Rapport d'enquête ferroviaire R15M0034

Déraillement en voie principale
Chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises M30511-17
Point milliaire 212,8, subdivision de Napadogan
Saint-Basile (Nouveau-Brunswick)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 17 avril 2015, vers 14 h 50, heure avancée de l’Atlantique, 35  wagons et 1 locomotive à traction répartie du train de marchandises M30511-17 des Chemins de fer nationaux du Canada, circulant vers l’ouest à 46 m/h, ont déraillé au point milliaire 212,8 dans la subdivision de Napadogan, près de Saint-Basile (Nouveau-Brunswick). Le déraillement a détruit environ 900 pieds de voie principale. Vingt des wagons déraillés étaient des wagons-citernes de résidus de pétrole brut (UN 1267, classe 3, leur dernier chargement). Il n’y a pas eu de fuite et personne n’a été blessé.

    1.0 Renseignements de base

    1.2 L'accident

    Le 17 avril 2015, vers 14 h 50Note de bas de page 1, le train de marchandises M30511-17 des Chemins de fer nationaux du Canada (CN) en provenance de Moncton (Nouveau-Brunswick), roulait vers l'ouest dans la subdivision de Napadogan, à destination de Toronto (Ontario). Le train roulait à 46 mi/h lorsque 35 wagons et 1 locomotive à traction répartie (LTR) ont déraillé aux environs du point milliaire 212,8, près de Saint-Basile (Nouveau-Brunswick) (figure 1).

    Figure 1. Lieu du déraillement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
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    Lieu du déraillement

    Le train était tracté par 2 locomotives de tête connectées à 1 LTR. La LTR se trouvait à environ 6300 pieds de la tête du train, avec un tonnage remorqué d'environ 4900 tonnes. Le train comptait 160 wagons, dont 114 étaient chargés, 6 étaient vides, et 40 étaient des wagons-citernes de résidus. Le train avait une longueur d'environ 12 000 pieds et pesait approximativement 11 200 tonnes.

    L'équipe de train se composait de 1 mécanicien de locomotive et 1 chef de train. Tous 2 étaient qualifiés pour leurs postes respectifs, se conformaient aux normes d'aptitude au travail et de repos, et connaissaient bien la subdivision.

    1.2 Examen des lieux

    Le déraillement s'est produit dans une zone rurale adjacente à la route 144 (figure 2). Dans cette zone, la voie longe la rivière Saint-Jean qui constitue la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis. Les wagons qui ont déraillé se sont immobilisés des 2 côtés de la voie, et beaucoup de wagons ont dévalé le remblai vers la rivière Saint-Jean.

    Figure 2. Diagramme du site indiquant le matériel roulant de la 61e à la 95e position (Source : Google Earth, Image © DigitalGlobe, 2015, avec annotations du BST)
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    Diagramme du site indiquant le matériel roulant de la 61e à la 95e position

    L'examen des lieux a permis de constater ce qui suit :

    • Les locomotives de tête et les 60 premiers wagons étaient séparés du convoi; le 60e wagon s'est immobilisé sur la voie principale à environ 1500 pieds à l'ouest du lieu du déraillement.
    • Les wagons de la 61e à la 95e position (y comprise) ont déraillé (photo 1 et photo 2).
    • Les 65 wagons suivants (soit de la 96e à la 160e position) du convoi sont restés sur la voie.
    • Les wagons déraillés comptaient 5 wagons plats à poutre centrale transportant du bois, 1 wagon plat transportant des panneaux muraux, 8 wagons couverts transportant du papier, 20 wagons-citernes de résidus (cat 111) de pétrole brut (UN 1267, classe 3, leur dernier chargement) et 1 wagon-trémie vide.
    • La LTR, qui était située entre le 65e et le 66e wagons, a déraillé et s'est immobilisée, la partie avant à proximité du point milliaire 212,87.
    • Le déraillement a détruit environ 900 pieds de voie, entre les points milliaires 212,93 et 212,76.
    Photo 1. Vue des wagons-citernes de résidus déraillés sur le remblai vers la rivière Saint-Jean (Source : Service d'incendie d'Edmundston)
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    Vue des wagons-citernes de résidus déraillés sur le remblai vers la rivière Saint-Jean
    Photo 2. Vue vers l'avant du train montrant le matériel roulant déraillé du côté nord de la voie (Source : Service d'incendie d'Edmundston)
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    Vue vers l'avant du train montrant le matériel roulant déraillé du côté nord de la voie

    1.3 Matériel roulant déraillé

    Les wagons déraillés devant la LTR (autrement dit, les wagons de la 61e à la 65e position) se sont immobilisés renversés en ligne, du côté nord de la voie (tableau 1). Les wagons en 61e et 62e position se sont détachés des autres, alors que les wagons de la 63e à la 65e position, ainsi que la LTR, se sont immobilisés en restant attelés les uns aux autres.

    Tableau 1. Six premiers matériels roulants déraillés
    Position dans la rame Marque et numéro Type de matériel roulant
    61 CN 624072 Wagon plat à poutre centrale – chargé de bois
    62 DWC 627099 Wagon plat à poutre centrale – chargé de bois
    63 CNA 623013 Wagon plat à poutre centrale – chargé de bois
    64 GTW 623676 Wagon plat à poutre centrale – chargé de bois
    65 AOK 27626 Wagon plat à poutre centrale – chargé de bois
    LTR CN 8954 LTR (EMD SD70M-2)

    Le 61e wagon (CN 624072) circulait avec le bout B en tête. Le bogie avant était toujours fixé au wagon. Une zone de contact brillante a été observée sur le glissoir de caisse au même bout, du côté droit (bout BR). Étant donné que les surfaces des glissoirs se touchent, elles se frottent l'une contre l'autre et s'usent; ainsi, elles peuvent se polir. Le bogie arrière (bout A) était situé à une trentaine de pieds derrière le wagon. Aucun de ses composants ne s'étaient détachés. Le corps de l'attelage à l'extrémité arrière du wagon était déformé, l'attelage s'étant tordu dans le sens horaire. Les toiles des roues du bogie arrière présentaient des éraflures importantes, généralement associées au contact avec le ballast de la voie (photo 3).

    Photo 3. Éraflures sur la toile de roue, bogie arrière du 61e wagon (CN 624072)
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    Éraflures sur la toile de roue, bogie arrière du 61e wagon

    Le 62e wagon (DWC 627099) circulait avec le bout A en tête. Le wagon s'est immobilisé séparé des autres wagons. Le bogie arrière s'est retrouvé derrière le wagon du même côté (nord) de la voie. Les composants du bogie s'étaient en grande partie désolidarisés; ses roues, ressorts et autres pièces étaient éparpillés sur les lieux du déraillement. La face extérieure de la table de roulement de la roue R-1 portait des marques (photo 4).

    Photo 4. Roue R-1 du 62e wagon (DWC 627099)
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    Roue R-1 du 62e wagon
    Photo 5. Dessous du 62e wagon, bout B, présentant des marques sur le pivot de caisse et des marques irrégulières de contacts en surface sur le glissoir de caisse (bout BL)
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    Dessous du 62e wagon, bout B, présentant des marques sur le pivot de caisse et des marques irrégulières de contacts en surface sur le glissoir de caisse (bout BL)

    Une importante strie marquait le pivot de caisse à l'extrémité arrière du wagon (bout B). Les stries s'étendaient du trou de la cheville ouvrière, vers l'extrémité du wagon, et légèrement vers le sud (photo 5). Des marques irrégulières de contact ont également été observées sur le glissoir de caisse au même bout, du côté gauche (bout BL). Le corps de l'attelage à l'extrémité arrière était rompu à l'horizontale du côté nord de l'ouverture. Aucun signe n'indiquait la présence d'une importante torsion du bras d'attelage à ce bout.

