Rapport d'enquête ferroviaire R13T0060

Déraillement en voie principale
du train de marchandises 420-02
exploité par le Chemin de fer Canadien Pacifique
au point milliaire 9,41 de la subdivision de Heron Bay
à White River (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 3 avril 2013, vers 7 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises 420-02 du Chemin de fer Canadien Pacifique circulait vers l'est à une vitesse de 34,9 milles à l'heure sur la subdivision de Heron Bay lorsqu'un freinage d'urgence intempestif s'est déclenché au point milliaire 9,16, près de White River (Ontario). L'inspection subséquente a permis d'établir que 22 wagons (19 chargés et 3 vides) ont déraillé et que 7 d'entre eux étaient des wagons-citernes de marchandises dangereuses transportant du pétrole brut (UN 1267). Au cours du déraillement, certains wagons ont roulé en bas d'un remblai. Deux des wagons-citernes de marchandises dangereuses ont déversé environ 101 700 litres de produit et un autre wagon-citerne de marchandises non dangereuses a laissé échapper quelque 18 000 litres de produit. Personne n'a été blessé.

    Renseignements de base

    Le 29 mars 2013, le train de marchandises 118-29 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a quitté Edmonton (Alberta) après avoir été soumis à une inspection mécanique et à un essai des freins à air nº 1 par des inspecteurs de wagons qualifiés. Le train CP 118-29 a roulé vers l'est d'Edmonton à Thunder Bay (Ontario) sans incident.

    Conformément à la règle 110 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), le train CP 118-29 a fait l'objet d'inspections au défilé aux points de changement d'équipe ainsi que par des membres d'équipes de train rencontrés en cours de route. Le train CP 118‑29 a également franchi certains systèmes d'inspection en bordure de voie, notamment des détecteurs de défauts de roues (DDR) et des détecteurs de boîtes chaudes (DBC). Aucun défaut important n'a été détecté durant ces inspections. À l'arrivée à Thunder Bay, le wagon-citerne de marchandises dangereuses DBUX 302383 (chargé de pétrole brut, UN 1267) et quelques autres wagons ont été garés puis ajoutés au train de marchandises CP 420-02 (le train).

    À 18 hNote de bas de page 1, le 2 avril 2013, le train a quitté Thunder Bay à destination de Toronto (Ontario). Le train est arrivé à Schreiber (Ontario) à 2 h 40 le 3 avril 2013. Après un changement d'équipe, 3 wagons ont été garés et le train a quitté Schreiber à 3 h 21. Le train était alors composé de 3 locomotives et de 111 wagons (47 chargés et 64 vides). Vingt-deux des wagons chargés transportaient des marchandises dangereuses. Le train mesurait 8198 pieds et pesait 9535 tonnes.

    L'équipe du train était composée d'un mécanicien de locomotive, d'un chef de train en formation en cours de travail en tant qu'apprenti mécanicien de locomotive et d'un serre-frein. Les membres de l'équipe du train satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique, et connaissaient bien la subdivision de Heron Bay.

    Renseignements sur la subdivision et la voie

    À proximité du lieu de l'accident, la subdivision de Heron Bay du CP est une voie principale simple de catégorie 4 qui se prolonge vers l'ouest, de White River (point milliaire 0,0) à Schreiber (point milliaire 118,3). Les mouvements de train y sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) autorisé en vertu du REF et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Montréal (Québec). La vitesse prescrite pour les trains de marchandises dans cette zone est de 45 mi/h.

    La structure de la voie à proximité du point de déraillement était composée de longs rails soudés de 115 livres, laminés en 2001 et 2004 par les fabricants Nippon et Rocky Mountain respectivement. La voie présentait aussi une courbe vers la gauche de 3° 33 minutes d'un dévers moyen de 3,5 pouces et était en bon état. Le rail était posé sur des selles à double épaulement, fixé à des traverses en bois dur nº 1 avec 5 crampons par selle et encadré d'anticheminants toutes les 2 traverses. Les cases étaient garnies et les épaulements dépassaient de 12 à 18 pouces le bout des traverses.

    La voie avait fait l'objet d'une inspection visuelle conformément au Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC) le 1er avril 2013, et aucun défaut n'avait été observé. Les 2 plus récents contrôles de la géométrie de la voie avaient été réalisés le 1er août 2012 et le 27 novembre 2012, respectivement. Des défauts prioritaires et urgents avaient été décelés, mais avaient été corrigés après les contrôles. Aucune autre anomalie n'avait été constatée.

    L'accident

    Vers 7 h 50, le train roulait vers l'est à une vitesse de 34,9 mi/h lorsqu'un freinage d'urgence intempestif s'est déclenché, au point milliaire 9,16 sur la subdivision de Heron Bay près de White River, en Ontario (figure 1).

    Figure 1. Lieu du déraillement (source : carte du réseau du Chemin de fer Canadien Pacifique [CP])
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    Carte du lieu du déraillement

    Une inspection subséquente a établi que 22 wagons (19 chargés et 3 vides) avaient déraillé et que 7 d'entre eux étaient des wagons-citernes de marchandises dangereuses transportant du pétrole brut (UN 1267). Au cours du déraillement, 4 wagons-citernes de marchandises dangereuses ont roulé en bas d'un remblai. Deux des wagons-citernes de marchandises dangereuses et un troisième wagon-citerne, chargé d'huile de canola, ont déversé une partie de leur contenu. Personne n'a été blessé.

    La température au moment de l'événement était de –11 °C. Le ciel était dégagé.

    Intervention d'urgence et enquêteurs dépêchés

    Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a été informé de l'événement à 9 h 5 et a dépêché des enquêteurs à 9 h 30. Le CP a envoyé des intervenants d'urgence qui ont entrepris des mesures d'atténuation. À 10 h 30, alors qu'ils étaient en route, les enquêteurs du BST ont communiqué avec les responsables du CP sur les lieux. À la suite de discussions, les représentants du CP ont été permis de déplacer les wagons non déraillés, mais ont été demandés de protéger le lieu du déraillement et les wagons déraillés. Le CP devait consulter les enquêteurs du BST s'il était nécessaire de déplacer d'autres wagons pour gérer les risques environnementaux et devait consigner l'information et photographier les wagons déplacés ou les zones perturbées. Les employés du CP pouvaient communiquer par radio et téléphone cellulaire dans la zone de l'accident.

    Le BST est arrivé à White River vers 22 h 30. Des résidents de l'endroit ont déclaré qu'il y avait eu un incendie sur le lieu du déraillement et que les pompiers locaux s'étaient rendus sur place plus tôt dans la soirée. Les registres du service des incendies indiquent que les pompiers se sont rendus sur place pour contenir un embrasement de produit déversé à 20 h 55. Ils ont éteint l'incendie et sont retournés à la caserne à 22 h 55.

    Le BST est arrivé sur les lieux vers 23 h 30. Aucune structure officielle de commandement en cas d'incident n'était en place et il n'y avait aucune feuille de présence pour assurer le décompte des employés sur les lieux. Aucune réunion sur la sécurité n'avait été tenue pour évaluer les dangers potentiels des produits déversés. L'accès au lieu était presque illimité et il n'y avait aucun périmètre de sécurité visible. Les employés du BST ont appris, au cours d'une réunion subséquente avec les responsables du CP, qu'environ 5 barils (900 litres) de pétrole brut s'étaient échappés des citernes. Une inspection plus détaillée des lieux a été planifiée pour le lendemain.

    Au cours de la nuit, le conseiller en environnement du CP a mis en place un plan de contrôle/d'échantillonnage de l'air sur les lieux. Un plan de surveillance de l'air dans la collectivité ou le voisinage n'a pas été jugé nécessaire. Le 4 avril 2013, le ministère de l'Environnement de l'Ontario a confirmé qu'un des wagons-citernes de pétrole brut avait perdu une grande partie de son chargement la veille. Le CP a révisé son estimation de la quantité de produits déversés à environ 63 000 litres. Le 10 avril 2013, l'estimation du CP a encore une fois été revue à la hausse pour atteindre environ 101 700 litres de pétrole brut et 18 000 litres d'huile de canola.

    Examen des lieux

    Le 4 avril 2013, le BST a entrepris son examen initial des lieux. Des dommages mineurs ont été observés sur le champignon du rail sud à proximité du point milliaire 12,4. Les dommages étaient visibles de façon intermittente, principalement sur les courbes du rail sud jusqu'au secteur du déraillement, où une rupture a été observée dans le rail de la file basse d'une courbe vers la gauche de 3° 33 minutes au point milliaire 9,41 (photo 1). Plusieurs gros morceaux d'une jante de roue se trouvaient près du rail rompu.

    Photo 1. Rail sud rompu au point milliaire 9,41 (vue vers l'est)
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    Image du rail sud rompu au point milliaire 9,41, vue vers l'est

    Un examen subséquent a établi que la roue R1 (rail sud) du bogie arrière du wagon-citerne de marchandises dangereuses DBUX 302383 (chargé de pétrole brut, UN 1267), le 34e wagon à partir de la tête du train, s'était rompue. Un méplat non critique a été observé sur la table de roulement de la roue correspondante (L1) concordant avec le point d'origine présumé de la rupture sur la roue R1. Le wagon était à la verticale, n'avait pas déraillé et se trouvait à l'est du point de déraillement (photo 2).

    Photo 2. Roue R1 rompue (source : service de police du CP)
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    Image du roue R1 rompue

    Le 35e wagon n'avait pas déraillé, mais les 22 wagons suivants (36 à 57) avaient déraillé, principalement vers le côté le plus bas (sud) de la courbe. Certains wagons ont roulé en bas d'un remblai de 90 pieds et se sont immobilisés dans différentes positions (figure 2).

    Figure 2. Schéma du lieu de déraillement
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    Schéma du lieu de déraillement

    Sur les lieux, l'odeur de pétrole brut était très présente. Au cours de la restauration des lieux, un bouteur avec grue latérale utilisé par un sous-traitant du CP a basculé et a glissé sur la moitié du remblai alors qu'il tentait de déplacer un wagon. Le conducteur a subi des blessures mineures, a refusé des soins médicaux et est retourné au travail.

    À la suite des mesures d'atténuation des risques, les 3 wagons-citernes qui avaient laissé échapper du produit ont été vidés, repositionnés et nettoyés en prévision de l'examen détaillé. Le rail rompu, l'essieu monté nº 1 du wagon DBUX 302383 et les morceaux de roues récupérés ont été envoyés au Laboratoire du BST aux fins d'examens. Le wagon-citerne DBUX 302383 a été transporté au triage d'Agincourt du CP, à Toronto, pour des essais d'effort de freinage.

    Pétrole brut

    Le pétrole brut, un produit pétrolier non raffiné, peut être raffiné pour devenir de l'essence, du diesel et d'autres produits pétrochimiques. Sa viscosité peut changer et sa couleur peut varier du noir au jaune selon sa composition en hydrocarbures.

    Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, partie 2, énonce les exigences de classification des liquides inflammables de classe 3. Les liquides inflammables de classe 3 sont sous-divisés en 3 groupes d'emballage, allant du groupe d'emballage I (produits les plus dangereux) au groupe d'emballage III (produits les moins dangereux). Les groupes d'emballage sont déterminés selon le point d'éclair (la température à laquelle les vapeurs du produit peuvent s'enflammer dans des circonstances contrôlées) et le point d'ébullition du produit. Les critères de chaque groupe d'emballage sont comme suit :

    • Groupe d'emballage I : si le produit a un point initial d'ébullition de 35 °C ou moins à une pression absolue de 101,3 kPa, peu importe le point d'éclair.
    • Groupe d'emballage II : si le produit a un point initial d'ébullition de plus de 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa et un point d'éclair de moins de 23 °C.
    • Groupe d'emballage III : si le produit ne répond pas aux critères des groupes d'emballage I ou II.

    Les produits dont le point d'éclair est plus bas (c.-à-d., groupes d'emballage I et II) sont plus susceptibles de s'enflammer à la température ambiante lorsqu'ils sont en cause dans un accident de transport (c.-à-d. qu'ils produisent généralement plus de vapeurs inflammables à des températures ambiantes normales). Le rapport de Laboratoire LP148/2013 du BST, publié le 6 mars 2014 dans le cadre de l'enquête sur l'accident survenu à Lac-Mégantic (rapport d'enquête ferroviaire R13D0054), a établi que le pétrole brut déversé avait été classé dans le groupe d'emballage III, mais qu'il répondait aux critères du groupe d'emballage II, et que sa volatilité était comparable à celle d'un condensat ou de l'essence.

    Dans le présent événement, la feuille de route des wagons TILX 198203 et TILX 192186 décrivait le produit comme du pétrole brut, UN 1267, liquide inflammable de classe 3, groupe d'emballage II.

    Guide des mesures d'urgence 2012

    Le Guide 128 du Guide des mesures d'urgence 2012 indique les risques potentiels du produit et donne des conseils sur les interventions d'urgence et la sécurité publique. Sous Risques potentiels, le guide stipule notamment ce qui suit au sujet des liquides inflammables de même nature que le pétrole brut :

    • Ils sont moins denses que l'eau, sont extrêmement inflammables et s'enflammeront « facilement sous l'action de la chaleur, d'étincelles ou de flammes »Note de bas de page 2.
    • « [L]es vapeurs sont plus lourdes que l'air. Elles se propageront au ras du sol pour s'accumuler dans les dépressions ou les endroits clos (égouts, sous-sols, citernes) »Note de bas de page 3. Ces « vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air » et  « peuvent se propager vers une source d'allumage et provoquer un retour de flamme au point de fuite »Note de bas de page 4.
    • « Les vapeurs posent un risque explosif à l'intérieur, à l'extérieur ou dans les égouts »Note de bas de page 5 et « les contenants peuvent exploser lorsque chauffés »Note de bas de page 6.

