freins à main était d’environ 6920 livres par wagon. Avec un couple de serrage de 100 pieds-livres, l’effort de freinage moyen généré était d’environ 8650 livres par wagon.

    1.14.4 Essais de l’unité de détection et de freinage

    Des essais ont été effectués sur 1 wagon dans le but de déterminer quel effet le débit de la fuite d’air dans la conduite générale a eu sur le circuit de freins à air du wagon. Par suite d’une fuite simulée dans la conduite générale, la pression dans la conduite générale du wagon a baissé de 5 lb/po² (pour passer à 85 lb/po²) en 7 minutes. Les freins à air du wagon ne se sont pas activés. Le circuit de freinage du wagon a été rempli de nouveau jusqu’à 90 lb/po², et on a répété l’essai. Au cours de cet essai, la pression dans la conduite générale a baissé de 80 lb/po² (pour atteindre 10 lb/po²) en 75 minutes. Une fois de plus, les freins à air du wagon ne se sont pas activés.

    On a procédé à l’essai d’une UDF munie d’une turbineNote de bas de page 26, semblable à celle utilisée à bord du MMA-002, pour établir quel effet l’air évacué de la conduite générale par l’UDF aurait sur le circuit de freins à air du wagon. L’évacuation d’air par l’UDF a presque immédiatement poussé les freins à air sur un seul wagon à s’activer.

    On a ensuite procédé à l’essai d’une UDF munie d’une turbine sur un train constitué de 2 locomotives et de 71 wagons. L’essai a démontré qu’un rythme semblable de fuite dans la conduite générale en raison de l’évacuation d’air par l’UDF déclenchait un serrage des freins sur un train de 5 wagons ou moins, mais pas sur un train de plus de 5 wagons. Comme dans le cas de l’essai effectué sur un seul wagon, cet essai a révélé que la pression d’air dans la conduite générale d’un train complet peut baisser lentement jusqu’à 0 lb/pi2 sans qu’un serrage des freins des wagons se produise.

    1.14.5 Essais additionnels des freins à main des wagons-citernes

    Les compagnies ferroviaires exigent que les freins à air des wagons soient complètement desserrés avant le serrage des freins à main. Toutefois, dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’un train est arrêté sur une pente, il n’est pas possible de desserrer les freins à air avant le serrage des freins à main. Un essai a été effectué sur une rame de wagons-citernes pour déterminer l’effet, sur les freins à main, d’une application de 13 lb/po² des freins automatiques sur le MMA-002 à Nantes. L’essai a permis de constater que, lorsque les freins à main étaient serrés après le serrage des freins à air, un effort de freinage plus grand s’exerçait sur les roues. L’ampleur de cet effort additionnel était en rapport avec le serrage des freins. L’essai a également permis d’établir qu’une application de 13 lb/po² des freins à air donnerait lieu à un effort de freinage des freins à main supérieur d’environ 40 % à ce qu’il aurait été si les freins à air n’avaient pas été serrés.

    1.14.6 Essais antérieurs des freins effectués par suite d’autres accidents

    Le BST a mené des enquêtes sur d’autres événements de trains partis à la dérive dans le cadre desquelles des essais exhaustifs des freins à main ont été effectués (enquêtes ferroviaires du BST : R95C0282, R96C0172, et R91Q0056). Ces enquêtes ont permis de constater qu’en moyenne, de 65 pieds-livres à 80 pieds-livres de couple de serrage avaient été appliqués sur les freins à main. Dans le cas d’un événement, l’air des freins à air s’est échappé et les freins se sont desserrés après environ 7 heures en raison des conditions météorologiques. Dans le cas d’un autre événement, l’air s’est échappé de la majorité des cylindres de frein des wagons environ 1 heure après un freinage d’urgence parce qu’ils étaient en mauvais état. Se référer à l’annexe D pour de plus amples renseignements sur les essais effectués antérieurement par suite d’autres événements.

    1.14.7 Câblage du dispositif de veille automatique de la locomotive

    Les nouvelles locomotives construites depuis 1986 doivent être munies d’un dispositif de veille automatique, qui est un système de contrôle de la vigilance qui déclenche des alarmes puis un freinage de service si le ML ne réarme pas le dispositif, ou si les commandes ne sont pas actionnées à intervalles prédéterminés. Il n’y a aucune norme relative à l’installation des dispositifs de veille automatique. Habituellement, lorsque le disjoncteur d’un dispositif de veille automatique est ouvert ou que l’alimentation électrique d’une locomotive est coupée, un freinage de service se produit. Toutefois, lorsque l’alimentation électrique a été coupée sur la MMA 5017 à Nantes, le dispositif de veille automatique n’a pas déclenché un freinage de service.

    Les 3 locomotives GE du MMA-002 avaient été construites avant 1986 et avaient été modifiées en rattrapage par un ancien propriétaire pour être munies d’un dispositif de veille automatique. Les locomotives ont été examinées par le BST (rapport du laboratoire d’ingénierie LP233/2013), et on a déterminé ce qui suit :

    • Les modifications du câblage des 3 locomotives n’étaient pas uniformes, et le rendement du circuit de freinage de service des 3 locomotives était différent.
    • La locomotive MMA 5017 n’a déclenché un freinage de service dans aucune des situations de perte d’alimentation électrique utilisées dans le cadre de l’examen. Le dispositif de veille automatique avait été relié directement à la batterie. Par conséquent, le dispositif continuait d’être alimenté même lorsque le disjoncteur principal était ouvert.

    Un examen de 5 autres locomotives GE appartenant à la MMA a donné des résultats tout aussi variés. Tout compte fait, aucun freinage de service ne s’est produit lorsque les disjoncteurs ont été ouverts sur 5 des 8 locomotives examinées. Puisqu’il n’est pas obligatoire que le dispositif de veille automatique puisse déclencher un freinage de service si l’alimentation électrique est coupée, il n’est pas obligatoire de vérifier cette fonction lors de visites d’atelier.

    1.15 Locomotive de tête MMA 5017

    La locomotive de tête MMA 5017 était une locomotive GE, modèle C30-7, qui était entrée en service en 1979. Elle était munie d’un moteur turbo diésel à 16 cylindres et à 4 temps, et produisait 3000 chevaux-puissance. La locomotive avait 2 bogies à 3 essieux, et était munie d’un circuit de freins à air de type 26-L. La MMA 5017 pesait environ 195 tonnes.

    1.15.1 Réparation du moteur et incendie à bord de la locomotive MMA 5017

    Le 7 octobre 2012, la MMA 5017 est arrivée à l’atelier à Derby (Maine) à la suite d’une panne moteur. Il a été déterminé que plusieurs ensembles de puissance ainsi que des segments de cames avaient été endommagés en raison de la rupture d’une bielle d’articulation d’un des ensembles de puissance. Le bloc-moteur avait également été endommagé au niveau du même palier à cames. Le 15 mars 2013, la locomotive a de nouveau été envoyée à l’atelier, à cause d’une fuite d’huile au niveau de l’alésage du même palier à cames. Pour colmater la fuite, le boulon de fixation du palier à cames au niveau de l’alésage du palier à cames a été resserré.

    Le 4 juillet 2013, la MMA 5017 était à la tête du train MMA-001, sous la conduite d’un autre ML. Au cours du voyage de Nantes à Farnham, la MMA 5017 a connu des ennuis moteur. Le moteur avait des sautes de régime, ce qui a été signalé par télécopieur à l’atelier de Derby le jour même, et de vive voix à la gestion de Farnham le lendemain matin. Aucune mesure n’a été prise, et la MMA 5017 est demeurée en service.

    Le 5 juillet 2013, avec la MMA 5017 à la tête du MMA-002, le ML a signalé au CCF dès le départ qu’il avait des ennuis avec des sautes de régime moteur lorsque le manipulateur était à son plein régime. Au cours du voyage vers Nantes, les sautes de régime moteur se sont poursuivies et ont empêché le ML de maintenir une vitesse constante. À l’arrivée, on a remarqué une fumée abondante, de couleur noire et blanche, ainsi que des gouttelettes d’huile en provenance de la locomotive de tête. À 23 h 40, peu après le départ du ML, un incendie a pris naissance dans la cheminée de la locomotive (photo 13).

    Photo 13. Incendie à bord de la locomotive à Nantes (source : Nancy Cameron)
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    Photo de l'incendie à bord de la locomotive à Nantes, source : Nancy Cameron

    À la suite de l’accident, le groupe de traction a été envoyé de Lac-Mégantic jusqu’à une installation d’entretien à Saint John aux fins d’examen. Un démontage partiel du moteur de la MMA 5017 a été effectué (se référer au rapport du laboratoire d’ingénierie LP181/2013 pour de plus amples détails). L’examen a permis de constater que le palier à cames s’était rompu lorsque le boulon de fixation a été trop resserré suivant l’installation du palier à cames lors d’une réparation non standard du bloc-moteur. La réparation temporaire a été réalisée à l’aide de polymère, un matériau qui n’avait ni la résistance, ni la durabilité voulues pour ce type d’application (photo 14). La rupture du palier à cames a entraîné une diminution de l’alimentation d’huile moteur à la soupape de commande au sommet de l’ensemble de puissance connexe. Faute de lubrification, les soupapes ont été endommagées et, à la longue, une tête de piston a été perforée. Les soupapes et la tête de piston endommagées ont permis à l’huile moteur de pénétrer dans le cylindre et dans les collecteurs d’admission et d’échappement. Une partie de l’huile moteur s’est accumulée dans le turbocompresseur. Par la suite, l’incendie moteur s’est déclaré dans la cheminée d’échappement à cause de l’accumulation, dans le turbocompresseur, d’huile moteur qui a fini par s’enflammer.

    Photo 14. Polymère appliqué sur l'alésage du palier à cames et coussinet à cames rompu
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    Photo du polymère appliqué sur l'alésage du palier à cames et coussinet à cames rompu

    1.15.2 Conditions anormales du moteur

    La règle de sécurité 9126 de la MMA était ainsi libellée :

    Quand il y a une condition anormale telle que bruit, fumée ou odeur venant du moteur, le moteur devrait être arrêté. Les employés doivent immédiatement partir du compartiment moteur et arrêter le moteur avec le bouton d’arrêt d’urgence sur le pupitre de conduite, panneau de commande ou l’emplacement de ravitaillement de chaque côté de la locomotiveNote de bas de page 27.

    1.16 Moyens d’empêcher les trains de partir à la dérive

    La meilleure façon d’empêcher les trains de partir à la dérive est de choisir un endroit qui limiterait la distance parcourue par un mouvement involontaire (voies en forme de cuvette pour les manœuvres), ou de veiller à ce que les trains ne soient pas laissés sans surveillance en procédant à une relève directe entre les équipes. En raison de nombreux facteurs, tels que les défaillances mécaniques et les conditions météorologiques inclémentes, les compagnies ferroviaires ont élaboré des règles sur l’immobilisation des trains en toute sécurité. Il existe en outre des moyens physiques qui procurent un niveau de sécurité additionnel, notamment :

    • Les dérailleurs – Ils sont généralement installés sur les voies secondaires, et, dans certains cas, sur les voies d’évitement, et placés en position de déraillement pour protéger la voie principale de wagons qui pourraient être partis à la dérive. Aux endroits, tels que sur la voie principale, où il n’y a pas de dérailleur en permanence, des dérailleurs portables, qui pèsent environ 40 livres, peuvent être transportés dans une cabine de locomotive. Un ML peut les installer facilement et ils peuvent constituer un moyen d’empêcher les mouvements involontaires. On ne se sert habituellement pas de dérailleurs portables lors de l’immobilisation de trains sur la voie principale.
    • Les dispositifs de calage –Ce sont des dispositifs portables qui pèsent aussi peu que 20 livres et peuvent être installés sur le rail, directement contre les roues de tête d’un train. Ils assurent un calage temporaire du matériel roulant. Les dispositifs de calage sont utilisés le plus souvent pour l’immobilisation de trains ailleurs que sur la voie principale.
    • Le dispositif mécanique de secours – Ce dispositif déclenche le circuit de freinage d’un train à l’arrêt en cas de mouvement involontaire. Il se compose d’une bride qui se fixe au rail et à la conduite couplable de frein à air de la locomotive de tête. Si le train commence à se déplacer, la conduite se détache de la locomotive, l’air dans la conduite générale est évacué et un freinage d’urgence se déclenche.
    • Le système de freinage pneumatique à commande électronique – Ce type de circuit de freins peut se substituer à des freins à air conventionnels. Le système transmet des signaux électriques aux wagons de façon à serrer immédiatement les freins (freinage rapide); il ne dépend pas de la circulation d’air de la locomotive à chacun des wagons pour déclencher le serrage des freins. Des données sont également transmises entre les locomotives et chaque wagon. Lorsque le système détecte que la pression dans la conduite générale a baissé à moins de 50 lb/po², un message de « basse pression du circuit de freinage » est transmis. Ce message entraîne automatiquement le freinage d’urgence de tous les wagons et de toutes les locomotives munis d’un système de freinage pneumatique à commande électronique.

    Les systèmes de démarrage automatique (aussi appelé démarrage à chaud) peuvent être installés sur les locomotives pour les arrêter et les faire redémarrer automatiquement par souci d’économie de carburant et de protection des systèmes critiques. Les locomotives munies d’un système de démarrage automatique s’arrêtent d’elles-mêmes lorsqu’elles fonctionnent au ralenti pendant une période pré-établie et redémarrent automatiquement lorsque certains paramètres sont atteints, par exemple lorsque la pression dans le cylindre de frein de la locomotive diminue jusqu’à un niveau déterminé, et lorsque la pression dans le réservoir principal passe à moins de 100 lb/po². Toutefois, la fonction de démarrage automatique est annulée si la locomotive est isolée ou si le moteur a été coupé manuellement.

    Certaines des locomotives dont la MMA se servait étaient munies d’un système de démarrage automatique, y compris les locomotives CITX 3053 et CEFX 3166. Le Bulletin sommaire d’exploitation 2-276 de la MMA précise ce qui suit :

    [traduction]

    (L) Démarrages à chaud/Arrêt des locomotives : À moins qu’elles soient munies d’un système de démarrage à chaud qui fonctionne, lorsque la température est de plus de 45 degrés, les mécaniciens doivent arrêter les locomotives qui fonctionneront au ralenti pendant des périodes de plus de 15 minutes [...]Note de bas de page 28

    Lorsque les équipes de la MMA laissaient des trains à Nantes, la plupart laissaient la locomotive de tête en marche et arrêtaient toutes les autres, y compris celles munies d’un système de démarrage automatique. Le soir de l’accident, le ML a coupé le moteur manuellement des locomotives CITX 3053 et CEFX 3166.

    Les instructions d’exploitation adoptées par la MMA à l’égard des systèmes de démarrage automatique des locomotives soulignent l’importance de veiller à ce que les trains soient immobilisés convenablement et fassent l’objet d’un essai de l’efficacité de freins, puisqu’on s’attend à ce que l’air dans le réservoir principal, dans la conduite générale et dans le cylindre de frein soit éventuellement évacué.

    Le dispositif de veille automatique peut être rehaussé de façon à y inclure une fonction de protection contre les départs à la dérive, qui déclenche une alarme sonore dès qu’il détecte un mouvement de 0,5 mi/h. Si le dispositif n’est pas réarmé, un freinage de service est déclenché.

    Comme l’UDF, de concert avec l’unité d’entrée et d’affichage (UEA) dans la locomotive, sert à surveiller la pression d’air, les fabricants ont fait savoir qu’une mise à niveau du logiciel pourrait permettre aux UDF d’être ajustées de façon à déclencher un freinage de service ou un freinage d’urgence avant que la pression dans le circuit de freinage soit rendue trop basse pour générer un freinage efficace.

    1.17 Renseignements sur la voie

    1.17.1 Particularités de la voie

    Dans les environs du déraillement, la voie était composée de longs rails soudés (LRS). Les rails étaient retenus par 2 crampons d’attache par selle sur la voie en alignement et par 3 crampons par selle dans les courbes. Il s’agissait surtout de rails Algoma Steel de 115 livres RE fabriqués entre 1966 et 1971, à l’exception de certaines courbes, dans lesquelles le rail haut avait été fabriqué et installé en 2003. Les rails reposaient sur des selles à double épaulement de 14 pouces. On comptait environ 3200 traverses de bois dur par mille. Une traverse sur deux était encadrée par des anticheminants. Le ballast était composé principalement de pierre concassée, et il était généralement en bon état. On a relevé 10 endroits sur une distance de 10 milles où soit il n’y avait pas suffisamment de ballast, soit le ballast était colmaté.

    1.17.2Forces exercées le long du train, dynamique des véhicules et vitesse de déraillement

    Le MMA-002 est parti à la dérive en roulant en direction est. Alors qu’il s’approchait de la gare Megantic, il est arrivé à la hauteur d’une contre-courbe qui s’amorçait par une courbe de 1,5°, vers la gauche, de 670 pieds, avec un déversNote de bas de page 29 maximum de 1 pouce, suivie d’un tronçon de voie en alignement de 60 pieds, puis d’une courbe de 4,25° vers la droite, de 1200 pieds. Cette courbe s’amorçait par une spirale de 230 pieds, qui commençait à 100 pieds environ à l’ouest du passage à niveau public de la rue Frontenac. Après le passage à niveau, le branchement de Megantic Ouest donnait accès au triage Megantic et aux voies de son triangle de virage. Ce branchement no 11Note de bas de page 30 était un aiguillage gauche manuel de 115 livres qui se trouvait à la fin de la spirale de la courbe.

    Dans la courbe vers la droite qui se trouvait dans les environs du déraillement, le dévers (de 1 pouce à 1½ pouce) correspondait à une vitesse d’équilibreNote de bas de page 31 d’entre 18 mi/h et 22 mi/h. Une analyse de la vitesse des wagons au moment du déraillement a permis d’estimer que 10 wagons roulaient à moins de 40 mi/h lorsqu’ils ont déraillé, et que 5 d’entre eux roulaient à moins de 30 mi/h lorsqu’ils ont déraillé (rapport du laboratoire d’ingénierie LP039/2014) (figure 5). Selon les données enregistrées, le déraillement s’est déroulé en l’espace de 1 minute environ (rapport du laboratoire d’ingénierie LP136/2013).

    Figure 5. Estimation de la vitesse de chacun des wagons lorsqu'ils ont déraillé si le troisième ou le quatrième wagon a été le premier à déraillerNote de bas de page 32
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    Graphe de l'estimation de la vitesse de chacun des wagons lorsqu'ils ont déraillé si le troisième ou le quatrième wagon a été le premier à dérailler

    Au moment du déraillement, le train se trouvait à proximité du branchement de Megantic Ouest. Le train a fait l’objet d’une analyse visant à évaluer les forces qui s’exerçaient le long du train alors qu’il passait de la pente descendante de 1,26 % au terrain relativement plat de 0,2 % à Megantic. Une simulation de la dynamique des véhicules a aussi été effectuée à l’égard d’un wagon-citerne de catégorie 111 franchissant la courbe à la gare Megantic (se référer au rapport du laboratoire d’ingénierie LP188/2013 pour de plus amples détails). L’analyse a permis de déterminer que la force centrifuge jumelée aux forces dynamiques générées par la géométrie de la voie à une vitesse de 65 mi/h était suffisante pour causer le déraillement. Les forces latérales extrêmement élevées qui s’exerçaient sur le rail haut pouvaient entraîner un surécartement de la voie. En outre, l’absence totale d’une force exercée sur le rail bas pouvait causer le soulèvement des roues. L’une ou l’autre de ces conditions, ou une combinaison des deux, pouvait endommager la voie et causer un déraillement.

    1.17.3 Inspections de la voie effectuées par la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    La voie principale était inspectée régulièrement, conformément aux exigences du RSV. Avant l’accident, la MMA avait effectué les inspections suivantes de la voie :

    • Une inspection visuelle avait été effectuée par un employé d’entretien de la voie à bord d’un véhicule rail-route le 5 juillet 2013. Au moment de cette inspection, aucune exception n’a été relevée dans les environs du déraillement.
    • Des inspections mensuelles des branchements étaient effectuées au besoin. Au moment de la dernière inspection des branchements, effectuée le 21 juin 2013, aucune anomalie n’a été relevée.
    • La voie était examinée annuellement pour déceler tout défaut interne des rails à l’aide d’un appareil automatisé de détection des défauts de rail. Le dernier examen des défauts de rail a été effectué le 19 septembre 2012, et aucune anomalie n’a été relevée dans les environs du déraillement.
    • La dernière évaluation de la géométrie de la voie à l’aide d’une voiture de contrôle de la géométrie de la voie remontait au 21 août 2012 (annexe E).

    Dans les environs immédiats des éclisses qui se trouvaient entre le passage à niveau public de la rue Frontenac et le branchement de Megantic Ouest, des données sur la géométrie de la voie ont été relevées à l’égard de la surface, du nivellement en travers, de l’écartement, et de l’alignement.

    Les données relevées à l’égard de la géométrie de la voie ne dépassaient pas les limites maximum permises pour les trains roulant à 15 mi/h. Selon le RSV, pour que la voie puisse être exploitée comme une voie de catégorie 2, son état devait être amélioré pour répondre aux critères pour les trains roulant à 25 mi/h (dans les 72 heures suivant le passage de la voiture de contrôle de la géométrie de la voie). Par conséquent, après l’évaluation de la géométrie de la voie effectuée en août 2012, les éclisses ont été relevées pour remédier aux irrégularités de la géométrie de la voie afin que celle-ci réponde de nouveau aux critères de la catégorie 2. Le ballast colmaté n’a pas été remplacé ni n’a été compacté à l’aide de machinerie lourde.

    1.17.4 Examen de la voie effectué après l’accident

    Le BST a examiné des tronçons de voie sur une trentaine de milles de part et d’autre de la ville de Lac-Mégantic (c.-à-d., entre le point milliaire 106,00 de la subdivision Moosehead et le point milliaire 18,00 de la subdivision Sherbrooke). On a constaté ce qui suit :

    • La surface du rail avait des microfissures, de l’ondulation, et de nombreux signes de patinage des roues et d’écrasement des champignons de rail.
    • Dans de nombreuses courbes, le champignon du rail bas (c.-à-d., celui qui se trouve à l’intérieur de la courbe) était aplati et usé.
    • L’usure verticale du rail dépassait les limites acceptables d’usure aux points milliaires 106,60, 107,50, 110,40, 115,56, et 116,25 de la subdivision Moosehead, et aux points milliaires 3,00, 16,15, 17,50, et 17,60 de la subdivision Sherbrooke. L’usure verticale pouvait atteindre jusqu’à 25 mm (1 pouce) à certains endroits.
    • L’usure latérale du rail n’a pas pu être mesurée avec précision en raison de l’écrasement du champignon et de la perte du profil du rail. Au point milliaire 110,55 de la subdivision Moosehead, la partie latérale du champignon du côté extérieur du rail était complètement usée.
    • Dans la courbe au point milliaire 17,60 de la subdivision Sherbrooke, le rail montrait des signes de flambage (p. ex., le rail ondulait latéralement et les traverses s’étaient déplacées de côté).
    • Aux joints de rail où l’usure verticale du rail était importante, les éclisses avaient été endommagées en raison de chocs causés par les roues (c.-à-d., au contact des boudins de roue). Des marques de contact avec les boudins de roue ont été relevées dans les environs du déraillement (photo 15).
    Photo 15. Éclisse endommagée à cause du contact avec les boudins de roue
    Image
    Photo de l'éclisse endommagée à cause du contact avec les boudins de roue

    1.17.5 Normes d’usure des rails de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Les normes de la voie de la MMA étaient basées sur les normes élaborées antérieurement par le Bangor & Aroostook RailroadNote de bas de page 33 (c.-à-d., les System Track Standards [normes relatives à la voie du réseau], partie I, pour ce qui est des limites d’entretien de la voie, et partie II en ce qui concerne la construction et les pratiques d’entretien).

    À l’égard de l’usure du rail, la section 113.5 b) de la partie I des System Track Standards précise notamment ce qui suit :

    [traduction]

    (1) USURE VERTICALE DU CHAMPIGNON

    115 RE ¾ po. – Limiter la vitesse à 25 mi/h

    […]

    (2) USURE DE L’ÉCARTEMENT (mesurée à cinq huitièmes de pouce du sommet du champignon de rail)

    115 RE ¾ po. – Limiter la vitesse à 25 mi/hNote de bas de page 34

    À la MMA, lorsque l’usure verticale du rail dépassait les limites précisées dans sa norme d’usure du rail, on instaurait une limitation de vitesse temporaire de 25 mi/h. En outre, on consignait le tronçon de voie dans le programme de remplacement de rail. La MMA n’avait pas de limite d’usure verticale du champignon spécifiquement pour les rails éclissés.

    Par comparaison, les normes d’usure de rail des compagnies ferroviaires canadiennes de catégorie 1 comprennent les dispositions suivantes :

    • Les normes de la voie du CN sont comprises dans les normes techniques de la voie TS 1.0 – General 13 et 14, en date de juin 2011. Selon ces normes, la limite d’usure verticale pour un rail de 115 livres est de 16 mm (5/8 pouce) pour les LRS, et de 8 mm pour les rails éclissés. Pour les rails éclissés, des éclisses à profil bas doivent être utilisées pour éviter tout contact entre le boudin de roue et l’éclisse. Les normes d’usure de rail n’exigent pas que le rail soit remplacé tant que la limite d’usure n’est pas atteinte. Toutefois, la somme de l’usure verticale et de l’usure latérale ne doit pas dépasser 21 mm (13/16 pouce). Si le rail présente de l’usure qui dépasse les limites et qu’il doive rester en place sur la voie, une limite de vitesse peut être imposée et des inspections plus fréquentes peuvent être précisées. Il faut également tenir compte de l’état du rail (p. ex., défibrage du congé de roulement, écaillage, usure ondulatoire) si le rail est laissé en placeNote de bas de page 35.
    • Les normes de la voie du CFCP sont comprises dans le Livre rouge des exigences relatives à la voie. Ces normes précisent que la limite d’usure verticale pour un rail de 115 livres RE est de 17 mm (11/16 pouce). Diverses combinaisons d’usure verticale et latérale sont permises, pouvant atteindre jusqu’à 23 mm (7/8 pouce) au maximum. Aux endroits où l’usure du rail est telle que les éclisses subissent des chocs importants causés par les boudins de roue, l’éclisse doit être soudée ou être remplacée par une éclisse à profil bas ou par une éclisse usée compatible. La vitesse des trains doit être limitée à la vitesse la plus près possible de la vitesse d’équilibre jusqu’à ce que l’éclisse soit soudée ou remplacée par une éclisse à profil basNote de bas de page 36.

    1.17.6 Examen des composants de la voie effectué au laboratoire

    Un cœur à secteurs en manganèse no 11 et d’autres composants de la voie ont été récupérés et envoyés au Laboratoire du BST aux fins d’examen (rapport du laboratoire d’ingénierie LP151/2013). L’examen a permis de constater que les pattes de lièvre du cœur de croisement et autres composants étaient endommagés en raison de ruptures par contraintes excessives. Il a également été établi que l’usure verticale du rail était en deçà des limites permises, et qu’il n’y avait aucune anomalie ni fissure de fatigue pré-existante sur les surfaces de rupture.

    1.18 Wagons-citernes de catégorie 111

    En 2013, il y avait environ 228 000 wagons-citernes de catégorie 111 en service en Amérique du Nord, dont plus de 141 000 étaient affectés au transport de marchandises dangereuses. Parmi ceux-ci, 98 000 servaient au transport de marchandises dangereuses de Classe 3 (liquides inflammables). La majorité de ces wagons-citernes étaient des wagons de service général (figure 6). Les spécifications auxquelles ces wagons-citernes sont assujettis sont décrites dans la norme de sécurité CAN/CGSB-43.147 de TCNote de bas de page 37 et dans le Code of Federal Regulations des États-Unis, Titre 49 (49 CFR), paragraphe 179.200Note de bas de page 38, pour le Canada et les États-Unis, respectivement.

    Figure 6. Composants d'un wagon-citerne
    Photo de composants d'un wagon-citerne

    1.18.1 Examen des wagons-citernes déraillés

    Les 63 wagons-citernes déraillés ont été examinés sur place (rapport du laboratoire d’ingénierie LP149/2013), et l’examen a permis de constater ce qui suit :

    • Tous les wagons-citernes avaient été construits pour répondre à la spécification 111A100W1 du Department of Transportation (DOT) des États-Unis entre 1980 et 2012, et 78 % d’entre eux avaient été construits au cours des 5 années précédant l’accident.
    • Tous les wagons-citernes avaient été commandés avant le 1er octobre 2011.
    • Aucun des wagons-citernes n’était muni d’un bouclier protecteur, d’une enveloppe extérieure, ni d’une protection thermique.
    • La coque de 52 wagons-citernes et la tête de 44 wagons-citernes étaient faites d’acier non normaliséNote de bas de page 39.
    • La coque de 11 wagons-citernes et la tête de 19 wagons-citernes étaient faites d’acier normalisé.

    Les 63 wagons-citernes déraillés répondaient tous à la spécification obligatoire qui était en vigueur au moment de leur agrément et de leur construction.

    Le marquage ou le numéro sur certains des wagons-citernes était illisible à cause de dommages attribuables à l’incendie et aux chocs. De surcroît, certaines des plaques d’identification avaient été fixées aux wagons-citernes à l’aide d’attaches dont le point de fusion était bas et elles s’étaient détachées de la citerne au cours de l’incendie qui s’est déclaré après le déraillement.

    1.18.2 Évaluation des dommages subis par les wagons-citernes

    Une évaluation des dommages subis par les 63 wagons-citernes déraillés a révélé que 59 d’entre eux (94 %) étaient perforés et avaient laissé du pétrole brut s’échapper parce que leur citerne avait été endommagée. L’emplacement et l’ampleur des dommages variaient selon l’orientation et la vitesse du wagon au cours du déraillement. De nombreux wagons ont subi des dommages à plusieurs endroits (tableau 3).

    Tableau 3. Répartition des dommages sur les wagons-citernes déraillés
    Coques des wagons-citernes 37 wagons
    Têtes des wagons-citernes 31 wagons
    Raccords supérieurs et enceintes protectrices 20 wagons
    Dispositifs de décharge de pression 12 wagons
    Robinets de déchargement par le bas 7 wagons
    Ruptures thermiques 4 wagons
    Couvercles de trou d’homme 2 wagons

    Un balayage laser en trois dimensions (3D) a été effectué sur quelques-uns des wagons-citernes déraillés (rapport du laboratoire d’ingénierie LP165/2013). L’analyse des données a révélé que la coque de ces wagons-citernes avait subi des dommages attribuables aux chocs allant d’un flambage localisé à un flambage étendu, et avait subi une importante réduction de volume (soit une réduction de volume de près de 40 % pour la plupart des citernes déformées) (photo 16).

    Photo 16. Balayage laser en 3 dimensions d'une citerne très déformée
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    Image du balayage laser en 3 dimensions d'une citerne très déformée
    1.18.2.4 Dommages subis par les longrines centrales tronquées et par les attelages

    Des longrines centrales tronquées se trouvent à chaque extrémité d’une citerne. Sur les wagons qui en sont munis, la citerne sert non seulement à contenir le produit transporté, mais elle constitue aussi la structure principale sur laquelle s’exercent les forces le long du train. Les longrines centrales tronquées sont munies d’appareils de traction qui contribuent à absorber les efforts dynamiques de compression et de traction qui s’exercent sur le train, ainsi que les efforts verticaux qui s’exercent sur l’attelage (photo 17).

    L’examen sur place a révélé ce qui suit :

    • Cinq wagons-citernes n’avaient subi aucun dommage attribuable aux chocs, ni à la longrine centrale tronquée ni à l’attelage.
    • Cinquante-huit wagons-citernes avaient subi des dommages à au moins 1 longrine centrale tronquée ou 1 attelage.
    • Quarante-six wagons-citernes avaient été endommagés aux 2 extrémités, y compris des dommages à la longrine centrale tronquée ou à l’attelage.
    • Les 2 derniers wagons déraillés avaient subi des dommages importants attribuables aux chocs aux longrines centrales tronquées et aux attelages.
    • Neuf wagons-citernes avaient subi une séparation au niveau de la fixation de la longrine centrale tronquée (photo 18).
    Photo 17. Longrine centrale tronquée complète
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    Photo du Longrine centrale tronquée complète
    Photo 18. Longrine centrale tronquée endommagée
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    Photo du longrine centrale tronquée endommagée
    1.18.2.2  Dommages subis par la coque des wagons-citernes

    Plus de la moitié des wagons-citernes (37 wagons) ont laissé du produit s’échapper en raison des dommages attribuables aux chocs subis à la coque (photo 19). La coque des wagons-citernes avait aussi subi d’autres dommages tels que des déformations et des bosselures sans perforation, ainsi que des ruptures thermales.

    Photo 19. Wagons-citernes dont la coque a été perforée (la couleur indique la grosseur relative des perforations : orange=grosse perforation, jaune=perforation moyenne, bleu=petite perforation). La grosseur relative des perforations est indiquée à l'annexe B.
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    Photo dees wagons-citernes dont la coque a été perforée
    1.18.2.3 Dommages subis par la tête des wagons-citernes

    Les 63 wagons-citernes déraillés, à l’exception de 4 d’entre eux, avaient tous subi des dommages quelconques attribuables aux chocs (p. ex., des bosselures ou des perforations) dans la partie supérieure d’au moins une de leurs têtes (photo 20). La moitié environ des wagons-citernes (31) ont laissé du produit s’échapper en raison des dommages subis à la tête.

    Photo 20. Perforation de la tête en raison d'un impact avec un rail
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    Photo d'une perforation de la tête en raison d'un impact avec un rail
    1.18.2.4 Dommages subis par les raccords supérieurs et les enceintes protectrices

    La majorité des wagons-citernes dont les raccords supérieurs ont été endommagés s’étaient immobilisés sur le côté ou à l’envers, ce qui a permis au produit de s’échapper par les raccords supérieurs endommagés et d’alimenter le feu en nappe.

    Les raccords supérieurs de 32 des 63 wagons-citernes étaient entourés d’une enceinte protectrice circulaire d’acier de ¾ de pouce d’épaisseur conçue pour les protéger des discontinuités, conformément aux exigences pertinentes de l’AARNote de bas de page 40 (photo 21).

    Les raccords supérieurs des 31 autres wagons-citernes se trouvaient à l’intérieur d’une enceinte à charnières qui n’était tenue de répondre à aucune des exigences relatives à la protection des discontinuités des raccords supérieurs (photo 22).

    Photo 21. Enceinte protectrice conçue pour assurer la protection des discontinuités des raccords supérieurs de wagon-citerne (couvercle enlevé)
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    Photo d'une enceinte protectrice conçue pour assurer la protection des discontinuités des raccords supérieurs de wagon-citerne
    Photo 22. Enceinte à charnières installée sur les raccords supérieurs de wagon-citerne
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    Photo d'un enceinte à charnières installée sur les raccords supérieurs de wagon-citerne

    L’examen sur place a permis de constater ce qui suit :

    • Les raccords supérieurs de 4 des 27 wagons (15 %) qui étaient munis d’une enceinte de protection des discontinuités des raccords supérieurs et qui ont été endommagés par les chocs étaient perforés.
    • Les raccords supérieurs de 16 des 26 wagons (62 %) qui étaient munis d’une enceinte à charnières et qui ont été endommagés par les chocs étaient perforés.
    1.18.2.5 Dommages subis par les couvercles de trou d’homme

    Le couvercle de trou d’homme sert à sceller la grande ouverture qui se trouve au sommet de la citerne (photo 23). Cette ouverture permet au personnel de pénétrer dans la citerne aux fins d’inspection et d’entretien et, dans le cas des wagons-citernes de catégorie 111, peut également servir au chargement du produit dans le wagon-citerne. Le couvercle est rattaché au manchon du trou d’homme à l’aide d’une charnière, et, généralement, de 6 à 8 boulons. Il est scellé par le serrage des boulons fixés au joint du couvercle de trou d’homme.

    Photo 23. Couvercle de trou d'homme et ouverture
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    Photo du couvercle de trou d'homme et ouverture

    L’examen sur place a permis de constater ce qui suit :

    • Le joint du couvercle de trou d’homme de la plupart des wagons-citernes déraillés avait été endommagé par suite d’une longue exposition à l’incendie qui s’est déclaré après le déraillement.
    • Le couvercle de trou d’homme de 2 wagons était arraché en raison de dommages attribuables aux chocs.
    • Les charnières, les boulons ou les tenons du couvercle de trou d’homme de 22 wagons-citernes avaient subi des dommages attribuables aux chocs qui auraient pu compromettre l’étanchéité des joints.
    1.18.2.6 Dommages subis par les dispositifs de décharge de pression

    Les 63 wagons-citernes déraillés étaient tous munis d’au moins 1 dispositif de décharge de pression à fermeture automatiqueNote de bas de page 41 conforme à la réglementation fédéraleNote de bas de page 42. La pression de début de déchargeNote de bas de page 43 de ces dispositifs était soit de 75 lb/po² (pour 48 wagons), soit de 165 lb/po² (pour 15 wagons). En plus d’avoir des pressions de début de décharge différentes, les dispositifs de décharge de pression ont également différentes capacités de débitNote de bas de page 44. Un dispositif dont le débit est de plus de 27 000 pieds cubes par minute (pi3/min) est considéré comme ayant une grande capacité de débit. Dans le cas à l’étude, 13 des 15 dispositifs de décharge de pression dont la pression de début de décharge était de 165 lb/po² avaient une capacité de débit d’environ 38 900 pi3/min.

    L’examen sur place a permis de constater ce qui suit :

    • La plupart des wagons-citernes dont le dispositif de décharge de pression était endommagé s’étaient immobilisés sur le côté ou à l’envers, de sorte que le dispositif s’est retrouvé en contact avec l’espace liquide à l’intérieur de la citerne; du produit s’est échappé par les dispositifs endommagés et a alimenté le feu en nappe.
    • Le dispositif de décharge de pression de 32 wagons était fixé à l’ensemble du manchon de déchargement par le haut, à l’intérieur de l’enceinte de protection des discontinuités des raccords supérieurs. Les dispositifs de décharge de pression de seulement 3 de ces 32 wagons, soit 9 %, ont été perforés.
    • Dans le cas des 31 autres wagons, le dispositif de décharge de pression était fixé au manchon de la soupape de sûreté au sommet de la citerne (photo 24). Les dispositifs de 9 d’entre eux, soit 29 %, ont été perforés.
    Photo 24. Dispositif de décharge de pression
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    Photo du dispositif de décharge de pression
    1.18.2.7 Dommages subis par les robinets de déchargement par le bas

    La réglementation fédérale exige que les wagons-citernes munis de robinets de déchargement par le bas soient construits de façon à éviter que le robinet soit endommagé et qu’il laisse du produit s’échapper lors d’un déraillement. Des éléments de conception peuvent comprendre, seuls ou en combinaison, des structures autocassantes et des dispositifs de protection contre le glissement autour du robinet, ainsi qu’un mécanisme de verrouillage pour empêcher le robinet de s’ouvrir pendant le transport (photo 25). Le MSRP de l’AAR, Spécification M-1002, Annexe E, section 10.1.2.8, précise que les leviers des robinets de déchargement par le bas, à moins d’être rangés séparément, doivent soit être conçus de façon à se plier ou à se casser sous l’effet de chocs, soit être placés de façon à ce que les leviers, lorsqu’ils sont en position fermée, se trouvent au-dessus de la surface inférieure du dispositif de protection contre le glissement.

    L’examen sur place a permis de constater ce qui suit :

    • Il y avait 36 wagons-citernes dont le manchon du robinet de déchargement par le bas a été cisaillé (photo 26).
    • Sur 7 de ces wagons-citernes, le levier du robinet de déchargement par le bas a été endommagé ou manquait, de sorte que la soupape à bille s’est ouverte ou partiellement ouverte, ce qui a laissé du produit s’échapper.
    • Six wagons-citernes étaient munis de robinets de déchargement par le bas à clé interne. Aucun de ces robinets n’a été perforé.
    • Le levier du robinet de déchargement par le bas de 43 wagons-citernes a été déformé, endommagé par les chocs ou manquait.
    Photo 25. Robinet de déchargement par le bas
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    Photo du robinet de déchargement par le bas
    Photo 26. Robinet de déchargement par le bas dont le manchon a été cisaillé
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    Photo du robinet de déchargement par le bas dont le manchon a été cisaillé
    1.18.2.8 Dommages attribuables aux ruptures thermiques

    Une rupture thermique se produit lorsqu’un wagon-citerne est exposé à des températures élevées telles que celles générées par un incendie qui se déclare par suite d’un déraillement. Au fur et à mesure que la température augmente à l’intérieur de la citerne, le produit se transforme en gaz, ce qui augmente la pression à l’intérieur de la citerne de même que les contraintes qui s’exercent sur sa paroi. Si la pression n’est pas évacuée, la citerne se rompt. Des ruptures qui laissent soudainement s’échapper une accumulation de pression peuvent donner lieu à des explosions et à des incendies importants.

    La protection thermique contribue à ralentir le rythme auquel la température augmente à l’intérieur de la citerne. Elle se présente généralement sous forme d’un matériau isolant posé sur l’extérieur de la citerne et recouvert d’une enveloppe d’acier. La réglementation fédérale précise dans quelles circonstances une protection thermique est obligatoire, ainsi que la norme de rendement à laquelle elle doit se conformer (p.ex., empêcher la rupture de la citerne pendant au moins 100 minutes dans un feu en nappe et pendant au moins 30 minutes dans un feu de torche). La plupart des wagons-citernes de catégorie 111 de service général ne sont pas tenus d’être munis d’une protection thermique.

    L’examen des 63 wagons-citernes déraillés a permis de constater ce qui suit :

    • Aucun des wagons n’était muni d’une protection thermique.
    • Quatre wagons qui n’avaient été que légèrement endommagés par les chocs au cours du déraillement ont subi des ruptures thermiques entraînant une décharge énergétique.
    • La longueur des ruptures thermiques variait de 1,6 m à 4,4 m. Aucun morceau de wagon ne s’est détaché en raison des ruptures thermiques.
    • Toutes les ruptures thermiques se sont produites dans l’espace gazeux de la citerne, et les dispositifs de décharge de pression de ces wagons se trouvaient dans l’espace liquide.
    • Le wagon qui a subi la plus importante des ruptures thermiques (4,4 m) (photo 27) était muni d’un dispositif de décharge de pression dont la pression de début de décharge était de 75 lb/po², alors que le wagon qui a subi la plus petite rupture thermique (1,6 m) était muni d’un dispositif dont la pression de début de décharge était de 165 lb/po².
    • Deux wagons-citernes ont subi une rupture thermique dans les 20 premières minutes environ suivant le début de l’incendie.
    Photo 27. Rupture thermique
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    Photo d'une rupture thermique
    1.18.2.9 Dommages attribuables au perçage par brûlure

    Treize wagons-citernes ont subi une perte localisée du matériau de la citerne sous forme de perçage par brûlureNote de bas de page 45 en raison de dommages extrêmes attribuables à l’incendie (photo 28). Les zones autour des perforations présentaient des rebords irréguliers; le matériau de la paroi de la citerne était aminci et, dans certains cas, il avait des fissures fragiles.

    Photo 28. Perçage par brûlure
    Image
    Photo du perçage par brûlure
    1.18.2.10 Examen métallurgique des wagons-citernes

    Des échantillons ont été prélevés de certains wagons-citernes en cause dans le déraillement aux fins d’analyse métallurgique (rapport du laboratoire d’ingénierie LP168/2013). Au moins 1 wagon-citerne de chacun des constructeurs de wagons-citernes a été choisi pour l’analyse.

    L’examen métallurgique a permis de constater qu’en règle générale, le matériau des wagons-citernes répondait à toutes les spécifications pertinentes en vigueur au moment de leur construction. L’examen des échantillons n’a permis de cerner aucune lacune des matériaux qui aurait pu nuire au rendement des wagons-citernes au cours du déraillement.

    1.18.3 Mesures réglementaires relatives aux wagons-citernes de catégorie 111

    Par suite d’une enquête du BSTNote de bas de page 46 sur un accident survenu en août 2004 mettant en cause un train-bloc de produits pétroliers survenu près de Lévis (Québec), le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports étende les dispositions de sécurité des normes de construction applicables aux wagons de 286 000 livres à tous les nouveaux wagons-citernes non pressurisés transportant des marchandises dangereuses.
    Recommandation R07-04 du BST, émise en 2007

    Par la suite, un groupe de travail de l’AAR a examiné des améliorations à la sécurité des wagons-citernes, et les normes de l’AAR relatives aux wagons-citernes ont été modifiées (Casualty Prevention Circular [circulaire visant la prévention des accidents avec blessés] no CPC-1232)Note de bas de page 47 pour incorporer un certain nombre d’améliorations pour tous les wagons-citernes de catégorie 111 construits après le 1er octobre 2011 destinés au transport de pétrole brut et d’éthanol des groupes d’emballage I ou II. Ces améliorations comprennent l’application, à ces wagons-citernes, des normes de construction pour les wagons de 286 000 livres, la protection du matériel de service au sommet de la coque, l’utilisation de dispositifs de décharge de pression à fermeture automatique, l’utilisation d’acier normalisé pour la coque et la tête des wagons, une épaisseur minimum accrue pour tous les wagons-citernes dépourvus d’une enveloppe extérieure et non isolés, et des demi-boucliers protecteurs d’au moins ½ pouce d’épaisseur. Étant donné que tous les wagons-citernes en cause dans l’accident avaient été construits avant octobre 2011, aucun d’entre eux n’était assujetti aux exigences décrites dans la lettre circulaire CPC-1232 de l’AAR.

    En 2011, l’AAR a demandé aux organismes de réglementation du Canada et des États-Unis d’adopter ces modifications dans leur réglementation.

    En 2012, par suite de son enquête sur l’accident de Cherry Valley (Illinois)Note de bas de page 48, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a formulé, à l’intention de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA), la recommandation que :

    [traduction]

    La PHMSA exige que tous les wagons de service général, nouveaux ou existants, autorisés à transporter de l’éthanol-carburant dénaturé et du pétrole brut des groupes d’emballage I et II soient munis de systèmes améliorés de résistance à la perforation de la tête et de la coque de la citerne et d’une protection des raccords supérieurs qui dépasse les exigences de conception actuelles pour les wagons-citernes DOT-111.
    Recommandation R-12-5 du NTSB

    Dans le cadre de la même enquête, le NTSB a également formulé, à l’intention de l’AAR, la recommandation que

    [traduction]

    L’AAR examine les exigences de conception contenues dans le MSRP C-III, « Specifications for Tank Cars for Attaching Center Sills or Draft Sills », de l’AAR, et révise ces exigences, le cas échéant, pour s’assurer qu’une distance appropriée est maintenue entre les soudures qui fixent la longrine de traction aux plaques de renfort et les soudures qui fixent les plaques de renfort à la citerne dans toutes les directions, en cas d’accidents, y compris en direction longitudinale.
    Recommandation R-12-9 du NTSB

    En septembre 2013, la PHMSA a annoncé qu’elle avait l’intention de proposer l’adoptionNote de bas de page 49, dans les Hazardous Materials Regulations (49 CFR) (Hazardous Materials Regulations [règlement relatif aux matières dangereuses]), de nouvelles exigences relatives aux wagons-citernes. La PHMSA a demandé aux intervenants de lui soumettre leurs observations à l’égard des améliorations aux wagons-citernes de catégorie 111 mises de l’avant en 2011 par l’AAR.

    En novembre 2013, l’AAR et l’American Short Line and Regional Railroad Association (ASLRRA) ont toutes deux exprimé leur appui à l’égard de l’imposition de normes encore plus rigoureuses pour les wagons-citernes. L’AAR et l’ASLRRA ont demandé des améliorations additionnelles pour les wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables (y compris des liquides inflammables du groupe d’emballage III), la modification en rattrapage des wagons-citernes existants affectés au transport de liquides inflammables, et un retrait progressif accéléré des wagons-citernes qui ne peuvent pas être modifiés pour répondre aux nouvelles exigences. Les améliorations comprennent les modifications que voici :

    • enveloppes extérieures, pour que les wagons-citernes soient plus résistants à la perforation;
    • boucliers protecteurs complets;
    • couvertures thermiques ou revêtements de protection thermique jumelés à des enveloppes extérieures;
    • dispositifs de décharge de pression de grande capacité;
    • reconfiguration des leviers de robinets de déchargement par le bas;
    • création possible d’une nouvelle catégorie de wagon-citerne.

    En janvier 2014, TC a proposéNote de bas de page 50 l’adoption, dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (RTMD), des améliorations mises de l’avant par l’AAR en 2011 à l’égard des wagons-citernes de catégorie 111.

    En janvier 2014, la recommandation R14-01 du BST a demandé l’adoption de normes de protection renforcées pour les wagons-citernes affectés au transport de liquides inflammables. Voir la section 4.1.2.1 pour de plus amples détails.

    1.19 Marchandises dangereuses

    Le transport des marchandises dangereusesNote de bas de page 51 est assujetti, au CanadaNote de bas de page 52 et aux États-UnisNote de bas de page 53, à la réglementation fédérale, laquelle se fonde sur les Recommandations relatives au transport des marchandises dangereuses des Nations Unies.

    1.19.1 Classe 3 – Liquides inflammables

    Les liquides inflammables de Classe 3 sont des marchandises dangereuses dont les vapeurs forment au contact de l’air un mélange qui peut s’enflammer à une température de l’air de 60° C ou moins. Les liquides inflammables peuvent présenter de sérieux dangers en raison de leur volatilité et de leur inflammabilité, lesquelles sont déterminées, respectivement, par le point initial d’ébullitionNote de bas de page 54 et par le point d’éclairNote de bas de page 55.

    Puisque la volatilité et l’inflammabilité des liquides inflammables varient considérablement, ces produits sont regroupés selon ces caractéristiques, pour que des exigences différentes puissent être établies à l’égard de l’emballage (contenant), de la manutention et du transport. Conformément au RTMD, les produits de Classe 3 sont divisés en 3 groupes d’emballage, allant du groupe d’emballage I (produits les plus dangereux) au groupe d’emballage III (produits les moins dangereux), selon la répartition que voici :

    • Groupe d’emballage I : si le liquide inflammable a un point initial d’ébullition de 35° C ou moins à une pression absolue de 101,3 kPa, peu importe le point d’éclair.
    • Groupe d’emballage II : si le liquide inflammable a un point initial d’ébullition de plus de 35° C à une pression absolue de 101,3 kPa et un point d’éclair de moins de 23° C.
    • Groupe d’emballage III : si le liquide inflammable ne répond pas aux critères des groupes d’emballage I ou II.

    Le groupe d’emballage est déterminé en fonction du point d’éclair et du point d’ébullition d’un liquide inflammable.

    1.19.2 Pétrole brut

    Le pétrole brut est un liquide inflammable de Classe 3 dont les caractéristiques d’inflammabilité et de volatilité varient énormément, et peut donc être affecté à 1 des 3 groupes d’emballage. Il est principalement décrit en fonction de sa teneur en soufre (de peu sulfureux à sulfureux) et de sa densité (de léger à lourd).

    La densité du pétrole brut est décrite en termes de densité (exprimée en degrés) de l’American Petroleum Institute (API)Note de bas de page 56, échelle selon laquelle un chiffre plus élevé indique une moins grande densité. Les seuils qui servent à déterminer si du pétrole brut est « léger », « moyen » ou « lourd » varient d’une région à l’autre de production et selon l’organisation qui prend la décisionNote de bas de page 57.

    1.19.2.1 Analyses des échantillons de pétrole brut

    Des échantillons de pétrole brut ont été prélevés de 9 wagons-citernes du MMA-002 qui n’ont pas déraillé. Des échantillons ont également été prélevés de 2 wagons-citernes à Farnham qui faisaient partie d’un autre train-bloc de la MMA (MMA-874) transportant du pétrole brut en provenance du même endroit.

    Tous les échantillons de pétrole brut ont été prélevés à la pression atmosphérique. Les analyses ont porté sur les caractéristiques pertinentes à la classification du pétrole brut et à son comportement ainsi que sur l’effet qu’il a eu lors du déversement et de l’incendie qui se sont produits après l’accident. Le danger que présentait le pétrole brut transporté par le MMA-002 n’avait pas été documenté convenablement, puisque les analyses effectuées sur les échantillons ont révélé que les propriétés du produit répondaient aux critères d’un liquide inflammable de Classe 3, groupe d’emballage II. Il a été conclu que la grande quantité de pétrole brut déversé, le taux rapide du déversement ainsi que la volatilité élevée du produit et sa faible viscosité ont contribué de façon significative aux vastes boules de feu et au feu en nappe qui ont suivi le déraillement. Rien n’indiquait que les propriétés du pétrole brut aient pu être modifiées par suite de contamination par des liquides ajoutés au cours du processus de fracturation. Aucun niveau de sulfure d’hydrogène n’a été décelé sur le site du déraillement. Voir l’annexe F pour un aperçu des résultats des analyses effectuées sur les échantillons de pétrole brut, et le rapport du laboratoire d’ingénierie LP148/2013 pour de plus amples détails.

    1.19.3 Exigences réglementaires relatives à la classification et à l’emballage

    Aux termes de la réglementation fédéraleNote de bas de page 58, les marchandises dangereuses doivent être classifiées et emballéesNote de bas de page 59 correctement avant qu’on en demande le transport. Dans le cas des liquides inflammables, la classification consiste à déterminer la principale classe, la sous-classe, le numéro UN, l’appellation réglementaire correspondante et le groupe d’emballage. Une fois la marchandise dangereuse classifiée correctement, un contenant autorisé doit être choisi.

    Pour les marchandises dangereuses importées au Canada, le RTMDNote de bas de page 60 exige que l’importateur (l’expéditeur)Note de bas de page 61 veille à ce que les marchandises dangereuses soient classifiées correctement avant d’être transportées au Canada. Dans le cas des liquides inflammables, le RTMD permetNote de bas de page 62 également à l’expéditeur de se servir de la classification établie par un expéditeur précédent ou par le fabricant.

    Le RTMD permet d’inclure des marchandises dangereuses dans le groupe d’emballage I lorsque le groupe d’emballage est inconnu, et de les inclure dans le groupe d’emballage II lorsqu’on sait (ou qu’il est raisonnable de croire) qu’il s’agit d’un produit du groupe d’emballage II ou IIINote de bas de page 63. Le règlement comprend aussi des dispositions pour les cas décelés ou soupçonnés de classification erronée.

    1.19.4 Fiches de données de sécurité

    Une fiche de données de sécurité (FDS)Note de bas de page 64 est préparée par les fabricants, les distributeurs et les fournisseurs de produits chimiques pour se conformer aux lois et normes fédérales sur les produits dangereuxNote de bas de page 65. La FDS sert surtout à communiquer les dangers des produits chimiques dangereux. Elle contient des renseignements détaillés sur la nature du produit dangereux, y compris ses propriétés physiques et chimiques, ainsi que sur les dangers pour la santé et pour la sécurité et les dangers d’incendie et environnementaux qu’il peut présenter. Bien que cette information ne soit pas exigée aux termes de la législation fédérale, une FDS peut comporter d’autres renseignements, notamment sur la classification et sur le transport de la marchandise dangereuse.

    Certains produits, comme le pétrole brut, contiennent de nombreux ingrédients dont la concentration peut varier selon l’origine du produit et le moment de sa production. La pratique courante au sein de l’industrie, permise aux termes de la législation fédérale sur les produits dangereux, est de préparer et de transmettre des FDS génériques, représentatives à l’égard de produits qui ont des caractéristiques semblables.

    Le pétrole brut que transportait le MMA-002 provenait de puits de pétrole appartenant à 11 producteurs différents de la formation de schiste de Bakken, dans le Dakota du Nord. La compagnie WFSI a fourni 10 FDS différentes à l’égard du pétrole brut transporté par le train (annexe G). La classification du pétrole brut aux fins du transport n’était pas basée sur les renseignements consignés sur les FDS.

    Il n’y avait aucune pratique ni procédure en place en vue de vérifier soit si chaque FDS reflétait correctement les propriétés du produit ou de la famille de produits qu’elle décrivait, soit si les produits étaient classés correctement pour le transport. En outre, même lorsqu’il y avait de nombreuses FDS décrivant des produits ayant des caractéristiques semblables, aucun examen n’était fait pour comparer et faire concorder les renseignements consignés.

    1.19.5 Transport du pétrole brut du Dakota du Nord en direction du Nouveau-Brunswick

    1.19.5.1 Transport routier du pétrole brut

    Le pétrole brut avait été chargé dans des camions-citernes de catégorie DOT-407Note de bas de page 66 exploités par la société Prairie Field Services aux installations de chacun des fournisseurs, et transporté par route jusqu’à l’installation de chargement ferroviaire de New Town, exploitée par la société Strobel Starostka Transfer, LLC (SST).

    Les documents d’expédition indiquaient que le fournisseur de chaque produit en était l’expéditeur et que le consignataire était WFSI. Le produit était décrit sur la majorité des documents d’expédition comme étant du UN 1267, pétrole brut, Classe 3, groupe d’emballage IINote de bas de page 67. Les producteurs de la région de Bakken considéraient le pétrole brut de la région comme étant un produit du groupe d’emballage II, et faisaient imprimer à l’avance des documents d’expédition comportant cette désignation pour les camions-citernes.

