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Rapport d'enquête aéronautique R14Q0047

Collision à un passage à niveau
Un véhicule et
VIA Rail Canada Inc.
Train de voyageurs P60321-05
Point milliaire 120,18, subdivision de St-Maurice
Parent (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 5 décembre 2014, vers 17 h 35, heure normale de l’Est, le train de voyageurs P60321-05 roulant vers l’ouest a heurté un véhicule qui se dirigeait vers le nord au passage à niveau privé du point milliaire 120,18 de la subdivision de St-Maurice. Un occupant du véhicule a été mortellement blessé, deux autres ont été grièvement blessés et un autre a été légèrement blessé.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le 5 décembre 2014, le train de voyageurs P60321-05 (VIA 603) de VIA Rail Canada Inc. (VIA) est parti de Montréal (Québec) pour se rendre à Senneterre (Québec) sur la subdivision de St-Maurice du Canadien National (CN) (Figure 1). Le train était formé d'une locomotive, d'un fourgon à bagages et d'une voiture-coach, pesait environ 227 tonnes et mesurait 227 pieds de long. La locomotive était dotée d'une caméra vidéo orientée vers l'avant. Il y avait 3 voyageurs à bord.

Figure 1. Lieu de l'accident (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)

L'équipe de train était composée d'un mécanicien de locomotive aux commandes et d'un mécanicien responsable. Les membres de l'équipe étaient qualifiés pour leurs postes respectifs et répondaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

Quelque 5 minutes après être parti de la gare de Parent, le VIA 603, qui approchait du passage à niveau privé de la rue des Sources au point milliaire 120,18 à une vitesse de 43,2 mi/h, a utilisé son sifflet, conformément à la réglementation. Les feux de fossé étaient allumés et les phares avant de la locomotive étaient allumés à puissance maximale. L'équipe a remarqué une camionnette (véhicule) roulant vers le nord qui semblait ralentir mais qui a ensuite accéléré pour franchir le passage à niveau.

Les membres de l'équipe ont continué à utiliser le sifflet de locomotive et ont amené le manipulateur à la position de ralenti. Le train n'a pu ralentir suffisamment avant le passage à niveau et a percuté le côté droit du véhicule vers 17 h 35Note de bas de page 1. Les freins d'urgence ont été serrés tout de suite après la collision. La locomotive du train de voyageurs a été légèrement endommagée. La voie n'a pas subi de dommages.

Un occupant du véhicule a été mortellement blessé, deux autres ont été grièvement blessés et un autre a été légèrement blessé. Personne n'a été blessé à bord du VIA 603.

Au moment de la collision, la température était de −9 °C, l'indice de refroidissement éolien était de −14 et le ciel était nuageux. Le soleil s'était couché vers 16 h 40.

1.2 Examen des lieux

Dans le secteur de l'accident et dans les 2 sens de la circulation routière, la rue des Sources est considérée comme un chemin d'accès et elle est en gravier. Elle tourne abruptement pour croiser la voie ferrée à angle droit (Figure 2). Chaque approche du passage à niveau comporte des panneaux routiers, dont un panneau d'arrêt, un panneau indicateur de passage à niveau privéNote de bas de page 2 et un panneau indicateur réfléchissant normalisé de passage à niveau (croix de Saint-André). Il n'y a aucune ligne d'arrêt de l'un ou de l'autre côté du passage à niveau, et aucune réglementation n'exige qu'il y en ait. La limite de vitesse sur la rue des Sources est de 50 km/h.

Au moment de l'accident, la visibilité était bonne. La surface de la route à l'approche sud était enneigée. Aucune marque de dérapage n'a été observée dans la neige avant le passage à niveau.

La croix de Saint-André et le panneau d'arrêt situés du côté sud de la voie ferrée commençaient à être visibles aux véhicules se dirigeant vers le nord à une distance d'environ 100 piedsNote de bas de page 3. Le panneau d'arrêt était courbé et penché et une des branches de la croix de Saint-André était dissimulée par le panneau de passage à niveau privé (Figure 2).