    En ce qui a trait aux mesures d'urgence et à la sécurité publique, le guide indique, notamment, qu'il faut utiliser de l'eau pulvérisée ou en brouillard, ou de la mousse pour lutter contre un incendie, mais jamais de jet d'eau. Puisque le point d'éclair de ces produits est très bas, les jets d'eau peuvent être inefficaces et de la mousse antivapeur peut être nécessaire pour réduire les émanations. Dans le cas des déversements ou des fuites, le guide précise qu'il faut :

    • Envisager une première évacuation d'une distance de 300 mètres sous le vent.

    […]

    • ÉLIMINER du site toute source d'allumage (ex : cigarette, fusée routière, étincelles et flammes).
    • Tout équipement utilisé pour manipuler ce produit doit être mis à la terre.
    • Ne pas toucher ou marcher sur le produit déversé.
    • Si sans risque, arrêter la fuite.
    • Empêcher l'infiltration dans les cours d'eau, les égouts, les sous-sols ou les endroits clos.

    […]

    • Absorber ou couvrir avec de la terre sèche, du sable ou tout autre produit non combustible et transférer dans des contenants.
    • Utiliser des outils antiétincelles propres pour récupérer le matériel absorbéNote de bas de page 7.

    Structure de commandement en cas d'incident

    Lorsque des liquides inflammables de classe 3 et de groupe d'emballage II sont en cause dans une situation d'urgence, les meilleures pratiques de l'industrie exigent la mise en place d'une structure officielle de commandement en cas d'incident afin de gérer les interventions.

    Les structures de commandement en cas d'incident ont été très souvent utilisées par les militaires, les pompiers, les policiers et les équipes d'intervention d'urgence en cas de déversement de matières dangereuses, et la législation aux États-Unis a été modifiée pour les incorporer, en mars 1990.Note de bas de page 8 Une structure de commandement en cas d'incident est un système de gestion des interventions qui permet d'organiser les ressources (équipement, intervenants) afin de répondre à toutes les situations d'urgence, y compris les incendies et les incidents de matières dangereuses. Au Canada, lorsqu'une structure de commandement en cas d'incident est établie pour un incendie ou un déversement de matières dangereuses, le chef des pompiers local ou un responsable des services d'incendie provincial (commissaire aux incendies) peut agir à titre de directeur des opérations d'intervention. Lorsqu'un chef des pompiers ou un représentant provincial ne participent pas directement à l'intervention, le responsable du chemin de fer sur place dont l'échelon est le plus élevé s'occupe généralement de la mise en place de la structure de commandement en cas d'incident et de la gestion des activités de restauration.

    Une structure de commandement en cas d'incident efficace comprend, notamment :

    • un directeur responsable des opérations d'intervention;
    • une équipe des opérations avec des responsabilités claires et composée d'un agent d'information, d'un agent de la sécurité des lieux, d'un agent de planification et de logistique et d'autres personnes selon l'envergure et la complexité de l'incident;
    • un périmètre de sécurité qui permet de contrôler l'accès au site;
    • un poste de commandement réservé pour faciliter les réunions et les discussions;
    • un point d'accès contrôlé au site;
    • un système de contrôle des lieux, avec feuilles de présence et insignes d'identité pour assurer le suivi de tout le personnel sur les lieux et coordonner les activités;
    • la surveillance de toutes les interventions afin de garantir qu'elles sont appropriées et que le matériel utilisé est compatible avec le produit en cause (dans le cas des liquides inflammables, cela signifie l'utilisation d'outils antiétincelles, d'appareils électroniques à sécurité intrinsèque et de matériel mis à la terre pour prévenir toute combustion);
    • la surveillance des mesures d'atténuation des risques pour en garantir la bonne coordination et la sécurité.

    Mesures d'atténuation en matière d'environnement

    Des tranchées de confinement et de collecte du pétrole brut et de l'huile de canola déversés ont d'abord été créées. Ces mesures ont empêché les produits déversés d'atteindre la rivière White. À la suite de l'incendie qui s'était déclaré le soir du 3 avril 2013, le service des incendies de White River, appuyé par des services des incendies d'autres municipalités, est demeuré sur les lieux 24 heures par jour durant le nettoyage qui a débuté le 4 avril 2013.

    La surveillance des lieux a commencé par l'installation de 27 puits de surveillance des eaux souterraines et la collecte d'échantillons d'eaux de surface à de nombreux endroits le long de la rivière White. Les sols contaminés (environ 12 000 m3) ont été excavés et confinés dans des contenants étanches sur place. Entre le 8 avril et le 4 septembre 2013, environ 2,6 millions de litres d'eau huileuse ont été retirés pour traitement hors site dans des installations approuvées par le ministère de l'Environnement de l'Ontario, à Thunder Bay (Ontario). Les produits solides libérés au cours du déraillement ont été recyclés ou éliminés dans un site d'enfouissement approuvé.

    Entre le 7 août et le 9 septembre 2013, environ 20 210 tonnes de terre contaminée ont été transportées vers un site d'enfouissement qui appartient au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario à Havilland (Ontario). Après les travaux d'excavation, 12 autres puits de surveillance ont été installés. Des prélèvements d'eau souterraine ont permis d'identifier 2 zones où les concentrations d'hydrocarbures pétroliers dépassaient les normes du ministère de l'Environnement de l'Ontario à cet effet; 5 puits de surveillance supplémentaires ont été installés pour mieux délimiter les zones touchées. Le CP a par la suite mis en œuvre un programme de dépollution par oxydation pour mieux décontaminer l'eau souterraine. La première phase de la remise en état des lieux a pris fin en 2013. Des travaux additionnels seront terminés plus tard, une fois que les concentrations d'hydrocarbures pétroliers légèrement trop élevées seront corrigées.

    Examen des wagons-citernes qui ont déversé des produits

    À la suite du déraillement, 3 wagons-citernes ont déversé des produits (tableau 1). Malgré les nombreux chocs subis par ces wagons, les coques ont conservé leur intégrité. Les produits ont fui en raison des dommages infligés aux raccords supérieurs et inférieurs des wagons.

    Tableau 1. Renseignements sur les wagons et les produits déversés
    Wagon Position dans le train Date de construction Conception du wagon-citerne Produit Poids du produit (livres) Densité du produit Litres (estimés selon le poids) Perte estimée (litres)
    TILX 198203 39e Juin 2007 DOT-111A100W1, non isolé Pétrole brut 194 880 0,825 107 372 3221
    TILX 192186 40e Septembre 2005 DOT-111A100W1, non isolé Pétrole brut 191 690 0,825 105 615 98 481
    PROX 76346 41e Décembre 1994 DOT-111A100W1,
    enveloppe extérieure et isolé
    Huile de canola 184 637 0,915 91 722 18 190

    Wagon TILX 198203

    Un des boulons de retenue (boulons à œil) du couvercle du trou d'homme du wagon TILX 198203 a été étiré et déformé sous le choc, causant de petites fuites par le trou d'homme que les intervenants d'urgence ont colmatées en resserrant les boulons de retenue. L'enceinte protectrice a été arrachée et une petite quantité de produit fuyait par le raccord du robinet d'air/de vapeur de 1 pouce cisaillé. La fuite a été bouchée avec un goujon en bois. Aucune autre fuite ni aucun autre dommage n'ont été décelés sur les raccords supérieurs (photo 3).

    Photo 3. Raccords supérieurs du wagon TILX 19820
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    Images des raccords supérieurs du wagon TILX 19820

    Le robinet de déchargement par le bas n'a pas été endommagé par l'impact. Le manchon et le bouchon du robinet de déchargement par le bas étaient intacts. Le levier du robinet de déchargement par le bas s'était séparé à la hauteur du robinet, comme le prévoit sa conception, et le dispositif de protection contre le glissement a fonctionné comme prévu (photo 4).

    Photo 4. Robinet de déchargement par le bas et dispositif de protection contre le glissement du wagon TILX 198203
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    Image du robinet de déchargement par le bas et dispositif de protection contre le glissement du wagon TILX 198203

    Wagon TILX 192186

    Le wagon TILX 192186 s'est renversé et s'est immobilisé avec le robinet de déchargement par le bas orienté vers le haut (photo 5). Sous l'impact, l'enceinte protectrice (sur le dessus du wagon) du dispositif de chargement/déchargement a été arrachée de ses charnières. Le raccord du robinet d'air/de vapeur de 1 pouce et le raccord du robinet de liquide de 2 pouces ont été cisaillés, donnant lieu à une fuite de produit (photo 6).

    Photo 5. Wagon TILX 192186 immobilisé après s'être renversé (source : service de police du CP)
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    Image du wagon TILX 192186 immobilisé après s'être renvers
    Photo 6. Raccords supérieurs du wagon TILX 192186
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    Image des raccords supérieurs du wagon TILX 192186

    Le manchon et le bouchon du robinet de déchargement par le bas ont été cisaillés sous le robinet, comme prévu. Dans cette configuration, le levier du robinet de déchargement par le bas était monté sur la tige du robinet et perpendiculaire à l'axe longitudinal du wagon. Alors que le wagon dévalait le remblai, le levier du robinet de déchargement par le bas s'est détaché de son dispositif de retenue, a été poussé en position ouverte et s'est replié contre le wagon-citerne; sa position était telle que les intervenants d'urgence n'ont pas pu le fermer (photo 7). Le produit s'est déversé par le robinet de déchargement par le bas ouvert jusqu'à l'immobilisation du wagon avec son robinet de déchargement par le bas orienté vers le haut. Le wagon étant renversé, le robinet de déchargement par le bas ouvert a permis un déversement de produit plus rapide à partir des raccords supérieurs endommagés.

    Photo 7. Robinet de déchargement par le bas et levier plié sur le wagon TILX 192186
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    Image du robinet de déchargement par le bas et levier plié sur le wagon TILX 192186

    Wagon PROX 76346

    Le choc a causé la séparation d'un des boulons à œil du trou d'homme à charnière sur le dessus du wagon PROX 76346, créant une fuite d'air (photo 8 et photo 9).

    Photo 8. Dessus du wagon PROX 76346
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    Image du fixation manquante sur le trou d'homme
    Photo 9. Fixation manquante sur le trou d'homme
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    Image du fixation manquante sur le trou d'homme

    À proximité du robinet de déchargement par le bas, l'enveloppe thermique du wagon-citerne était très endommagée (photo 10). Le robinet de déchargement par le bas a aussi été endommagé et son manchon et son bouchon ont été cisaillés sous le robinet, comme le prévoit leur conception. Le levier du robinet de déchargement par le bas s'est détaché de son dispositif de retenue et s'est plié, mais n'a pas été arraché. Le robinet de déchargement par le bas était donc partiellement ouvert, laissant fuir le produit (photo 11); les intervenants d'urgence ont toutefois été en mesure de le fermer. Le robinet de déchargement par le bas étant partiellement ouvert, la fuite d'air du trou d'homme a accéléré le déversement.

    Photo 10. Enveloppe endommagée du wagon PROX 76346
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    Image du enveloppe endommagée du wagon PROX 76346
    Photo 11. Robinet de déchargement par le bas partiellement ouvert (wagon PROX 76346)
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    Image du robinet de déchargement par le bas partiellement ouvert de wagon PROX 76346

    Protection des raccords supérieurs et des robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes

    Protection des raccords supérieurs

    Le Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l'Association of American Railroads (AAR) décrit les exigences sur la protection des raccords supérieurs dans la spécification M-1002, article C, partie III. La norme en vigueur au moment de la construction du wagon n'exigeait pas d'équiper tous les wagons-citernes non pressurisés d'une protection en cas de renversement. Toutefois, lorsque ce type de protection était requis, la structure de l'enceinte protectrice devait respecter des critères de conception précis.

    La norme, réviséeNote de bas de page 9 en 2010, stipule que les raccords supérieurs de tous les wagons-citernes non pressurisés construits après le 1er juillet 2010 qui sont susceptibles de transporter des matières dangereuses des groupes d'emballage I ou II (c.-à-d., du pétrole brut) doivent être pourvus d'enceintes protectrices pour les raccords supérieurs afin de les protéger en cas de renversement au cours d'un déraillement. L'enceinte protectrice doit notamment pouvoir résister :

    • à une force égale au poids du wagon-citerne complètement chargé (1 W), moins le poids des bogies, dans la direction longitudinale;
    • à une force égale à la moitié (1/2) du poids du wagon-citerne complètement chargé (½ W) dans la direction horizontale ou verticale vers le bas, sans contraintes excessives sur la coque de la citerne ou le manchon.

    L'AAR soutient l'utilisation de cette norme pour les wagons DOT/TC plus anciens afin qu'ils puissent continuer à transporter des liquides inflammables.

    Robinet de déchargement par le bas

    La norme de l'AAR en vigueur au moment où les wagons en cause ont été construitsNote de bas de page 10 exigeait que, pour protéger les discontinuités sous les wagons-citernes non pressurisés, les leviers des robinets de déchargement par le bas (à moins d'être rangés séparément) soient conçus de façon à se plier ou à se casser sous l'effet des chocs, ou installés de façon que les leviers, une fois en position fermée, se trouvent au-dessus de la surface inférieure du dispositif de protection contre le glissement. Cette exigence est aussi stipulée dans la norme canadienne actuelle sur les wagons-citernes, CAN/CGSB-43.174-2005. Cette exigence n'a pas été modifiée.

