Communication de signaux
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada recommande que le ministère des Transports, l'Association des chemins de fer du Canada et les autorités provinciales responsables de l'exploitation des trains révisent les spécifications de conception des systèmes informatisés et non informatisés de régulation de l'occupation de la voie qui sont en usage au Canada afin de s'assurer que la conception de tous les éléments de ces systèmes tient dûment compte de l'erreur humaine.
Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire
|
|
---|---|
Date à laquelle la recommandation a été émise |
|
Date de la dernière réponse |
Mars 2018
|
Date de la dernière évaluation |
Mars 2018
|
Évaluation de la réponse à la recommandation |
Attention en partie satisfaisante
|
État du dossier |
En veilleuse
|
Résumé de l’événement
Le 23 avril 1999 vers 12 h, heure avancée de l'Est, le train n° 74 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), qui roulait en direction est sur la voie principale nord de la subdivision Chatham du Canadien National (CN), à Thamesville (Ontario), est arrivé à la hauteur d'un aiguillage en position renversée, a traversé sur la voie principale sud et a déraillé au point milliaire 46,7. Après avoir déraillé, le train est entré en collision avec des wagons immobilisés sur une voie adjacente. Les trois wagons heurtés par le train étaient chargés de nitrate d'ammonium. Les quatre voitures et la locomotive du train de voyageurs ont déraillé ainsi que quatre des wagons immobilisés sur la voie adjacente. Les deux membres de l'équipe qui se trouvaient dans la cabine de commande de la locomotive ont été mortellement blessés. Soixante-dix-sept des 186 voyageurs et membres de l'équipe qui se trouvaient à bord ont reçu des traitements à l'hôpital. Quatre personnes ont été hospitalisées, souffrant de blessures graves. De nombreuses autres personnes ont reçu les premiers soins sur place. La voie principale a été détruite sur une distance d'environ 50 m, et la voie adjacente, sur une distance de 100 m. La locomotive a subi des dommages sans espoir de réparation et les deux premières voitures ont subi des dommages considérables.
L'enquête a permis de déterminer qu'en territoire contrôlé par régulation de l'occupation de la voie (ROV) à l'extérieur d'un block automatique (BA), les défenses existantes ne permettaient pas d'empêcher qu'un accident soit causé par des aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation. En outre, cet accident a remis en évidence des préoccupations dont le BST avait fait part antérieurement quant à la sécurité du système de contrôle par ROV. Le Bureau a déjà constaté qu'il n'est pas souhaitable de se fier excessivement au respect des procédures dans le fonctionnement de systèmes essentiels à la sécurité. Dans cette optique, le Bureau préconise l'élaboration de stratégies de sécurité faisant appel à plusieurs niveaux de défense afin d'accroître la tolérance d'erreur. Le Bureau croit que, si une seule erreur à l'intérieur d'un système essentiel à la sécurité peut causer le déraillement d'un train de voyageurs à grande vitesse, la tolérance d'erreur du système en question est inadéquate.
En vertu des conditions imposées dans l'injonction ministérielle du 14 novembre 2000 de Transports Canada, les trains de voyageurs circulant en territoire contrôlé par ROV à l'extérieur d'un BA qui approchent d'aiguillages de voie principale en direction de prise en pointe ne doivent plus supposer que les aiguillages sont orientés correctement. Il s'agit d'un changement fondamental de la philosophie d'exploitation dans les territoires de ce type. Ce changement et les limites de vitesse qui y sont associées visent à améliorer la sécurité en réduisant les risques que des trains de voyageurs soient détournés inopinément de leur route par des aiguillages de voie principale laissés en position renversée, alors qu'ils roulent à des vitesses supérieures à la vitesse de conception de ces aiguillages; on réduirait ainsi les risques auxquels les équipes des trains, les voyageurs et des collectivités comme Thamesville sont exposés. Bien qu'il soit impossible de quantifier les effets de ces mesures avant quelque temps, le Bureau s'attend à ce que ces initiatives aient un effet positif sur la sécurité.
Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport R99H0007 le 2 avril 2001.
Justification de la recommandation
La plupart du temps, le fait que des aiguillages de voie principale soient laissés en position renversée sans autorisation découle d'erreurs involontaires des employés des chemins de fer. Les mesures prises par le passé relatives aux aiguillages de voie principale laissés en position renversée sans autorisation ont porté surtout sur l'élimination des erreurs grâce à une amélioration de la conformité aux règles. Les limites de vitesse imposées dans l'injonction ministérielle de Transports Canada, bien qu'elles soient temporaires, indiquent qu'on reconnaît que des erreurs humaines sont inévitables lorsqu'il s'agit de manoeuvrer les aiguillages de voie principale. Le fait de reconnaître un certain degré d'erreur humaine est la première étape nécessaire en vue de comprendre les effets de ces erreurs sur des systèmes essentiels à la sécurité et de mettre au point des stratégies d'atténuation des risques. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports, l'Association des chemins de fer du Canada et les autorités provinciales responsables de l'exploitation des trains révisent les spécifications de conception des systèmes informatisés et non informatisés de régulation de l'occupation de la voie qui sont en usage au Canada afin de s'assurer que la conception de tous les éléments de ces systèmes tient dûment compte de l'erreur humaine.
Recommandation R01-02 du BST
Réponses et évaluations antérieures
Juillet 2001: Réponse de Transports Canada
Transports Canada souscrit à l'esprit de cette recommandation.
Des représentants du ministère et de l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) ont rencontré en mai 2001 des représentants du BST pour discuter de l'objet de la recommandation. De concert avec l'ACFC, Transports Canada a l'intention d'examiner les spécifications de conception des systèmes informatisés et non informatisés de ROV au Canada. Il propose d'élaborer, conjointement avec l'ACFC et avec le concours des chemins de fer, des syndicats et des autorités provinciales, un instrument, comme un questionnaire, que les chemins de fer pourront utiliser pour analyser les caractéristiques en question, compte tenu notamment des conséquences de l'erreur humaine sur leurs propres activités de ROV. Il est prévu que, si un chemin de fer constate, en effectuant cette auto-évaluation, qu'un système de protection est insuffisant, il prendra des mesures correctives pour améliorer les caractéristiques de conception de son système de ROV.
Transports Canada examinera l'auto-évaluation des chemins de fer et, en se fondant sur les résultats, prendra toute mesure qu'il jugera nécessaire.
Juillet 2001 : Évaluation du Bureau (intention satisfaisante)
Transports Canada a souscrit à l'esprit de la recommandation et prévu un mécanisme qui permettra aux compagnies ferroviaires d'analyser les caractéristiques de conception des systèmes. Même si le fait que les compagnies ferroviaires procèdent par « auto-analyse » peut entraîner un biais dans les mesures, la réponse de Transports Canada est évaluée comme dénotant une intention satisfaisante.
Février 2005 : Autre réponse de Transports Canada
Transports Canada a répondu après avoir terminé l'examen des caractéristiques de conception des systèmes informatisés et non informatisés de régulation de l'occupation de la voie des compagnies ferroviaires. L'étude comportait trois volets, le troisième consistant à élaborer un protocole qu'utiliserait chaque compagnie ferroviaire pour analyser ses propres faiblesses de conception des systèmes. L'examen n'a repéré aucune faiblesse de conception des systèmes dans les systèmes informatisés ou non informatisés de régulation de l'occupation de la voie (ROV) ou dans l'exploitation qui n'était pas déjà connue de l'industrie ferroviaire ou de Transports Canada. Transports Canada a accepté ce rapport comme étant final.
Décembre 2005 : Réévaluation du Bureau (attention en partie satisfaisante)
Transports Canada a terminé son examen des caractéristiques de conception des systèmes. Même si d'importantes lacunes ont été cernées dans la tolérance d'erreur, le ministère maintient qu'aucune faiblesse de conception n'a été révélée qui n'était pas déjà connue de l'industrie ferroviaire. S'il existe des faiblesses, qu'elles aient ou non été connues d'avance, la question est de savoir ce qui sera fait pour les pallier. L'industrie devrait donc être encouragée à prendre des mesures correctives pour améliorer les conditions.
Comme les caractéristiques de conception des systèmes ont été examinées ainsi que le BST l'avait recommandé, on estime qu'une attention en partie satisfaisante a été accordée à la lacune.
Janvier 2010 : Autre réponse de Transports Canada
Les questions de sécurité relatives au ROV n'ont pas été modifiées par suite de l'ébauche récente du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), même si Transports Canada, l'ACFC et l'industrie ont effectué un examen approfondi du REF. En outre, l'examen du ROV terminé en 2004 n'a pas permis de constater un niveau de sécurité inacceptable.
Septembre 2010 : Réévaluation du Bureau (attention en partie satisfaisante)
L'examen du ROV a été examiné et le REF a été révisé. Tandis que Transports Canada et l'industrie ont identifié des secteurs dans lesquels le système de ROV avait une conception sous-optimale, ils croient que ces secteurs ne créent pas de risque inacceptable. En tenant compte des résultats de cet examen, le Bureau estime toujours qu'une attention en partie satisfaisante a été accordée à la lacune.
Septembre 2010 : Suivi exercé par le BST
En tenant compte qu'aucune autre mesure n'est prévue et qu'une réévaluation ne donnera pas d'autres résultats, le Bureau n'effectuera pas de suivi de ce dossier.
Mai 2017 : Révision par le BST de l'état du dossier de la recommandation R01-02
Le Bureau a demandé que la recommandation R01-02 soit examinée pour déterminer si l'état du dossier de lacune est approprié. Après une évaluation initiale, il a été décidé que la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation R01-02 devait toujours être réévaluée.
Une demande de renseignements supplémentaires a été transmise à Transports Canada, dont la réponse donnera lieu à une réévaluation du dossier.
En conséquence, l'état de la recommandation R01-02 est changé à actif.
Réponse et évaluation les plus récentes
Mars 2018 : Réponse de Transports Canada à la recommandation R01-02
TC n'envisage pas d'examiner cette recommandation à l'heure actuelle.
Mars 2018 : Réévaluation par le BST de la réponse à la recommandation R01-02 (attention en partie satisfaisantem)
TC avait précédemment déclaré qu'une étude ROV (c.-à-d., un examen des spécifications de conception des systèmes informatisés et non informatisés de régulation de l'occupation de la voie qui sont en usage au Canada) avait été achevée en 2004. TC a également déclaré que cette étude de 2004 n'avait cerné aucune lacune de conception des systèmes non informatisés de régulation de l'occupation de la voie (ROV) qui n'était pas déjà connue. Ainsi, TC a accepté le rapport de cette étude comme étant final.
En septembre 2016, dans son rapport final présenté au Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire, le groupe de travail sur la commande des trains a indiqué que :
Au Canada, bon nombre de voies sont commandées par ROV. La majorité des milles de voie de ROV sont des voies simples sur des embranchements, mais certains tronçons de voie commandée par ROV accueillent des services voyageurs.
Depuis l'accident de 1999 à Thamesville, le BST a mené trois enquêtesNote de bas de page 1 sur des aiguillages qui ont été laissés en position renversée en territoire ROV. Durant la plus récente enquête (le déraillement d'un train de marchandises du CN causé par un aiguillage renversé près d'Acton Vale, au Québec [R16D0073] en 2016), on a déterminé que :
- La base de données du BST recense 45 événements survenus du 1er septembre 2007 au 31 août 2016 au cours desquels une équipe de train est arrivée à un aiguillage laissé en position renversée en territoire régi par les règles de la ROV sans qu'elle en ait été avisée. De 2007 à 2011, il y a eu 29 événements de ce genre comparativement à 16 de 2012 à 2016.
- Des trains de voyageurs étaient en cause dans 15 % (7) des 45 événements. Dans 3 de ces 7 événements, les trains n'ont pu s'arrêter avant d'atteindre l'aiguillage en position renversée.
- Des trains de marchandises étaient en cause dans 85 % (38) des 45 événements. Dans 16 de ces 38 événements, les trains n'ont pu s'arrêter avant d'atteindre l'aiguillage en position renversée.
Idéalement, la proportion des voies régies par la méthode de commande des trains en ROV continuera de diminuer à mesure que les compagnies de chemin de fer passeront à d'autres types de commande des trains. Voici certains des projets de mise à niveau de signalisation ferroviaire proposés et récemment achevés :
- Depuis 2012, VIA Rail a réalisé plusieurs projets de mise à niveau de la signalisation qui ont permis d'éliminer une partie du territoire non signalisé sur son réseau, y compris dans le corridor Ottawa‑Brockville. De plus, sur la subdivision Guelph (détenue par la Goderich-Exeter Railway), on a installé un système de contrôle centralisé de la circulation (CCC) entre la jonction Silver (Georgetown) et Pottersburg (London).
- Le CP a entrepris plusieurs projets de mise à niveau de la signalisation pour installer le CCC sur son réseau, y compris sur des tronçons de sa ligne principale nord en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta; sur sa route du charbon en Colombie-Britannique; et sur son corridor Moose Jaw‑Portal.
- Au CN, divers projets de mise à niveau de la signalisation comprenant l'installation du CCC ont été achevés récemment, y compris sur sa subdivision Vegreville (Alberta) et sa subdivision Joliette (Québec).
Il n'est pas souhaitable de se fier excessivement au respect des procédures dans le fonctionnement de systèmes essentiels à la sécurité (comme le ROV), car les gestes des humains ne sont pas toujours à l'épreuve des erreurs. Pour réduire le risque, le Bureau préconise la mise au point de stratégies de sécurité qui font appel à de multiples niveaux de défense. Le Bureau estime que TC et les compagnies ferroviaires doivent continuer d'examiner l'exploitation en ROV dans le cadre d'évaluations continues des risques, de vérifications et d'initiatives de gestion de la sécurité afin de cerner les mesures qui atténueront les risques résiduels lorsque des trains circulent en territoire ROV.
Comme TC n'envisage pas de poursuivre ses travaux relatifs à cette lacune de sécurité, le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une attention en partie satisfaisante.
État du dossier
Suivi exercé par le BST
Comme aucune autre mesure n'est prévue et qu'il est peu probable qu'une réévaluation continue mène à d'autres résultats, le BST ne demandera pas régulièrement à TC de lui fournir des mises à jour. Le présent dossier de lacune demeure en veilleuse. Toutefois, le BST continuera de surveiller cette lacune de sécurité dans le cadre de futures enquêtes qui mettent en cause le ROV.