Figure 2. Trajectoire du véhicule par rapport au train au passage à niveau de la rue des Sources et disposition des panneaux indicateurs routiers

Les lignes de visibilité au panneau d'arrêt à l'approche sud du passage à niveau étaient d'environ 950 pieds étant donné la présence d'une courbe vers la gauche, de wagons couverts stationnés à l'usine Kruger et d'un amoncellement de copeaux de bois couverts de neige. Des lampadaires à l'extérieur de l'usine Kruger et dans le stationnement de l'usine étaient allumés.

Des marques dans la neige au nord-ouest du passage à niveau ont révélé que, par suite de l'impact, le véhicule (Dodge Ram de 2011) a été déplacé latéralement vers l'ouest et a fauché la croix de Saint-André située du côté nord de la voie avant de tomber dans un fossé. Il a ensuite effectué plusieurs tonneaux et s'est arrêté au fond du fossé, gisant sur le côté conducteur. Le véhicule a été complètement détruit dans l'accident.

1.3 Renseignements sur la subdivision

La subdivision de St-Maurice du CN est constituée d'une voie principale simple qui relie la gare de Fitzpatrick au point milliaire 0,0, près de La Tuque (Québec), à Senneterre (Québec) au point milliaire 257,2. Il s'agit d'une voie de catégorie 3, au sens du Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée dans la subdivision est de 50 mi/h pour les trains de voyageurs et de 40 mi/h pour les trains de marchandises.

Les mouvements de train sont contrôlés par le système de régulation d'occupation de la voie en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire du CN situé à Montréal (Québec).

Dans le secteur de l'accident, la voie est considérée comme une voie de subdivision. Le REF définit une voie de subdivision comme il suit :

Voie non principale indiquée dans la colonne « Méthode d'exploitation » de l'indicateur qui est le prolongement de la voie principale et correspond à la voie directe à l'emplacement en question, tel que défini par des poteaux milliaires. La vitesse RÉDUITE s'applique jusqu'à la vitesse maximale indiquée dans l'indicateur.Note de bas de page 4

Une vitesse réduite est une « vitesse permettant de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulantNote de bas de page 5. » L'indicateur du CN pour la subdivision de St-Maurice indique que les mouvements sur les voies de subdivision sont régis par la règle 105(c) du REFNote de bas de page 6.

Selon l'indicateur du CN en vigueur, la vitesse maximale autorisée est de 45 mi/h pour les trains de voyageurs et de 40 mi/h pour les trains de marchandises, du point milliaire 118,9 (Parent) au point milliaire 119,2. Une limitation permanente de vitesse de 10 mi/h pour les trains de voyageurs et de marchandises s'étend du point milliaire 119,2 au point milliaire 120,0. La vitesse maximale autorisée passe à 45 mi/h pour les trains de voyageurs et à 40 mi/h pour les trains de marchandises du point milliaire 120,0 au point milliaire 121,1.

Au moment de l'accident, le trafic ferroviaire quotidien sur cette subdivision consistait en 1 train de voyageurs de VIANote de bas de page 7 et 2 trains de marchandises du CN (1 dans chaque direction).

1.4 Renseignements sur la voie

La voie ferrée était composée de rails boulonnés de 100 livres datant de 1969, reliés avec des éclisses à 4 trous, posés sur des selles de 14 pouces à double épaulement, retenues à chaque traverse par 6 crampons et encadrées par des anticheminants à toutes les 3 traverses. Il y avait environ 3200 traverses de bois dur par mille de voie. Le ballast était composé de pierre concassée et les cases étaient garnies. La voie ferrée était en bon état.

1.5 Conception des passages à niveau et exigences en matière de signalisation

Au moment de l'accident, au Canada, les panneaux indicateurs et les marquages routiers, y compris ceux aux passages à niveau, devaient se conformer aux indications du Manuel canadien de la signalisation routière (MCSR). Aux termes du MCSR,

Le passage à niveau privé de la rue des SourcesNote de bas de page 8 répondait aux exigences en matière de lignes de visibilité du Règlement sur les passages à niveauNote de bas de page 9 et des Normes sur les passages à niveauNote de bas de page 10.

En 2006, un autre accident est survenu au même passage à niveau (événement R06Q0071 du BST). Un train de VIA avait percuté un véhicule; personne n'avait été blessé.