    Recommandation précédente du National Transportation Safety Board sur les robinets de déchargement par le bas

    À la suite d'une enquête sur le déraillement d'un train de marchandises du Canadien National (CN) à Cherry Valley (Illinois), aux États-Unis (2009), le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a conclu que les normes et les règlements existants pour la protection des robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes n'abordaient pas les mécanismes de manœuvre des robinets, et étaient donc insuffisants pour assurer le maintien du robinet en position fermée en cas d'accidentNote de bas de page 11. Le NTSB a fait la recommandation suivante à l'intention de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) des États-Unis : [Traduction]

    Exiger que tous les robinets de déchargement par le bas utilisés sur les wagons-citernes non pressurisés, nouveaux ou existants, soient conçus pour rester fermés lors d'accidents où le robinet et le levier de manœuvre subissent des forces d'impact. (R12-6)Note de bas de page 12

    Jusqu'à maintenant, les changements recommandés n'ont pas été effectués. Avec plus de 228 000 wagons-citernes de catégorie 111 actuellement en service en Amérique du Nord, dont plus de 141 000 transportent des marchandises dangereuses, ces types de déversement continuent à se produire lors de déraillements.

    Wagon-citerne DBUX 302383

    Le wagon DBUX 302383 a été construit en 2007 en vertu du certificat F071004B de l'AAR. Il s'agissait d'un wagon-citerne pour utilisation générale DOT111A100W1 de 100 tonnes équipé de bogies de 100 tonnes, de roulements à rouleaux de 6 ½ pouces sur 12 pouces et de roues de 36 pouces. Entre janvier 2011 et février 2012, le wagon a subi 4 réparations mineures. Le 28 février 2012, en raison d'une charge d'impact élevée à la roue L2, l'essieu monté nº 2 a dû être remplacé. Cette charge d'impact élevée avait été détectée par un DDR.

    L'historique (qui remontait jusqu'à décembre 2012) des DDR pour l'essieu monté nº 1 de ce wagon a été examiné. Les résultats sont résumés dans le tableau 2.

    Tableau 2. Historique des détecteurs de défauts de roues pour l'essieu monté nº 1 du wagon-citerne DBUX 302383
    Date Emplacement du DDR Chemin de fer Vitesse du train (mi/h) Chargé/vide Position Charge d'impact mesurée (kips) Charge d'impact calculée à 50 mi/h (kips)
    16 décembre 2012 Carseland (Alberta) CP 30,5 Chargé L1 79 108,1
    CP 30,5 Chargé R1 77,8 104,6
    16 décembre 2012 Mortlach (Saskatchewan) CP 41,7 Chargé L1 72,9 80,9
    CP 41,7 Chargé R1 89,2 100,1
    2 février 2013 Georgeville (Minnesota) CP 49,2 Chargé L1 84,7 85,5
    CP 49,2 Chargé R1 82,8 83,6
    29 mars 2013 Airdrie (Alberta) CP 40,5 Chargé L1 71,4 80,3
    CP 40,5 Chargé R1 72,9 81,7
    29 mars 2013 Carseland (Alberta) CP 54,3 Chargé L1 83,7 83,7
    CP 54,3 Chargé R1 81,6 81,6
    30 mars 2013 Mortlach (Saskatchewan) CP 50,2 Chargé L1 85,9 85,9
    CP 50,3 Chargé R1 103,9 103,9
    30 mars 2013 Grand Coulee (Saskatchewan) CP 34,1 Chargé L1 85,6 110,7
    CP 34,1 Chargé R1 82,5 105,5
    30 mars 2013 Poplar Point (Manitoba) CP 39,4 Chargé L1 66,2 75,2
    CP 39,4 Chargé R1 85,3 99,1
    31 mars 2013 Thunder Bay (Ontario) CP 35,5 Chargé L1 75,7 92,9
    CP 35,5 Chargé R1 69,5 84,5

    Les données des DDR pour la roue R1 du wagon DBUX 302383 ont révélé que 7 des 9 charges d'impact ont été mesurées à des vitesses comprises entre 30 et 42 mi/h, qui sont très inférieures à la vitesse courante de 50 mi/h pour mesurer la charge d'impact d'une roue.

    En raison du méplat observé sur la table de roulement de l'essieu monté nº 1 défectueux, le wagon-citerne DBUX 302383 a par la suite été soumis à des essais de l'effort exercé par les semelles de frein au triage d'Agincourt du CP, à Toronto, le 9 mai 2013. Le système de freinage a fonctionné comme prévu.

    Détecteurs de défauts de roues

    La mise au point et l'installation de la technologie des DDR découlent d'une initiative de l'industrie qui a permis d'améliorer la sécurité ferroviaire. En effet, le DDR signale de façon proactive les défauts de table de roulement des roues pouvant produire des charges d'impact élevées. Les roues peuvent ainsi être retirées du service avant qu'elles n'endommagent le matériel roulant ou l'infrastructure de la voie ou qu'elles subissent une rupture alors qu'elles sont en service.

    Les DDR sont généralement installés sur une voie en alignement droit dont la vitesse est de 50 mi/h dans le but d'enregistrer les charges d'impact de roues à la vitesse permise sur la voie. La charge d'impact mesurée est directement liée à la vitesse; ainsi, plus le train circule vite, plus les charges d'impact de roues mesurées seront élevées en présence d'un défaut de la table de roulement. De même, une réduction de la vitesse du train à la hauteur d'un DDR réduira les charges d'impact de roues. Les équipes de train sont généralement conscientes du lien entre les charges d'impact de roues mesurées et la vitesse et savent que, si le train franchit un DDR à une vitesse inférieure, la mesure relevée sera souvent inférieure.

    Ces dispositifs de détection en voie mesurent les charges d'impact de roues sur le rail, habituellement à l'aide d'un système extensométrique ou d'un système fondé sur un accéléromètre. Le système extensométrique mesure la charge exercée sur le rail en établissant une relation mathématique entre la charge appliquée et le fléchissement au patin du rail. Les jauges extensométriques sont placées sur l'âme du rail, à environ mi-hauteur du sommet du champignon. L'effort dans le rail est utilisé comme une mesure directe de la charge exercée sur le champignon du rail. L'unité de mesure des charges d'impact de roues est le kipNote de bas de page 13.

    Le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par TC ne renferme aucune disposition sur le retrait des roues en service en raison de charges d'impact élevées. Il n'y a en ce moment aucune exigence réglementaire ni aucun seuil dictant l'utilisation des DDR au Canada et aux États-Unis. En réponse à l'avis de sécurité ferroviaire 11/11 du BST intitulé Broken Wheels with Previous AAR Condemnable WILD Readings (roues rompues dont les lectures antérieures de DDR atteignent les limites critiques de l'AAR), TC a annoncé :

    • la création d'un forum conjointement avec l'industrie visant à examiner en profondeur les critères des systèmes d'inspection en bordure de la voie et des DDR;
    • à partir de cet examen, la création possible par TC de lignes directrices, normes ou règlements sur l'utilisation des systèmes d'inspection en bordure de la voie, y compris les DDR.

    Jusqu'à maintenant, il n'y a eu aucune évolution tangible.

    Seuils de retrait des roues de l'Association of American Railroads dictés par les détecteurs de défauts de roues

    La règle 41 du Field Manual of the AAR Interchange Rules de 2013 établit les critères suivants pour cibler les défauts des roues en acier :

    [Traduction]

    Règle 41

    DÉFAUTS DES ROUES EN ACIER — RESPONSABILITÉ DU PROPRIÉTAIRE

    1. Valeur critique en tout temps

    […]

    1. Excentration des roues ou 90 000 livres (90 kips) ou impact supérieur
      1. détectée par un DDR mesurant 90 000 livres (90 kips) ou plus pour une seule roue. Le détecteur utilisé doit être conforme aux exigences d'étalonnage et de validation de l'annexe F, doit mesurer fidèlement les charges d'impact maximales et fournir un relevé imprimable des mesures. Il faut conserver des registres d'étalonnage du dispositif. Les roues ayant des méplats sur la table de roulement dépassant les limites sont la responsabilité du réseau acheminant et ne doivent pas être facturées autrement.

    […]

    1. Valeur critique lorsqu'un wagon se trouve sur une voie de réparation pour une raison quelconque

    […]

    1. Détection par un DDR mesurant entre 80 kips et moins de 90 kips sur une seule roue. Le détecteur utilisé doit avoir été étalonné selon l'annexe F, mesurer fidèlement les charges d'impact maximales et fournir un relevé imprimable des mesures. Il faut conserver les registres d'étalonnage du dispositif. Les roues ayant des méplats critiques sur la table de roulement sont la responsabilité du réseau acheminant et ne doivent pas être facturées autrement. Il s'agit alors d'une réparation « opportuniste » pour la partie qui exécute les travaux.

    […]

    RESPONSABILITÉ DU RÉSEAU ACHEMINANT — VALEUR CRITIQUE EN TOUT TEMPS

    1. Méplat :
      1. 2 pouces ou plus en longueur;
      2. 2 méplats ou plus adjacents, chacun ayant 1 ½ pouce ou plus de longueur.Note de bas de page 14

    Le comité de l'AAR responsable des roues, des essieux, des roulements et des lubrifiants a été chargé de l'élaboration et de la mise en œuvre de la règle 41. Sa décision de fixer la limite de réforme à 90 kips était fondée sur un certain nombre d'études techniques menées au début des années 1990Note de bas de page 15. Les analyses techniques de ces études établissent que la valeur de 90 kips est un seuil raisonnable pour le retrait des roues, qui permet de limiter les dommages causés au matériel roulant et à l'infrastructure de la voie.

    Seuils des détecteurs de défauts de roues

    En plus des limites de réforme des charges d'impact de roues établies par l'AAR, les chemins de fer ont fixé leurs propres seuils pour leur retrait, qui sont fondés sur leurs pratiques et conditions d'exploitation et qui, de fait, varient d'un chemin de fer à l'autre.

    Les seuils des DDR des chemins de fer ont évolué et peuvent désormais tenir compte de la charge d'impact mesurée et de la charge d'impact calculée pour une roue donnée. La charge d'impact mesurée est la charge d'impact réelle de la roue enregistrée à la vitesse permise sur la voie, qui est généralement de 50 mi/h. Les compagnies ferroviaires canadiennes de catégorie I corrigent généralement la charge d'impact mesurée à l'aide d'un algorithme pondéré en fonction de la vitesse pour obtenir la charge d'impact calculée. L'algorithme en question est une mesure proactive qui enregistre la charge d'impact réelle à basse vitesse et qui, par progression linéaire, transpose la charge d'impact à une vitesse de 50 mi/h. Ce calcul permet à un chemin de fer d'évaluer toutes les charges d'impact à une vitesse normalisée de 50 mi/h. Toutefois, l'algorithme peut différer d'un chemin de fer à l'autre et tient compte du type de défaut de roue, de la conversion à basse vitesse et d'une linéarité théorique. La vitesse calculée n'est pas jugée aussi précise que la résistance mesurée.

    Dans le cas du CP, la relation entre les charges d'impact calculées et mesurées à différentes vitesses est présentée au tableau 3.

    Tableau 3. Charges d'impact calculées et mesurées à différentes vitesses (source : CP)
    Vitesse du train (mi/h) Poids nominal par roue (kips) Charge d'impact mesurée (kips) Charge d'impact calculée à 50 mi/h (kips)
    30 33 90 128
    35 33 90 114
    40 33 90 104
    50 33 90 90

    Seuils au Chemin de fer Canadien Pacifique

    À l'heure actuelle, le CP exige qu'un wagon soit immédiatement déclaré défectueuxNote de bas de page 16 lorsque les charges d'impact de roues mesurées sont de ≥ 130 kips ou lorsque les charges d'impact de roues calculéesNote de bas de page 17 sont de ≥ 150 kips dans le nord de l'Ontario. Dans les autres régions du réseau du CP, les lignes directrices en matière de DDR stipulent qu'un wagon doit être immédiatement déclaré défectueux lorsque les charges d'impact de roues mesurées sont de ≥ 140 kips ou si les charges d'impact calculées sont de ≥ 170 kips. Lorsqu'un wagon est déclaré défectueux, la vitesse du train est réduite, et le wagon est garé au prochain atelier de réparation désigné.

    Lorsque les charges d'impact de roues sont de ≥ 90 kips, le CP exige que le wagon soit déclaré défectueux une fois vide. Cette exigence permet d'amener le wagon jusqu'à sa destination, sans restrictions, pour qu'il puisse être réparé une fois déchargé.

    Dans le cas des charges d'impact de roues calculées comprises entre 90 et 110 kips, le CP a un certain nombre de seuils « opportunistes » (OP1 à OP4). Le CP signale alors le wagon dans son système de gestion informatisé des wagons, sans le déclarer défectueux. Le wagon peut circuler jusqu'à destination, sans restrictions, et être réparé au moment où les activités d'exploitation le permettent. Toutefois, ceci signifie aussi que le wagon peut être remis en service sans le remplacement préalable de l'essieu monté en cause.

    Les seuils des DDR du CP ont été principalement établis par les pratiques de l'industrie. Ils servent à gérer la quantité de roues retirées en raison de charges d'impact de roues élevées signalées par les DDR. Le CP ne possède aucune analyse technique des données en provenance des DDR pour appuyer les seuils de retrait des roues qui sont précisés dans ses lignes directrices.

    Au CP, il n'y a aucune directive officielle qui demande aux équipes de train de réduire la vitesse lorsque leur train franchit un DDR. On s'attend à ce que les équipes de train franchissent un DDR à la vitesse maximale de la voie.