    Il n’y avait aucune pratique, procédure ni activité en place en vue de vérifier, de confirmer ou de valider la classification du produit transporté par camion-citerne à partir des installations des fournisseurs jusqu’à l’installation de chargement ferroviaire. Le produit n’était pas testé aux fins de la classification pour le transport routier.

    Dans le cadre des procédures normales d’exploitation de la SST, des échantillons composites du produit expédié de New Town étaient prélevés et analysés (sur une base mensuelle). Les analyses effectuées servaient principalement à déterminer la teneur en soufre, la densité API, le point d’ébullition, et la présence de gaz par fractions légères. Les analyses étaient effectuées surtout aux fins de contrôle et d’assurance de la qualité ainsi que pour établir la valeur marchande du produit. Le point d’éclair du produit n’était pas déterminé.

    1.19.5.2 Transport du pétrole brut par train

    À l’installation de chargement ferroviaire de New Town, le produit a été transbordé directement des camions-citernes à des wagons-citernes de catégorie 111Note de bas de page 68, à raison d’environ 3 camions-citernes complets pour remplir 1 wagon-citerne. Les wagons-citernes avaient été loués par la Western Petroleum Company. Le produit a été chargé, on en a demandé le transport, et il a été transporté de New Town vers Saint John conformément aux dispositions pertinentes du Code of Federal Regulations, Titre 49 (49 CFR)Note de bas de page 69 des États-Unis.

    Les documents d’expédition pour les wagons-citernes indiquaient que l’expéditeur était la Western Petroleum Company et que le consignataire était Irving Oil Ltd. Le produit était décrit comme étant du UN 1267, pétrole brut, Classe 3, groupe d’emballage III.

    Les documents d’expédition pour les wagons-citernes ont été préparés par le CFCP selon les instructions de l’expéditeur. Les instructions ont été transmises par la SST au nom de l’expéditeur par le biais du système d’instructions de lettre de voiture sur le Web hébergé par le CFCP. L’expéditeur n’avait aucune procédure en place en vue de vérifier, de valider ou de confirmer la classification des marchandises dangereuses dont on demandait le transport, ni pour faire concorder les renseignements consignés sur les documents d’expédition des wagons-citernes dont on demandait le transport avec les renseignements relatifs aux produits transbordés dans ces wagons-citernes, avant de remettre les wagons-citernes au CFCP.

    Les caractéristiques du produit en vue de sa classification pour le transport par train n’étaient pas analysées avant qu’on en demande le transport. Une fois le produit arrivé à destination, Irving prélevait des échantillons de pétrole brut en fonction de la quantité de produit qui était déchargée. Les analyses effectuées par un laboratoire sur place visaient à déterminer la densité (utilisée pour calculer la densité API), la pression de vapeur Reid et la présence de sédiments au fond et d’eau.

    Ces analyses étaient effectuées aux fins de contrôle et d’assurance de la qualité, et le point d’éclair et le point initial d’ébullition du produit n’étaient pas déterminés. Irving se fiait à ses fournisseurs pour déterminer la classification du pétrole brut importé, ce qu’autorisait le RTMDNote de bas de page 70.

    1.20 Planification et analyse de l’itinéraire des trains qui transportent des marchandises dangereuses

    La fréquence et les conséquences des déraillements sont fonction de plusieurs facteurs opérationnels, tels que la vitesse du train, l’intégrité des rails, les circuits de freinage et l’intervention d’urgence.

    La vitesse du train est un facteur parce que l’énergie qui se dissipe lors d’un déraillement dépend de l’énergie cinétique du train qui roule, et donc de sa vitesse et de sa masse. Les données du BST sur les déraillements en voie principale survenus entre 2003 et 2012 indiquent qu’une vitesse plus élevée au moment du déraillement est liée de près à un plus grand nombre de wagons déraillés; le nombre de wagons déraillés est un indicateur de la gravité d’un accident. La réduction de la vitesse pourrait réduire la gravité et les conséquences des déraillements, mais n’entraînerait pas nécessairement une diminution du nombre de déraillements. Ceci est attribuable au fait que les normes d’entretien de la voie sont moins rigoureuses pour les voies de moindre catégorie.

    En janvier 1990, l’AAR a publié la Circulaire OT-55, intitulée Recommended Railroad Operating Practices for Transportation of Hazardous Materials. La circulaire donnait à l’industrie ferroviaire des consignes sur des pratiques d’exploitation ferroviaire pour certaines marchandises dangereuses, y compris les produits toxiques à l’inhalation (TIH) et les matières radioactives. Elle précisait aussi des exigences techniques et de manutention pour les « trains clés » et les « itinéraires clés ». La vitesse des trains clés était limitée à 50 mi/h, les voies principales sur les itinéraires clés devaient être inspectées à l’aide de voitures de détection des défauts de rail et de voitures de contrôle de la voie (ou faire l’objet d’un niveau d’inspection équivalent) au moins 2 fois l’an, et toutes les voies d’évitement devaient l’être au moins 1 fois par année. Après l’accident de Lac-Mégantic, la définition de « train clé » a été élargie dans la Circulaire OT-55-NNote de bas de page 71.

    La planification et l’analyse de l’itinéraire comportent une revue systémique détaillée de l’ensemble des opérations, de l’infrastructure, de la circulation et des facteurs qui se répercutent sur la sécurité de la circulation des trains. Afin de choisir l’itinéraire qui présente le moins de risques de sécurité dans son ensemble, les facteurs dont il faut tenir compte sont, entre autres, les dangers attribuables à la nature du produit, à la quantité de produit transportée, à la manutention du produit, aux caractéristiques de l’infrastructure ferroviaire (p. ex., signaux, catégorie de la voie, passages à niveau, systèmes de détection en voie, intensité de la circulation), à la circulation des trains de voyageurs (c.-à-d., voie partagée), à la géographie, aux zones écosensibles, à la densité de la population, et à la capacité d’intervention d’urgence le long de l’itinéraire. La planification et l’analyse de l’itinéraire, ainsi que l’évaluation périodique des risques de sécurité le long de l’itinéraire choisi, sont d’une importance critique pour l’amélioration de la sécurité du transport par train parce qu’elles permettent de s’attaquer aux vulnérabilités cernées de façon proactive (figure 7).

    Figure 7. Itinéraire approximatif des wagons-citernes du MMA-002, qui ont traversé Toronto et Montréal en route vers Lac-Mégantic
    Image
    Carte du itinéraire approximatif des wagons-citernes du MMA-002, qui ont traversé Toronto et Montréal en route vers Lac-Mégantic

    En janvier 2014, la recommandation R14-02 du BST a demandé qu’on procède à la planification et à l’analyse ainsi qu’à des évaluations périodiques de l’itinéraire des trains transportant des marchandises dangereuses. Voir la section 4.1.2.2 pour de plus amples détails.

    1.21 Intervention d’urgence

    Le service d’incendie de Lac-Mégantic a été informé de l’accident par des appels au service 911 immédiatement après l’accident. Compte tenu de l’envergure de l’incendie, on a activé le plan d’intervention d’urgence de la ville. On a sonné la première alarme générale à 1 h 19 le 6 juillet 2013. Le premier véhicule du service d’incendie et la SQ sont arrivés sur le site de l’accident vers 1 h 22 le 6 juillet 2013.

    Le service d’incendie de Lac-Mégantic et ceux de Nantes et de Saint-Augustin-de-Woburn ont des ententes d’entraide inter-municipalités qui permettent une intervention conjointe en cas de sinistres majeurs. Plus de 1000 pompiers de 80 municipalités du Québec et de 6 comtés de l’État du Maine ont participé à l’intervention, ce qui, selon les rapports, serait l’opération de lutte contre l’incendie la plus vaste de l’histoire récente du Québec. À tout moment, il y avait quelque 150 pompiers sur les lieux. Les premiers efforts de lutte contre l’incendie ont consisté à évacuer la population et à empêcher l’incendie de se propager davantage aux structures et aux édifices environnants. Quelque 2000 personnes ont été évacuées.

    Après avoir reçu la confirmation que la marchandise dangereuse en cause dans l’incendie était un hydrocarbure liquide inflammable de Classe 3, les intervenants d’urgence ont évalué la situation et estimé qu’il faudrait environ 33 000 litres de concentré de mousse pour permettre la production ininterrompue de mousse à projeter sur les flammes. Étant donné qu’une telle quantité de produit n’était pas disponible dans les environs, le service d’incendie de Lac-Mégantic a pris des dispositions pour faire transporter du concentré de mousse d’une raffinerie de Lévis, à quelque 180 km de là.

    Le concentré de mousse est arrivé sur les lieux vers 18 h le 6 juillet 2013. L’application de mousse a débuté vers 22 h et s’est poursuivie sans interruption pendant environ 8 heures, jusqu’à ce que l’incendie ait été maîtrisé, à 6 h le 7 juillet 2013. L’incendie a été éteint vers 11 h le 7 juillet 2013, avec quelques reprises mineures occasionnelles par la suite.

    Les hydrocarbures liquides inflammables de Classe 3 présentent un risque d’incendie et d’explosion sous l’action de la chaleur, d’étincelles ou de flammes. Tous les pompiers du Québec reçoivent la formation qu’ils sont tenus d’avoir aux termes des exigences provinciales. La formation comporte un volet sur les marchandises dangereuses, mais n’aborde pas spécifiquement le transport ferroviaire.

    De nombreux organismes sont arrivés sur les lieux à différents moments, notamment des membres du personnel de la MMA, des représentants du CN, de l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC), des représentants des gouvernements fédéral et provincial, des représentants de WFSI, de l’importateur (Irving Oil Commercial G.P.), de l’industrie du pétrole et des sociétés de remédiation environnementale.

    Pendant toute l’intervention d’urgence, des réunions de coordination ont été tenues régulièrement avec tous les intervenants. Au cours de ces réunions, les priorités étaient établies et les participants discutaient des mesures qu’il fallait prendre, et des méthodes d’intervention possibles, ainsi que de leur impact sur le déroulement de l’ensemble des opérations. Pendant plusieurs heures, tous les travaux sur le site ont été interrompus à cause de doutes quant à la capacité de la compagnie de chemin de fer de défrayer tous les coûts associés à l’intervention d’urgence. L’arrêt des travaux a retardé les mesures d’intervention d’urgence et les efforts de remédiation environnementale, de sorte que le pétrole brut a pénétré de nouveau dans des zones qui avaient déjà été sécurisées.

    1.21.1 Plans d’intervention d’urgence

    Les risques que présentent des marchandises dangereuses spécifiques sont déterminés en fonction des propriétés, des caractéristiques et des quantités de marchandises dangereuses qui sont transportées. Un plan d’intervention d’urgence (PIU) est exigé aux termes du RTMD pour certaines marchandises dangereusesNote de bas de page 72 qui présentent un risque plus élevé que la moyenne lorsqu’elles sont transportées en certaines quantités. Les personnes qui demandent le transport de telles marchandises dangereuses ou qui en font l’importation sont tenues d’avoir un PIU agréé par TC.

    Lorsqu’un accident survient, la manutention de ces marchandises exige une expertise, des ressources, du matériel et de l’équipement spécialisés. Un PIU agréé décrit les capacités d’intervention, l’équipement et les procédures spécialisés que les intervenants d’urgence locaux auront à leur disposition pour les aider à faire face aux conséquences de l’accident.

    En 2013, le RMTD n’exigeait aucun PIU agréé pour le transport du pétrole brut (UN 1267). Toutefois, des rencontres ont eu lieu entre la MMA et bon nombre d’intervenants en avril 2013 pour discuter de plans d’entraide mutuelle en cas de déversement de pétrole brut.

    1.12.1.1 Recommandation antérieure

    Par suite de l’enquête du BST sur le déraillement, la collision et l’incendie survenus en 1999 mettant en cause un train-bloc qui transportait des hydrocarbures liquides inflammables près de Mont-Saint-Hilaire (Québec) (rapport R99H0010 du BST), le Bureau a déterminé qu’un plan d’intervention d’urgence exhaustif dans lequel on définit à l’avance les rôles, les ressources et les priorités des interventions d’urgence permettrait d’améliorer l’intervention d’urgence et d’atténuer les risques consécutifs aux accidents. Le Bureau a recommandé que :

    Transports Canada révise les dispositions de l’Annexe I et les exigences relatives aux plans d’intervention d’urgence pour s’assurer que, lors du transport d’hydrocarbures liquides, on tienne compte des risques que ce transport représente pour le public.
    Recommandation R02-03 du BST, émise en juin 2002

    À l’époque, les hydrocarbures liquides n’étaient pas transportés régulièrement par des trains-blocs de wagons-citernes. Le RTMD a été modifié pour exiger un PIU agréé pour le diésel, l’essence et le carburant aviation, lorsqu’on en demande le transport ou qu’on les importe, s’ils sont transportés dans une configuration d’au moins 17 wagons-citernes raccordés dont chacun est plein à 70 % ou plus de sa capacité.

    Dans son évaluation de la réponse à la recommandation R02-03 du BST, le Bureau a indiqué que la modification des critères de demande d’agrément d’un PIU, telle que mise en œuvre par TC, atténuait les risques que représentait, pour le public, le transport de grandes quantités d’hydrocarbures liquides qui étaient transportés régulièrement entre Québec et Montréal dans des wagons-citernes raccordés. Par conséquent, le Bureau a estimé, en août 2008, que la réponse à la recommandation R02-03 du BST était entièrement satisfaisante.

    En janvier 2014, la recommandation R14-03 du BST a demandé qu’on exige des plans d’intervention d’urgence pour le transport de grandes quantités d’hydrocarbures liquides. Voir la section 4.1.2.3 pour de plus amples détails.

    1.22 Montreal, Maine & Atlantic Railway

    La MMA a vu le jour en janvier 2003, lorsque RWI a acquis, de Iron Road Railways, les actifs de la compagnie Bangor & Aroostook Railroad (y compris l’ancien QSR). RWI est une société d’experts-conseils, de gestion et d’investissement de l’industrie ferroviaire qui se spécialise dans la privatisation et la restructuration d’entreprises.

    La MMA était propriétaire de 510 milles de voie ferrée dans le Maine, au Vermont et au Québec, et comptait environ 170 employés. Son siège social était situé à Bangor, et il y avait un bureau canadien à Farnham; quelque 25 ML et chefs de train y étaient basés. Au moment de l’accident, la MMA exploitait environ 15 trains par jour avec un parc de 52 locomotives, dont 38 étaient disponibles pour être mises en service. Des opérations en voie principale étaient effectuées régulièrement entre Millinocket (Maine) et Searsport (Maine), et de Brownville Junction à Montréal. On assurait également le service entre Newport (Vermont) et Farnham pour acheminer des trains en provenance du nord-est des États-Unis en direction ouest jusqu’à Montréal vers des destinations desservies par le CFCP aux États-Unis et dans l’Ouest canadien.

    Le réseau de la MMA se reliait à 7 chemins de fer (de catégorie 1, sur courtes distances et d’intérêt local) et constituait le lien ferroviaire le plus court et le plus direct entre Saint John et Montréal, en passant par le Maine.

    1.22.1 Exploitation des trains MMA-001 et MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Avant juin 2012, le MMA-001 en direction ouest de Brownville Junction et le MMA-002 en direction est du triage Saint-Luc, en passant par Farnham, étaient exploités 3 fois par semaine. Ces trains transportaient des marchandises mixtes, y compris des marchandises dangereuses. Dès que le MMA-002 arrivait à Megantic, une équipe de Brownville Junction le prenait en charge pour poursuivre le voyage. Au début de chaque semaine, une équipe additionnelle de Brownville Junction se rendait jusqu’à Megantic par véhicule automobile pour assurer le voyage ininterrompu du MMA-002. À l’occasion, lorsque ces équipes n’étaient pas disponibles sur le champ, le MMA-002 était laissé sans surveillance à Nantes sur la voie principale ou sur la voie d’évitement. Une fois arrivée à destination, l’équipe de Farnham s’arrêtait pour se reposer et, le lendemain, prenait les commandes du MMA-001, qui avait été immobilisé à Vachon pour la nuit, pour rouler vers l’ouest en direction de Farnham.

    À compter de juin 2012, l’ajout de trains-blocs pour transporter du pétrole brut a fait augmenter le nombre de trains de la MMA. La circulation ferroviaire hebdomadaire en direction est comptait environ 2 trains-blocs de carburant et 5 trains de marchandises mixtes (à raison de 1 train par jour). La circulation ferroviaire en direction ouest comptait aussi environ 1 train par jour. Toutes les relèves d’équipe se faisaient près de Lac-Mégantic. Par suite de cette augmentation de la circulation ferroviaire, l’équipe de Brownville Junction et celle de Farnham s’arrêtaient toutes deux pour se reposer et, une fois qu’ils s’étaient conformés aux exigences relatives au temps de travail et de repos, les membres d’équipe prenaient les commandes de l’autre train en direction opposée pour reprendre le chemin du retour. Le lendemain, le ML du MMA-002 entrait en service plus tôt que le ML du MMA-001. Les trains se croisaient à Vachon; le MMA-001 demeurait sur la voie d’évitement pendant que le MMA-002 passait à côté de lui sur la voie principale.

    En raison de cette pratique de relève d’équipe, le MMA-002 était habituellement laissé sans surveillance sur la voie principale à Nantes et le MMA-001 était laissé sans surveillance à Vachon, souvent pendant 6 heures ou plus. Conformément à la pratique opérationnelle normale de la MMA, le levier d’inversion du sens de marcheNote de bas de page 73 de ces trains était enlevé du pupitre de conduite et placé sur la console ou sur le siège du ML avec les documents du train. Les portes de toutes les locomotives étaient laissées déverrouillées.

    Le voyage entre Farnham et Nantes pour un train de la MMA prenait généralement de 10 à 12 heures. Les trains étaient normalement laissés à Nantes plutôt qu’à Vachon pour éviter que les équipes dépassent la période maximum de service de 12 heures. À certaines occasions, le voyage jusqu’à Nantes prenait plus de temps que prévu, de sorte que les membres d’équipe soit dépassaient le nombre maximum d’heures de travail permises, soit laissaient le train à Gould (Québec), au point milliaire 31,00 de la subdivision Sherbrooke.

    1.22.2 Heures de repos obligatoires du personnel d’exploitation

    La période maximum de service continu du personnel d’exploitation pour un seul quart de travail est de 12 heures. Les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaireNote de bas de page 74 précisent que les membres du personnel d’exploitation qui terminent leur service après avoir effectué plus de 10 heures de travail à un terminal autre que leur terminal d’attache doivent prendre au moins 6 heures de repos consécutives, la période de repos obligatoire commençant au moment où le membre du personnel d’exploitation arrive à l’installation de repos fournie par la compagnie de chemin de fer. En situation d’urgence, les employés qui ont terminé leur service peuvent être rappelés. Si la période de repos d’un membre d’équipe est interrompue, le temps de repos repart à zéro.

    Le ML du MMA-002 avait complété 10 heures et 15 minutes de service continu. Le ML du MMA-001 était assujetti à la même période de repos obligatoire et était hébergé au même endroit à Lac-Mégantic que le ML du MMA-002.

    1.22.3 Immobilisation des trains (MMA-002) à Nantes

    En raison du nouvel horaire des trains, les trains étaient laissés à Nantes et à Vachon (à l’endroit où les 2 trains pouvaient se croiser, à quelque 10 milles de distance). Le fait de laisser le MMA-002 à Nantes signifiait que le train pouvait être garé à un endroit où il n’obstruait pas un passage à niveau, un endroit où il serait facile de laisser descendre et monter des équipes et d’où il serait possible d’avoir accès à la voie d’évitement où des wagons étaient habituellement entreposés. Aucun règlement n’empêchait les trains, y compris les trains transportant des marchandises dangereuses, d’être laissés sans surveillance sur une voie principale. Lorsqu’ils étaient immobilisés à Nantes, les trains étaient laissés sur la voie principale avec au moins 1 locomotive en marche, les freins automatiques desserrés, les freins indépendants serrés, et un certain nombre de freins à main serrés.

    Pour une équipe composée de 2 personnes, l’immobilisation du train était la responsabilité des 2 membres d’équipe. L’immobilisation du train consistait à serrer un certain nombre de freins à main puis à effectuer un essai de l’efficacité des freins. Le chef de train déterminait le nombre de freins à main qu’il fallait serrer et serrait les freins à main une fois le train arrêté. Il arrivait parfois que les ML prêtent main forte pour le serrage des freins à main.

    Lorsque le train était exploité par un seul employé, c’était au ML qu’incombait la responsabilité de serrer les freins à main et d’effectuer l’essai de l’efficacité des freins à main. Pour s’assurer que le train ne commencerait pas à rouler pendant que le ML serrait les freins à main, les freins automatiques étaient serrés.

    Un sondage mené par le BST auprès des ML et des chefs de train pour déterminer quelle était la pratique pour l’immobilisation des trains à Nantes a révélé que le nombre de freins à main serrés sur les trains variait. Les équipes de 2 personnes serraient immanquablement au moins le nombre minimum de freins à main précisé dans les ISG de la MMA. Certains employés qui exploitaient le train seuls ont signalé qu’ils serraient moins que le nombre minimum de freins à main.

    Pour effectuer un essai de l’efficacité des freins à main, certains ML desserraient les freins automatiques et les freins indépendants et essayaient de faire bouger le train, alors que d’autres ne desserraient pas les freins indépendants et n’essayaient pas de faire bouger le train. Lorsque l’essai de l’efficacité des freins à main était effectué correctement, un plus grand nombre de freins à main étaient serrés, au besoin.

    Par souci d’économie de carburant, les instructions de la MMA prévoyaient de couper le moteur de toutes les locomotives au ralenti qui n’étaient pas munies d’un système de démarrage automatique. Pour se conformer à la réglementation des États-Unis (qui exige qu’un employé qualifié procède à un essai des freins si un train n’est pas alimenté en air pendant plus de 4 heures), la pratique à la MMA voulait qu’on laisse en marche au moins 1 locomotive des trains à destination des États-Unis. Certains membres d’équipe laissaient toutes les locomotives en marche par tous les temps.

    1.22.4 Immobilisation des trains (MMA-001) à Vachon

    Peu avant l’accident, le MMA-001 a été garé sur la voie d’évitement à Vachon par un membre d’équipe de Brownville Junction qui exploitait le train seul. Ce dernier devait prendre les commandes du MMA-002 le lendemain matin. Le MMA-001, qui était constitué de 5 locomotives et de 98 wagons-citernes de résidu, avait été immobilisé avec 5 freins à main et les freins indépendants serrés. La porte de la cabine de locomotive était déverrouillée, et les documents du train étaient placés sur la console avec le levier d’inversion du sens de marche. Le nombre minimum de freins à main nécessaires pour un train de cette longueur, selon les instructions de la MMA, était de 11 freins à main.

    1.22.5 Cas récents de trains partis à la dérive à la Montreal, Maine & Atlantic Railway et enquêtes antérieures du BST

    Selon la base de données du BST sur les événements ferroviaires (RODS), il y avait 5 événements mettant en cause du matériel roulant de la MMA parti à la dérive survenus entre le 20 septembre 2004 et la date de l’accident à l’étude. Ces 5 événements s’étaient tous produits lors de manœuvres de triage, dont 1 cas où des wagons se sont engagés sur la voie principale.

    Le BST a aussi fait enquête sur 9 événements mettant en cause des trains partis à la dérive survenus depuis 2005; en plus de l’accident de Lac-Mégantic, 5 autres événements mettaient en cause des chemins de fer sur courtes distances. Dans chacun de ces événements, l’enquête sur l’exploitation de la compagnie de chemin de fer a révélé des lacunes de sécurité en matière de formation, de surveillance et de pratiques opérationnelles (annexe H).

    1.22.6 Formation et recertification des membres d’équipe de la Montreal, Maine & Atlantic Railway à Farnham

    L’article 10 du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires (DORS/87-150) stipule que « la compagnie de chemin de fer doit, à des intervalles ne dépassant pas trois ans, faire subir à tous les employés d’une catégorie d’emploi un réexamen sur les sujets requisNote de bas de page 75. » Aux termes de la règle générale A du REF, tout employé d’un service associé à des mouvements doit :

    […]

    (vi) connaître les règles et instructions de sécurité de la Compagnie relatives à son travail, et s’y conformer;

    (vii) passer avec succès aux intervalles réglementaires, qui ne doivent pas dépasser trois ans, les examens prescrits sur le règlement et avoir avec lui, durant son service, un certificat de compétence valide en la matièreNote de bas de page 76.

    […]

    Les compagnies ferroviaires élaborent et administrent leurs propres programmes de formation et de recertification en fonction de leurs besoins. Les programmes se déroulent habituellement dans une salle de cours où les sujets abordés à l’examen sont passés en revue en présence d’un instructeur et des discussions sont menées pour veiller à ce que les candidats comprennent bien les règles et s’y conforment. Les examens varient d’un examen des connaissances à des mises en situation, avec des questions auxquelles il faut donner des réponses courtes par écrit ou des questions à choix multiples. Les examens portant sur les connaissances contiennent des questions sur des règles ou des instructions précises et se font généralement sans consultation de documents. Les examens qui comportent des mises en situation exigent des candidats qu’ils interprètent et qu’ils mettent en application, dans des situations courantes, des règles du REF ainsi que des instructions spéciales. Ces examens sont généralement des examens à livre ouvert et ils contribuent au développement d’aptitudes à résoudre des problèmes à l’aide des manuels fournis par la compagnie. La rétroaction de l’instructeur est un volet du programme de recertification. Aux termes de la réglementation, TC est habilité à examiner les programmes de formation et de recertification des compagnies.

    La MMA donnait de la formation aux CCF, aux ML, aux chefs de train, et aux employés de l’ingénierie. Un examen du programme de formation et de recertification de la MMA a permis de constater que :

    • Les examens de recertification que la MMA faisait subir à ses employés portaient sur la plupart des règles du REF et sur plusieurs instructions spéciales de la MMA. Il s’agissait d’examens des connaissances avec des réponses courtes et des questions à choix multiples.
    • Le processus de recertification consistait généralement en 1 journée pour compléter l’examen et ne comportait pas toujours une formation en classe. À de nombreuses reprises, les employés avaient apporté l’examen chez eux pour le compléter.
    • Les employés de la MMA n’avaient pas la possibilité de passer en revue leur examen de recertification une fois que celui-ci avait été corrigé, et ne recevaient aucune rétroaction au sujet des erreurs qu’ils avaient commises.
    • Une comparaison entre de nombreux examens de recertification a révélé qu’au fil des ans, ils étaient demeurés sensiblement les mêmes. Toutefois, ils comportaient de plus en plus de questions à choix multiples.
    • Les examens reprenaient la même question au sujet du nombre minimum de freins à main nécessaires pour laisser du matériel roulant sans surveillance. Ils ne comportaient aucune question sur l’essai de l’efficacité des freins à main, ni sur les conditions qui pourraient faire en sorte qu’un plus grand nombre de freins à main que le nombre minimum soit nécessaire, ni sur la stipulation portant qu’il ne faut pas se fier aux freins à air pour empêcher un mouvement involontaire.
    • Il y avait des incohérences sur le plan de la correction et des notes accordées. Dans le cas de certaines questions à choix multiples, différentes réponses avaient été acceptées comme étant la bonne, et dans le cas de certaines questions à réponses courtes, les réponses s’étaient limitées à donner le numéro de la règle du REF pertinente plutôt que de décrire la procédure à suivre.
    • La MMA ne se conformait pas rigoureusement à l’intervalle de 3 ans prescrit pour la recertification. Dans le cas de plusieurs employés, les dates limites avaient été dépassées de plusieurs mois, et des certificats temporaires leur avaient été délivrés.

    1.22.7 Formation et recertification du mécanicien de locomotive

    Le ML en cause dans l’accident avait subi un examen de recertification en septembre 2006. Il avait subi son examen de recertification suivant en décembre 2009, soit 3 mois après la date prévue par le règlement. Le ML avait reçu un nouveau certificat de compétence à l’égard des règles en mars 2013, une fois de plus 3 mois après l’expiration de son certificat précédent. En avril 2013, le ML avait complété l’examen de recertification chez lui, après avoir reçu son nouveau certificat. Le ML n’avait pas reçu de rétroaction au sujet de ses résultats à cet examen.

    Les examens de recertification que le ML avait subis en 2006 et en 2009 comportaient la même question au sujet du nombre de freins à main nécessaires pour une rame de wagons laissés sur une voie d’évitement. À ces deux reprises, les réponses du ML avaient été conformes aux instructions de la MMA sur les freins à main. En 2012, l’examen de recertification que le ML avait complété comportait 2 questions à choix multiples sur le nombre minimum de freins à main nécessaires pour une rame de wagons laissés sans surveillance. Encore là, les réponses du ML avaient été conformes aux instructions de la MMA sur les freins à main.

    Aux termes de la règle générale A du REF, tout employé d’un service associé à des mouvements doit :

    (ii) avoir à portée de la main, quand il est de service, un exemplaire du présent règlement, des instructions générales d’exploitation, de l’indicateur en vigueur et de ses suppléments s’il y en a, et des autres documents prescrits par la CompagnieNote de bas de page 77.

    À la MMA, les autres documents prescrits aux termes de la règle générale A du REF comprenaient ses ISG et ses Règlements de sécurité. Au moment de l’accident, le ML n’avait pas avec lui tous les documents prescrits, y compris les ISG et les Règlements de sécurité.

    1.22.8 Programme de tests fonctionnels et d’inspections de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    La MMA a élaboré le programme de tests fonctionnels et d’inspections (OTIS) pour que ses surveillants vérifient si les employés respectaient les règles et instructions de sécurité ferroviaire. Le programme OTIS de la MMA comportait des observations par les surveillants sur le terrain des employés pendant qu’ils s’acquittaient de leurs tâches. Ces observations devaient se faire à l’improviste. Les employés étaient évalués sur leur conformité aux ISG, aux bulletins d’exploitation, aux Règlements de sécurité, aux indicateurs, aux IGE et au REF.

    Les cas de non-conformité aux règles et aux instructions étaient pris en note, et pouvaient donner lieu à des mesures correctives. Selon la gravité de l’infraction, la non-conformité pouvait donner lieu à une mesure corrective verbale, à une lettre de réprimande ou à une suspension. Toutes les observations étaient consignées dans le système OTIS avec la mention « réussite » ou « échec ». Les employés n’étaient informés des résultats qu’en cas d’échec.

    La MMA avait élaboré un manuel OTIS pour aider les surveillants à mettre en œuvre le programme. Le manuel décrivait les objectifs du programme, donnait des consignes sur la façon d’effectuer les tests et à quel intervalle le faire, ainsi que des instructions générales sur le terrain sur la mise en œuvre du programme. Chaque surveillant était tenu d’effectuer au moins 15 tests OTIS par mois (soit 180 par année). Des consignes additionnelles à l’intention des surveillants leur donnaient notamment :

    • des instructions visant à s’assurer qu’ils effectuaient les observations à différents moments et à différents endroits pour que les employés soient conscients du fait qu’ils pouvaient faire l’objet d’un test n’importe quand;
    • des directives sur la façon d’identifier les employés qui avaient besoin de formation additionnelle sur les règles ou de mesures disciplinaires;
    • des consignes leur conseillant d’aviser périodiquement les employés qui se conformaient assidûment à toutes les instructions d’exploitation qu’ils s’étaient conformés lors d’un test récent;
    • l’élaboration d’une liste de « Règles de base » était dressée. La liste de 2013 des règles sur lesquelles les surveillants devaient se concentrer contenait les règles 112(a) et 112(b) du REF et le bulletin d’exploitation 2-133, qui portaient sur le serrage et l’essai des freins à main;
    • la mention de plusieurs règles qui devaient faire l’objet d’un nombre minimum de tests chaque mois. Par exemple, la règle 112 du REF devait faire l’objet d’un test au moins 2 fois par mois par surveillant.

    Les surveillants recevaient des rapports périodiques (au moins 1 par trimestre) faisant état du nombre de tests qu’ils avaient complétés par rapport au nombre qu’ils devaient faire et leur rappelant sur quelles règles ils devaient se concentrer. Le tableau 4 indique le nombre d’observations OTIS réalisées par chaque surveillant.

    Tableau 4. Observations du programme de tests fonctionnels et inspections (OTIS) effectuées par surveillant
    Surveillant 1 Surveillant 2 Surveillant 3 Surveillant 4 Surveillant 5
    2012 197 58 116 89 s/o
    2011 208 84 137 216 154
    2010 232 181 216 224 260
    2009 233 140 199 177 230

    Nota : Le surveillant 5 n’était plus au service de la MMA à compter de juillet 2011.

    Pendant la période de 4 ans, de 2009 à 2012, voici quels ont été les résultats des tests OTIS :

    • Des 3789 tests effectués, 128 ont été consignés dans le système comme étant des « échecs ».
    • La règle 112 du REF et l’ISG 112 avaient fait l’objet de 31 tests, dont 2 avaient été des échecs.
    • Le bulletin d’exploitation 2-133 avait fait l’objet de 35 tests, dont 5 avaient été des échecs.

    Au cours d’un test visant à s’assurer de la conformité aux règles sur les freins à main, les surveillants vérifiaient le nombre de freins à main serrés pour voir s’il était conforme au nombre minimum exigé. Toutefois, ils vérifiaient rarement si un essai de l’efficacité des freins avait été effectué correctement. Pour ce faire, les surveillants devaient se trouver sur place, à l’improviste, lorsque le train arrivait. Sinon, les surveillants devaient passer en revue les données téléchargées du CEL une fois le voyage terminé. La MMA passait en revue les données téléchargées seulement à la suite d’accidents. Depuis 2009, aucun employé n’avait fait l’objet d’un test sur la règle 112(b) du REF relative à l’essai de l’efficacité des freins à main. En 2012, des employés américains avaient fait l’objet de 2 tests sur cette règle; les 2 s’étaient soldés par un « Échec ».

    Depuis le 1er janvier 2009, le ML du train en cause dans l’accident avait fait l’objet de 97 tests, et avait obtenu 3 échecs. Huit des tests avaient été effectués à l’extérieur de la période comprise entre 8 h et 18 h. Des 97 tests, 70 avaient été effectués à moins de 27 milles de Farnham, et les 27 autres avaient été effectués à Sherbrooke. Sept des 97 tests avaient porté sur la règle 112 du REF ou sur le bulletin d’exploitation 2-133, et le ML les avait réussis. Aucun des tests n’avait ciblé l’essai de l’efficacité des freins à main, et aucun n’avait été effectué à Nantes.

    1.23 Exploitation des trains par un seul employé

    1.23.1 Mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé

    Au moment de l’accident, il n’y avait aucune règle ni aucun règlement empêchant les compagnies ferroviaires de mettre en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé. Au Canada, seulement 2 compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé – la MMA, et le Chemin de fer QNS&L (QNS&L).

    Le QNS&L a commencé à exploiter des trains avec une seule personne en 1996, sans avoir demandé une exemption du ministre à l’égard de certaines dispositions du REFNote de bas de page 78. Une collision est survenue dès la deuxième journée d’exploitationNote de bas de page 79. L’enquête du BST a déterminé que, parce que la compagnie de chemin de fer n’avait pas effectué une analyse exhaustive et n’avait pas mis en œuvre des mesures de sécurité compensatoires efficaces, l’exploitation par un seul employé avait contribué à l’accident. Par conséquent, on a mis sur pied un groupe de travail composé de représentants de TC, de la gestion du QNS&L et des employés, ainsi que de l’industrie et des syndicats. Pour que l’exploitation par un seul employé puisse reprendre, il fallait que les intervenants en arrivent à un consensus sur des conditions minimum d’exploitation qui assureraient un niveau de sécurité équivalent à l’exploitation par des équipes de 2 personnes.

    En septembre 1996, plutôt que d’obliger les compagnies ferroviaires à obtenir des exemptions, TC a suggéré à l’ACFC d’élaborer des règles relatives à l’exploitation des trains par un seul employé.

    En 1997, le QNS&L a réintroduit l’exploitation par un seul employé après avoir adopté 69 nouvelles conditions. Certaines conditions clés consistaient à :

    • donner aux ML et aux CCF de 120 à 130 heures de formation, y compris sur les procédures d’urgence s’appliquant à l’exploitation des trains par un seul employé, et une surveillance du programme de formation par TC;
    • exercer une surveillance accrue des ML;
    • installer des appareils de détection de proximité sur toutes les locomotives de tête, tous les véhicules d’entretien de la voie et tout le matériel sur rails utilisé sur la voie principale.

    En juin 1997, TC a reconnu que l’ACFC avait travaillé à l’élaboration d’une circulaire sur l’exploitation des trains par un seul employé à l’intention de ses membres. Il a tout de même répété qu’il s’attendait à ce que l’ACFC élabore des règles relatives à l’exploitation par un seul employé à inclure dans le REF.

    En 1998, l’ACFC a proposé pour la première fois des modifications à apporter aux règles du REF en vertu de l’article 20 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) à l’égard de l’exploitation des trains par un seul employé. TC a rejeté les modifications proposées parce qu’elles n’établissaient pas des règles relatives à l’exploitation par un seul employé qui assureraient un niveau de sécurité équivalent aux exigences existantes à l’égard de la composition des équipes.

    En 2000, l’ACFC a rédigé, par suite d’un examen et d’une consultation menée auprès de l’industrieNote de bas de page 80, une ligne directrice sur l’exploitation des trains par un seul employé qu’elle a mise à la disposition de ses membresNote de bas de page 81. La ligne directrice se fondait sur les principes de l’évaluation, de l’atténuation, et de la surveillance des risques. La ligne directrice n’a pas été approuvée par TC ni n’était tenue de l’être. La ligne directrice précisait ce qui suit :

    [traduction]

    Les compagnies de chemins de fer doivent informer Transports Canada par écrit au moins 60 jours avant de mettre en œuvre l’exploitation par un seul employé.

    […]

    Avant de mettre en œuvre l’exploitation par un seul employé, la compagnie de chemin de fer doit cerner les questions et les préoccupations de sécurité liées à l’exploitation par un seul employé, évaluer le risque se rattachant à ce type d’exploitation, et prendre les mesures appropriées pour atténuer le risque.

    […]

    Chaque compagnie de chemin de fer doit élaborer et mettre en place un programme de surveillance approprié de l’exploitation par un seul employé qui mesure le rendement de ce type d’exploitation sur le plan de la sécurité.

    Ce programme doit être décrit à Transports Canada et pourrait faire l’objet d’un examen de suivi réglementaireNote de bas de page 82.

    Un exemplaire de la ligne directrice a été fourni à la MMA.

    1.23.2 Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada

    TC peut exiger qu’une nouvelle règle soit élaborée ou qu’une règle existante soit modifiée. L’ACFC, de concert avec les chemins de fer membres de l’Association, procède ensuite à la rédaction de la règle. Une fois complétée, la règle doit être distribuée aux associations d’employés aux fins de commentaires avant d’être soumise à l’approbation du ministre. S’il y a des objections au sujet des modifications proposées, l’ACFC peut répondre aux commentaires reçus de l’association des employés, et puis les commentaires, ainsi que la réponse de l’ACFC, sont transmis aux représentants du ministre pour qu’ils les prennent en considération. Les règles doivent être approuvées par le ministre avant de pouvoir entrer en vigueur. Les compagnies ferroviaires peuvent également formuler des règles de leur propre chef, auquel cas ces règles doivent aussi faire l’objet d’une consultation auprès des syndicats et être soumises à l’approbation du ministre.

    En 2008, une révision en profondeur du REF par l’ACFC, approuvée par TC, a mené à l’introduction de la règle générale M, qui stipulait en partie que « lorsque seulement un membre de l’équipe est en service, le règlement d’exploitation et les instructions nécessitant une conformité conjointe peuvent être mis en application par le mécanicien de locomotive ou le chef de train…Note de bas de page 83 » Il y a eu une période de consultation des syndicats à l’égard des règles de 90 jours ainsi qu’une réunion de 2 jours. Ces modifications aux règles permettaient aux compagnies ferroviaires de mettre en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé sans devoir obtenir d’exemptions de TC à l’égard de règles précises du REF, tel qu’avait été le cas au QNS&L en 1997Note de bas de page 84.

    1.23.3 Exploitation des trains par un seul employé à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    En 2003, la MMA a communiqué avec TC pour discuter de la mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé au Canada. TC a conseillé à la MMA de considérer la mise en œuvre et le mode d’exploitation en vigueur au QNS&L comme étant un modèle des « pratiques exemplaires » canadiennes pour l’exploitation des trains par un seul employé. Entre 2004 et 2008, la MMA n’a pas donné suite à son projet d’exploitation des trains par un seul employé au Canada, car il lui semblait que les 69 conditions qui avaient été adoptées au QNS&L n’étaient pas réalisables.

    En avril 2009, après avoir été informé du fait que la MMA avait l’intention de commencer à exploiter des trains avec un seul employé, TC a initié un projet de rechercheNote de bas de page 85 dans le but d’élaborer des lignes directrices internes pour l’examen des propositions d’exploitation par un seul employé. Le projet devait prendre fin en octobre 2009; il a pris fin en mars 2012 (voir la section 1.23.5).

    En juin 2009, la MMA a soumis son évaluation du risque lié à l’exploitation des trains par un seul employé et sa proposition à TC. La MMA a fait savoir qu’elle avait l’intention d’introduire progressivement l’exploitation par un seul employé, en se servant du tronçon de 23 milles entre la frontière canado-américaine et Lac-Mégantic comme « banc d’essai » en vue d’un éventuel prolongement, en attendant l’approbation de TC. Dans son évaluation du risque, la MMA affirmait qu’un membre d’équipe qui exploite un train seul est plus attentif lorsqu’il travaille seul, et donnait en exemple la réussite qu’elle avait connue précédemment sur son réseau aux États-Unis.

    En juillet 2009, TC a exprimé un certain nombre d’inquiétudes portant surtout sur les lacunes au niveau de l’exploitation de la MMA, y compris l’absence de consultation des employés dans le cadre des évaluations du risque, les problèmes à gérer le matériel, les problèmes au niveau des opérations télécommandées, les problèmes de conformité aux règles, les problèmes relatifs à la gestion de la fatigue, et le manque d’investissement dans l’infrastructure et l’entretien. TC a de nouveau recommandé à la MMA de se pencher sur le processus axé sur le consensus du QNS&L comme modèle pour l’élaboration de conditions opérationnelles.

    En mai 2010, la MMA a entrepris son essai de l’exploitation des trains par un seul employé. TC a été informé que les membres d’équipe de la MMA qui exploitaient le train seuls traversaient la frontièreNote de bas de page 86 pour se rendre jusqu’à Nantes. Toutefois, à de nombreuses reprises, TC a appris que la MMA avait exploité des trains avec un seul employé avec des membres d’équipe américains au-delà de ces limites à cause des conditions météorologiques ou d’autres problèmes tels que des défaillances du matériel. Il n’y avait aucun indicateur de rendement pour assurer le suivi, et aucun programme officiel de surveillance n’avait été établi. Le bureau de la région du Québec de TC a répété qu’il s’inquiétait à savoir si la MMA constituait un bon candidat pour l’exploitation des trains par un seul employé.

    Également en mai 2010, l’administration centrale de TC et la FRA ont effectué un examen informel des activités de la MMA aux États-Unis, y compris l’exploitation des trains par un seul employé. Par suite de cet examen, TC et la FRA ont relevé 4 domaines qui devaient faire l’objet de mesures correctives, y compris l’absence d’un PIU écrit, et des inquiétudes au sujet de la fatigue des employés, de l’efficacité de la surveillance exercée par la compagnie, et de la conformité aux règles.

    En décembre 2011, la MMA a informé TC qu’à compter du 9 janvier 2012, elle allait prolonger l’exploitation par un seul employé des trains en direction ouest jusqu’à Farnham. TC a indiqué qu’il considérait ce prolongement comme étant un changement opérationnel important, rappelant à la compagnie qu’il fallait faire une nouvelle évaluation du risque. La MMA a soumis une évaluation révisée du risque lié à l’exploitation par un seul employé qui faisait état de 16 risques. Plusieurs mesures d’atténuation du risque y étaient proposées et, le cas échéant, ont été ajoutées aux instructions spéciales de la compagnie pour l’exploitation des trains par un seul employé, telles que la nécessité d’informer les autorités locales au sujet de l’exploitation par un seul employé, d’établir des procédures à l’intention d’un employé qui exploite le train seul lorsqu’il prend en charge un train laissé sans surveillance, de donner la permission à un ML qui travaille seul d’arrêter le train pour faire des petites siestes de 20 minutes, et exiger que le ML communique de façon formelle avec le CCF au moins toutes les 30 minutes. Cette évaluation du risque ne faisait pas état du risque que présente, pour un employé qui exploite le train seul, le fait de devoir effectuer seul des tâches qui incombaient auparavant à 2 personnes, telles que d’immobiliser un train et de le laisser sans surveillance à la fin de son quart de travail, et aucune mesure n’était prévue à cet égard.

    En février 2012, TC a rencontré des représentants de la MMA et de l’ACFC. TC a informé la MMA que TC n’approuvait pas l’exploitation des trains par un seul employé. La MMA n’avait qu’à se conformer à toutes les règles et à tous les règlements pertinents. Le bureau de la région du Québec de TC continuait de s’inquiéter de la sécurité de l’exploitation par un seul employé à la MMA.

    En avril 2012, la convention collective a été renégociée pour permettre l’exploitation des trains par un seul employé. Un peu plus tard en avril, le bureau de la région du Québec de TC a reconnu que la MMA irait de l’avant avec son projet de prolongement de l’exploitation des trains par un seul employé jusqu’à Farnham, une fois que les consultations auprès des employés seraient complétées et que les membres d’équipe auraient reçu de la formation. La MMA s’est engagée à informer l’organisme de réglementation à l’avance de la date à laquelle débuterait l’exploitation par un seul employé.

    La formation prévue sur l’exploitation des trains par un seul employé à l’intention des ML (qui devait être une formation d’une durée de 4 heures environ) était censée porter sur les nouvelles instructions spéciales relatives à l’exploitation par un seul employé.

    La formation sur l’exploitation des trains par un seul employé effectivement donnée à plusieurs ML, y compris le ML en cause dans l’accident, s’était limitée à une courte séance d’information dans le bureau du gestionnaire sur la nécessité de communiquer avec le CCF toutes les 30 minutes, sur la permission de prendre des petites siestes, et sur la nécessité d’arrêter le train pour consigner les autorisations de circuler. Dans certains cas, la formation n’avait été qu’une courte séance au cours de l’heure précédant le départ du train que l’employé devait exploiter seul pour la première fois. La formation ne portait pas sur la gestion de la fatigue ni sur les tâches normalement effectuées par le chef de train, comme de déterminer le nombre minimum de freins à main. Un examen des enregistrements des CCF a révélé que l’instruction sur la nécessité de communiquer avec le CCF au moins toutes les 30 minutes n’était pas suivie assidûment.

    En juillet 2012, la MMA a commencé à exploiter des trains avec un seul employé entre Lac-Mégantic et Farnham. Cependant, aucune analyse des tâches liées à l’exploitation des trains par un seul employé n’a été effectuée avec les employés qui travaillaient sur ce territoire, et tous les dangers possibles liés à ces tâches n’ont pas été identifiés. La MMA n’avait aucun plan visant à assurer la surveillance ni à évaluer l’exploitation des trains par un seul employé outre la surveillance qu’elle exerçait déjà. La MMA a pris des mesures spécifiques, notamment :

    • étendre la portée radio pour éliminer les « zones mortes »;
    • remettre aux membres d’équipe qui exploitent le train seul de l’équipement leur permettant de télécommander les locomotives;
    • rencontrer toutes les collectivités le long de la voie;
    • installer des miroirs du côté gauche des locomotives;
    • relever les endroits le long de la voie où un hélicoptère pourrait se poser pour évacuer des employés;
    • prendre des dispositions avec des entreprises de services d’urgence pour qu’elles soient « en disponibilité » si une évacuation s’avérait nécessaire.

    Le 29 août 2012, TC a appris que la MMA avait prolongé l’exploitation des trains par un seul employé jusqu’à Farnham. TC n’a pas vérifié si les mesures d’atténuation précisées dans l’évaluation du risque de la MMA avaient été mises en œuvre ou si elles étaient efficaces.

    En mars 2013, TC a publié une ligne directrice interne pour aider à évaluer les demandes présentées à l’égard de l’exploitation des trains par un seul employé. La ligne directrice avait pour but de donner au personnel des bureaux régionaux de TC un guide pour examiner les évaluations du risque lié à l’exploitation par un seul employé présentées par les compagnies ferroviaires et pour y donner suite.

    1.23.4 Examen de la proposition de la Montreal, Maine & Atlantic Railway par rapport aux exigences décrites dans la norme CSA-Q-850

    En décembre 2011, 2 documents d’orientation publiés par TC pour la présentation de demandes relatives aux règles recommandaient l’utilisation de la norme CSA-Q-850-97, intitulée Risk Management Guidelines for Decision-Makers (octobre 1997). Une comparaison a été effectuée entre l’évaluation du risque soumise par la MMA à l’égard de l’introduction de l’exploitation des trains par un seul employé et les exigences décrites dans la norme CSA-Q-850-97. Cette comparaison a révélé des lacunes importantes dans le processus utilisé par la MMA. Par exemple, la MMA ne s’est pas penchée sur les données de sécurité pour cerner les tendances en la matière et pour identifier certains des dangers possibles lorsque des changements opérationnels importants étaient envisagés.

    1.23.5 Recherches sur l’exploitation des trains par un seul employé

    La demande que lui a présentée la MMA en 2009 a incité TC à entreprendre de nouvelles recherches sur l’exploitation des trains par un seul employé. TC a reconnu qu’il n’avait pas les outils nécessaires pour examiner les évaluations du risque lié à l’exploitation des trains par un seul employé.

    TC a passé un contrat avec le Conseil national de recherches (CNR) pour effectuer ces recherches. Le rapport, diffusé en 2012, indiquait que l’impact en matière de sécurité de l’exploitation des trains par un seul employé est spécifique à chaque tâche, et que la conception des mesures d’atténuation des risques devrait tenir compte de ce facteur. Le rapport reconnaissait que le fait de réduire le nombre de membres d’équipe de train à une seule personne sans adopter des changements opérationnels appropriés et sans ajouter des moyens technologiques d’intervention réduit la sécurité. Le rapport renfermait les recommandations que voiciNote de bas de page 87 :

    • consolider les connaissances sur les facteurs humains pour en faire une référence sur les pratiques exemplaires;
    • cerner quels dispositifs technologiques sont nécessaires pour appuyer pleinement l’exploitation des trains par un seul employé en fonction de la complexité des opérations;
    • préparer un guide sur l’exploitation des trains par un seul employé comprenant des recommandations en matière de formation et d’actualisation des connaissances à l’intention du personnel d’exploitation;
    • élaborer des protocoles de communication;
    • rédiger un recueil de procédures à utiliser pour déterminer si une opération donnée se prête à l’exploitation par un seul employé;
    • tenir un atelier avec des représentants de TC, du CNR, et des compagnies ferroviaires pour passer en revue les connaissances au sujet de l’exploitation des trains par un seul employé et pour identifier un ou deux itinéraires dont on pourrait se servir pour effectuer un essai-pilote;
    • effectuer un essai-pilote, y compris une surveillance et une évaluation détaillées, d’une période de 2 ans.

    Aux États-Unis, la FRA a procédé à une série d’analyses des tâches cognitives portant sur les membres des équipes de trainNote de bas de page 88. Les conclusions au sujet du rôle du chef de train sont, notamment :

    • Non seulement les chefs de train et les ML travaillent-ils ensemble pour surveiller le milieu opérationnel à l’extérieur de la cabine de locomotive, mais ils collaborent également pour planifier les activités, résoudre les problèmes, et planifier et mettre en œuvre des stratégies d’atténuation des risques.
    • L’exploitation en territoire montagneux peut augmenter considérablement la complexité des tâches du chef de train, nécessitant ainsi des efforts cognitifs additionnels.
    • Lorsque le chef de train doit faire face à des situations inattendues, ces situations imprévues imposent des efforts tant cognitifs que physiques au chef de trainNote de bas de page 89.
    • Les nouveaux dispositifs technologiques, tels que les systèmes de commande intégrale des trains, n’arriveront pas à donner autant de soutien qu’un chef de train pour l’exécution des tâches cognitives.

    L’exploitation des trains par un seul employé a été mise en œuvre ailleurs dans le monde, y compris aux États-Unis, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans de nombreux cas, de nouveaux dispositifs technologiques ont été utilisés pour atténuer les risques liés au fait d’exploiter des trains avec un membre d’équipe en moins (annexe I).

    1.24 Culture de sécurité

    Tous les membres d’une organisation, et toutes les décisions prises à tous les niveaux ont une incidence sur la sécurité. La « culture de sécurité » d’une organisation est généralement définie comme étant :

    [traduction]

    « les valeurs communes (c.-à-d., ce qui compte vraiment) et les convictions partagées (c.-à-d., comment les choses doivent se faire) qui sont jumelées aux structures et aux mécanismes de contrôle au sein de l’organisation, ces éléments constituant le fondement des normes de comportement (c.-à-d., comment les choses se font)Note de bas de page 90. »

    La publication de TC, Systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire – Guide : Guide de mise en place et d’amélioration des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire, stipule ce qui suit :

    Dans une compagnie ferroviaire, une … [solide] culture [de sécurité] peut réduire le nombre de morts et de blessés parmi les employés et le public, les dommages causés aux biens matériels par les accidents ferroviaires, ainsi que l’impact d’accidents sur l’environnement.

    En termes simples, la culture de sécurité d’une organisation se manifeste par la façon dont les gens font leur travail — leurs décisions, leurs actions et leurs comportements définissent cette culture.

    La culture de sécurité d’une organisation est le produit des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des modes de comportement individuels et collectifs qui déterminent l’engagement envers le système de gestion de la santé et de la sécurité de l’organisation, ainsi que le style et la compétence de l’organisation en cette matière.

    Les organisations qui ont adopté une culture de sécurité positive se caractérisent par des communications des divers intervenants fondées sur une confiance mutuelle, des perceptions partagées de l’importance de la sécurité et une confiance dans l’efficacité des mesures de préventionNote de bas de page 91.

    Le Guide stipule également que :

    L’expérience montre qu’une compagnie de chemin de fer réussit beaucoup mieux à implanter une culture de sécurité si les employés et leurs représentants, le cas échéant, participent à la mise en place du système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 92.

    La relation entre une culture de sécurité et la gestion de la sécurité se reflète en partie dans les attitudes et les comportements de la direction d’une compagnie.

    Une culture de sécurité efficace comprend des mesures proactives pour cerner et gérer les risques opérationnels. Elle se caractérise par une culture d’information dans laquelle les gens comprennent les dangers et les risques que présentent leurs opérations et travaillent continuellement à cerner et à éliminer les menaces à la sécurité. C’est une culture équitable où le personnel sait ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas et s’entend à ce sujet. C’est une culture de déclaration des préoccupations liées à la sécurité, où ces dernières font l’objet de rapports et d’analyses, et où des mesures correctives sont prises. C’est aussi une culture d’apprentissage, où la sécurité est améliorée à la lumière des leçons tiréesNote de bas de page 93.

    Les politiques d’une compagnie déterminent comment atteindre les objectifs de sécurité en définissant clairement les responsabilités, en élaborant des processus, structures et objectifs dans le but d’incorporer la sécurité dans tous les volets des opérations, et en développant les compétences et les connaissances du personnel. Les procédures sont des consignes à l’intention des employés et elles établissent les instructions de la direction. Les pratiques sont ce qui se passe vraiment sur le terrain, ce qui peut dévier des procédures, et, dans certains cas, peut faire peser une menace accrue sur la sécurité.

    Le rapport d’examen de la LSF indique que « La clé de voûte d’un SGS authentiquement fonctionnel est une solide culture de sécurité. » Le rapport mentionne également que « dans une culture de sécurité fructueuse, l’expérience préalable n’est pas une garantie de succès futur et les organismes sont conçus de manière à résister aux événements imprévusNote de bas de page 94. » Le Comité d’examen de la Loi a recommandé que la Direction générale de la Sécurité ferroviaire de TC et l’industrie du transport ferroviaire « prennent des mesures particulières pour parvenir à une culture de sécurité fructueuseNote de bas de page 95. » Le guide de mise en place des SGS de TC contient une section sur la création d’une solide culture de sécurité, et TC a publié une liste de contrôle de la culture de la sécurité pour permettre aux compagnies d’évaluer elles-mêmes leur culture de sécuritéNote de bas de page 96.

    1.25 Surveillance réglementaire

    1.25.1 Transports Canada

    1.25.1.1 Renseignements généraux

    TC fait la promotion de la sécurité et de la sûreté des réseaux de transport aérien, maritime, ferroviaire et routier, ainsi que la sécurité du transport des marchandises dangereuses. Pour ce faire, TC élabore des règlements et des normes de sécurité, ou, dans le cas des compagnies ferroviaires, facilite l’élaboration de règles par l’industrie ferroviaire. TC est ensuite responsable de leur mise en application. Il fait l’essai et la promotion de technologies de sécurité, et il a aussi instauré un règlement sur le système de gestion de la sécurité (SGS) qui exige que les compagnies ferroviaires gèrent leurs risques de sécurité. La sécurité ferroviaire est régie par la LSF. Le transport des marchandises dangereuses est régi par la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses (Loi sur le TMD).