1.6 Indications en bordure de la voie dans le secteur de l'accident

Des panneaux de signalisation ferroviaire sont situés en bordure de la voie afin de permettre aux mécaniciens de locomotive d'exploiter les trains selon les règles. Ces panneaux comprennent, entre autres, des panneaux indiquant les points milliaires, commandant de siffler aux passages à niveau et indiquant les zones de limitation permanente ou temporaire de vitesse.

Dans l'accident à l'étude, le panneau indiquant la fin de la limitation permanente de vitesse (carré vert) se trouvait au point milliaire 119,84 et le panneau commandant de siffler combiné à l'indication du point milliaire 120 était positionné au point milliaire 119,96. L'indication du point milliaire 120 était quelque peu pliée et en angle (Photo 1).

Photo 1. Panneau de fin de limitation permanente de vitesse par rapport au panneau commandant de siffler, vue en direction ouest (Source : VIA)

1.7 Occupants du véhicule

Le jour de l'accident, les 4 occupants du véhicule se rendaient à Lac-Simon (Québec), situé à environ 3 heures de route de Parent (Québec). Vers 16 h 30, les occupants se sont arrêtés à un restaurant de Parent situé en face de la gare de Parent pendant environ une heure.

En quittant le restaurant, seule la conductrice a bouclé sa ceinture de sécurité. Le véhicule a traversé le passage à niveau de la rue Saint-André au point milliaire 119,25 et a poursuivi sa route vers l'ouest (Figure 3). À l'approche du passage à niveau de la rue des Sources, le véhicule a ralenti à une vitesse de 7 km/h. Le passager avant aurait regardé vers l'est (à droite) et aurait ensuite dit à la conductrice qu'elle avait le temps de passer. Le véhicule a accéléré et a atteint une vitesse de 14 km/h au moment de la collision. Les fenêtres du véhicule étaient fermées et le chauffage ainsi que la radio étaient en marche. La conductrice avait utilisé ce passage à niveau à environ 4 reprises auparavant et ne l'avait pas franchi depuis environ 1 an.

Figure 3. Trajectoire du VIA 603 et du véhicule

1.8 Examen toxicologique

Pendant l'heure qui a précédé l'accident, la conductrice a consommé de la cocaïne et le passager avant, de l'alcool.

L'examen toxicologique a révélé

La consommation de cocaïne produit de l'excitation, peut causer de la désorientation et nuit au degré d'attention et de concentration. De plus, la cocaïne a une incidence sur les temps de réaction, ce qui peut résulter en des réponses plus rapides mais moins réfléchies, des réponses plus impulsives et une plus grande prise de risqueNote de bas de page 12. La consommation d'alcool a un impact négatif sur les facultés, notamment les habiletés à suivre des objets. La perception et le temps de réaction peuvent être affectés à des taux de 0,03 et 0,04 respectivementNote de bas de page 13.

1.9 Renseignements consignés

1.9.1 Consignateur d'événements de la locomotive VIA 6413

Les données du tableau 1 ont été tirées du consignateur d'événements de la locomotive VIA 6413.

Tableau 1. Déroulement des événements qui ont mené à la collision
Heure Événement
17 h 24 min 37 s Le VIA 603 s'arrête à la gare de Parent (point milliaire 118,9).
17 h 30 min 6 s Le VIA 603 quitte la gare de Parent.
17 h 30 min 43 s Alors que le VIA 603 roule à 17,4 mi/h au point milliaire 119,03, son manipulateur est amené à la position 2 en préparation pour la limitation permanente de vitesse de 10 mi/h du point milliaire 119,2 au point milliaire 120,0.
17 h 31 min 17 s Alors qu'il roule à 17,4 mi/h avec le manipulateur au ralenti, le VIA 603 arrive dans la zone de limitation permanente de vitesse de 10 mi/h (point milliaire 119,2).
17 h 31 min 30 s Le VIA 603 traverse le passage à niveau de la rue Saint-André au point milliaire 119,25.
17 h 31 min 39 s Le VIA 603 atteint une vitesse de 10 mi/h, ce qui est conforme à la limitation permanente de vitesse (point milliaire 119,28).
17 h 34 min 18 s Le VIA 603 commence à accélérer alors qu'il est encore dans la zone de limitation permanente de vitesse (point milliaire 119,78).
17 h 34 min 32 s Alors qu'il roule à 20,4 mi/h avec le manipulateur à la position 5, la queue du VIA 603 atteint le panneau de fin de la limitation de vitesse qui est situé au point milliaire 119,84.
17 h 34 min 45 s Le VIA 603 commence à siffler en approche du passage à niveau de la rue des Sources.
17 h 34 min 56 s Alors qu'il roule à 37,1 mi/h avec le manipulateur à la position 6, la queue du VIA 603 atteint le panneau indicateur du point milliaire 120 (endroit où la limitation permanente de vitesse se termine réellement).
17 h 35 min 7 s Alors que le VIA 603 roule à 42,1 mi/h et continue de siffler, le manipulateur est amené à la position de ralenti (point milliaire 120,17).
17 h 35 min 8 s Alors que le VIA 603 roule à 43,2 mi/h, il heurte le véhicule au point milliaire 120,18.
17 h 35 min 9 s Alors que le VIA 603 roule à 43,2 mi/h, les freins d'urgence sont serrés.
17 h 35 min 35 s Le VIA 603 s'arrête (point milliaire 120,38).