    Seuils au Canadien National

    Au CN, les seuils d'alarme des DDR pour des charges d'impact mesurées (maximales) de 140 kips ou plus s'appliquent comme suit :

    • Pour les wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact de plus de 160 kips, ou une seule lecture de charge d'impact dont la valeur corrigée en fonction de la vitesse est de 200 kips, le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) doit immédiatement réduire la vitesse du train à 25 mi/h. Si la charge d'impact est mesurée sur un train entrant, le wagon doit être laissé au terminal. Si la charge d'impact est mesurée sur un train sortant, le wagon doit être garé à la première voie d'évitement désignée. Le wagon sera déclaré défectueux par le contrôleur de la circulation ferroviaire – Mécanique (CCFM) qui y apposera une étiquette affichant le code WI. Le CCFM se chargera d'informer le personnel responsable des réparations.
    • Dans le cas des wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact entre 150 kips et 159 kips, le CCF doit immédiatement limiter la vitesse du train de 10 mi/h sous la vitesse enregistrée au DDR. Le CCF décidera alors si le wagon doit être laissé au terminal d'arrivée (entrant) ou au premier emplacement de garage désigné (sortant). Si les emplacements ne conviennent pas à la situation, le wagon peut être garé à un autre endroit pratique. Le cas échéant, le wagon ne devrait jamais être déplacé au-delà de l'endroit où sera effectuée l'inspection autorisée des wagons. Le wagon sera déclaré défectueux par le CCFM qui y apposera une étiquette affichant le code WI. Le CCFM se chargera d'informer le personnel responsable des réparations.
    • Dans le cas des wagons ayant obtenu une seule lecture de charge d'impact entre 140 kips et 149 kips, le CCF doit immédiatement limiter la vitesse du train de 5 mi/h sous la vitesse enregistrée au DDR. Si la température au DDR est de −25 °C (−13 °F) ou plus froide, le train doit rouler à une vitesse de 10 mi/h sous celle enregistrée au DDR. Le CCF décidera alors si le wagon doit être laissé au terminal d'arrivée (entrant) ou au premier emplacement de garage désigné (sortant). Si les emplacements ne conviennent pas à la situation, le wagon peut être garé à un autre endroit pratique. Le cas échéant, le wagon ne devrait jamais être déplacé au-delà de l'endroit où sera effectuée l'inspection autorisée des wagons. Le wagon sera déclaré défectueux par le CCFM qui y apposera une étiquette affichant le code WI. Le CCFM se chargera d'informer le personnel responsable des réparations.

    Dans chacun de ces cas, la roue en cause doit être remplacée avant que le wagon ne soit remis en service.

    Le CN a également les lignes directrices suivantes en matière d'entretien pour les wagons dont les charges d'impact mesurées (maximales) sont de 80 kips à 139 kips :

    • Les wagons qui arrivent d'un échange au CN et qui ont des charges d'impact sont automatiquement identifiés.
    • Les essieux montés dont les charges d'impact sont de 80 kips à 89 kips sont retirés du service lorsqu'un wagon se trouve sur une voie d'atelier ou une voie de réparation.
    • Les roues dont les charges d'impact sont de 90 kips à 139 kips sont automatiquement identifiées.
    • Les wagons dont les charges d'impact sont de 90 kips à 139 kips sont retirés de façon sélective conformément aux lignes directrices de l'AAR aux endroits où sera effectuée l'inspection autorisée des wagons.

    Examens du Laboratoire du BST

    Le Laboratoire du BST a examiné les 3 wagons-citernes présentant des fuites (TILX 192186, TILX 198203 et PROX 76346) afin d'évaluer la protection fournie. Il a aussi examiné le rail rompu de la courbe où se trouvait le point de déraillement initial présumé, ainsi que la roue R1 rompue du wagon DBUX 302383.

    Wagons-citernes

    Les observations suivantes ont été faites :

    • Les enceintes protectrices des raccords supérieurs des wagons TILX 192186 et TILX 198203 étaient arrachées à la hauteur des charnières et n'ont pas protégé les raccords supérieurs. Par conséquent, les raccords supérieurs des deux wagons-citernes ont été cisaillés, ce qui a laissé libre cours au déversement du produit.
    • En raison de leur construction en acier léger et de leur forme circulaire, les enceintes protectrices des raccords supérieurs des wagons TILX 192186 et TILX 198203 n'ont pas résisté aux forces dynamiques et aux forces d'impact qui se produisent lors d'un déraillement avec renversement.
    • Le dispositif de protection contre le glissement du robinet de déchargement par le bas des 3 wagons-citernes déraillés a fonctionné comme prévu.
    • Le levier du robinet de déchargement par le bas des wagons-citernes TILX 192186 et PROX 76346 est demeuré attaché au robinet de déchargement par le bas à toutes les étapes du déraillement et a ouvert le robinet. Le levier du robinet de déchargement par le bas du wagon TILX 192186 était déformé au point où il était impossible de fermer le robinet après le déraillement. La conception des leviers des robinets de déchargement par le bas était conforme à la norme de l'AAR en vigueur.

    Rail rompu

    Deux tronçons de rail de 28 pieds de longueur, un prélevé sur le côté nord de la courbe et l'autre, du côté sud (adjacent), ainsi que plusieurs petits morceaux de rail, ont été examinés. Les observations suivantes ont été faites :

    • L'usure du rail était conforme aux limites admissibles.
    • Les ruptures sur le rail sud ont été causées par des contraintes excessives instantanées sans indication de fissuration progressive.
    • Aucun signe de défaut de rail antérieur au déraillement n'a été relevé.

    Essieu monté nº 1 rompu

    La roue R1 rompue et sa roue L1 correspondante avaient été fabriquées par Griffin Wheel, à son usine de Kansas City (Kansas), aux États-Unis, en mars 1998. Il s'agissait de roues de 36 pouces, de type CH36, de classe C qui avaient reçu un traitement thermique (roues en acier moulé pouvant être reprofilées une fois). Les roues avaient été montées sur l'essieu en avril 1998 par le CP. Les marquages sur la plaquette-frein de chapeau (PRXL N 06 07) indiquaient que la Progress Rail Services Corporation, à Louisville (Kentucky), aux États-Unis, avait monté les nouveaux roulements en juin 2007. Les roues avaient été reprofilées avant l'installation des roulements.

    Les observations suivantes ont été faites :

    • Les 2 roues respectaient les limites d'usure admissibles.
    • L'épaisseur initiale de la jante de ce type de roue est de 27/16 pouce. L'épaisseur mesurée de la jante des 2 roues était de 20/16 pouce, donc une valeur supérieure à la valeur d'amincissement de la jante de 7/8 pouce établie pour les roues de 36 pouces de diamètre.
    • L'essieu monté a été installé sur un banc d'essai et on l'a fait rouler pour mesurer l'excentration des roues. Les mesures d'excentration des roues ont indiqué une déformation maximale de 0,034 pouce pour la roue R1 et de 0,042 pouce pour la roue L1, soit des valeurs inférieures à la limite d'excentration admissible de 0,070 pouce.
    • La roue R1 ne présentait aucun signe de surchauffe alors que la table de roulement de la roue L1 avait des points chauds sur sa circonférence.
    • La composition chimique et la dureté de la roue R1 étaient conformes aux normes de l'AAR.
    • Des coupes à la scie radiale ont été utilisées pour procéder à une évaluation qualitative de la contrainte de compression résiduelle dans les roues. Cette contrainte est induite dans les roues de classe C au cours du traitement thermique pour augmenter la résistance à la propagation des fissures dans la table de roulement. Les résultats de cet essai ont démontré que les roues avaient conservé des contraintes de compression résiduelles similaires dans leur table de roulement. La contrainte résiduelle n'a pas été considérée comme un facteur contributif.
    • Un méplat non critique sur la table de roulement de la roue L1 a été décelé. Ce méplat correspondait tout à fait avec le point d'origine de la rupture sur la roue R1. Puisque les roues et l'essieu tournent ensemble (monobloc), un méplat sur la roue L1 correspondante indique qu'il est fort possible qu'un méplat était présent au même endroit sur la roue R1.
    • Une zone d'écaillage profonde, mais non critique, était partiellement dissimulée sous la surface de la table de roulement, à proximité du méplat sur la roue L1 correspondante (photo 12). L'écaille est devenue plus visible au cours du prélèvement de l'échantillon pour l'examen métallographique, à mesure que du matériau se détachait. Ceci prouve qu'un écaillage de la sous-surface est possible, mais peut demeurer non détecté puisqu'il est recouvert par le revêtement de la table de roulement.
    Photo 12. Écaille sur la table de roulement de la roue L1 correspondante dans le méplat non critique
    Image
    image de l'écaille sur la table de roulement de la roue L1 correspondante dans le méplat non critique

    Examen détaillé de la roue R1 rompue

    La roue R1 présentait une rupture produite en 3 étapes :

    1. À la première étape, des écailles se sont formées sur la sous-surface de la table de roulement. Elles s'étendaient sur environ 1/3 de la circonférence de la roue et coïncidaient avec les plus grandes parties séparées de la jante de roue. La sous-surface présentait aussi des fissures de fatigue. Le polissage de ces zones a révélé que les écailles de la table de roulement étaient demeurées localisées durant une longue période avant la séparation complète.
    2. À la deuxième étape, une fissure verticale de la jante est apparue à la racine d'une écaille (point d'origine), située à environ ½ pouce sous la surface de roulement (photo 13). La couleur foncée de la surface indique que cette étape de la rupture se développait depuis un certain temps, mais depuis moins longtemps que l'écaillage de la sous-surface (première étape).
    Photo 13. Origine de la rupture causée par une fissure verticale de la jante (deuxième étape de la rupture)
    Image
    Image de l'origine de la rupture causée par une fissure verticale de la jante (deuxième étape de la rupture)
    1. À la troisième étape, une fissure verticale de la jante s'est étendue sur environ ¾ de la circonférence de la roue et a causé la séparation sur environ 80 pouces de la jante extérieure (photo 14). La topographie de la rupture indique que la rupture finale due à la fissure verticale de la jante a été rapide et que la fissure s'est propagée sur la circonférence de la roue à partir des extrémités de la rupture de la deuxième étape.
    Photo 14. Vue extérieure montrant l'étendue de la rupture de la roue
    Image
    Image du vue extérieure montrant l'étendue de la rupture de la roue

    Examen macroscopique

    Un examen macroscopique effectué sur une section transversale prélevée sur la roue R1 adjacente à proximité du point d'origine de la rupture a révélé les éléments suivants :

    • La macrostructure comprenait un mélange de dendrites. Les zones près de la table de roulement et de la surface extérieure de la roue présentaient des dendrites plus petites, dont la taille (c.-à-d. le diamètre) augmentait progressivement vers le centre du matériau du moyeu de roue (photo 15).
    Photo 15. Section transversale de la roue R1 rompue près du point d'origine de la fissure verticale de la jante
    Image
    Image du section transversale de la roue R1 rompue près du point d'origine de la fissure verticale de la jante
    • Cette structure est considérée comme normale dans l'industrie du moulage étant donné que le matériau près de la surface de la roue se refroidit rapidement, créant des dendrites plus petites que dans le matériau du centre, qui se refroidit plus lentement et présente des dendrites plus grosses.
    • Le point d'origine de la rupture se trouvait près des dendrites plus grosses à proximité du centre de la jante. Les dendrites plus grosses étaient généralement parallèles au plan de la rupture. Les dendrites plus grosses accélèrent la propagation des fissures puisque la résistance à la fissuration est moindre.

    L'examen métallographique de la roue R1 a établi que :

    • près du point d'origine de la rupture se trouvaient des fissures secondaires qui s'étendaient entre la surface libre et la sous-surface;
    • le matériau constituant de la roue ne présentait aucun vide ou inclusion anormaux à proximité du point d'origine de la fissure verticale de la jante;
    • la microstructure de la roue R1 était fine et perlitique, ce qui est normal dans une roue de classe C.

    Rupture causée par une fissure verticale de la jante

    Les ruptures de roue causées par une fissure verticale de la jante sont un phénomène qui continue d'être étudier par des chercheurs et qui n'est pas encore complètement compris. Ce type de rupture de roue, qui peut être causé par la fatigue de contact de roulement ou par écaillage, prend habituellement naissance à la base d'une écaille sur la table de roulementNote de bas de page 18. Au cours d'une étude menée par le Transportation Technology Center Inc. (TTCI)Note de bas de page 19, 24 roues rompues ont été examinées et il a été établi qu'une fissure verticale de la jante était à l'origine de la rupture dans 71 % des cas. De plus, l'historique des données de DDR, qui était disponible pour 12 des roues rompues examinées, a révélé que 6 de ces 12 roues présentaient des charges d'impact enregistrées supérieures à 90 kips avant leur rupture.

    Déraillements précédents attribuables à des charges d'impact de roues

    L'acier des rails est reconnu pour sa robustesse et sa ductilité réduites à basse température, surtout si un défaut du rail agit comme concentrateur de contraintes. L'industrie reconnaît aussi que les roues qui produisent des charges d'impact élevées peuvent endommager le matériel (roues, essieux, roulements et fusées) et l'infrastructure de la voie, provoquant souvent des ruptures de rail.

    Le BST a mené des enquêtes sur 6 accidents (y compris le présent événement) causés par des ruptures de roue ou de rail résultant de charges d'impact (annexe A). Dans chacun de ces accidents, les dossiers de DDR des chemins de fer avaient décelé des wagons dont les charges d'impact enregistrées étaient supérieures aux limites de retrait des DDR établies par l'AAR (90 kips), mais inférieures aux seuils de retrait des essieux montés des compagnies. Dans 4 de ces accidents, les roues se sont par la suite rompues en raison d'une fissure verticale de la jante. Comme aucun règlement n'exige le retrait des roues qui produisent des charges d'impact élevées, les wagons et les essieux montés sont demeurés en service et ont causé un déraillement.

    Enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur l'accident survenu à Lac-Mégantic

    Le 5 juillet 2013, vers 22 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint John (Nouveau-Brunswick), s'est arrêté à Nantes (Québec) au point milliaire 7,40 de la subdivision de Sherbrooke, point de relève désigné des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, de 1 wagon VB (fourgon spécialisé), de 1 wagon couvert et de 72 wagons-citernes de catégorie 111 transportant des liquides inflammables (pétrole brut, UN 1267, classe 3), a ensuite été immobilisé sur la voie principale et laissé sans surveillance dans une pente.

    Peu avant 1 h le 6 juillet 2013, le train sans surveillance a commencé à se déplacer et a gagné de la vitesse en dévalant la pente jusque dans la ville de Lac-Mégantic (Québec). Soixante-trois wagons-citernes de catégorie 111 et le wagon couvert ont déraillé près du centre de la ville. La plupart des wagons déraillés ont déversé leur contenu en raison des dommages subis par les wagons-citernes. Le produit déversé s'est enflammé presque tout de suite, provoquant un grand feu en nappe qui a brûlé durant plus d'une journée. Le pétrole brut qui n'a pas brûlé s'est infiltré et a contaminé le sol du centre-ville; une certaine quantité a atteint la rivière Chaudière et le lac Mégantic. Les 63 wagons-citernes déraillés transportaient 6,72 millions de litres de pétrole brut en provenance du champ pétrolifère Bakken, dans le Dakota du Nord. Le déraillement a entraîné le déversement d'environ 5,98 millions de litres (89 %) de produit. Ce déraillement a été l'un des plus importants déversements terrestres de pétrole de l'histoire en Amérique du Nord.

    Quarante-sept personnes ont été mortellement blessées. Un grand nombre d'édifices, de véhicules et la voie ferrée ont été détruits. Quelque 2000 personnes ont été évacuées de la zone avoisinanteNote de bas de page 20

    Circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads et recommandation ferroviaire R14-02 du Bureau de la sécurité des transports du Canada

    En janvier 1990, par suite de recommandations formulées par l'Inter-Industry Task Force on the Safe Transportation of Hazardous Materials by Rail, l'AAR a publié la circulaire OT-55, intitulée Recommended Railroad Operating Practices for Transportation of Hazardous Materials. Cette circulaire donnait à l'industrie ferroviaire des consignes sur le choix de l'itinéraire pour certaines marchandises dangereuses, y compris les produits toxiques à l'inhalation (TIH) et les matières radioactives. Elle dressait une liste des produits TIH (plus de 200, y compris le chlore et l'ammoniac anhydre). En outre, elle précisait des exigences techniques et de manutention pour les « trains clés » et les « itinéraires clés ». Après l'accident de Lac-Mégantic, la définition de « train clé » a été élargieNote de bas de page 21 pour désigner tout train constitué d'un wagon ou de plus d'un wagon de produits TIH, comme de l'ammoniac anhydre, de l'ammoniaque liquide, du combustible nucléaire irradié ou des déchets hautement radioactifs, ou de 20 wagons complets ou citernes intermodales portables complètes de toute combinaison d'autres matières dangereuses (par exemple, du pétrole brut). Les principaux éléments de la circulaire OT-55-N sont les suivants :

    • Les itinéraires clés doivent être munis de capteurs de roulements défectueux en bordure de voie au moins tous les 40 milles.
    • Si un détecteur de boîtes chaudes indique un roulement anormal sur un train clé, il faut imposer des limites de vitesse plus rigoureuses et fournir des directives précises sur la manutention du wagon.

    La circulaire OT-55-N ne s'applique pas au Canada, mais ses restrictions ou des restrictions similaires sont nécessaires pour éliminer bon nombre des lacunes ciblées dans le cadre de l'enquête sur l'accident de Lac-Mégantic et d'autres enquêtes sur des cas de déversement de marchandises dangereuses. En octobre 2013, le CN a étendu ces mesures pour ses opérations au Canada et le CP a fait de même à la fin d'avril 2014. Le BST a indiqué qu'une approche basée sur la circulaire OT-55-N, assortie d'une exigence de procéder à la planification et à l'analyse de l'itinéraire, serait un pas dans la bonne direction en vue d'améliorer la sécurité du transport de marchandises dangereuses par train. Par la suite, le 23 janvier 2014, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports établisse des critères rigoureux pour l'exploitation des trains qui transportent des marchandises dangereuses et exige que les compagnies ferroviaires procèdent à la planification ainsi qu'à l'analyse des itinéraires et effectuent des évaluations périodiques des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces.
    Recommandation R14-02 du BST

    Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 du Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Le 23 avril 2014, en réponse à la recommandation R14-02 du BST, TC a déposé une injonction ministérielle en vertu de l'article 33 de la Loi sur la sécurité ferroviaire intitulée Transport ferroviaire de marchandises dangereuses. Cette injonction exige que les chemins de fer transportant des marchandises dangereuses mettent en œuvre des pratiques opérationnelles clés minimum pour les « trains clés » afin de respecter la recommandation du Bureau et gérer la question de sécurité immédiate, y compris les restrictions de vitesse pour les trains transportant des marchandises dangereuses, l'élargissement de la portée des exigences d'inspection sur les itinéraires restreints de transport ferroviaire ainsi que la réalisation d'évaluations des risques pour les « itinéraires clés ».

    Dans l'injonction ministérielle, un « train clé » s'entend d'un groupe de wagons attelés à une locomotive et qui comprend, selon le cas :

    1. au moins un wagon-citerne chargé de marchandises dangereuses appartenant à la classe 2.3, Gaz toxiques, et de marchandises dangereuses toxiques par inhalation assujetties à la disposition particulière 23 du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses;
    2. au moins vingt wagons-citernes chargés ou citernes mobiles intermodales chargées de marchandises dangereuses, comme définies dans la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, ou toute combinaison de ceux-ci comprenant au moins vingt wagons-citernes chargés et citernes mobiles intermodales chargées.Note de bas de page 22

    Dans l'injonction ministérielle, « Itinéraire clé »

    s'entend d'une voie qui, sur une période d'un an, est utilisée pour transporter au moins 10 000 wagons-citernes chargés ou citernes mobiles intermodales chargées de marchandises dangereuses, comme définies dans la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, ou toute combinaison de ceux-ci comprenant au moins 10 000 wagons-citernes chargés et citernes mobiles intermodales chargées.Note de bas de page 23

    Parmi les lignes directrices, l'injonction ministérielle enjoint les chemins de fer à respecter les critères suivants :

    […]

    1. Ne pas exploiter un train clé si aucun wagon n'est doté de roulements à rouleaux.
    2. Inspecter les paliers d'un train clé qui ont été signalés comme étant défectueux par un détecteur de paliers défectueux en bordure de la voie. Si une telle inspection confirme que le palier d'un wagon d'un train clé est défectueux, les compagnies doivent dételer ce wagon du train clé ou exploiter ce dernier seulement à une vitesse sécuritaire ne dépassant pas 15 mi/h jusqu'à ce que le wagon dont le palier est défectueux soit garé. Si le résultat de l'inspection effectuée par un détecteur de paliers défectueux en bordure de la voie ne confirme pas la présence d'un défaut dans un palier, les compagnies ne doivent pas exploiter le train clé à une vitesse supérieure à 30 mi/h jusqu'au prochain détecteur. Si deux détecteurs consécutifs signalent un défaut dans le palier du même wagon d'un train clé, les compagnies doivent dételer ce wagon du train clé ou exploiter ce dernier seulement à une vitesse sécuritaire ne dépassant pas 15 mi/h jusqu'à ce que le wagon dont le palier est défectueux soit garé.Note de bas de page 24

    L'injonction ne renferme aucun critère quant à la restriction liée à la circulation des « trains clés » si d'autres types de systèmes installés en bordure de voie, comme un DDR, détectent une condition anormale.

    L'injonction ministérielle a été mise en vigueur pour une période de 6 mois, et a été prorogée pour une autre période de 6 mois afin de consulter davantage avec les intervenants, notamment la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et les syndicats afin d'examiner toute autre exigence qui pourrait être établie aux États-Unis.

    En avril 2014, TC a aussi délivré l'ordre nº 33 qui exige un plan d'intervention d'urgence (PIU) pour les produits UN 1267 (pétrole brut) transportés dans des wagons-citernes. Un PIU approuvé garantira que les intervenants d'urgence connaîtront les éléments d'un système de commandement en cas d'incident et qu'ils pourront démontrer leur capacité de respecter un tel système par des formations et des exercices.

    En outre, TC a pris un arrêté ministériel en vertu de l'article 19 de la Loi sur la sécurité ferroviaire exigeant que les compagnies de chemin de fer transportant des marchandises dangereuses formulent et présentent, aux fins d'approbation, dans les 180 jours, de nouvelles règles sur les pratiques opérationnelles afin de renforcer davantage la sécurité du transport ferroviaire des marchandises dangereuses à long terme.

    Évaluation de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14‑02 du Bureau de la sécurité des transports du Canada (juin 2014)

    Dans son évaluation de la réponse de TC à la recommandation R14-02, le BST indique ce qui suit :

    TC a accepté la recommandation et a déposé une injonction ministérielle qui exige que les compagnies ferroviaires établissent des critères améliorés pour l'exploitation des trains transportant des marchandises dangereuses, procèdent à la planification ainsi qu'à l'analyse de l'itinéraire des trains, et effectuent des évaluations initiales et périodiques des risques.

    D'autres consultations se tiendront auprès des intervenants et il se pourrait que l'injonction ministérielle soit renouvelée et modifiée à partir de toute nouvelle information obtenue. L'injonction ministérielle exigera que des évaluations des risques soient effectuées pour les itinéraires clés le long desquels les trains clés sont exploités. Selon cette injonction, de tels itinéraires devront répondre à des exigences d'inspection et d'entretien renforcées. Toutefois, les itinéraires clés sont définis comme ceux le long desquels 10 000 wagons complets de marchandises dangereuses sont transportés annuellement. Il se pourrait que ce seuil limite le nombre d'itinéraires devant répondre à ces mesures de sécurité. Une analyse rigoureuse devrait être menée sur le seuil de 10 000 wagons afin de déterminer quels itinéraires utilisés par des trains transportant des marchandises dangereuses seront exclus et si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation R14-02 sera corrigée.

    TC a également pris un arrêté ministériel exigeant que les compagnies de chemin de fer transportant des marchandises dangereuses formulent et présentent, aux fins d'approbation, de nouvelles règles visant à améliorer leurs pratiques opérationnelles pour le transport de marchandises dangereuses en toute sécurité. Si les nouvelles règles renferment à tout le moins le même champ d'activités, mais qu'elles sont renforcées pour comprendre un plus grand nombre d'itinéraires, le risque présenté par des mouvements de marchandises dangereuses pourrait être réduit considérablement. Toutefois, les règles proposées n'ont pas encore été élaborées et les résultats ne peuvent être connus jusqu'à ce que le processus soit finalisé. Ainsi, le Bureau estime que la réponse à la recommandation R14-02 dénote une intention satisfaisante.Note de bas de page 25

    Rapports du Laboratoire du BST

    Les rapports du Laboratoire du BST suivants ont été finalisés et sont disponibles sur demande auprès du BST :

    • LP 072/2013 – Examination of Wheel Set and Rail [Examen de l'essieu monté et des rails]
    • LP 073/2013 – Field Examination of Tank Cars [Examen sur le terrain des wagons-citernes]

    Analyse

    Le train roulait selon les règlements et les directives de la compagnie. Les registres et les inspections de la voie n'ont révélé aucun défaut de la voie dans le secteur du déraillement. L'analyse portera principalement sur la roue R1 rompue du wagon-citerne DBUX 302383, sur la détection des ruptures de roue causées par une fissure verticale de la jante, sur la surveillance réglementaire et des compagnies en ce qui a trait aux seuils des détecteurs de défauts de roues (DDR), sur les enceintes protectrices des raccords supérieurs et les robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes, et sur l'intervention d'urgence de la compagnie.

    L'accident

    Les marques observées sur le champignon du rail sud se prolongeant vers l'est à partir du point milliaire 12,4 indiquaient que le point de déraillement initial coïncidait avec le rail de la file basse rompu (sud) de la courbe au point milliaire 9,41. Les marques concordaient avec les dommages causés par une roue rompue qui heurtait le champignon du rail sud. La roue R1 (côté sud) du bogie arrière du 34e wagon à partir de la tête du train (wagon-citerne de marchandises dangereuses DBUX 302383) s'est rompue. L'examen de tous les rails rompus récupérés au point du déraillement a établi que la rupture a été causée par des contraintes excessives instantanées. Par conséquent, il est probable que le déraillement s'est produit après qu'un impact de la roue R1 rompue du 34e wagon (DBUX 302383) a rompu le rail sud (rail de la file basse) dans la courbe au point milliaire 9,41 sur la subdivision de Heron Bay. Cette rupture a entraîné le déraillement du 36e wagon au 57e wagon.

    Roue R1 rompue du wagon-citerne DBUX 302383

    La roue R1 s'est rompue en raison d'une fissure verticale de la jante, ce qui a entraîné la séparation de la jante de roue extérieure sur environ 80 pouces. La fissure verticale de la jante a pris naissance environ ½ pouce sous la surface de la table de roulement, à la racine d'une écaille.