    La LSFvise la réalisation des objectifs suivants :

    1. pourvoir à la sécurité et à la sûreté du public et du personnel dans le cadre de l’exploitation ferroviaire et à la protection des biens et de l’environnement, et en faire la promotion;
    2. encourager la collaboration et la participation des parties intéressées à l’amélioration de la sécurité et de la sûreté ferroviaires;
    3. reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d’établir, par leurs systèmes de gestion de la sécurité et autres moyens à leur disposition, qu’elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité;
    4. favoriser la mise en place d’outils de réglementation modernes, flexibles et efficaces dans le but d’assurer l’amélioration continue de la sécurité et de la sûreté ferroviairesNote de bas de page 97.

    Pour atteindre les objectifs visés par la LSF, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de TC, qui se trouve à l’administration centrale de TC à Ottawa (Ontario), établit l’orientation de la surveillance de la sécurité ferroviaire en élaborant des politiques et des programmes. Le groupe Surface de TC, qui se trouve dans les bureaux régionaux, est responsable de la mise en œuvre des politiques et des programmes. Les inspecteurs de la sécurité ferroviaire (ISF) régionaux surveillent la conformité aux règlements à l’égard de l’exploitation, du matériel et de l’infrastructure ferroviaires et des passages à niveau et font la promotion de ces règlements. Les ISF sont aussi chargés de promouvoir l’éducation et la sensibilisation, ainsi que d’effectuer des vérifications des SGS et des activités d’application de la réglementation.

    Les mécanismes et les stratégies dont TC dispose pour promouvoir la sécurité et poursuivre les objectifs de la LSF sont décrits dans la Politique sur la conformité et mesures d’application en matière de sécurité ferroviaire (septembre 2007). Les mécanismes et stratégies à l’égard de la conformité et de la sécurité se divisent en 3 catégories d’activités : la promotion, la surveillance, et l’application.

    La promotion décrit les moyens dont TC se sert pour s’assurer que les règlements sont applicables et que les compagnies ferroviaires les comprennent. Elle comprend l’élaboration de règlements, soit l’établissement d’exigences claires et applicables, ainsi que la consultation. Elle comprend également la mise en œuvre, notamment du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS), la transmission d’information, l’éducation, la sensibilisation, et des conseils. Le SGS y est mentionné en particulier parce que Règlement sur le SGS exige que les compagnies se dotent de processus visant à s’assurer qu’elles sont au courant des règlements applicables et qu’elles sont en mesure de faire la preuve qu’elles s’y conforment.

    La surveillance décrit les types d’activités entreprises pour surveiller le niveau de sécurité et de conformité au sein de l’industrie. Les principaux outils de surveillance comprennent :

    • les inspections, qui servent à vérifier la conformité aux exigences réglementaires en matière de sécurité ferroviaire, à recueillir les données, et à déceler les dangers pour la sécurité ferroviaire devant faire l’objet de mesures correctives;
    • les vérifications de sécurité, qui servent à vérifier la conformité aux exigences réglementaires et à évaluer le rendement en matière de sécurité;
    • les vérifications du SGS, qui examinent le SGS de la compagnie, ou une partie de celui-ci, pour déterminer si les opérations réelles de la compagnie sont conformes aux procédures élaborées pour démontrer qu’elle se conforme aux exigences réglementaires applicables;
    • les enquêtes sur les accidents et les incidentsNote de bas de page 98.

    Les inspections et les vérifications sont des processus complémentaires. D’une part, les inspections dépistent les conditions (c.-à-d., les lacunes), et d’autre part, les vérifications examinent les systèmes et les processus (c.-à-d., pour expliquer le pourquoi des lacunes). Les inspections devraient être utilisées à la fois pour aider à cibler les vérifications à venir et pour contribuer à assurer le suivi des mesures correctives prises par suite des vérifications antérieures.

    L’application décrit les outils dont TC dispose lorsqu’une non-conformité ou une préoccupation liée à la sécurité est relevée. Les outils d’application de TC comprennent, notamment :

    • Lettre de non-conformité, qui est émise par l’ISF pour promouvoir la conformité aux exigences réglementaires et pour intervenir en cas de non-conformité;
    • Lettre signalant une préoccupation, qui est émise par l’ISF pour consigner les préoccupations liées à la sécurité et en informer les compagnies de chemin de fer;
    • Avis, ou Avis et ordre, qui est émis par l’ISF pour intervenir en cas de dangers (Avis) ou de dangers imminents (Avis et ordre) pour la sécurité des opérations ferroviaires;
    • Ordre ministériel, qui est émis par le ministre en vue de régler un problème qui compromet la sécurité ferroviaire;
    • Injonction ministérielle, qui est émise par le ministre ordonnant aux compagnies de mettre fin à une opération dangereuse particulière ou de prendre une mesure précise pour atténuer un danger imminent pour la sécurité des opérations ferroviaires;
    • Ordonnance du tribunal – un avis et ordre, un ordre ministériel ou une injonction ministérielle peuvent être assimilés à une ordonnance du tribunal et exécutés comme tel;
    • Poursuite, qui peut être intentée à la discrétion du procureur général du Canada. On peut se servir de cette mesure d’application en cas de non-conformité grave, délibérée, non corrigée ou continue ou en cas de désobéissance à des ordres émis par des ISF ou par le ministre des Transports.

    En mai 2013, la LSF a été modifiée pour permettre d’apporter des améliorations au Règlement sur le SGS et de mettre en œuvre un règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et un autre sur les certificats d’exploitation de chemin de fer.

    1.25.1.2.1 Organisation de la Sécurité ferroviaire
    1.25.1.2.1 Administration centrale

    La Direction générale de la sécurité ferroviaire est dirigée par le sous-ministre adjoint (SMA) du Groupe de la sécurité et de la sûreté, qui relève du sous-ministre. Le SMA est responsable de l’élaboration et de l’application de règlements et de normes nationales, ainsi que de la mise en œuvre de programmes de surveillance, d’essais et d’inspections pour le transport aérien, maritime, ferroviaire et routier.

    Le directeur général, Sécurité ferroviaire, relève du SMA et est responsable de l’exécution du programme de sécurité ferroviaire. La Direction générale de la sécurité ferroviaire est composée de 4 directions : les Affaires réglementaires, la Gestion des opérations, la Gestion des programmes et le Secrétariat de la Sécurité ferroviaire. Le directeur de la Gestion des opérations est responsable de l’élaboration des programmes de surveillance, de la surveillance des tendances nationales, de la surveillance et du soutien des activités de vérification des SGS et de la surveillance de l’exécution du programme d’inspections.

    Au moment de l’accident, le directeur de la Gestion des opérations était responsable d’un certain nombre de domaines fonctionnels, y compris l’exploitation, l’ingénierie, le matériel, et le programme de SGS. Ils se trouvaient tous à l’administration centrale de TC, mais appuyaient leurs homologues régionaux.

    Le Groupe de la vérification, de l’application de la loi et de l’évaluation des risques, créé en 2011, assure la surveillance du programme de SGS. Le groupe élabore des politiques et des procédures, examine les documents soumis par les compagnies ferroviaires au moment de la présentation initiale de leur SGS et les documents qu’elles soumettent annuellement par la suite, effectue la vérification des chemins de fer d’envergure nationale, prodigue de la formation en vérification, et surveille les activités liées au SGS effectuées par les bureaux régionaux de TC. Les activités de surveillance des bureaux régionaux comprennent la prestation de services d’experts en vérification et la participation aux activités de planification des vérifications.

    En 2013, aucun programme visant l’application du Règlement sur le SGS n’avait encore été élaboré et il n’y avait aucune procédure pour assurer le suivi des constatations des vérifications.

    1.25.1.2.2 Bureau de la région du Québec de Transports Canada

    Chaque bureau régional de TC est dirigé par un directeur général régional, qui est responsable de l’exécution des programmes et services de transport. Le directeur général régional relève du sous-ministre.

    Le bureau régional est chargé d’évaluer les compagnies de chemin de fer de sa région, d’affecter les ressources régionales aux inspections et aux vérifications et de mener toute activité de suivi pour veiller à ce que les compagnies de chemin de fer se conforment aux règles et règlements et qu’elles soient exploitées en toute sécurité.

    Lorsqu’ils effectuent des vérifications auprès des compagnies de chemin de fer régionalesNote de bas de page 99, les bureaux régionaux décident comment cibler les vérifications à l’aide d’un processus de planification des activités axée sur le risque. La portée de la vérification est également déterminée par l’équipe de vérification du bureau régional et est approuvée par l’autorité convocatrice, qui est habituellement le directeur régional. Le personnel de la Sécurité ferroviaire et celui du Transport des marchandises dangereuses de la région du Québec de TC relèvent du directeur régional, Surface, par l’entremise des gestionnaires fonctionnels du Matériel et de l’exploitation, de l’Ingénierie, de la Surveillance des systèmes de sécurité, et du Transport des marchandises dangereuses.

    Le rôle du gestionnaire, Surveillance des systèmes de sécurité, avait évolué au fil des ans et il avait tout d’abord compris la responsabilité de la mise en œuvre des vérifications des SGS. Au cours de l’exercice 2006-2007, la responsabilité pour les vérifications dans la région avait été transférée de façon informelle aux groupes fonctionnels (c.-à-d., Matériel et exploitation, et Ingénierie). Par suite de ce changement, le gestionnaire de la Surveillance des systèmes de sécurité avait adopté un rôle de conseiller à l’égard des vérifications des SGS, ce qui comprenait l’élaboration et la mise à l’essai des outils de vérification à l’intention des inspecteurs. Toutefois, comme il ne bénéficiait que d’un appui limité de la part des groupes fonctionnels en vue de promouvoir la mise en œuvre des SGS, le gestionnaire de la Surveillance des systèmes de sécurité s’était vu confier, par la suite, d’autres projets qui n’étaient pas nécessairement liés à la surveillance des SGS.

    1.25.1.3 Planification des inspections et des vérifications

    Au cours du troisième trimestre de chaque exercice, TC entreprend un processus de planification des activités axée sur le risque pour cerner des questions en matière de sécurité et de gestion des programmes et les classer en ordre de priorité, ainsi que pour déterminer le nombre d’inspections à effectuer à l’égard des wagons et des locomotives, des équipes de train, des passages à niveau et des milles de voie. À l’aide de cette information, l’administration centrale de TC élabore un plan national d’inspection pour l’exercice suivant. Le plan national d’inspection indique le nombre d’inspections et de vérifications devant être effectuées par chaque bureau régional, précise le calendrier d’exécution des inspections, et estime l’ampleur de l’effort requis.

    Le système d’inspection comporte 3 volets, soit :

    • Une inspection de volet A : Un processus d’échantillonnage utilisé pour vérifier la conformité à la réglementation et pour déceler les questions de sécurité sous-jacentes. L’administration centrale de TC, à l’aide d’un modèle statistique, détermine le nombre d’inspections et cible les compagnies à inspecter.
    • Une inspection de volet B : Une inspection planifiée qui s’intéresse à des questions récurrentes spécifiques devant faire l’objet d’une surveillance plus rigoureuse. Les bureaux régionaux, à l’aide d’une méthodologie axée sur le risque, déterminent quelles compagnies feront l’objet d’une telle inspection.
    • Une inspection de volet : Une inspection non prévue effectuée en réponse à de nouvelles questions qui se présentent au cours de l’année, comme des déraillements et des inspections ponctuelles.

    À partir du plan national d’inspection, chaque bureau régional élabore un plan opérationnel destiné aux ISF pour orienter le choix des compagnies, des emplacements de l’infrastructure, des segments de subdivision, et des employés affectés à l’exploitation et à l’entretien devant être inspectés. Dans la région du Québec de TC, chaque groupe fonctionnel effectue une évaluation du risque pour classer les subdivisions, les triages et les installations d’entretien pertinents en fonction du risque. Des facteurs comme les antécédents en matière d’accidents, la conformité aux normes et aux règlements, les changements au niveau de l’exploitation, la quantité et le type de circulation, les heures de travail et le type de travail sont pris en compte. À la lumière de l’évaluation du risque, les endroits devant être inspectés sont classés par ordre de priorité pour faire en sorte que les endroits plus dangereux soient inspectés en temps opportun.

    Le bureau de la région du Québec de TC est chargé d’inspecter 3 compagnies ferroviaires d’envergure nationale (CN, CFCP, et VIA Rail Canada Inc. [VIA]) et 9 compagnies de chemin de fer régionales ou inter-régionales – 1 compagnie de service ferroviaire voyageurs, 1 chemin de fer de banlieue, et 7 chemins de fer d’intérêt local de compétence fédérale. En tout, ces chemins de fer exploitent environ 2900 milles de voie au Québec, dont 250 sont exploités par la MMA. En outre, le bureau de la région du Québec de TC inspecte, sur demande, 8 chemins de fer d’intérêt local de compétence provinciale, qui exploitent 1200 milles de voie de plus.

    Le bureau de la région du Québec de TC est chargé d’effectuer des vérifications des SGS auprès de 4 compagnies de chemin de fer régionales, y compris la MMA.

    1.25.1.4 Exploitation

    Dans le groupe de l’Exploitation de la région du Québec de TC, chaque inspecteur effectue environ 80 inspections par année, réparties entre toutes les compagnies ferroviaires réglementées en fonction du niveau de risque qu’elles présentent. Une trentaine de ces inspections sont des inspections de volet A menées auprès du CN, du CFCP, et de VIA. Les 50 autres sont des inspections de volet A menées auprès des compagnies de chemin de fer régionales, et des inspections de volets B et C menées auprès de toutes les compagnies ferroviaires. Dans la région du Québec, le groupe a cerné 27 subdivisions parmi l’infrastructure ferroviaire qui doivent être classées chaque année en fonction du niveau de risque. Au cours de chacune des 5 dernières années, les subdivisions Adirondack et Sherbrooke ont été évaluées comme figurant au deuxième ou au troisième rang en ce qui a trait au risque. Les facteurs sur lesquels se base l’évaluation comprennent les antécédents en matière d’accidents, la conformité aux normes et aux règles, les facteurs humains, les facteurs opérationnels (les mouvements de train, l’effectif, la gestion) et le type de travail, ainsi que la santé et la sécurité.

    Le tableau 5 fait état du nombre d’inspections effectuées par le groupe de l’Exploitation par année auprès de la MMA. Lorsque des mesures étaient prises pour mettre un terme à une non-conformité, la MMA signalait au bureau de la région du Québec de TC quand la mesure avait été prise.

    Tableau 5. Inspections effectuées auprès de la MMA par le groupe de l’Exploitation
    Année Nombre d’inspections
    2009 16
    2010 0Note de bas de page 100
    2011 20
    2012 8
    2013 (janvier à juin) 6

    Voici une liste des interventions de TC auprès de la MMA :

    • Mai 2009 : Un avis a été émis au sujet de la non-conformité à la règle 104.5 (dérailleurs) dans un triage, qui remontait à 2005, de même qu’une non-conformité à la règle 112 (immobilisation de matériel), qui remontait elle aussi à 2005, alors que des wagons n’avaient pas été immobilisés convenablement sur la voie d’évitement à Nantes.
    • Mai 2009 : Une inspection a révélé que 2 membres d’équipe de train n’avaient pas reçu de formation sur les premiers soins.
    • Octobre 2011 : Une inspection a permis de constater que 26 wagons dans le triage Sherbrooke avaient été laissés sans avoir été immobilisés correctement à l’aide des freins à main.
    • Février 2012 : Un avis a été émis au sujet de nombreuses infractions au bureau du contrôle de la circulation ferroviaire de Farnham, à l’égard du fait que certains CCF ne connaissaient pas certaines parties du REF et qu’il n’y avait pas de processus en place pour s’assurer que les CCF se conformaient au REF. On y faisait également remarquer que 1 CCF avait pu travailler pendant plus de 1 an après l’expiration de son certificat de compétence à l’égard des règles.
    • Février 2012 : Deux instructions ont été données en vertu de la partie II du Code canadien du travail pour défaut de protéger les employés de dangers en milieu de travail dans les triages Sherbrooke et Farnham.
    • Mars 2012 : Un avis a été émis selon lequel du matériel roulant avait été déplacé d’une façon qui contrevenait à la protection des travailleurs sur la voie signalée par des drapeaux rouges.
    • Avril 2012 : Une lettre signalant que les mesures prises par la MMA pour donner suite à l’avis sur les infractions cernées au bureau du contrôle de la circulation ferroviaire étaient insuffisantes.
    • Mai 2012 : Une inspection a révélé qu’une équipe avait laissé du matériel sans effectuer un essai de l’efficacité des freins à main.
    • Août 2012 : Une lettre de non-conformité a été émise au sujet de trains immobilisés par erreur mécanique sur des passages à niveau ou à proximité de ceux-ci.
    1.25.1.5 Matériel

    Le groupe du Matériel de la région du Québec de TC divise l’infrastructure ferroviaire au Québec en 15 à 20 postes d’inspection et les classe chaque année en fonction du risque qu’ils présentent. Les postes sont inspectés au moins une fois par année. Les triages Farnham et Sherbrooke de la MMA sont considérés comme étant 1 poste, et ils se trouvaient au neuvième rang pour l’année d’exploitation 2011-2012, puis au deuxième et au troisième rangs pour les 2 années suivantes. Pour évaluer le niveau de risque, le groupe du Matériel se basait sur des facteurs tels que les antécédents en matière d’accidents, les antécédents en matière de conformité aux normes et aux règlements, les facteurs humains, les questions opérationnelles et les activités du matériel.

    Le tableau 6 fait état du nombre d’inspections effectuées par le groupe du Matériel par année auprès de la MMA. Lorsque des mesures étaient prises pour mettre un terme à une infraction, la MMA signalait quand la mesure avait été prise au bureau de la région du Québec de TC.

    Tableau 6. Inspections effectuées auprès de la MMA par le groupe du Matériel
    Année Nombre d’inspections
    2009 4
    2010 1
    2011 2
    2012 12
    2013 (janvier à juin) 6

    Voici une liste des interventions du bureau de la région du Québec de TC auprès de la MMA :

    • Janvier 2009 : Une inspection a permis de constater que des inspecteurs de wagon certifiés n’avaient pas les qualifications requises pour exécuter des essais des freins à air d’un wagon individuel.
    • Janvier 2012 : Une lettre signalant une préoccupation a été émise au sujet d’un longeron de bogie rompu, de 2 wagonniers qui n’avaient pas de formation récente et de 1 apprenti-wagonnier qui avait effectué des inspections de sécurité et un essai de freins no 1 par lui-même sans avoir reçu de formation à cet effet.
    • Juin 2013 : Une inspection a révélé que les employés qui effectuaient les inspections de sécurité n’étaient pas des inspecteurs de locomotive certifiés.
    1.25.1.6 Ingénierie

    L’administration centrale de TC détermine quels tronçons de voie doivent être inspectés chaque année dans le cadre d’inspections de volet A. Le groupe de l’Ingénierie de la région du Québec de TC divise le reste de la voie en tronçons qu’il classe en fonction du risque. Ces tronçons font l’objet d’inspections de volet B. Les facteurs dont on tient compte pour déterminer le niveau de risque sont, notamment, la catégorie de voie, le type et la densité de la circulation, les antécédents en matière de déraillements, d’inspections et d’entretien, et les facteurs environnementaux. Cinquante-cinq tronçons de voie distincts sont identifiés et classés. Depuis 2009, la subdivision Sherbrooke de la MMA était au treizième rang parmi les plus à risque.

    Les tableaux 7 et 8 font état du nombre d’inspections effectuées par le groupe de l’Ingénierie sur la subdivision Sherbrooke et de certains des défauts relevés. Lorsque des mesures étaient prises pour corriger un défaut, la MMA signalait quand la mesure avait été prise au bureau de la région du Québec de TC.

    Tableau 7. Inspections de la voie et de passages à niveau
    Année Inspections de la voie Inspections de passages à niveau
    2009 12 3
    2010 13 9
    2011 9 11
    2012 11 14
    2013 (janvier à juin) 8 8

    Chacune de ces inspections avait permis de constater des défauts de la voie, dont certains se reproduisaient. Parmi ceux-ci, il y avait des cas d’usure ondulatoire des rails, d’éclisses endommagées, de champignons de rail écrasés, de ballast insuffisant et de végétation excessive (tableau 8).

    Tableau 8. Défauts relevés au cours de certaines inspections de la voie et de passages à niveau
    Date Points milliaires sur la subdivision Défauts relevés
    Traverses insuffisantes / inefficaces Usure / Usure ondulatoire / Anomalies du rail Éclisses endommagées / rompues Champignons écrasés / Suface du rail affaissée Défaut de la surface du passage à niveau Ballast insuffisant Végétation excessive
    Juillet 2009 92,87 – 125,6 X X
    Août 2009 0,28 – 124,9 X
    Septembre 2009 101,8 – 115,85 X
    Août 2010 41,6 – 87,0 X X X X
    Septembre 2010 46,0 – 57,0 X X X
    Août 2011 45,0 – 66,0 X X X X X
    Juillet 2012 0,0 – 42,0 X X X X
    Octobre 2012 38,0 – 87,0 X X X
    Novembre 2012 non indiqué X X
    Mai 2013 0,0 – 87,0 X X X X X

    Le 24 juillet 2012, au cours d’une inspection de la voie à la hauteur du branchement de Megantic Ouest, l’ISF avait remarqué que les attaches du cœur de croisement, du contre-rail et de l’entretoise de talon n’étaient pas solides. Le 14 mai 2013, l’ISF a relevé des défauts semblables au branchement.

    Voici les constatations d’une vérification fonctionnelle à l’égard de l’ingénierie effectuées auprès de la MMA en avril 2006 :

    • Certains employés du service de l’Ingénierie avaient reçu une formation incomplète sur les inspections de la voie et sur l’entretien des LRS, et ils n’avaient pas reçu une formation adéquate sur la façon de se protéger des chutes, formation nécessaire lorsqu’ils travaillent sur des ponts.
    • Traverses insuffisantes, dispositifs de fixation du rail insuffisants, usure du rail au-delà des limites, défauts de rail non corrigés, éclisses endommagées et champignons de rail écrasés sans protection, ballast insuffisant, et déviations de la géométrie de la voie entre le point milliaire 62,0 et le point milliaire 125,5.

    Voici les interventions du bureau de la région du Québec de TC par suite de ces constatations :

    • Avril 2006 : Un avis et ordre a été émis pour limiter la vitesse des trains à 10 mi/h entre le point milliaire 62,0 et le point milliaire 125,5 parce que l’état de la voie constituait un danger. La MMA a travaillé par étapes pour faire éliminer la limite de vitesse. De nombreuses limites de vitesse étaient encore en vigueur au moment de l’accident.
    • Octobre 2012 : Une lettre signalant une préoccupation a été émise au sujet de défauts urgents de la géométrie de la voie, de rails présentant une usure ondulatoire, du défibrage des congés de roulement et de l’affaissement de la surface du rail, de l’écrasement excessif des abouts de rails en présence de profils de la voie marginaux, et de la végétation excessive, entre le point milliaire 0,0 et le point milliaire 87,0.

    1.25.2 Systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire

    1.25.2.1 Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

    Les approches conventionnelles de gestion de la sécurité s’appuyaient surtout sur la conformité aux règlements, sur des mesures prises à la suite d’accidents et d’incidents, et sur une philosophie selon laquelle il fallait « imputer le blâme et punir, ou former de nouveau le responsable. »

    Un SGS est « un processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécuritéNote de bas de page 101. » C’est un moyen de veiller à ce que la compagnie ferroviaire ait en place les processus nécessaires pour déceler les dangers liés à son exploitation et pour atténuer les risques. La conception du SGS s’inspire de nouveaux concepts relatifs à la sécurité qui pourraient présenter un excellent potentiel en vue d’une gestion plus efficace des risques. Les SGS ont été introduits progressivement dans l’industrie canadienne des transports parce que cette approche en matière de surveillance réglementaire, qui vise à s’assurer que les organisations ont les processus en place pour gérer systématiquement les risques lorsque jumelée à des inspections et à des mesures d’application, est plus efficace en vue de réduire les taux d’accidents.

    Un des objectifs de la LSF est de reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d’établir, par leurs SGS et autres moyens à leur disposition, qu’elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité.

    Le Règlement sur le SGS est entré en vigueur le 31 mars 2001. L’article 2 stipule que :

    1. Toute compagnie de chemin de fer doit mettre en œuvre et conserver un système de gestion de la sécurité qui comporte au moins les composantes suivantes :
      1. la politique de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité ainsi que ses objectifs annuels de rendement en matière de sécurité et les initiatives connexes liées à la sécurité pour les atteindre, approuvés par un dirigeant supérieur de la compagnie et communiqués aux employés;
      2. les responsabilités, pouvoirs et obligations de rendre compte en matière de sécurité, exprimés clairement, à tous les paliers de la compagnie de chemin de fer;
      3. un système visant la participation des employés et de leurs représentants dans l’élaboration et la mise en œuvre du système de gestion de la sécurité de la compagnie de chemin de fer;
      4. des mécanismes visant à déterminer :
        1. d’une part, les règlements, règles, normes et ordres applicables en matière de sécurité ferroviaire et les procédures pour en démontrer le respect,
        2. d’autre part, les exemptions qui sont applicables et les procédures pour démontrer le respect, le cas échéant, des conditions fixées dans l’avis d’exemption;
      5. un processus qui a pour objet :
        1. d’une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d’importance apportées aux opérations ferroviaires,
        2. d’autre part, d’évaluer et de classer les risques au moyen d’une évaluation du risque;
      6. des stratégies de contrôle du risque;
      7. des mécanismes visant la déclaration des accidents et incidents, les analyses et les enquêtes s’y rapportant, et les mesures correctives;
      8. des méthodes pour faire en sorte que les employés et toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès aux biens de celle-ci disposent des compétences et de la formation appropriées et d’une supervision suffisante afin qu’ils puissent respecter toutes les exigences de sécurité;
      9. des procédures visant la collecte et l’analyse de données aux fins d’évaluation du rendement de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité;
      10. des procédures visant les vérifications internes périodiques de la sécurité, les examens effectués par la gestion, la surveillance et les évaluations du système de gestion de la sécurité;
      11. des mécanismes de surveillance des mesures correctives approuvées par la gestion découlant des systèmes et processus exigés en application des alinéas d) à j);
      12. de la documentation de synthèse qui décrit les systèmes pour chacune des composantes du système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 102.

    Aux termes du Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer sont également tenues :

    • de tenir des registres qui permettent d’évaluer le rendement en matière de sécurité,
    • de présenter au ministre des documents et des registres qui démontrent qu’elles se conforment au règlement,
    • de produire, sur demande, des documents sur la gestion de la sécurité.
    1.25.2.2 Système de gestion de la sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    La MMA avait un manuel du SGS qui décrivait comment elle allait se conformer à chacune des 12 composantes obligatoires du Règlement sur le SGS. Voici un aperçu des sections clés du manuel du SGS de la MMA :

    • Objectifs et initiatives en matière de sécurité : La compagnie fixe des objectifs de sécurité chaque année. Les objectifs pour l’année 2013 comportaient des cibles de rendement (c.-à-d., le nombre d’incidents à ne pas dépasser dans diverses catégories). Ces objectifs de rendement devaient être atteints grâce à une amélioration de l’entretien et à des améliorations à l’infrastructure grâce à un investissement de l’ordre d’environ 3,75 millions de dollars au CanadaNote de bas de page 103.
    • Processus de gestion des risques : L’identification des problèmes et des inquiétudes de sécurité est une première étape critique de la gestion des risques. Une liste des moyens qui serviraient à cerner les problèmes de sécurité était dressée, notamment les tests OTIS, les enquêtes sur les accidents et les incidents, un numéro de téléphone pour signaler les inquiétudes de sécurité, et les rapports des audits internes et externes.
    • Les chefs de l’exploitation étaient responsables de l’identification des risques de sécurité qui pourraient faire surface en raison de changements importants au niveau de l’exploitationNote de bas de page 104. Un diagramme de 1 page décrivait les étapes de haut niveau comprises dans le processus de gestion du risqueNote de bas de page 105. Aucune consigne n’était donnée sur la marche à suivre ni sur la façon de documenter les étapes.
    • Stratégies de contrôle du risque : Au niveau de l’exploitation des trains, un des risques cernés était les « mouvements intempestifs ». Les stratégies de contrôle du risque mentionnées comprenaient : s’assurer de la conformité des employés aux règles d’exploitation par l’entremise de tests OTIS, donner de la formation aux employés ferroviaires pour s’assurer que leurs qualifications étaient à jour, passer en revue les procédures en place pour les risques cernés par l’entremise du processus de gestion des risques, et évaluer le rendement des surveillants en matière de sécurité sur une base semestrielleNote de bas de page 106.
    • Audit de sécurité et évaluation : La compagnie a élaboré un système d’audit interne pour mesurer la conformité aux procédures décrites dans le système de gestion de la sécurité et pour évaluer l’efficacité du systèmeNote de bas de page 107.
    • Programme de tests fonctionnels et d’inspections (OTIS) : Ce programme était utilisé pour s’assurer que les employés se conformaient, entre autres, aux règles, règlements et normes. Une section du manuel était consacrée à la description du programme OTIS et documentait la façon dont il serait mis en œuvre.

    De plus, la MMA avait un comité de sécurité au sein de son conseil d’administration, qui se réunissait sur une base trimestrielle et discutait d’enjeux tels que les blessures subies par les employés, les déraillements, et autres types d’accidents. La MMA avait également des comités de sécurité multi-départementaux locaux qui se trouvaient à 6 installations de la MMA (y compris à Farnham), qui se réunissaient tous les mois pour discuter des préoccupations en matière de sécurité.

    La gestion de la MMA tenait des réunions d’exploitation quotidiennes et hebdomadaires au cours desquelles la discussion portait sur les enjeux de sécurité et sur le rendement de chaque département en la matière.

    La MMA avait des bases de données où étaient consignés les blessures, les déraillements et un résumé des tests OTIS. Périodiquement, la MMA diffusait à l’interne des renseignements de sécurité sur les accidents qui se produisaient dans d’autres compagnies de chemin de fer, sur les conditions qui étaient signalées, et d’autres documents de sensibilisation à la sécurité de l’industrie ferroviaire.

    Entre 2009 et 2012, la MMA a pris de nombreuses mesures disciplinaires à l’égard d’employés au Canada qui avaient dérogé aux règles.

    1.25.2.3 Surveillance des systèmes de gestion de la sécurité exercée par Transports Canada

    La surveillance des SGS exercée par TC vise à vérifier que les systèmes sont en place, qu’ils sont utilisés, et qu’ils s’avèrent efficaces pour améliorer la sécurité.

    Le programme de surveillance de la conformité de TC sert à déterminer si une compagnie se conforme au Règlement sur le SGS. Le programme est conçu pour vérifier que :

    • le SGS de la compagnie de chemin de fer est conforme aux exigences réglementaires minimum;
    • la compagnie est exploitée conformément aux engagements, aux processus et aux procédures décrits dans son SGS;
    • le SGS est efficace pour l’amélioration de la sécuritéNote de bas de page 108.

    Pour évaluer le SGS d’une compagnie en fonction de la documentation présentée, on a recours à 3 processus, soitNote de bas de page 109 :

    • Un examen de la présentation initiale, qui vérifie si les renseignements exigés en vertu de l’article 4 du Règlement sur le SGS ont été présentés au ministre. Une fois cette vérification complétée, une lettre est transmise à la compagnie confirmant qu’elle se conforme à l’article 4.
    • Une pré-vérification, qui vérifie si la compagnie de chemin de fer a mis en place les mécanismes minimum exigés en vertu de l’article 2 du Règlement sur le SGS. Un rapport de pré-vérification est émis à la compagnie de chemin de fer décrivant les lacunes constatées dans les documents.
    • Un examen de vérification, qui vérifie si les mécanismes exigés sont utilisés et a pour but d’évaluer leur efficacité. Un rapport de vérification décrivant les lacunes constatées dans la mise en œuvre et la conservation du SGS est remis à la compagnie.

    Voici certains détails sur la procédure suivie pour ces examens et ces vérifications :

    • L’examen de la présentation initiale et la pré-vérification sont effectués lorsqu’une compagnie de chemin de fer présente son SGS à l’organisme de réglementation pour la première fois.
    • Un examen de vérification peut être mené à tout moment une fois la pré-vérification complétée, selon le processus de planification axée sur les risques de TC.
    • Il n’existe aucun intervalle minimum pour la tenue d’examens de vérification, pas plus qu’il n’est obligatoire d’effectuer un examen de vérification portant sur l’ensemble des composantes du SGS d’une compagnie de chemin de fer à un moment donné.
    • La portée de l’examen de vérification est déterminée par l’autorité convocatrice.
    • La procédure à suivre lors des examens de vérification est décrite dans la procédure de vérification de la Sécurité ferroviaire de TCNote de bas de page 110.
    • Une fois que l’équipe de vérification a fait part des constatations de la vérification, la compagnie de chemin de fer doit soumettre un plan de mesures correctives.
    • Le suivi assuré par TC à l’égard de l’examen de vérification se concentre sur le plan de mesures correctives de la compagnie de chemin de fer. Le chef de l’équipe de vérification examine le plan de mesures correctives et informe la compagnie de chemin de fer si le plan est acceptable.
    • Si le plan de mesures correctives est acceptable, le dossier est fermé.
    • Le rapport de vérification est transmis à l’administration centrale de TC et aux gestionnaires régionaux aux fins de suivi, si nécessaire.
    • Les constatations de la vérification et les plans de mesures correctives servent à informer les processus de planification axée sur les risques ultérieurs.

    La Politique d’application du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire stipule que :

    3.3 Même si les compagnies de chemins de fer peuvent être poursuivies en justice parce qu’elles ne se conforment pas au Règlement sur le SGS, un procès ne peut pas être intenté contre elles pour les lacunes relevées
    dans leurs systèmes de gestion de la sécurité mis en œuvre.

    3.4 Dans les cas de lacunes graves constatées dans les systèmes de gestion de la sécurité, un ordre ministériel en vertu du paragraphe 32(3.1) de la LSF peut être émisNote de bas de page 111.

    L’article 32 de la LSF prévoit notamment ce qui suit :

    (3.1) S’il estime que le système de gestion de la sécurité ferroviaire établi par une compagnie présente des lacunes qui risquent de compromettre la sécurité ferroviaire, le ministre peut, par avis, ordonner à la compagnie d’apporter les mesures correctives nécessairesNote de bas de page 112.

    Dans la pratique, ceci signifie que les compagnies ferroviaires sont tenues de se conformer au Règlement sur le SGS. Cependant, à moins qu’un ISF soit d’avis qu’il y a un danger imminent, toute lacune cernée au niveau de la conformité aux processus du SGS ne donnerait pas lieu à une mesure d’application, mais serait signalée à la compagnie ferroviaire pour lui donner la possibilité d’améliorer son système. Si une lacune cernée dans le SGS d’une compagnie ferroviaire est suffisamment grave pour risquer de compromettre la sécurité, le ministre peut prendre un ordre en vertu du paragraphe 32(3.1) ordonnant à la compagnie d’apporter les mesures correctives nécessaires.

    1.25.2.3.1 Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire

    En 2007, le Comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) s’est penché sur la mise en œuvre des SGS. Le comité a souligné que les progrès réalisés quant à l’adoption des SGS par les compagnies de chemin de fer et par TC n’avaient pas été homogènes et ne répondaient pas aux attentes du comité 7 ans après l’entrée en vigueur du Règlement sur le SGS. À l’égard de TC, le comité a indiqué que : « Il faut des directives claires et l’appui de l’administration centrale pour remédier au manque d’homogénéité des modes d’exécution dans les cinq régions de Transports CanadaNote de bas de page 113. » Le comité a également souligné que TC n’évaluait pas la mise en œuvre ni l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer, en ces termes : « Transports Canada semble croire qu’un chemin de fer respecte les exigences relatives aux SGS si il arrive à prouver qu’il est doté des processus et des systèmes de gestion exposés dans le Règlement sur le SGSNote de bas de page 114. »

    Le comité a identifié 2 obstacles majeurs à l’égard de la surveillance de la mise en œuvre des SGS exercée par TC. En premier lieu, le comité a fait remarquer qu’un important changement de la façon de penser s’imposait pour passer à un cadre réglementaire qui reconnaît que c’est aux exploitants qu’il incombe de démontrer qu’ils sont en mesure d’avoir des opérations sécuritaires. Par conséquent, le comité a souligné qu’il fallait offrir une formation additionnelle aux inspecteurs de TC afin qu’ils puissent s’acquitter de leur rôle de vérification, puisque les vérifications et les inspections exigent deux ensembles de compétences différentesNote de bas de page 115. En second lieu, le comité a souligné que les ressources étaient un problème pour TC, en ces termes : « Transports Canada manque de ressources pour s’acquitter de ses multiples responsabilités dans le domaine de la sécurité ferroviaireNote de bas de page 116. » L’effet de ces défis est décrit ainsi :

    De l’avis du Comité, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada n’a pas reçu de ressources humaines et financières suffisantes ni les ensembles de compétences nécessaires au lancement du programme SGS. Cela a entravé le passage à un programme de surveillance de la réglementation portant sur l’évaluation des risques et les vérifications axées sur le rendement au niveau des systèmes de gestion de la sécuritéNote de bas de page 117.

    La même année que le rapport du Comité d’examen de la LSF a été publié, TC a publié un document intitulé Allons de l’avant : Changer la culture de sécurité et de sûreté – Orientation stratégique pour une gestion de la sécurité et de la sûreté. Reconnaissant qu’une entité peut se conformer aux exigences réglementaires sans ramener les risques à un niveau acceptable, le document indique que la politique de TC prévoit que « l’industrie doit être responsable de la gestion systématique et proactive des risques et des menaces qui pèsent sur ses activités de transportNote de bas de page 118. »Le document ajoute que, pour appliquer cette politique, il faudra que s’opère un changement culturel important et un changement d’approche de la part de l’organisme de réglementation :

    Dans le passé, TC intervenait au niveau opérationnel. Avec cette nouvelle approche, TC (ou son délégué) vérifiera et évaluera les organisations au niveau organisationnel ou systémique. De cette façon, il sera à même de vérifier si les activités courantes respectent les règlements. Si un exploitant a un problème systémique ou un problème courant qui n’est pas corrigé ou est mal corrigé, TC interviendra au niveau nécessaire. TC conserve sa capacité d’exercer son activité traditionnelle d’inspection et de vérification tout en se dotant d’une capacité accrue de mener des vérifications et des évaluations systémiquesNote de bas de page 119.

    Allons de l’avant reconnaissait les mêmes défis en matière de ressources et d’ensembles de compétences que ceux relevés par le Comité d’examen de la LSF et prévoyait des stratégies pour surmonter les défis liés au passage aux SGS tant au sein de TC qu’au sein de l’industrie.

    Le Plan stratégique de la Sécurité ferroviaire de TC (2010-2015) réaffirmait l’engagement à l’égard de la mise en œuvre des SGS :

    « Au sein de Transports Canada, les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) demeurent une priorité et la Sécurité ferroviaire continue à favoriser et à promouvoir la mise en œuvre des SGS et de la culture de la sécurité dans l’industrie du transport ferroviaireNote de bas de page 120. »

    Le plan indique que des progrès ont été réalisés pour surmonter les défis identifiés par le Comité d’examen de la LSF et dans Allons de l’avant. Plus précisément, le plan mentionne qu’un examen organisationnel a été mené par la Direction générale de la sécurité ferroviaire de septembre 2008 à mars 2010, et que les ressources additionnelles affectées à la Sécurité ferroviaire dans le budget de 2009 ont permis d’ajouter 53 postes afin de renforcer le programme national de sécurité ferroviaire. Les stratégies décrites dans le plan indiquent que la Sécurité ferroviaire concentre ses efforts pour veiller à ce que tous les inspecteurs reçoivent de la formation en vérification et en gestion des risques, et pour améliorer le recrutement et le maintien en poste afin de s’assurer de disposer des ressources humaines nécessaires.

    1.25.2.3.2 Rapport du vérificateur général du Canada – Surveillance de la sécurité ferroviaire – Transports Canada

    Le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a effectué un audit de TC (Sécurité ferroviaire) portant sur l’exercice financier 2011-2012 pour examiner si le ministère a surveillé adéquatement la gestion des risques liés à la sécurité ferroviaire par les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. Le rapport du BVG, déposé au Parlement le 26 novembre 2013, indiquait ce qui suit :

    Transports Canada n’a pas l’assurance requise que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité adéquats et efficaces. Ces compagnies devaient mettre en œuvre de tels systèmes il y a 12 ans. Le gouvernement avait parallèlement approuvé des fonds basés sur la gestion des risques afin que Transports Canada surveille les systèmes. Le Ministère n’a pas encore adopté une approche de vérification qui fournit à la haute direction un niveau d’assurance minimal selon lequel les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité adéquats et efficaces pour gérer les risques liés à la sécurité de leurs opérations quotidiennes et se conformer aux exigences en matière de sécuritéNote de bas de page 121.

    L’audit a indiqué que TC avait réalisé des progrès pour régler les problèmes relevés dans les examens précédents sur la mise en œuvre des SGS, tout en soulignant qu’il restait du travail à faire. Plus précisément, l’audit a indiqué que :

    • TC avait établi un cycle triennal pour vérifier les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, mais n’avait effectué que 26 % de ces vérifications.
    • La portée des vérifications était trop restreinte et n’examinait l’efficacité que de quelques aspects des SGS.
    • TC n’avait pris aucune mesure d’application du règlement pour exiger que les compagnies de chemin de fer assurent le maintien d’un système de gestion de la sécurité adéquat et efficace, et ce, même lorsque des lacunes qui pourraient compromettre la sécurité avaient été décelées.
    • Les rapports de vérification incluaient des constatations quant à savoir si le SGS était conforme aux exigences réglementaires, mais ne comportaient aucune conclusion quant à savoir si le SGS avait été mis en œuvre de manière efficace.
    • Dans presque tous les cas, aucun suivi n’avait été effectué par les inspecteurs de TC pour s’assurer que les plans de mesures correctives soumis par les compagnies pour donner suite aux rapports de vérification SGS avaient été mis en œuvre.
    • Les ensembles de compétences requises des inspecteurs pour assurer une surveillance efficace des SGS n’ont pas été évalués et les descriptions de poste n’ont pas été mises à jour, pour tenir compte du besoin d’assurer la surveillance des SGS.
    • Le 1/3 environ des inspecteurs et les 2/3 des gestionnaires n’avaient pas suivi les cours de formation offerts par TC sur la méthode de vérification et sur les concepts et les principes liés au SGS.
    1.25.2.4 Création du programme de surveillance des systèmes de gestion de la sécurité

    En 2002, lors de la création du programme de SGS, la responsabilité du programme a été confiée au directeur, Vérification et assurance de la qualité, dont les responsabilités comprenaient la mise en œuvre du Règlement sur le SGS, l’exécution des vérifications nationales, le programme national de formation, le programme d’assurance de la qualité, et la création d’outils de surveillance. Le gestionnaire de la Surveillance des systèmes de sécurité de chaque région participait à titre de membre de l’équipe de vérification ou de chef d’équipe aux vérifications nationales.

    Le directeur de la Vérification et de l’assurance de la qualité et 1 subalterne appuyaient les inspecteurs régionaux en matière de surveillance des SGS et rédigeaient des procédures et des lignes directrices sur la vérification. Ils étaient également chargés de l’examen de la présentation initiale du SGS des compagnies ferroviaires d’envergure nationale et de la surveillance des vérifications menées auprès de ces dernières. Chacun des 5 bureaux régionaux de TC avait 2 employés temporaires pour surveiller la mise en œuvre des SGS par les compagnies ferroviaires régionales.

    En 2009, après que le Comité d’examen de la LSF a indiqué que le manque de ressources entravait le passage à un programme de surveillance réglementaire axée sur le SGS, TC a été restructuré pour intégrer le SGS au cœur de ses activités de surveillance. De plus, le budget de 2009 a alloué 44 millions de dollars à TC sur une période de 5 ans pour entreprendre des initiatives de sécurité ferroviaire, telles que l’amélioration de sa capacité de surveillance réglementaire et de mise en application de la loi, et pour mener des recherches, notamment en vue de l’élaboration et de la publication en 2010 de son Guide de mise en place et d’amélioration des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire.

    1.25.2.5 Formation en vérification

    Le groupe de la Vérification, de l’application de la loi et de l’évaluation des risques de la Sécurité ferroviaire de TC a commencé à donner un programme de formation de 4 jours sur la vérification des SGS au cours de l’exercice financier 2012-2013. Le programme de formation à l’intention des ISF et des gestionnaires comportait un cours de 1 journée sur le SGS et un cours de 3 jours sur la vérification.

    Avant que ce nouveau cours soit offert, une autre formation en vérification était offerte à l’intention des ISF. En 2001, le gestionnaire de la Surveillance des systèmes de sécurité de la région et 1 inspecteur qui faisait partie de ce groupe avaient participé à des cours de formation à l’intention des vérificateurs et des chefs d’équipe de vérification. Entre 2003 et 2004, le gestionnaire de la Surveillance des systèmes de sécurité et 1 inspecteur avaient chacun participé à des cours de formation sur l’évaluation des programmes ou sur la vérification offerts par des tiers. En 2007 et 2008, un certain nombre d’inspecteurs et de gestionnaires du bureau de la région du Québec de TC avaient reçu de la formation à l’intention des membres d’équipe de vérification ou des chefs d’équipe de vérification offerte par TC.

    Le tableau 9 montre quels ISF et quels gestionnaires du bureau de la région du Québec de TC avaient participé à ces cours de vérification.

    Tableau 9. Participation du personnel du bureau de la région du Québec de TC aux cours de vérification
    Groupe Gestionnaires Inspecteurs
    Nouveau cours sur la vérification Ancien cours pour les chefs d’équipe Ancien cours pour les membres d’équipe Nouveau cours sur la vérification Ancien cours pour les chefs d’équipe Ancien cours pour les membres d’équipe
    Matériel et exploitation Non Non Non 5/5 0/5 4/5
    Ingénierie Oui Non Oui 5/7 2/7 5/7
    Surveillance des systèmes de sécurité Non Non Oui s/o s/o s/o

    Nota :

    • Le nombre total d’inspecteurs représente le nombre de postes qui étaient comblés au moment de l’accident.
    • Dates auxquelles les cours ont été suivis :
      • Nouveau cours sur le développement des compétences en vérification : entre mars et septembre 2011
      • Ancien cours à l’intention des chefs d’équipe : avril 2007
      • Ancien cours à l’intention des membres d’équipe de vérification : mai 2007 – mai 2008

    Au bureau de la région du Québec de TC, certains ISF ne se sentaient pas bien préparés pour participer de façon efficace à des vérifications des SGS, surtout à titre de chef d’une équipe de vérification, et ce, même après avoir suivi les cours. Bon nombre d’entre eux étaient d’avis que les ressources affectées aux vérifications des SGS étaient mal utilisées, puisqu’ils croyaient qu’il n’y avait que peu de recours si une compagnie de chemin de fer ne se conformait pas aux processus de son propre SGS.

    1.25.2.6 Vérifications du système de gestion de la sécurité
    1.25.2.6.1 Bureau de la région du Québec de Transports Canada

    Le bureau de la région du Québec de TC était chargé de la vérification des SGS de 4 chemins de fer régionaux. Le tableau 10 donne un aperçu des vérifications menées et indique si elles ont été effectuées pour vérifier si des processus de gestion de la sécurité étaient en place ou pour évaluer dans quelle mesure les processus contribuaient efficacement à l’amélioration de la sécurité.

    Tableau 10. Vérifications du système de gestion de la sécurité
    Chemin de fer Année Remarques
    Chemin de fer Arnaud 2002-2003 Examen des documents ou pré-vérification, ou les deux.
    MMA 2002-2003 Examen des documents et pré-vérification seulement (confirmé).
    2006-2007 Vérification de la voie. N’a pas confirmé si la compagnie avait un processus SGS en place pour la voie, ni l’efficacité de celui-ci.
    2009-2010 Comportait une évaluation de certaines composantes du SGS.
    2012-2013 Comportait une évaluation des composantes du SGS liées aux mécanismes de déclaration des accidents et incidents.
    Chemin de fer QNS&L (QNS&L) 2002-2003 Examen des documents et pré-vérification seulement (confirmé).
    2004-2005 Vérification axée sur le SGS portant sur (1) déclaration des accidents et incidents, enquêtes et analyses connexes; (2) conformité au REF; (3) collecte de données et analyse aux fins de surveillance du REF et des accidents et incidents; et (4) qualifications et formation à l’égard du REF. Convoquée par suite d’un certain nombre d’incidents.
    2005-2006 Les documents soumis portent sur une inspection mécanique du matériel. Aucune vérification des processus du SGS.
    2006-2007 Les documents soumis portent sur une inspection mécanique du matériel. Aucune vérification des processus du SGS.
    2013-2014 Vérification du SGS en cours. Convoquée par suite d’un accident au QNS&L.
    Chemin de fer St-Laurent et Atlantique 2002-2003 Le moment où la vérification a eu lieu laisse supposer qu’il s’agissait d’un examen des documents ou d’une pré-vérification, ou des deux.

    Nota : Une vérification partielle a été entreprise auprès du Chemin de fer de la Matapédia et du Golfe en 2008. La compagnie de chemin de fer a été vendue avant que la vérification soit terminée.

    Depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur le SGS, il y a 12 ans, le bureau de la région du Québec de TC a effectué des pré-vérifications pour vérifier que chacun des 4 chemins de fer régionaux avait documenté les processus exigés aux termes du Règlement sur le SGS. Entre le moment où ces pré-vérifications avaient été effectuées et celui où l’accident s’est produit, il n’y avait eu que 3 vérifications qui visaient à évaluer si les processus du SGS des compagnies contribuaient efficacement à l’amélioration de la sécurité. Deux des vérifications avaient été menées auprès de la MMA et 1 au QNS&L. La portée des 3 vérifications se limitait à certaines composantes du SGS de la compagnie. Aucune évaluation de l’efficacité de toutes les composantes du SGS n’avait été effectuée auprès des 4 chemins de fer régionaux de la région du Québec de TC.

    1.25.2.6.2 Montreal, Maine & Atlantic Railway

    1.25.2.6.2.1 Présentation initiale et pré-vérification (2002-2003)

    La MMA a soumis sa présentation initiale au bureau de la région du Québec de TC, conformément aux exigences du Règlement sur le SGS, en décembre 2002. TC a étudié les renseignements présentés aux termes de l’article 4 du Règlement et a conclu que la MMA s’y conformait.

    TC a effectué une pré-vérification aux bureaux de la MMA à Farnham les 23 et 24 janvier 2003. Le rapport sur la pré-vérification a reconnu les efforts de la MMA en vue d’élaborer un SGS, mais a constaté que son SGS ne répondait pas aux exigences de l’article 2 du Règlement sur le SGS. Les composantes du SGS qui n’étaient pas conformes aux exigences ou qui devaient être améliorées ont été décrites en détail. Voici certains des points soulevés :

    • Les documents définissant les rôles, les obligations, et les pouvoirs en matière de sécurité ainsi que la relation entre la gestion, les employés et des tiers à cet égard n’étaient pas détaillés.
    • Les mécanismes utilisés par la MMA pour déterminer quels règlements, règles, normes et ordres s’appliquaient à ses activités n’étaient pas clairs.
    • Les mécanismes pour l’approbation et la mise en œuvre des stratégies de contrôle du risque n’étaient pas documentés.
    • Les exigences relatives aux mécanismes visant la déclaration des accidents n’étaient pas claires, et la méthode pour mener les enquêtes connexes était incomplète.
    • Les procédures visant la collecte et l’analyse de données sur la sécurité étaient incomplètes.
    • La procédure visant la vérification interne périodique était incomplète.
    • Il n’y avait aucun mécanisme de surveillance de la mise en application des mesures correctives découlant des mécanismes et des processus prévus dans le SGS.

    La conclusion globale de la pré-vérification était que le SGS de la MMA devait être complètement révisé. TC a remis le rapport de pré-vérification à la MMA le 6 avril 2003, et a demandé à la compagnie de chemin de fer de lui soumettre un plan de mesures correctives. Le 11 septembre 2003, la MMA a soumis un SGS révisé à TC.

    1.25.2.6.2.2 Période entre la pré-vérification et la première vérification du système de gestion de la sécurité (2004-2009)

    La MMA a soumis au bureau de la région du Québec de TC les documents annuels prévus à l’article 5 du Règlement sur le SGS au printemps de 2004, de 2006, de 2008, et de 2009. Rien n’indique que TC ait demandé les rapports qui manquaient pour 2 années.

    1.25.2.6.2.3 Période entourant la première vérification du système de gestion de la sécurité (2010-2012)

    En mars 2010, le directeur de la région du Québec de TC, Surface, a convoqué une vérification du SGS de la MMA. L’étape sur le terrain de la vérification a été menée aux triages Farnham et de Sherbrooke entre le 15 et le 24 mars 2010. La vérification a été convoquée en raison du nombre de cas de non-conformité relevés au cours d’inspections afin de s’assurer que des processus étaient en place pour les régler, parce que la MMA comptait mettre en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé, et à cause du nombre restreint de personnel de surveillance.

    La portée de la vérification visait certaines composantes du SGS et la conformité à d’autres règles, et était décrite de la façon suivante :

    • les mécanismes visant à déterminer les règlements, règles, normes, et ordres applicables en matière de sécurité ferroviaire et les procédures pour en démontrer le respect (sous-alinéa 2d)(i) du Règlement sur le SGS);
    • règles 83, 103(c), 104(i), 104.5 et 112 du REF;
    • inspection des wagons à marchandises et règles de sécurité;
    • inspection des freins des trains de marchandises et de voyageurs et règles de sécurité.

    Le rapport de vérification contenait 8 constatations, dont la plus importante est le fait que le SGS soumis au bureau de la région du Québec de TC n’avait pas été mis en œuvre. Les vérificateurs ont constaté qu’aucun des 14 employés syndiqués et gestionnaires interrogés dans le cadre de la vérification n’avait vu le manuel du SGS et que celui-ci n’avait jamais été traduit en français. La MMA a informé les vérificateurs qu’elle attendait d’avoir reçu l’approbation de TC avant de procéder à la mise en œuvre de son SGS révisé, qu’elle avait soumis en 2003. La compagnie a été avisée que TC n’approuve pas les SGS des compagnies de chemin de fer. Aux termes du Règlement sur le SGS, c’est à la compagnie qu’incombe la responsabilité de mettre en œuvre et de maintenir un SGS, et de soumettre les documents au ministre.

    D’autres constatations portaient sur des lacunes du SGS de la compagnie, notamment :

    • Le processus de gestion du risque était utilisé seulement par les gestionnaires, et ce, seulement lorsque des changements opérationnels importants se produisaient ou lorsque des employés se blessaient.
    • Les surveillants n’avaient pas reçu de formation sur la façon d’effectuer les tests d’efficacité prévus par le programme OTIS de la compagnie.
    • La compagnie n’avait pas de procédure en place pour effectuer une vérification interne de son SGS et n’avait jamais effectué une telle vérification.

    Des lacunes au niveau de la formation des employés ont également été décelées. Plus particulièrement, les employés du service mécanique n’avaient pas reçu la formation nécessaire aux termes du REF, et des employés d’exploitation et la personne qui donnait la formation sur les règles n’avaient pas les compétences requises.

    Le bureau de la région du Québec de TC a transmis le rapport de vérification à la MMA le 16 avril 2010. Un plan de mesures correctives a été soumis le 28 mai 2010. La MMA a indiqué qu’elle avait l’intention de mettre pleinement en œuvre le SGS le 31 octobre 2010 au plus tard, une fois que le Comité de sécurité et de santé aurait passé le manuel du SGS en revue et que le document aurait été traduit en français. Le plan de mesures correctives faisait aussi état de l’intention de la compagnie de faire participer les employés davantage à l’atténuation des risques par l’entremise des comités de sécurité et de santé, d’effectuer des vérifications internes du SGS le 31 août 2011 au plus tard, et de corriger les diverses lacunes constatées en matière de documentation et de formation.

    Le vérificateur en chef a examiné le plan de mesures correctives transmis pour vérifier s’il réglait les lacunes constatées. Les mesures correctives prévues réglaient seulement certaines des lacunes constatées. Les bureaux régionaux n’avaient reçu aucune consigne leur indiquant qui était chargé de s’assurer que les mesures correctives réglaient toutes les lacunes constatées.

    1.25.2.6.2.4 Période entourant la deuxième vérification du système de gestion de la sécurité (2012-2013)

    Le directeur de la région du Québec de TC, Surface, a convoqué une deuxième vérification du SGS de la MMA en octobre 2012. Le vérificateur en chef était un employé de l’administration centrale de TC, appuyé par 2 ISF du bureau de la région du Québec de TC. La portée de la vérification comprenait les composantes du SGS 2(b), (d), (g), (h), (k), et (l), qui portent sur la déclaration des accidents et des incidents, et s’intéressait à la période de janvier 2010 jusqu’au moment de la vérification. Le directeur régional, Surface, a convoqué la vérification par suite d’un incident au cours duquel un train de la MMA avait obstrué un passage à niveau pendant une longue période de temps. Compte tenu du fait que le bureau de la région du Québec de TC n’avait pris connaissance de cet événement que par les médias, un examen des données disponibles sur les événements a été effectué, et il a été déterminé qu’une vérification visant les mécanismes de déclaration des événements de la MMA s’imposait.

    Le rapport de vérification contenait 4 constatations, dont 3 sur la documentation et la tenue de registres et l’autre sur 4 événements qui auraient dû être signalés mais qui ne se trouvaient pas dans la base de données du BST, ce qui laissait croire qu’ils n’avaient jamais été signalés. Un examen plus poussé effectué par le BST a révélé que la MMA avait omis de signaler 22 événements survenus au cours d’une période de 7 ans (de 2007 à 2013).

    Le rapport de vérification a été transmis à la MMA le 10 décembre 2012, et un plan de mesures correctives a été soumis au bureau de la région de Québec de TC le 30 janvier 2013. L’équipe de vérification a examiné le plan de mesures correctives de la MMA.

    La MMA a soumis au bureau de la région du Québec de TC les documents annuels prévus à l’article 5 du Règlement sur le SGS au printemps de 2013.

    1.25.2.6.3 Autres régions de Transports Canada

    Les activités de surveillance réglementaire effectuées auprès des chemins de fer régionaux des régions de l’Atlantique et de l’Ontario de TC ont été examinées aux fins de comparaison. Plus particulièrement, l’examen s’est penché sur les vérifications des SGS et sur les activités de suivi à l’égard du New Brunswick Southern Railway (NB Southern) et de Rail America, Inc.

    Cet examen a permis d’établir ce qui suit :

    • Le SGS du NB Southern a fait l’objet d’une pré-vérification en 2003, d’une vérification en 2004, puis de vérifications additionnelles en 2005, en 2006, en 2007, en 2009, en 2012 et en 2013. Le groupe de la Surveillance des systèmes de sécurité a participé à la planification, à la gestion, et au suivi des vérifications. Les vérifications se sont penchées sur les mécanismes et les procédures liés aux composantes décrites dans le SGS. Des rapports de vérification faisant état des constatations des vérifications ont été remis à la compagnie de chemin de fer; les plans de mesures correctives de la compagnie ont été évalués, et leur mise en œuvre a été surveillée. La portée des vérifications suivantes comportait les constatations des vérifications antérieures pour s’assurer qu’elles avaient été réglées.
    • Rail America, Inc. a subi une pré-vérification en 2002, et une vérification en 2005, et a fait l’objet d’autres vérifications en 2006 et 2011. Le groupe de la Surveillance des systèmes de sécurité a participé activement aux vérifications du SGS et aux processus de suivi. Des plans de mesures correctives ont été exigés et des mesures de suivi ont été instaurées par suite des vérifications de 2006 et de 2011. Certaines des constatations des vérifications antérieures ont fait partie de la portée des vérifications suivantes. Par exemple, l’absence de mécanismes d’évaluation du risque et de vérification interne du SGS avait été relevée au cours de la pré-vérification de 2002. Les vérifications de 2005, de 2006 et de 2011 se sont penchées sur les mécanismes d’évaluation du risque et de vérification interne du SGS, et elles ont permis de constater que de tels mécanismes n’étaient pas suivis. En raison de la perception que Rail America, Inc. n’avait pas mis en œuvre et n’appliquait pas ses mécanismes internes de SGS, le bureau de la région de l’Ontario de TC a entrepris des démarches en vue de l’émission d’un ordre ministériel en 2007 pour obliger la compagnie à le faire. En 2012, soit 5 ans plus tard, il a abandonné cette initiative, étant d’avis qu’il n’avait pas le pouvoir d’obliger une compagnie de chemin de fer à appliquer les mécanismes et procédures prévus aux termes de son propre SGS, et que son pouvoir se limitait plutôt à exiger des compagnies ferroviaires qu’elles se dotent de mécanismes et de procédures adéquats.

    1.25.3 Autres enquêtes du Bureau de la sécurité des transports sur des accidents ferroviaires mettant en cause les systèmes de gestion de la sécurité

    Le BST a mené un certain nombre d’enquêtesNote de bas de page 122 qui ont permis de constater des lacunes à l’égard de la mise en œuvre du SGS. Dans le cadre de ces enquêtes, le BST a soulevé les questions que voici :

    • Les compagnies n’effectuaient pas d’évaluation des risques lorsque des changements opérationnels étaient apportés, et les risques liés à ces changements opérationnels n’étaient pas identifiés efficacement;
    • Les processus du SGS n’identifiaient pas efficacement les pratiques dangereuses, ou les écarts entre les procédures et ce qui se faisait dans la pratique;
    • Le manque de vérifications des SGS ou le manque d’efficacité des vérifications des SGS.

    Par suite de l’enquête sur un train de marchandises parti à la dérive en 2006 (R06V0136, près de Lillooet [Colombie-Britannique]), le Bureau a souligné que le fait de ne pas avoir procédé à une évaluation officielle des risques avant de mettre en œuvre des changements opérationnels importants avait contribué à l’accident. À la lumière de cet événement et en raison de l’absence d’évaluation des risques en vue d’identifier et d’atténuer les risques avant d’apporter des changements opérationnels qui avait précédé 2 autres déraillements majeurs, le Bureau a formulé la recommandation R09-03, demandant que :

    Le Canadien National prenne des mesures efficaces d’identification et d’atténuation des risques pour la sécurité en conformité avec les dispositions de son système de gestion de la sécurité, et le ministère des Transports oblige le Canadien National à prendre ces mesuresNote de bas de page 123.
    Recommandation R09-03 du BST, émise en mai 2009

    Peu après la publication de cette recommandation, la Liste de surveillance 2010 du BSTNote de bas de page 124 faisait état d’un problème lié aux SGS dans les modes de transport aérien, ferroviaire et maritime. La Liste de surveillance du BST décrivait le problème en ces termes :

    Mis en œuvre convenablement, les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) permettent aux sociétés de transport de reconnaître les dangers, de gérer les risques et d’élaborer puis de respecter des processus de sécurité efficaces. Cependant, Transports Canada n’assure pas toujours une surveillance efficace des sociétés de transport qui sont en train de faire la transition vers un SGS, et certaines sociétés ne sont même pas tenues d’avoir un SGSNote de bas de page 125.

    Plus particulièrement, à l’égard du transport ferroviaire, la Liste de surveillance expliquait le problème ainsi :

    Les SGS sont en place dans l’industrie ferroviaire depuis 2001, mais des enquêtes récentes ont révélé que les compagnies ferroviaires ne prennent pas toujours des mesures efficaces pour cerner et atténuer les risques par le biais de leurs systèmes de gestion de la sécurité. Le BST a également constaté que les vérifications réglementaires ne sont pas toujours efficaces et il se peut qu’elles ne produisent pas uniformément les avantages voulusNote de bas de page 126.

    Après l’introduction des SGS sur la Liste de surveillance du BST, le CN et TC ont fourni des renseignements à propos des mesures prises en réponse à la recommandation R09-03. Pour sa part, TC a fait savoir ce qui suit en octobre 2011 :

    TC et l’industrie ferroviaire ont élaboré des lignes directrices et mis au point des outils pour aider les compagnies de chemin de fer à mettre en œuvre et améliorer leurs systèmes de gestion de la sécurité. De plus, TC a pourvu des postes techniques et offre de la formation au personnel de la nouvelle Division de la vérification, de l’application de la loi et de l’évaluation des risques qui doit assurer l’orientation fonctionnelle de l’industrie. Selon TC, cette question est régléeNote de bas de page 127.

    En février 2012, le Bureau a évalué la réponse à la recommandation R09-03 comme étant entièrement satisfaisante. En raison des progrès signalés en vue de traiter de l’enjeu soulevé dans la recommandation, la version la plus récente de la Liste de surveillance du BST, publiée en 2012, ne faisait plus état des SGS en tant que problème systémique pour le mode ferroviaire.

    1.25.4 Changements importants de l’exploitation ferroviaire – Augmentation de la quantité de pétrole brut transporté par train

    Au cours des dernières années, le transport de pétrole brut par train a augmenté considérablement en Amérique du Nord. Les chargements de pétrole brut transportés par les compagnies ferroviaires canadiennes de catégorie 1 ont augmenté, passant d’environ 500 wagons complets en 2009 à 160 000 wagons complets en 2013Note de bas de page 128. Aux États-Unis, les chargements de pétrole brut ont augmenté, passant de 10 800 wagons complets en 2009 à environ 400 000 en 2013Note de bas de page 129.

    Étant donné que la production de pétrole brut sera de plus en plus importante, la quantité de pétrole brut transporté par train continuera d’augmenter. En Amérique du Nord, quelque 1,0 million de barils par jour (b/j) de pétrole brut sont transportés par train à l’heure actuelle, et on s’attend à ce que la quantité totale de pétrole brut transporté par train atteigne 4,5 millions b/j au cours des 10 prochaines années.

    1.25.4.1 Évaluation du risque de la Montreal, Maine & Atlantic Railway : Augmentation de la quantité de pétrole brut transporté

    Entre 2011 et 2012, le nombre de wagons complets de marchandises dangereuses transportés par la MMA au Canada a augmenté de 280 %. La presque totalité de l’augmentation était attribuable à l’augmentation du nombre de trains-blocs de pétrole brut. Ceci représentait un changement important de l’exploitation ferroviaire, qui changeait le profil de risque de la compagnie de chemin de fer.

    Lorsque la MMA a commencé à transporter de plus en plus de pétrole brut, on a discuté de l’exploitation de trains plus longs et plus lourds et des répercussions que cela aurait sur la traction et le freinage. Toutefois, la compagnie n’a pas ressenti le besoin d’évaluer systématiquement tous les changements au moyen d’une évaluation formelle du risque, et les risques n’ont pas tous été cernés.

    1.25.4.2 Réponse de Transports Canada aux changements opérationnels à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Bien qu’il existe des exigences relatives à la présentation annuelle de documents sur le SGS, il n’y a aucune exigence particulière relative à la nécessité d’informer l’organisme de réglementation de changements opérationnels importants, y compris un changement du profil de risque des marchandises transportées. Cependant, certains pays, comme l’Australie, exigent qu’un changement opérationnel important, tel que l’exploitation des trains par un seul employé, soit examiné et approuvé au moyen d’une évaluation par l’organisme de réglementation de la sécurité ferroviaire.

    De même, d’autres industries des transports exigent une participation directe de l’organisme de réglementation lorsqu’un changement opérationnel important est apporté. Par exemple, dans l’industrie des pipelines, les compagnies sont tenues de surveiller tout changement de l’utilisation des terres ou toute augmentation de la densité de la population à l’intérieur d’une zone définie autour de leurs pipelines, et de présenter à l’organisme de réglementation un plan visant à s’adapter aux changements. En outre, il faut obtenir l’approbation de l’organisme de réglementation pour augmenter la pression maximum d’exploitation d’un pipeline ou pour changer le type de fluide qu’il transporte. L’organisme de réglementation étudie les plans et collabore avec les compagnies tout au cours du processus d’approbation pour veiller à ce que des mesures de sécurité adéquates soient en place pour le changement opérationnel proposé.

    En 2011, la Direction générale du TMD de TC a identifié l’augmentation considérable des quantités de pétrole brut transporté par trains-blocs comme étant une des questions émergentes sur lesquelles il pourrait s’avérer nécessaire d’exercer une surveillance réglementaire accrue. L’évaluation des risques de la Direction générale du TMD a indiqué qu’en grande partie l’augmentation des risques était liée aux installations où le pétrole brut était chargé dans des wagons-citernes. Par conséquent, les inspections de telles installations, qui n’étaient pas inspectées avant 2011, ont augmenté. L’analyse du risque de la Direction générale du TMD n’avait pas identifié la mauvaise classification du pétrole brut comme présentant un risque plus élevé.

    Aux installations de Irving à Saint John, les installations de chargement et de déchargement avaient été inspectées 4 fois entre 2009 et 2012. Ces inspections n’avaient révélé aucun cas de non-conformité. L’exactitude de la classification du pétrole brut qui était importé, manutentionné ou transporté n’a pas été vérifiée, soit par échantillonnage et essai du produit, soit par examen des processus de classification de la compagnie.

    TC n’a pas veillé à ce qu’une évaluation des risques opérationnels liés au transport de grandes quantités de pétrole brut par train soit effectuée. Il ne s’est pas non plus intéressé spécifiquement aux risques que présentait le fait que la MMA transportait des quantités de plus en plus importantes de pétrole brut de la région de Bakken sur ses voies au Canada.

    1.25.4.3 Réponse de l’Office des transports du Canada aux changements opérationnels à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    L’Office des transports du Canada (OTC) est un tribunal quasi judiciaire indépendant et un organisme de réglementation économique. Le rôle de l’OTC à l’égard de la réglementation du réseau de transport ferroviaire canadien est de traiter les demandes de certificats d’aptitude en vue de la construction ou de l’exploitation de chemins de fer de compétence fédérale en vertu de la Loi sur les transports au Canada.

    Aux termes de la Loi sur les transports au Canada, toute personne qui se propose de construire ou d’exploiter un chemin de fer de marchandises ou de voyageurs de compétence fédérale doit présenter à l’OTC une demande de certificat d’aptitude. L’OTC délivre ce certificat s’il estime que l’assurance responsabilité civileNote de bas de page 130 est adéquate pour la construction ou l’exploitation proposée, conformément au Règlement sur l’assurance responsabilité civile relative aux chemins de fer.

    Afin de déterminer si l’assurance responsabilité civile est suffisante, l’OTC étudie les risques liés au projet d’exploitation en examinant les renseignements fournis par le demandeur, notamment le nombre de voyageurs, le nombre de trains-milles, le volume de trafic ferroviaire, la classe et le volume de marchandises dangereuses transportées, les types d’agglomérations desservies, le nombre de passages à niveau, la vitesse des trains, la taille et la formation de l’équipe de train, la méthode de contrôle de la circulation des trains, et le dossier de sécurité global du demandeur. Pour obtenir les données du dossier de sécurité, l’OTC communique avec TC. L’OTC identifie les compagnies ferroviaires aux profils de risque semblables et compare l’assurance de ces dernières pour en arriver à une décision à savoir si l’assurance est suffisante.

    Une fois que le certificat d’aptitude a été délivré, il n’y a aucune exigence de renouvellement ou de ré-évaluation périodique du demandeur. Toutefois, sur une base continue, le titulaire du certificat doit aviser l’OTC chaque fois qu’il annule ou modifie sa police d’assurance responsabilité, ou lorsqu’en raison d’un changement dans la construction ou l’exploitation, son assurance responsabilité pourrait ne plus convenir. L’OTC ne cherche pas activement à obtenir ce type d’information. En cas de changement opérationnel ou de changement dans la construction du chemin de fer, la compagnie ferroviaire doit présenter une demande de modification de son certificat, ce qui donnerait lieu à un examen de l’OTC. L’ampleur et le type des changements opérationnels dont il faut informer l’OTC sont subjectifs et la décision est laissée à la compagnie ferroviaire. Si l’OTC établit que la protection d’assurance n’est plus suffisante, il peut suspendre ou annuler le certificat d’aptitude.

    Le certificat d’aptitude de la MMA en vue de l’exploitation d’un chemin de fer de marchandises au Québec a été délivré en 2002. En 2003, la MMA a présenté une demande de modification à son certificat d’aptitude, qu’elle s’est vue accorder, en raison d’une diminution de la voie sur laquelle elle exploitait des trains. De nouveau en 2003, la MMA a demandé et obtenu une modification à son certificat en vue de l’exploitation d’un train de voyageurs pour une période de 6 jours. En 2005, la MMA a obtenu une troisième modification lui permettant d’exploiter des trains de voyageurs sur sa voie.

    Lorsqu’elle a apporté des changements opérationnels plus importants, notamment l’augmentation des marchandises dangereuses transportées ou la mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé entre Farnham et Lac-Mégantic, la MMA n’a pas présenté une demande de modification de son certificat d’aptitude ni augmenté son assurance responsabilité civile. L’OTC ne savait pas que des changements opérationnels qui pourraient avoir une incidence sur le certificat d’aptitude de la MMA étaient survenus.

    1.25.5 Transport des marchandises dangereuses

    1.25.5.1 Direction générale

    La Direction générale du transport des marchandises dangereuses (TMD) de TC réglemente le transport des marchandises dangereuses en vertu de laLoi sur le TMD. La Loi sur le TMD s’applique, aux fins du transport, à toute personne qui importe des marchandises dangereuses, en demande le transport, les manutentionne ou les transporte, peu importe le mode de transport utilisé, au Canada.

    La Direction générale du TMD élabore des politiques, des règlements et des normes. Elle enregistre les installations qui s’occupent de la construction, de l’inspection, de l’entretien ou de la réparation de contenants. Elle voit à l’examen et à l’agrément des PIU, et à la prestation de conseils au cours d’activités d’intervention d’urgence (par l’entremise de son Centre canadien d’urgence transport [CANUTEC]). En outre, la Direction générale du TMD effectue de la recherche en vue d’améliorer la sécurité, et exécute les programmes de surveillance de la conformité et d’application de la loi.

    1.25.5.2 Surveillance de la conformité et application de la loi

    Les inspecteurs du TMD peuvent inspecter toute installation ou tout moyen de transport où des marchandises dangereuses sont manutentionnées, offertes pour le transport ou transportées, ainsi que toute installation où des contenants destinés au transport des marchandises dangereuses sont construits, réparés ou mis à l’essai.

    Les endroits qui doivent faire l’objet d’une inspection du TMD sont choisis et classés en ordre de priorité à l’aide d’une méthodologie axée sur les risques. Les facteurs de risque dont on tient compte sont :

    • les antécédents en matière d’inspection et de conformité,
    • les questions d’intérêt régional et national,
    • les antécédents en matière d’incidents,
    • la classe de marchandises dangereuses et le type de contenant,
    • le type d’installation,
    • l’existence d’un PIU,
    • toute question émergente.

    Les inspections sont menées à l’endroit où les marchandises dangereuses sont introduites dans le réseau de transport, habituellement à l’installation où l’on en demande le transport (tel que l’endroit où elles sont fabriquées, produites ou expédiées). Des inspections sont menées en cours de route et à la frontière, mais elles sont beaucoup moins fréquentes.

    Des inspections des PIU ou des installations agréées qui construisent ou réparent des contenants destinés au transport de marchandises dangereuses ou en font l’essai sont également effectuées dans le cadre des activités de surveillance de la conformité.

    Au cours d’une inspection, les inspecteurs du TMD peuvent examiner, entre autres, les marques de sécurité et les documents d’expédition, de même que les opérations de chargement et de déchargement. Les inspections ne comprennent pas une vérification de l’exactitude de la classification, soit par échantillonnage et essai du produit, soit par examen des processus de classification utilisés par les consignateurs.

    Tous les cas de non-conformité cernés sont inscrits dans les rapports d’inspection qui sont communiqués à la personne ou aux personnes responsables de l’installation ou de l’activité inspectée. Selon la nature ou la gravité des cas de non-conformité relevés, l’inspecteur peut émettre une notification de contravention. De telles notifications ne sont pas prévues comme telles par la Loi sur le TMD; elles servent à avertir les compagnies que les cas de non-conformité pourraient donner lieu à des mesures d’application plus sévères.

    Tous les cas de non-conformité sont consignés dans le système d’information sur les inspections (IIS – Inspection Information System) de la Direction générale du TMD. Les endroits qui doivent faire l’objet d’inspections de suivi (c.-à-d., d’inspections visant à s’assurer que les cas de non-conformité cernés ont été corrigés) sont choisis selon une approche axée sur les risques à l’aide des données consignées dans l’IIS. Les inspecteurs du TMD peuvent aussi, selon le cas, prendre des mesures réglementaires, conformément aux procédures du manuel de l’inspecteur du TMD, à l’égard de divers types de non-conformité :

    • Émission d’ordres de retenue (article 17 de la Loi sur le TMD),
    • Émission de directives (articles 7, 13, 17 et 19 de la Loi sur le TMD).

    Les inspecteurs du TMD peuvent également intenter des poursuites par procédure sommaire ou par mise en accusation en vertu de l’article 33 de la Loi sur le TMD, et ils ont la possibilité de déposer un procès-verbalNote de bas de page 131 en vertu de la Loi sur les contraventions. Des poursuites criminelles sont envisagées seulement dans le cas de certaines infractions plus graves, en raison de la complexité, du coût, et des ressources nécessaires pour intenter de telles poursuites. Lorsqu’une poursuite est intentée, une enquête est menée pour veiller à ce que tous les éléments de preuve recueillis soient admissibles devant un tribunal.

    La législation sur le TMD qui était en vigueur au moment de l’accident n’avait aucune disposition à l’égard des sanctions administratives pécuniairesNote de bas de page 132.

    1.25.5.3 Inspections du transport des marchandises dangereuses

    Environ 11 000 inspections du TMD ont été effectuées au cours des 5 dernières années à l’échelle du Canada; 1650 d’entre elles ont été menées au Québec.

    Ces inspections ont donné lieu à 186 mesures prises à l’égard des cas de non-conformité cernés (tableau 11).

    Tableau 11. Inspections du transport des marchandises dangereuses et mesures prises (tous les modes)
    Année Nombre d’inspections sur le TMD effectuées Mesures prises
    Nombre d’ordres de retenue émis Nombre de directives émises Nombre de poursuites intentées
    2009 2537 11 20 1
    2010 2357 14 9 5
    2011 2208 27 6 3
    2012 2290 14 19 3
    2013 1999 30 22 2
    Total 11 391 96 76 14

    Nota : 2013 – données de janvier à juin seulement.

    1.25.5.4 Inspections du transport des marchandises dangereuses – Transport ferroviaire

    Les inspections du TMD comportent l’inspection des installations où des marchandises dangereuses sont chargées, déchargées, ou offertes pour le transport par train, ainsi que des inspections des expéditeurs et des titulaires de PIU. Entre 2009 et 2013, environ 1320 inspections du TMD ont été effectuées au Canada pour le transport ferroviaire, dont 12 au Québec (qui n’a pas d’inspecteur du TMD dédié au transport ferroviaire).

    Ces inspections ont donné lieu, en tout, à 22 mesures prises à l’égard des cas de non-conformité cernés (tableau 12).

    Tableau 12. Inspections du transport des marchandises dangereuses et mesures prises (transport ferroviaire seulement)
    Année Nombre d’inspections sur le TMD effectuées pour le transport ferroviaire Mesures prises
    Nombre d’ordres de retenue émis Nombre de directives émises Nombre de poursuites intentées
    2009 249 0 2 -
    2010 239 7 0 -
    2011 315 2 0 -
    2012 277 0 4 -
    2013 237 3 4 -
    Total 1317 12 10 0

    Nota : 2013 – données de janvier à juin seulement.

    Au cours des 5 dernières années, 3 inspections du TMD ont été effectuées auprès de la MMA. Aucun ordre de retenue ni aucune directive n’ont été émis; aucune poursuite n’a été intentée, et il n’y avait aucune raison connue de le faire.

    2.0 Analyse

    Dans l’accident à l’étude, un train de 4700 pieds transportant du pétrole brut, qui était garé sur la voie principale, est parti à la dérive, et a parcouru 7,2 milles sur une pente descendante. Le train a pris de la vitesse, et a déraillé dans la ville de Lac-Mégantic (Québec) alors qu’il roulait à 65 mi/h. Soixante-trois wagons-citernes ont déversé environ 6 millions de litres de pétrole brut, qui s’est enflammé, rasant des édifices, détruisant le centre de la ville, et causant la mort de 47 personnes. Le centre-ville, la rivière et le lac adjacents ont été contaminés.

    L’enquête sur cet accident a été complexe. À l’aide des renseignements fournis par le consignateur d’événements de locomotive (CEL), les enregistrements du contrôle de la circulation ferroviaire, les données tirées des locomotives et de ce qu’il restait des wagons-citernes, ainsi que les témoignages des personnes en cause, le BST a réussi à établir ce qui s’était passé. Ces renseignements ont permis de comprendre comment le train a été immobilisé, quel rôle a joué l’incendie à bord de la locomotive, pourquoi le train a commencé à se déplacer sur la pente descendante, et ce qui s’est produit par la suite. Les circonstances entourant le déraillement, la rupture subséquente des wagons-citernes, ainsi que la façon dont le pétrole brut s’est enflammé et a alimenté de nombreux autres incendies, sont dorénavant bien comprises. La présente section du rapport porte sur l’analyse de ces facteurs.

    Il n’en demeure pas moins que le fait de comprendre ce qui s’est passé n’est qu’une première étape : il est important de déterminer pourquoi de tels accidents surviennent. L’analyse se penchera donc sur les facteurs sous-jacents qui ont joué un rôle dans l’accident, y compris la surveillance exercée par Transports Canada (TC), ainsi que des facteurs organisationnels, tels que la culture de sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) et l’efficacité de son système de gestion de la sécurité (SGS). L’analyse ira ensuite au-delà de l’accident en cause, dans le but d’améliorer la sécurité ferroviaire au Canada.

    2.1 L’accident

    Au cours de la soirée précédant l’accident, le MMA-002 est arrivé à Nantes (Québec), et le mécanicien de locomotive (ML) a garé le train sur une pente sur la voie principale. Un nouveau ML était censé poursuivre le voyage vers l’est en matinée, ce qui était la procédure normale de la compagnie, et le ML avait régulièrement garé des trains pour la nuit de cette façon.

    Après avoir arrêté le train à l’aide des freins automatiques, le ML a serré les freins indépendants du groupe de traction. Il a commencé à serrer les freins à main et à couper le moteur des locomotives menées, y compris les 2 qui étaient munies d’un système de démarrage automatique. La locomotive de tête a été laissée en marche pour se conformer aux règles des États-Unis relatives aux freins à air.

    Pour vérifier si le nombre de freins à main serrés sur le train était suffisant, le ML a desserré les freins à air automatiques du train, mais a laissé les freins indépendants serrés. Ainsi, le train était retenu en place par l’effort de freinage jumelé des freins à main et des freins indépendants de locomotive, plutôt que par le seul effort des freins à main. Le train ne s’étant pas déplacé, le ML a conclu que l’essai avait été réussi et que le train était immobilisé convenablement.

    Pendant ce temps, le ML a aussi remarqué que le moteur de la locomotive de tête laissait s’échapper une fumée excessive de couleur noire et blanche. Cette fumée était attribuable à de l’huile moteur qui avait été surchauffée après s’être accumulée dans le turbocompresseur à cause de la défaillance d’une réparation non standard du moteur. Le ML s’est entretenu avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) de Bangor (Maine) au sujet de la fumée. On s’attendait à ce que la situation s’améliore et on comptait s’en occuper en matinée.

    À l’arrivée du taxi qui était venu chercher le ML, le chauffeur de taxi a remarqué la fumée et a mentionné que des gouttelettes d’huile en provenance de la locomotive aspergeaient le parebrise du taxi. Le ML a dit être au courant de la situation, et n’a pris aucune autre mesure. Le taxi est parti en direction de l’hôtel. À 23 h 40, le service 911 a reçu un appel signalant un incendie à bord d’un train à Nantes. Le service d’incendie de Nantes a répondu à l’appel et a éteint l’incendie. Pour ce faire, les pompiers ont coupé l’alimentation en carburant de la locomotive, ce qui a arrêté le moteur, et ils ont placé les disjoncteurs sur le panneau à l’intérieur de la cabine en position ouverte, ce qui était conforme aux instructions ferroviaires. L’employé qui avait été dépêché par la MMA pour aller à la rencontre des pompiers était un chef garde-voie. Cet employé n’avait aucun antécédent sur l’exploitation des locomotives. Par conséquent, aucune autre locomotive n’a été mise en marche. Après avoir signalé l’état du train au CCF de Farnham (Québec), l’employé a quitté les lieux avec les pompiers.

    Normalement, lorsque les disjoncteurs sont placés en position ouverte, un freinage de service automatique se déclenche d’un bout à l’autre du train. Toutefois, le câblage du dispositif de veille automatique avait été installé de telle façon qu’aucun freinage de service ne s’est produit, ce qui a éliminé un moyen de défense possible. En outre, lorsque le moteur de la locomotive a été coupé (et qu’aucune autre locomotive n’a été mise en marche), le compresseur a cessé d’alimenter en air le circuit des freins à air. Au fur et à mesure que l’air s’est échappé lentement des composants du circuit de freinage du train, les réservoirs principaux ont commencé à se vider. Par conséquent, l’efficacité des freins indépendants du groupe de traction a diminué graduellement et, alors que la pression d’air continuait à baisser, l’immobilisation du train s’est mise à dépendre de plus en plus des freins à main.

    Avec le temps, lorsque la pression d’air a été suffisamment basse, l’effort de freinage jumelé des freins indépendants et des freins à main n’a plus été suffisant pour retenir le train, et ce dernier a commencé à se déplacer. Alors qu’il dévalait la pente descendante, le train a pris de la vitesse, atteignant une vitesse de 65 mi/h. Le train a déraillé dans la courbe du branchement de Megantic Ouest.

    2.2 Trains laissés sans surveillance

    Le MMA-002 a été laissé sans surveillance en bordure d’une autoroute publique, avec les portes de la cabine de locomotive déverrouillées, le levier d’inversion du sens de marche placé sur le siège du ML, et la locomotive de tête encore en marche; il y avait donc un risque accru d’accès non autorisé au train. Même si le train avait été immobilisé convenablement, des actes de vandalisme et des manœuvres abusives des commandes de locomotive peuvent avoir des conséquences graves. Quoique rien ne laisse supposer qu’il y ait eu accès non autorisé le soir de l’accident, le fait de laisser des locomotives déverrouillées dans des endroits faciles d’accès avec le levier d’inversion du sens de marche dans la cabine comporte des risques.

    2.3 Immobilisation du MMA-002 à Nantes

    2.3.1 Nombre de freins à main

    Comme l’a montré l’accident à l’étude, les règles de l’industrie ferroviaire relatives à l’immobilisation des trains sont importantes à cause des conséquences possibles si du matériel n’est pas immobilisé convenablement.

    La MMA suivait la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) qui stipulait qu’un nombre « suffisant » de freins à main doivent être serrés et qu’un essai de l’efficacité des freins doit être effectué pour vérifier si l’effort de freinage est adéquat. De plus, la MMA avait des règles supplémentaires dans ses Instructions spéciales générales et dans ses Règlements de sécurité. Ces règles se réfèrent à un tableau détaillé sur le nombre minimum de freins à main qu’il faut serrer – soit l’instruction « 10 % + 2 ». Puisque tous les circuits de freins à air laissent de l’air s’échapper, la MMA donnait des instructions explicites à l’égard du fait qu’il « ne faut pas dépendre du système de frein à air pour empêcher un mouvement indésirableNote de bas de page 133. »

    En outre, le tableau qui indique le nombre minimum de freins à main était censé n’être qu’une ligne directrice et, comme l’indiquent les Règlements de sécurité, « Des freins à main additionnels peuvent être exigés, » en raison de facteurs tels que la pente de la voie, le nombre de wagons, le poids du train, et les conditions météorologiques.

    De plus, les essais effectués par le BST ont montré que divers autres facteurs peuvent avoir une incidence sur le rendement de chaque frein à main, y compris le couple de serrage appliqué par une personne, l’état mécanique et l’efficacité du frein à main, ainsi que la présence de corps étrangers entre les semelles de frein et les roues. Il incombe donc au ML de vérifier l’immobilisation du train en effectuant correctement un essai de l’efficacité des freins à main.

    Dans le cas à l’étude, les 7 freins à main qui avaient été serrés représentaient environ 10 % des wagons. Ce nombre s’est avéré insuffisant une fois que l’air a été complètement évacué du circuit de freinage et que les freins indépendants n’ont plus fourni un effort de freinage supplémentaire.

    L’enquête a donc cherché à découvrir pourquoi le travail ne se fait pas toujours conformément aux procédures écrites, et comment des adaptations des procédures se produisent parfois. Plus précisément, l’enquête a cherché à savoir pourquoi le ML a cru que 7 freins à main étaient suffisants, et pourquoi il n’a pas effectué correctement l’essai de l’efficacité des freins à main.

    Une des raisons qui a pu motiver sa décision pourrait être le fait que le ML ne connaissait pas à fond les règles et les instructions spéciales pertinentes sur l’immobilisation des trains. Bien que les résultats des examens de recertification que le ML avait passés indiquaient qu’il avait répondu correctement aux questions sur le nombre minimum de freins à main, ces questions étaient relativement simples et ne démontraient pas que le ML saisissait bien l’importance et la raison d’être des règles. En outre, le ML n’avait jamais été évalué sur les procédures à suivre pour effectuer un essai de l’efficacité des freins à main, et le programme de tests fonctionnels et d’inspections (OTIS) de la compagnie ne s’assurait pas que les essais de l’efficacité des freins à main étaient effectués correctement. De plus, le ML n’avait pas en sa possession tous les documents qu’il était tenu d’avoir à bord du train, et ne pouvait pas se référer facilement aux règles et aux instructions de la compagnie.

    Il se peut également que l’expérience antérieure du ML ait été un facteur dans son choix du nombre de freins à main à serrer. Le ML avait déjà immobilisé des trains à cet endroit en ne serrant les freins à main que sur 10 % seulement du nombre de wagons. En outre, à d’autres endroits, les circonstances étaient différentes (terrain moins exigeant et des pentes plus douces), et il se pourrait très bien que 10 % ait été suffisant ou permis par les instructions spéciales. Il a pu supposer que le fait de ne pas avoir eu de problèmes par le passé était présage de réussite à l’avenir.

    L’enquête du BST a révélé que le fait d’avoir utilisé les freins indépendants à Nantes à d’autres occasions par le passé avait influencé la perception du ML de l’effort de freinage fourni par les freins à main, de sorte qu’il en avait conclu que seulement 10 % était suffisant. Le ML n’était pas le seul à le croire; certains autres ML de la MMA ne desserraient pas non plus les freins indépendants lorsqu’ils immobilisaient des trains, ce qui indique que de mauvaises pratiques d’immobilisation des trains ne se limitaient pas à l’accident à l’étude.

    Pour déterminer le nombre de freins à main qui auraient été nécessaires pour retenir le MMA-002 sur une pente descendante moyenne de 0,92 %, c’est-à-dire sans utiliser les freins indépendants du groupe de traction, le BST a effectué toute une série d’essais tenant compte d’une foule de facteurs qui peuvent avoir une incidence sur le rendement des freins à main. La principale conclusion tirée de ces essais est que 9 freins à main, qui est le nombre minimum précisé dans le tableau de la MMA, n’auraient pas été suffisants pour retenir le train à Nantes.

    À partir d’un scénario selon lequel les freins à air automatiques n’auraient pas été serrés, et tout dépendant du couple de serrage appliquéNote de bas de page 134, le BST a conclu qu’il aurait fallu que le ML serre entre 18 et 26 freins à main sur les wagons et le groupe de traction.

    Étant donné qu’on s’était servi d’une application de 13 lb/pi² de freins à air automatiques pour arrêter le train, le BST a conclu que, dans les circonstances, il aurait fallu que le ML serre entre 15 et 20 freins à main sur les wagons et le groupe de traction.

    >Le BST a également conclu qu’étant donné que les freins à main des wagons-citernes étaient plus efficaces que ceux des locomotives, entre 12 et 18 freins à main auraient été suffisants, si seulement les freins à main des wagons avaient été serrés.

    Les résultats de ces essais sont donnés en détail à l’annexe J.

    Cependant, tel qu’indiqué dans les règlements de sécurité de la compagnie, le nombre précisé dans le tableau n’est qu’un minimum et, dans certaines conditions, des freins à main additionnels pourraient s’avérer nécessaires. C’est pourquoi le ML doit déterminer, grâce à un essai de l’efficacité des freins à main effectué correctement, quel nombre de freins à main est suffisant.

    Avant l’accident de Lac-Mégantic, aucun train n’était parti à la dérive après avoir été laissé sans surveillance à Nantes ou à Vachon (Québec). Ceci s’explique probablement par le fait que des freins indépendants étaient utilisés en plus des freins à main pour immobiliser les trains. Néanmoins, si un essai de l’efficacité des freins à main n’est pas effectué correctement, du matériel pourrait ne pas être immobilisé convenablement, ce qui augmente le risque qu’il parte à la dérive.

    2.3.2 Essai de l’efficacité des freins à main

    Les freins à air indépendants de locomotive peuvent fournir un effort de freinage très efficace et sont habituellement capables de retenir le train à eux seuls. Cependant, on ne peut pas se fier à ces freins en toutes circonstances. Si les locomotives sont arrêtées ou si elles ne fonctionnent plus, l’air qui s’échappe du circuit entraînera une baisse de la pression dans le cylindre de frein et les freins à air perdront de leur efficacité. Les freins à main, dont l’efficacité ne dépend pas de la pression d’air, sont donc un moyen de défense critique, et doivent être capables, à eux seuls, de retenir le train. Il n’est pas possible de déterminer s’ils sont efficaces à moins d’effectuer correctement un essai de l’efficacité des freins.

    Pour procéder à un essai de l’efficacité des freins à main, il faut distinguer l’effort fourni par les freins à main des wagons de celui de tout autre frein. Pour ce faire, il faut desserrer tous les freins à air du train et des locomotives, et permettre au jeu d’attelage de s’ajuster ou le forcer à le faire (sous l’effet de la gravité ou à l’aide du manipulateur, selon le cas).

    Cependant, si, au cours d’un essai de l’efficacité des freins à main (effectué à l’aide du manipulateur), les freins à main de la (des) locomotive(s) en marche sont serrés eux aussi, l’effort de freinage fourni par ces derniers peut donner l’impression erronée que l’effort de freinage est généré par l’ensemble du train. Ceci peut fausser les résultats de l’essai de l’efficacité, ce qui augmente le risque que les trains partent à la dérive. Il faudrait donc que le ML augmente le régime moteur pour compenser l’effort de freinage généré par les freins à main de locomotive.

    Parce qu’une locomotive était toujours laissée en marche et qu’elle maintenait donc l’intégrité des freins indépendants, l’immobilisation des trains à Nantes n’avait causé aucun problème auparavant. Ainsi, tout essai de l’efficacité des freins à main effectué incorrectement n’avait pas entraîné le mouvement du train par le passé.

    2.3.3 Entretien des freins à main de locomotive

    Parce que la valve de purge rapide (V.P.R.) de la MMA 5026 était défectueuse, l’air dans le cylindre de frein n’a pas été évacué lorsque le frein à main a été serré. Une fois l’air dans le cylindre de frein complètement évacué, le frein à main n’exerçait plus aucun effort. Ainsi, seuls 6 des 7 freins à main serrés fournissaient un effort de freinage. Par conséquent, en réalité, l’effort de freinage exercé sur le train par les freins à main était encore moins prononcé que ce que le ML avait envisagé.

    En raison de défectuosités courantes des V.P.R., la MMA avait émis des instructions sur comment et à quel moment déclencher la V.P.R. manuellement si elle n’évacuait pas l’air. On avait précédemment modifié la V.P.R. de la MMA 5026 pour la garder en état de fonctionner. Toutefois, le poussoir de la valve s’était usé et avait été endommagé davantage, et le disque de retenue ne fonctionnait plus. Par conséquent, la V.P.R. devait être déclenchée manuellement pour que le frein à main puisse fonctionner. Parce que le ML ne connaissait pas ces instructions, il n’était pas au courant de la défectuosité et n’a pas déclenché la valve manuellement.

    De surcroît, des essais effectués sur les freins à main des 5 locomotives ont permis de constater qu’en appliquant 100 pieds-livres de couple de serrage, on n’arrivait à atteindre un coefficient de freinage moyen que de 3,8 % environ. En outre, même avec un couple de serrage de 150 pieds-livres, les coefficients de freinage jumelés des freins à main variaient d’environ 4,2 % à 6,8 % du poids brut sur rail des locomotives, ce qui est encore en deçà des exigences de l’Association of American Railroads (AAR). À titre comparatif, le même essai effectué sur les wagons-citernes en cause dans l’accident a permis de constater qu’en général, les wagons répondaient aux exigences de l’AAR, puisqu’ils généraient des coefficients de freinage d’environ 10 % de leur poids brut sur rail. Ces coefficients signifient que l’effort de freinage moyen généré par les locomotives était beaucoup moins important (moins des 2/3) que celui généré par les wagons-citernes lorsque le même couple de serrage était appliqué. Par conséquent, des freins à main serrés sur 3 locomotives généraient moins d’effort de freinage que des freins à main serrés sur 2 wagons.

    En outre, les freins à main de certaines locomotives ne serrent les semelles de frein que sur 2 roues. Ainsi, si le circuit de frein à main d’une locomotive est mal ajusté, cela pourrait réduire l’effort de freinage global. Bien que les locomotives modernes puissent avoir un coefficient de freinage net plus élevé que celui des wagons de marchandises, les locomotives plus anciennes, surtout si elles ne sont pas bien entretenues, sont plus susceptibles d’être moins efficaces. Par conséquent, compte tenu de la variabilité de l’état des freins à main de locomotive, le fait de les inclure dans le calcul du nombre total de freins à main nécessaires peut entraîner une surestimation de l’effort de freinage, ce qui augmente le risque que les trains partent à la dérive.

    2.4 Incendie à bord de la locomotive du MMA-002

    En octobre 2012, soit 8 mois avant l’accident, la MMA 5017 avait été envoyée à l’atelier de la compagnie à Derby (Maine) par suite d’une panne moteur. Compte tenu de l’importance des ressources (temps et argent) nécessaires pour apporter une réparation standard au bloc-moteur, ainsi que de la nécessité de remettre la locomotive en service à cause de l’augmentation de la circulation des trains, la réparation a été effectuée à l’aide d’une méthode non standard moins dispendieuse. Cette méthode comportait l’utilisation d’un polymère qui n’avait ni la résistance ni la durabilité voulues.

    Ce matériau a éventuellement commencé à se détériorer, entraînant des problèmes au niveau du palier à cames qui se sont soldés par une lubrification inadéquate des soupapes. La rupture de la soupape ne s’est pas produite immédiatement, et la locomotive a continué de fonctionner, mais en consommant de plus en plus d’huile. Puisqu’une légère augmentation de la sorte n’était pas inusitée pour une vieille locomotive, la cause sous-jacente de ce problème n’a pas été décelée.

    Au fur et à mesure que le problème s’aggravait, le moteur a commencé à faire des sautes de régime, ce qui a été signalé au cours du voyage précédent par un autre ML, et de nouveau par le ML en cause dans l’accident au départ de Farnham. Malgré le fait que les problèmes avaient été signalés, la MMA n’a pas immédiatement remédié à la situation, soit en retirant la locomotive du service, soit en la déplaçant de la tête du trainNote de bas de page 135.

    Alors que le train montait la pente en direction de Nantes, l’huile qui s’écoulait dans les collecteurs d’admission et d’échappement à partir du cylindre endommagé a commencé à s’accumuler dans le turbocompresseur, où elle a été surchauffée, ce qui a donné lieu à la fumée excessive de couleur noire et blanche que le ML a remarquée.

    Le ML a immobilisé le train à Nantes et a coupé le moteur de toutes les locomotives sauf celui de la locomotive de tête, y compris celles qui étaient munies d’un système de démarrage automatique. Le ML a eu une discussion avec le CCF de Bangor, qui n’a pas résolu la situation. Malgré la règle de sécurité de la MMA au sujet des mesures à prendre en cas de condition anormale du moteur, et malgré la fumée excessive et les graves ennuis mécaniques, il a été décidé qu’aucune mesure corrective immédiate ne s’imposait. Il a été convenu que la MMA 5017 serait évaluée en matinée pour régler le problème de rendement du moteur, et la locomotive de tête a été laissée en marche.

    Peu après le départ du ML en taxi en direction de l’hôtel, l’huile qui s’était accumulée et avait été surchauffée dans le turbocompresseur a pris feu. Ni le ML du MMA-001 ni celui du MMA-002 n’ont été appelés pour retourner à Nantes parce que cela aurait retardé le départ des trains le lendemain matin et à cause des dispositions relatives aux heures de repos obligatoires. La nécessité de procéder à un essai no 1 des freins le lendemain matin aurait été un inconvénient, mais pas à un point qui justifiait de rappeler le ML pour qu’il fasse démarrer une autre locomotive ce soir-là. Parce qu’aucune autre locomotive n’a été mise en marche, la pression d’air des freins indépendants du train n’a pas été maintenue.

    Le CCF, qui avait lui-même déjà immobilisé des trains à Nantes, savait qu’aucune locomotive n’avait été laissée en marche. Toutefois, il savait que l’immobilisation des trains ne devrait pas dépendre d’une locomotive laissée en marche, et il a supposé que le train avait été immobilisé convenablement à l’aide d’un nombre suffisant de freins à main. En l’absence d’un indice probant le portant à croire le contraire, le CCF n’a pas pensé que le fait d’avoir coupé le moteur des locomotives compromettrait l’immobilisation du train.

    2.5 Mouvement du train et moyens d’empêcher les trains de partir à la dérive

    Le MMA-002 a commencé à partir à la dérive lorsque l’effort de freinage des freins indépendants de locomotive a baissé jusqu’au point où, même jumelé à l’effort de freinage des freins à main, il n’était plus suffisant pour retenir le train sur une pente de 0,92 %.

    Les freins à main que le ML avait serrés ne fournissaient que 48 600 livres environ d’effort de freinage (1/3) des quelque 146 700 livresNote de bas de page 136 d’effort de freinage nécessaire pour retenir le train (compte tenu de la pente de la voie, du poids du train, et de la résistance au roulement estimée). Toutefois, le train était d’abord immobilisé convenablement parce que les freins indépendants, qui sont assez puissants, généraient un effort de freinage additionnel de 215 500 livres, ce qui donnait 264 100 livres en tout.

    Les circuits de freins à air sont conçus pour empêcher le serrage des freins automatiques qui pourrait se produire en raison de fluctuations normales de la circulation d’air. Dans l’accident à l’étude, après que le moteur de la locomotive de tête a été coupé, le rythme moyen auquel l’air s’échappait du circuit était d’environ 1 lb/po² à la minute. Bien qu’un tel débit était un peu excessif, il était néanmoins dans les normes de l’industrie et n’était pas suffisant pour déclencher les valves de commande des freins à air (c.-à-d., environ 3 lb/po² à la minute). Aucun serrage des freins automatiques n’a donc été déclenché. Si un tel serrage s’était produit, il aurait probablement été suffisant pour retenir le train jusqu’en matinéeNote de bas de page 137.

    Le point critique a été atteint environ 1 heure après que le moteur de la locomotive de tête a été coupé, lorsque la pression dans le cylindre de frein a baissé à 27 lb/po². À ce moment, l’effort de freinage généré par les freins indépendants est passé à 97 400 livres, ce qui a réduit l’effort de freinage global (y compris celui des freins à main) à 146 000 livres. Le train a commencé à descendre la pente.

    Dans l’industrie ferroviaire, il existe de nombreux moyens physiques et mesures administratives pour empêcher les trains de partir à la dérive, y compris l’endroit et la façon dont les trains sont garés, la relève des équipes, les dérailleurs et les dispositifs de calage, les dispositifs mécaniques de secours, et les systèmes de freinage pneumatique à commande électronique. Voici d’autres mesures qui sont également disponibles sur la plupart des trains, y compris sur le MMA-002 :

    • Dispositif de veille automatique : Habituellement, on s’attend à ce que le dispositif de veille automatique déclenche un freinage de service lorsque les disjoncteurs du panneau électrique arrière sont ouverts. Toutefois, aucun freinage de service ne s’est produit sur le MMA-002 en raison de la façon dont le câblage du dispositif avait été installé. Bien qu’il n’y ait pas de façon normalisée d’installer un dispositif de veille automatique, si un freinage de service s’était produit lorsque le courant a été coupé, le train serait probablement resté bien immobilisé.
    • Systèmes de démarrage automatique : Un des avantages d’un système de démarrage automatique est qu’il fera redémarrer une locomotive lorsque la pression d’air dans le cylindre de frein diminue jusqu’à un certain niveau, afin de maintenir l’intégrité des freins indépendants. Dans l’accident à l’étude, le ML ne connaissait pas à fond le système de démarrage automatique et n’était pas au courant de l’instruction de la MMA selon laquelle les locomotives munies d’un système de démarrage automatique devaient être laissées en marche. Ainsi, lorsque le moteur des 2 locomotives munies d’un tel système a été coupé, leur capacité à maintenir la pression d’air a été éliminée. Un peu plus tard, lorsque le moteur de la locomotive de tête a lui aussi été coupé, plus rien ne maintenait la pression dans le cylindre de frein, et elle a commencé à baisser.
    • Serrage des freins automatiques : Quoique les instructions de la MMA ne permettaient pas de serrer les freins automatiques après avoir effectué correctement un essai de l’efficacité des freins à main, le fait de procéder de la sorte aurait temporairement servi de moyen de défense secondaire, qui aurait probablement retenu le train en place, même lorsque les freins indépendants se sont éventuellement desserrés.

    Tout compte fait, on ne s’est servi d’aucun de ces moyens, et certains d’entre eux ont été neutralisés en raison de leur conception ou par intervention humaine. Ainsi, ils n’ont pas pu empêcher le train de partir à la dérive. Si du matériel est laissé sans surveillance sans que des moyens de défense physiques additionnels soient en place, ceci augmente le risque qu’il parte à la dérive et entraîne un accident.

    2.6 Déraillement

    2.6.1 Point de déraillement et déroulement du déraillement

    Le train a déraillé à proximité du branchement de Megantic Ouest, alors qu’il franchissait la courbe à 65 mi/h, vitesse plus de 3 fois supérieure à la vitesse d’équilibre de la voie. Les résultats d’une simulation dynamique ont permis de constater qu’à l’intérieur de la courbe, là où les forces centrifuges auraient atteint leur apogée, les wagons auraient exercé des forces latérales excessives sur le rail haut et les roues se seraient soulevées complètement du rail bas. Par conséquent, la vitesse a été le principal facteur contributif du déraillement.

    Auparavant, à cet endroit, des travaux avaient été exécutés pour améliorer des défauts de la géométrie de la voie qui avaient été relevés en 2012. Toutefois, puisqu’on ne s’était pas servi de machinerie, les améliorations n’étaient que temporaires; par conséquent, il y avait probablement des défauts de la géométrie de la voie semblables le jour de l’accident. La simulation a montré que ces défauts, quoiqu’ils soient acceptables pour des trains roulant à 15 mi/h, auraient exacerbé l’effet de la force centrifuge, déstabilisant davantage les wagons qui passaient. Bien que les locomotives aient réussi à franchir la courbe sans dérailler alors qu’elles roulaient à environ 65 mi/h, les wagons-citernes – à cause de leur rigidité et de leur centre de gravité relativement élevé – n’ont pas été en mesure de le faire.

    La trajectoire du matériel roulant qui a déraillé a également confirmé que le point de déraillement (PDD) se trouvait au branchement de Megantic Ouest ou à proximité de celui-ci. Pour déterminer quels wagons étaient les plus susceptibles d’avoir déraillé en premier, le BST a analysé les données du CEL pour établir où se trouvaient les wagons lorsque la pression dans la conduite générale a chuté à zéro, ce qui indiquerait le moment auquel le train s’est séparé en raison du matériel qui déraillait. Les résultats ont montré que les wagons-citernes 4 à 6 étaient les plus près du PDD à ce moment-là (photo 29).

    Photo 29. Endroit où se trouvait le train lorsque la pression dans la conduite générale a chuté à 0 lb/po² (source : AeroPhoto et données du consignateur d'événements de locomotive)
    Image
    Image aérienne de l'endroit où se trouvait le train lorsque la pression dans la conduite générale a chuté à 0 lb/po²

    Un examen des dommages subis par les premiers wagons déraillés ainsi que de l’endroit où ils ont arrêté leur course, à partir de l’avant du train, a permis de conclure que le déraillement s’est fort probablement produit devant le sixième wagon-citerne.

    Il a été constaté que la mâchoire d’attelage à l’extrémité avant du wagon-tampon s’était rompue en raison d’une surcharge en flexion. Les caractéristiques de la rupture de la mâchoire indiquaient que le wagon-tampon roulait vers le nord lorsque la mâchoire s’est rompue. Les marques relevées à l’extrémité arrière du wagon-tampon indiquaient que les wagons derrière lui avaient déraillé en premier, renversant le wagon-tampon. Le wagon-tampon était relativement léger et n’a pas été lourdement endommagé. Lorsqu’il s’est immobilisé, ses bogies étaient encore en place, et ses essieux montés étaient avec les bogies ou se trouvaient tout près. L’état dans lequel il était après le déraillement et l’endroit où il se trouvait à proximité de la voie principale indiquaient que le wagon-tampon n’avait pas parcouru une très longue distance une fois renversé.

    Le premier wagon-citerne du train s’est immobilisé sur le côté, avec ses bogies en place. Son extrémité avant se trouvait juste à côté du wagon-tampon près de la voie principale, ce qui indique qu’il avait roulé vers cet endroit alors qu’il était attelé au wagon-tampon. Deux gros bouts de rail ont transpercé le wagon (1 perforant la tête et l’autre la traverse pivot). L’endroit où le rail a transpercé la traverse pivot indiquait que le wagon était renversé lorsque le rail l’a perforé. Puisque les rails de la voie principale et de la voie de triage 2 étaient relativement intacts, les rails provenaient probablement de la voie de triage 1 endommagée. Les marques relevées sur l’appareil de traction du wagon indiquaient que la citerne s’était tournée vers le nord alors que le wagon était attelé.

    Les appareils de traction du deuxième wagon-citerne indiquaient que le wagon avait subi un effort de flexion exercé par le troisième wagon-citerne. Le deuxième wagon-citerne a fort probablement déraillé après le troisième wagon-citerne, entraînant le premier wagon-citerne avec lui. La citerne du troisième wagon-citerne s’était tournée vers le nord par rapport à son appareil de traction. Le quatrième wagon-citerne montrait peu de signes de rotation par rapport à son appareil de traction; toutefois, la déformation latérale de ses longrines centrales tronquées indiquait que son extrémité avant avait déraillé vers le nord. Le cinquième wagon-citerne était le seul parmi les premiers wagons dont le bras d’attelage s’était rompu, et les dommages subis par le fond du pylône de choc à l’extrémité avant du wagon indiquaient que l’attelage exerçait une contrainte excessive dans cette direction. Les quatrième et cinquième wagons montraient tous deux plus de signes de dommages dans leur ensemble que les 3 premiers wagons, ce qui laisse croire qu’ils ont perdu très rapidement leurs essieux montés.

    Les sixième et septième wagons montraient peu de signes de rotation soit de l’attelage, soit des composants de l’appareil de traction; toutefois, ils avaient tous deux subi des dommages importants dans le bas des wagons, et la tête ou la coque de chacun d’entre eux était très bosselée. Ceci indiquait qu’ils avaient heurté du matériel déjà déraillé. Leur trajectoire, dans une direction tangente à partir d’un endroit à proximité du PDD, indiquait que la voie était déjà détruite lorsqu’ils ont déraillé. Il est donc fort probable que le déraillement s’est produit devant le sixième wagon-citerne.

    2.6.2 Séparation du groupe de traction au cours du déraillement

    Pendant que le train roulait à la dérive et au cours du déraillement qui s’en est suivi, le groupe de traction s’est divisé en 2 sections au moment où il se séparait du reste du train (ou juste avant). La première section était composée de la MMA 5017, du wagon VB 1 et de la MMA 5026, et la deuxième section était composée de la CITX 3053, de la MMA 5023, et de la CEFX 3166.

    Selon les données du CEL, 1 seule décélération soudaine a été enregistrée – moment où le déraillement s’est produit – c’est-à-dire au moment où la pression dans la conduite générale a chuté à zéro.

    L’examen du laboratoire a indiqué que la rupture de la mâchoire entre les locomotives MMA 5026 et CITX 3053 était attribuable à une surcharge en traction, probablement causée par une anomalie pré-existante. Ainsi, il aurait fallu moins de surcharge en traction pour la rompre.

    La deuxième séparation – attribuable à la rupture d’une mâchoire entre la dernière locomotive (CEFX 3066) et le wagon-tampon – s’est produite lorsque le wagon-tampon s’est renversé. Cette rupture est survenue au même moment que la première séparation ou juste après; si elle était survenue avant, le CEL aurait enregistré 2 décélérations majeures plutôt qu’une seule. En outre, les 2 sections n’étaient qu’à 104 pieds l’une de l’autre lorsqu’elles ont traversé la rue de la Gare, et la vitesse du train (qui était d’environ 90 pieds à la seconde) indiquait qu’elles roulaient à un peu plus de 1 seconde d’intervalle, à peine.

    Après s’être séparées, les 2 sections du groupe de traction ont parcouru 4400 pieds de plus en traversant Lac-Mégantic, arrêtant éventuellement leur course à 475 pieds environ l’une de l’autre. La première section s’est arrêtée sur une pente d’environ 1 %, et elle y est restée pendant environ 90 minutes. Puisque les freins indépendants ne fournissaient plus aucun effort de freinage et que le frein à main de la MMA 5026 était défectueux, la première section n’était plus retenue que par les freins à main de la MMA 5017 et du wagon VB. Cet endroit a pu être identifié grâce à la présence sur le sol du même résidu huileux noir que celui observé sur le sol à Nantes, où l’incendie moteur avait été éteint. Toutefois, lorsque les roues et les semelles de frein se sont refroidies suffisamment, la première section a commencé à reculer, et à descendre la pente en direction du centre-ville, à cause de la diminution résiduelle de l’effort de freinage des freins à main. Elle roulait à environ 8 mi/h lorsqu’elle est entrée en collision avec la deuxième section, qui était immobile. Les 2 sections ont reculé d’environ 100 pieds de plus avant de s’arrêter complètement, et elles étaient retenues surtout par l’effort de freinage fourni par les freins à main de la deuxième section.

    Après l’accident, des employés de la MMA ont trouvé le groupe de traction à presque 1 mille à l’est du site du déraillement, et ils ont resserré les freins à main des 5 locomotives et du wagon VB. Un frein à main qui peut être resserré indique qu’il y a du jeu dans le système; ce jeu était probablement attribuable à l’usure des semelles de frein causée par le mouvement involontaire.

    L’examen des roues de locomotive a également indiqué que moins de la moitié des roues sur lesquelles s’exerçait l’effort d’un frein à main étaient entièrement bleuies ou avaient subi une usure excessive des platines de semelle de frein. Ceci signifie que plusieurs des freins à main n’avaient pas été serrés suffisamment, ou n’avaient pas pu être serrés suffisamment, ce qui confirme que les freins indépendants avaient fourni la majeure partie de l’effort de freinage qui retenait le train sur la pente à Nantes.

    2.7 Wagons-citernes de catégorie 111

    2.7.1 Longrines centrales tronquées et attelages

    La presque totalité des wagons-citernes déraillés avaient subi des dommages à au moins 1 longrine centrale tronquée ou à 1 attelage, et la plupart étaient endommagés aux 2 extrémités. Les longrines centrales tronquées et les attelages des 2 derniers wagons-citernes déraillés avaient subi des dommages considérables attribuables aux chocs. Les dommages correspondaient à l’ampleur des chocs générés par le déraillement.

    Neuf wagons-citernes déraillés montraient des signes de séparation au niveau de la fixation de la longrine centrale tronquée. Sur 1 wagon-citerne, la séparation s’était produite à la soudure d’angle entre le coussinet avant de la longrine et la citerne, perforant la citerne à 2 endroits. Ce type de rupture était semblable à celle trouvée lors de l’accident survenu à Cherry Valley (Illinois) en 2009, qui a donné lieu à la recommandation R-12-9 du National Transportation Safety Board (NTSB).

    2.7.2Têtes et coques des citernes

    La tête et la coque endommagées des citernes ont été une source importante du déversement de produit. Cinquante-neuf des 63 wagons-citernes déraillés montraient des signes de dommages quelconques attribuables aux chocs (bosselure ou perforation) à la tête ou à la coque.

    La majorité des wagons-citernes montraient des signes de dommages attribuables aux chocs (bosselure ou perforation) à la partie supérieure d’au moins 1 tête. Cela n’a rien d’inattendu puisque la plupart de ces wagons s’étaient immobilisés sur le côté, ce qui a rapproché la partie supérieure des têtes du sol et a augmenté la probabilité de heurts avec des objets tels que des rails, des attelages et des traverses pivots. Un bouclier protecteur complet se serait avéré utile, puisque les demi-boucliers ne protègent que la partie inférieure de la tête.

    La coque de près de 60 % des wagons-citernes avait été perforée en raison de dommages attribuables aux chocs, et plus de la moitié des perforations était de la taille du diamètre du wagon, ce qui aurait entraîné un déversement presque instantané de tout le contenu du wagon (photo 30).

    Photo 30. Concentration des perforations de grande dimension (orange) et de moyenne dimension (jaune) vers la queue du déraillement
    Image
    Image du concentration des perforations de grande dimension et de moyenne dimension vers la queue du déraillement

    La moitié environ des wagons qui avaient subi de grosses perforations étaient rassemblés près de la fin du déraillement. Ils ont dû faire face à des conditions de déraillement plus graves que les wagons qui se trouvaient plus à l’avant du train en raison de la foule de wagons empilés devant eux. Ceux-ci ont probablement fait office de mur contre lequel sont venus se heurter les wagons qui ont déraillé vers la queue du train. Ces conditions de déraillement très contraignantes ont causé des flambages d’envergure et des déformations extrêmes des citernes (c.-à-d., affaissement plastique) qui ont donné lieu à de grandes ruptures de la coque. Ces wagons roulaient moins vite lorsqu’ils ont déraillé et se sont immobilisés perpendiculairement à la voie. Leur paroi mince (7/16 po) et l’absence d’enveloppe extérieure ne les ont pas suffisamment protégés contre les forces du déraillement. Par conséquent, les grosses perforations de la coque se sont produites en très peu de temps sur le tiers environ des wagons-citernes déraillés, ce qui a entraîné le déversement rapide de grandes quantités de pétrole brut.

    2.7.3 Protection des raccords des wagons-citernes

    La majorité des wagons-citernes s’étant immobilisés sur le côté ou à l’envers, le pétrole brut s’est écoulé de bon nombre de raccords supérieurs endommagés et a alimenté le feu en nappe. Les raccords supérieurs qui se trouvaient à l’intérieur d’une enceinte qui assurait la protection des discontinuités des raccords supérieurs s’en sont mieux tirés que ceux qui n’étaient pas protégés. Les raccords supérieurs d’environ 15 % des wagons dont l’enceinte de protection des discontinuités des raccords supérieurs a été endommagée par les chocs étaient perforés alors que les raccords supérieurs de 62 % des wagons dont l’enceinte à charnières a été endommagée par les chocs étaient perforés.

    De plus, la survie des dispositifs de décharge de pression était nettement supérieure lorsqu’ils étaient protégés à l’intérieur d’une enceinte protectrice. La moitié environ des dispositifs de décharge de pression étaient protégés de la sorte, et seulement 9 % d’entre eux ont laissé du produit s’échapper en raison de dommages attribuables aux chocs. Dans le cas des dispositifs qui n’étaient pas protégés, 29 % de ces derniers ont déversé du produit après avoir été endommagés par les chocs. Cette comparaison démontre qu’une enceinte de protection des discontinuités des raccords supérieurs est efficace pour réduire le déversement de produit à partir de raccords supérieurs (y compris les dispositifs de décharge de pression) qui ont subi des dommages attribuables aux chocs.

    L’examen des wagons-citernes déraillés a fait ressortir la nécessité d’améliorer la conception des robinets de déchargement par le bas, et plus particulièrement en ce qui a trait aux soupapes à bille munies d’un levier. Dans la plupart des cas, le dispositif de protection contre le glissement du robinet a fonctionné comme prévu, puisque les manchons ont été cisaillés tels que conçus (plan de cisaillement). Toutefois, certaines des soupapes à bille (7) s’étaient ouvertes parce que le levier a été déplacé au cours du déraillement. Sur les wagons munis d’un robinet de déchargement par le bas à tournant interne à fermeture automatique, l’emplacement de la soupape à l’intérieur de la citerne l’a protégée contre les dommages attribuables au glissement, et le mécanisme de fermeture automatique a fait en sorte que moins de soupapes se sont ouvertes. Les robinets à tournant interne à fermeture automatique semblent être mieux protégés contre le déversement de produit au cours de déraillements que les robinets à soupapes à bille externes.

    Étant donné que les wagons-citernes sont portés à se renverser au cours d’un déraillement (en raison de leur forme cylindrique), la nécessité de renforcer la protection de leurs raccords et de leurs soupapes est d’autant plus pressante. Dans le déraillement à l’étude, le grand nombre de raccords supérieurs non protégés qui ont été endommagés, ainsi que le nombre de soupapes à bille externes qui se sont ouvertes, montrent que des améliorations de sécurité additionnelles s’imposent à cet égard. En l’absence d’une protection adéquate des raccords supérieurs en cas de renversement, et en l’absence d’une conception améliorée des robinets de déchargement par le bas, il y a un risque accru de déversement de produit lorsque des wagons-citernes de catégorie 111 de service général sont en cause dans des déraillements. Si les wagons-citernes de catégorie 111 qui ne sont pas conformes aux normes de protection renforcées transportent des liquides inflammables, il y a un risque continu de déversement de produit et de dommages importants aux personnes, aux biens et à l’environnement lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.

    2.7.4 Ruptures thermiques et dommages attribuables à l’incendie

    Puisqu’aucun morceau de citerne n’a été projeté des wagons-citernes, aucun d’entre eux n’a subi une détente explosive des vapeurs d’un liquide en ébullition (BLEVE)Note de bas de page 138.

    Rien ne laisse supposer que le type de dispositif de décharge de pression des wagons qui ont subi des ruptures thermiques a contribué aux ruptures. Néanmoins, lorsque certains des wagons-citernes se sont renversés pendant l’accident, leurs dispositifs de décharge de pression se sont retrouvés dans l’espace liquide de la citerne, ce qui a diminué leur capacité à réduire efficacement la pression interne. Dans le cas des wagons-citernes munis de dispositifs de décharge de pression dont la pression de début de décharge est basse et la capacité de débit élevée, plus de vapeurs s’échapperont plus tôt, ce qui réduit le risque qu’une pression excessive s’accumule à l’intérieur des wagons-citernes au cours d’un incendie.

    Un wagon-citerne ayant subi une rupture thermique s’était immobilisé à côté d’un autre wagon qui lui n’a pas subi une telle rupture. Puisque ces wagons ont tous deux été exposés à des conditions semblables au cours de l’incendie, ceci laisse croire qu’ils n’ont été exposés qu’à une légère différence de température ou de pression interne. Par conséquent, une amélioration relativement modeste en matière de survie en cas d’incendie pourrait empêcher les ruptures thermiques de se produire. Un acier plus épais, des enveloppes extérieures et une protection thermique sur les wagons-citernes, jumelés à une capacité de décharge de pression adéquate, peuvent prolonger le temps de survie de ces wagons dans un feu en nappe. Ces caractéristiques auraient également contribué à mieux protéger les 13 wagons qui ont déversé du produit parce qu’ils avaient subi un perçage par brûlure.

    2.7.5 Identification des wagons-citernes après l’accident

    En raison de l’intensité de l’incendie, il a été difficile d’identifier certains wagons parce que leur marquage était illisible. Les wagons ont donc dû être identifiés à l’aide de leur plaque d’identification ou de leur numéro. Toutefois, la plaque d’identification de certains wagons était retenue à l’aide d’attaches d’aluminium qui ont été la proie des flammes ou ont fondu, de sorte que les plaques d’identification se sont détachées des wagons. De plus, certains des numéros étaient pâles et, parce qu’ils se sont oxydés après l’incendie, étaient difficiles à lire. Si les plaques d’identification des wagons sont manquantes ou si leurs numéros sont illisibles, les wagons lourdement endommagés pourraient ne pas être identifiés correctement en temps opportun.

    2.7.6 Wagons-citernes – Général

    Les wagons-citernes déraillés ont été soumis à différentes vitesses d’impact et à différentes contraintes tout dépendant de leur position dans le train. Bien que quelque 15 % des wagons-citernes aient déraillé à des vitesses estimées de 40 mi/h ou moins, qui sont des vitesses typiques pour les trains de marchandises, ces wagons-citernes ont tout de même subi des dommages considérables à la tête et à la coque, en plus d’avoir laissé du produit s’échapper.

    La quantité de produit qui s’est déversé aurait pu être moindre si la coque et la tête des wagons-citernes avaient été plus résistantes aux chocs. Plus précisément, des wagons-citernes faits d’acier plus épais et munis de boucliers protecteurs complets et d’enveloppes extérieures auraient été mieux protégés. Dans l’accident à l’étude, les 63 wagons-citernes de catégorie 111 déraillés, sauf 4, ont tous laissé du produit s’échapper en raison de perforations à la tête ou à la coque, ou en raison de soupapes et de raccords endommagés.

    Un tel taux de défaillances illustre une fois de plus le piètre rendement, lors de déraillements, des wagons-citernes de catégorie 111 de service général construits pour répondre aux exigences minimum, et met en évidence que ces wagons-citernes sont incapables de résister aux contraintes qui entrent en jeu lors d’accidents. Les produits qui présentent des risques considérables doivent être acheminés dans des contenants sûrs, qui comprennent des mesures de défense telles que des coques plus résistantes, des enveloppes extérieures, des boucliers protecteurs complets, une protection thermique et des dispositifs de décharge de pression de grande capacité.

    2.8Marchandises dangereuses

    2.8.1 Propriétés du pétrole brut

    L’analyse en laboratoire des échantillons de pétrole brut a permis de constater que les propriétés du produit étaient caractéristiques d’un pétrole brut léger, peu sulfureux, d’une volatilité comparable à celle de l’essence. Étant donné que les échantillons ont été prélevés à la pression atmosphérique, il se peut que la volatilité du pétrole brut ait été plus élevée que ce qui a été mesuré au moment de l’analyse parce que certains hydrocarbures légers auraient pu s’évaporer lorsque les wagons-citernes ont été ouverts pour la première fois pour prélever les échantillons.

    Le point d’éclair peu élevé du pétrole brut explique, en partie, pourquoi il s’est enflammé si rapidement une fois les wagons-citernes perforés. La grande quantité de produit déversé, le taux rapide du déversement du produit ainsi que la volatilité élevée du produit et sa faible viscosité ont contribué de façon significative aux vastes boules de feu et au feu en nappe qui ont suivi le déraillement.

    2.8.2 Fiches de données de sécurité

    Les fiches de données de sécurité (FDS) ont pour but de communiquer les dangers que présentent les produits chimiques dangereux, et il est donc primordial que les renseignements consignés sur ces documents soient exacts. Dans le cas de substances d’origine naturelle, telles que le pétrole brut, la législation des États-Unis et du Canada permettaient de préparer des FDS génériques représentatives à l’égard d’une gamme de produits aux caractéristiques semblables.

    Dans l’accident à l’étude, chaque fournisseur de pétrole brut avait soumis une FDS différente qui décrivait son produit. Toutefois, les renseignements consignés sur chacune des FDS n’étaient pas uniformes et étaient parfois contradictoires. Il n’y avait aucune méthode systématique pour vérifier ou faire concorder les renseignements consignés sur les différentes FDS; les incohérences et les contradictions qu’elles comportaient n’ont pas été relevées, et aucune mesure corrective n’a été prise.

    La sécurité des personnes qui manutentionnent des produits chimiques dangereux ou qui viennent en contact avec ceux-ci dépend en grande partie de la description précise des dangers que présentent les substances. Par conséquent, lorsqu’une FDS comporte des renseignements inexacts sur les propriétés du produit ou de la famille de produits qu’elle décrit, son utilité en tant qu’outil de communication des dangers que présente le produit est compromise, ce qui augmente le risque de blessure.

    De plus, les FDS à elles seules sont d’une utilité limitée aux fins de la classification du produit lorsqu’il s’agit de produits provenant de différentes sources qui ont été mélangés lors du transbordement dans de gros contenants en vrac.

    2.8.3 Analyses et classification des marchandises dangereuses

    Une description exacte des propriétés d’une marchandise dangereuse est d’une importance critique pour veiller à ce qu’elle soit classée correctement. Cette classification est obligatoire aux termes de la réglementation fédérale et permet d’emballer la marchandise dangereuse dans un contenant approprié, ainsi que d’utiliser le bon matériel et les bonnes procédures lors de la manutention, du chargement et du déchargement des marchandises dangereuses. Le groupe d’emballage fait partie intégrante de la classification des liquides inflammables de Classe 3. L’attribution à un groupe d’emballage dépend du point d’éclair et du point initial d’ébullition du produit déterminé par des analyses sur des échantillons représentatifs. Un système doit être en place pour déterminer la classification du produit dont on demande le transport, et pour valider uniformément la classification par la suite.

    Dans l’accident à l’étude, les documents d’expédition de la majorité des camions-citernes utilisés pour transporter le pétrole brut jusqu’à l’installation de chargement ferroviaire de New Town (Dakota du Nord) décrivaient correctement le produit comme étant un produit du groupe d’emballage II. Toutefois, cette classification n’était pas basée sur des analyses, mais s’appuyait plutôt sur la pratique qui considère que le pétrole brut de la région de Bakken est un produit du groupe d’emballage II.

    Bien qu’on ait procédé à des analyses mensuelles sur des échantillons composites prélevés à l’installation de chargement ferroviaire, ces analyses n’étaient pas effectuées aux fins de la classification du produit. En outre, on ne faisait pas concorder les renseignements relatifs au groupe d’emballage consignés sur les documents d’expédition des wagons-citernes avec les renseignements correspondants consignés sur les documents d’expédition des camions-citernes. Si on avait fait concorder les renseignements consignés, la différence entre les groupes d’emballage aurait pu être décelée.

    Lorsque le pétrole brut arrivait à la raffinerie d’Irving à Saint John (Nouveau-Brunswick), des échantillons étaient prélevés et des analyses étaient effectuées, mais surtout à des fins opérationnelles. Le point initial d’ébullition et le point d’éclair du produit n’étaient ni déterminés ni vérifiés, et Irving n’avait pas besoin de cette information pour répondre à ses besoins opérationnels. Irving se fiait à ses fournisseurs pour veiller à ce que les marchandises dangereuses importées soient classées correctement, en conformité avec le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (RTMD).

    Ainsi, le pétrole brut que le train transportait n’était pas classé correctement, et la situation n’a pas changé tout au long du cycle de transport. Le produit avait été affecté au groupe d’emballage III (le niveau le moins dangereux) alors qu’il répondait aux critères du groupe d’emballage II. Par conséquent, les dangers qu’il présentait n’étaient pas identifiés correctement.

    En outre, puisque le pétrole brut chargé dans de gros contenants en vrac comprend du produit de provenances diverses, les caractéristiques de ce mélange peuvent varier. Si des analyses ne sont pas effectuées de façon systématique sur des échantillons représentatifs de pétrole brut à intervalles appropriés, il y a un risque accru que ces marchandises dangereuses soient classées incorrectement. Si elles ne sont pas classées et documentées correctement, les marchandises dangereuses pourraient ne pas être transportées ou manutentionnées convenablement, ce qui augmente le risque que le public subisse des blessures, et que les biens et l’environnement subissent des dommages.

    Bien qu’une classification correcte du pétrole brut aurait permis aux compagnies ferroviaires de bien saisir les dangers réels que présentait le produit qu’elles transportaient, il n’est pas possible de savoir si elle aurait eu un effet sur les plans opérationnels de la MMA, ou dans quelle mesure, le cas échéant.

    La classification incorrecte n’a pas entraîné le choix d’un contenant non autorisé pour l’emballage et le transport du produit. La réglementation fédérale qui était en vigueur au moment de l’accident n’obligeait pas à utiliser des wagons-citernes de catégorie 111 améliorés, semblables aux normes que l’industrie a adoptées volontairement en 2011 pour le transport du pétrole brut des groupes d’emballage I et II. En outre, étant donné que tous les wagons-citernes en cause dans l’accident avaient été commandés avant l’entrée en vigueur de cette norme volontaire, aucun d’entre eux n’était assujetti à ces dispositions de l’industrie ferroviaire.

    2.8.4 Surveillance du transport des marchandises dangereuses

    Entre 2009 et 2013, la Direction générale du transport des marchandises dangereuses (TMD) de TC a effectué plus de 11 000 inspections d’un bout à l’autre du Canada, qui ont donné lieu à l’émission de 99 notifications de contravention, 96 ordres de retenue et 76 directives, et 14 poursuites ont été entreprises.

    En 2011, la Direction générale du TMD a identifié l’augmentation rapide des quantités de pétrole brut transporté par train comme étant une question émergente sur laquelle il fallait exercer une surveillance réglementaire accrue. C’est pourquoi la Direction générale du TMD a commencé à inspecter les installations de transbordement du pétrole brut, en portant une attention particulière à la conformité à la réglementation à l’égard de certains volets des activités des installations, tels que les pratiques utilisées pour le chargement et l’immobilisation des wagons-citernes. Toutefois, ces inspections ne comportaient pas une vérification de la classification du pétrole brut qui était manutentionné, offert pour le transport, transporté ou importé. De telles vérifications auraient compris un examen des procédures de classification de la compagnie pour s’assurer que les marchandises dangereuses étaient classées à l’aide d’analyses appropriées. En l’absence d’une surveillance et d’une application efficace de la conformité aux dispositions pertinentes du RTMD à l’égard de la classification, il y a un risque que des marchandises dangereuses classées incorrectement soient introduites dans le réseau de transport.

    2.9 Intervention d’urgence

    Les wagons empilés les uns sur les autres et la grande quantité de pétrole brut en flammes ont compliqué de beaucoup le travail des pompiers. Les appels au service 911 ont été reçus et on y a répondu rapidement, et les protocoles en vue du recours à divers paliers d’intervention en cas d’accident ont fonctionné tel que prévu.

    Les pompiers ont dû faire face à un sinistre majeur mettant en cause un accident ferroviaire; ce type de sinistre n’avait pas été abordé comme tel au cours de leur formation pratique. Néanmoins, la vaste intervention d’urgence a été bien coordonnée, et l’aide que d’autres services d’incendie de la province et de l’État du Maine ont apportée rapidement a été d’une importance critique en ce sens qu’elle a permis de disposer de suffisamment de ressources humaines et d’équipement standard d’intervention d’urgence. Les divers services d’incendie ont été en mesure de coordonner efficacement leurs efforts et de prendre des mesures appropriées pour protéger le site, ainsi que pour assurer la sécurité du public après le déraillement. Les évacuations se sont déroulées rapidement et efficacement. Malgré le défi d’avoir à intervenir dans un sinistre majeur qui n’avait pas été abordé comme tel dans le cadre de la formation pratique que bon nombre des pompiers avaient reçue, l’intervention d’urgence a été bien coordonnée et efficace.

    2.10 Plan d’intervention d’urgence

    Lorsque le RTMD a été modifié en 2008 pour élargir la portée des exigences relatives au plan d’intervention d’urgence (PIU) à 3 liquides inflammables de plus, le pétrole brut n’est pas entré en ligne de compte. À l’époque, la quantité de pétrole brut transporté par des trains-blocs n’était pas importante.

    Toutefois, la quantité de pétrole brut transporté par train a augmenté considérablement au cours des 5 dernières années, et on s’attend à ce que cette tendance se maintienne dans les décennies à venir. Ceci est particulièrement vrai dans le cas du pétrole brut de la formation de Bakken. Des trains-blocs vont continuer de transporter de grandes quantités de pétrole brut sur de longues distances et à travers des zones peuplées. L’augmentation importante de la fréquence à laquelle ces trains-blocs circulent ainsi que la quantité de produit que chaque train transporte ont considérablement augmenté les risques. Un des éléments d’un système de défense adéquat contre ces risques est de veiller à ce que les conséquences de tout accident puissent être atténuées convenablement.

    Le déversement de marchandises dangereuses transportées par train peut compromettre la santé, la sécurité, et le bien-être des employés ferroviaires et de la population qui vit en bordure des voies ferrées. Les risques sont encore plus grands lorsque les voies traversent des agglomérations urbaines. Comme l’a démontré l’accident à l’étude, le pétrole brut peut être très inflammable. Les pompiers pourraient ne pas toujours avoir le matériel ou la formation nécessaires pour faire face à des déversements de liquides inflammables et à des incendies de cette envergure. Si l’expéditeur n’a pas élaboré un PIU adéquat, agréé par l’organisme de réglementation, les ressources nécessaires pour venir en aide aux intervenants locaux pourraient ne pas être disponibles lorsque survient un accident mettant en cause de grandes quantités d’hydrocarbures liquides.

    2.11 Planification et analyse de l’itinéraire

    Une des principales préoccupations de sécurité liées au transport de marchandises dangereuses par train est d’éviter qu’un déversement catastrophique se produise dans une zone densément peuplée ou dans une zone écosensible. La planification de l’itinéraire pour le transport des marchandises dangereuses permet de cerner l’itinéraire qui, dans son ensemble, présente le moins de risque pour le public. Certaines compagnies ferroviaires ont plusieurs lignes qui desservent les grands centres, ou ont conclu des ententes en vue d’avoir le droit de circuler sur les voies d’autres transporteurs. D’autres compagnies ferroviaires offrent des services de logistique, qui intègrent tous les moyens de transport du point d’origine jusqu’à destination. La planification de l’itinéraire doit s’appliquer au trajet dans son ensemble, y compris les compagnies de chemin de fer correspondantes qui pourraient prendre part au service de transport. Chaque itinéraire doit être évalué pour faire en sorte que l’itinéraire le plus sécuritaire soit choisi (figure 8).

    Figure 8. Carte du réseau ferroviaire nord-américain (source : Google, avec annotations du BST)
    Image
    Carte du réseau ferroviaire nord-américain

    Une fois l’itinéraire le plus sécuritaire choisi, il est possible de réduire le risque lié au transport de produits dangereux en examinant proactivement tous les aspects de l’exploitation d’un bout à l’autre de l’itinéraire pour s’assurer que les risques cernés sont atténués adéquatement. Les mesures comprises dans la Circulaire OT-55-N, telles que le fait de limiter la vitesse des trains-clés à 50 mi/h au maximum et d’exiger des inspections additionnelles le long des itinéraires clés, peuvent réduire les risques que présente le transport de marchandises dangereuses. Toutefois, le niveau d’atténuation des risques que procure la Circulaire OT-55-N pourrait ne pas être suffisant; comme l’a démontré l’accident à l’étude, de nombreux wagons-citernes qui roulaient à moins de 50 mi/h lorsqu’ils ont déraillé ont été lourdement endommagés et ont déversé une grande quantité de pétrole brut.

    Une fois que des mesures d’atténuation ont été prises, des évaluations périodiques des risques contribueront à assurer que le transport des marchandises dangereuses continue de se faire en toute sécurité. Si les compagnies ferroviaires ne procèdent pas à la planification ainsi qu’à l’analyse de l’itinéraire, et si elles n’effectuent pas, par la suite, d’évaluations des risques le long des itinéraires utilisés pour le transport des marchandises dangereuses, des mesures de sécurité globales visant à atténuer les risques pourraient ne pas être instaurées.

    2.12 Exploitation des trains par un seul employé à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Certaines compagnies ferroviaires ont affirmé que l’exploitation des trains par un seul employé peut avoir des avantages en matière de sécurité, tels qu’une attention accrue de la part de la personne qui exploite le train seule parce qu’elle sait qu’elle ne peut pas compter sur un deuxième membre d’équipe. On affirme également que l’exploitant seul est moins susceptible d’être distrait par des conversations non reliées au travail. Bien que la plupart des avantages découlant de la responsabilité conjointe à l’égard de la conformité soient éliminés lorsqu’un train est exploité par un seul employé, certains avantages peuvent être réalisés en confirmant l’exécution des tâches critiques à une autre personne (p. ex., le CCF), ne serait-ce qu’à distance.

    Néanmoins, l’exploitation des trains par un seul employé comporte aussi des risques tangibles, notamment une diminution de la responsabilité conjointe à l’égard de la conformité (qui peut permettre de déceler les erreurs), une tendance à prendre des raccourcis, des exigences additionnelles, tant sur le plan physique qu’en termes de temps, pour l’exécution des tâches par une seule personne, la possibilité que les personnes qui travaillent seules puissent être sujettes à la fatigue et à la dégradation cognitive, et la nécessité d’une formation additionnelle pour que les ML soient bien préparés à travailler seuls. Il est également important de s’interroger sur la façon dont un exploitant qui travaille seul pourrait réagir aux conditions anormales qui pourraient se présenter, ainsi qu’à savoir si toutes les tâches critiques pour la sécurité (telles que le serrage des freins à main et l’essai de l’efficacité des freins à main) peuvent se faire dans un délai raisonnable.

    Après l’accident survenu au Chemin de fer QNS&L (QNS&L) en 1996, dans lequel l’exploitation des trains par un seul employé avait été un facteur contributif, TC a facilité la création d’un groupe de travail axé sur le consensus. Au sein de ce groupe, tous les intervenants clés (y compris la gestion et les employés) devaient travailler en étroite collaboration pour concevoir des conditions d’exploitation claires visant à assurer un niveau de sécurité équivalent à l’exploitation des trains par des équipes de plus d’une personne. Compte tenu des changements apportés au REF en 2008, la MMA n’était pas tenue d’adopter ces conditions, mais a plutôt travaillé avec TC pour élaborer ses propres conditions en fonction de ses opérations.

    Après l’accident du QNS&L, bien que TC ait suggéré à l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) d’élaborer de nouvelles règles relatives à l’exploitation des trains par un seul employé à incorporer au REF, TC n’a pas exigé que l’ACFC le fasse. En 2000, l’ACFC a adopté, à l’égard de l’exploitation par un seul employé, une ligne directrice interne fondée sur les principes d’évaluation, d’atténuation, et de surveillance du risque. Cette ligne directrice précisait que les compagnies ferroviaires membres de l’Association devaient élaborer un programme de surveillance pour mesurer le rendement en matière de sécurité de leur exploitation des trains par un seul employé, et qu’elles devaient remettre à TC une description de ce programme. En 2012, une étude du Conseil national de recherches (CNR), commandée par TC, a formulé plusieurs recommandations, y compris la création d’un essai-pilote de 2 ans assorti d’une surveillance et d’une évaluation détaillées. Toutefois, ni la ligne directrice ni les recommandations n’étaient obligatoires.

    Après la révision du REF en 2008, les compagnies ferroviaires n’avaient plus besoin d’exemptions pour mettre en œuvre l’exploitation par un seul employé. Il n’y avait donc aucune règle interdisant l’exploitation avec un seul membre d’équipe, et aucune exigence nécessitant que de tels projets soient examinés et approuvés au préalable par TC. Par conséquent, TC n’était plus tenu de participer activement au processus de mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé.

    En juillet 2009, la MMA a informé TC que l’exploitation des trains par un seul employé à partir de la frontière entre le Maine et le Québec jusqu’à Lac-Mégantic constituait un « banc d’essai », qui pourrait être prolongé s’il s’avérait fructueux. Avant que la MMA mette en œuvre l’exploitation par un seul employé en 2010 (à l’est de Lac-Mégantic) et en 2012 (entre Farnham et Lac-Mégantic), TC a exigé que des évaluations du risque soient effectuées. Ces évaluations du risque, qui ont été examinées par TC, avaient identifié plusieurs risques et mesures d’atténuation, portant surtout sur les trains en mouvement (puisque, par le passé, ce volet avait été la source de plus de préoccupations). Étant donné qu’on considérait que la règle 112 du REF ainsi que les instructions de la MMA traitaient suffisamment de l’immobilisation des trains, les évaluations du risque n’ont pas identifié que le fait d’immobiliser les trains avec un seul employé présentait un risque.

    Par la suite, entre avril 2011 et juin 2012, TC a incité la MMA, au moyen de réunions, de visites sur place et d’échange de correspondance, à veiller à ce que la compagnie procède à un examen exhaustif, y compris des rencontres avec les municipalités. Pour rassurer TC, la MMA a mentionné son expérience antérieure de l’exploitation par un seul employé aux États-Unis, ainsi que son expérience à l’est de Lac-Mégantic. Contrairement à ce qui était suggéré dans la ligne directrice de l’ACFC, la MMA n’avait aucun programme de surveillance et d’évaluation de l’exploitation par un seul employé, outre ses activités de surveillance normales.

    Entre-temps, TC – malgré les inquiétudes exprimées par ses inspecteurs régionaux et en l’absence d’une surveillance et d’une évaluation détaillées de l’exploitation des trains par un seul employé, telles que recommandé par sa propre étude – n’a pas assuré le suivi du dossier pour vérifier si les mesures d’atténuation mises de l’avant dans l’évaluation du risque de la MMA avaient été mises en œuvre et si elles étaient efficaces.

    L’évaluation du risque de la MMA à l’égard de l’exploitation des trains par un seul employé avait identifié des mesures d’atténuation, telles qu’informer les autorités locales de l’exploitation des trains par un seul employé, instaurer une procédure pour la prise en charge par un exploitant seul d’un train laissé sans surveillance, permettre au ML d’arrêter le train pour faire une sieste de 20 minutes, et exiger que le ML communique avec le CCF à toutes les 30 minutes. Cependant, contrairement à ce que la MMA avait indiqué dans sa proposition, elle ne donnait qu’une formation très limitée sur l’exploitation par un seul employé. Cette formation ne comportait pas une revue des règles et instructions sur l’immobilisation des trains. En outre, aucune analyse des tâches n’a été discutée avec les employés, et les dangers possibles liés à l’exécution des tâches n’ont pas tous été identifiés, en particulier, les risques liés à l’immobilisation du train par un exploitant seul à la fin de son quart de travail. Par conséquent, aucune mesure d’atténuation n’a été mise en place pour cette tâche critique, telle que de confirmer à un CCF comment le train avait été immobilisé, ni même la remise en question de la pratique de laisser un train sur la voie principale à Nantes lorsque son immobilisation dépendait d’un exploitant seul. De surcroît, la MMA n’a effectué aucun test OTIS pour vérifier l’immobilisation des trains exploités par un seul employé à Nantes.

    Dans certains pays, les organismes de réglementation tiennent compte de la capacité de la compagnie à mettre en œuvre son projet avant de lui accorder la permission d’exploiter des trains avec un seul employé. D’autres exigent l’agrément de la compagnie qui exploite des trains avec un seul employé, et restreignent l’application de l’exploitation par un seul employé à un territoire et un type d’opération clairement définis, tout changement devant être approuvé au préalable par l’organisme de réglementation. L’expérience de ce type d’exploitation dans divers pays de par le monde montre qu’il est possible d’exploiter des trains avec un seul employé en toute sécurité lorsque les risques sont identifiés, et que des dispositifs technologiques et des processus sont mis en place pour atténuer, de façon fiable et efficace, les risques, tant physiques que cognitifs, liés à l’exploitation des trains par un seul employé.

    Malgré les inquiétudes à l’égard du profil de risque élevé de la MMA, et même s’il savait que le processus d’évaluation du risque de la compagnie comportait des faiblesses (qui avaient été relevées dans le cadre de vérifications depuis 2003), TC n’a pas exigé que la MMA utilise des processus et des dispositifs technologiques pour atténuer les risques liés à l’exploitation des trains avec 1 membre d’équipe en moins.

    L’enquête a étudié minutieusement la question de savoir si l’exploitation des trains par un seul employé a joué un rôle dans l’immobilisation du train à Nantes, et si elle a eu une incidence sur la façon dont la condition anormale de la locomotive a été traitée.

    Pour ce qui est de l’immobilisation du train, les essais du BST ont montré qu’il était possible pour un exploitant seul de serrer un nombre suffisant de freins à main dans un délai raisonnable. Un sondage mené par le BST a aussi permis d’établir que, dans certains cas, des ML de la MMA qui exploitaient des trains seuls serraient moins de freins à main que le nombre minimum. On se conformait plus rigoureusement à l’exigence relative au nombre minimum de freins à main lorsque les trains étaient exploités par 2 membres d’équipe. À la lumière des résultats du sondage, il n’est pas possible de tirer une conclusion quant au nombre de freins à main additionnels qui auraient été serrés (ni même si un plus grand nombre de freins auraient été serrés) si le ML avait été accompagné d’un chef de train. En outre, même si le ML avait serré le nombre minimum de freins à main précisé dans les Instructions spéciales générales (ISG) de la MMA (soit 9, selon le tableau de « 10 % + 2 »), les essais du BST ont montré que ce nombre n’aurait pas fourni un effort de freinage suffisant pour retenir le train une fois la pression d’air dans le circuit des freins indépendants réduite. De plus, puisque le ML n’a pas effectué correctement l’essai de l’efficacité des freins à main, il n’aurait probablement pas remarqué qu’il était nécessaire de serrer plus de freins à main, même si un deuxième membre d’équipe avait été présent.

    Étant donné que le chef de train et le ML forment une équipe intégrée, partageant leurs connaissances et se relevant à tour de rôle au besoin, le BST a cherché à savoir si la présence d’un deuxième membre d’équipe aurait eu une incidence sur la façon dont la condition anormale du moteur a été traitée. Bien que la fatigue n’ait pas été considérée comme ayant contribué à l’accident, il se pourrait qu’après plus de 17 heures d’éveil, le rendement cognitif du ML ait connu une légère dégradation, qui aurait pu compromettre sa capacité à résoudre le problème pour trouver la source de la fumée excessive. Lorsqu’il a discuté de la condition anormale du moteur avec le CCF de Bangor, le ML cherchait à obtenir une deuxième opinion, ce qui est un exemple de responsabilité conjointe à l’égard de la conformité. Toutefois, le ML a présenté la situation d’une façon qui portait à croire qu’elle allait se résorber et qu’aucune autre mesure ne s’imposait ce soir-là. Les 2 employés n’ont pas discuté de la procédure de la MMA selon laquelle il fallait arrêter une locomotive en raison de fumée anormale, et la seule personne qui a remis en question la décision de laisser la locomotive a été le chauffeur de taxi, dont les observations n’avaient pas le même poids que celles d’un employé ferroviaire qualifié. Il n’est donc pas possible de conclure que les choses se seraient déroulées autrement s’il y avait eu un autre membre d’équipe sur place ce soir-là (soit en coupant le moteur de la locomotive de tête et en en faisant démarrer une autre, soit en mettant une autre locomotive à la tête du train et en laissant cette dernière en marche).

    En somme, il n’a pas été possible de tirer une conclusion quant à savoir si l’exploitation des trains par un seul employé avait contribué à l’immobilisation incorrecte du train ou à la décision de laisser la locomotive en marche à Nantes malgré sa condition anormale. Néanmoins, il est évident que la mise en œuvre de l’exploitation par un seul employé à la MMA n’a pas tenu compte de tous les risques critiques, en particulier la façon dont un exploitant seul pourrait réagir à des conditions anormales, les risques liés à l’immobilisation d’un train par un exploitant seul, ou le besoin d’avoir une responsabilité conjointe à l’égard de la conformité. De plus, TC n’a pas élaboré un plan de surveillance pour s’assurer que la MMA avait mis en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé conformément à l’évaluation du risque de la MMA. Même s’il savait que la MMA avait apporté des changements opérationnels importants, TC n’a pas exercé une surveillance réglementaire adéquate pour s’assurer que les risques connexes étaient bien gérés.

    Le nombre de membres d’équipe exigé à bord d’un train est établi en fonction des tâches qui doivent être exécutées pour que le travail se fasse de façon sécuritaire et efficace. Pour veiller à ce qu’un niveau de sécurité équivalent soit maintenu lorsqu’elles réduisent le nombre de membres d’équipe, les compagnies ferroviaires doivent analyser comment cette réduction se répercutera sur l’exécution des tâches et quels nouveaux dangers pourraient être introduits, le cas échéant. Ainsi, des mesures d’atténuation peuvent être mises en place, avec une surveillance par la suite pour en évaluer l’efficacité.

    Si les compagnies ferroviaires mettent en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé sans cerner tous les risques, et si des mesures d’atténuation ne sont pas mises en place, un niveau de sécurité équivalent à l’exploitation des trains par des équipes de plus d’une personne ne sera pas maintenu. En outre, s’il n’y a aucune règle ni aucun règlement régissant l’exploitation par un seul employé, ni aucune exigence prévoyant que TC approuve et surveille les projets des compagnies ferroviaires à cet égard, il se pourrait que des trains soient exploités par un seul employé sans que toutes les mesures de défense nécessaires soient en place.

    2.13 Exploitation ferroviaire à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    2.13.1 Mesures de défense additionnelles pour empêcher les trains de partir à la dérive

    Les travailleurs dérogent parfois aux règles et procédures écrites, soit parce qu’ils ne connaissent pas la règle ou la procédure ou n’en comprennent pas l’utilité, soit pour accomplir le travail plus efficacement. Lorsqu’il n’y a aucune conséquence négative à agir de la sorte, ces adaptations peuvent se perpétuer et se généraliser. Ainsi, cette façon de travailler devient « la norme » et peut effriter la marge de sécurité que les règles et procédures étaient censées assurer.

    La pratique de laisser des trains sans surveillance sur la voie principale était en usage depuis plusieurs mois à la MMA. Cette décision avait été motivée par le fait que cette solution était pratique et efficace compte tenu de l’horaire de travail des équipes, de la longueur des trains, et de la nécessité de ne pas obstruer les passages à niveau dans la ville. À Nantes, le fait de laisser le train sur la voie principale sans bloquer l’aiguillage est permettait d’avoir accès à la voie d’évitement où des wagons étaient entreposés. Toutefois, étant donné que la voie d’évitement était munie d’un dérailleur spécial, cette pratique a fait en sorte qu’une mesure de défense possible n’a pas été utilisée. Puisque la réglementation n’interdisait pas de laisser un train sur la voie principale, les inspecteurs de TC n’ont pas remis cette pratique en question. En outre, elle n’avait entraîné aucune conséquence négative, et la gestion de la MMA ne s’était donc pas penchée sur la question.

    Le concept de « mesures de défense en profondeur » a été adopté par certaines industries depuis de nombreuses années. Le cumul des mesures de défense, ou la redondance, s’est avéré une approche fructueuse pour veiller à ce qu’une seule et unique défaillance n’entraîne pas des conséquences catastrophiques. Dans l’industrie ferroviaire, divers moyens de défense physiques peuvent être utilisés comme mesures additionnelles pour empêcher les trains de partir à la dérive. La MMA n’a pas eu recours à ces mesures de défense additionnelles, et de telles mesures n’étaient pas exigées par la réglementation. Le risque n’a jamais été évalué ni atténué, et aucun moyen de défense physique additionnel n’a été mis en place pour empêcher le mouvement involontaire des trains laissés sans surveillance sur la voie principale.

    2.13.2 Usure excessive des rails

    Il y avait une usure excessive des rails (c.-à-d., une usure qui dépassait les limites d’usure verticale des normes de la MMA et celles de compagnies ferroviaires de catégorie 1) sur certains rails dans les environs de Lac-Mégantic. L’usure des rails engendre une augmentation des contraintes et réduit la durée de la résistance à la fatigue du rail. Par conséquent, un rail usé devient plus susceptible au développement et à la propagation de fissures qui donnent lieu à des ruptures de rail, ce qui augmente le risque de déraillement. Parmi les rails en mauvais état, il y avait des cas d’usure au-delà des limites, d’éclisses endommagées, et de champignons écrasés, qui avaient été relevés par TC au cours de ses nombreuses inspections de l’Ingénierie (53), ce qui avait donné lieu à l’émission d’une lettre signalant une préoccupation au cours de l’année précédant l’accident.

    Si l’usure du champignon dépasse 8 mm sur un rail de 115 livres, les boudins de roue peuvent heurter les éclisses standard au passage des trains. Ceci provoque des chocs importants sur les roues et les rails, et peut aussi augmenter le risque de déraillement. Le risque est plus élevé lorsque le boudin des roues est plus haut, ou lorsque de nouvelles éclisses sont installées sur des rails dont le champignon est usé. En raison de l’usure verticale prononcée (allant jusqu’à 25 mm à 1 endroit), des marques de contact étaient clairement visibles sur certaines éclisses au cours de l’enquête du BST; toutefois, elles n’avaient pas été remarquées auparavant au cours des inspections effectuées par la MMA ou par TC, et aucune mesure corrective n’avait été prise. Les limites maximum d’usure verticale du rail et l’utilisation d’éclisses à profil bas ont pour but d’éviter que de telles forces de choc se produisent, mais ce type d’éclisse n’était pas utilisé dans le cadre du programme d’entretien de la voie de la MMA.

    La voiture de contrôle de la géométrie de la voie dont se servait la MMA mesurait normalement avec précision l’usure du rail; cependant, en raison de l’usure et de la déformation prononcées du champignon du rail, un profil correct n’a pas été consigné. On doit également tenir compte de l’état du rail (p. ex., défibrage, écaillage, et usure ondulatoire) dans le cadre de telles inspections. Par conséquent, malgré les inspections de la géométrie de la voie effectuées par la MMA et par TC, l’usure excessive du champignon du rail n’avait pas été relevée, et les équipes d’entretien n’avaient pas été averties de l’ampleur de l’usure. Si les rails et les éclisses en mauvais état ne sont pas corrigés, des contraintes additionnelles s’exercent sur les roues et sur les rails, ce qui peut causer des dommages au matériel ou à l’infrastructure, augmentant ainsi le risque de déraillement.

    2.13.3 Gestion de la sécurité

    Toutes les organisations doivent gérer des priorités concurrentes; parmi celles-ci, la sécurité, le service, le rapport coût-efficacité, la technologie, et le rendement des investissements sont des éléments clés. Le défi consiste à atteindre un équilibre entre ces diverses priorités, tout en ramenant les risques de sécurité à un niveau acceptable. Pour ce faire, il est important que les compagnies ferroviaires se dotent des processus de sécurité nécessaires pour cerner et atténuer continuellement les dangers et les risques qui peuvent se présenter.

    En 2001, TC a élaboré un règlement pour promouvoir davantage la sécurité et pour s’assurer que les compagnies ont une norme minimum pour leurs processus de sécurité. Les compagnies ferroviaires sont tenues de mettre en œuvre et de conserver un SGS qui intègre la sécurité aux activités courantes de la compagnie, et qui permette à la compagnie de cerner les risques et de prendre des mesures avant que ces risques causent un accident. Un SGS bien ancré et utilisé incite à adopter une culture de sécurité très efficace.

    Malgré le fait que la MMA avait certains processus de sécurité en place et avait élaboré un SGS en 2002, la compagnie n’a commencé à mettre le programme en œuvre qu’en 2010, et ce, seulement par suite d’une vérification de TC. En 2013, bon nombre des processus décrits dans le manuel du SGS de la MMA ne contribuaient pas à cerner les dangers ni à atténuer les risques. Par exemple, le numéro sans frais de la compagnie pour la déclaration des préoccupations liées à la sécurité n’était pas utilisé.

    Il y avait 4 indices cruciaux (qui seront analysés dans la section suivante) que le SGS de la MMA n’était pas fonctionnel :

    • absence d’un processus de vérification interne de la sécurité;
    • faiblesses dans le processus visant à s’assurer que les employés recevaient la formation dont ils avaient besoin;
    • faiblesses au niveau de l’efficacité du programme OTIS qui limitaient son efficacité à identifier des cas de non-conformité;
    • manque d’uniformité dans l’utilisation des processus d’évaluation du risque.

    2.13.4 Vérification interne de la sécurité

    Les vérifications internes d’un SGS jouent un rôle d’une importance critique pour l’amélioration continue du système parce qu’elles donnent à une organisation la possibilité de constater si les processus du SGS sont utilisés tel que prévu.

    Bien que le manuel du SGS de la MMA indiquait qu’il y avait un processus en place pour procéder à des vérifications internes, aucun détail n’était fourni. À 2 reprises, TC a relevé que les procédures de la MMA relatives à la vérification interne étaient incomplètes. Ce problème n’a jamais été réglé et, au moment où l’accident s’est produit, la MMA n’avait jamais effectué une vérification interne pour évaluer l’efficacité de ses processus de gestion de la sécurité.

    En l’absence de vérifications internes, d’autres lacunes du SGS de la MMA sont passées inaperçues et n’ont pas été réglées, ce qui limitait la capacité de la compagnie de cerner les dangers et de gérer les risques de façon proactive.

    2.13.5 Formation et recertification

    L’industrie du transport ferroviaire est axée sur les règles, ce qui fait qu’il faut connaître et comprendre un grand nombre de règles et de règlements, et s’y conformer, afin d’assurer la sécurité et l’efficacité des opérations. Il faut donc que les employés reçoivent la formation voulue, et passent les examens ainsi que les réexamens prescrits.

    Le choix des méthodes utilisées pour donner cette formation et faire subir les examens de recertification est laissé à chaque compagnie ferroviaire, mais l’intervalle de 3 ans pour ce faire est prescrit par TC. La MMA ne se conformait pas rigoureusement à cette exigence. Par exemple, la compagnie avait donné au ML en cause dans l’accident des prolongations, de 3 mois chacune, en 2009 de même qu’en 2013, de sorte que la formation de recertification du ML avait été reportée au-delà de l’intervalle de 3 ans prescrit par le règlement. En outre, en 2013, le ML a été autorisé à compléter ses examens à la maison, sans formation en classe.

    Le programme de formation et de recertification de la MMA à l’intention des ML avait plusieurs autres problèmes, notamment :

    • Les examens demeuraient sensiblement les mêmes d’une année à l’autre. Ceci signifie que la MMA ne se servait pas du programme de recertification pour corriger les lacunes relevées grâce aux activités de surveillance, et que les modifications apportées aux règles ou les nouvelles instructions d’exploitation ne pouvaient pas être traitées.
    • L’usage de plus en plus répandu de questions à choix multiples limitait la capacité des instructeurs à évaluer le niveau de compréhension.
    • La recertification se limitait parfois à un examen écrit sans formation en classe; ceci éliminait la possibilité d’avoir des discussions entre les employés et l’instructeur.
    • L’absence de rétroaction sur les résultats des examens faisait en sorte que des possibilités d’apprentissage étaient ratées, ce qui augmentait le risque de compréhension erronée et de mauvaise application des règles et instructions par la suite.

    Quoique plusieurs examens montrent que le ML avait répondu correctement aux questions à choix multiples sur le nombre minimum de freins à main, ces questions étaient relativement simples, et ne démontraient pas clairement que le ML comprenait la portée et la raison d’être des règles sur l’immobilisation. En outre, le ML n’avait jamais fait l’objet de tests sur la marche à suivre pour effectuer un essai de l’efficacité des freins à main, ni sur le fait qu’il ne faut pas se fier au circuit de freins à air pour empêcher un mouvement involontaire de se produire. Il semblerait aussi que le ML n’avait qu’une connaissance limitée des instructions de la MMA, notamment sur la façon de se servir du système de démarrage automatique, et sur la procédure à suivre pour les V.P.R. ainsi que de leur importance pour le bon fonctionnement des freins à main de locomotive.

    Par conséquent, la MMA ne donnait pas une formation efficace pour veiller à ce que les membres d’équipe comprennent et observent correctement les règles relatives à l’immobilisation des trains.

    Cette question ne se limite pas à la formation et à la recertification d’un seul ML. Entre 2006 et 2013, des inspecteurs du bureau de la région du Québec de TC ont relevé de nombreux cas d’employés qui n’avaient pas les qualifications requises et qui travaillaient dans divers services, notamment l’exploitation, l’ingénierie et la mécanique, ainsi qu’au centre de contrôle de la circulation ferroviaire. De plus, dans le cadre de la mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé, la MMA avait prévu de donner aux ML une formation d’environ 4 heures sur les règles, instructions et procédures relatives à l’exploitation par un seul employé, ainsi que sur des questions reliées au travail seul, aux premiers soins, ainsi qu’à la fatigue et à la planification du style de vie. Dans bien des cas, la formation avait été beaucoup plus courte, et donnée au cours de l’heure précédant le départ du train que l’employé devait exploiter seul pour la première fois.

    2.13.6 Conformité aux règles

    Pour promouvoir la cohérence dans l’application des pratiques opérationnelles, les compagnies ferroviaires doivent donner des règles et instructions claires à leurs employés, et les surveiller pour s’assurer que les règles et instructions sont respectées.

    Les règles et instructions doivent être clairement documentées, et les employés doivent être tenus au courant lorsqu’elles sont modifiées. De plus, les employés doivent avoir accès aux documents de référence nécessaires (recueil des règles, suppléments et autres documents) lorsqu’ils sont en service.

    Le ML en cause dans l’accident n’avait pas avec lui tous les documents qu’il était tenu d’avoir. La compagnie ne s’assurait pas que tous les employés connaissaient les nouveaux bulletins d’exploitation. Les règles, suppléments et instructions générales d’exploitation de la compagnie étaient renfermés dans de nombreux documents différents, ce qui empêchait de s’y référer facilement et augmentait le risque de mauvaise interprétation des règles.

    Des règles et instructions claires ne sont utiles que si elles sont mises en application uniformément dans les activités courantes. Le programme OTIS de la MMA visait à vérifier la conformité par observation des employés à l’improviste. Pour qu’un tel programme soit efficace, il faut que les employés sachent qu’ils peuvent faire l’objet d’un test en tout lieu et à tout moment. Les tests à l’improviste doivent être effectués assez souvent à l’échelle du réseau de la compagnie de chemin de fer, et les employés doivent être avisés qu’ils ont fait l’objet d’un test, peu importe les résultats.

    L’enquête a relevé de nombreuses faiblesses du programme de surveillance de la MMA.

    À la MMA, les employés n’étaient informés qu’ils avaient subi un test que lorsqu’ils l’avaient échoué. Toutefois, puisque le taux d’échec était très bas, et puisque les gestionnaires n’effectuaient même pas le nombre minimum de tests qu’ils devaient effectuer, les employés étaient rarement informés des tests qu’ils avaient subis et n’étaient donc pas conscients de la pleine portée du programme. De plus, les tests étaient effectués beaucoup moins souvent à l’est de Sherbrooke. Par exemple, le ML, qui avait effectué 60 voyages jusqu’à Nantes au cours des 12 mois précédant l’accident, n’avait jamais fait l’objet d’un test sur l’immobilisation des trains à Nantes au cours des 4 années précédentes. Tous les tests qu’il avait subis avaient été effectués à Sherbrooke ou plus à l’ouest.

    En outre, la règle 112 du REF avait été retenue comme étant l’une des rares règles qui devaient faire l’objet d’un nombre minimum de tests à chaque mois. Par contre, lorsqu’ils effectuaient des tests portant sur la règle 112, les gestionnaires de la MMA, en général, ne faisaient que s’assurer que le nombre de freins à main nécessaires avaient été serrés [règle 112 a)]. En raison des difficultés techniques qu’il comportait, les gestionnaires n’effectuaient que rarement un test visant à s’assurer que l’essai de l’efficacité des freins à main avait été effectué correctement [règle 112 b)]. Par conséquent, la surveillance exercée par la MMA à l’égard des règles et procédures relatives à l’immobilisation du matériel n’était pas efficace pour s’assurer que les équipes vérifiaient correctement si l’effort de freinage généré par les freins à main était suffisant pour retenir le train.
    Par conséquent, le programme de surveillance des employés de la MMA n’était pas efficace pour cerner les pratiques dangereuses d’immobilisation des trains utilisées dans les environs de Lac-Mégantic.

    2.13.7 Évaluation du risque

    Les évaluations du risque sont la pierre angulaire du bon fonctionnement et de l’efficacité d’un SGS, et sont essentielles pour l’exploitation d’une compagnie en toute sécurité. Bien qu’elles soient importantes dans le cadre des activités courantes, les évaluations du risque sont d’une importance cruciale lorsqu’une compagnie apporte un changement à son exploitation, car c’est dans de telles circonstances que de nouveaux risques pourraient se présenter.

    Pour être efficace, le processus d’évaluation du risque doit avoir lieu dans une large gamme de situations, doit chercher à cerner tous les dangers qu’il est possible de prévoir, et doit faire en sorte que des mesures d’atténuation soient mises en œuvre de façon efficace. Bien que la MMA ait procédé à quelques évaluations du risque formelles, la plupart de ses démarches de gestion des risques se faisaient de façon informelle et n’étaient pas documentées.

    Ceci augmentait la probabilité que les nouveaux risques qui pourraient se présenter ne soient pas tous évalués convenablement lorsque des changements opérationnels importants étaient apportés. Lorsque le nombre de trains-blocs de pétrole a augmenté, le personnel de la compagnie a discuté des questions entourant l’exploitation de trains plus longs et plus lourds, tels que la traction et le freinage. Cependant, aucune évaluation du risque formelle n’a été effectuée, et tous les risques liés au transport de quantités de plus en plus importantes de pétrole brut n’ont été ni évalués ni atténués.

    De même, aucune évaluation du risque n’a été effectuée lorsque la compagnie a déplacé l’endroit où avait lieu la relève des équipes à Nantes et a commencé à garer des trains sans surveillance sur la voie principale sur une pente descendante. En l’occurrence, on croyait qu’une évaluation du risque n’était pas nécessaire puisqu’il y avait déjà des règles et des instructions relatives à l’immobilisation des trains, et puisque des trains avaient déjà été garés à cet endroit à l’occasion par le passé. L’immobilisation dépendait d’une seule mesure de défense administrative : un essai de l’efficacité des freins à main effectué correctement. Ainsi, cette pratique, bien que conforme à la réglementation, ne réduisait pas le risque autant qu’il aurait été raisonnablement possible de le faire.

    Finalement, lorsqu’elle a mis en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé, la compagnie n’a effectué une évaluation du risque formelle qu’à la demande expresse de TC. L’évaluation, toutefois, ne s’est pas intéressée à savoir comment la tâche d’immobiliser le train, qui était exécutée par une équipe de 2 personnes auparavant, serait effectuée, puisqu’il y avait déjà des règles sur l’immobilisation des trains. De plus (tel que mentionné précédemment à la section 2.13.5), certaines des mesures d’atténuation décrites dans l’évaluation du risque n’avaient pas été mises en œuvre efficacement.

    Ces faiblesses sur le plan de l’utilisation des évaluations du risque par la MMA signifiaient que, lorsqu’elle a apporté des changements opérationnels importants à l’échelle de son réseau, la MMA n’a pas cerné ni géré rigoureusement les risques pour assurer l’exploitation en toute sécurité.

    Pour aider les organisations à gérer le risque, les processus nécessaires doivent être en place et utilisés à bon escient. La MMA a soumis des documents au sujet de son SGS à TC en 2003, et on lui a indiqué qu’elle se conformait au règlement. Toutefois, il manquait des éléments clés dans le SGS de la MMA, et d’autres éléments n’étaient pas utilisés efficacement. Par conséquent, la MMA n’avait pas un SGS qui fonctionnait pleinement en vue de la gestion efficace des risques.

    2.13.8 Culture de sécurité

    Le rapport d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF)Note de bas de page 139 publié en 2007 indique que « La clé de voûte d’un SGS authentiquement fonctionnel est une solide culture de sécurité. » Une solide culture de sécurité au sein d’une compagnie de chemin de fer peut réduire considérablement le nombre d’accidents et sert de fondement à un programme de sécurité efficace. La solidité de la culture de sécurité au sein d’une organisation vient du sommet, et se caractérise par des mesures proactives visant à éliminer ou à atténuer les risques opérationnels. La MMA avait une approche plutôt réactive à l’égard des questions de sécurité. En outre, il y avait des lacunes importantes entre les instructions d’exploitation de la MMA et la façon dont se déroulaient les activités courantes.

    Il y avait aussi d’autres indices relevés dans les activités de la MMA qui indiquaient une faible culture de sécurité au sein de l’organisation, notamment :

    • La gestion de la MMA acceptait une usure des rails sur la voie principale largement supérieure aux normes de l’industrie et à ses propres normes sur la voie;
    • La gestion de la MMA tolérait que des réparations non standard soient apportées (p. ex., au moteur de la locomotive et à la V.P.R.), qui soit se brisaient de nouveau par la suite, soit ne remettaient pas les composants dans un bon état de fonctionnement;
    • La pratique systémique de laisser des trains sans surveillance sur la voie principale et sur une pente descendante à Nantes pendant plusieurs heures sans mesure de défense en profondeur pour empêcher tout mouvement involontaire;
    • Les équipes de train et les exploitants seuls ne se conformaient pas toujours correctement à la règle 112 du REF et aux instructions de la MMA lorsqu’ils immobilisaient des trains à Nantes;
    • La surveillance inadéquate exercée par la compagnie pour s’assurer que les trains étaient immobilisés convenablement à Nantes;
    • Le programme de recertification de la MMA et sa formation sur l’exploitation des trains par un seul employé étaient inadéquats pour s’assurer que les équipes de train connaissaient et comprenaient les procédures à suivre pour immobiliser des trains;
    • La gestion de la MMA accordait fréquemment des prorogations à l’égard des cartes de compétence, dans certains cas pour plusieurs mois au-delà de l’intervalle de 3 ans prescrit;
    • Les lacunes qui se reproduisaient et qui étaient cernées dans le cadre des inspections de la voie et des opérations de la MMA effectuées par TC donnaient lieu à des mesures correctives localisées; les problèmes systémiques qui contribuaient à ces lacunes n’étaient pas analysées en profondeur par la MMA, de sorte qu’ils se perpétuaient.

    Si les instructions ou les règles ne sont pas respectées, et si des conditions et des pratiques dangereuses peuvent se perpétuer, ceci peut faire en sorte que des situations semblables soient de plus en plus perçues comme étant acceptables. Ainsi, les déviations à la norme deviennent la norme, et la probabilité que des pratiques dangereuses soient signalées et éliminées diminue. Malgré le fait que des documents éducatifs sur la culture de sécurité avaient été diffusés aux compagnies ferroviaires, la culture de sécurité n’était pas évaluée formellement et n’était pas consignée lors des inspections réglementaires ou des vérifications. La faible culture de sécurité de la MMA a contribué à la perpétuation de conditions et de pratiques dangereuses, et a compromis la capacité de la MMA de gérer efficacement la sécurité.

    2.14 Surveillance exercée par Transports Canada

    2.14.1 Surveillance réglementaire de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    2.14.1.1 Programme d’inspections réglementaires auprès de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Le bureau de la région du Québec de TC avait inspecté et surveillé l’exploitation, le matériel et l’infrastructure de la MMA. Depuis plusieurs années, on savait que la MMA était une compagnie de chemin de fer qui devait faire l’objet d’inspections plus fréquentes en raison de son niveau de risque élevé. Dans le cadre de ses inspections, le bureau de la région du Québec de TC avait relevé de nombreuses lacunes de sécurité qui persistaient et qui avaient donné lieu à des mesures de sécurité. Le bureau de la région du Québec de TC a émis de nombreux avis, avis et ordres, lettres signalant une préoccupation, et lettres de non-conformité. Bien que la MMA ait habituellement pris des mesures pour donner suite à la lacune de sécurité relevée au cours de l’inspection, il n’était pas rare que des lacunes ou des risques semblables soient cernés de nouveau au cours des inspections suivantes. Voici des exemples des lacunes de sécurité relevées :

    • Des problèmes à l’égard de l’immobilisation des trains avaient été relevés à maintes reprises depuis 2005, et existaient encore au moment de l’accident.
    • Entre 2006 et le moment de l’accident, des lacunes en matière de formation avaient été relevées au sein de plusieurs groupes fonctionnels, dont le service mécanique, l’exploitation et l’ingénierie, ainsi que le contrôle de la circulation ferroviaire.
    • L’état de la voie avait été signalé comme étant une question qui persistait entre 2006 et le moment de l’accident.

    Le bureau de la région du Québec de TC n’a pas assuré un suivi pour veiller à ce que les lacunes de sécurité qui se répétaient à la MMA soient analysées et corrigées efficacement; par conséquent, des pratiques dangereuses se sont perpétuées.

    En outre, après la mise en œuvre de l’exploitation des trains par un seul employé à la MMA, la surveillance exercée par TC n’a pas été suffisante pour vérifier si la mise en œuvre s’était effectuée conformément aux mesures d’atténuation décrites dans l’évaluation du risque de la MMA.

    2.14.1.2 Vérifications du système de gestion de la sécurité effectuées à la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Le matériel d’orientation de TC indique que TC vérifie si un exploitant posséde un SGS qui est documenté, utilisé, et efficace pour l’amélioration de la sécuritéNote de bas de page 140. Bien que les inspections soient essentielles pour cerner les conditions dangereuses, les vérifications des SGS viennent compléter le processus d’inspection. Les vérifications des SGS permettent de se pencher sur les raisons sous-jacentes des conditions dangereuses, et de vérifier si l’organisation a des processus efficaces en place pour cerner et atténuer des conditions semblables qui pourraient survenir à l’avenir.

    À la MMA, la première vérification du SGS visant à évaluer l’efficacité des processus de gestion de la sécurité de la compagnie a eu lieu en 2010, soit 7 ans après qu’on a indiqué à la compagnie qu’elle se conformait au Règlement sur le SGS. Au cours de cette vérification, les inspecteurs ont appris que le SGS n’avait pas encore été mis en œuvre parce que la compagnie attendait d’avoir reçu l’approbation réglementaire. TC a par la suite expliqué à la MMA que TC n’approuve pas les SGS des compagnies ferroviaires. Une deuxième vérification du SGS, effectuée en 2012, a porté sur un sous-ensemble très limité d’éléments du SGS.

    Bien que le bureau de la région du Québec de TC ait examiné les plans de mesures correctives soumis par la MMA par suite des vérifications, aucun suivi n’a été effectué pour vérifier si les plans de mesures correctives avaient été mis en œuvre. Le bureau de la région du Québec de TC n’avait pas de procédure en place pour assurer des tels suivis. En outre, aucun suivi n’a été effectué au cours de la vérification de 2012 à l’égard des constatations de la vérification précédente puisqu’un tel suivi ne faisait pas partie de la portée de la vérification, qui avait été établie par l’autorité convocatrice. Par conséquent, les vérificateurs n’ont pas pu vérifier si des plans de mesures correctives efficaces avaient été élaborés pour régler les lacunes relevées précédemment.

    C’est pourquoi bon nombre des lacunes constatées dans le SGS de la MMA dans le cadre du processus de vérification n’ont jamais été résolues. Par exemple, des faiblesses du processus d’évaluation du risque de la MMA avaient été relevées au cours de la pré-vérification effectuée par TC en 2003. La vérification de 2010 a permis de constater que des évaluations du risque n’étaient faites que lors de changements opérationnels importants. Depuis, très peu d’évaluations du risque avaient été faites et aucune évaluation du risque n’avait été documentée à l’égard de la pratique de laisser des trains sans surveillance sur une pente à Nantes.

    L’absence d’une procédure de vérification interne à la MMA avait été relevée pour la première fois au cours de la pré-vérification de TC en 2003, et de nouveau au cours de la vérification du SGS de 2010. Aucune procédure de vérification interne n’avait été élaborée et aucune vérification interne du SGS n’avait eu lieu à la MMA.

    D’autres faiblesses du SGS de la MMA, notamment le fait que le numéro sans frais destiné à la déclaration des préoccupations de sécurité n’était pas utilisé ou que le nombre de tests OTIS requis n’étaient pas effectués, n’avaient pas été relevées dans le cadre du processus de vérification.

    Bien que les inspections de TC aient permis de constater des problèmes à la MMA entre 2003 et 2010, et qu’il ait été évident pour TC que le SGS de la MMA n’était pas efficace, aucune vérification du SGS n’a été effectuée au cours de cette période. La vérification effectuée par TC en 2010 a révélé que la MMA n’avait pas mis en œuvre son SGS. Le nombre et la portée limités des vérifications des SGS effectuées par le bureau de la région du Québec de TC, ainsi que l’absence d’une procédure de suivi visant à s’assurer que les plans de mesures correctives de la MMA avaient été mis en œuvre, ont contribué au fait que des faiblesses systémiques du SGS de la MMA n’ont pas été corrigées.

    Si TC ne procède pas à des vérifications suffisamment poussées et assez fréquentes des SGS des compagnies ferroviaires, et s’il ne confirme pas que des mesures correctives sont mises en œuvre efficacement, il y a un risque accru que les compagnies ferroviaires ne géreront pas la sécurité efficacement.

    2.14.2 Surveillance des vérifications régionales exercée par Transports Canada

    Puisque le Règlement sur le SGS est entré en vigueur en 2001, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de TC aurait dû avoir suffisamment de temps pour être en mesure de démontrer que toutes les compagnies ferroviaires ont un SGS en place et que celui-ci est efficace pour améliorer la sécurité.

    En 2007, le Comité d’examen de la LSF a indiqué que, bien qu’il y ait eu certaines améliorations, les progrès réalisés quant à l’adoption des SGS n’avaient pas été homogènes. Le comité s’est dit inquiet quant à la capacité de l’organisme de réglementation de réussir la mise en œuvre du SGS, en raison d’une foule de défis, y compris les ressources, les ensembles de compétences nécessaires pour les inspecteurs, et le fait de croire qu’il suffit de prouver que des processus existent pour prouver la conformité au Règlement. Depuis, TC a pris des mesures pour donner suite aux recommandations faites par le comité. Par exemple, en 2011, un groupe chargé de diriger les vérifications nationales, de surveiller la planification des vérifications et d’élaborer de la formation en vérification à l’intention de tous les inspecteurs a été créé à l’administration centrale de TC. Avec la création de ce groupe, l’administration centrale de TC a renforcé sa surveillance des programmes SGS.

    Toutefois, tel que l’a révélé l’audit du Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) sur la surveillance de la sécurité ferroviaire en novembre 2013, cet objectif n’a pas été atteint. Le BVG a conclu que, 12 ans après l’entrée en vigueur du SGS, TC n’a pas l’assurance requise que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre des SGS efficaces.

    Malgré les efforts de TC, l’accident à l’étude a montré qu’un certain nombre de faiblesses existent encore en matière de surveillance des programmes de sécurité.

    Les bureaux régionaux de TC étaient l’autorité convocatrice pour les vérifications des SGS, et il leur incombait de cibler et de décider de la portée des vérifications. Le bureau de la région du Québec de TC n’avait pas effectué suffisamment de vérifications pour vérifier l’efficacité du SGS des 4 compagnies de chemins de fer régionales de la province. Tous les chemins de fer avaient fait l’objet d’une « pré-vérification » peu après l’entrée en vigueur du Règlement, mais seulement 3 vérifications avaient été effectuées en vue d’examiner l’utilisation et l’efficacité des procédures du SGS jusqu’au moment de l’accident.

    Bien que les vérifications devraient être soit effectuées périodiquement, soit entreprises par suite des résultats des inspections de conformité, ni l’une ni l’autre de ces approches n’était utilisée par le bureau de la région du Québec de TC; on a plutôt effectué une vérification auprès de la MMA par suite d’un accident ferroviaire. Le fait d’effectuer des vérifications par suite d’un accident ne fait pas peser sur la compagnie ferroviaire la responsabilité de prouver qu’elle gère continuellement les risques, comme le prévoit l’objectif 3(c) de la LSF. Le nombre et la portée limités des vérifications effectuées par le bureau de la région du Québec de TC signifiaient que l’efficacité de nombreux éléments des SGS des compagnies de chemin de fer n’avait pas été validée.

    Le manque de vérification et de suivi à l’égard des constatations des vérifications était attribuable à un certain nombre de facteurs. Le personnel régional de TC avait l’impression qu’il ne serait pas possible d’effectuer des vérifications périodiques des SGS portant sur toutes les composantes exigées aux termes du Règlement sur le SGS auprès de toutes les compagnies de chemin de fer régionales, compte tenu du personnel nécessaire pour effectuer les vérifications des SGS. En outre, certains inspecteurs de la sécurité ferroviaire (ISF) ne se sentaient pas bien préparés pour participer efficacement à des vérifications des SGS, surtout à titre de chef de l’équipe de vérification.

    De nombreux inspecteurs étaient d’avis que les ressources consacrées aux vérifications des SGS étaient une perte de temps; ils croyaient qu’il y avait très peu à faire si un exploitant ne se conformait pas à son SGS. Cette croyance découlait de la Politique d’application du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire de TC, qui précisait qu’une compagnie de chemin de fer pouvait être poursuivie parce qu’elle ne se conformait pas au Règlement sur le SGS, mais qu’une poursuite ne pouvait être intentée contre elle pour des lacunes dans la mise en œuvre de son SGS. Bien que la LSF prévoit des outils pour intervenir en cas de dangers imminents pour la sécurité, les lacunes relevées dans la mise en œuvre du SGS d’une compagnie étaient présentées à la compagnie en tant que possibilité d’y apporter des améliorations. Cependant, les inspecteurs n’avaient que peu d’outils à leur disposition pour obliger une compagnie à apporter des améliorations si celle-ci ne voulait pas ou ne pouvait pas mettre en œuvre efficacement les processus exigés aux termes du Règlement sur le SGS.

    De nombreux inspecteurs du bureau de la région du Québec de TC ne participaient pas à la mise en œuvre du SGS, et pensaient que le SGS dans la région était du ressort du groupe de la Surveillance des systèmes de sécurité. Toutefois, le groupe de la Surveillance des systèmes de sécurité n’était pas appuyé activement par les collègues et la gestion.

    Par conséquent, le bureau de la région du Québec de TC ne s’assurait pas que les compagnies de chemin de fer régionales avaient un SGS efficace en place.

    Parce que la responsabilité à l’égard des compagnies de chemin de fer régionales incombait à chacun des bureaux régionaux, l’administration centrale de TC n’en assurait pas la direction, mais se limitait plutôt à appuyer la surveillance à l’échelle régionale du programme de SGS. L’appui fourni consistait à aider les bureaux régionaux à se préparer et à effectuer les vérifications auprès des compagnies de chemin de fer régionales. L’administration centrale de TC n’établissait pas d’exigences minimum quant à la fréquence ou à la portée des vérifications effectuées par les bureaux régionaux. En outre, l’administration centrale de TC ne surveillait pas les activités de vérification des bureaux régionaux pour s’assurer qu’elles répondaient à des normes minimum et que toutes les activités, telles que le suivi des constatations des vérifications, étaient cohérentes. Par conséquent, l’administration centrale de TC ne savait pas qu’il y avait des faiblesses au niveau de la surveillance des compagnies de chemin de fer régionales au Québec, et elle n’est pas intervenue pour donner un appui additionnel. En l’absence d’une surveillance suffisante à l’échelle nationale, TC n’a pas l’assurance requise que ses bureaux régionaux exercent une surveillance efficace des compagnies de chemin de fer régionales pour veiller à ce que les risques pour le public soient gérés convenablement.

    2.15 Exigences de déclaration de l’Office des transports du Canada

    La Loi sur les transports au Canada exige que les compagnies ferroviaires aient une protection d’assurance suffisante en fonction des risques liés à leurs opérations. L’Office des transports du Canada (OTC) examine l’assurance responsabilité une première fois lors de la délivrance du certificat d’aptitude. Par la suite, un nouvel examen peut être entrepris lorsqu’une compagnie ferroviaire informe l’OTC de changements opérationnels. Au moment de l’accident, l’ampleur et le type de changements opérationnels qui devaient être signalés étaient subjectifs; les compagnies ferroviaires décidaient donc quels changements signaler à l’OTC.

    La MMA avait présenté 3 demandes de modification à son certificat d’aptitude par suite de changements opérationnels. Cependant, la compagnie de chemin de fer n’était pas d’avis que l’augmentation de la quantité de pétrole brut transporté constituait un changement opérationnel important, et elle n’a donc pas informé l’OTC de ce changement de son profil de risque. En outre, l’OTC ne cherchait pas régulièrement à obtenir ce type d’information, et il n’évaluait pas périodiquement l’assurance des titulaires de certificat. Par conséquent, l’OTC ne savait pas que des changements opérationnels qui avaient des répercussions sur la protection d’assurance étaient survenus au sein de la MMA.

    L’augmentation considérable de la quantité de marchandises dangereuses transportées, et, plus particulièrement, le nombre de plus en plus important de trains-blocs de pétrole brut, a élevé le profil de risque de la MMA. Toutefois, les exigences réglementaires en vigueur au moment de l’accident n’ont pas permis de s’assurer que l’assurance responsabilité de la MMA tenait compte de l’augmentation du risque.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le MMA-002 a été garé sans surveillance sur la voie principale, sur une pente descendante, et l’immobilisation du train dépendait d’une locomotive qui n’était pas en bon état de fonctionnement.
    2. Les 7 freins à main qui ont été serrés pour immobiliser le train n’étaient pas suffisants pour retenir le train sans l’effort de freinage additionnel fourni par les freins indépendants de locomotive.
    3. L’essai de l’efficacité des freins à main n’a pas été effectué correctement pour confirmer si l’effort de freinage était suffisant pour empêcher tout mouvement, et aucun moyen de défense physique additionnel n’était en place pour empêcher le mouvement involontaire du train.
    4. Malgré des indices importants des ennuis mécaniques de la locomotive de tête, le mécanicien de locomotive et le contrôleur de la circulation ferroviaire de Bangor (Maine) ont convenu qu’aucune mesure corrective immédiate ne s’imposait, et la locomotive a été laissée en marche pour maintenir la pression d’air dans le train.
    5. La défaillance de la réparation non standard qui avait été apportée au moteur de la locomotive de tête a permis à l’huile de s’accumuler dans le turbocompresseur et dans le collecteur d’échappement, ce qui a entraîné un incendie.
    6. Lorsque le moteur de la locomotive a été coupé pour combattre l’incendie moteur, aucune autre locomotive n’a été mise en marche et, par conséquent, les freins indépendants n’ont plus été alimentés en air. En outre, le moteur des locomotives munies d’un système de démarrage automatique a été coupé et la pression n’a donc pu être maintenue lorsque l’air a commencé à s’échapper du circuit de freins à air.
    7. Le câblage du dispositif de veille automatique de la locomotive de tête n’avait pas été installé de façon à déclencher un freinage de service lorsque les disjoncteurs du panneau électrique arrière étaient ouverts.
    8. Parce que l’air s’est échappé du train à un rythme d’environ 1 livre par pouce carré à la minute, le débit n’était pas suffisant pour déclencher le serrage des freins automatiques.
    9. Lorsque l’effort de freinage fourni par les freins indépendants est passé à environ 97 400 livres, de sorte que l’effort de freinage global qui s’exerçait sur le train n’était plus que de 146 000 livres environ, le train a commencé à se déplacer.
    10. La vitesse élevée du train alors qu’il franchissait la courbe à proximité du branchement de Megantic Ouest a causé le déraillement du train.
    11. La coque du tiers environ des wagons-citernes déraillés a été éventrée, déversant rapidement de grandes quantités de pétrole brut très volatil, qui s’est enflammé et a formé de vastes boules de feu et un feu en nappe.
    12. La formation offerte et la surveillance exercée par la Montreal, Maine & Atlantic Railway n’étaient pas efficaces pour s’assurer que les membres d’équipe comprenaient et respectaient les règles relatives à l’immobilisation des trains.
    13. Lorsqu’elle a apporté des changements opérationnels importants à l’échelle de son réseau, la Montreal, Maine & Atlantic Railway n’a pas cerné ni géré rigoureusement les risques en vue de l’exploitation en toute sécurité.
    14. Il manquait des éléments clés dans le système de gestion de la sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, et d’autres éléments n’étaient pas utilisés efficacement. Par conséquent, la Montreal, Maine & Atlantic Railway n’avait pas un système de gestion de la sécurité qui fonctionnait pleinement en vue de la gestion efficace des risques.
    15. La faible culture de sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway a contribué à la perpétuation de conditions et de pratiques dangereuses, et a compromis la capacité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway de gérer efficacement la sécurité.
    16. Même s’il savait que la Montreal, Maine & Atlantic Railway avait apporté des changements opérationnels importants, Transports Canada n’a pas exercé une surveillance réglementaire adéquate pour s’assurer que les risques connexes étaient bien gérés.
    17. Le bureau de la région du Québec de Transports Canada n’a pas assuré un suivi pour veiller à ce que les lacunes de sécurité qui se répétaient à la Montreal, Maine & Atlantic Railway soient analysées et corrigées efficacement, de sorte que des pratiques dangereuses se sont perpétuées.
    18. Le nombre et la portée limités des vérifications des systèmes de gestion de la sécurité effectuées par le bureau de la région du Québec de Transports Canada, ainsi que l’absence d’une procédure de suivi visant à s’assurer que les plans de mesures correctives de la Montreal, Maine & Atlantic Railway avaient été mis en œuvre, ont contribué au fait que des faiblesses systémiques du système de gestion de la sécurité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway n’ont pas été corrigées.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si un essai de l’efficacité des freins à main n’est pas effectué correctement, du matériel pourrait ne pas être immobilisé convenablement, ce qui augmente le risque qu’il parte à la dérive.
    2. Si les freins à main de la (des) locomotive(s) en marche sont serrés pendant un essai de l’efficacité des freins à main, ceci pourrait fausser les résultats de l’essai, ce qui augmente le risque que les trains partent à la dérive.
    3. Compte tenu de la variabilité de l’état des freins à main de locomotive, le fait de les inclure dans le calcul du nombre total de freins à main nécessaires peut entraîner une surestimation de l’effort de freinage, ce qui augmente le risque que des trains partent à la dérive.
    4. Si du matériel est laissé sans surveillance sans que des moyens de défense physiques additionnels soient en place, ceci augmente le risque qu’il parte à la dérive et entraîne un accident.
    5. Si les compagnies ferroviaires mettent en œuvre l’exploitation des trains par un seul employé sans cerner tous les risques, et si des mesures d’atténuation ne sont pas mises en place, un niveau de sécurité équivalent à l’exploitation par des équipes de plus d’une personne ne sera pas maintenu.
    6. S’il n’y a aucune règle ni règlement régissant l’exploitation des trains par un seul employé, ni aucune exigence selon laquelle Transports Canada approuve et surveille les projets des compagnies ferroviaires à cet égard, il se pourrait que des trains soient exploités par un seul employé sans que toutes les mesures de défense nécessaires soient en place.
    7. Si des trains sont laissés sans surveillance dans des endroits faciles d’accès, avec les portes de la cabine de locomotive déverrouillées et le levier d’inversion du sens de marche dans la cabine, il y a un risque accru d’accès non autorisé, de vandalisme et de manœuvres abusives des commandes de locomotive.
    8. Si les rails et les éclisses en mauvais état ne sont pas corrigés, des contraintes additionnelles s’exercent sur les roues et sur les rails, ce qui peut causer des dommages au matériel ou à l’infrastructure, augmentant ainsi le risque de déraillement.
    9. Si des analyses ne sont pas effectuées de façon systématique sur des échantillons représentatifs de pétrole brut à intervalles appropriés, il y a un risque accru que ces marchandises dangereuses seront classées incorrectement.
    10. Si elles ne sont pas classées et documentées correctement, les marchandises dangereuses pourraient ne pas être transportées ou manutentionnées convenablement, ce qui augmente le risque que le public subisse des blessures, et que les biens et l’environnement subissent des dommages.
    11. En l’absence d’une surveillance et d’une application efficace de la conformité aux dispositions pertinentes du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses à l’égard de la classification, il y a un risque que des marchandises dangereuses classées incorrectement soient introduites dans le réseau de transport.
    12. Si les wagons-citernes de catégorie 111 qui ne sont pas conformes aux normes de protection renforcées transportent des liquides inflammables, il y a un risque continu de déversement de produit et de dommages importants aux personnes, aux biens et à l’environnement lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.
    13. Si l’expéditeur n’a pas élaboré un plan d’intervention d’urgence adéquat, agréé par l’organisme de réglementation, les ressources nécessaires pour venir en aide aux intervenants locaux pourraient ne pas être disponibles lorsque survient un accident mettant en cause de grandes quantités d’hydrocarbures liquides.
    14. Si les compagnies ferroviaires ne procèdent pas à la planification ainsi qu’à l’analyse de l’itinéraire, et si elles n’effectuent pas, par la suite, d’évaluations des risques des itinéraires le long desquels des marchandises dangereuses sont transportées, des mesures de sécurité globales visant à atténuer les risques pourraient ne pas être instaurées.
    15. Si Transports Canada ne procède pas à des vérifications suffisamment poussées et assez fréquentes des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires, et s’il ne confirme pas que des mesures correctives sont mises en œuvre efficacement, il y a un risque accru que les compagnies ferroviaires ne géreront pas la sécurité efficacement.
    16. En l’absence d’une surveillance suffisante à l’échelle nationale, Transports Canada n’a pas l’assurance requise que ses bureaux régionaux exercent une surveillance efficace des compagnies de chemin de fer régionales pour veiller à ce que les risques pour le public soient gérés convenablement.

    3.3 Autres faits établis

    1. Il n’a pas été possible de tirer une conclusion quant à savoir si l’exploitation des trains par un seul employé avait contribué à l’immobilisation incorrecte du train ou à la décision de laisser la locomotive en marche à Nantes (Québec) malgré sa condition anormale.
    2. Le pétrole brut que le train transportait n’était pas classé correctement; il avait été affecté au groupe d’emballage III (le niveau le moins dangereux) alors qu’il répondait aux critères du groupe d’emballage II.
    3. Le service d’incendie de Nantes a dû couper le moteur de la locomotive pour étancher l’huile qui coulait et alimentait l’incendie. Ces mesures étaient conformes aux instructions ferroviaires.
    4. L’état de la géométrie de la voie était convenable pour la circulation existante et était acceptable pour la vitesse permise (15 mi/h) pour les trains qui traversaient la gare Megantic.
    5. Malgré le défi d’avoir à intervenir dans un sinistre majeur qui n’avait pas été abordé comme tel dans le cadre de la formation pratique que bon nombre des pompiers avaient reçue, l’intervention d’urgence s’est déroulée de façon bien coordonnée et efficace.
    6. Les exigences réglementaires en vigueur au moment de l’accident n’ont pas permis de s’assurer que l’assurance responsabilité de la Montreal, Maine & Atlantic Railway tenait compte d’une augmentation du risque.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Pour améliorer la sécurité de son exploitation ferroviaire, la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) :

    • a mis en œuvre tous les ordres, injonctions et avis de sécurité instaurés par le ministre, Transports Canada (TC), le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), le Department of Transportation (DOT) des États-Unis et la Federal Railroad Administration (FRA);
    • a mis fin, par suite d’une entente avec l’Office des transports du Canada (OTC), à la manutention de pétrole brut de quelque type que ce soit, peu importe sa provenance;
    • a réglé tous les avis, et tous les avis et ordres, émis par TC à l’égard de la voie et de l’emprise de chemin de fer;
    • a installé 1100 traverses à plusieurs endroits pour protéger l’intégrité de la structure de la voie;
    • a procédé à des examens de détection des défauts de rail et de la géométrie de la voie entre la gare St-Jean (Québec) et la frontière canado-américaine, et a réglé les lacunes cernées;
    • a coupé et arraché des broussailles entre Magog (Québec) et la frontière canado-américaine;
    • a mis fin à l’exploitation des trains par un seul employé;
    • a renforcé la surveillance sur le terrain ainsi que les tests sur les règles d’exploitation et leur application;
    • a mis en place toutes les procédures exigées ou suggérées par le ministre, TC, le BST, ou les autorités des États-Unis, notamment à l’égard de l’immobilisation des trains et des locomotives, ainsi que de l’interdiction de laisser des trains transportant des marchandises dangereuses sans surveillance sur la voie principale, et s’y est conformée;
    • a adopté la Circulaire OT-55 de l’Association of American Railroads (AAR), intitulée Recommended Railroad Operating Practices For Transportation of Hazardous Materials.

    4.1.2 Recommandations de sécurité ferroviaire du Bureau de la sécurité des transports

    Le 23 janvier 2014, le BST a publié 3 recommandations.

    4.1.2.1 Vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111 à subir des dommages

    L’examen des 63 wagons-citernes de catégorie 111 de service général qui ont déraillé à Lac-Mégantic (Québec) a permis de constater que 59 d’entre eux (94 %) avaient déversé du pétrole brut parce qu’ils avaient été endommagés par les chocs. Les dommages subis par les wagons-citernes dans l’accident de Lac-Mégantic montrent clairement que le déversement de produit aurait pu être moindre si la coque et la tête des wagons-citernes avaient mieux résisté aux chocs. Des accidents survenus récemment, notamment ceux d’Aliceville (Alabama) [novembre 2013], de Casselton (Dakota du Nord) [décembre 2013], de Plaster Rock (Nouveau-Brunswick) [janvier 2014], et de Lynchburg (Virginie) [avril 2014], mettant en cause des wagons-citernes de catégorie 111, ont encore une fois illustré la vulnérabilité de ces wagons à subir des dommages au cours d’un accident et à déverser du produit. Des améliorations au niveau de la conception des wagons de ce type sont nécessaires pour atténuer les risques d’un déversement de marchandises dangereuses et les conséquences connues de l’accident de Lac-Mégantic. Les produits qui présentent des risques considérables doivent être acheminés dans des contenants sûrs qui comprennent des mesures de défense, telles que des coques plus résistantes, des enveloppes extérieures, des boucliers protecteurs complets, une protection thermique, et des dispositifs de décharge de pression de grande capacité. Étant donné l’ampleur des risques, et le fait que des normes pour les wagons-citernes doivent être établies à l’échelle de l’industrie ferroviaire nord-américaine, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents.
    Recommandation R14-01 du BST, émise en janvier 2014

    En février 2014, les deux compagnies ferroviaires canadiennes de catégorie 1 (le Canadien National [CN] et le Chemin de fer Canadien Pacifique [CFCP]) ont annoncé que les clients utilisant des wagons-citernes de catégorie 111 construits avant l’entrée en vigueur de la norme CPC-1232 se verraient imposer des frais supplémentaires.

    En mars 2014, le CFCP et le CN ont annoncé des améliorations à leurs parcs de wagons-citernes de catégorie 111. Le CFCP s’est engagé à retirer progressivement du service ses wagons-citernes de catégorie 111 (moins de 200) ou à les modifier en rattrapage. Le CN s’est également engagé à retirer progressivement du service ses wagons-citernes de catégorie 111 datant d’avant la norme CPC-1232 ou à les modifier en rattrappage. Il remplacera les 40 wagons-citernes qu’il possède, et procédera au remplacement des 143 wagons restants à mesure que leur location arrivera à échéance au cours des 4 prochaines années.

    En février 2014, la société Irving Oil Ltd. (Irving) a déclaré qu’elle comptait procéder au retrait progressif du reste des wagons-citernes de catégorie 111 datant d’avant la norme CPC-1232 de son parc, avant le mois de mai 2014. Elle a affirmé en outre que 88 % des wagons de son parc répondaient déjà à la norme publiée en 2011 par l’AAR. Elle a également demandé que tous ses fournisseurs utilisent, d’ici la fin de l’année, des wagons répondant à la norme de 2011 de l’AAR.

    Réponse de Transports Canada

    En réponse à la recommandation R14-01 du BST, TC a fait savoir qu’il interdira l’utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 datant d’avant la norme CPC-1232 posant le plus de risques. L’ordre no 34, pris le 23 avril 2014 en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses (Loi sur le TMD), interdit l’utilisation de wagons-citernes dont la couche de fond n’est pas dotée d’un renfort continu pour transporter des liquides inflammables de Classe 3, y compris le pétrole brut et l’éthanol. L’industrie disposait de 30 jours pour se conformer entièrement à cet ordre.

    TC a également affirmé qu’il exigera que tous les wagons-citernes construits avant l’entrée en vigueur de la norme CPC-1232/TP 14877 utilisés pour le transport de pétrole brut et d’éthanol soient progressivement retirés du service ou modifiés en rattrapage dans un délai de 3 ans.

    Entre-temps, les restrictions relatives aux itinéraires de train dont il est question dans la réponse de TC à la recommandation R14-02 (voir la section 4.1.2.2) sont conçues pour réduire les risques connexes. TC compte soit égaler, soit surpasser toute nouvelle norme américaine; il continuera donc de travailler étroitement avec ses homologues des États-Unis pour élaborer des normes plus rigoureuses en matière de construction ou de modernisation des wagons-citernes afin de rehausser davantage la sécurité du réseau ferroviaire intégré d’Amérique du Nord.

    De plus, TC procédera rapidement à la publication, dans la partie II de la Gazette du Canada, de 13 normes mises à jour sur les contenants, y compris la norme CPC-1232 de 2011 de l’AAR relative aux wagons-citernes DOT-111, qui ont été présentées à des fins de consultation au Canada le 11 janvier 2014Note de bas de page 141.

    Réponse de la Pipeline and Hazardous Materials and Safety Administration

    En réponse à la recommandation R14-01 du BST, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) a fait savoir que, le 30 avril 2014, le DOT a soumis, au nom de la PHMSA et de la FRA, un avis de projet de réglementation (Notice of Proposed Rulemaking [NPRM]). Le NPRM, intitulé Hazardous Materials: Enhanced Tank Car Standards and Operational Controls for High-Hazard Flammable Trains (HM-251)Note de bas de page 142, a été transmis à l’Office of Information and Regulatory Affairs de l’Office of Management and Budget (OMB), aux fins d’examen. L’avis propose une approche globale à l’égard de la sécurité ferroviaire dans le but d’améliorer l’intégrité des wagons-citernes, ainsi que de fournir des méthodes additionnelles de contrôle opérationnel, d’améliorer les interventions d’urgence, et d’établir des méthodes en vue de l’amélioration de la classification et de la description des matières dangereusesNote de bas de page 143.

    De plus, le 7 mai 2014, la PHMSA et la FRA ont publié le pré-avis de sécurité 14-07, intitulé Recommendations for Tank Cars Used for the Transportation of Petroleum Crude Oil by RailNote de bas de page 144, qui demande instamment aux transporteurs qui acheminent par train du pétrole brut de la formation de Bakken, dans le bassin de Williston, d’utiliser dans leur parc existant les wagons-citernes qui présentent les caractéristiques d’intégrité les plus élevées, et d’éviter, lorsque cela est possible en pratique, d’utiliser les wagons-citernes DOT-111 de l’ancienne génération.

    Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01

    TC a immédiatement interdit l’utilisation de certains wagons-citernes de catégorie 111 datant d’avant la norme CPC-1232, et exigera que le parc existant soit retiré du service ou modifié en rattrapage d’ici 3 ans. TC s’est également engagé à publier rapidement un règlement mis à jour dans la partie II de la Gazette du Canada, comprenant la nouvelle norme TP 14877 (qui adopte la norme CPC-1232 de 2011 de l’AAR pour les wagons-citernes de catégorie 111), qui prévoit que les nouveaux wagons-citernes construits pour le transport de marchandises dangereuses (y compris le pétrole brut et l’éthanol) des groupes d’emballage I ou II doivent, à tout le moins, être munis de protection aux extrémités des citernes, de citernes en acier plus épais et résistant mieux aux chocs, et de dispositifs de protection des raccords supérieurs pour améliorer leur rendement en cas d’accident.

    Toutefois, la norme TP 14877 n’est pas suffisamment robuste pour réduire les risques de déversement de marchandises dangereuses lorsque des wagons-citernes de catégorie 111 sont en cause dans un déraillement. L’industrie ferroviaire demande aux organismes de réglementation du Canada et des États-Unis d’aller bien au-delà de la norme CPC-1232 de 2011 de l’AAR, et il semblerait que les deux gouvernements discutent activement d’améliorations.

    Le Bureau est encouragé par les mesures de sécurité prises jusqu’à maintenant et les mesures immédiates visant à atténuer les risques. Toutefois, le processus de mise en œuvre des améliorations de sécurité au parc de wagons-citernes en Amérique du Nord prendra du temps, et les améliorations spécifiques à la conception des nouveaux wagons-citernes ne pourront être connues qu’au terme du processus. Par conséquent, jusqu’à ce que tous les wagons-citernes construits avant l’entrée en vigueur de la norme CPC-1232/TP 14877 cessent d’être utilisés pour le transport de liquides inflammables, et qu’une norme plus robuste comprenant une protection renforcée pour les wagons-citernes soit établie en Amérique du Nord, le risque persistera.

    Évaluation par le Bureau de la réponse de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration à la recommandation R14-01

    La PHMSA a accepté la recommandation, et un NPRM sur des normes renforcées pour les wagons-citernes a été présenté pour examen. Dans le cadre du processus réglementaire, des commentaires ont été reçus sur divers sujets, notamment sur la nouvelle conception pour les wagons-citernes DOT-111, ainsi que sur les pratiques opérationnelles comme les limites de vitesse, l’immobilisation des trains, et l’intégrité des voies ferrées.

    Cependant, parce que le processus se poursuit, la décision finale sur les normes renforcées pour les wagons-citernes n’est pas encore connue. Dans l’intervalle, les recommandations du préavis 14-07 (demandant instamment aux transporteurs d’utiliser des wagons-citernes aux caractéristiques d’intégrité les plus élevées et leur recommandant d’éviter de se servir, lorsque cela est possible en pratique, des wagons-citernes datant d’avant la norme CPC-1232 [de l’ancienne génération]), pourraient dans une certaine mesure aider à réduire le risque de déversement de pétrole brut lorsque des wagons-citernes sont en cause dans un déraillement. Le Bureau est également encouragé par les mesures prises en réponse aux questions soulevées dans les recommandations de sécurité publiées par le National Transportation Safety Board (NTSB) (voir la section 4.1.12).

    Cote attribuée par le Bureau aux réponses de Transports Canada et de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration à la recommandation R14-01

    Le Bureau constate favorablement la collaboration étroite entre le Canada et les États-Unis dans ce dossier. En effet, comme l’Amérique du Nord constitue un marché intégré, il est important que les réglementations fédérales dans les deux pays soient harmonisées dans la plus grande mesure possible. Toutefois, le processus de mise en œuvre des améliorations de sécurité au parc de wagons-citernes d’Amérique du Nord prendra du temps, et les améliorations spécifiques à la conception des nouveaux wagons-citernes ne pourront être connues jusqu’à ce que le processus soit finalisé. Par conséquent, jusqu’à ce que tous les wagons-citernes construits avant l’entrée en vigueur de la norme CPC-1232/TP 14877 ne soient plus utilisés pour le transport de liquides inflammables, et qu’une norme plus robuste comprenant une protection renforcée pour les wagons-citernes soit établie en Amérique du Nord, le risque persistera.

    C’est pour ces raisons que le Bureau estime que les réponses de TC et de la PHMSA à la recommandation R14-01 sont en partie satisfaisantes.

    Le BST continuera de surveiller la progression de l’élaboration et de la mise en œuvre, des deux côtés de la frontière, de règles relatives aux wagons-citernes affectés au transport de liquides inflammables afin de répondre à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont en cause dans des accidents.

    Par la suite, le 18 juillet 2014, TC a publié, aux fins de consultation, une proposition visant la création d’une nouvelle catégorie de wagon-citerne (TC-140). La proposition comprend aussi un horaire pour la modification en rattrapage des wagons-citernes TC/DOT-111 plus anciens et des wagons-citernes construits selon la norme CPC-1232/TP 14877. Selon TC, le nouveau wagon-citerne a été conçu spécialement pour le transport de liquides inflammables par train au Canada, tels que le pétrole brut et l’éthanol, et renforcerait les exigences de sa norme TP 14877. Les intervenants disposent de 45 jours pour présenter leurs commentaires. TC a déclaré qu’il accélérerait la pré-publication des nouvelles exigences dans la partie I de la Gazette du Canada, à l’automne 2014.

    Le 23 juillet 2014, la PHMSA, de concert avec la FRA, a émis un NPRMNote de bas de page 145 qui établit des exigences pour les trains qui transportent des produits inflammables très dangereux, tels que les trains-blocs transportant du pétrole brut et de l’éthanol. Le NPRM comprend de nouvelles exigences opérationnelles pour certains trains transportant une grande quantité de liquides inflammables de Classe 3, des améliorations aux normes pour les wagons-citernes, et la révision des exigences générales à l’égard des personnes qui demandent le transport de matières dangereuses pour s’assurer que la classification et la description des gaz et liquides extraits est correcte. L’avis présente, aux fins de commentaires, 3 options de normes renforcées pour les wagons-citernes. Les intervenants disposent de 60 jours pour présenter leurs commentaires.

    4.1.2.2 Planification et analyse de l’itinéraire des trains qui transportent des marchandises dangereuses

    Une des principales préoccupations de sécurité liées au transport de marchandises dangereuses par train est d’éviter qu’un déversement catastrophique ou une explosion se produise dans une zone densément peuplée ou dans une zone écosensible. L’accident de Lac-Mégantic a sensibilisé le public davantage aux risques liés au transport de marchandises dangereuses.

    La Circulaire OT-55-N de l’AAR, ou d’autres restrictions opérationnelles semblables, s’imposent pour atténuer un grand nombre des lacunes constatées dans le cadre de l’enquête sur l’accident de Lac-Mégantic et d’autres enquêtes sur des accidents mettant en cause le déversement de marchandises dangereuses. Cependant, de telles mesures doivent être jumelées à une approche proactive plus globale. Une approche basée sur la Circulaire OT-55-N, assortie de l’obligation de procéder à la planification et à l’analyse de l’itinéraire ainsi qu’à des évaluations périodiques des risques serait un pas dans la bonne direction en vue d’améliorer la sécurité du transport de marchandises dangereuses par train. C’est pourquoi le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports établisse des critères rigoureux pour l’exploitation des trains qui transportent des marchandises dangereuses et exige que les compagnies ferroviaires procèdent à la planification ainsi qu’à l’analyse des itinéraires et effectuent des évaluations périodiques des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces.
    Recommandation R14-02 du BST, émise en janvier 2014
    Réponse de Transports Canada

    Le 23 avril 2014, en réponse à la recommandation R14-02 du BST, TC a déposé une injonction ministérielle en vertu de l’article 33 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF). Cette injonction exige que les compagnies de chemin de fer transportant des marchandises dangereuses mettent en œuvre des pratiques opérationnelles clés minimum, y compris les restrictions de vitesse, l’élargissement de la portée des exigences d’inspection et d’entretien, ainsi que la réalisation d’évaluations des risques pour les itinéraires clés le long desquels sont exploités les trains clés. L’injonction ministérielle est en vigueur pour une période de 6 mois, et il se pourrait qu’elle doive être renouvelée pour tenir compte des autres consultations tenues avec les intervenants et l’examen de toute autre exigence qui pourrait être établie aux États-Unis.

    En outre, TC a pris, en vertu de l’article 19 de la LSF, un arrêté ministériel qui exige que les compagnies de chemin de fer transportant des marchandises dangereuses formulent et présentent, aux fins d’approbation, et dans un délai de 180 jours, de nouvelles règles sur les pratiques opérationnelles afin de renforcer davantage la sécurité du transport ferroviaire des marchandises dangereuses à long terme.

    Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02

    Le 18 juin 2014, le BST a publié son évaluation, ci-après, de la réponse de TC à la recommandation R14-02 :

    L’injonction ministérielle exigera que des évaluations des risques soient effectuées pour les itinéraires clés le long desquels sont exploités les trains clés. Toutefois, les itinéraires clés sont définis comme ceux le long desquels 10 000 wagons complets de marchandises dangereuses sont transportés annuellement. Il se pourrait que ce seuil limite le nombre d’itinéraires devant répondre à ces mesures de sécurité renforcées. Une analyse rigoureuse devrait être menée sur le seuil de 10 000 wagons afin de déterminer quels itinéraires seront exclus et si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation R14-02 sera corrigée.

    Si les nouvelles règles élaborées par suite de l’arrêté ministériel renferment à tout le moins le même champ d’activités, et si elles sont renforcies pour comprendre un plus grand nombre d’itinéraires, le risque présenté par des mouvements de marchandises dangereuses pourrait être réduit considérablement. Toutefois, les règles proposées n’ont pas encore été élaborées, et les résultats ne peuvent être connus jusqu’à ce que le processus soit finalisé.

    Par conséquent, le Bureau a déterminé que la réponse à la recommandation R14-02 dénote une intention satisfaisante.

    Le BST surveillera la progression des compagnies ferroviaires en ce qui a trait à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles règles visant à améliorer leurs pratiques d’exploitation pour le transport de marchandises dangereuses en toute sécuritéNote de bas de page 146.

    4.1.2.3 Exigences relatives aux plans d’intervention d’urgence

    Un plan d’intervention d’urgence (PIU) est exigé aux termes du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (RTMD) pour certaines marchandises qui présentent un risque plus élevé que la moyenne lorsqu’elles sont transportées en certaines quantités. Lorsqu’un accident se produit, la manutention de ces marchandises dangereuses exige une expertise, des ressources, du matériel, et de l’équipement spécialisés. Au moment de l’accident, aucun PIU n’était exigé pour le transport de grandes quantités de liquides inflammables, tels que le pétrole brut. Toutefois, le fait d’avoir des PIU agréés aide à veiller à ce que les premiers intervenants aient toujours accès, en temps opportun, aux ressources et à l’aide nécessaires pour faire face à un accident mettant en cause d’importantes quantités de liquides inflammables.

    À la suite de l’accident à l’étude, le Comité consultatif sur la politique générale relative au transport des marchandises dangereuses de TC a mis sur pied, en novembre 2013, un groupe de travail sur les interventions d’urgence. Le groupe de travail, dont la présidence était assurée par l’Association canadienne des chefs de pompiers, était chargé d’examiner la possibilité d’étendre l’application du programme de PIU aux liquides inflammables, tels que le pétrole brut, ou de recommander d’autres solutions d’intervention d’urgence visant à assurer l’accès à une capacité d’intervention appropriée et au matériel spécialisé nécessaire.

    Le Bureau a reconnu cette initiative de TC. Cependant, compte tenu de l’augmentation considérable des quantités de pétrole brut transportées par train au Canada ainsi que de la possibilité d’un important déversement et des risques qu’un tel déversement présenterait pour le public et pour l’environnement, le Bureau a recommandé qu’à tout le moins :

    Le ministère des Transports exige des plans d’intervention d’urgence pour le transport de grandes quantités d’hydrocarbures liquides.
    Recommandation R14-03 du BST, émise en janvier 2014
    Réponse de Transports Canada

    Le 23 avril 2014, en réponse à la recommandation R14-03 du BST, TC a délivré l’ordre no 33 en vertu de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses. Cet ordre, en vigueur 150 jours à compter de la date de délivrance, exige un PIU pour certains hydrocarbures et liquides inflammables à risque élevé, y compris le pétrole brut et l’éthanol, lorsqu’il y a demande de transport ou importation par train dans 1 ou plusieurs wagons-citernes qui sont remplis à au moins 10 % de leur capacité.

    TC a fait savoir qu’il créera un groupe d’étude sur la planification des interventions d’urgence, qui sera composé de partenaires et d’intervenants clés. Ce groupe servira de tribune spéciale, et sera appuyé par une équipe d’experts, en vue de répondre aux recommandations du groupe de travail sur les interventions d’urgence du Comité consultatif sur la politique générale relative au transport des marchandises dangereuses. Le groupe d’étude se penchera sur les processus d’activation des PIU, les approches de coopération avec l’industrie, et la mise au point de protocoles d’échange d’information, et fera la promotion de l’établissement de structures de commandement unifiées en cas d’incident. Il examinera aussi l’élargissement possible des exigences relatives aux PIU à d’autres liquides inflammables de Classe 3 et prodiguera des conseils à cet égard.

    Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-03

    Dans son évaluation de la réponse de TC à la recommandation R14-03, le BST a souligné, le 18 juin 2014, que l’ordre exigera que des PIU agréés soient en place pour les hydrocarbures et les liquides inflammables couramment transportés qui présentent un risque élevé, même lorsqu’ils sont en quantités minimes dans 1 seul wagon-citerne, et que TC créera un groupe d’étude qui se penchera sur les exigences relatives aux PIU.

    L’ordre permet de s’assurer que des PIU agréés seront en place pour l’acheminement des hydrocarbures liquides et d’autres liquides inflammables à risque élevé, y compris l’éthanol. Par conséquent, le Bureau a déterminé que la réponse à la recommandation R14-03 est entièrement satisfaisante.

    Le BST continuera de surveiller la progression du groupe d’étude de l’industrie sur les PIU pour le transport de grandes quantités d’hydrocarbures liquides.

    4.1.3 Avis de sécurité ferroviaire du >Bureau de la sécurité des transports

    4.1.3.1 Immobilisation des locomotives, du matériel et des trains laissés sans surveillance

    Le 18 juillet 2013, le BST a transmis l’Avis de sécurité ferroviaire 08/13 à TC. L’avis indiquait que, compte tenu de l’importance de la circulation sécuritaire des marchandises dangereuses et de la vulnérabilité du matériel laissé sans surveillance, TC pourrait vouloir envisager de revoir toutes les procédures d’exploitation des chemins de fer pour s’assurer que les trains transportant des marchandises dangereuses ne sont pas laissés sans surveillance sur la voie principale.

    Le 18 juillet 2013, le BST a aussi transmis l’Avis de sécurité ferroviaire 09/13 à TC. L’avis indiquait que, puisqu’il y a une grande variabilité dans l’efficacité du circuit de frein à main des wagons, et puisque l’essai de l’efficacité des freins à main utilisé par les chemins de fer pour respecter la règle 112(b) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) ne confirme pas toujours adéquatement si l’effort de freinage fourni par le serrage des freins à main est suffisant pour retenir les wagons, TC pourrait vouloir envisager de revoir la règle 112 du REF et toutes les instructions spéciales connexes des compagnies ferroviaires afin de garantir que le matériel et les trains laissés sans surveillance soient correctement immobilisés de façon à éviter tout mouvement involontaire.

    Le 12 septembre 2013, en réponse aux avis de sécurité 08/13 et 09/13, TC a fait savoir que, le 23 juillet 2013, en vertu de l’article 33 de la LSF, il avait déposé une injonction ministérielleNote de bas de page 147 (qui devait rester en vigueur jusqu’au 31 décembre 2013) enjoignant à toutes les compagnies ferroviaires de compétence fédérale et aux chemins de fer d’intérêt local qui exploitent du matériel sur les voies d’un chemin de fer fédéral de :

    1. s’assurer que toutes les locomotives de commande laissées sans surveillance sur la voie principale et les voies d’évitementNote de bas de page 148 sont protégées contre tout accès non autorisé à leur cabine;
    2. s’assurer que les inverseurs sont retirés de toute locomotive laissée sans surveillance sur la voie principale et les voies d’évitement;
    3. s’assurer que les instructions spéciales de la compagnie sur les freins à main qui sont mentionnées à la règle 112 du REF sont appliquées lorsque toute locomotive attelée à au moins 1 wagon est laissée sans surveillance pendant plus de 1 heure sur la voie principale ou les voies d’évitement;
    4. s’assurer, lorsque toute locomotive attelée à au moins 1 wagon est laissée sans surveillance pendant 1 heure ou moins sur la voie principale ou les voies d’évitement, que, en plus d’être conformes aux instructions spéciales de la compagnie sur les freins à main qui sont mentionnées à la règle 112 du REF, les locomotives ont leur frein automatique réglé en position de serrage à fond et leur frein direct serré au maximum;
    5. s’assurer qu’aucune locomotive attelée à au moins 1 wagon-citerne chargé transportant des marchandises dangereuses n’est laissée sans surveillance sur une voie principale;
    6. s’assurer qu’aucune locomotive attelée à au moins 1 wagon-citerne chargé transportant des marchandises dangereuses n’est exploitée sur la voie principale ou les voies d’évitement avec une équipe de moins de 2 personnes compétentes aux termes des exigences de la compagnie visant le personnel d’exploitation.

    TC a également indiqué qu’il assurait le suivi de cette injonction ministérielle auprès de toutes les compagnies ferroviaires de compétence fédérale et tous les chemins de fer d’intérêt local pour veiller au respect des exigences qui y sont prescrites. Par suite de l’injonction ministérielle, plusieurs modifications ont été apportées au REF, y compris aux règles 62 et 112, ainsi qu’à la règle générale M. En ce qui a trait à l’interdiction de laisser des trains transportant des marchandises dangereuses sans surveillance sur la voie principale, elle ne semble pas avoir été incorporée dans les modifications des règles. D’autres conditions, en rapport avec les points 3 et 4 susmentionnés et la règle 112, semblent moins restrictives que ce qui se trouve dans l’injonction ministérielle (voir la section 4.1.8 pour de plus amples renseignements).

    4.1.3.2 Détermination des propriétés du pétrole brut en vue de son transport sécuritaire

    Le 11 septembre 2013, le BST a transmis à TC l’Avis de sécurité ferroviaire 12/13, qui indiquait que la feuille de route décrivait le produit chargé dans chacun des wagons-citernes du MMA-002 comme étant du UN 1267, pétrole brut, Classe 3, groupe d’emballage IIINote de bas de page 149. Cependant, les résultats des analyses effectuées sur le contenu des 9 wagons-citernes qui n’ont pas déraillé ont révélé que l’échantillon de produit avait un point d’éclair à la limite inférieure de la plage des points d’éclair pour le pétrole brut, bien en-deçà du seuil du groupe d’emballage III, ce qui correspond à un produit qui doit être inclus dans la Classe 3, groupe d’emballage II. Étant donné que la sécurité des personnes qui manutentionnent des marchandises dangereuses ou qui viennent en contact avec elles durant le transport dépend largement de la description exacte du produit transporté, et compte tenu de la volatilité du type de pétrole brut en cause dans l’accident et des conséquences potentielles d’un déversement au cours d’un accident, l’avis suggérait que TC pourrait juger opportun d’examiner les processus en place qu’utilisent les fournisseurs et les entreprises qui transportent ou importent ces produits afin de veiller à ce qu’on détermine et documente correctement les propriétés de ces produits pour les transporter en toute sécurité.

    TC a répondu que, le 17 octobre 2013, il avait émis l’ordre préventif no 31, en vertu de l’article 32 de la Loi sur le TMD, pour obliger toute personne qui importe ou transporte du pétrole brut, ou qui en demande le transport à :

    • analyser la classification du pétrole brut classé comme étant du UN 1267 ou UN 1993, si aucune analyse de classification n’a été menée depuis le 7 juillet 2013;
    • présenter les résultats d’analyse à TC sur demande;
    • mettre à jour leurs fiches de données de sécurité (FDS) puis à les fournir immédiatement au CANUTEC (Centre canadien d’urgence transport) de TC;
    • expédier tout pétrole brut classé comme étant du UN 1267 ou UN 1993, lorsqu’il est transporté par train, en tant que produit de Classe 3, liquides inflammables, groupe d’emballage I, jusqu’à ce que l’analyse de classification ait été effectuée.

    En réponse à l’Avis de sécurité ferroviaire 12/13, TC a publié des modifications au RTMD, dans la partie II de la Gazette du Canada, le 2 juillet 2014. Ces modifications comprennent une exigence selon laquelle les personnes qui classifient une marchandise dangereuse avant qu’elle soit transportée doivent conserver un dossier de classification à cet égard, ainsi qu’un dossier sur la méthode d’échantillonnage utilisée pour effectuer la classification du pétrole brut, de même qu’une exigence d’inclure une attestation de l’expéditeur à l’effet que la personne dont le nom apparaît sur le document d’expédition a préparé l’envoi conformément aux règlements pertinents.

    Le 11 septembre 2013, le BST a aussi transmis l’Avis de sécurité ferroviaire 13/13 à la PHMSA portant sur le même sujet. Le 23 septembre 2013, la PHMSA a répondu que, conjointement avec la FRA, elle avait émis un avis de sécurité le 2 août 2013, recommandant aux expéditeurs de matières dangereuses, y compris de pétrole brut, d’évaluer de nouveau leurs procédures d’exploitation pour veiller à ce que le pétrole brut soit classé correctement et affecté au groupe d’emballage approprié. Cet examen doit comporter l’évaluation de la fréquence à laquelle on vérifie le point d’éclair et le point d’ébullition, ainsi que les répercussions que peut avoir sur ces caractéristiques le fait de mélanger du pétrole brut provenant de différents puits. La PHMSA a également fait savoir qu’elle continue d’inspecter les expéditeurs et les transporteurs, et de surveiller, notamment, la classification du pétrole brut aux États-Unis dans le cadre d’une campagne d’inspection d’envergure nationale menée de concert avec la FRA.

    Le 14 novembre 2013, la PHMSA et la FRA ont émis conjointement l’avis de sécurité (Safety Advisory) no 2013-07, soulignant l’importance de bien décrire, classifier, et choisir le groupe d’emballage pour les matières de Classe 3, et les exigences connexes contenues dans la réglementation fédérale sur les matières dangereuses aux fins de la planification de sécurité et de sûreté. De plus, on s’attend à ce que les personnes qui demandent le transport par train et les transporteurs ferroviaires révisent leurs plans de sécurité et de sûreté, y compris les évaluations du risque exigées, pour régler les questions de sécurité et de sûreté indiquées dans l’ordonnance d’urgence (Emergency Order) no 28 émise le 2 août 2013 par la FRA de même que dans l’avis de sécurité conjoint.