1.10 Enregistrement vidéo de la caméra orientée vers l'avant installée sur la locomotive VIA 6413

Un examen de l'enregistrement vidéo de la caméra orientée vers l'avant installée sur la locomotive VIA 6413 a permis de déterminer que le véhicule a réduit sa vitesse et a ensuite accéléré pour franchir le passage à niveau.

1.11 Module de contrôle du véhicule

Un examen de l'information téléchargée du module de contrôle du véhicule a permis de déterminer qu'environ 5 secondes avant l'impact, le véhicule roulait à 18 km/h et ses freins étaient serrés. Environ 3 secondes avant l'impact, les freins du véhicule étaient toujours serrés et sa vitesse avait diminué à 7 km/h. Ensuite, 0,1 seconde avant la collision, le véhicule avait accéléré à 14 km/h et les freins étaient desserrés. Selon le même module, la ceinture de sécurité de la conductrice était bouclée.

1.12 Ceintures de sécurité

Depuis le début des années 1970, TC exige l'installation de ceintures de sécurité dans tous les nouveaux véhicules automobiles. Par la suite, tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ont adopté des lois exigeant le port des ceintures de sécurité pour tous les occupantsNote de bas de page 14.

De nos jours, environ 95 % des Canadiens portent leur ceinture de sécurité. Le taux de conformité aux exigences du port de la ceinture de sécurité est moins élevé dans les régions rurales (92 %) que dans les régions urbaines (95,8 %)Note de bas de page 15.

Lorsque la ceinture de sécurité est correctement utilisée, elle peut réduire les risques de décès de 47 % et ceux de blessures graves de 52 % lors d'une collisionNote de bas de page 16. En cas d'accident, les conducteurs et passagers non attachés peuvent devenir des projectiles, se blesser ou blesser d'autres occupants du véhicule.Note de bas de page 17

En 2013, 32 % des conducteurs décédés et 11,7 % des conducteurs grièvement blessés ne portaient pas leur ceinture de sécurité. La même année, 30,7 % des passagers décédés et 18,5 % des passagers grièvement blessés ne portaient pas leur ceinture de sécuritéNote de bas de page 18. Dans l'accident à l'étude, la conductrice portait sa ceinture de sécurité, mais les 3 passagers n'en portaient pas.

Les coussins gonflables offrent une protection efficace contre les blessures. Par contre, le déploiement des coussins gonflables peut aggraver les blessures si les ceintures de sécurité ne sont pas correctement utilisées par les occupants du véhicule. Dans l'accident à l'étude, les coussins gonflables ont été déployés.

1.13 Comportement des conducteurs de véhicules aux passages à niveau

La décision de traverser une voie ferrée devant un train en approche exige d'un conducteur qu'il estime le temps dont il dispose pour traverser la voie, et sa capacité à le faire dans cet intervalle. Entrent aussi en ligne de compte les repères visuels, les repères auditifs et la perception des risques liés à la traversée d'une voie ferrée devant un train.

Un panneau d'arrêt installé à un passage à niveau ou à un carrefour exige que les conducteurs immobilisent complètement leur véhicule. Ils doivent, depuis leur position d'arrêt, regarder de chaque côté pour s'assurer que la voie est libre (aucun train ou véhicule à l'approche, selon le cas) avant de poursuivre leur route.