    Lors de sa fabrication, la roue R1 rompue présentait une épaisseur de jante de 27/16 pouce. L'usure en service et le reprofilage avaient réduit l'épaisseur de la jante à 20/16 pouce, une valeur bien supérieure à l'épaisseur minimale de 14/16 pouce prescrite par l'Association of American Railroads (AAR). Toutefois, la séparation de la table de roulement causée par la fissuration et l'écaillage de la sous-surface a réduit davantage l'épaisseur utile de la jante de l'ordre de 8/16 pouce à 12/16 pouce. Avec moins de la moitié de son épaisseur initiale, le matériau constituant la jante était soumis à une contrainte supérieure s'enfonçant plus profondément dans le matériau du moyeu de la roue.

    Vers le centre du matériau du moyeu de la roue, la macrostructure comprenait des dendrites plus grosses. Le point d'origine de la rupture se trouvait plus près des dendrites plus grosses, à proximité du centre de la jante, et l'orientation des dendrites de plus grande taille était approximativement parallèle au plan de la rupture. Une fois que la fissure a atteint des couches plus profondes dans le matériau de la jante, la taille plus importante et l'orientation des dendrites près du centre de la jante de roue ont accéléré la progression de la fissure verticale de la jante. L'usure de la roue et la détérioration de la table de roulement en raison de l'écaillage se sont combinées pour produire des contraintes dans la jante auxquelles le matériau ne pouvait plus résister. La roue R1 s'est rompue lorsque la fissure verticale de la jante a atteint une taille critique et que la jante ne pouvait plus résister aux charges de service normales.

    Les propriétés du matériau et l'usure des deux roues respectaient les limites admissibles, et aucun vide ni aucune inclusion anormaux n'ont été observés dans le matériau de la roue à proximité du point d'origine de la rupture liée à la fissure verticale de la jante. Un méplat et de l'écaillage non critiques se trouvaient sur la table de roulement de la roue L1, directement à l'opposé du point d'origine de la rupture de la roue R1 rompue. Puisque les roues et l'essieu tournent ensemble (monobloc), la présence d'un méplat sur la table de roulement de la roue L1 indique qu'il est fort possible qu'un méplat était présent au même endroit sur la roue R1 rompue. Par conséquent, il est probable que l'écaillage de la table de roulement de la roue R1 s'est amorcé en raison d'un méplat non critique.

    Les méplats sont généralement dus à des anomalies du système de freinage ou à un frein à main mal desserré. Toutefois, les essais de l'effort exercé par les semelles de frein menés sur le wagon-citerne DBUX 302383 ont établi que le système de freinage fonctionnait comme prévu.

    Historique des détecteurs de défauts de roues de la roue R1 du wagon-citerne DBUX 302383

    L'étude des données enregistrées par les DDR entre décembre 2012 et la date de l'accident sur la roue R1 du wagon-citerne DBUX 302383 a permis d'établir les faits suivants :

    • Au total, 6 des 9 charges d'impact avaient atteint les limites de retrait de la règle 41 de l'AAR.
    • Une des 9 charges d'impact avait atteint les limites de la règle 41 A.1.r de l'AAR (c.-à-d., limite de réforme en tout temps; retrait en raison d'une charge d'impact mesurée supérieure à 90 kips). Le 30 mars 2013, sur la roue R1, le système a enregistré une charge d'impact mesurée de 103,9 kips à Mortlach (Saskatchewan).
    • Cinq des 9 charges d'impact avaient atteint les limites de la règle 41 A.2.f de l'AAR (c.-à-d., limite de réforme lorsque le wagon se trouve sur une voie de réparation; retrait en raison d'une charge d'impact mesurée comprise entre 80 et 90 kips). Ces mêmes 5 des 9 charges d'impact correspondent à une charge d'impact calculée comprise entre 90 et 110 kips. Même si ces valeurs semblent respecter les lignes directrices du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) en matière de DDR sur les réparations « opportunistes » (c.-à-d., charges d'impact calculées comprises entre 90 et 110 kips), ces lignes directrices stipulent aussi que les réparations « opportunistes » doivent être prises en compte lorsque les charges d'impact mesurées sont égales ou supérieures à 90 kips. Par conséquent, lorsque les lignes directrices du CP en matière de DDR sont utilisées, la règle 41 A.2.f de l'AAR ne s'appliquera jamais.

    À la suite de la détection de la charge d'impact de 103,9 kips, le CP aurait pu immédiatement garer le wagon, remplacer l'essieu monté nº 1 et facturer les travaux au propriétaire du wagon, comme le précisent les règles de l'AAR. Toutefois, étant donné que la charge d'impact était inférieure au seuil de ≥ 140 kips des DDR du CP et en raison de l'absence d'exigence réglementaire sur les seuils des DDR, le wagon a pu circuler jusqu'à sa destination prévue parce qu'il était chargé. Malgré la lecture d'une charge d'impact critique en vertu de la règle 41 de l'AAR, les lignes directrices du CP en matière de DDR permettaient que la roue R1 du wagon-citerne DBUX 302383 demeure en service; elle s'est rompue 4 jours plus tard.

    Seuils des détecteurs de défauts de roues de l'Association of American Railroads et du Chemin de fer Canadien Pacifique

    La mise au point et l'installation de la technologie des DDR sont une initiative de l'industrie. Les DDR fournissent un niveau de sécurité supplémentaire et s'ajoutent aux inspections visuelles des trains effectuées par les employés des chemins de fer. Les DDR signalent de façon proactive les roues dont la charge d'impact est élevée de façon que ces roues puissent être retirées du service avant qu'elles n'endommagent le matériel roulant ou l'infrastructure de la voie.

    La règle 41 de l'AAR stipule qu'une charge d'impact mesurée (réelle) de 90 kips (ou plus) est une limite de réforme en tout temps. Cela signifie que le chemin de fer peut arrêter le train, garer le wagon, remplacer la roue et facturer les coûts de remplacement de la roue au propriétaire du wagon. De même, une roue dont la charge d'impact mesurée se situe entre 80 kips et moins de 90 kips doit être remplacée lorsque le wagon se trouve dans un atelier ou sur une voie de réparation pour une raison quelconque. Dans ce cas, les chemins de fer peuvent aussi facturer les coûts de remplacement au propriétaire du wagon.

    En comparaison, le CP exige que le wagon soit immédiatement déclaré défectueux, que la vitesse du train soit réduite et que le wagon soit garé aux prochaines installations accessibles afin d'être réparé, et ce, lorsque

    • la charge d'impact mesurée est de ≥ 130 kips ou la charge d'impact calculée est de ≥ 150 kips dans le nord de l'Ontario;
    • la charge d'impact mesurée est de ≥ 140 kips ou la charge d'impact calculée est de ≥ 170 kips sur les autres parties de son réseau.

    Lorsque les charges d'impact calculées sont de ≥ 90 kips, le CP exige que le wagon soit déclaré défectueux une fois vide, ce qui signifie que le wagon peut se rendre à destination sans restrictions. Dans le cas de charges d'impact calculées comprises entre 90 et 110 kips, le CP signale le wagon dans son système de gestion de l'information sur les wagons, sans toutefois le déclarer défectueux. Le wagon peut circuler jusqu'à sa destination, sans restrictions, et être réparé au moment où les activités d'exploitation le permettent. Il peut toutefois aussi être remis en service sans réparation.

    Injonction ministérielle de Transports Canada et circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads

    Une des principales préoccupations de sécurité liées au transport de marchandises dangereuses par train est d'éviter qu'un déversement catastrophique se produise dans une zone densément peuplée ou dans une zone écosensible. La planification des itinéraires pour le transport de marchandises dangereuses permet de cibler l'itinéraire qui présente le moins de risques pour le grand public. La planification des itinéraires doit porter sur le trajet en entier et il faut évaluer tous les trajets pour s'assurer de retenir les itinéraires les plus sécuritaires. Une fois les itinéraires établis, il est possible de réduire les risques liés au transport de marchandises dangereuses par une évaluation proactive de toutes les activités d'exploitation sur le trajet complet afin d'atténuer les risques relevés. Cette évaluation doit notamment tenir compte de tous les systèmes de détection installés en bordure de la voie.

    Le train en cause dans l'événement serait maintenant considéré un « train clé » en vertu de la définition donnée dans l'injonction ministérielle et la circulaire OT-55-N. Il serait maintenant l'objet de restrictions comme la planification des itinéraires, la limitation de la vitesse à 50 mi/h, des inspections additionnelles sur les « itinéraires clés » et la surveillance des roulements à rouleaux par des détecteurs de boîtes chaudes (DBC) en bordure de la voie. Alors que l'importance de surveiller les roulements à rouleaux pour prévenir les défaillances catastrophiques est bien comprise, il est aussi nécessaire de garantir une protection contre les charges d'impact élevées qui peuvent causer des ruptures de roue et/ou de rail et des déraillements. Afin de prévenir les dommages causés par des charges d'impact de roues élevées, les compagnies ferroviaires canadiennes de catégorie I ont installé des DDR à l'échelle de leur réseau au cours des 20 dernières années. Cette technologie a permis d'améliorer la sécurité ferroviaire en signalant de façon proactive les roues dont la table de roulement présente des défauts qui peuvent générer des charges d'impact élevées de façon à ce que les roues puissent être retirées du service avant qu'elles n'endommagent le matériel roulant ou l'infrastructure de la voie. Alors que l'injonction ministérielle de Transports Canada (TC) prise conformément à l'article 33 de la Loi sur la sécurité ferroviaire et la circulaire OT -55-N de l'AAR exigent que les roulements à rouleaux soient surveillés par des DBC installés en bordure de la voie, aucun de ces documents ne stipule que le matériel roulant doit être surveillé par des DDR, ce qui atténuerait davantage les risques associés au transport de marchandises dangereuses.

    Charges d'impact enregistrées par des détecteurs de défauts de roues et rupture subséquente par fissuration verticale de la jante

    Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a mené des enquêtes sur 6 accidents (y compris le présent événement) causés par des ruptures de roue ou de rail résultant de charges d'impact supérieures à 90 kips. Dans chacun de ces événements, les dossiers des compagnies de chemin de fer en matière de DDR indiquent que les DDR avaient détecté des wagons dont la charge d'impact dépassait le critère actuel de retrait des roues établi par l'AAR, mais était inférieure aux seuils en matière de DDR établis par les compagnies. Dans 3 de ces accidents, les roues se sont par la suite rompues en raison d'une fissure verticale de la jante.

    Au cours d'une étude menée par le Transportation Technology Center, Inc. (TTCI), 24 roues rompues ont été examinées et il a été établi qu'une fissure verticale de la jante était à l'origine de la rupture dans 71 % des cas. L'examen de l'historique des données des DDR de 12 des 24 roues rompues a révélé que, comme dans le cas du présent accident, 50 % des roues (6 sur 12) présentaient des charges d'impact supérieures à 90 kips avant leur rupture.

    Les enquêtes du BST et l'étude du TTCI ont montré que, dans 9 cas sur 15 (60 %), une charge d'impact supérieure à la limite de réforme énoncée dans la règle 41 de l'AAR avait été enregistrée. Les lignes directrices du chemin de fer en matière de DDR permettaient toutefois que la roue demeure en service. Dans les 9 cas, la roue a subi une rupture par fissure verticale de la jante peu de temps après. Même si les ruptures de roue par fissure verticale de la jante sont un phénomène qui continue d'être étudié et qui n'est pas encore bien compris, un lien est possible entre les charges d'impact élevées mesurées par les DDR et les ruptures de roue causées par une fissure verticale de la jante.

    Même si le CP exige que le wagon soit déclaré défectueux une fois vide, lorsque les charges d'impact calculées sont de ≥ 90 kips, il ne prévoit aucune mesure immédiate dans ces circonstances. Par conséquent, comme le démontre cet accident, un wagon chargé peut demeurer en service et parcourir une grande distance pour arriver à destination sans restrictions. Dans de telles conditions, si les lignes directrices d'un chemin de fer en matière de DDR ne fournissent pas de consignes adéquates sur le traitement des charges d'impact critiques en vertu de la règle 41 de l'AAR, il y a un risque accru que des roues présentant des défauts naissants, comme une fissure verticale de la jante, ne soient pas détectées et retirées du service avant qu'elles ne se rompent.

    Vitesse des trains dans les zones des détecteurs de défauts de roues

    Le CP et le Canadien National (CN) utilisent des lectures de DDR normalisées selon une vitesse de 50 mi/h. Puisque les charges d'impact sont directement liées à la vitesse, toute réduction de la vitesse du train dans une zone de DDR réduira les charges d'impact mesurées.

    Une étude des données des DDR pour la roue R1 du wagon DBUX 302383 a révélé que 7 des 9 charges d'impact ont été mesurées à des vitesses comprises entre 30 et 42 mi/h, qui sont très inférieures à la vitesse de mesure des charges d'impact, qui est de 50 mi/h. Lorsque la vitesse du train qui franchit un DDR est inférieure à 50 mi/h, il y a une plus grande variabilité des résultats de l'évaluation des charges d'impact, augmentant ainsi le risque que des roues défectueuses ne soient pas immédiatement détectées et demeurent en service.

    Surveillance réglementaire en matière de technologie des détecteurs de défauts de roues

    Le Règlement sur l'inspection et la sécurité des wagons approuvé par TC ne renferme aucune disposition sur le retrait des roues en raison de charges d'impact élevées. De plus, ni le Canada ni les États-Unis n'ont à l'heure actuelle d'exigences réglementaires ou de lignes directrices sur l'utilisation des systèmes d'inspection en bordure de voie, y compris les DDR. Par conséquent, l'emplacement des DDR, la distance entre ceux-ci et les seuils exigeant une intervention diffèrent d'un chemin de fer à un autre. Les chemins de fer peuvent aussi modifier les seuils des DDR à leur gré afin de répondre aux besoins d'exploitation. TC a indiqué, en 2011, qu'il allait créer un forum conjointement avec l'industrie pour réévaluer en profondeur les critères des systèmes d'inspection en bordure de voie et des DDR, mais à ce jour, aucun progrès n'a été noté.