    Des éraflures ont été observées sous le longeron de bogie, au bout B du 62e wagon (photo 6 et photo 7).

    Photo 6. Éraflures sous le longeron d'un bogie du bout B du 62e wagon
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    Éraflures sous le longeron d'un bogie du bout B du 62e wagon
    Photo 7. Gros plan du dessous du longeron de bogie du 62e wagon
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    Gros plan du dessous du longeron de bogie du 62e wagon

    La mâchoire d'attelage de tête du 63e wagon (CNA 623013) a été rompue. Le montant de plaque de garde du longeron de bogie du 65e wagon (AOK 27626) était pliéNote de bas de page 2 à l'emplacement L-3. Par ailleurs, d'importants dommages ont été observés sur un montant de plaque de garde du bogie du bout B.

    Une fois l’autorisation reçue pour poursuivre le voyage avec les wagons intacts à l’avant du train, le train a repris sa route vers l’ouest. Un détecteur de défauts de roue (DDR) situé à Clarke (Ontario) (dans la subdivision de Kingston), a enregistré une valeur élevée sur le rail sud au passage d’un essieu du 60e wagon (CRLE 19431), lequel avait été le wagon qui se trouvait immédiatement devant ceux qui ont déraillé. Avant le déraillement, ce wagon avait été inspecté par le DDR d’Alward (Nouveau-Brunswick). Entre Saint-Basile et Toronto, le wagon a été inspecté à 3 autres emplacements de DDR. Les mesures des DDR des 4 emplacements figurent au tableau 2.

    Tableau 2. Mesures des détecteurs de défauts de roue (DDR) du wagon CRLE 19431 entre Moncton et Toronto
    Emplacement du détecteur Date et heure Mesure réelle du DDR (kips) Mesure pondérée par le CN selon la vitesse (kips) Vitesse du train au site
    Alward (NB) 17 avr. 2015 – 9 h 58 69,8 75,3 37,3 m/h
    Déraillement 17 avr. 2015 – 14 h 50
    Bagot (QC) 18 avr. 2015 – 17 h 16 84,3 84,3 53,8 m/h
    Cedars (QC) 18 avr. 2015 – 21 h 48 72,2 79,4 33,9 m/h
    Clarke (ON) 19 avr. 2015 – 3 h 38 91,9 91,9 53,7 mi/h

    1.4 Conditions météorologiques

    Au moment de l'événement, le ciel était nuageux et la température était de 17 °C. Les stations météo locales avaient enregistré un taux d'humidité de 28 %, avec des vents d'ouest à 19 km/h (avec des rafales allant jusqu'à 29 km/h).

    1.5 Renseignements sur la subdivision

    La subdivision de Napadogan est formée d'une voie principale simple qui s'étend de Pacific Junction près de Moncton (point milliaire 0,0) à Edmundston (Nouveau-Brunswick) (point milliaire 219,40). Les mouvements de train sont régis par le système de commande centralisée de la circulation, selon le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire en poste à Montréal (Québec). La voie appartient à la catégorie 4, selon le Règlement concernant la sécurité de la voie, connu aussi sous le nom de Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), approuvé par Transports Canada (TC)Note de bas de page 3. Entre les points milliaires 209,8 et 219,4, la vitesse de zone était de 50 mi/h pour les trains de marchandises. Le trafic moyen annuel de la subdivision était de 18 200 000 tonnes brutes.

    1.6 Renseignements sur la voie

    Dans les environs du déraillement, la voie se composait de longs rails soudés de 136 livres de profil RE posés sur des selles à double épaulement de 14 pouces fixées à l'aide de 4 crampons. Le rail était encadré d'anticheminants à raison de 1 traverse sur 2. La voie comptait environ 3200 traverses en bois dur par mille. Entre les points milliaires 212 et 213, la voie comptait environ 1050 nouvelles traverses numéro 1 qui avaient été installées en octobre 2014. Le ballast était constitué de pierres concassées, et les cases étaient garnies.

    Dans le sens du déplacement, le train négociait une courbe de 3 degrés vers la droite sur une pente maximale de 0,3 %. La courbe présentait les caractéristiques suivantes (tableau 3).

    Tableau 3. Caractéristiques de la courbe
    Caractéristiques Valeur
    Longueur 1386 pieds
    Courbure maximale 3,11 degrés au point milliaire 212,825
    Dévers minimal 2,68 pouces au point milliaire 212,826

    Le rail du côté nord (bas) de la courbe était de modèle HH VT Nippon, fabriqué en décembre 2007. Ce rail présentait une usure minimale. Le rail du côté sud (haut) de la courbe était de modèle RE Sydney, fabriqué en janvier 1992. Sur le rail sud, l'usure totale maximale du rail (c'est-à-dire l'usure verticale et l'usure latérale) était de 1 9/32 pouces (33 mm). Avant le déraillement, il était prévu de remplacer le rail sud à l'été 2015.

    Au CN, les limites d'usure des rails de 136 livres ont été établies comme suit : une usure verticale maximale de 7/8 pouce (23 mm), une usure latérale maximale de 5/8 pouce (16 mm), ou une usure totale maximale de 1 ¼ pouces (31 mm). Le tableau 4 montre l'usure totale du rail sud (près du point milliaire 212,82) enregistrée au cours des 4 dernières évaluations effectuées à l'aide de l'engin TEST.

    Tableau 4. Usure du rail (rail sud près du point milliaire 212,82), mesurée au cours des évaluations de la voie avec l'engin TEST des Chemins de fer nationaux du Canada entre mai 2014 et avril 2015
    Date Usure totale du rail, rail sud (mm) Longueur de l'usure (pieds)
    Avril 2015 33 654
    Octobre 2014 31 525
    Août 2014 30 324
    Mai 2014 29 Sporadique

    Les mesures de l'engin TEST peuvent surestimer l'usure réelle des rails, et les résultats doivent être validés sur le terrain. Après l'inspection d'avril 2015 avec l'engin TEST, les mesures prises sur le terrain par le CN sur les lieux du déraillement indiquaient une usure totale du rail d'au plus 29 mm.

    1.7 Inspections de la voie

    Le programme d'inspection des voies ferrées consiste principalement en des inspections visuelles, des inspections de détection des défauts de rail, des inspections de la géométrie de la voie, et des inspections spéciales effectuées dans des conditions météorologiques difficiles.

    1.7.1 Inspections visuelles

    Le RSV prescrit des exigences minimales sur la fréquence et les méthodes employées lors d'une inspection de la voie pour repérer les écarts. Pour une voie de catégorie 4, la fréquence minimale des inspections visuelles est de 2 fois par semaine, peu importe le tonnage annuel transporté. Le CN a effectué sa dernière inspection visuelle de la voie entre les points milliaires 210 et 214 le 16 avril 2015, sans constater de défauts. TC avait effectué sa dernière inspection de la voie dans les environs du déraillement le 11 décembre 2014, sans constater de non-conformité aux exigences du RSV.

    1.7.2 Inspections de l'état géométrique de la voie

    1.7.2.1 Inspections par engin TEST des Chemins de fer nationaux du Canada

    Les inspections de l'état géométrique de la voie sont des inspections automatisées à l'aide de véhicules équipés pour mesurer et évaluer la géométrie de la voie sous charge. La fréquence minimale de ces inspections est indiquée dans le RSV; pour les voies de catégorie 4 supportant un tonnage annuel de 15 à 35 millions de tonnes brutes, la fréquence minimale d'inspection avec un « véhicule lourd de contrôle de l'état géométriqueNote de bas de page 4 » ou avec un engin TEST est de 2 fois par année.