Des études sur le comportement des conducteurs de véhicules ont permis de démontrer qu'il existe chez les conducteurs divers degrés de conformité à un panneau d'arrêtNote de bas de page 19, Note de bas de page 20, Note de bas de page 21. Bien que la plupart des conducteurs s'immobilisent complètement et regardent des 2 côtés (degré élevé de conformité), certains ne ralentissent pas et négligent d'observer l'intersection pour voir si un train approche (faible degré de conformité).

1.14 Intervention d'urgence

L'hôpital le plus proche des lieux de l'accident est celui de La Tuque, à près de 200 km de Parent. De plus, il y a un point de services du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Haut-Saint-Maurice à Parent.

Les membres de l'équipe du train ont immédiatement signalé l'accident au contrôleur de la circulation ferroviaire du CN et sont allés porter secours aux victimes en attendant l'arrivée des premiers intervenants. Des employés de l'usine Kruger sont arrivés sur les lieux peu après l'accident. Vers 17 h 55, les services 911 ont demandé l'envoi de premiers intervenants et de pinces de désincarcération pour un accident entre un véhicule et un train. Un infirmier du CSSSNote de bas de page 22 est arrivé sur les lieux vers 18 h, tandis que des pompiers volontaires sont arrivés sur les lieux vers 18 h 10, soit environ 35 minutes après l'accident.

L'occupante légèrement blessée assise derrière la conductrice a pu sortir du véhicule d'elle-même. À leur arrivée, les pompiers volontaires de Parent ont utilisé les outils manuels (écarteurs) à leur disposition pour tenter de faire sortir les 3 autres blessés, mais sans succès. C'est avec l'aide des employés de Kruger et d'outils supplémentaires provenant de l'usine qu'ils ont réussi à les faire sortir du véhicule.

Les victimes ont toutes été transportées par ambulance au point de services du CSSS à Parent, où un autre infirmier, qui avait été rappelé pour ouvrir les lieux, a pris en charge les blessés. Le point de services du CSSS à Parent n'avait pas assez d'équipement et de médicaments pour traiter de multiples blessés à la fois. Les 3 survivants ont été stabilisés et préparés pour leur transport vers l'hôpital de La Tuque. La passagère arrière légèrement blessée a été transportée par ambulance, et la conductrice ainsi que l'autre passager arrière, grièvement blessés, par hélicoptère.

1.15 La Liste de surveillance du BST

1.15.1 La sécurité aux passages à niveau ferroviaires figure sur la Liste de surveillance de 2014

La Liste de surveillance renferme les enjeux qui font courir les plus grands risques au système de transport du Canada; le BST la publie pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une intervention immédiate.

Comme l'événement à l'étude l'a démontré, le risque que des trains entrent en collision avec des véhicules aux passages à niveau demeure trop élevé.

Dans la Liste de surveillance de 2014, le BST demande instamment à TC de mettre en application un nouveau règlement sur les passages à niveau, d'établir des normes ou lignes directrices améliorées pour certains types de panneaux indicateurs de passage à niveau, et de continuer de faire preuve de leadership dans les évaluations de la sécurité aux passages à niveau et l'amélioration du financement. Pour être complète, la solution doit en outre être établie après consultation des autorités provinciales et favoriser une sensibilisation plus poussée du public aux dangers existant aux passages à niveau ferroviaires.

En novembre 2014, le nouveau Règlement sur les passages à niveau est entré en vigueur. Ce règlement donne suite à plusieurs recommandations en suspens concernant la sécurité aux passages à niveau ferroviaires.

2.0 Analyse

L'examen de la voie n'a fait ressortir aucune défectuosité géométrique antérieure à l'accident. L'analyse se concentrera sur le comportement de la conductrice du véhicule au passage à niveau, l'exploitation du train, la conception des passages à niveau, l'utilisation des ceintures de sécurité et l'intervention d'urgence.