    Même si des liens de causalité sont depuis longtemps établis entre des charges d'impact de roues élevées et des ruptures de rail, les discussions sur les DDR portent toujours sur les seuils de retrait. Selon la règle 41 de l'AAR, une charge d'impact mesurée (réelle) de 90 kips (ou plus) constitue une limite de réforme en tout temps alors qu'une charge d'impact entre 80 kips et moins de 90 kips est une limite de réforme lorsque le wagon se trouve dans un atelier ou sur une voie de réparation pour quelconque raison. Les seuils prescrits par l'AAR sont fondés sur des analyses techniques qui ont établi qu'ils sont raisonnables pour limiter les dommages causés au matériel roulant et à l'infrastructure de la voie.

    Par contraste, dans l'industrie, les seuils des DDR varient d'un chemin de fer à un autre. Dans l'industrie, le seuil de retrait du service à la suite de la détection d'une charge d'impact mesurée varie généralement de 130 à 140 kips, une valeur d'environ 50 % supérieure à la limite de réforme de 90 kips prescrite par la règle 41 de l'AAR. Les seuils des DDR des chemins de fer ont été établis principalement selon les pratiques de l'industrie afin de répondre aux besoins opérationnels et de faciliter la gestion des roues retirées du service en raison d'une charge d'impact élevée signalée par les DDR. L'industrie ne possède aucune analyse technique des données des DDR pour appuyer ses seuils de retrait des roues.

    Au Canada, les chemins de fer qui utilisent leur propre réseau de voies sont régis par le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par TCet, par conséquent, ne sont pas tenus de respecter la limite de réforme prescrite par la règle 41 de l'AAR en présence de charges d'impact élevées. Puisque la réglementation ne renferme aucune disposition sur la mise hors service des roues associées à des charges d'impact élevées, les chemins de fer peuvent établir leurs propres seuils et les modifier à leur gré. L'utilisation accrue de la technologie des DDR a permis d'améliorer la sécurité ferroviaire. Toutefois, en l'absence de surveillance réglementaire relativement à la technologie des DDR, il est possible que les lignes directrices établies par les compagnies en matière de seuils des DDR ne soient pas assez rigoureuses, ce qui augmente le risque que des roues associées à des charges d'impact élevées ne soient pas toujours retirées du service en temps opportun.

    Protection des raccords supérieurs et des robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes

    Si, au cours d'un déraillement, un wagon-citerne chargé s'immobilise en position renversée après que ses raccords supérieurs ont été endommagés, une fuite de produit par les raccords supérieurs peut s'ensuivre. De même, si le wagon s'immobilise sur ses roues avec un robinet de déchargement par le bas endommagé, le produit peut se déverser par le robinet de déchargement par le bas. De plus, si les raccords supérieurs et le robinet de déchargement par le bas sont endommagés, le raccord qui se trouve à la position la plus élevée peut agir comme un évent, ce qui augmente grandement le débit à partir de l'autre accessoire endommagé. Ainsi, afin de réduire et d'atténuer les déversements de produit au cours d'un déraillement, il faut protéger aussi bien les raccords supérieurs que le robinet de déchargement par le bas.

    Dans cet accident, les enceintes protectrices des raccords supérieurs des deux wagons-citernes transportant du pétrole brut (TILX 192186 et TILX 198203) ont été endommagées. Au cours du déraillement, le mouvement longitudinal des wagons-citernes renversés a cisaillé les enceintes protectrices circulaires droites des raccords supérieurs ainsi que les raccords supérieurs eux-mêmes. En raison de leur construction en acier léger et de leur forme circulaire, les enceintes protectrices des raccords supérieurs des wagons TILX 192186 et TILX 198203 ne les ont pas convenablement protégés des forces dynamiques se produisant lors d'un déraillement avec renversement.

    Sur le wagon TILX 198203, le raccord du robinet d'air/de vapeur de 1 pouce a été cisaillé et a laissé fuir environ 3200 litres de pétrole brut. Les intervenants d'urgence ont colmaté la fuite avec un goujon en bois. Aucune autre fuite et aucun autre dommage n'ont été décelés sur les raccords supérieurs ou le robinet de déchargement par le bas.

    Le raccord du robinet d'air/de vapeur de 1 pouce et le raccord du robinet de liquide de 2 pouces du wagon TILX 192186 ont été cisaillés, laissant fuir le pétrole brut. Alors que le wagon dévalait le remblai, le levier du robinet de déchargement par le bas s'est détaché de son dispositif de retenue, a été poussé en position ouverte et s'est replié contre le wagon-citerne; sa position était telle que les intervenants d'urgence ne pouvaient pas le fermer. Du pétrole brut s'est déversé par le robinet de déchargement par le bas ouvert jusqu'à l'immobilisation du wagon avec son robinet de déchargement par le bas orienté vers le haut. Le wagon TILX 192186 étant renversé, le robinet de déchargement par le bas bloqué en position ouverte a fait office d'évent et laissé fuir plus rapidement environ 98 500 litres de pétrole brut à partir des raccords supérieurs endommagés.

    Sur le wagon PROX 76346, un des boulons à œil du trou d'homme s'est séparé, créant une fuite d'air. Au cours du déraillement, le levier du robinet de déchargement par le bas s'est détaché de son dispositif de retenue, mais n'a pas été arraché tel que le prévoit sa conception. Il est demeuré attaché au robinet de déchargement par le bas et a partiellement ouvert le robinet. Le levier du robinet de déchargement par le bas du wagon PROX 76346 était déformé et les intervenants d'urgence ont tout de même été en mesure de fermer le robinet. Par contre, le robinet de déchargement par le bas étant ouvert, combiné à la fuite d'air au trou d'homme, environ 18 000 litres d'huile de canola ont pu fuir.

    Le levier du robinet de déchargement par le bas des wagons-citernes TILX 192186 et PROX 76346 est demeuré attaché au robinet de déchargement par le bas à toutes les étapes du déraillement, a par la suite ouvert le robinet qui a laissé fuir le produit, malgré la conformité aux normes de l'AAR. Ce problème lié aux leviers des robinets de déchargement par le bas avait été noté dans d'autres rapports d'enquête sur des accidents et, en 2012, a amené le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis à recommander la modification de la conception de ces leviers afin que les robinets de déchargement par le bas demeurent fermés au cours des déraillements. Toutefois, au moment de l'accident, les modifications recommandées n'avaient pas été apportées et ces types de fuites continuent de se produire lors de déraillements. Même si la conception des leviers des robinets de déchargement par le bas était conforme aux normes de l'AAR, les leviers ont pu passer à la position ouverte au cours de l'accident. Si les leviers des robinets de déchargement continuent d'être exposés sans protection suffisante, les risques de déversement de produits au cours d'un déraillement augmentent.

    Les coques des wagons-citernes TILX 192186, TILX 198203 et PROX 76346 ont conservé leur intégrité, mais il y a tout de même eu des déversements de produits en raison des dommages aux accessoires des wagons-citernes. Même si les raccords supérieurs et inférieurs étaient conformes aux critères de conception, les raccords n'étaient pas suffisamment protégés et ont été cisaillés ou forcés en position ouverte durant le déraillement. Dans cet événement, les raccords supérieurs et inférieurs des wagons-citernes n'ont pas empêché le déversement de produits au cours du déraillement et ont contribué à la gravité du déversement.

    Intervention d'urgence initiale et contrôle des lieux

    Le lieu du déraillement étant relativement éloigné, les enquêteurs du BST sont arrivés sur place seulement en fin de soirée. Avant l'arrivée du BST, les intervenants d'urgence du CP se sont rendus sur place et ont entrepris des mesures d'atténuation. Même si des efforts ont été faits pour coordonner les activités sur les lieux avec les enquêteurs du BST (qui étaient en route), les communications étaient parfois limitées, les représentants du CP n'étaient pas toujours disponibles et les mises à jour sur le déversement de pétrole brut étaient parfois difficiles à obtenir. Il y a eu dans cet événement des lacunes importantes dans l'intervention du CP par suite du déversement du pétrole brut, un produit hautement volatil. En particulier,

    • il n'y avait pas en place de structure de commandement en cas d'incident ni de poste de commandement officiels du CP;
    • l'accès au lieu était presque illimité et il n'y avait aucun périmètre de sécurité;
    • il n'y avait aucun moyen de tenir compte des personnes qui accédaient aux lieux ou combien de personnes se trouvaient sur place;
    • aucune réunion sur la sécurité des lieux n'a été tenue pour passer en revue les dangers potentiels des produits déversés et assurer la coordination des activités;
    • personne n'a mentionné l'incendie qui s'était produit plus tôt dans la soirée;
    • les intervenants d'urgence n'avaient pas facilement accès à des renseignements importants sur les produits et les déversements. Vers 23 h 30 le 3 avril 2013, le CP a initialement informé le BST qu'une quantité d'environ 5 barils (900 litres) de pétrole brut s'était échappée des 2 wagons-citernes. Le BST a plus tard appris que, plus tôt dans la journée, les spécialistes de l'environnement et les représentants du CP savaient déjà qu'au moins 1 des wagons-citernes (TILX 192186) qui transportait du pétrole brut avait perdu la majorité de son contenu (98 500 litres);
    • le manque de surveillance des activités d'atténuation a pu mettre les intervenants d'urgence en danger. Au cours de la restauration des lieux, un bouteur avec grue latérale utilisé par un sous-traitant du CP a basculé et a glissé sur la moitié du remblai alors qu'il tentait de déplacer un wagon.

    Lors d'un accident, il est important que le plus de renseignements exacts possible soient transmis aux organismes pertinents dans les meilleurs délais. Il est aussi important que les mises à jour du rapport initial soient diffusées dès que de nouveaux renseignements sont connus. En présence de marchandises dangereuses, les meilleures pratiques de l'industrie et en matière d'intervention d'urgence prévoient la mise en place de protocoles et d'une structure de commandement en cas d'incident officiels afin d'assurer la coordination de toutes les activités sur les lieux et la sécurité de toutes les personnes sur place. Si les intervenants d'urgence ne sont pas informés de la quantité et du type de marchandises dangereuses déversées et si les mesures de contrôle des lieux ne sont pas mises en œuvre pour réduire l'exposition et les dangers, il y a un risque accru que le personnel sur place soit aux prises avec des circonstances qui peuvent entraîner des blessures.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le déraillement s'est produit après qu'un impact de la roue R1 rompue du 34e wagon (DBUX 302383) a rompu le rail sud (rail de la file basse) dans la courbe au point milliaire 9,41 sur la subdivision de Heron Bay. Cette rupture a entraîné le déraillement du 36e wagon au 57e wagon.
    2. La roue R1 s'est rompue en raison d'une fissure verticale de la jante, ce qui a entraîné la séparation de la jante de roue extérieure sur environ 80 pouces.
    3. La fissure verticale de la jante a pris naissance environ ½ pouce sous la surface de la table de roulement, à la racine d'une écaille.
    4. Une fois que la fissure a atteint des couches plus profondes dans le matériau de la jante, la taille plus importante et l'orientation des dendrites près du centre de la jante de roue ont accéléré la progression de la fissure verticale de la jante.
    5. L'usure de la roue et la détérioration de la table de roulement en raison de l'écaillage se sont combinées pour produire des contraintes dans la jante auxquelles le matériau ne pouvait plus résister.
    6. La roue R1 s'est rompue lorsque la fissure verticale de la jante a atteint une taille critique et que la jante ne pouvait plus résister aux charges de service normales.
    7. L'écaillage de la table de roulement de la roue R1 s'est probablement amorcé en raison d'un méplat non critique.
    8. Malgré la lecture d'une charge d'impact critique en vertu de la règle 41 de l'Association of American Railroads, les lignes directrices du Chemin de fer Canadien Pacifique en matière de détecteurs de défauts de roues permettaient que la roue R1 du wagon-citerne DBUX 302383 demeure en service; elle s'est rompue 4 jours plus tard.
    9. Les raccords supérieurs et inférieurs des wagons-citernes n'ont pas empêché le déversement de produits au cours du déraillement et ont contribué à la gravité du déversement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si les lignes directrices d'un chemin de fer en matière de détecteurs de défauts de roues ne fournissent pas de consignes adéquates sur le traitement des charges d'impact critiques en vertu de la règle 41 de l'Association of American Railroads, il y a un risque accru que des roues présentant des défauts naissants, comme une fissure verticale de la jante, ne soient pas détectées et retirées du service avant qu'elles ne se rompent.
    2. En l'absence de surveillance réglementaire relativement à la technologie des détecteurs de défauts de roues, il est possible que les lignes directrices établies par les compagnies en matière de seuils des détecteurs de défauts de roues ne soient pas assez rigoureuses, ce qui augmente le risque que des roues associées à des charges d'impact élevées ne soient pas toujours retirées du service en temps opportun.
    3. Lorsque la vitesse du train qui franchit un détecteur de défauts de roues est inférieure à 50 milles à l'heure, il y a une plus grande variabilité des résultats de l'évaluation des charges d'impact, augmentant ainsi le risque que des roues défectueuses ne soient pas immédiatement détectées et demeurent en service.
    4. Si les leviers des robinets de déchargement continuent d'être exposés sans protection suffisante, les risques de déversement de produits au cours d'un déraillement augmentent.
    5. Si les intervenants d'urgence ne sont pas informés de la quantité et du type de marchandises dangereuses déversées et si les mesures de contrôle des lieux ne sont pas mises en œuvre pour réduire l'exposition et les dangers, il y a un risque accru que le personnel sur place soit aux prises avec des circonstances qui peuvent entraîner des blessures.

    Autres faits établis

    1. Un lien est possible entre les charges d'impact élevées mesurées par les détecteurs de défauts de roues et les ruptures de roue causées par une fissure verticale de la jante.
    2. Alors que l'injonction ministérielle de Transports Canada prise conformément à l'article 33 de la Loi sur la sécurité ferroviaire et la circulaire OT -55-N de l'Association of American Railroads exigent que les roulements à rouleaux soient surveillés par des détecteurs de boîtes chaudes installés en bordure de la voie, aucun de ces documents ne stipule que le matériel roulant doit être surveillé par des détecteurs de défauts de roues, ce qui atténuerait davantage les risques associés au transport de marchandises dangereuses.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Avis de sécurité ferroviaire 15/13

    Le 26 novembre 2013, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a publié l'Avis de sécurité ferroviaire 15/13 sur la conception du levier de manœuvre du robinet de déchargement par le bas des wagons-citernes. Cet avis indique que les leviers de manœuvre des robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes TILX 192186 et PROX 76346 satisfaisaient aux exigences de conception de l'Association of American Railroads (AAR), mais que cela n'a pas empêché le déversement de produits, car les deux leviers étaient pliés et les deux robinets de déchargement par le bas étaient ouverts, laissant fuir une quantité importante de produit. Il indique aussi qu'avec plus de 228 000 wagons-citernes de catégorie 111 actuellement en service en Amérique du Nord et la susceptibilité des leviers de manœuvre des robinets de déchargement par le bas brisés de laisser s'échapper du produit lors d'un accident, Transports Canada (TC) pourrait juger opportun d'examiner les exigences de conception des leviers de manœuvre des robinets de déchargement par le bas pour les wagons-citernes de catégorie 111.

    Transports Canada

    Dans sa réponse à l'Avis de sécurité ferroviaire 15/13, TC a indiqué ce qui suit :

    • La Direction générale du transport des marchandises dangereuses de TC continuera de communiquer avec l'AAR pour discuter du problème des robinets de déchargement par le bas, qui semble être limité aux soupapes à bille quart-de-tour à 2 voies. Malheureusement, la plupart des wagons qui transportent du pétrole brut sont pourvus d'une soupape à bille quart-de-tour.
    • Un grand nombre des exigences détaillées pour les pièces des wagons sont données dans la spécification de l'AAR relative aux wagons-citernes, spécification M-1002. La section 10.1 de l'annexe E de la spécification M-1002 renferme des exigences quant à la protection des robinets de déchargement par le bas. Ces exigences sont fournies dans la norme canadienne sur les wagons-citernes en vigueur (CAN/CGSB-43.147-2005) et dans la norme proposée de TC sur les wagons-citernes (TP 14877).
    • Le comité sur les wagons-citernes de l'AAR a préparé le dossier T10.7.5 pour examiner le comportement des robinets de déchargement par le bas lors de déraillements, et proposer des solutions. La Direction générale du transport des marchandises dangereuses est membre du groupe de travail sur le dossier Tl0.7.5, qui devrait bientôt publier de nouvelles exigences réglementaires qui seront adoptées dans la spécification M-1002.

    La plus récente ébauche révisée présentée au comité sur les wagons-citernes de l'AAR en janvier 2014 renferme les exigences suivantes : [traduction]

    10.1.2.8 Dispositifs de commande des robinets de déchargement par le bas

    10.1.2.8.1 En ce qui a trait aux wagons neufs commandés avant ****, les leviers des robinets de déchargement par le bas, à moins qu'ils ne soient rangés séparément, doivent être conçus pour soit plier ou se détacher en cas d'impact, soit être positionnés afin de ne pas dépasser, en position fermée, la surface inférieure du dispositif de protection contre le glissement.

    10.1.2.8.2 Les wagons neufs commandés en **** ou après équipés de robinets de déchargement par le bas doivent être pourvus de leviers du type indiqué ci-dessous :

    Leviers rangés séparément :

    • Les leviers des robinets de déchargement par le bas rangés séparément doivent être pourvus d'un raccordement conforme à la figure *** et les robinets doivent être pourvus d'un raccordement montré à la figure ***. La figure est fournie à titre d'exemple seulement.
    • Des dispositions doivent être prises pour assurer le rangement des leviers afin de prévenir leur perte en raison des contraintes ou des impacts au cours du transport.

    Levier intégré au dispositif de protection contre le glissement :

    • Les leviers peuvent demeurer accouplés au robinet s'ils sont intégrés au dispositif de protection contre le glissement en position fermée et s'ils sont pourvus d'un mécanisme de verrouillage en position fermée dont le déverrouillage demande un effort de cisaillement de plus de À DÉTERMINER (c.-à-d., ½ pouce de diamètre) livres.

    Leviers désaccouplés du robinet en position fermée :

    • Les leviers ne sont pas rangés séparément et sont à l'extérieur du dispositif de protection contre le glissement :
      • En position fermée, ces leviers doivent se trouver au-dessus de la surface inférieure du dispositif de protection contre le glissement et être désaccouplés du robinet.
      • En position fermée, ces leviers doivent être pourvus d'un dispositif qui empêche tout accouplement accidentel avec le robinet.
      • En position fermée, ces leviers doivent demeurer accouplés au robinet.

    D'autres dispositifs de commande sont permis s'ils sont approuvés par le comité sur les wagons-citernes de l'AAR et s'ils respectent l'objectif de ces normes.

    10.1.2.8.3 La position complètement ouverte du robinet doit être clairement visible à partir du côté du wagon vu par la partie inférieure du dispositif de protection contre le glissement.

    10.1.2.8.4 Le mécanisme de commande du robinet doit empêcher le fonctionnement du robinet en raison de contraintes ou d'impacts au cours du transport.

    Dans la foulée des initiatives nord-américaines visant à améliorer la sécurité des wagons-citernes de catégorie 111, le comité sur les wagons-citernes de l'AAR et son groupe de travail sur les wagons DOT 111 mèneront une étude sur la performance générale des robinets de déchargement par le bas en cours du transport et la remise à neuf des dispositifs de commande des robinets de déchargement par le bas existants fabriqués selon l'ancienne norme.

    La Direction générale du transport des marchandises dangereuses continuera de participer aux discussions au sein du comité sur les wagons-citernes de l'AAR afin de s'assurer que les exigences proposées améliorent la sécurité des robinets de déchargement par le bas.

    Association of American Railroads

    Conception des leviers des robinets de déchargement par le bas des wagons-citernes

    En novembre 2013, dans sa réponse au préavis de projet de réglementation de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) des États-Unis, l'AAR a recommandé des mesures de sécurité accrues pour les wagons-citernes construits depuis 2011, y compris la modification de la conception des robinets de déchargement par le bas. Plus particulièrement, le comité sur les wagons-citernes de l'AAR propose des améliorations pour mieux protéger les robinets de déchargement par le bas et leur levier, afin de réduire la probabilité que les robinets soient endommagés ou ouverts au cours d'un déraillement. L'AAR estime que les améliorations doivent viser tous les wagons, neufs ou déjà en service, qui transportent des liquides inflammables.

    Le présent rapport met fin à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il est paru officiellement en premier lieu le .

    Correction

    Le Canadien National a fourni de l’information à jour sur ses seuils des détecteurs de défauts de roues après la publication du présent rapport. La section intitulée « Seuils au Canadien National » renferme maintenant l’information à jour.

    Le Bureau a autorisé la présente correction le et la version corrigée du rapport a été publiée le .

    Annexes

    Annexe A – Déraillements antérieurs associés aux charges d'impact de roues

    • R99H0010 – Le 30 décembre 1999, le train de marchandises U-783-21-30 du Canadien National (CN) circulait en direction ouest sur la voie nord de la subdivision de Saint-Hyacinthe. Au point milliaire 50,84, près de Mont-Saint-Hilaire (Québec), des wagons du train ont déraillé et obstrué la voie principale sud adjacente. À peu près au même moment, le train de marchandises M-306-31-30 du CN circulait vers l'est sur la voie sud et est entré en collision avec les wagons du train U-783-21-30 qui venaient de dérailler. Deux membres de l'équipe du train M-306-31-30 ont été mortellement blessés.

      Le rapport a permis de conclure qu'une préfissure existante a été suffisante pour entraîner la rupture du rail sous l'effet des contraintes occasionnées sur le rail par les basses températures ambiantes et des charges d'impact de roues entre 103 et 112 kips, charges qui étaient supérieures aux limites critiques de l'Association of American Railroads (AAR), mais inférieures aux seuils des détecteurs de défauts de roues (DDR) établis par le CN.
    • R03T0030 – Le 23 janvier 2003, 29 wagons du train de marchandises 213-22 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) composé de 92 wagons (23 chargés et 69 vides) ont déraillé au point milliaire 78,2 de la subdivision de White River alors que le train roulait à 34 mi/h. La température au moment de l'événement était de –20 °C.

      Le déraillement s'est produit lorsque la roue R2 du 10e wagon à partir de la tête s'est rompue en raison d'une fissure verticale de la jante. Les charges d'impact engendrées par la roue rompue ont causé la rupture du rail sud, puis le déraillement. Deux jours avant, on avait enregistré des charges d'impact mesurées pour cette même roue de 99 kips à une vitesse de 30 mi/h, soit l'équivalent de charges d'impact calculées de 136,5 kips. Même si les charges d'impact mesurées étaient supérieures à la limite critique établie par l'AAR (90 kips), les charges d'impact mesurées et calculées étaient inférieures au seuil de retrait des DDR du CP. Par conséquent, aucun entretien n'a été effectué sur l'essieu monté après la mesure des charges d'impact.
    • R03T0064 – Le 2 février 2003, pendant qu'il roulait à 37,5 mi/h, le train de marchandises 938-12 du CP a été inspecté à un emplacement de DDR situé près de Raith (Ontario), soit à quelque 59 milles (95 km) à l'ouest de Thunder Bay (Ontario). Bien qu'on n'ait pas relevé de charges d'impact supérieures à 140 kips, 4 des charges d'impact enregistrées avaient une valeur située entre 90 kips et 116 kips, ce qui équivalait à des charges d'impact calculées de 109 à 144 kips. Aucun entretien n'a été effectué ou n'était requis.

      Le 13 février 2003, 21 wagons du train de marchandises 938-12 du CP, qui roulait en direction sud à une vitesse de 42,5 mi/h, ont déraillé au point milliaire 39,5 de la subdivision de Parry Sound, près de Nobel (Ontario). L'enquête a établi que les charges d'impact de roues causées par la partie avant du train, qui étaient supérieures à la limite critique de la règle 41 de l'AAR (90 kips), mais inférieures au seuil de 140 kips établi par le CP, ont vraisemblablement occasionné une rupture fragile qui a pris naissance à la racine de la préfissure et est descendue jusqu'au patin du rail, entraînant la rupture catastrophique finale du rail.
    • R11V0039 – Le 12 février 2011, le train–bloc de charbon C-751–51–11 du CN roulait vers l'ouest sur la subdivision de Nechako à environ 45 mi/h lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale a été déclenché au point milliaire 93,45, près de Fort Fraser (Colombie-Britannique). Après examen, il a été déterminé que 36 wagons avaient déraillé.

      Le déraillement est survenu lorsque la roue L2 du wagon BCNE 900534 s'est rompue de façon catastrophique en raison d'une fissure verticale de la jante. Le point d'origine de la rupture se trouvait à la racine d'une écaille causée par la fatigue de contact de roulement et qui s'étendait sur la partie non supportée de la table de roulement sur ¼ de la circonférence de la roue.

      Moins de 3 heures avant le déraillement, un DDR avait enregistré des charges d'impact de 94,4 kips pour cette roue; le DDR se trouvait à environ 78 milles avant le point de déraillement. La même roue avait produit des charges d'impact supérieures à 80 kips à 3 autres occasions au cours des quelque 6 semaines précédentes. L'enquête a aussi établi qu'il se peut que les politiques de la compagnie concernant les DDR ne fournissent pas l'orientation nécessaire pour déceler les défauts de roues naissants lorsque les charges d'impact sont supérieures aux limites critiques de la règle 41 de l'AAR, mais inférieures aux seuils fixés par la compagnie.
    • R11T0072 – Le 27 mars 2011, le train de marchandises M30511-26 du CN, transportant 97 wagons chargés et 19 wagons vides, circulait vers l'ouest à une vitesse d'environ 50 mi/h sur la subdivision de Kingston lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale a été déclenché; 25 wagons ont déraillé près de Port Hope, en Ontario (point milliaire 268,50). Le déraillement s'est produit lorsque la roue R4 du wagon-citerne PROX 43452 s'est rompue de façon catastrophique en raison d'une fissure verticale de la jante. Le point d'origine de la rupture était à la racine d'une écaille, environ ¼ de pouce sous la table de roulement. La rupture a été causée par la fatigue de contact de roulement et s'est prolongée dans la partie non supportée de la table de roulement sur ¼ de la circonférence de la roue.

      Entre le 29 décembre 2010 et le 27 mars 2011, des DDR avaient enregistré 5 charges d'impact supérieures aux limites critiques (90 kips) de la règle 41 de l'AAR pour la roue R4 du wagon PROX 43452. Une de ces lectures était de 94,2 kips le jour du déraillement. Malgré les nombreuses charges d'impact supérieures aux seuils critiques de l'AAR et les multiples occasions de procéder à une inspection ciblée et/ou au retrait de la roue au cours des 3 mois qui ont précédé l'accident, la roue est demeurée en service jusqu'à ce qu'elle se rompe.