    Entre le 7 mai 2014 et le 15 avril 2015, le CN a mené 4 inspections de la géométrie de la voie dans la subdivision de Napadogan, à l'aide d'un de ses engins TEST. Au cours de ces inspections, les mesures étaient basées sur les forces dynamiques générées pendant que l'engin TEST se déplaçait à la vitesse en voie. La figure 3 illustre les données enregistrées entre les points milliaires 212,8 et 212,9 lors de l'inspection du 15 avril 2015.

    Figure 3. Mesures de l'engin TEST prises le 15 avril 2015 entre les points milliaires 212,8 et 212,9 (Source : engin TEST des Chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
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    Mesures de l’engin TEST prises le 15 avril 2015
    1.7.2.2 Écartement des rails et conditions de la surface

    Lors de l'inspection du 15 avril, l'engin TEST a détecté plusieurs défauts dans la courbe où s'est produit le déraillement (tableau 5), y compris 1 défaut de surécartement nécessitant une intervention quasi-urgenteNote de bas de page 5 et 2 défauts de surface nécessitant une intervention prioritaire au point milliaire 212,82.

    Tableau 5. Défauts consignés au rapport d'inspection de l'engin TEST des Chemins de fer nationaux du Canada pour la courbe où s'est produit le déraillement
    État de la voie Catégorie de défaut Longueur (pieds) Valeur maximale (pouces) Point milliaire
    Surécartement Intervention prioritaire 2 57 3/8 (0,853) 212,823
    Surécartement Intervention quasi-urgente 4 57 7/16 (0,924)  212,823
    Surécartement Intervention prioritaire 2 57 3/8 (0,868) 212,822
    Profil gauche Intervention prioritaire 8 -1,215 212,824
    Profil droit Intervention prioritaire 9 -1,431 212,824

    Sur les lieux du déraillement, les écartements suivants avaient été détectés au cours des 3  inspections précédentes effectuées avec l'engin TEST (tableau 6).

    Tableau 6. Écartements détectés au cours des inspections avec l'engin TEST des Chemins de fer nationaux du Canada entre mai 2014 et octobre 2014
    Date de l'inspection État de la voie Catégorie de défaut Longueur (pieds) Écartement (pouces) Point milliaire
    7 mai 2014 Surécartement Urgent – défaut répété* 10 57 11⁄16 212,824
    15 août 2014 Surécartement Urgent – défaut répété 11 57 9⁄16 212,828
    21 octobre 2014 Écartement Sans objet 0 57 3⁄16 212,826
    *   Les défauts répétés sont des défauts nécessitant une intervention quasi-urgente ou urgente qui n'ont pas été corrigés depuis l'inspection précédente avec l'engin TEST.

    En Amérique du Nord, l'écartement des rails standard est de 56 ½ pouces. Selon le RSV partie II, section C – Géométrie de la voie, l'écartement maximal pour une voie de catégorie 4 est de 57 ½ pouces. Pour les conditions de la surface de la voie, l'écart de la flèche, par rapport au profil uniforme sur une corde de 62 pieds ne peut être, sur l'un ou l'autre rail, supérieur à 2 pouces. Dans l'événement à l'étude, l'écartement dans la courbe où s‘est produit le déraillement avait été mesuré en 2014 après l'installation de nouvelles traverses. Une nouvelle inspection de la courbe effectuée avec l'engin TEST a fait état d'un écartement moyen d'environ 57 pouces, et de 57 3/16 pouces à un seul emplacement.

    Pour une voie de catégorie 4, les Normes de la voie – Ingénierie du CN (NVI) précisent que

    • un surécartement de 57 ¼ pouces est un défaut nécessitant une intervention prioritaire;
    • un surécartement de 57 ⅜ pouces est un défaut nécessitant une intervention quasi-urgente;
    • un surécartement de 57 ½ pouces est un défaut nécessitant une intervention urgente;
    • les tolérances de surface du rail sont de 2 pouces pour les défauts de surface nécessitant une intervention urgente et de 1 pouce pour les défauts de surface nécessitant une intervention prioritaire.

    Les instructions du CN précisent comment le personnel de la voie doit traiter les défauts nécessitant une intervention quasi-urgente ou prioritaire ou bien les défauts combinés nécessitant une intervention prioritaire, notamment :

    • Les défauts nécessitant une intervention quasi-urgente doivent être inspectés dans les 72 heures, et des mesures correctives doivent être prises dans les 30 jours.
    • Il faut surveiller les défauts nécessitant une intervention prioritaire jusqu'à ce qu'ils soient réparés, de façon qu'ils ne deviennent pas des défauts nécessitant une intervention urgente.

    En présence de défauts nécessitant une INTERVENTION PRIORITAIRE ou en présence de combinaisons de ces défauts, procéder comme suit :

    1. intervenir [...] sur les défauts combinés (ceux qui se trouvent à moins de 100 pi l'un de l'autre) dans l'ordre suivant :
      • défauts combinés détectés dans les courbes de raccordements;
      • défauts combinés détectés en pleine courbe;
      • défauts combinés au voisinage des points de modification du module de la voie (p. ex., près des ponts, des passages à niveau, des branchements, etc.).
    2. s'occuper de tous les autres défauts nécessitant une INTERVENTION PRIORITAIRENote de bas de page 6.
    1.7.2.3 Défauts combinés

    Dans le RSV, Partie I – Généralités, 3. Objet, l'article 3.2 stipule ce qui suit :

    Ces prescriptions s'appliquent à certaines anomalies de voie prises individuellement. En présence d'un ensemble de ces anomalies, dont aucune ne déroge individuellement aux présentes prescriptions, il faut parfois prendre des mesures correctives propres à assurer la sécurité de la circulation sur la voie considérée.

    La partie II, section C – Géométrie de la voie, l'article 8. Écarts combinés de tracé et de nivellement de la voie, stipule ce qui suit :

    Les chemins de fer doivent prévoir des mesures précises pour faire face à une combinaison de défauts de voie. Bien que la version actuelle du RSV impose des limites à des variations de la géométrie prises individuellement, il est reconnu qu'une combinaison d'écarts de tracé et de nivellement, dont aucun considéré individuellement ne constitue une entorse aux exigences du RSV, peut représenter un plus grand risque quand les défauts considérés sont proches les uns des autres.

    En plus de relever les défauts individuels de la voie, l'engin TEST du CN génère un rapport de défauts combinés (RDC). Ce rapport présente les combinaisons de défauts d'écartement, de tracé ou de surface nécessitant une intervention prioritaire à l'intérieur d'un segment de voie de 100 pieds. Toute combinaison de 2 de ces défauts est signalée dans le RDC. Dans le cas de l'inspection du 15 avril 2015, les défauts de surécartement nécessitant une intervention quasi-urgente et les défauts de surface nécessitant une intervention prioritaire détectés au point milliaire 212,82 ont été consignés au RDC.

    1.7.3 Dévers de la courbe

    La norme du CN pour le dévers des courbes MR-1305 prescrit notamment ce qui suit :

    • Le dévers maximal qui peut être mis en place dans une courbe doit être la moindre des valeurs suivantes : le dévers d'équilibre ou 5 pouces.
    • Le dévers minimal qui peut être mis en place dans une courbe doit être la plus élevée des valeurs suivantes pour les vitesses autorisées dans l'indicateur : ½ pouce, 2 pouces sous le dévers d'équilibre pour la vitesse des trains de marchandises, 3 pouces sous le dévers d'équilibre pour la vitesse des trains de voyageurs ou 6 pouces sous le dévers d'équilibre pour la vitesse des LRC (trains Léger-rapide-confortable). Le dévers peut se situer n'importe où dans cette fourchette.

    Selon ces normes, les considérations opérationnelles suivantes s'appliquent à la courbe dans l'événement à l'étude :

    • Le dévers minimal pour une vitesse de 50 mi/h dans une courbe de 3,11 degrés serait le dévers d'équilibre de 5,4 pouces moins 2 pouces, soit 3,4 pouces. Comme le dévers minimal était de 2,68 pouces, la vitesse d'équilibreNote de bas de page 7 était de 35 mi/h. Avec un dévers réel de 2,68 pouces et un dévers non équilibré de 2 pouces, la vitesse de conception était de 46,4 mi/h.
    • Pour une vitesse de 46 mi/h, le dévers d'équilibre dans une courbe de 3,11 degrés est de 4,6 pouces. À cette vitesse, le dévers minimal dans la courbe aurait été la plus grande des valeurs suivantes : 0,5 pouce, ou 4,6 pouces moins 2 pouces, soit 2,6 pouces.

    Les trains circulant plus vite que la vitesse d'équilibre  entraînent l'usure prématurée du rail haut.

    1.7.4 Forces latérales et verticales à l'interface roue-rail

    Les forces latérales et verticales se conjuguent à l'interface roue-rail. Le rapport entre les forces latérales et verticales (L/V) fournit une indication de la probabilité d'un déraillement. Le seuil classique du rapport L/V pour le renversement d'un rail (wagon chargé) est de 0,65. Si la force résultante agit au-delà du bord extérieur du patin de rail, un renversement du rail peut se produire (figure 4).

    Figure 4. Forces latérales et verticales qui s'exercent entre la roue et le rail (Source : Association of American Railroads)
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    Forces latérales et verticales qui s'exercent entre la roue et le rail

    1.7.5 Effet du contact de la roue sur la stabilité du rail

    La stabilité latérale d'un rail est liée à son rapport entre le patin et la hauteur du rail (b/h) (figure 5). Le rapport b/h représente la dimension latérale du côté extérieur du patin de rail par rapport à la hauteur de la surface de contactNote de bas de page 8. En conditions d'équilibre, juste avant que le rail commence à tourner et à se renverser, la force résultant des forces latérales et verticales agit sur le côté extérieur du patin de rail.

    Dans des conditions normales, la surface de contact roue-rail se trouve au congé de roulement intérieur du champignon du rail. Quand la charge de roue se déplace vers le côté extérieur, b diminue et le rapport b/h diminue. Le rapport b/h peut varier de plus de 0,6 pour un contact sur le côté intérieur, à environ 0,2 quand la surface de contact passe sur le bord extérieur du patin de rail (côté extérieur), comme indiqué pour la roue L-1 du 62e wagon (photo 8).

    Figure 5. Diagramme de stabilité du rail (source : TÜV Rheinland Rail Sciences, avec annotations du BST)
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    Diagramme de stabilité du rail
    Photo 8. Profil réel de la roue L-1 du 62e wagon comparé au contour du rail haut (sud). Remarque : La surface de contact roue-rail s'est déplacée vers le côté extérieur du rail.
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    Profil réel de la roue L-1 du 62e wagon comparé au contour du rail haut (sud)

    1.7.6 Situations ayant un effet sur les forces latérales et verticales dans les courbes

    Dans les courbes, les situations qui suivent ont un effet sur les forces latérales et verticales :

    • Quand il y a de l'usure sur la face intérieure du rail haut, il peut se produire un contact en 2 points entre la roue et le rail au passage du boudin dans la courbe. La charge de roue qui est déplacée vers le côté extérieur du rail réduit la stabilité latérale du rail, ce qui abaisse le seuil du rapport L/V pour une rotation ou un renversement du rail.
    • Les boudins de roue, les forces centrifuges et les forces de frottement produites par les ensembles de bogies à leur passage dans les courbes exercent une force latérale sur le rail haut. Les forces générées par le train (forces de compression et efforts de traction) peuvent elles aussi exercer une force latérale sur la voie.
    • Alors que les forces latérales tentent de faire basculer le rail, celui-ci est retenu par sa résistance à la torsion et par le poids reposant sur les roues adjacentes.
    • Le surhaussement du rail haut (c.-à-d. le dévers) compense la force centrifuge en déplaçant une certaine partie du poids du wagon vers le rail bas, ce qui réduit la force latérale (centrifuge) et la force verticale s'exerçant sur le rail haut.
    • Le graissage du côté intérieur du rail bas réduit les forces de frottement au passage dans la courbe qui peuvent provoquer un renversement du rail haut ou une chute de roue depuis le rail bas.
    • Pour qu'il y ait chute de roue entre les rails, il faut que la force latérale sur la voie augmente considérablement ou que la résistance latérale de la voie diminue de beaucoup.

    1.7.7 Inspections de détection des défauts de rail

    La fréquence minimale des inspections de détection des défauts de rail est prescrite par le RSV. Pour une voie de catégorie 4 dont le trafic annuel se situe entre 15-et 35  millions de tonnes brutes, ces inspections doivent être effectuées 2 fois par année, sans qu'il s'écoule plus de 225 jours entre les 2. Avant l'accident à l'étude, 6 inspections de détection des défauts de rail avaient été effectuées entre les points milliaires 210 et 214 entre le 1er janvier 2015 et le 20 avril 2015. Aucun défaut de rail n'a été détecté lors de ces inspections près du lieu du déraillement.

    1.7.8 Limites des auscultations des rails par ultrasons

    L'Association of American Railroads (AAR) a déterminé que les techniques d'auscultation par ultrasons actuelles n'arrivent pas à détecter certains défauts qui se trouvent sur le patin, de part et d'autre de l'âme, car ils se trouvent en dehors du champ de réflexion des ondes (figure 6).

    Figure 6. La zone grise désigne les parties du patin de rail qui échappent habituellement à l'auscultation des rails par ultrasons (Source : Transportation Technology Center, Inc.)
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    La zone grise désigne les parties du patin de rail qui échappent habituellement à l'auscultation des rails par ultrasons

    Un rapport préparé par le Transportation Technology Center, Inc. (TTCI) en 2014 pour la Metro-North RailroadNote de bas de page 9 indiquait que

    [traduction]

    L'auscultation aux ultrasons, bien que très précise, est imparfaite. Selon l'American Railway Engineering and Maintenance of Way Association (AREMA) : « Les dispositifs actuels ne peuvent réaliser une auscultation avec une précision à 100 pour centNote de bas de page 10. »

    Il est généralement admis au sein du secteur ferroviaire que l'auscultation aux ultrasons constitue la meilleure pratique actuelle. Alors que les ruptures de rail peuvent encore se produire, même sur les rails où les auscultations aux ultrasons sont effectuées très fréquemment, un programme régulier d'auscultation aux ultrasons contribue à minimiser l'occurrence de ruptures de rails en service et des interférences connexes. TTCI et d'autres intervenants mènent des recherches pour améliorer les techniques d'inspection dans le secteur ferroviaire. Ces techniques comprennent : un système de contrôle sans contact capable de tester le patin sur toute la longueur du rail; un système à ultrasons multiéléments pour la détection des défauts de rail.

    TTCI et d'autres intervenants mènent des recherches pour améliorer la détection des défauts de rail. L'objectif est de mettre au point des techniques d'auscultation aux ultrasons supérieures aux limites des méthodes d'auscultation aux ultrasons actuelles pour ausculter le patin sur toute la longueur du rail.

    1.7.9 Soudage des rails

    Les 2 procédés de soudage les plus utilisés pour assembler des rails sont le soudage aluminothermique et le soudage en bout par étincelage. Les soudures faites sur le terrain sont réalisées de plus en plus par soudage en bout par étincelage, car ce procédé engendre généralement moins de défauts. Au cours de ce procédé, la machine à souder aligne les rails, les presse bout à bout et fait passer un courant électrique pour les souder par forgeage. On cisaille ensuite le bourrelet qui se forme lorsque les rails sont pressés l'un contre l'autre, et on meule le champignon et le patin de rail. La géométrie de soudure est ensuite vérifiée à l'aide d'une règle et d'une jauge d'épaisseur.

    1.8 Inspection du matériel roulant

    Au triage Gordon du CN à Moncton, tous les wagons ont été soumis à une inspection de sécurité par des inspecteurs accrédités de matériel remorqué. Dans l'événement en cause, le train a fait l'objet d'un essai de freins à air no 1 et d'une inspection au défilé au moment du départ. En plus de l'inspection DDR à Alward (Nouveau-Brunswick), le train a été contrôlé par 13 systèmes de détection en voieNote de bas de page 11 situés à différents endroits après son départ de Moncton et avant l'accident. Aucune anomalie n'a été décelée au cours de ces inspections.

    1.9 Renseignements consignés

    1.9.1 Téléchargement des données des consignateurs d'événements de locomotive

    On a récupéré les consignateurs d'événements de locomotive (CEL) de la locomotive de tête (CN 2259) et de la LTR (CN 8954)Note de bas de page 12. Les annexes A et B résument les événements des 5 minutes qui ont précédé le déraillement.

    Selon les données du CEL, la LTR s'est immobilisée 6 secondes après le freinage d'urgence.

    1.9.2 Caméras vidéo orientées vers l'avant

    La locomotive de tête et la LTR étaient toutes 2 munies de caméras vidéo orientées vers l'avant. L'examen de la vidéo de la LTR (en liaison avec les données du CEL) a révélé ce qui suit (tableau 7) :

    Tableau 7. Événements observés dans la vidéo de la caméra orientée vers l'avant de la locomotive à traction répartie
    Heure Événement Description
    14 h 50 min 5 s Premier signe d'oscillation latérale Premier point dans la vidéo qui a montré un signe d'oscillation latérale du 65e wagon, situé devant la LTR (AOK 27626).
    La vitesse du train était de 46 mi/h.
    14 h 50 min 7 s Oscillation importante. Nuage de poussière aperçu en premier plan devant la LTR Alors que l'oscillation erratique du matériel roulant s'est accentuée, on pouvait voir un nuage de poussière en avant-plan, devant la LTR.
    La vitesse du train était de 46 mi/h.
    14 h 50 min 11 s Urgence audible Moment dans la vidéo où l'activation des freins d'urgence était audible.
    La vitesse du train était de 44 mi/h.
    14 h 50 min 17 s Matériel roulant immobilisé Le déplacement du matériel roulant a cessé.

    Lorsque la première oscillation latérale inhabituelle s'est produite, la LTR se trouvait près du point milliaire 212,75 et le deuxième wagon à dérailler se trouvait au point milliaire 212,82 (à l'endroit où l'écartement et les conditions d'usure verticale et latérale étaient présents, comme l'avait détecté l'inspection par l'engin TEST). La LTR s'est immobilisée à environ 600 pieds à l'ouest de l'emplacement où les oscillations latérales inhabituelles ont commencé (figure 7).

    Figure 7. Emplacement de la locomotive à traction répartie au premier signe d'oscillation dans la vidéo enregistrée par la caméra de bord de la locomotive (Source : Google Earth, Image © 2015 DigitalGlobe, avec annotations du BST)
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    Emplacement de la locomotive à traction répartie au premier signe d'oscillation dans la vidéo enregistrée par la caméra de bord de la locomotive

    1.10 Wagons-citernes

    Les 20 wagons-citernes contenant des résidus (et qui avaient récemment transporté du pétrole brut) qui ont déraillé étaient de catégorie 111. Dix-sept de ces wagons-citernes étaient construits en acier de ½ pouce d'épaisseur et munis de demi-boucliers protecteurs et de robinets de freins compatibles avec des freins pneumatiques à commande électronique. Les 3 autres wagons-citernes étaient munis d'une enveloppe extérieure et de boucliers protecteurs complets.

    La plupart des wagons-citernes qui ont déraillé ont été soumis à des forces importantes lors du déraillement, puis quand ils ont dévalé le remblai. De nombreuses bosselures et autres déformations attribuables à ces impacts ont été observées dans les coques et les têtes des citernes. La partie non protégée de la tête d'un des wagons-citernes à demi-bouclier protecteur a été perforée (photo 9). Il n'y a eu aucune fuite, car les wagons qui ont déraillé n'étaient pas chargésNote de bas de page 13.

    Photo 9. Perforation dans la partie supérieure non protégée de la tête
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    Perforation dans la partie supérieure non protégée de la tête

    1.11 Systèmes de contrôle du matériel roulant et de résistance de la voie

    Les compagnies de chemin de fer recueillent des renseignements à partir de divers instruments de détection en voie et à bord, comme les DDR, les systèmes de détection des paliers et des roues, et les systèmes d'inspection de la géométrie de la voie basés sur la performance. Les données de ces systèmes de contrôle permettent aux compagnies de chemin de fer d'optimiser leurs activités tout en améliorant la sécurité (p. ex., en réduisant la dynamique de véhicule/voie et l'état de contrainte des voies ferrées).

    Les systèmes de mesure de l'écartement des voies sous charge (GRMS) sont des instruments de pointe. Un GRMS sert à déterminer la capacité de la voie à ne pas s'écarter en induisant une combinaison de forces latérales et verticales sur les rails. Ces systèmes évaluent la capacité de la structure de la voie à résister aux forces génératrices d'écartement, y compris l'évaluation de la condition des traverses intermédiaires et du rendement des fixations de traverses.

    Les détecteurs de performance des bogies et les détecteurs de mouvement de galop des bogies sont des dispositifs en voie pouvant détecter des bogies ayant une performance médiocre dans les courbes. Ces systèmes évaluent la performance en courbe du bogie en mesurant différents paramètres tels que les forces latérales et verticales, l'angle d'attaque de l'essieu, les charges par essieu, et les charges par bogie.

    En 2015, le CN a muni l'un de ses engins TEST d'un GRMS déployable. Le GRMS et les détecteurs de performance des bogies ne sont pas encore utilisés à grande échelle.

    1.12 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST renferme les enjeux qui font courir les plus grands risques au système de transport du Canada. Le BST publie cette liste pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une intervention immédiate.

    En 2014, le transport de liquides inflammables par rail a été ajouté à la Liste de surveillance du BST. À la lumière d'autres enquêtes, recommandations et communications de sécurité, l'augmentation du transport de liquides inflammables (comme le pétrole brut) par rail à la grandeur de l'Amérique du Nord a fait apparaître des risques qu'il convient d'atténuer par des mesures efficaces. Le BST a souligné que les compagnies ferroviaires doivent procéder à une planification et à une analyse de leurs itinéraires, et effectuer des évaluations des risques pour s'assurer que les mesures de contrôle des risques sont efficaces. Le BST a également réitéré que les liquides inflammables doivent être transportés dans des wagons-citernes plus robustesNote de bas de page 14 afin de réduire la probabilité de déversement de marchandises dangereuses en cas d'accident.

    1.13 Examen des composants par le laboratoire du BST

    Le laboratoire du BST à Ottawa (Ontario) a reçu 9 morceaux de rail brisé (y compris une soudure trouvée près du point milliaire 212,84) et 2 essieux montés présentant des marques d'impactNote de bas de page 15.

    En outre, l'essieu monté arrière du 60e wagon (CRLE 19431), qui était le wagon qui se trouvait immédiatement devant les wagons qui ont déraillé pour lequel le DDR a indiqué une lecture élevée (alors qu'il se dirigeait vers Toronto), a également été envoyé au laboratoire du BST aux fins d'examen.

    L'examen du rail a permis de faire les constatations suivantes :

    • Les ruptures des morceaux de rail correspondaient à une rupture soudaine par contraintes excessives.
    • La surface de rupture du morceau de rail numéro 9 (photo 10) démontre qu'il s'était rompu à une soudure en bout par étincelage. Le morceau de rail présentait un dépôt de corrosion plus foncé et un bord arrondi au niveau du patin (photo 11), ce qui laisse supposer qu'il était partiellement fissuré depuis un certain temps.
    • L'orientation des chevrons et des crêtes sur la rupture du morceau de rail numéro 9 indique que la fissure avait pris naissance au niveau du patin de rail, puis qu'elle s'était propagée vers le haut dans l'âme et dans le champignon.
    • Le rail Sydney présentait une usure verticale et latérale importante (figure 8).
    Photo 10. Surface de rupture sur le morceau de rail numéro 9 montrant le sens de propagation de la fissure (en jaune) et les marques d'impact sur le champignon (en rouge)
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    Surface de rupture sur le morceau de rail numéro 9 montrant le sens de propagation de la fissure (en jaune) et les marques d'impact sur le champignon
    Figure 8. Comparaison du profil réel du rail sud avec son profil original, démontrant l'étendue de l'usure verticale et latérale
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    Comparaison du profil réel du rail sud avec son profil original, démontrant l'étendue de l'usure verticale et latérale

    L'examen des essieux montés a mené aux constatations suivantes :

    • les écailles observées sur l'essieu monté du wagon qui n'a pas déraillé (CRLE 19431) respectaient les limites admissibles de l'AAR;
    • des dommages attribuables à l'impact observés sur les essieux montés des wagons qui ont déraillé (DWC 627099, voir photo 12, et AOK 27626) semblaient récents. Ces dommages sont probablement survenus lors du déraillement.
    Photo 11. Bord arrondi au niveau du patin du morceau de rail numéro 9 (flèches)
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    Bord arrondi au niveau du patin du morceau de rail numéro 9 (flèches)
    Photo 12. Vue des dommages mécaniques sur la roue du wagon DWC 627099
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    Vue des dommages mécaniques sur la roue du wagon DWC 627099

    1.13.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP099/2015 – Examination of Broken Rails [Examen des rails brisés]
    • LP101/2015 – Examination of Railway Wheels [Examen de roues de train]

    2.0 Analyse

    Les manœuvres de l'équipe de train étaient conformes aux pratiques de conduite sécuritaires des trains et n'ont pas été considérées comme ayant été des facteurs contributifs au déraillement. L'analyse portera sur les conditions de la voie dans les environs de l'accident et sur l'état des wagons qui ont déraillé devant la locomotive à traction répartie (LTR).

    2.1 Le déraillement

    Selon les données des caméras vidéo de bord et du consignateur d'événements de locomotive (CEL), on a conclu que la LTR se trouvait au point milliaire 212,75 au début des premières oscillations latérales inhabituelles. On a établi que le point milliaire 212,82 était le point de déraillement (PDD), où la combinaison de l'écartement et des conditions de surface des rails avait été détectée au cours des inspections par l'engin TEST. Les 2 caméras vidéo orientées vers l'avant ont fourni de précieuses données objectives permettant aux enquêteurs de mieux comprendre la séquence des événements qui ont mené à l'accident et qui se sont déroulés pendant le déraillement. 

    Les 61e et 62e wagons se trouvaient au point milliaire 212,82 lorsque le nuage de poussière est apparu sur la vidéo de la caméra orientée vers l'avant; ils ont été les premiers wagons à dérailler. Quoique l'extrémité arrière du 61e wagon ait présenté des éraflures sur les toiles de roue à cause du contact avec le ballast de la voie, la présence de dommages sur l'attelage indique que le 61e  wagon avait été tiré par le 62e wagon qui avait été le premier à se renverser vers le nord.

    Les marques sur la caisse du 62e wagon indiquaient qu'il se déplaçait en direction nord-ouest par rapport à son bogie arrière. Des marques correspondantes ont été observées sur le bogie dans le sens du mouvement. Les marques de frottement sur la face extérieure de la table de roulement de la roue R-1 du 62e wagon indiquent que la roue avait quitté le rail pour se retrouver à l'intérieur de la voie, et qu'elle avait roulé contre le rail nord. Ces marques ont été comparées aux éraflures observées sur le bas du longeron de bogie du wagon, qui ont été faites lorsque la roue a quitté le rail. Le matériel roulant déraillé a continué à se déplacer jusqu'à ce qu'il croise la soudure partiellement rompue près du point milliaire 212,84. À ce moment-là, le rail s'est rompu soudainement en raison des contraintes de traction élevées.

    Bien que le train circulait à 44 mi/h lorsque le freinage d'urgence s'est produit, il a roulé sur environ 150 pieds avant de s'immobiliser. Pour qu'un train lourd s'arrête aussi rapidement à cette vitesse, il faut que le matériel roulant déraillé ait rencontré une grande résistance. Une telle résistance se serait produite lorsque le bogie arrière du 62e wagon a heurté l'extrémité exposée du rail nord rompu, ce qui a entraîné la séparation du bogie et du wagon. C'est ce qui aurait causé la destruction de la structure de la voie au-delà de ce point. Le matériel roulant déraillé se serait ensuite renversé, ce qui aurait abrégé le temps et la distance d'arrêt.

    2.2 Contributions de l'état de la voie

    Le rail haut dans la courbe où s'est produit le déraillement présentait une importante usure latérale. Cette usure aurait entraîné une interface roue-rail avec plusieurs points de contact. Le déplacement du contact roue-rail vers le côté extérieur du rail a diminué la stabilité latérale du rail haut. Les conditions de géométrie de la voie ont également contribué à exacerber l'instabilité du rail. La vitesse d'équilibre pour la courbe était de 38 mi/h, et d'aussi peu que 35 mi/h à la hauteur du PDD. Cependant, la vitesse en voie autorisée dans cette courbe était de 50 mi/h. La légère insuffisance du dévers de la courbe a augmenté la force latérale sur le rail haut des trains circulant à la vitesse autorisée.

    Les rails à proximité du lieu du déraillement présentaient des écarts de tracé et une inclinaison vers l'extérieur du rail haut. La plus récente inspection effectuée par l'engin TEST avait démontré que l'écartement avait atteint des niveaux nécessitant une intervention quasi-urgente et qu'il y avait des défauts de surface nécessitant une intervention prioritaire. Ces conditions avaient également été détectées lors d'inspections précédentes effectuées avec l'engin TEST. Malgré le fait que ces conditions s'étaient reproduites depuis un certain temps, aucune mesure corrective immédiate n'avait été prise, et aucune mesure n'était exigée ni aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) ni par les instructions de la compagnie.