2.1 L'accident

Le panneau d'arrêt était visible aux conducteurs de véhicules roulant vers le nord et les lignes de visibilité à ce panneau étaient conformes au Règlement sur les passages à niveau et aux Normes sur les passages à niveau. À partir du signal d'arrêt, il était possible de percevoir à distance (950 pieds) le phare avant de la locomotive. Un certain nombre d'enquêtes du BST ont permis de conclure que l'efficacité du klaxon peut être compromise par le bruit ambiant à l'intérieur du véhiculeNote de bas de page 23. Dans l'événement à l'étude, il aurait été difficile d'entendre le sifflet de la locomotive compte tenu que les fenêtres du véhicule étaient fermées et que le chauffage ainsi que la radio étaient en marche. La réduction de vitesse du véhicule (de 18 km/h à 7 km/h à l'approche du passage à niveau) indique qu'on a tenté de déterminer s'il était possible de traverser le passage à niveau en toute sécurité. Cependant, les perceptions visuelles à partir d'un véhicule en mouvement sont bien différentes de celles à partir d'un véhicule à l'arrêt. L'absence d'un arrêt complet indique une conduite risquée. Le passager avant, qui a regardé à droite, soit la direction d'où venait le train, a possiblement sous-estimé le temps que prendrait le train pour arriver au passage à niveau ou ne savait pas si les phares qu'il voyait dans la noirceur provenaient de l'usine ou du train qui approchait. Compte tenu que le passager avant aurait dit à la conductrice qu'elle avait le temps de passer, il est fort probable que le passager a conclu à tort qu'il y avait suffisamment de temps pour traverser avant l'arrivée du train. La conductrice a réagi en conséquence et a continué au-delà du signal d'arrêt. Le véhicule ne s'est pas arrêté au panneau d'arrêt et s'est engagé sur le passage à niveau, dans la trajectoire du train. La conductrice et le passager avant ont cru à tort qu'il y avait suffisamment de temps pour devancer l'arrivée du train. La confusion du passager avant est probablement provenue d'une sous-estimation de la vitesse du train et de l'arrivée du train au passage à niveau ou de la possibilité qu'il croyait que les phares du train étaient les phares de l'usine.

L'équipe de train n'a pas pu prendre de mesures pour éviter la collision et la locomotive a percuté le véhicule du côté passager et l'a poussé dans le fossé. Les freins d'urgence du train ont été serrés tout de suite après la collision.

Tout semble indiquer que le train et le véhicule sont partis environ au même moment et presque du même endroit. Donc, il est possible que le passager avant ait estimé la vitesse du train en fonction de ce qu'il avait perçu plus tôt dans le village, soit un train qui roulait à basse vitesse. Cependant, il faut noter qu'il est difficile d'estimer avec fiabilité la vitesse d'un train qui approche, particulièrement dans la noirceur, étant donné la perspective frontale de l'observateurNote de bas de page 24. De plus, une telle estimation serait faussée lorsque les facultés sont affaiblies par la consommation d'alcool, notamment si le taux d'alcoolémie est relativement élevé. Les effets néfastes de l'alcool et de substances illicites sur le comportement sont bien documentés, notamment ceux sur la perception et la prise de risques. La consommation d'une substance illicite (conductrice et passager avant) et d'alcool (passager avant) ont probablement contribué à la prise de décision de conduire le véhicule au-delà du signal d'arrêt alors que le train approchait du passage à niveau.

2.2 Exploitation du train

Le sifflet de la locomotive a été actionné pendant 20 secondes avant d'occuper le passage à niveau. Le VIA 603 roulait à une vitesse plus élevée que la vitesse permise dans la zone de limitation permanente de vitesse et a commencé à accélérer avant le point milliaire 120. Par contre, le train roulait à une vitesse de 43,2 mi/h au passage à niveau alors que la limite permise était de 45 mi/h.

Étant donné que l'indication du point milliaire et le panneau de fin de limitation de vitesse auraient dû être situés au point milliaire 120 et que le panneau commandant de siffler aurait dû être situé au point milliaire 119,93, le mauvais emplacement de ces panneaux a été une source de confusion parmi les membres de l'équipe au sujet de l'exploitation du train. En raison de cette confusion, le train roulait à 37,1 mi/h lorsque sa queue a atteint la fin de la limitation de vitesse de 10 mi/h. Pour s'assurer que l'exploitation des trains se fasse en toute sécurité, les panneaux ferroviaires devraient être correctement situés et visibles de façon à ce qu'ils soient bien identifiés. Des panneaux ferroviaires qui ne peuvent être correctement identifiés ou qui sont situés au mauvais endroit peuvent entraîner de la confusion parmi les membres de l'équipe de train ou un manque d'uniformité dans l'application des règles, ou les deux, ce qui augmente les risques d'exploitation, surtout dans les environs des passages à niveau.