    Les Nations Unies travaillent également sur les questions liées à la classification et au transport sécuritaire du pétrole brut. Un sous-comité du Comité d’experts en matière de transport des marchandises dangereuses et du Système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques sollicite des commentaires à l’égard des volets sur la classification et la communication des dangers du Règlement type des Nations Unies qui s’appliquent actuellement au pétrole brut. Des participants du Canada et des États-Unis font partie du sous-comité.

    Le 15 août 2014, le BST a émis un avis de sécurité à l’intention de TC. L’Avis de sécurité ferroviaire 06/14 porte sur le programme de surveillance en vue de la classification des gaz et liquides extraits, tels que le pétrole brut.

    4.1.3.3 Formation des employés ferroviaires des chemins de fer d’intérêt local

    Le 15 août 2014, le BST a émis l’avis de sécurité 07/14 à l’intention de TC. Cet avis porte sur la validité de la formation des employés chez les chemins de fer d’intérêt local.

    4.1.4 Lettres d’information sur la sécurité ferroviaire du Bureau de la sécurité des transports

    Après l’accident à l’étude, le BST a reçu un certain nombre de rapports au sujet de problèmes possibles sur certains tronçons de voie et sur du matériel roulant de la MMA. Par suite de ces rapports, le BST a émis, à l’intention de TC, les lettres d’information sur la sécurité ferroviaire décrites ci-après.

    Le 18 juillet 2013, le BST a émis la lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 10/13 sur l’état de la voie à Lac-Brome (Québec). En réponse, TC a indiqué, le 30 septembre 2013, qu’il avait inspecté toutes les voies principales de la MMA à l’aide d’un véhicule d’évaluation de la voie. En outre, un examen du tronçon de voie en question effectué par un inspecteur de TC a permis de constater certaines anomalies à certaines éclisses qui ne répondaient pas aux normes de la MMA. Par conséquent, la MMA a réduit la vitesse d’exploitation de ses trains sur ce tronçon de voie jusqu’à l’équivalent d’une voie de catégorie 1.

    Le 18 juillet 2013, le BST a aussi émis la lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 11/13 à TC sur l’état de la voie au triage Sherbrooke (Québec). TC a mené une inspection du triage Sherbrooke de la MMA et a cerné plusieurs préoccupations importantes en matière de sécurité au sujet de l’infrastructure de toutes les voies de triage. Par conséquent, le 26 juillet 2013, un inspecteur de la sécurité ferroviaire de TC a émis un Avis informant la MMA que l’état de la voie au triage Sherbrooke risquait de compromettre la sécurité de l’exploitation ferroviaire. Le 9 août 2013, en réponse à l’avis, la MMA a précisé que la compagnie effectuerait des réparations pour régler certaines des anomalies relevées, qu’elle adopterait des mesures correctives pour remédier à certaines autres, qu’elle désignerait certaines voies comme « exemptées » ou qu’elle les fermerait, et qu’elle adapterait l’exploitation au triage Sherbrooke, en plus d’élaborer un plan en vue de son utilisation ultérieure.

    Le 22 juillet 2013, le BST a émis la lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 13/13 sur l’état du sol à Sherbrooke (Québec). Dans sa réponse en date du 30 septembre 2013, TC a informé le BST que l’inspection du triage Sherbrooke avait révélé qu’une conduite d’eau rompue de la Ville de Sherbrooke avait entraîné l’érosion du sol sous une piste cyclable et l’emprise ferroviaire de la MMA. La MMA a effectué les réparations nécessaires, et le problème a été résolu.

    Le 26 août 2013, le BST a fait parvenir à TC la lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 16/13 au sujet de l’état du passage à niveau de la rue Agnès à Lac-Mégantic. Le 27 septembre 2013, TC a informé le BST que le ministère des Transports du Québec prévoyait remplacer la surface du passage à niveau à l’automne pour remédier à l’état non sécuritaire du passage à niveau public de la rue Agnès. Par la suite, le ministère des Transports du Québec a effectué une correction temporaire de la chaussée en étendant de l’asphalte sur le passage à niveau qui traverse la voie principale; l’embranchement qui desservait une installation industrielle locale a été recouverte d’asphalte, car cette voie n’était plus utilisée depuis 2 ans.

    Le 26 août 2013, le BST a également émis la lettre d’information sur la sécurité ferroviaire 17/13 sur l’état du drainage près du chemin du Versant à Lac-Mégantic. Le 18 octobre 2013, TC a indiqué qu’il avait effectué une visite exhaustive des lieux, qui lui avait permis de constater l’érosion du mur d’amont du ponceau et que le remblai devait être stabilisé. TC a recommandé qu’une limitation temporaire de vitesse à 10 mi/h soit imposée jusqu’à ce que la situation ait été corrigée. La MMA a fait savoir qu’elle laisserait au nouvel exploitant le soin de corriger ce problème et qu’elle discuterait avec la ville de Lac-Mégantic d’un éventuel plan des travaux devant être effectués. Entre-temps, la MMA continuera de surveiller la situation au cours de ses inspections hebdomadaires, et TC continuera d’en assurer le suivi.

    4.1.5 Autres mesures prises par le Bureau de la sécurité des transports

    Le 8 octobre 2013, le BST a rencontré des représentants de TC pour leur communiquer les constatations préliminaires d’un examen qu’il avait effectué sur des tronçons de voie dans les environs de Lac-Mégantic (voir la section 1.17.4 pour de plus amples détails). TC a incorporé ces renseignements aux résultats de ses propres inspections et en a fait le suivi auprès de la MMA. De plus, le 9 octobre 2013, le BST a rencontré des représentants de la municipalité de Lac-Mégantic pour leur présenter les mêmes renseignements.

    4.1.6 Transports Canada

    Le 23 juillet 2013, en vertu de l’article 33 de la LSF, TC a pris une injonction ministérielle à l’intention des compagnies ferroviaires de compétence fédérale et des chemins de fer d’intérêt local qui exploitent du matériel sur les voies d’une compagnie ferroviaire fédérale. L’injonction ministérielle clarifiait le régime réglementaire en ce qui concerne les locomotives laissées sans surveillance sur la voie principale et les voies d’évitement, et interdisait que les trains qui transportent des marchandises dangereuses soient exploités par une équipe de moins de 2 personnes (voir la section 4.1.3.1). Au moment de la diffusion de l’injonction ministérielle, en vertu de l’article 36 de la LSF, les compagnies ferroviaires de compétence fédérale et les chemins de fer d’intérêt local ont été tenus de déposer auprès du ministre, dans les 7 jours :

    • leurs instructions spéciales sur les freins à main, qui sont mentionnées à la règle 112 du REF et dont il est question au point 3 de l’injonction;
    • leurs exigences pour le personnel d’exploitation, mentionnées au point 6 de l’injonction.

    Le 23 juillet 2013, en vertu de l’article 19 de la LSF, TC a aussi pris l’arrêté ministériel 07-2013, enjoignant à toutes les compagnies ferroviaires de compétence fédérale et aux chemins de fer d’intérêt local d’établir des règles, ou, selon le cas, de modifier, dans les 120 jours (soit le 20 novembre 2013 au plus tard) des règles relatives à la sécurité et à la sûreté des locomotives laissées sans surveillance, des mouvements involontaires, et des exigences liées à la taille de l’équipe de train. L’arrêté précisait que les règles devraient se fonder sur une évaluation des risques pour la sûreté et la sécurité, et devraient, au minimum :

    1. assurer la sécurisation des cabines de locomotives de commande laissées sans surveillance de façon à empêcher l’accès non autorisé;
    2. voir au retrait et à la sécurisation des inverseurs des locomotives laissées sans surveillance;
    3. prévenir les mouvements involontaires du matériel ferroviaire attribuables à des altérations frauduleuses ou au desserrement accidentel des freins causés par des composants défectueux, en tenant compte des facteurs pertinents;
    4. permettre de sécuriser le matériel ferroviaire à l’arrêt transportant des « marchandises dangereuses »Note de bas de page 150;
    5. présenter des exigences minimum liées à l’équipe de train qui tiennent compte de la technologie, de la longueur du train, de la vitesse, de la classification des marchandises dangereuses transportées, et d’autres facteurs de risqueNote de bas de page 151.

    Une version modifiée de l’arrêté ministériel, 07.1-2013, a été diffusée le 25 novembre 2013 pour accorder à certaines compagnies un délai additionnel de 120 jours (soit le 20 mars 2014 au plus tard) pour le dépôt de nouvelles règles ou de règles modifiées, aux fins de consultation avec TC.

    Le 17 octobre 2013, en vertu de l’article 32 de la Loi sur le TMD, TC a émis l’ordre préventif no 31, obligeant toute personne se livrant à l’importation ou à la présentation au transport de pétrole brut à analyser immédiatement la classification du produit si aucune analyse n’a été menée depuis le 7 juillet 2013. L’ordre préventif stipule également que, jusqu’à ce que les analyses aient été effectuées, de tels produits, lorsqu’ils sont transportés par train, doivent tous être classés comme étant un liquide inflammable de Classe 3, groupe d’emballage I. (Voir la section 4.1.3.2 pour de plus amples détails.)

    Le 18 novembre 2013, le ministre des Transports a demandé au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes de procéder à un examen approfondi du régime canadien visant la sécurité du transport des marchandises dangereuses, et le rôle des systèmes de gestion de la sécurité dans tous les modes de transport. On a demandé à ce qu’un rapport provisoire soit déposé en juin 2014, suivi d’un rapport final en décembre 2014. Le Comité a accepté la demande, a entrepris l’étude, et a déposé son rapport provisoire au Parlement le 13 juin 2014.

    En novembre 2013, TC a annoncé la création de 3 groupes de travail dirigés par l’industrie pour se pencher sur la classification, l’intervention d’urgence et les contenants. Les 3 groupes de travail ont tous présenté leurs rapports à TC le 31 janvier 2014, et ceux-ci sont affichés sur le site Web de TC. Les recommandations sont présentement à l’étude.

    Le 20 novembre 2013, TC a émis l’ordre préventif no 32, enjoignant à toute compagnie ferroviaire canadienne de catégorie 1 ainsi qu’à toute personne qui transporte des marchandises dangereuses par train de fournir périodiquement les données précisées sur les marchandises dangereuses qu’elle transporte à chaque municipalité à travers laquelle des marchandises dangereuses sont transportées par train, et d’informer les municipalités de toute modification importante aux renseignements fournis. Ces renseignements doivent également être communiqués à TC, par l’entremise de CANUTEC.

    En décembre 2013, TC a élaboré un plan d’action en réponse aux recommandations formulées dans le Rapport du Bureau du vérificateur général du Canada de l’automne 2013. TC a indiqué que la plupart des mesures auront été prises à l’automne 2014, et que le plan devrait être complètement mis en œuvre à l’automne 2015.

    Le 24 décembre 2013, TC a émis une autre injonction ministérielle semblable à celle du 23 juillet 2013. Celle-ci s’adressait aux chemins de fer d’intérêt local, dont certains n’étaient pas assujettis à l’injonction précédente. Il était prévu que l’injonction ministérielle resterait en vigueur pour une période de 6 mois (c.-à-d., jusqu’au 1er juillet 2014) ou jusqu’à ce que des règles aient été approuvées pour toutes les compagnies.

    Le 26 décembre 2013, TC a approuvé des modifications au REF (TC O 0-167), y compris la nouvelle règle générale M (iii), qui stipule que « L’équipe d’exploitation d’un train de marchandises ou d’un transfert acheminant un ou plusieurs wagons-citernes chargés de matières dangereuses doit être composée d’au moins deux (2) membres ».

    Le 30 décembre 2013, TC a émis un arrêté en vertu de l’article 36 de la LSF, enjoignant à toutes les compagnies de chemin de fer qui sont membres de l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) de déposer leurs instructions spéciales à l’égard de la règle 112 du REF au sujet de l’essai de l’efficacité des freins à main.

    Des modifications à la LSF sont entrées en vigueur le 1er mai 2013, et elles permettent la prise de règlements dans un certain nombre de domaines qui renforcent les pouvoirs du ministre à l’égard de l’application de la loi. Ainsi, le 15 mars 2014, TC a publié, dans la partie I de la Gazette du Canada, un projet de Règlement sur les certificats d’exploitation de chemin de fer. Le règlement proposé exigerait que les compagnies ferroviaires soient titulaires d’un certificat d’exploitation de chemin de fer délivré par le ministre des Transports. Le ministre pourra suspendre ou annuler un tel certificat si la compagnie contrevient à une disposition de la Loi ou des règlements pris en vertu de celle-ci.

    Le 23 avril 2014, en réponse aux 3 recommandations de sécurité ferroviaire diffusées par le BST le 23 janvier 2014, TC a pris les mesures que voici :

    • En vertu de la Loi sur le TMD, il a délivré l’ordre préventif no 33, exigeant un PIU pour de petites quantités de liquides inflammables couramment transportés, tels que le pétrole brut et l’éthanol (voir la section 4.1.2.3).
    • Il a pris l’ordre préventif no 34, interdisant l’utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 les moins résistants aux chocs pour le transport de marchandises dangereuses (voir la section 4.1.2.1).
    • Il a pris l’arrêté ministériel MO 14-01 en vertu de l’article 19 de la LSF, exigeant que les compagnies de chemin de fer formulent des règles en vue de la sécurité et de la sûreté de l’exploitation des trains transportant certaines marchandises dangereuses et certains liquides inflammables. Parallèlement à l’arrêté MO 14-01, TC a déposé une injonction ministérielle en vertu de l’article 33 de la LSF, exigeant que les compagnies ferroviaires mettent en œuvre des pratiques opérationnelles minimum pour les itinéraires clés le long desquels sont exploités des trains clés (voir la section 4.1.2.2).

    Le 17 mai 2014, le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada. Le projet de règlement permettrait l’imposition de sanctions pécuniaires de l’ordre de 5000 à 50 000 dollars pour une personne physique, et de 25 000 à 250 000 dollars pour une personne morale, pour contravention à diverses dispositions du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS).

    En juin 2014, TC a fait savoir que des procédures de suivi pour les vérifications et pour les inspections avaient été élaborées. Ces procédures sont censées être diffusées vers le milieu de 2014. En outre, un plan de vérifications de référence a été mis au point en vue d’évaluer la mise en œuvre des SGS des compagnies ferroviaires. Une vérification de référence sera menée auprès de chacune des compagnies ferroviaires sur une base quinquennale et elle portera sur les composantes mentionnées à l’article 2 du Règlement sur le SGS, à partir de l’exercice financier 2014-2015.

    Le 2 juillet 2014, TC a publié, dans la partie II de la Gazette du Canada, des modifications au RTMD. Ces modifications comprennent de nouvelles exigences à l’égard de la construction, à compter du 15 juillet 2014, de tous les wagons-citernes de catégorie 111 utilisés pour le transport de marchandises dangereuses des groupes d’emballage I ou II (à l’exception des matières toxiques à l’inhalation) conformément à des spécifications semblables à la norme CPC 1232 de l’AAR. Le règlement modifié s’applique également aux wagons-citernes utilisés pour le transport de pétrole brut (UN 1267) du groupe d’emballage III et de produits pétroliers qui ne sont pas précisés (UN 1268).

    Un projet de Règlement sur le SGS a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada le 5 juillet 2014. Le règlement proposé, qui entrerait en vigueur le 1er avril 2015, élargirait la portée du règlement à toutes les compagnies de chemin de fer qui exploitent du matériel sur des voies ferrées de compétence fédérale, établirait de nouvelles exigences, et apporterait des précisions sur les exigences existantes afin d’améliorer l’application du règlement et la conformité à celui-ci.

    TC a collaboré avec le Groupe de travail municipal sur la sécurité ferroviaire nationale de la Fédération canadienne des municipalités pour s’entretenir d’enjeux liés à la sécurité du transport ferroviaire et du transport des marchandises dangereuses, tels que l’amélioration des évaluations des risques, la planification et la capacité d’intervention d’urgence, et l’augmentation des exigences à l’égard de la protection d’assurance des compagnies de chemin de fer et des expéditeurs.

    4.1.6.1 Mesures de sécurité prises par le bureau de la région du Québec de Transports Canada à l’égard de la Montreal, Maine & Atlantic Railway

    Le bureau de la région du Québec de TC a pris les mesures que voici à l’égard de préoccupations et de lacunes de sécurité relevées à la MMA après l’accident de Lac-Mégantic :

    • Le 10 juillet 2013, un avis et ordre a été émis à la MMA au sujet de matériel roulant laissé sans surveillance.
    • Le 24 juillet 2013, un avis a été transmis à la MMA et à la municipalité d’Eastman au sujet de dommages au passage supérieur en bois. Cet avis a été remplacé par l’avis et ordre émis le 23 décembre (voir ci-dessous).
    • Le 26 juillet 2013, un avis a été émis au sujet de grandes préoccupations en matière de sécurité à l’égard de l’état de l’infrastructure sur la subdivision Sherbrooke.
    • Le 26 juillet 2013, un avis et ordre a été émis au sujet de l’état de l’infrastructure sur la subdivision Stanbridge.
    • Le 26 juillet 2013, un avis a été émis au sujet de grandes préoccupations en matière de sécurité sur l’état de l’infrastructure de toutes les voies de triage au triage Sherbrooke.
    • Le 9 août 2013, un avis a été émis au sujet de grandes préoccupations en matière de sécurité sur l’état de l’infrastructure sur la subdivision St-Guillaume et au triage Farnham.
    • Le 11 octobre 2013, un avis et ordre a été émis au sujet de lacunes de sécurité aux passages à niveau publics et privés sur la subdivision Sherbrooke. Le 31 octobre 2013, après avoir examiné et évalué les mesures prises par la MMA, TC a révoqué l’avis et ordre.
    • Le 31 octobre 2013, un avis et ordre a été émis au sujet de l’usure des rails et d’anomalies de la surface des rails sur la subdivision Moosehead.
    • Le 31 octobre 2013, un avis et ordre a été émis au sujet de défauts des voies sur la subdivision Sherbrooke.
    • Le 31 octobre 2013, un avis et ordre a été émis au sujet de lacunes de sécurité aux passages à niveau publics et privés sur la subdivision Sherbrooke.
    • Le 23 décembre 2013, un avis et ordre a été transmis à la MMA et à la municipalité d’Eastman au sujet de l’état du passage supérieur du chemin d’Orford-sur-le-Lac qui se trouve dans la municipalité d’Eastman et qui chevauche la subdivision Sherbrooke de la MMA. Le 28 janvier 2014, après avoir examiné et évalué les mesures prises par la municipalité d’Eastman, TC a révoqué l’avis et ordre et a émis un deuxième avis et ordre au sujet de l’état des cadres porteurs, des poteaux et des mains-courantes de bois sur le passage supérieur. Au printemps 2014, la municipalité d’Eastman a entrepris des travaux, qui se poursuivent.

    4.1.7 Office du transport du Canada

    Après le déraillement, le 13 août 2013, l’OTC a suspendu le certificat d’aptitude de la MMA. Après que la MMA a pris une série de mesures pour améliorer la sécurité de son exploitation ferroviaire (voir la section 4.1.1), et qu’elle a démontré, à la satisfaction de l’OTC, qu’elle bénéficiait d’une couverture d’assurance, l’OTC a permis à la compagnie de poursuivre ses activités.

    Dans le discours du Trône du 16 octobre 2013, le gouverneur général a déclaré que le « gouvernement exigera que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer contractent une assurance additionnelle afin de pouvoir répondre de leurs actes. » À l’automne 2013, l’OTC a mené des consultations publiques au sujet du caractère adéquat du Règlement sur l’assurance responsabilité civile relative aux chemins de fer. À l’issue d’une première série de consultations à la fin janvier 2014, l’OTC a publié un Rapport sur ce que nous avons entendu et lancé une deuxième série de consultations, qui a pris fin le 9 mai 2014. L’OTC continue de collaborer avec TC en vue de resserrer les exigences relatives à l’assurance, et d’élaborer un cadre à l’intention des compagnies de chemin de fer et des expéditeurs en vue de défrayer les coûts de nettoyage.

    Pour rehausser l’application de la législation, l’OTC envisage la possibilité d’instaurer des sanctions administratives pécuniaires pour la non-conformité aux exigences réglementaires.

    En outre, l’OTC est en train d’élargir la portée de son protocole d’entente avec TC pour y inclure la collaboration et le partage d’information sur les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale afin de mieux comprendre les dossiers de sécurité globale de ces compagnies en fonction de leur certificat d’aptitude. L’OTC cherche également à mettre en place un protocole semblable avec le BST.

    4.1.8 Association des chemins de fer du Canada

    Le 20 novembre 2013, l’ACFC a soumis à TC, aux fins d’approbation, une version révisée de la règle 112 du REF (Pour laisser sans surveillance un matériel roulant). La règle révisée, qui a été approuvée par TC le 26 décembre 2013, stipule ce qui suit :

    1. Il faut sécuriser tout matériel roulant qu’on laisse sans surveillance. Les méthodes ci-après sont acceptables à cette fin :
      1. Nombre suffisant de freins à main serrés;
      2. Dispositif mécanique dont l’utilisation est approuvée par un ingénieur;
      3. Matériel stationné sur une voie conçue de manière à l’empêcher de se déplacer de façon intempestive (p.ex., une voie de manœuvre dans une cuvette de triage ou une voie dont la déclivité ne permet pas une dérive) et la conception de la voie en question est approuvée par un employé qualifié;
      4. Matériel déraillé ou attelé à des véhicules qui le sont;
      5. Mouvement sécurisé conformément au paragraphe (c) de la présente règle.
    2. Lorsque des manœuvres sont effectuées en cours de route, la partie immobile doit être protégée selon les dispositions du paragraphe (a), sauf quand les circonstances ci-après sont réunies :
      1. Il y a au moins 15 wagons;
      2. La déclivité de la voie ne dépasse pas 1,25 %;
      3. Le matériel ne restera pas stationné plus de 2 heures;
      4. La pression dans le circuit de frein à air est suffisante pour assurer un bon freinage; et
      5. La conduite générale est mise à l’atmosphère à un taux de serrage normal ou un serrage d’urgence des freins à air a été déclenché, et le robinet d’arrêt est laissé grand ouvert.
      Chaque fois que la partie laissée à l’arrêt risque de ne pouvoir être immobilisée dans le délai applicable, elle doit l’être de la façon prescrite au paragraphe (a).
    3. Un mouvement peut être laissé sans surveillance aux conditions suivantes :
      1. Il est immobilisé conformément au paragraphe (a); ou
      2. Il est laissé en un endroit où un dérailleur l’empêche d’obstruer de façon intempestive la voie principale et
        • La pression dans le circuit de frein à air est suffisante pour assurer un bon freinage;
        • La locomotive commandant le circuit de frein à air maintient la pression d’air;
        • Un serrage normal à fond ou d’urgence est effectué, et
        • Le frein direct (« indépendant ») est serré au maximum; ou
      3. La pression dans le circuit de frein à air est suffisante pour assurer un bon freinage et
        • La locomotive commandant le circuit de frein à air maintient la pression d’air;
        • Un serrage normal à fond ou d’urgence est effectué;
        • Le frein direct (« indépendant ») est serré au maximum;
        • Les freins à main sont serrés sur dix pour cent du matériel roulant, jusqu’à un maximum de cinq;
        • La déclivité de la voie ne dépasse pas 1,25 %; et
        • Le matériel ne restera pas stationné plus de 2 heures.
    4. Les situations atmosphériques exceptionnelles, telles que des vents violents ou d’autres conditions inhabituelles, doivent être prises en considération et en compte dans les décisions relatives à l’immobilisation du matériel roulant. Il est possible que des instructions spéciales renferment des consignes pour des endroits précis où des événements atmosphériques extrêmes sont fréquents
    5. Les consignes régissant la vérification de l’efficacité des freins à main feront partie d’instructions spéciales.
    6. Il ne faut pas serrer des freins à main pendant que le matériel roulant est tiré ou poussé.
    7. Avant de laisser un matériel roulant en un endroit quelconque, l’employé qui l’immobilise doit confirmer à un autre employé la manière dont il a procédé.

    Par suite de l’arrêté MO 14-01 pris par TC en avril 2014, l’ACFC a mis sur pied un groupe de travail pour lancer le processus d’établissement de règles pour formuler des règles en vue de la sécurité et de la sûreté de l’exploitation des trains transportant certaines marchandises dangereuses et certains liquides inflammables.

    L’ACFC a entrepris l’établissement d’ententes d’entraide pour améliorer les délais et la capacité d’intervention en cas d’accidents mettant en cause des marchandises dangereuses.

    Les compagnies de chemin de fer et un certain nombre d’intervenants de l’industrie collaborent étroitement et ont entrepris des travaux en vue de l’élaboration d’un processus de PIU à l’égard des hydrocarbures liquides et de l’éthanol à l’intention des expéditeurs, des compagnies ferroviaires, et des entreprises d’intervention d’urgence.

    Les compagnies de chemin de fer et un certain nombre d’intervenants de l’industrie ont créé une coalition canadienne sur la formation sur les incidents de transport. La coalition a pour but de sensibiliser davantage les premiers intervenants locaux et de renforcer leurs compétences sur la façon de lutter contre les incendies mettant en cause des hydrocarbures liquides et de l’éthanol.

    4.1.9 Chemin de fer Canadien Pacifique

    En réponse à l’arrêté émis par TC le 30 décembre 2013, le CFCP a laissé savoir que ses instructions spéciales relatives à la règle 112 du REF stipulent ce qui suit :

    Vérification de l’efficacité des freins à main

    Pour garantir qu’un nombre suffisant de freins à main sont serrés, desserrer tous les freins à air et laisser ou faire s’ajuster le jeu des attelages. Il faut constater, quand les attelages se compriment ou s’étirent, que l’action des freins à main est suffisante pour empêcher la coupe de wagons de bouger. Cette vérification doit se faire avant le dételage ou avant de laisser le matériel roulant sans surveillance.

    IMPORTANT : Lorsque les freins sont desserrés afin de procéder à l’essai d’efficacité, il faut allouer suffisamment de temps pour que les freins à air se desserrentNote de bas de page 152.

    Le CFCP et le CN ont conclu une entente d’entraide en vue d’améliorer les délais et la capacité d’intervention en cas d’accidents mettant en cause des marchandises dangereuses.

    4.1.10 Canadien National

    En réponse à l’arrêté émis par TC le 30 décembre 2013, le CN a fait savoir que ses instructions spéciales relatives à la règle 112 du REF stipulent ce qui suit :

    [traduction]

    Il faut procéder à l’essai de l’efficacité des freins à main avant de dételer ou de laisser du matériel sans surveillance ou du matériel accompagné à l’arrêt. Pour effectuer l’essai de l’efficacité des freins, desserrer tous les freins à air et permettre ou forcer le jeu à s’ajuster. Il doit être évident quand le jeu rentre ou sort, que les freins à main sont suffisants pour empêcher ce matériel de se déplacer. Lorsque les freins sont desserrés pour effectuer l’essai d’efficacité, laisser suffisamment de temps s’écouler pour permettre aux freins à air de se desserrer. S’il n’est pas possible d’observer le jeu s’ajuster ou s’il est difficile de le faire, ou si on immobilise moins de 10 wagons, déplacer légèrement le(s) wagon(s) pour s’assurer que la résistance au déplacement est suffisanteNote de bas de page 153.

    Tel qu’indiqué précédemment à la section 4.1.9, le CN et le CFCP ont conclu une entente d’entraide pour améliorer les délais et la capacité d’intervention en cas d’accidents mettant en cause des marchandises dangereuses.

    4.1.12 Irving Oil Ltd.

    Après l’accident, Irving a pris les mesures suivantes :

    • a modifié son programme de formation sur le transport des marchandises dangereuses pour l’offrir à tous les négociateurs de pétrole brut de la compagnie et au personnel de la logistique du transport par rail;
    • a approché les fournisseurs de pétrole brut et les installations de transbordement pour s’assurer qu’ils classifient correctement le pétrole brut devant être transporté aux installations d’Irving et soumettent des FDS exactes pour le pétrole brut fourni;
    • a mis en place des processus pour faire concorder l’information consignée sur les documents d’expédition et celle contenue sur d’autres documents au sujet du produit (tels que les FDS) pour vérifier l’exactitude de la classification du produit;
    • a mené des analyses périodiques sur la classification du pétrole brut (p. ex., le point d’éclair et le point initial d’ébullition) aux installations de chargement pour recueillir des données en vue de mieux comprendre la classification et la possibilité de variabilité entre les chargements de pétrole brut en provenance de différents producteurs et fournisseurs;
    • a renforcé sa surveillance des installations de transbordement pour veiller à ce que toutes les dispositions réglementaires pertinentes soient respectées;
    • a continué de collaborer avec ses homologues, y compris les fournisseurs et les installations de transbordement, pour déterminer la meilleure façon d’améliorer la surveillance des questions relatives au transport des marchandises dangereuses compte tenu de certains des défis commerciaux particuliers que présente le transport du pétrole brut.

    4.1.12 Mesures de sécurité prises aux États-Unis

    Par suite du déraillement de Lac-Mégantic, un certain nombre de mesures ont été prises aux États-Unis pour renforcer la sécurité ferroviaire.

    Le 2 août 2013, la FRA a émis l’ordonnance d’urgence 28 (EO-28 - Emergency Order), pour renforcer les règles sur l’immobilisation des trains en exigeant que chaque compagnie de chemin de fer élabore et soumette son processus visant l’immobilisation des trains qui transportent des marchandises dangereuses laissés sans surveillance sur la voie principale. L’ordonnance établit certaines exigences relatives aux trains laissés sans surveillance, notamment la nécessité de verrouiller les portes et d’enlever et de laisser en lieu sûr le levier d’inversion du sens de marche de la locomotive, la communication entre les répartiteurs et les équipes de train, l’enregistrement des données, les séances d’information quotidiennes, et les avis à l’intention des employés ferroviaires. Par la suite, la FRA a modifié l’ordonnance EO-28 pour donner suite à une demande de l’AAR visant à apporter des modifications à 2 des dispositions.

    Le 2 août 2013, la PHMSA et la FRA ont émis conjointement l’avis de sécurité (Safety Advisory) no 2013-06 à l’intention des propriétaires de chemins de fer et des expéditeurs de matières dangereuses faisant état de mesures détaillées qu’il est recommandé que l’industrie prenne pour rehausser la sécurité du transport des matières dangereuses. Les recommandations comportent, entre autres, des consignes sur la taille des équipes de train, sur les procédures d’exploitation, sur l’analyse et la classification, sur les évaluations de sécurité et des plans de sécurité à l’échelle du réseau, de même que sur les mesures d’atténuation des risques.

    Le 7 août 2013, la PHMSA et la FRA ont annoncé un examen exhaustif des facteurs opérationnels qui touchent la sécurité du transport des matières dangereuses par train (titre 49, Code of Federal Regulations [49 CFR], partie 174). Les 27 et 28 août 2013, la PHMSA et la FRA ont tenu une rencontre publique pour demander l’avis du public, des intervenants et des parties prenantes.

    En août 2013, l’opération classification (Operation Classification) a été lancée. Cette activité visant la conformité, également connue sous le nom de « Bakken Blitz », est constituée d’inspections et d’analyses effectuées à l’improviste par la PHMSA et la FRA pour vérifier la classification et l’affectation à un groupe d’emballage choisies et certifiées par les compagnies offrant du pétrole brut.

    Le 6 septembre 2013, la PHMSA a émis un préavis de projet de réglementation (Advanced Notice of Proposed Rulemaking) [ANPRM], qui a été publié dans le Federal Register. L’ANPRM sollicitait des observations sur des améliorations aux normes relatives aux wagons-citernes DOT-111 affectés au transport de pétrole brut des groupes d’emballage I et II et au transport d’éthanol. Le 30 avril 2014, le DOT des États-Unis a soumis, au nom de la PHMSA et de la FRA, un avis de projet de réglementation (Notice of Proposed Rulemaking [NPRM]), portant sur des normes renforcées pour les wagons-citernes, à l’OMB, aux fins d’examen. La PHMSA et la FRA continuent de collaborer avec l’OMB pour faire en sorte que le NPRM soit publié dans les meilleurs délais possibles (voir la section 4.1.2.1).

    Le 14 novembre 2013, la PHMSA et la FRA ont émis conjointement l’avis de sécurité (Safety Advisory) no 2013-07, soulignant l’importance de bien décrire, classifier et choisir le groupe d’emballage pour les matières de Classe 3, et les exigences connexes contenues dans la réglementation fédérale sur les matières dangereuses aux fins de la planification de sécurité et de sûreté.

    Un projet de règlement de la FRA précise des exigences pour poursuivre l’exploitation des trains par un seul employé qui était en place avant le 1er janvier 2014. Une procédure spéciale d’approbation sera exigée pour les compagnies ferroviaires qui commenceront à exploiter des trains avec un seul employé après cette date.

    Le 2 janvier 2014, la PHMSA a émis une alerte de sécurité informant le public, les intervenants d’urgence, les expéditeurs et les transporteurs que le type de pétrole brut en provenance de la région de Bakken du Dakota du Nord peut être plus inflammable que du pétrole brut lourd conventionnel.

    Le 16 janvier 2014, le secrétaire des transports (Secretary of Transportation) a rencontré des représentants de l’industrie ferroviaire et de l’industrie pétrolière pour lancer un appel à l’action à l’égard des risques liés au transport de pétrole brut par train.

    Le 22 janvier 2014, l’AAR a signifié qu’elle était d’accord pour appliquer, au plus tard le 1er juillet 2014, les exigences relatives à l’itinéraire (49 CFR, alinéa 172.820) pour les trains qui transportent plus de 20 wagons de pétrole brut, tel que convenu lors de la rencontre du 16 janvier 2014. L’AAR a également exprimé son accord envers la prise d’autres mesures visant à atténuer les risques, telles que la réduction à 50 mi/h de la vitesse des trains qui transportent plus de 20 wagons de pétrole brut, et à 40 mi/h pour les trains qui ont au moins 1 wagon-citerne DOT-111 ou non normalisé et qui traversent des zones urbaines désignées par le Department of Homeland Security comme étant une zone très menacée.

    Le 23 janvier 2014, par suite de sa participation à l’enquête du BST sur l’accident de Lac-Mégantic, le NTSB des États-Unis a émis 3 recommandations de sécurité à l’intention de la FRA :

    [traduction]

    De travailler avec la PHMSA pour étendre la portée des exigences relatives à la planification et au choix des itinéraires pour le transport de matières dangereuses par train prévues à l’alinéa 172.820 du Titre 49 du Code of Federal Regulations pour qu’elles s’appliquent aux trains clés qui transportent des liquides inflammables tels que définis dans la circulaire no OT-55-N de l’AAR et, lorsque possible, pour exiger qu’ils soient réacheminés pour éviter de transporter de telles matières dangereuses dans des zones peuplées ou sensibles.
    Recommandation R-14-1 du NTSB
    D’élaborer un programme en vue de la vérification des plans d’intervention pour les chemins de fer qui transportent des produits pétroliers afin de s’assurer que des dispositions adéquates sont en place pour intervenir en cas de déversement catastrophique et y remédier dans la mesure du possible, ainsi que pour atténuer le risque qu’un tel déversement pourrait faire peser ou l’empêcher de se produire.
    Recommandation R-14-2 du NTSB
    Que la FRA procède à la vérification des expéditeurs et des transporteurs ferroviaires de pétrole brut afin de s’assurer qu’ils utilisent la classification appropriée pour les matières dangereuses, qu’ils ont élaboré des plans en vue de la sécurité et de la sûreté du transport, et qu’ils ont pris des dispositions adéquates en matière de sécurité et de sûreté.
    Recommandation R-14-3 du NTSB

    Le NTSB a aussi émis 3 recommandations de sécurité à l’intention de la PHMSA :

    [traduction]

    De travailler avec la FRA pour étendre la portée des exigences relatives à la planification et au choix des itinéraires pour le transport de matières dangereuses par train prévues à l’alinéa 172.820 du Titre 49 du Code of Federal Regulations pour qu’elles s’appliquent aux trains clés qui transportent des liquides inflammables tels que définis dans la Circulaire no OT-55-N de l’AAR et, lorsque possible, pour exiger qu’ils soient réacheminés pour éviter de transporter de telles matières dangereuses dans des zones peuplées ou sensibles.
    Recommandation R-14-4 du NTSB
    De revoir les seuils applicables à la planification des interventions en cas de déversement contenus dans la partie 130 du Titre 49 du Code of Federal Regulations en vue d’exiger des plans d’intervention exhaustifs pour veiller efficacement à ce que les transporteurs aient la capacité d’intervenir en cas de déversement catastrophique par suite d’accidents mettant en cause des trains-blocs ou des rames de wagons-citernes qui transportent du pétrole ou des produits pétroliers.
    Recommandation R-14-5 du NTSB
    D’exiger que les transporteurs analysent et documentent suffisamment les caractéristiques physiques et chimiques des matières dangereuses pour s’assurer que la classification et l’emballage des produits dont on demande le transport, ainsi que la tenue de dossiers à cet égard, soient convenables.
    Recommandation R-14-6 du NTSB

    Le 25 février 2014, le DOT des États-Unis a émis une restriction d’urgence / ordonnance d’interdiction (Emergency Restriction / Prohibition Order) exigeant que tous les expéditeurs analysent le pétrole brut en provenance de la région de Bakken pour s’assurer qu’il est classé correctement avant qu’il soit transporté par train. L’ordonnance stipule également que le pétrole brut de Classe 3 transporté par train doit être considéré comme s’il s’agissait d’une matière dangereuse des groupes d’emballage I ou II seulement. L’ordonnance a été modifiée par la suite et diffusée de nouveau le 6 mars 2014 pour en clarifier les dispositions.

    Le 9 avril 2014, la FRA a annoncé qu’elle a l’intention d’émettre une proposition de règle pour établir des normes minimum relatives à la taille des équipes pour l’exploitation de la plupart des trains de marchandises et des trains de voyageurs en voie principale. Le NPRM à cet effet exigerait des équipes d’au moins 2 personnes pour la plupart des opérations ferroviaires sur la voie principale, y compris pour les trains qui transportent du pétrole brut. La FRA prévoit d’émettre un NPRM additionnel pour interdire de laisser sans surveillance certains trains de marchandises ou de laisser à l’arrêt certains wagons de marchandises sur la voie principale ou des voies d’évitement, ainsi que pour exiger des compagnies de chemin de fer qu’elles adoptent et mettent en œuvre des procédures pour vérifier l’immobilisation des trains ou du matériel laissés sans surveillance pour les intervenants d’urgence. La règle exigerait également que les cabines de locomotive soient verrouillées et que les leviers d’inversion du sens de marche soient enlevés et laissés en lieu sûr. Les compagnies ferroviaires seraient également tenues d’obtenir au préalable l’autorisation de la FRA à l’égard des endroits où des wagons ou du matériel pourraient être laissés sans surveillance et des circonstances dans lesquelles elles pourraient le faire.

    Le 7 mai 2014, le DOT des États-Unis a émis une restriction d’urgence / ordonnance d’interdiction (Emergency Restriction / Prohibition Order) exigeant que toutes les compagnies de chemin de fer qui transportent dans un seul train 1 000 000 de gallons ou plus de pétrole brut (UN 1267) de la formation de schiste de Bakken informe la State Emergency Response Commission appropriée de la circulation anticipée de tels trains sur son territoire.

    Le 7 mai 2014, la PHMSA et la FRA ont publié conjointement le pré-avis de sécurité (Safety Advisory Notice) no 14-07 enjoignant aux compagnies ferroviaires qui transportent du pétrole brut de la formation de Bakken d’utiliser dans leur parc existant les wagons-citernes qui présentent les caractéristiques d’intégrité les plus élevées (voir la section 4.1.2.1).

    4.1.13 Municipalité de Nantes

    Par suite de l’accident, la municipalité de Nantes a entrepris un examen de ses protocoles et de ses procédures d’intervention en cas d’accidents ferroviaires.

    4.2 Mesures de sécurité en cours

    4.2.1 Surveillance des compagnies de chemin de fer régionales exercée par Transports Canada

    TC surveille la sécurité ferroviaire par l’entremise d’inspections et de vérifications. Alors que les inspections s’intéressent aux conditions (c.-à-d., les lacunes), les vérifications examinent les systèmes et les processus (c.-à-d., pour expliquer le pourquoi des lacunes). Les inspections devraient être utilisées pour aider à cibler les vérifications à venir et pour surveiller les mesures correctives prises par suite des vérifications antérieures.

    L’administration centrale de TC assure la surveillance des SGS des compagnies ferroviaires d’envergure nationale et confie la surveillance des SGS des chemins de fer régionaux (pour les inspections et les vérifications des SGS) à ses bureaux régionaux. Ces bureaux décident quels chemins de fer régionaux feront l’objet d’une inspection ou d’une vérification, quelle sera la portée de chaque activité, quand l’activité sera effectuée, et à quelle fréquence pour chaque compagnie de chemin de fer.

    Le bureau de la région du Québec de TC inspectait et surveillait l’exploitation, le matériel, et l’infrastructure de la MMA. Depuis plusieurs années, la MMA avait été identifiée comme étant une compagnie de chemin de fer au niveau de risque élevé, qui devait faire l’objet d’inspections plus fréquentes. Grâce à ses inspections, le bureau de la région du Québec de TC avait constaté bon nombre de lacunes de sécurité qui persistaient, à l’égard desquelles des mesures devaient être prises. Le bureau de la région du Québec de TC a émis de nombreux avis, avis et ordres, lettres signalant une préoccupation, et lettres de non-conformité. Bien que la MMA ait normalement pris des mesures après l’inspection pour remédier à la lacune de sécurité cernée, il n’était pas rare que des lacunes ou des risques semblables soient décelés de nouveau au cours des inspections suivantes.

    Le bureau de la région du Québec de TC n’effectuait que très peu de vérifications des SGS, et n’assurait pas le suivi des plans de mesures correctives présentés par les compagnies de chemin de fer pour veiller à ce que le SGS de chaque chemin de fer soit efficace pour réduire les risques de sécurité. À titre comparatif, le bureau de la région de l’Atlantique et celui de la région de l’Ontario étaient beaucoup plus actifs en matière de vérification et de suivi.

    Puisque l’administration centrale de TC ne passait pas en revue les activités de surveillance de ses bureaux régionaux, elle ne savait pas que le bureau de la région du Québec n’assurait pas le suivi des plans de mesures correctives ou des mesures d’atténuation des risques des compagnies de chemin de fer. Bien qu’il y ait eu des réunions entre les bureaux régionaux et l’administration centrale plusieurs fois par année, ces réunions ne s’attardaient pas aux compagnies de chemin de fer régionales. Par conséquent, l’administration centrale de TC n’était pas au courant de la façon dont les compagnies de chemin de fer régionales mettaient en œuvre le SGS ni des répercussions, ou du manque de répercussion, que le SGS avait sur le rendement de sécurité de chaque compagnie. En l’absence d’une surveillance adéquate des activités régionales exercée par l’administration centrale de TC, il se pourrait que les bureaux régionaux ne s’assurent pas efficacement que toutes les compagnies de chemin de fer de leur région ont pleinement mis en œuvre leur SGS. Par conséquent, TC ne peut pas avoir l’assurance requise que le SGS de chaque compagnie de chemin de fer régionale est efficace et qu’il contribue à l’amélioration de la sécurité.

    Le Rapport du Bureau du vérificateur général du Canada de l’automne 2013 a examiné le cadre de gestion de la qualité de TC pour son programme de sécurité ferroviaire et a constaté que TC n’avait pas déterminé si la méthodologie de surveillance utilisée pour effectuer des vérifications et des inspections était conforme aux pratiques exemplaires, ni si les vérifications et les inspections étaient effectuées conformément à cette méthodologie. Par conséquent, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a recommandé que :

    Transports Canada devrait élaborer un plan d’assurance de la qualité détaillé pour évaluer sa méthode de surveillance en regard des pratiques exemplaires et évaluer régulièrement les vérifications et les inspections par rapport à sa méthode établie, dans le but de promouvoir l’amélioration continueNote de bas de page 154.

    TC a accepté cette recommandation, et a affirmé que, d’ici la fin de l’année 2014, il :

    Renforcera son programme d’assurance de la qualité en y ajoutant des évaluations périodiques de sa méthode de surveillance en regard des pratiques exemplaires et en évaluant si les vérifications et les inspections sont effectuées conformément à la méthode établieNote de bas de page 155.

    Si elle est mise en œuvre, cette mesure de la part de TC produirait un régime de surveillance réglementaire plus robuste et elle encouragerait l’amélioration continue du SGS de chaque compagnie de chemin de fer régionale. Toutefois, parce que le programme d’assurance de la qualité de TC n’a pas encore été mis en œuvre, il n’est pas possible de savoir à l’heure actuelle si les modifications proposées seront suffisantes pour s’assurer que la surveillance des activités de tous les bureaux régionaux de TC exercée par l’administration centrale sera adéquate. Le Bureau est d’avis qu’il est impératif que l’administration centrale de TC aille de l’avant avec la mise en œuvre de processus qui lui permettent de confirmer que tous les bureaux régionaux surveillent efficacement les compagnies de chemin de fer régionales, y compris leurs SGS.

    4.3 Mesures de sécurité à prendre

    4.3.1 Prévention des départs à la dérive : matériel laissé sans surveillance

    Dans l’accident à l’étude, un train de 4700 pieds transportant du pétrole brut, qui était garé sur la voie principale, est parti à la dérive. Il a parcouru 7,2 milles sur une pente descendante, a pris de la vitesse, et a déraillé dans la ville de Lac-Mégantic (Québec) alors qu’il roulait à 65 mi/h. Soixante-trois wagons-citernes ont déversé environ 6 millions de litres de pétrole brut, qui s’est enflammé, rasant des édifices, détruisant le centre de la ville, et causant la mort de 47 personnes. Le centre-ville, la rivière et le lac adjacents ont été contaminés.

    Le train a été garé à Nantes à l’aide des freins à main et des freins à air. Toutefois, on n’a pas procédé correctement à l’essai de l’efficacité des freins à main pour vérifier si les freins à main, à eux seuls, retiendraient le train. Lorsque le moteur de la locomotive qui maintenait la pression d’air du train a été coupé, le circuit de freins à air s’est vidé en moins d’une heure. L’effort de freinage des freins à main n’était pas suffisant pour immobiliser le train, et ce dernier est parti à la dérive.

    Les circuits de freins à air de même que les freins à main peuvent cesser de fonctionner, puisque la technologie n’est pas infaillible.

    Par exemple, les freins à air sont susceptibles aux fuites d’air et leur capacité à maintenir la pression dans le cylindre de frein est limitée; lorsque la pression est basse, les caractéristiques de protection intégrée sont compromises. Dans l’accident à l’étude, en moins d’une heure, l’air s’est vidé au point où les freins n’étaient plus en mesure de retenir le train sur la pente de 0,92 %.

    La capacité des freins à main est aussi sérieusement limitée, en ce sens qu’ils ne fournissent aucune rétroaction à la personne qui serre le frein sur le couple de serrage qui est appliqué, et il arrive souvent qu’ils ne fournissent pas l’effort de freinage nécessaire en raison de leur conception et d’autres facteurs mécaniques et physiques. Dans l’accident à l’étude, seulement 6 des 7 freins à main que le ML avait serrés fournissaient un effort de freinage, et l’effort de freinage global généré par les freins à main était de 48 600 livres. Par conséquent, il est nécessaire que l’essai de l’efficacité soit effectué correctement, tel que prescrit par les instructions d’exploitation ferroviaire, pour veiller à l’immobilisation efficace du matériel laissé sans surveillance.

    Dans l’industrie ferroviaire, on tient compte de ces limites technologiques en s’attendant à une conformité rigoureuse aux règles en tout temps. En ce qui a trait à l’immobilisation du matériel, on se fie à la règle 112 du REF, aux instructions spéciales de la compagnie, et à la formation. Lorsque des défaillances se produisent, on en arrive souvent à la conclusion que soit la règle, soit l’exploitant est fautif et doit donc être corrigé.

    La formation peut améliorer l’efficacité du respect des règles. Toutefois, le Bureau a constaté que certains employés de la MMA n’avaient pas les connaissances ou n’avaient pas démontré qu’ils avaient les compétences nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions de façon sûre et compétente. Ceci comprenait la connaissance du REF et de la façon d’effectuer correctement un essai de l’efficacité des freins à main. Des lacunes semblables en matière de formation et de conformité aux règles ont été relevées à de nombreuses reprises dans le cadre d’autres enquêtes du BST. Parmi les 9 événements mettant en cause du matériel parti à la dérive sur lesquels le BST a fait enquête au cours des 20 dernières années, une mauvaise interprétation ou une mauvaise application des règles avait causé ou était un facteur contributif de la plupart des événements. Dans un système où la dernière mesure de défense dépend du serrage des freins à main et d’un essai de l’efficacité, il doit y avoir des règles claires qui sont bien comprises et suivies rigoureusement. Toutefois, peu importe si les règles sont claires et exhaustives, ce sont des mesures de défense administratives et, immanquablement, il y aura des cas où ce qui se fait dans la pratique dérogera aux règles et procédures écrites. Les enquêtes du BST sur l’accident de Lac-Mégantic et sur d’autres cas de trains partis à la dérive ont révélé que l’enchaînement des événements comprenait presque invariablement un nombre de freins à main insuffisant pour retenir le train. Ceci signifie que, même si la règle est très bien écrite, on ne s’y conformera pas toujours, ce qui introduit un niveau de vulnérabilité dans le système de sécurité. Les données suivantes du BST laissent croire que les compagnies de chemin de fer d’intérêt local sont plus sujettes à une telle vulnérabilité. Des 16 enquêtes menées sur des événements survenus dans des compagnies de chemin de fer d’intérêt local au cours des 20 dernières années (y compris 6 mettant en cause du matériel parti à la dérive), des cas de non-conformité aux règles, de mauvaise interprétation ou de formation inadéquate ont été cernés comme ayant causé l’événement ou y ayant contribué à 10 reprises (62 %).

    À la suite de l’accident, les organismes de réglementation et l’industrie ont examiné la règle 112 du REF dans le but de renforcer les procédures. Toutefois, la nouvelle règle est ambiguë et, dans certains cas, elle est moins restrictive que la version précédente. La règle comporte un renvoi circulaire : l’alinéa (a)(v) renvoie au paragraphe (c), alors que l’alinéa (c)(i) renvoie au paragraphe (a). En outre, la règle stipule que les « consignes régissant la vérification de l’efficacité des freins à main feront partie d’instructions spéciales », mais elle ne dit pas explicitement que l’efficacité des freins à main doit être vérifiée.

    En outre, dans certaines circonstances, pendant des manœuvres, la règle 112 du REF modifiée permet de laisser des trains sans surveillance pendant 2 heures au plus sur la voie principale sur une pente d’au plus 1,25 %, en les immobilisant seulement à l’aide des freins à air. Ceci va à l’encontre de la version précédente de la règle, qui ne permettait pas de laisser du matériel sans surveillance sans utilisation des freins à main. En outre, la règle modifiée ne tient pas compte de l’injonction ministérielle prise par TC, qui ne permettait pas de laisser du matériel transportant des marchandises dangereuses sans surveillance sur la voie principale. La règle est difficile à comprendre en raison du manque de clarté et de l’ambiguïté du texte. Étant donné que la construction de cette règle d’une importance critique pour la sécurité est boiteuse, et puisque la règle est moins restrictive que l’injonction ministérielle à l’égard du transport des marchandises dangereuses, il y a un risque accru que du matériel ne soit pas immobilisé convenablement. Le train à Nantes est parti à la dérive au bout de 1 heure. Le BST a fait enquête sur d’autres événements au cours desquels du matériel était parti à la dérive à cause de fuites d’air, comme ce fut le cas à Dorée (Québec) (enquête R11Q0056 du BST), où le mouvement involontaire s’est produit en 1 heure. À la lumière de ce qui précède, et compte tenu des conseils des fabricants de freins à air selon lesquels il ne faut pas se fier au circuit de freins à air pour assurer l’immobilisation, il y a un risque que la limite de 2 heures ait réduit la marge de sécurité.

    Même lorsque les bonnes règles sont en place, il a été démontré au fil des ans que le fait de se fier uniquement à l’application rigoureuse des règles ne suffit pas à assurer la sécurité dans un système de transport complexe. Le concept de « mesures de défense en profondeur » a influencé le milieu de la sécurité depuis de nombreuses années. Le cumul des mesures de défense, ou la redondance, s’est avéré une approche fructueuse au sein de bon nombre d’industries, y compris l’industrie spatiale et l’industrie nucléaire, pour veiller à ce qu’une seule et unique défaillance n’entraîne pas des conséquences catastrophiques.

    Il y a des moyens de défense physiques pour protéger contre le risque que le matériel roulant parte à la dérive, qui sont disponibles pour atténuer le risque de perte de pression des freins à air, notamment les dérailleurs, les dispositifs de calage, les dispositifs mécaniques de secours, et les systèmes de démarrage automatique de locomotive. De nouveaux dispositifs technologiques sont disponibles, tels que des dispositifs munis de GPS qui peuvent être installés sur la chaîne des freins à main, et qui permettent de surveiller l’état des freins à main à distance. De plus, certains dispositifs en usage actuellement, tels que les dispositifs de veille automatique et les unités de détection et de freinage, grâce à des modifications mineures de leur logiciel, peuvent fournir une protection additionnelle.

    Des mécanismes de commande des freins à air de pointe, tels que les systèmes de freinage pneumatique à commande électronique, peuvent fournir une protection additionnelle en surmontant certaines de limites des circuits de freins à air traditionnels. Les systèmes de freinage pneumatique à commande électronique protègent contre les fuites d’air du cylindre de frein, et ils surveillent la pression dans la conduite générale et déclenchent automatiquement un freinage d’urgence si la pression dans la conduite générale baisse trop. Le serrage et le desserrage instantanés des freins à commande électronique diminuent de beaucoup les forces qui s’exercent sur le train, ce qui réduit le risque de déraillement. En présence d’un système de freinage pneumatique à commande électronique, la conduite générale sert uniquement à alimenter constamment en air tous les réservoirs d’air du train. Ces systèmes fournissent aussi des renseignements précieux sur l’état du train, ainsi que sur des facteurs comme l’état du circuit de freinage, la continuité de la conduite générale, et le nombre de freins qui fonctionnent.

    Le NTSB a récemment formulé une recommandation visant à instaurer une protection redondante, telle que des dispositifs de calage et des dérailleurs, pour protéger contre les trains qui pourraient partir à la dérive (Recommandation R-14-3 du NTSB – Urgent). La recommandation découle de l’enquête du NTSB sur la collision entre 2 trains du Chicago Transit Authority survenue le 30 septembre 2013, à Forest Park (Illinois).

    Le BST a souligné la nécessité d’avoir des mesures de défense robustes pour empêcher les trains de partir à la dérive depuis 1996 (Rapport d’enquête ferroviaire R96C0172 du BST), et depuis, il s’est produit au Canada plus de 120 cas de matériel parti à la dérive qui ont touché les opérations en voie principale. Les cas de matériel parti à la dérive sont peu probables, mais, comme l’accident à l’étude l’a montré, ils peuvent avoir des conséquences extrêmement graves, surtout si des marchandises dangereuses sont en cause. Comme l’a démontré l’accident de Lac-Mégantic, le coût en matière de vies humaines et de répercussions sur nos collectivités est incalculable. C’est pourquoi le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
    Recommandation R14-04 du BST

    4.3.2 Vérifications des systèmes de gestion de la sécurité et suivi essentiel

    La gestion des risques à un niveau acceptable exige que les compagnies ferroviaires analysent les constatations des inspections réglementaires et des vérifications du SGS pour cerner les causes sous-jacentes de ces constatations, et pour s’assurer que des mesures correctives sont mises en œuvre de façon efficace et qu’elles fonctionnent. Pour que les compagnies ferroviaires puissent gérer efficacement le risque à l’aide de leur SGS, il faut non seulement que les processus connexes soient documentés, mais qu’ils soient en place et qu’ils soient utilisés à bon escient.

    De plus, pour assurer une surveillance réglementaire efficace, l’organisme de réglementation doit s’assurer que les plans de mesures correctives et les mesures d’atténuation des risques ont été mis en œuvre. En outre, s’ils ne le sont pas, l’organisme de réglementation doit avoir le pouvoir d’obliger les compagnies à améliorer leur SGS.

    Toutes les compagnies de chemin de fer dont le bureau de la région du Québec de TC était chargé avaient fait l’objet d’une pré-vérification pour vérifier si les documents relatifs au SGS étaient en place. Toutefois, les vérifications visant à évaluer l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer régionales étaient très limitées; certaines compagnies n’avaient jamais fait l’objet d’une vérification du SGS, et aucune n’avait fait l’objet d’une vérification de tous les composants du SGS. Ainsi, l’organisme de réglementation ne pouvait pas savoir si le SGS de ces compagnies de chemin de fer était en place et s’il fonctionnait.

    TC avait relevé un certain nombre de problèmes qui se reproduisaient à la MMA. Toutefois, les antécédents de la MMA au niveau de l’analyse des causes systémiques de ces problèmes et de la prise de mesures pour les régler étaient peu reluisants. De surcroît, la surveillance régionale n’a pas décelé ni traité cette question. Dix ans après que TC a informé la MMA qu’elle se conformait au Règlement sur le SGS, la MMA n’avait toujours pas un SGS qui fonctionnait pleinement pour gérer efficacement les risques. La période de temps écoulée entre les vérifications menées auprès de la MMA, la portée limitée de ces vérifications, et le manque de suivi réglementaire à l’égard des constatations des vérifications signifiaient que l’organisme de réglementation n’était pas conscient de l’envergure des faiblesses du SGS de la MMA. À titre comparatif, les autres bureaux régionaux de TC assuraient plus de suivi pour s’assurer que les mesure correctives réglaient les causes ou les problèmes sous-jacents et qu’elles amélioraient efficacement la sécurité.

    Dans son rapport de 2013, le BVG a conclu que « Transports Canada n’a pas l’assurance requise que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité adéquats et efficacesNote de bas de page 156. » Le BVG a recommandé, entre autres, que TC établisse un niveau minimum de surveillance à l’égard des SGS, que TC demande à ses inspecteurs d’évaluer la qualité et l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer, et que TC exige que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale apportent les changements requis pour corriger les défectuosités qui compromettent la sécurité de leurs opérations. Il a également recommandé que TC assure « un suivi en temps opportun des défectuosités qui compromettent la sécurité des opérations ferroviaires des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, afin de vérifier si elles ont été corrigéesNote de bas de page 157. »

    En réponse à ces recommandations, TC a fait savoir qu’il comptait améliorer les procédures et la formation à l’intention des inspecteurs et qu’il avait entrepris un certain nombre de modifications à la réglementation.

    Par le passé, aux termes de la LSF et du Règlement sur le SGS, TC pouvait seulement exiger que les compagnies ferroviaires se dotent d’un SGS. La législation ne permettait pas à TC d’évaluer l’efficacité des composantes du SGS afin de déterminer si le SGS fonctionnait comme il se doit et s’il assurait donc la sécurité des opérations.

    Les modifications apportées à la Loi en 2013 permettent au ministre d’obliger une compagnie à prendre des mesures correctives si son SGS comporte des lacunes qui risquent de compromettre la sécurité ferroviaire. Les projets de Règlement sur les certificats d’exploitation de chemin de fer et de Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires, publiés dans la partie I de la Gazette du Canada au printemps 2014, viendront également renforcer les pouvoirs du ministre. Ils ont pour but de donner à TC les moyens d’encourager ou d’obliger les compagnies ferroviaires à corriger les lacunes sans devoir intenter des poursuites. L’utilité des sanctions pécuniaires ou des mesures liées au certificat d’exploitation en tant qu’outil pour redresser les SGS inefficaces ou mal mis en œuvre dépendra en grande partie du moment où ces mesures seront utilisées et de la façon dont on s’en servira.

    En outre, le projet de nouveau Règlement sur le SGS, s’il est adopté au printemps 2015, fera reposer une responsabilité accrue sur les compagnies ferroviaires à l’égard de la mise en œuvre des SGS, entre autres, en prévoyant la nomination d’un gestionnaire supérieur responsable et en exigeant que des responsables soient désignés pour chacun des processus et des procédures décrites dans le SGS d’une compagnie. Le règlement devrait également faciliter l’évaluation du SGS d’une compagnie par rapport aux exigences réglementaires, puisque le nouveau règlement décrit clairement les attentes à l’égard des processus obligatoires. Par exemple, les exigences relatives à l’évaluation des risques seraient élargies pour inclure un certain nombre de facteurs déclencheurs définis pour les évaluations des risques, une exigence relative à la nécessité de cerner les mesures correctives à prendre par suite des évaluations des risques, et un processus de suivi pour s’assurer que ces mesures correctives sont mises en œuvre.

    Une fois le cadre législatif et les outils d’application de la loi en place, TC sera en mesure de déterminer si une compagnie a mis en œuvre un SGS efficace, et d’exiger que des modifications soient apportées lorsqu’il décèle des lacunes qui compromettent la sécurité ferroviaire. En outre, il semblerait que TC a l’intention d’effectuer des vérifications pour s’assurer que les compagnies ferroviaires utilisent leur SGS de façon efficace pour l’amélioration de la sécurité. Le résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagne le projet de Règlement sur le SGS indique que :

    Dans le cadre des activités de surveillance, on utilise des inspections pour vérifier la conformité et des vérifications pour vérifier l’efficacité du SGS d’une compagnie. Une fois que le règlement proposé sera en place, Transports Canada continuerait de mener des vérifications de base tous les cinq ans, autant pour les compagnies de chemin de fer que pour les compagnies de chemin de fer locales. Ce cycle de vérifications serait assorti d’un nouveau programme de vérification où les vérifications seraient menées à n’importe quel temps au cours d’une annéeNote de bas de page 158.

    Néanmoins, quoique le résumé de l’étude d’impact précise que les vérifications vérifieraient l’efficacité du SGS d’une compagnie, il n’est pas clair comment cela se fera ni si la vérification de base examinera l’efficacité de toutes les composantes du SGS d’une compagnie.

    Le succès de cette nouvelle approche en vue de l’amélioration de la sécurité dépendra de 2 facteurs. Premièrement, les compagnies ferroviaires ont une culture axée sur les règles, et, pour passer pleinement au SGS, il faudra que s’opère un changement à une culture qui n’est plus axée strictement sur la conformité aux règles, à une culture qui reconnaît que les mesures de défense administratives, à elles seules, ne sont pas suffisantes pour assurer la sécurité des opérations, et qui vise le cumul des mesures de défense pour réduire les risques.

    Deuxièmement, TC dispose maintenant d’un cadre législatif et conceptuel nécessaire pour exiger la mise en œuvre des SGS, mais la façon dont l’organisme de réglementation se servira de ces outils et quelles mesures il prendra au cours des prochaines années sont tout aussi importants. Il est d’une importance critique que TC mette à exécution ses engagements à l’égard des vérifications des SGS, et qu’il s’assure vraiment que les compagnies ferroviaires ont en place un SGS qui leur permet de cerner les risques et de les gérer pour éviter les accidents.

    Jusqu’à ce que la culture des compagnies ferroviaires du Canada soit passée aux SGS, et que TC s’assure qu’ils ont été mis en œuvre d’une manière efficace, les avantages en matière de sécurité des SGS ne seront pas réalisés.

    C’est pourquoi le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports effectue des vérifications des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires assez poussées et assez fréquentes pour confirmer que les processus nécessaires sont efficaces et que des mesures correctives sont mises en œuvre pour améliorer la sécurité.
    Recommandation R14-05 du BST

    Le présent rapport met fin à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le Le rapport a été officiellement publié le

    Annexes

    Annexe A – Déroulement des événements

    Notes :

    • Les données proviennent des enregistrements de conversations radio et téléphoniques du contrôle de la circulation ferroviaire, du consignateur d’événements de locomotive (CEL), des dossiers du service 911, etc.
    • Pour les acronymes, se référer à l’annexe L – Lexique.
    Heure Description
    5 juillet 2013, 11 h À Farnham, le MMA-002 subit une inspection mécanique de TC.
    13 h Le MMA-002 subit un essai de la continuité des freins en présence de TC.
    13 h 30 Le ML entre en service. Un peu plus tôt au cours de la matinée, le ML avait demandé au CCF de Farnham de reporter son entrée en service, de vers 12 h 30 à 13 h 30.
    13 h 57 Peu après le départ de Farnham, le ML informe le CCF de Farnham que la locomotive de tête (MMA 5017) ne peut pas atteindre son plein régime, et il lui demande si quelqu’un a signalé que le moteur de cette locomotive a des sautes de régime.
    14 h 56 Le ML informe le CCF de Farnham que le train est en perte de vitesse, que la locomotive de tête MMA 5017 ne peut toujours pas atteindre son plein régime, et que cela se répercute sur toutes les autres locomotives du groupe de traction.
    20 h (environ) Le ML informe le CCF de Bangor qu’il a des ennuis avec la locomotive de tête.
    22 h 49 Le MMA-002 est arrêté à la hauteur de l’aiguillage est de la voie d’évitement sur la voie principale à Nantes à l’aide d’un serrage des freins à air automatiques. Les freins à air indépendants de locomotive sont serrés. Le ML serre des freins à main sur le train et coupe le moteur des 4 locomotives menées. À son retour dans la locomotive de tête, le ML desserre les freins à air automatiques; toutefois, les freins à air indépendants demeurent serrés à fond. L’essai de l’efficacité des freins à main est effectué sans que les freins à air indépendants de locomotive soient desserrés.
    23 h 05 Le ML appelle le CCF de Farnham après avoir immobilisé le train et demande au CCF de lui appeler un taxi.
    23 h 15 Le ML appelle le CCF de Bangor pour lui dire que le train est immobilisé à Nantes, et qu’il a coupé le moteur de 4 des 5 locomotives. Le ML indique aussi qu’une fois arrivé à Nantes, il a remarqué la fumée excessive qui s’échappait de la locomotive de tête, passant du noir au blanc. Le ML ajoute qu’il s’attend à ce que la situation se résorbe d’elle-même, mais qu’il n’est pas certain dans quel état la locomotive sera le lendemain matin, étant donné les problèmes qu’il a connus pendant la journée. Ils décident de laisser le train tel quel et de s’occuper de tout problème de rendement de la locomotive en matinée.
    Conformément à la pratique normale, le train est laissé avec la porte de la locomotive de tête déverrouillée, et le levier d’inversion du sens de marche enlevé et placé sur le siège du ML avec les documents du train.
    23 h 25 (environ) Le taxi arrive à Nantes. Le chauffeur de taxi remarque la fumée excessive et des gouttelettes d’huile en provenance de la locomotive, et demande au ML si elle devrait être laissée dans cet état, surtout à cause de la possibilité de pollution de l’environnement.
    23 h 30 (environ) Le taxi part de Nantes.
    23 h 39 Le ML appelle le CCF de Farnham pour signaler qu’il ne sera plus en service à compter de 23 h 45.
    23 h 40 Le service 911 reçoit un appel signalant un incendie à bord d’un train à Nantes. L’appel est acheminé au service d’incendie de Nantes.
    23 h 50 La SQ signale au CCF de Farnham qu’il y a un incendie à bord d’un train à Nantes. La SQ ajoute que les pompiers et la SQ sont en route vers le site. Le CCF de Farnham informe la SQ que le train transporte du pétrole brut.
    23 h 52 Le CCF de Farnham appelle le gestionnaire de l’exploitation pour l’avertir qu’un incendie s’est déclaré à Nantes et qu’il s’agit d’un train-bloc de pétrole brut. Ils décident de communiquer avec l’employé de la MMA le plus près (un ancien ML et mécanicien), qui demeure à Marston, pour le dépêcher à Nantes.
    23 h 53 Le CCF de Farnham tente, à 2 reprises, de joindre l’employé de la MMA à Marston, sur son téléphone cellulaire de la compagnie, mais ces 2 tentatives sont infructueuses.
    23 h 55 La SQ appelle le CCF de Farnham pour l’informer que l’incendie est à bord d’une locomotive, et que les pompiers et la SQ sont sur les lieux.
    23 h 58 Le service d’incendie de Nantes coupe le moteur de la locomotive de tête à l’aide du coupe-carburant d’urgence et ouvre les disjoncteurs sur le panneau électrique arrière à l’intérieur de la cabine de la locomotive. On procède de la sorte après avoir essayé d’éteindre l’incendie à l’aide de mousse, ce qui a répandu un résidu huileux noir sur le sol (tel qu’observé à Nantes et à l’est de l’endroit où les locomotives ont été retrouvées sur la subdivision Moosehead après le déraillement).
    23 h 59 Le gestionnaire de la voie de la MMA pour la région de Lac-Mégantic appelle le CCF de Farnham pour lui laisser savoir que le service d’incendie de Nantes a communiqué avec lui, et qu’on lui a demandé d’envoyer un technicien de locomotive sur les lieux. Le gestionnaire de la voie de la MMA informe le CCF de Farnham que l’incendie, qui était à bord de la locomotive de tête, a été maîtrisé, que le moteur de la locomotive de tête a été coupé, et que l’employé de Marston est en congé. Le gestionnaire de la voie de la MMA indique qu’il faudrait donc appeler le chef garde-voie de la MMA, qui demeure à Lac-Mégantic, pour le dépêcher sur les lieux.
    6 juillet 2013, 0 h Le CCF de Farnham appelle le ML pour lui demander quelles locomotives ont été laissées en marche et pour l’informer d’un incendie, qu’il croit être un incendie mineur. Le CCF de Farnham informe le ML que le moteur de la locomotive de tête a été coupé. Le ML informe le CCF de Farnham que seule la locomotive de tête était restée en marche, et il lui demande s’il doit se rendre à Nantes pour faire démarrer une autre locomotive. On l’informe que le chef garde-voie de la MMA est en route et qu’ils attendront au lendemain matin pour faire démarrer les locomotives.
    0 h 3 Le CCF de Farnham informe le CCF de Bangor qu’un incendie s’est déclaré à bord de la locomotive de tête du MMA-002, que le moteur de la locomotive a été coupé, et que le chef garde-voie de la MMA a été envoyé sur les lieux. Ils en arrivent à la conclusion que la locomotive de tête devra être retirée, et ils discutent d’une solution de rechange pour le lendemain matin.
    0 h 18 La SQ appelle le CCF de Farnham pour l’informer que l’incendie a été maîtrisé, que le moteur de la locomotive a été coupé à l’aide du coupe-carburant d’urgence, et que l’incendie s’était déclaré dans la cheminée de la locomotive. Le CCF de Farnham indique qu’habituellement on ne coupe pas le moteur de la locomotive de tête en raison du circuit de freins à air. La SQ ajoute que la locomotive de tête a été endommagée par les flammes.
    0 h 23 Le gestionnaire de l’exploitation appelle le CCF de Farnham pour savoir où en est rendue la situation. Le gestionnaire de l’exploitation demande pourquoi le ML a laissé la locomotive de tête en marche. Le CCF de Farnham lui répond qu’elle a été laissée en marche pour éviter d’avoir à effectuer un essai des freins à air du train le lendemain pour se conformer aux exigences des États-Unis.
    0 h 30 (environ) Le chef garde-voie de la MMA arrive à Nantes et rencontre 2 pompiers.
    0 h 35 Le chef garde-voie de la MMA informe le CCF de Farnham que l’incendie est éteint, que le moteur de toutes les locomotives est coupé, et que les disjoncteurs dans la cabine de la locomotive de tête sont ouverts. Le CCF de Farnham dit au chef garde-voie de la MMA de laisser les choses telles qu’elles sont et de partir.
    0 h 44 (environ) Le chef garde-voie de la MMA et le service d’incendie de Nantes partent du MMA-002.
    0 h 44 Le CCF de Farnham informe le CCF de Bangor que l’incendie s’était déclaré dans la cheminée, qu’il est éteint, et que le moteur de la locomotive de tête est coupé. Ils s’entretiennent encore une fois de la solution de rechange pour le lendemain.
    0 h 58 Lorsque la pression d’air du circuit de freinage a diminué, le MMA-002 commence à se déplacer.
    1 h 7 Le MMA-002 atteint une vitesse de 25 mi/h.
    1 h 14 Le MMA-002 atteint une vitesse de 50 mi/h.
    1 h 15 Au point milliaire 0,23 de la subdivision Sherbrooke, des wagons déraillent, et un important déversement de pétrole brut et un incendie majeur s’ensuivent.
    1 h 17 Le service 911 reçoit un appel l’informant d’un incendie à Lac-Mégantic. L’appel est acheminé au service d’incendie de Lac-Mégantic.
    1 h 29 La SQ informe le CCF de Farnham qu’il y a eu des explosions à Lac-Mégantic et lui demande d’envoyer quelqu’un aussitôt que possible. Le CCF de Farnham demande à la SQ si l’incendie est à Nantes ou à Lac-Mégantic, car le MMA-002 est à Nantes. La SQ demande au CCF de Farnham s’il est bien certain que le train se trouve encore à Nantes. Le CCF de Farnham indique que quelqu’un de la MMA sera dépêché sur les lieux.
    1 h 31 Le CCF de Farnham informe le gestionnaire de la voie de la MMA de l’incendie à Lac-Mégantic, et que la SQ croit qu’il s’agit du train qui était à Nantes. Le gestionnaire de la voie de la MMA indique que le chef garde-voie de la MMA sera dépêché sur les lieux.
    1 h 48 Le ML informe le CCF de Farnham que tout le centre-ville est en flammes et lui demande quels autres wagons se trouvent dans le triage. Le ML indique que ça ne peut pas être le MMA-002 ni le MMA-001, car tous deux sont immobilisés, à Nantes et à Vachon, respectivement. Le CCF de Farnham confirme qu’il n’y a aucune marchandise dangereuse dans le triage.
    À partir de 1 h 50 Nombreuses conversations téléphoniques au sein de la MMA pour tenter de cerner la cause de l’incendie. Le CCF de Farnham reçoit des rapports indiquant qu’un train a été vu roulant vers l’est en direction de Lac-Mégantic.
    2 h 39 Le chef garde-voie de la MMA appelle de Nantes et confirme au CCF de Farnham que le MMA-002 n’est pas là.
    3 h 29 Le CCF de Farnham apprend au ML que c’est bel et bien le MMA-002 qui est parti à la dérive. Le ML informe le CCF de Farnham qu’il avait immobilisé le train avant de partir de Nantes, et qu’il avait serré les freins à main de toutes les locomotives, du wagon VB, et du wagon-tampon.
    3 h 30 (environ) Le gestionnaire de la voie et le chef garde-voie de la MMA arrivent à l’endroit où se trouvent les locomotives au point milliaire 116,41 de la subdivision Moosehead, et ils resserrent les freins à main des locomotives et du wagon VB.
    4 h 36 Le gestionnaire adjoint de l’exploitation appelle le CCF de Farnham qui lui fait le résumé des événements et l’informe que les freins à main avaient été serrés sur toutes les locomotives, sur le wagon VB, et sur le wagon-tampon. Le gestionnaire adjoint de l’exploitation affirme que ce n’est pas assez et que ça devrait être 10 % + 1. Le CCF de Farnham indique que, normalement, après avoir serré les freins à main, on devrait en faire l’essai, et que si le ML en a fait l’essai, le MMA-002 aurait dû rester en place. Le CCF de Farnham affirme qu’il y a probablement eu des fuites d’air et que les freins d’urgence ne se sont pas serrés.
    5 h 39 Le ML informe le CCF de Farnham qu’il vient tout juste de déplacer les 9 wagons-citernes de la queue du train qui n’ont pas déraillé.

    Annexe B – Composition du train MMA-002

    Position dans le train Numéro du wagon Longueur
    (pieds)
    Tonnes brutes Produit Grosseur relative de la perforation (le cas échéant)
    Locomotive 1 MMA 5017 67 195 Locomotive diésel-électrique S/O
    1 VB 1 50 30 Fourgon spécialisé S/O
    Locomotive 2 MMA 5026 56 195 Locomotive diésel-électrique S/O
    Locomotive 3 CITX 3053 68 193 Locomotive diésel-électrique S/O
    Locomotive 4 MMA 5023 56 195 Locomotive diésel-électrique S/O
    Locomotive 5 CEFX 3166 68 196 Locomotive diésel-électrique S/O
    2 CIBX 172032 69 105 Cailloux (utilisé comme wagon-tampon) S/O
    3 TILX 316547 59 127 Pétrole brut Moyenne
    4 WFIX 130608 59 127 Pétrole brut S/O
    5 TILX 316359 59 127 Pétrole brut S/O
    6 TILX 316338 59 127 Pétrole brut S/O
    7 NATX 310428 59 128 Pétrole brut S/O
    8 CTCX 735541 59 127 Pétrole brut S/O
    9 DBUX 303879 59 126 Pétrole brut S/O
    10 WFIX 130682 59 127 Pétrole brut S/O
    11 TILX 316641 59 127 Pétrole brut S/O
    12 TILX 316570 59 127 Pétrole brut Grosse
    13 NATX 310457 59 128 Pétrole brut S/O
    14 WFIX 130638 59 127 Pétrole brut Grosse
    15 NATX 310473 59 128 Pétrole brut Petite
    16 TILX 316379 59 127 Pétrole brut S/O
    17 ACFX 79709 59 128 Pétrole brut Grosse
    18 TILX 316333 59 127 Pétrole brut S/O
    19 TILX 316549 59 128 Pétrole brut S/O
    20 CTCX 735527 59 127 Pétrole brut Grosse
    21 NATX 310477 59 128 Pétrole brut S/O
    22 WFIX 130603 59 127 Pétrole brut Grosse
    23 TILX 316556 59 127 Pétrole brut Grosse
    24 CTCX 735629 59 127 Pétrole brut Moyenne
    25 ACFX 76605 59 128 Pétrole brut Grosse
    26 PROX 44293 55 127 Pétrole brut S/O
    27 NATX 310581 59 128 Pétrole brut S/O
    28 PROX 44202 55 127 Pétrole brut Grosse
    29 TILX 316234 59 128 Pétrole brut S/O
    30 TILX 316584 59 127 Pétrole brut Moyenne
    31 WFIX 130571 59 127 Pétrole brut Moyenne
    32 TILX 316330 59 128 Pétrole brut Grosse
    33 NATX 310412 59 128 Pétrole brut S/O
    34 TILX 316317 59 128 Pétrole brut S/O
    35 WFIX 130545 59 128 Pétrole brut S/O
    36 ACFX 79698 59 128 Pétrole brut S/O
    37 NATX 302784 59 127 Pétrole brut S/O
    38 ACFX 71505 59 128 Pétrole brut Moyenne
    39 ACFX 71121 59 129 Pétrole brut Grosse
    40 CTCX 735537 59 127 Pétrole brut Moyenne
    41 NATX 303128 59 127 Pétrole brut Moyenne
    42 CTCX 735572 59 127 Pétrole brut Moyenne
    43 WFIX 130616 59 127 Pétrole brut Grosse
    44 WFIX 130664 59 128 Pétrole brut Moyenne
    45 WFIX 130630 59 128 Pétrole brut Petite
    46 TILX 316523 59 127 Pétrole brut Moyenne
    47 TILX 316613 59 127 Pétrole brut Moyenne
    48 TILX 316616 59 127 Pétrole brut Grosse
    49 TILX 316206 59 128 Pétrole brut Grosse
    50 TILX 316319 59 128 Pétrole brut Grosse
    51 CTCX 735617 59 127 Pétrole brut Grosse
    52 TILX 316572 59 127 Pétrole brut Grosse
    53 CTCX 735526 59 127 Pétrole brut Grosse
    54 TILX 316622 59 128 Pétrole brut Grosse
    55 WFIX 130585 59 127 Pétrole brut Petite
    56 NATX 310508 59 128 Pétrole brut Petite
    57 CTCX 735525 59 127 Pétrole brut Grosse
    58 ACFX 79383 59 128 Pétrole brut Moyenne
    59 PROX 44428 59 127 Pétrole brut Grosse
    60 PROX 44150 59 127 Pétrole brut S/O
    61 TILX 316533 59 127 Pétrole brut S/O
    62 ACFX 94578 59 129 Pétrole brut Grosse
    63 NATX 310515 59 128 Pétrole brut S/O
    64 TILX 316528 59 127 Pétrole brut S/O
    65 NATX 310470 59 128 Pétrole brut S/O
    66 NATX 310487 59 128 Pétrole brut S/O
    67 NATX 310533 59 128 Pétrole brut S/O
    68 NATX 310572 59 128 Pétrole brut S/O
    69 ACFX 73452 59 128 Pétrole brut S/O
    70 NATX 310425 59 128 Pétrole brut S/O
    71 PROX 44211 55 127 Pétrole brut S/O
    72 WFIX 130629 59 127 Pétrole brut S/O
    73 NATX 310406 59 128 Pétrole brut S/O
    74 NATX 310595 59 128 Pétrole brut S/O
    75 SBU 35924 S/O 0 S/O S/O

    Annexe C – Sources des fuites d'air qu'il a été possible de mesurer sur chacune des locomotives du MMA-002

    MMA 5017 MMA 5026 CITX 3053 MMA 5023 CEFX 3166
    Réservoir principal X X X X X
    Clapet de retenue du réservoir principal X X X
    Conduite générale X X X
    Soupape à bille X
    Réducteur de pression N1 X
    Régulateur du dispositif de marche en wagon X
    Soupape de décharge du compresseur X
    20 line X X X
    Bogie avant X X X X
    Bogie arrière X X
    Valve d’égalisation X

    Annexe D – Essais des freins effectués dans le cadre d'enquêtes sur d'autres événements

    Le BST a mené plusieurs enquêtes sur d’autres accidents mettant en cause des trains partis à la dérive dans le cadre desquelles des essais exhaustifs des freins à main ont été effectués (Coal Valley en Alberta en 2005 [R95C0282]; Edson en Alberta en 1996 [R96C0172]; et Dorée au Québec en 2011 [R91Q0056]). Ces essais ont permis de constater ce qui suit :

    • Dans les 3 cas de trains partis à la dérive, en moyenne, de 65 à 80 pieds-livres de couple de serrage avaient été appliqués sur les freins à main.
    • Pour un couple de serrage constant (p. ex., 80 pieds-livres), la force exercée sur les roues variait entre 12 000 livres et 21 000 livres.
    • Avec 8 freins à main serrés avec un couple de serrage de 125 pieds-livres exercé sur le volant, les 55 wagons se seraient déplacés le long de la pente descendante de 0,65 %. (Enquête ferroviaire R95C0282 du BST)
    • Les wagons sont demeurés immobiles jusqu’à ce que l’air des freins à air se soit échappé et que les freins se soient desserrés, après environ 7 heures par temps très froid. La résistance au déplacement a été attribuée aux freins à main serrés et aux freins à air qui ne s’étaient pas complètement desserrés. (Enquête ferroviaire R95C0282 du BST)
    • Il n’y avait aucune consigne de la compagnie ferroviaire sur le « nombre suffisant de freins à main ». (Enquête ferroviaire R95C0282 du BST)
    • La personne qui serre les freins à main ne reçoit aucune rétroaction définitive qui viendrait confirmer que l’effort exercé par les semelles de frein est suffisant. (Enquête ferroviaire R96C0172 du BST)
    • Compte tenu des lignes directrices et des instructions disponibles pour déterminer ce qui constitue un serrage « suffisant » des freins à main, les employés avaient besoin de plus de renseignements que ceux dont ils disposaient. (Enquête ferroviaire R96C0172 du BST)
    • La formation peut contribuer à une meilleure compréhension des variables qui ont une répercussion sur l’efficacité des freins à main. (Enquête ferroviaire R96C0172 du BST)
    • L’air s’est échappé de la majorité des cylindres de frein des wagons environ 1 heure après le serrage des freins d’urgence. La fuite d’air était attribuable au mauvais état des wagons. (Enquête ferroviaire R11Q0056 du BST)
    • Pour déterminer le nombre suffisant de freins à main à serrer, les employés se fondent sur l’expérience qu’ils ont acquise dans des situations où les wagons soit n’ont pas bougé, soit sont partis à la dérive. (Enquête ferroviaire R11Q0056 du BST)
    • En l’absence d’instructions précises tenant compte des conditions locales, il y a un risque que le nombre de freins à main nécessaires pour immobiliser un train sur une pente raide soit sous-estimé. (Enquête ferroviaire R11Q0056 du BST)

    Annexe E – Inspection de la géométrie de la voie sur la subdivision Sherbrooke de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, entre le point milliaire 0,0 et le point milliaire 1,0 (21 août 2012)Note de bas de page 159

    Annexe E – Inspection de la géométrie de la voie sur la subdivision Sherbrooke de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, entre le point milliaire 0,0 et le point milliaire 1,0 (21 août 2012)
    Image
    Image de la géométrie de la voie sur la subdivision Sherbrooke de la MMA, entre le point milliaire 0,0 et 1,0

    Annexe F – Résumé des résultats des analyses effectuées sur le pétrole brut

    Les analyses effectuées sur le pétrole brut (rapport du laboratoire d'ingénierie LP148/2013) ont porté sur les caractéristiques pertinentes à la classification du pétrole brut, ainsi qu'à son comportement et à l'effet qu'il a eu au cours du déversement et de l'incendie qui se sont produits après le déraillement.

    Caractéristique à déterminer Méthode Objectif Résultats
    Point d’éclair (vase clos) ASTMNote de bas de page 160 D93 Détermination de la tendance du produit à former avec l’air un mélange inflammable dans des conditions contrôlées < −35° C
    Point initial d’ébullition (distillation atmosphérique) ASTM D86 Détermination des fractions les plus légères dans le produit aux fins de la classification réglementaire 43,9° C à 50,0° C
    Densité ASTM D5002 Détermination de la tendance du produit à tomber au fond ou à flotter sur l’eau 815,9 kg/m3à 821,9 kg/m3
    Densité API Calculée 41,8° API à 40,5° API
    Pression de vapeur Reid ASTM D323 Procédure A Détermination du taux d’évaporation du produit 62,3 kPa à 66,1 kPa
    Point d’écoulement ASTM D5853
    • Détermination des caractéristiques de manutention du produit à basses températures
    • Détermination du taux auquel le produit déversé dans l’environnement se répandra et la mesure dans laquelle il pénétrera dans le sol
    < −65° C
    Viscosité (cinématique) ASTM D7042 2,882 centistokes (cSt) à 3,259 cSt à 20° C
    Teneur en soufre (totale) ASTM D4294
    • Description du produit en tant que pétrole brut peu sulfureux ou sulfureux
    • Détermination des dangers que le produit peut présenter pour la santé du personnel sur place
    0,096 % de la masse à 0,117 % de la masse
    Composés organiques volatils (BTEX : benzène, toluène, éthylbenzène, xylènes) Chromato-graphie en phase gazeuse spectrométrie de masse Détermination des dangers que le produit peut présenter pour la santé du personnel sur place Benzène :
    1470 ppm à 1850 ppm
    Toluène :
    2770 ppm à 3170 ppm
    Éthylbenzène :
    768 ppm à 852 ppm
    m/p-Xylène :
    2890 ppm à 3500 ppm
    o-Xylène :
    1500 ppm à 1660 ppm
    Chaleur de combustion ASTM D240 Détermination de la quantité totale d’énergie qui peut se dégager lorsque le produit est brûlé complètement 42,905 MJ/kg à 45,160 MJ/kg

    Annexe G – Fiches de données de sécurité pour le produit chargé à bord du train en cause dans l'accident

    Un examen des 10 fiches de données de sécurité (FDS) pour le produit chargé à bord du train en cause dans l’accident a permis d’établir ce qui suit :

    • Bien que la plupart des FDS aient été des FDS génériques, 1 FDS décrivait le produit comme étant du « brut de Bakken » (Bakken crude).
    • Les renseignements sur la composition chimique présentés dans les FDS variaient. Par exemple, alors que la plupart des FDS indiquaient des concentrations de benzène d’entre 0 % et 1 % du poids, 2 FDS indiquaient des concentrations de benzène de 2 % et de 9 %, respectivement.
    • Les 10 FDS comportaient toutes des renseignements sur la classification et le transport de la marchandise dangereuse. Elles décrivaient toutes le produit comme étant du UN 1267, pétrole brut, Classe 3.
    • Voici l’information consignée à l’égard du groupe d’emballage :
      • 3 FDS indiquaient qu’il s’agissait d’un produit du groupe d’emballage I, y compris celle qui décrivait le produit comme étant du « brut de Bakken »;
      • 1 FDS, qui décrivait le produit comme étant du « pétrole brut du ruisseau Beaver en Alaska », indiquait qu’il s’agissait d’un produit du groupe d’emballage II;
      • 1 FDS indiquait qu’il s’agissait d’un produit du groupe d’emballage III;
      • 1 FDS indiquait qu’il s’agissait d’un produit du groupe d’emballage I ou du groupe d’emballage II;
      • 2 FDS ne comportaient aucun groupe d’emballage, mais elles précisaient que le point d’éclair et les limites d’explosivité sont étroitement liés à la provenance du pétrole brut;
      • 2 FDS indiquaient qu’il était nécessaire de « déterminer le point d’éclair pour classifier correctement le groupe d’emballage ».

    Annexe H – Autres accidents mettant en cause des trains de chemins de fer d'intérêt local partis à la dérive sur lesquels le Bureau de la sécurité des transports a fait enquête

    Depuis 2005, le BST a mené 9 enquêtes sur des trains partis à la dérive. En plus de l’accident à l’étude, 5 autres événements mettaient en cause l’exploitation de chemins de fer d’intérêt local.

    R11Q0056 : Le 11 décembre 2011, à Dorée (Québec), un train de marchandises du Chemin de fer QNS&L (QNS&L), composé de 2 locomotives et de 112 wagons-tombereaux de la Labrador Iron Mines (LIM), a connu des ennuis des freins rhéostatiques et des freins de service. Il a été immobilisé sur une pente raide par le mécanicien de locomotive (ML) à l’aide des freins à air du train et de 35 freins à main. Une heure plus tard, les freins à air du train se sont desserrés, et les 35 freins à main se sont avérés insuffisants pour retenir le train. Le ML, qui finissait de serrer les freins à main sur le train et attendait de l’aide, a constaté que le train commençait à avancer et il s’est précipité dans la locomotive de tête. Il a appliqué les freins rhéostatiques, qui fonctionnaient mal, mais le train a continué d’accélérer en dévalant la pente. Le train s’est finalement arrêté au pied de la pente. Personne n’a été blessé. En mars 2012, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a ordonné des inspections rigoureuses des freins de chacun des wagons de minerai de fer. TC a procédé à une inspection de sécurité à Sept-Îles (Québec), qui a révélé de nombreuses lacunes des freins à air (par exemple, les cylindres de frein ne restaient pas serrés). Le 9 février 2012, un avis a été émis au QNS&L en vertu de l’article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) au sujet de wagons endommagés remis en service ou demeurés en service. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a ordonné à LIM d’effectuer des essais de wagon individuel sur tous ses wagons. Tous les travaux nécessaires pour que les wagons se conforment aux spécifications de l’Association of American Railroads (AAR) ont été complétés. Le QNS&L a modifié ses procédures d’inspection et d’essai des freins pour les wagons de LIM; l’examen des cylindres et des semelles de frein se fait maintenant à pied. Le QNS&L s’est également engagé à établir un nombre minimum de freins à main nécessaires pour immobiliser des wagons sur des pentes raides.

    R09T0057 : Le 11 février 2009, à Nanticoke (Ontario), un train de manœuvre 0900 d’Hagersville de la Southern Ontario Railway (SOR), composé de 4 locomotives et de 43 wagons, dont la plupart étaient des wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses et de marchandises dangereuses spéciales, a roulé à la dérive du point milliaire 0,10 au point milliaire 1,9 de la voie de l’embranchement Hydro. Bien que l’équipe du train ait été composée de 3 personnes, le train avait été immobilisé par un seul membre d’équipe sur une pente de 1 %. Après le départ du dernier membre d’équipe, les freins automatiques du train se sont desserrés, et il n’y avait pas un nombre suffisant de freins à main pour retenir le train. Le train est parti à la dérive, atteignant une vitesse de 20,7 mi/h, avant de franchir un dérailleur à double attaque, ce qui a provoqué le déraillement de 9 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses. Le dérailleur à double attaque avait été installé à cet endroit par suite d’un accident mettant en cause un train parti à la dérive survenu au même endroit en 1996.

    Trois wagons-citernes de catégorie 111 remplis d’essence (UN 1203, liquide inflammable) ont été perforés, et ont laissé environ 31 000 litres d’essence se déverser. L’essence ne s’est pas enflammée au cours du déraillement. Deux maisons avoisinantes ont été évacuées

    Le rapport du BST a fait état de ce qui suit :

    • L’immobilisation d’un train dont le chargement est principalement constitué de marchandises dangereuses et de marchandises dangereuses spéciales, à proximité d’une raffinerie importante dans une pente, nécessite une vigilance accrue pour l’accomplissement sécuritaire de la tâche.
    • Avec 1 seul membre d’équipe pour accomplir les tâches d’immobilisation du train à la fin de la journée de travail, le risque de dérive du matériel est accru.
    • Un seul membre de l’équipe étant présent à la fin de la journée de travail; les autres membres d’équipe n’ont pas eu l’occasion de vérifier si le train était bien immobilisé.
    • Une supervision insuffisante de la compagnie a permis une dérogation aux pratiques d’exploitation normalisées.

    Le 20 février 2009, TC a émis un avis et ordre en vertu de l’article 31(3) de la LSF, enjoignant à la direction du SOR de lui indiquer par écrit, le 6 mars 2009 au plus tard, comment la compagnie avait l’intention de résoudre le danger ou la situation découlant du fait que des employés du SOR n’immobilisaient pas convenablement du matériel roulant laissé sans surveillance sur l’embranchement Hydro à Nanticoke. Le jour même, le SOR a diffusé 2 bulletins d’exploitation portant sur la pratique de laisser des wagons ou des trains sans surveillance sur l’embranchement Hydro. TC a effectué des inspections dans le cadre de son programme de vérification entre mai et août 2009, et a mené des entrevues de suivi auprès de certains membres de la direction et du personnel.

    R08V0270 : Le 29 décembre 2008, à Waneta (Colombie-Britannique), une affectation du Kettle Falls International Railway, composée de 2 locomotives et de 12 wagons, a commencé à se déplacer pendant une manœuvre, et s’est bien vite mise à dévaler une pente raide. Lorsque le train, dont les freins à air n’étaient pas suffisamment chargés, a atteint une vitesse d’environ 20 mi/h, le ML a sauté du train et il est tombé dans une épaisse couche de neige et n’a subi que des blessures mineures. Le train parti à la dérive est entré en collision avec des wagons immobiles après avoir parcouru 2,8 milles, de sorte que le train, ainsi que certains wagons immobiles, ont déraillé. Par suite de l’accident, TC a effectué une inspection réglementaire qui a donné lieu à l’émission d’un avis ainsi que d’un avis et ordre en vertu de l’article 31 de la LSF le 12 janvier 2009. L’avis indiquait que le fait d’effectuer des mouvements sur une pente sans bien comprendre le fonctionnement du circuit de freins à air et des caractéristiques des commandes de la locomotive pourrait entraîner des mouvements involontaires ayant des conséquences graves. L’avis et ordre indiquait que l’absence d’instructions claires sur la conduite des trains relatives à la façon de procéder à l’aiguillage et de descendre la pente peut amener les équipes d’exploitation à descendre cette pente en ayant moins d’air et de freins en service que nécessaires pour pouvoir contrôler adéquatement le mouvement.

    R06V0183 : Le 3 septembre 2006, à Log Cabin (Colombie-Britannique), un train de travaux de la White Pass and Yukon Route (WP&YR), comprenant 1 locomotive et 8 wagons à ballast surchargés, est parti à la dérive dans une pente descendante raide. Le train a atteint une vitesse d’environ 45 mi/h avant que la locomotive et 6 des wagons déraillent dans une courbe prononcée. Une personne a été mortellement blessée, et 3 autres ont subi des blessures graves. Le BST a déterminé que le train était trop lourd parce qu’il était surchargé, et qu’il était probable que les circuits de freinage de tous les wagons à ballast fonctionnaient à une capacité réduite. Le 23 novembre 2006, le BST a émis, à l’intention de TC, l’avis de sécurité ferroviaire 07/06, sur les robinets de retenue de pression des wagons à ballast du WP&YR, indiquant que TC pourrait vouloir évaluer dans quelle mesure la direction s’assure que les wagons sont munis de l’équipement nécessaire et bien entretenus, et que les équipes de train qui manœuvrent ces wagons ont les instructions et la formation nécessaires pour exercer un contrôle suffisant en terrains montagneux. Le 30 novembre 2006, le BST a émis, à l’intention de TC, l’avis de sécurité ferroviaire 08/06, sur la charge excessive des wagons à ballast du WP&YR, indiquant que TC pourrait vouloir évaluer les pratiques de chargement des wagons du service d’ingénierie. Le 12 décembre 2006, TC a émis une lettre de non-conformité et un avis au WP&YR à l’égard d’infractions à divers règlements de TC pris en vertu de la LSF au sujet de dangers et de situations relatifs aux wagons à ballast et à l’exploitation des trains de travaux. Le 5 juin 2007, TC a émis un avis et ordre exigeant que les trains ne soient pas exploités à certains endroits à moins d’être munis d’un système qui assure une communication positive en direct avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et qui aide le CCF à reconnaître les appels d’urgence. Du 4 au 7 juin 2007, TC a procédé à une vérification du système de gestion de la sécurité (SGS). Voici certaines des constatations qui sont pertinentes à l’accident à l’étude :

    • Les évaluations du risque n’étaient pas effectuées.
    • Le WP&YR ne se conformait pas au Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires (1987-3).
    • Il n’y avait aucun processus documenté décrivant comment la compagnie effectue les essais de freins à air et comment elle s’assure de la conformité au Règlement sur les freins de train de marchandises et de voyageurs.

    Le 11 juin 2007, TC a émis un avis à l’intention du WP&YR au sujet de plusieurs dangers et situations découlant du fait que la compagnie se fiait au fait que les employés se connaissaient pour se protéger les uns des autres sur la voie principale. TC a également transmis une lettre au sujet des activités de surveillance de l’exploitation des trains, qui a révélé plusieurs lacunes en matière de sécurité. Le 31 juillet 2007, TC a transmis une lettre au WP&YR lui enjoignant d’effectuer une évaluation du risque en bonne et due forme sur l’exploitation en toute sécurité du matériel roulant lorsqu’il descend des pentes de plus de 2 %, et puis d’élaborer des procédures écrites à cet égard. Le 31 juillet 2007, TC a émis une directive au WP&YR au sujet de sa contravention à la partie II du Code canadien du travail en ce qui a trait aux renseignements, à la formation, et aux instructions que la compagnie devait fournir au personnel d’exploitation ferroviaire. Dans la réponse soumise à TC, le WP&YR mentionnait que de nombreuses mesures avaient été prises, notamment en matière de formation, de communications, de bulletins d’exploitation, et de matériel mécanique. Le WP&YR a également présenté à TC son plan de mesures correctives pour régler les constatations contenues dans le rapport de TC sur la vérification de juin 2007.

    R05H0011 : Le 2 mai 2005, à Maxville (Ontario), un train de marchandises de l’Ottawa Central Railway (OCR) a laissé 74 wagons, dont la conduite générale était sous pression, sur la voie principale au point milliaire 34,65 de la subdivision Alexandria pendant que la tête du train faisait entrer 2 wagons dans l’embranchement d’un client. Tandis que le mouvement entrait dans l’embranchement, les 74 wagons sont partis à la dérive et sont entrés en collision avec le mouvement. Par suite de la collision, un wagon-citerne de catégorie 111 chargé d’alcool dénaturé a été perforé, et environ 98 000 litres de produit se sont déversés. Quelque 200 personnes ont été évacuées pendant 8 heures. Il n’y a pas eu de déraillement et personne n’a été blessé. Après l’accident, l’OCR a informé tous les employés des risques liés à la mise en bouteille de l’air. Au cours des 2 mois qui ont suivi l’accident, l’OCR a doublé le nombre d’observations des équipes de train, en insistant sur l’immobilisation des wagons laissés sans surveillance pendant des manœuvres de triage effectuées en cours de route. Le nombre de vérifications de sécurité effectuées en 2005 a été doublé. L’OCR a également acheté une unité d’entrée et d’affichage (UEA) portable pour permettre aux surveillants du transport de surveiller à distance la pression d’air dans la conduite générale à la queue du train.

    Dans tous ces événements, l’enquête sur l’exploitation des chemins de fer en cause a permis de constater des lacunes de sécurité en ce qui a trait à la formation, à la surveillance, et aux pratiques opérationnelles. Malgré le fait que les compagnies avaient déposé des documents sur leur SGS tel qu’exigé par TC, elles ne se servaient pas de leur SGS pour cerner les lacunes et les corriger de façon proactive grâce à des processus en bonne et due forme d’évaluation du risque ou d’amélioration continue.

    Annexe I – Exploitation des trains de marchandises par un seul employé

    Mise en œuvre de l'exploitation des trains par un seul employé ailleurs qu'au Canada

    L’exploitation des trains par un seul employé avait déjà été mise en œuvre ailleurs dans le monde, y compris aux États-Unis, en Europe, en Australie, et en Nouvelle-Zélande. Par exemple, les compagnies ferroviaires danoises et suédoises se servent de technologies de commande automatique de la marche des trains pour faire respecter les règlements sur les signaux et les limites de vitesse. Les compagnies ferroviaires britanniques utilisent un dispositif audio-visuel de sécurité pour le conducteur, soit un système d’avertissement automatique, qui avertit le conducteur de l’indication des signaux. Si le conducteur ne réagit pas à l’avertissement d’indication restrictive présentée par le signal, le système freine automatiquement le train. Tranz Rail Holdings Limited (Tranz Rail) utilise un dispositif de veille qui fait entendre une alarme sonore et arrête le train si le conducteur ne répond pas à ses indications.

    Tel qu’indiqué précédemment, l’exploitation des trains par un seul employé a également été mise en œuvre aux États-Unis.

    • Dans les années 1990, la technologie relative à l’exploitation des trains par un seul employé, utilisée plus tard par la MMA, a été développée et adoptée par la Wisconsin Central Limited (WC) pour améliorer l’efficacité. La Federal Railroad Association (FRA) n’a pas été informée que la WC avait commencé à exploiter des trains avec un seul employé jusqu’à ce qu’un accident ferroviaire grave se produise (mettant en cause une équipe de 2 personnes) à Weyauwega (Wisconsin) en mars 1996. Des problèmes au niveau de l’exploitation, de l’entretien, de la formation, et du financement ont été relevés à la WC au cours de l’enquête sur cet accident. Des conditions semblables ont également été relevées chez une filiale de la WC, Tranz Rail, en Nouvelle-Zélande.
    • En décembre 2004, les opérations de la MMA aux États-Unis ont commencé à exploiter des trains avec un seul employé en zone exempte de signalisationNote de bas de page 161. La MMA avait elle aussi commencé l’exploitation des trains par un seul employé sans en informer la FRA. Après que la FRA a pris connaissance du fait que la MMA exploitait des trains avec un seul employé, en 2006, la compagnie a laissé savoir qu’elle le faisait sur son réseau aux États-Unis depuis environ 2 ans sans problème. La MMA a été autorisée à continuer l’exploitation des trains par un seul employé. Toutefois, la FRA a exigé que la MMA rédige des instructions spéciales d’exploitation à l’égard de l’exploitation par un seul employé.

    En Australie, le groupe d’experts des organismes de réglementation de la sécurité ferroviaire (Rail Safety Regulators’ Panel)Note de bas de page 162 a préparé un document d’orientation pour l’exploitation par un conducteur seul (l’équivalent, en Australie, de l’exploitation des trains par un seul employé). La législation connexe a été élaborée en collaboration avec l’industrie ferroviaire et les syndicats du secteur. En voici certains points saillants :

    • Les organismes de réglementation locaux sont responsables d’accorder et de surveiller l’agrément des exploitants qui exploitent des trains avec un seul employé.
    • Dans le cadre du processus d’agrément, la pertinence de l’approche de l’exploitant à l’égard de l’exploitation des trains par un seul employé est prise en compte.
    • L’agrément n’est accordé que pour une définition bien précise du programme d’exploitation des trains par un seul employé. Toute modification aux modalités du programme entraîne la nécessité de faire une demande de ré-agrément (p. ex., l’introduction de trains-blocs de marchandises dangereuses).
    • Les risques doivent être atténués « dans la mesure où il est raisonnable de le faire » (So Far As Is Reasonably Practicable [SFAIRP]); ceci suppose, entre autres, qu’il faut tenir compte de la probabilité, de l’ampleur des conséquences, de ce qu’on peut raisonnablement savoir sur le risque, de la disponibilité de moyens d’atténuer le risque, et du coût d’éliminer le risque.
    • Les cabines de locomotive doivent être conçues en vue de l’exploitation par un seul employé, les membres d’équipe doivent être formés, et des limites opérationnelles clairement définies doivent être appliquées.
    • L’exploitation des trains par un seul employé doit être validée grâce à des consultations auprès des intervenants, y compris des ententes écrites et des essais, ainsi que des épreuves avant la mise en œuvre.
    • L’exploitation des trains par un seul employé doit faire l’objet d’un examen et être approuvée à la lumière d’une solide évaluation effectuée par l’organisme de réglementation de la sécurité ferroviaire, tout comme tout autre volet du SGS de la compagnie.
    • Le demandeur doit fournir des documents à l’appui de sa demande en vue de montrer que les risques liés à l’exploitation des trains par un seul employé ont été cernés et évalués, et que des mécanismes de contrôle ont été mis en place pour gérer les risques dans la mesure où il est raisonnable de le faire.
    • Le plan doit prévoir des normes d’exploitation minimum dans les situations où les conditions de travail se sont détériorées.
    • Tout le matériel conforme aux exigences relatives à l’exploitation par un seul employé doit être documenté.
    • Il convient de reconnaître que les conditions de travail peuvent influer sur la volonté d’un travailleur d’accepter d’exploiter un train seul, et que les travailleurs devraient avoir le droit de refuser un travail si les mécanismes de contrôle appropriés ne fonctionnent pas. Le document reconnaît que, lorsque des pressions économiques, sociales et industrielles entrent en jeu, il serait peu probable qu’un travailleur refuse un travail, même si les conditions de travail se sont détériorées.
    • Toutes les décisions et toutes les dérogations à l’égard des agréments doivent être documentées.

    Annexe J – Estimation du nombre de freins à main nécessaires pour immobiliser le MMA-002

    Le tableau ci-dessous présente un résumé du nombre estimé de freins à main nécessaires pour bien immobiliser le MMA-002 dans diverses situations, compte tenu des facteurs décrits à la section 2.3.1. et des résultats des essais sur les freins.

    Les cases colorées indiquent les nombres minimum et maximum estimés de freins à main nécessaires dans chaque situation (selon le couple de serrage et le coefficient de frottement).

    Situation Coefficient de frottement Nombre de freins à main nécessaires
    80
    (pieds-livres) de couple de serrage exercé par l’exploitant
    100
    (pieds-livres) de couple de serrage exercé par l’exploitant
    Aucun serrage des freins à air des wagons et serrage des freins à main du groupe de traction 0,38 25,9 21
    0,45 22,2 18
    Serrage des freins à main après l’application de 13 lb/po² sur les freins à air et serrage des freins à main du groupe de traction (situation réelle au moment de l’accident) 0,38 19,9 16,4
    0,45 17,2 14,2
    Aucun serrage des freins à air des wagons et serrage des freins à main des wagons seulement 0,38 24,0 19,1
    0,45 20,3 16,1
    Serrage des freins à main après l’application de 13 lb/po² sur les freins à air et serrage des freins à main des wagons seulement 0,38 17,1 13,6
    0,45 14,5 11,5

    Remarques

    • Le coefficient de frottement à l’arrêt entre les semelles de frein et la surface des roues est de 0,38 en condition normale (source : Wabtec) et de 0,45 lorsqu’elles sont extrêmement sèches et propres.
    • Une résistance au déplacement de 2,15 livres/tonne a été utilisée.
    • Pour les situations qui comprennent l’application de 13 lb/po² sur les freins à air, une majoration de 40 % de l’effort de freinage des freins à main a été inclus, sur le fondement des essais effectués

    Annexe K – Rapports du laboratoire du Bureau de la sécurité des transports

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants, qui sont disponibles à l'adresse www.bst.gc.ca :

    • LP132/2013 – Téléchargement et analyse des données de télémesure en queue de train
    • LP136/2013 – Consignateur d’événements de locomotive (CEL) – Extraction et analyse des données
    • LP141/2013 – Analyse de la vidéo de Lac-Mégantic
    • LP148/2013 – Analyse d’échantillons de pétrole brut
    • LP149/2013 – Examen sur le terrain des wagons-citernes
    • LP151/2013 – Examen du cœur de croisement d’aiguillage
    • LP152/2013 – Examen d’un essieu monté d’un wagon couvert
    • LP165/2013 – Mesures du volume des wagons-citernes
    • LP167/2013 – Évaluation du site et calculs de la pente
    • LP168/2013 – Analyse métallurgique des coupons des wagons-citernes
    • LP181/2013 – Examen de l’incendie du moteur de la locomotive
    • LP182/2013 – Examen des roues et des semelles de frein des locomotives
    • LP184/2013 – Examen de la mâchoire d’attelage et de son pivot
    • LP185/2013 – Examen des freins à air des locomotives
    • LP187/2013 – Analyse des efforts de freinage
    • LP188/2013 – Analyse de la simulation dynamique et des forces de déraillement
    • LP233/2013 – Examen des systèmes électriques des locomotives
    • LP007/2014 – Démontage des freins à main
    • LP039/2014 – Calcul de la vitesse de déraillement

    Annexe L – Lexique

    AAR
    Association of American Railroads (États-Unis)
    ACFC
    Association des chemins de fer du Canada
    ANPRM
    Advanced Notice of Proposed Rulemaking (préavis de projet de réglementation)
    API
    American Petroleum Institute
    ASLRRA
    American Short Line and Regional Railroad Association (États-Unis)
    ASTM
    American Society for Testing and Materials
    b/j
    baril(s) par jour
    BLEVE
    détente explosive des vapeurs d’un liquide en ébullition (boiling liquid expanding vapour explosion)
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    BTEX
    benzène, toluène, éthylbenzène, xylènes
    BVG
    Bureau du vérificateur général du Canada
    CANUTEC
    Centre canadien d'urgence transport
    CCF
    contrôleur de la circulation ferroviaire
    CEL
    consignateur d'événements de locomotive
    CFCP
    Chemin de fer Canadien Pacifique
    CFR
    Code of Federal Regulations (États-Unis)
    CN
    Canadien National
    CNR
    Conseil national de recherches
    cSt
    centistokes
    DOT
    Department of Transportation (États-Unis)
    FRA
    Federal Railroad Administration (États-Unis)
    FDS
    fiche de données de sécurité
    GE
    General Electric Company
    GM
    General Motors
    IGE
    Instructions générales d'exploitation
    IIS
    système d’information sur les inspections (Inspection Information System)
    Irving
    Irving Oil Ltd.
    ISF
    inspecteur de la sécurité ferroviaire
    ISG
    Instructions spéciales générales
    kg/m3
    kilogramme(s) par mètre cube
    km
    kilomètre(s)
    km/h
    kilomètre(s) à l'heure
    kPa
    kilopascal(s)
    lb/po²
    livre(s) par pouce carré
    LIM
    Labrador Iron Mines
    Loi sur le TMD
    Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses
    LRS
    long rail soudé
    LSF
    Loi sur la sécurité ferroviaire
    m
    mètre(s)
    mi/h
    mille(s) à l'heure
    MJ/kg
    mégajoule(s) par kilogramme
    ML
    mécanicien de locomotive
    mm
    millimètre(s)
    MMA
    Montreal, Maine & Atlantic Railway
    MSRP
    Manual of Standards and Recommended Practices
    NB Southern
    New Brunswick Southern Railway
    NPRM
    Notice of Proposed Rulemaking (avis de projet de réglementation)
    NTSB
    National Transportation Safety Board (États-Unis)
    OCR
    Ottawa Central Railway
    OMB
    Office of Management and Budget (États-Unis)
    OTC
    Office des transports du Canada
    OTIS
    Programme de tests fonctionnels et inspections (Operational Tests and Inspections System) de la MMA
    PDD
    point de déraillement
    point de déraillement
    Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (États-Unis)
    pi3/min
    pied(s) cube(s) par minute
    PIU
    plan d'intervention d'urgence
    ppm
    partie(s) par million
    QNS&L
    Chemin de fer QNS&L
    QSR
    Quebec Southern Railway
    REF
    Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada
    Règlement sur le SGS
    Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
    RODS
    base de données du BST sur les événements ferroviaires (Rail Occurrence Database System)
    ROV
    régulation de l'occupation de la voie
    RSV
    Règlement sur la sécurité de la voie
    RTMD
    Règlement sur le transport des marchandises dangereuses
    RWI
    Rail World, Inc.
    SFAIRP
    « dans la mesure où il est raisonnable de le faire » (So Far As Is Reasonably Practicable)
    SGS
    système de gestion de la sécurité
    SMA
    sous-ministre adjoint
    SOR
    Southern Ontario Railway
    SQ
    Sûreté du Québec
    SST
    Strobel Starostka Transfer, LLC
    TC
    Transports Canada
    TIH
    produit toxique à l'inhalation
    TMD
    transport des marchandises dangereuses
    Tranz Rail
    Tranz Rail Holdings Limited (Nouvelle-Zélande)
    UDF
    unité de détection et de freinage
    UEA
    unité d'entrée et d'affichage
    UN
    système de classification des produits des Nations Unies
    VIA
    VIA Rail Canada Inc.
    V.P.R.
    valve de purge rapide (du cylindre de frein)
    wagon-tampon
    wagon non placardé de n'importe quel type (dans le cas à l'étude, un wagon couvert) qui sert à séparer le groupe de traction des wagons de marchandises dangereuses pour rehausser la sécurité des membres d'équipe qui se trouvent dans les locomotives du groupe de traction
    wagon VB
    wagon non placardé de n'importe quel type (dans le cas à l'étude, un wagon couvert) qui sert à séparer le groupe de traction des wagons de marchandises dangereuses pour rehausser la sécurité des membres d'équipe qui se trouvent dans les locomotives du groupe de traction
    WC
    Wisconsin Central Limited
    WFSI
    World Fuel Services, Inc.
    World Fuel Services, Inc.
    White Pass & Yukon Route
    °
    degré(s)
    °C
    degré(s) Celsius
    %
    pour cent
    3D
    trois dimensions