    Le programme de remplacement des traverses en octobre 2014 avait amélioré la fixation des rails. Toutefois, le programme visait le remplacement de moins d'un tiers de l'ensemble des traverses, qui étaient fixées à l'aide de crampons standards. Bien que l'écartement ait été amélioré, l'emplacement du rail sud usé a fait en sorte que l'écartement était encore d'environ 57 pouces. Quoique l'écartement se trouvait dans les limites permises, les lectures suivantes de l'engin TEST étaient proches de la limite de maintenance des Chemins de fer nationaux du Canada (CN) de 57 ¼ pouces pour les surécartements nécessitant une intervention prioritaire. L'étendue de l'usure latérale des rails a essentiellement réduit le coefficient de sécurité de la voie la protégeant contre les forces génératrices d'écartement. Si l'écartement des rails est proche des tolérances de maintenance, le coefficient de sécurité pour protéger la voie contre les forces d'écartement incrémentielles est réduit, ce qui augmente le risque de déraillement.

    2.3 Contribution de l'état du matériel

    Outre les conditions de la voie, l'enquête a examiné l'état des wagons qui se trouvaient devant la LTR pour déterminer quel rôle, le cas échéant, ils pourraient avoir joué dans le déroulement de l'accident. Les marques irrégulières observées sur les glissoirs de caisse des 2 premiers wagons qui ont déraillé (les 61e et 62e wagons) laissent penser que le contact entre le bogie et les traverses pivots était inégal. Bien que l'observation de la condition d'un glissoir de caisse ne constitue pas une indication fiable du niveau de contact subi, un contact inégal peut augmenter la rigidité rotationnelle du bogie, contribuant ainsi à des forces latérales supérieures s'exerçant sur la voie.

    Les conditions de la voie et le dévers insuffisant de la courbe (pour équilibrer la vitesse des trains) ont donné lieu à des forces latérales plus élevées sur le rail haut. Des forces latérales supérieures à la normale peuvent perturber une voie, en particulier au niveau des défauts de géométrie existants. La force latérale supérieure, jumelée à la stabilité latérale réduite du rail haut, a entraîné le déraillement du train dans la courbe. On ne peut cependant pas déterminer dans quelle mesure un contact inégal du glissoir de caisse peut avoir contribué à la force latérale sur le rail haut dans la courbe.

    2.4 Identification des conditions combinées de la voie

    Lors de l'inspection des voies, l'inspecteur de la voie doit pouvoir détecter et mesurer l'état de la voie et comparer les données à une limite critique spécifiée. Le RSV spécifie que l'ensemble des conditions de la voie peut nécessiter des mesures correctives afin d'assurer une circulation sécuritaire sur la voie. Toutefois, le RSV ne prévoit pas de limites critiques spécifiques à l'égard de combinaisons dangereuses des conditions de la voie. Par exemple, il n'y a aucune consigne sur la distance entre des défauts adjacents qui permettrait d'établir une condition combinée de la voie. Il n'y a pas non plus de consigne sur la façon de procéder si les défauts se trouvent au même endroit.

    Les normes du CN mentionnent que certaines combinaisons de conditions dans des courbes et dans des courbes de raccordement nécessitent une attention particulière. Toutefois, ces normes ne stipulent pas plus de limites critiques spécifiques en matière de combinaisons de conditions de rail (par exemple, pour les défauts nécessitant une intervention quasi-urgente ou prioritaire). En outre, bien que le CN ait fourni à ses inspecteurs de voie des rapports d'usure des rails, les emplacements où l'usure de rail dépassait les limites maximales n'étaient pas spécifiquement identifiés dans le rapport de défauts combinés.

    Étant donné que les critères n'ont pas de norme quantifiable permettant d'approuver ou de rejeter une condition, les inspecteurs ne peuvent pas évaluer de façon cohérente et précise des combinaisons de conditions de la voie et ne peuvent donc pas prendre les mesures de sécurité qui s'imposent. Les combinaisons comprenant seulement des défauts nécessitant une intervention prioritaire sont également problématiques, car les critères ne prescrivent aucun délai pour la prise de mesures correctives. En outre, l'inspection prévue pour les défauts nécessitant une intervention prioritaire ou quasi-urgente est souvent une inspection visuelle, qui peut avoir des limites. L'inspection visuelle peut fournir des indicateurs d'écart potentiel de la mesure sous une charge. Cependant, au cours d'une inspection visuelle, il peut être difficile d'évaluer avec précision les conditions réelles de la voie sous une charge, détectées par l'engin TEST.

    Des critères clairs sur les combinaisons dangereuses de conditions, ainsi que des mesures correctives à appliquer contribueraient à améliorer l'identification et le traitement de telles conditions de la voie par les employés ferroviaires. En l'absence de critère précis pour déterminer les combinaisons de conditions qui compromettre la sécurité de la circulation des trains, il y a un risque accru que des combinaisons dangereuses de conditions de la voie passent inaperçues ou qu'elles ne soient pas corrigées au cours des inspections de la voie.

    2.5 Systèmes de contrôle des compagnies de chemin de fer

    Les compagnies de chemin de fer complètent leur programme d'inspection des voiesNote de bas de page 16 avec divers instruments. Les systèmes de détection en voie (détecteurs de défauts de roue [DDR] et systèmes de détection des paliers et des roues) ainsi que les dispositifs de bord (systèmes d'inspection de la géométrie de la voie basés sur la performance) en sont quelques exemples. Ces systèmes permettent aux compagnies de chemin de fer d'optimiser leurs activités tout en améliorant la sécurité (p. ex., en réduisant la dynamique de véhicule/voie et l'état de contrainte des voies ferrées).

    D'autres technologies de contrôle des voies ferrées (sans être largement répandues) incluent les systèmes de mesure de l'écartement des voies sous charge (GRMS), les détecteurs de performance des bogies et les détecteurs de mouvement de galop des bogies. Les GRMS sont conçus pour repérer les endroits où la structure de la voie est sensible aux forces génératrices d'écartement.

    Les compagnies de chemin de fer pourraient améliorer davantage la sécurité en identifiant préventivement les voies qui peuvent être sensibles à l'écartement ou au renversement du rail (p. ex., en utilisant la technologie GRMS).

    2.6 Détection de défauts dans le patin de rail

    Au cours de la séquence du déraillement (autrement dit, en conséquence du déraillement), le rail s'est rompu au niveau d'une soudure en bout par étincelage du rail nord. La soudure située à proximité du point milliaire 212,84 présentait un dépôt de corrosion plus foncé et un bord arrondi au niveau du patin, ce qui indique qu'elle était partiellement fissurée depuis un certain temps. L'orientation des chevrons et des crêtes sur la rupture en surface indiquait que celle-ci avait pris naissance au niveau du patin de rail, puis qu'elle s'était propagée vers le haut dans l'âme et dans le champignon. Bien que la soudure ait été inspectée régulièrement par des techniques d'auscultation aux ultrasons, le défaut existant (la rupture partielle) était resté inaperçu, puisqu'il se trouvait dans le patin de rail, donc en dehors du champ réfléchissant des techniques actuelles d'auscultation aux ultrasons. Si un défaut existe dans le patin de rail, celui-ci risque alors de ne pas être détecté lors des inspections de détection des défauts de rail, ce qui augmente le risque de déraillement en raison d'une rupture du rail.

    2.7 Charges d'impact élevées des roues du CRLE 19431

    Avant le déraillement, aucune charge d'impact de roues supérieure aux seuils de sécurité n'avait été enregistrée pour le train. Toutefois, le déraillement est survenu immédiatement derrière un wagon (le CRLE 19431) dont une roue a été par la suite retirée à Toronto en raison de ses valeurs élevées d'impact de roue. Cette roue avait généré des valeurs élevées à tous les DDR entre Moncton et Toronto. Les valeurs élevées ont été enregistrées sur le rail sud, lequel, dans la courbe où s'est produit le déraillement, présentait une importante usure, modifiant le rapport entre le patin et la hauteur du rail (b/h) et contribuant ainsi à la réduction de la stabilité. La mesure selon laquelle de tels petits impacts de roue non critiques peuvent avoir contribué aux forces de passage en courbe du train sur le rail sud est inconnue, mais devait être minime.

    Comme la soudure rompue était située sur le rail nord, les charges d'impact élevées des roues du wagon CRLE 19431 sur le rail sud n'ont pas contribué à la rupture de la soudure.

    2.8 Protection de la tête des wagons-citernes contre les perforations au cours des déraillements

    La perforation dans la partie non protégée de la tête d'un wagon-citerne à demi-bouclier protecteur met en évidence l'avantage d'équiper les wagons-citernes transportant des marchandises dangereuses d'un bouclier protecteur complet. Si les wagons-citernes ne sont pas adéquatement protégés à l'aide de boucliers protecteurs complets, il y a un risque accru de perforation de la tête en cas de déraillement.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. En raison de l'importante usure latérale du rail haut, le point de contact roue-rail s'est déplacé vers le côté extérieur, ce qui a réduit la stabilité latérale du rail.
    2. Les conditions de la voie et le dévers insuffisant de la courbe (pour équilibrer la vitesse des trains) ont donné lieu à des forces latérales plus élevées sur le rail haut.
    3. La force latérale supérieure, jumelée à la stabilité latérale réduite du rail haut, a entraîné le déraillement du train dans la courbe.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si l'écartement des rails est proche des tolérances de maintenance, le coefficient de sécurité pour protéger la voie contre les forces d'écartement incrémentielles est réduit, ce qui augmente ainsi le risque de déraillement.
    2. En l'absence de critère précis pour déterminer les combinaisons de conditions qui peuvent compromettre la sécurité de la circulation des trains, il y a un risque accru que des combinaisons dangereuses de conditions de la voie passent inaperçues ou ne soient pas corrigées au cours des inspections de la voie.
    3. Si un défaut existe dans le patin de rail, celui-ci risque alors de ne pas être détecté lors des inspections de détection des défauts de rail, ce qui augmente le risque de déraillement en raison d'une rupture du rail.
    4. Si les wagons-citernes ne sont pas adéquatement protégés à l'aide de boucliers protecteurs complets, il y a un risque accru de perforation de la tête en cas de déraillement.

    3.3 Autres faits établis

    1. Les 2 caméras vidéo orientées vers l'avant ont fourni de précieuses données objectives permettant aux enquêteurs de mieux comprendre la séquence des événements qui ont mené à l'accident et qui se sont déroulés pendant le déraillement.
    2. Les compagnies de chemin de fer pourraient améliorer davantage la sécurité en identifiant préventivement les voies qui peuvent être sensibles à l'écartement ou au renversement du rail (p. ex., en utilisant la technologie de système de mesure de l'écartement des voies sous charge).
    3. Comme la soudure rompue était située sur le rail nord, les charges d'impact élevées des roues du wagon CRLE 19431 sur le rail sud n'ont pas contribué à la rupture de la soudure.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Chemins de fer nationaux du Canada

    En août 2015, les Chemins de fer nationaux du Canada (CN) a réduit l'usure totale maximale des rails de 136 livres de 1 ¼ pouces (31 mm) à 1 1/8 pouces (28 mm).

    Le CN a également ajouté un système de mesure de l'écartement des voies sous charge (GRMS) à l'un de ses engins TEST pour améliorer son évaluation de la résistance latérale de la structure de la voie. Le CN utilise les données enregistrées pour évaluer s'il serait utile d'accroître l'utilisation du GRMS.

    4.1.2 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    En février 2016, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a émis l'avis de sécurité ferroviaire  05/16 à l'intention de Transports Canada (TC) au sujet des combinaisons des conditions de la voie. L'avis mettait en évidence le peu de directives à la disposition du personnel d'entretien des voies lorsqu'ils font face à des conditions de défauts combinés. L'avis indiquait que des directives supplémentaires sur les combinaisons de conditions de la voie, les mesures correctives nécessaires et les délais pour les mettre en œuvre aideraient le personnel d'entretien des voies à assurer la sécurité des voies. L'avis indiquait également que TC pourrait vouloir examiner les directives fournies au personnel d'entretien des voies sur les défauts combinés, en particulier à l'égard des défauts nécessitant une intervention quasi-urgente, afin d'assurer la circulation des trains en toute sécurité.

    Le 30 mai 2016, TC a répondu en déclarant que les exigences du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) sont des exigences minimales de sécurité et que les compagnies de chemin de fer sont encouragées à adopter des exigences supplémentaires ou plus rigoureuses que celles prévues par le règlement.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Données du consignateur d'événements de la locomotive de tête CN 2259

    Date Heure Point milliaire Vitesse (mi/h) Pression de la conduite générale de la locomo-tive (livres par pouce carré) Pression de cylindre de frein (locomotive) (livres par pouce carré) Frein d'urgence Position du manipu-lateur Événement
    17 avril 2015 14 h 45 min 210,33 40 89 0 desserré 5 Début des données enregistrées
    17 avril 2015 14 h 45 min 1 s 210,34 40 89 0 desserré 6 Manipulateur au 6e cran
    17 avril 2015 14 h 45 min 15 s 210,50 40 89 0 desserré 7 Manipulateur au 7e cran
    17 avril 2015 14 h 45 min 33 s 210,70 40 89 0 desserré 8 Manipulateur au 8e cran
    17 avril 2015 14 h 48 min 16 s 212,60 43 89 0 desserré 8 Le dernier wagon passe la limitation de vitesse
    17 avril 2015 14 h 49 min 38 s 213,62 46 89 0 desserré 7 Manipulateur au 7e cran
    17 avril 2015 14 h 49 min 56 s 213,85 46 89 0 desserré 6 Manipulateur au 6e cran
    17 avril 2015 14 h 50 min 12 s 214,06 44 66 0 serré 6 Serrage du frein d'urgence
    17 avril 2015 14 h 50 min 55 s 214,36 0 0 16 serré ralenti Serrage du frein d'urgence

    Annexe B – Données du consignateur d'événements de la locomotive à traction répartie CN 8954

    Date Heure Point milliaire Vitesse (mi/h) Pression de la conduite générale de la locomo-tive (livres par pouce carré) Pression de cylindre de frein (locomotive) (livres par pouce carré) Frein d'urgence Position du manipu-lateur Événement
    17 avril 2015 14 h 45 min 209,16 40 89 0 desserré 5 Début des données enregistrées
    17 avril 2015 14 h 45 min 3 s 209,19 40 89 0 desserré 6 Manipulateur au 6e cran
    17 avril 2015 14 h 45 min 18 s 209,36 40 89 0 desserré 7 Manipulateur au 7e cran
    17 avril 2015 14 h 45 min 36 s 209,55 40 89 0 desserré 8 Manipulateur au 8e cran
    17 avril 2015 14 h 48 min 16 s 211,41 43 89 0 desserré 8 Le dernier wagon passe la limitation de vitesse
    17 avril 2015 14 h 49 min 41 s 212,46 46 89 0 desserré 7 Manipulateur au 7e cran
    17 avril 2015 14 h 49 min 58 s 212,68 46 89 0 desserré 6 Manipulateur au 6e cran
    17 avril 2015 14 h 50 min 11 s 212,84 44 66 0 serré 6 Serrage du frein d'urgence
    17 avril 2015 14 h 50 min 17 s 212,87 0 0 43 serré ralenti Serrage du frein d'urgence