2.3 Caméra vidéo orientée vers l'avant de la locomotive

Les caméras vidéo orientées vers l'avant adoptées par l'industrie ferroviaire se sont révélées très utiles lors d'enquêtes précédentes. Pour la présente enquête, une analyse de la vidéo enregistrée a fourni de l'information fiable, indépendante et objective qui a aidé à reconstituer le fil des événements. La présence d'une caméra vidéo orientée vers l'avant installée sur la locomotive VIA 6413 et l'obtention d'un enregistrement fiable à partir de cette caméra ont contribué à la compréhension des circonstances ayant mené à l'accident en cause.

2.4 Entretien des panneaux routiers aux environs des passages à niveau

L'entretien des panneaux indicateurs routiers n'était pas conforme aux normes du Manuel canadien de la signalisation routière (MCSR). De plus, étant donné qu'il s'agissait d'un chemin en gravier, la chaussée n'était pas marquée d'une ligne d'arrêt. De tels facteurs compromettent le niveau de conformité des conducteurs de véhicules aux panneaux indicateurs des passages à niveau. Si les panneaux indicateurs routiers à un passage à niveau routier sont mal entretenus, le niveau de conformité des conducteurs de véhicules aux panneaux indicateurs de passage à niveau peut en être touché, ce qui fait augmenter le risque de collision véhicule-train.

2.5 Ceintures de sécurité

Il est bien connu que le port des ceintures de sécurité peut réduire les risques de blessure et de décès en cas d'accident. Dans l'accident à l'étude, en plus d'être heurté par le train, le véhicule a fait plusieurs tonneaux avant de s'immobiliser, de sorte que les passagers non attachés ont été projetés de tous côtés dans le véhicule. Par ailleurs, il est possible que le déploiement des coussins gonflables ait aggravé les blessures au passager avant qui ne portait pas sa ceinture de sécurité. La gravité des blessures a vraisemblablement été augmentée par le fait que les passagers ne portaient pas leurs ceintures de sécurité.

2.6 Intervention d'urgence

Pour qu'une intervention d'urgence soit bien réussie, elle doit être bien planifiée et préparée. Pour ce faire, les premiers intervenants doivent avoir reçu la formation appropriée, l'équipement nécessaire doit être disponible et bien entretenu, et des exercices d'intervention doivent avoir lieu périodiquement.

Dans l'accident à l'étude, les premières personnes qui sont arrivées sur les lieux étaient l'équipe de train et des employés de l'usine Kruger. Lorsque les premiers intervenants (pompiers volontaires) se sont rendus sur place, ils étaient équipés d'outils de désincarcération manuels, mais ils ont dû faire appel à des outils supplémentaires en provenance de l'usine Kruger pour réussir à évacuer les blessés du véhicule. En outre, le point de services du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) à Parent n'avait pas assez d'équipement et de médicaments pour traiter de multiples blessés à la fois.

Étant donné le secteur éloigné, il est possible que des éléments de l'intervention d'urgence ne soient pas mis en œuvre de façon optimale dans toutes les circonstances. Par contre, si les premiers intervenants sur place ne sont pas munis de l'équipement approprié pour mener à bien l'intervention d'urgence, il y a des risques que les délais soient plus longs et que les chances de survie soient diminuées.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le véhicule ne s'est pas arrêté au panneau d'arrêt et s'est engagé sur le passage à niveau, dans la trajectoire du train.
  2. La conductrice et le passager avant ont cru à tort qu'il y avait suffisamment de temps pour devancer l'arrivée du train.
  3. La confusion du passager avant est probablement provenue d'une sous-estimation de la vitesse du train et de l'arrivée du train au passage à niveau ou de la possibilité qu'il croyait que les phares du train étaient les phares de l'usine.
  4. La consommation d'une substance illicite (conductrice et passager avant) et d'alcool (passager avant) ont probablement contribué à la prise de décision de conduire le véhicule au-delà du signal d'arrêt alors que le train approchait du passage à niveau.
  5. La gravité des blessures a vraisemblablement été augmentée par le fait que les passagers ne portaient pas leurs ceintures de sécurité.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Des panneaux ferroviaires qui ne peuvent être correctement identifiés ou qui sont situés au mauvais endroit peuvent entraîner de la confusion parmi les membres de l'équipe de train ou un manque d'uniformité dans l'application des règles, ou les deux, ce qui augmente les risques d'exploitation, surtout dans les environs des passages à niveau.
  2. Si les panneaux indicateurs routiers à un passage à niveau routier sont mal entretenus, le niveau de conformité des conducteurs de véhicules aux panneaux indicateurs de passage à niveau peut en être touché, ce qui fait augmenter le risque de collision véhicule-train.
  3. Si les premiers intervenants sur place ne sont pas munis de l'équipement approprié pour mener à bien l'intervention d'urgence, il y a des risques que les délais soient plus longs et que les chances de survie soient diminuées.

3.3 Autres faits établis

  1. La présence d'une caméra vidéo orientée vers l'avant installée sur la locomotive VIA 6413 et l'obtention d'un enregistrement fiable à partir de cette caméra ont contribué à la compréhension des circonstances ayant mené à l'accident en cause.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 VIA Rail Canada Inc.

Au terme de l'enquête interne sur cet accident, des gestionnaires de VIA Rail Canada Inc. (VIA) se sont rendus sur place et ont constaté que les panneaux de signalisation n'étaient pas au bon endroit. VIA en a fait part au Canadien National (CN), le propriétaire de la voie.

4.1.2 Canadien National

Après avoir été averti par VIA du fait que des panneaux étaient au mauvais endroit, le CN s'est rendu sur place et a déplacé des panneaux pour les installer au bon endroit, juste avant le point milliaire 120,18.

À la suite d'une inspection effectuée par Transports Canada (TC) le 15 juillet 2015 au passage à niveau de la subdivision de St-Maurice, le CN a installé le panneau de passage à niveau, le panneau de passage à niveau privé et le panneau d'arrêt sur un seul poteau pour éviter d'obstruer la vue des autres panneaux.

4.1.3 Lettre d'information sur la sécurité ferroviaire

Le 10 juillet 2015, le BST a envoyé la lettre d'information sur la sécurité 05/15 à TC au sujet des panneaux de signalisation destinés aux équipes de train dans la subdivision de St-Maurice. Dans cette lettre, le BST a affirmé que l'identification appropriée des panneaux ferroviaires est essentielle à l'exploitation des trains en toute sécurité et que des panneaux qui ne peuvent être correctement identifiés ou qui sont situés au mauvais endroit peuvent entraîner de la confusion parmi les membres de l'équipe ou un manque d'uniformité dans l'application des règles, ou les deux. Le BST a laissé savoir à TC qu'il ignore si tous les panneaux en bordure de voie destinés aux équipes de train dans la subdivision de St-Maurice sont situés au bon endroit ou bien à la vue des équipes de train.

Le 12 août 2015, TC a répondu que la visibilité et l'intégrité des panneaux de signalisation sont surveillées par l'entremise du programme de surveillance des rails de TC et que, si des mesures correctives s'imposent, les inspecteurs de TC communiqueront avec le CN.

4.1.4 Centre de santé et de services sociaux du Haut-Saint-Maurice

Depuis l'accident, le point de services du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Haut Saint-Maurice à Parent dispose davantage d'équipement médical et de médicaments de façon à pouvoir traiter plusieurs personnes en même temps.

4.1.5 Service des incendies de La Tuque (secteur Parent)

À la suite d'une réunion dans le cadre de laquelle l'intervention et les besoins ont été revus et analysés, le service des incendies de La Tuque (secteur Parent) s'est doté d'un ensemble de pinces de désincarcération, de poutrelles télescopiques et de divers petits outils. Lors de la réception des équipements, une formation théorique et pratique donnée par un instructeur qualifié et reconnu par l'École nationale des pompiers du Québec a été dispensée à l'ensemble du personnel sur l'utilisation et les différentes techniques de désincarcération.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .